Numéro 6 - Blida 2 university

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Numéro 6 - Blida 2 university
Université LOUNICI Ali - Blida 2
Faculté des Lettres et des Langues
Département de français
DIDACSTYLE
6
L’ÉVALUATION :
QUELS ENJEUX ET QUELLES PERSPECTIVES ?
ISSN : 1112-2080
ISBN : 2013-8009
Décembre 2014
Éditions de l’Université Lounici Ali – Blida 2
NUMÉRO COORDONNÉ PAR :
NASSIMA MOUSSAOUI
Prochains numéros de Didacstyle :
— Didacstyle n°7 :« La littérature africaine »
— Didacstyle n°8 : « L’interculturalité en classe de langues »
Comité scientifique
Amina BEKKAT (Professeur, Université de Blida 2) ; Malika KEBBAS
(Professeur, Université de Blida 2) ; Dalila BRAKNI (MC- HDR,
Université de Blida 2) ; Nacereddine BOUHACEIN (Professeur, Université
de Blida 2), Amar SASSI (Professeur, Université de Blida 2) ; AttikaYasmine ABBESKARA (Professeur, ENS d’Alger) ; Saliha AMOKRANE
(Professeur, Université d’Alger 2) ; Safia ASSELAHRAHAL (Professeur,
Université d’Alger 2) ; Hadj MÉLIANI (Professeur, Université de
Mostaganem) ; Marielle RISPAIL (Professeur, Université Jean Monnet – St
Etienne) ; Claude CORTIER (MC, Université de Lyon) ; Claude FINTZ
(Professeur, Université Stendhal-Grenoble 3).
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Monsieur Saîd BOUMAIZA – Recteur de l’université de Blida 2
Directrice de la revue et Responsable de la publication
Dalila BRAKNI – Doyenne de la faculté des Lettres et des Langues
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Houda AKMOUN (chargée de la post-graduation)
Comité de rédaction
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Ouardia ACI
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Secrétariat de rédaction
Djazia HABET
Abderrezak TRABELSI
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Université de Blida 2 – El Affroun – Blida.
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ÉDITIONS DE L’UNIVERSITÉ DE BLIDA 2
DIDACSTYLE
Politique éditoriale
La revue Didacstyle est une revue annuelle éditée en version papier qui se
veut diffuseur de recherches interdisciplinaires, menées au sein et en dehors
du département de français de la faculté des Lettres et des Langues de
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Didactique, sociolinguistique, sociodidactique, littérature…
C’est ainsi qu’en prolongement d’une démarche engagée depuis plusieurs
années (1998), Didacstyle publie des numéros thématiques qui font l’objet
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Dans le texte : (Nom, année : page)
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SOMMAIRE
Nassima MOUSSAOUI
Avant-Propos
Yasmine ADIB
Les critères docimologiques de l’évaluation
Samia AID
L’évaluation et l’approche par compétences dans l’enseignement/apprentissage des langues en
Algérie
Noureddine BAHLOUL
Pour une articulation méthodologique entre les pratiques évaluatives et l’appropriation du
savoir grammatical
Khadidja NAIMA BELDJERD
Évaluation des productions écrites et intégration des TICE — entre intérêts et obstacles —
Soraya BELKHITER
Quelle(s) évaluation(s) pour les futurs enseignants de français ?
Abdelnour BENAZZOUZ
Vers un élargissement du cadre d’analyse pour l’apprentissage des langues de scolarisation et
étrangère en Algérie : plaidoyer pour une (re) valorisation de la notion de représentation
(langagière) dans le processus d’évaluation
Djemâa BENSALEM & Samra BENSALEM
Approche par compétences et évaluation des acquis
Radhia CHERAK
L’évaluation dans le système éducatif algérien : renversement des buts et des moyens
Fatiha OUSSEUR
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit : quel transfert de
compétences et quelle place pour l’évaluation ?
Sihame KHERROUBI
L’évaluation dans le système éducatif algérien
Ghazala MERAZGA
Un esprit d’évaluation de l’écrit universitaire en FLE…le LMD, un dispositif à respecter.
Évaluer…le LMD, un nouveau dispositif !
Habiba BENAOUDA–ZEMOULI
L’enseignant- Chercheur : « correcteur » ou « évaluateur » ?
Naciba ZIANE
L’évaluation des compétences : quand la pédagogie du projet et l’approche par les compétences
modifient les fonctions de l’évaluation
Dalila MORSLY
Algérie : 50 ans de pratiques plurilingues
Moussa HADJ-MOUSSA
Les méthodes du Français Langue Étrangère (FLE) conviennent-elles à l’école algérienne ?
Amina AZZA–BEKKAT
La mémoire littéraire de la guerre d’Algérie dans la fiction algérienne francophone (Paris,
L’Harmattan, 2012)
10
16
38
50
64
76
100
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206
226
230
248
Avant–propos
AVANT–PROPOS
Le numéro 06 de la revue Didacstyle intitulé « L’évaluation :
quels enjeux et quelle perspectives ? » est consacré à
l’évaluation et aux pratiques évaluatives des enseignants. Les
différents articles dont est composé ce numéro portent sur trois
axes :
Axe /1 : l’évaluation dans le système LMD ;
Axe /2 : L’évaluation dans le système éducatif algérien ;
Axe / 3 : l’évaluation et l’approche par compétences.
Yasmine ADIB, dans son article intitulé « Les critères
docimologiques de l’évaluation », définit la docimologie et
aborde les critères de validité, de fidélité et d’objectivité. Elle ne
manque pas, en outre, de citer les critères parasites qui nuisent à
la fidélité, citons à titre d’exemples : l’effet d’ordre, de
contraste, de halo, de contamination. Après avoir donné les trois
formes de l’objectivité (l’objectivité de passation l’objectivité
de dépouillement ), l’auteure termine son article en convoquant
les différents niveaux d’objectifs et en montrant la relation
étroite qui existe entre la définition des finalités, buts, objectifs
généraux et objectifs pédagogiques (et spécifiques) et
l’évaluation.
Dans son article intitulé « L’évaluation et l’approche par
compétences dans l’enseignement/apprentissage des langues en
Algérie » Samia AID définit la compétence, en donne les
différentes caractéristiques et les différents types. L’auteure
aborde l’enseignement/ apprentissage dans une approche par
compétences, pour ce faire, elle convoque la notion de transfert
dans la mesure où celle-ci est liée à la situation
d’enseignement/apprentissage car l’apprenant n’opère un
transfert que lorsqu’il est en mesure d’établir des similitudes
entre les différentes situations. Samia AID donne les différents
types d’évaluation en vigueur dans une approche par
compétences (diagnostique-formative- sommative- formatrice).
10
Avant–propos
Dans sa contribution intitulée « Pour une articulation
méthodologique entre les pratiques évaluatives et
l’appropriation du savoir grammatical », Noureddine
BAHLOUL pose le problème épineux des pratiques évaluatives
et de leur impact sur la formation des apprenants. Ces dernières
participent –elles de « cet acte formatif » ? L’auteur investit le
terrain de la classe en vue d’y mesurer l’impact de l’évaluation,
il analyse des énoncés proposés aux apprenants en vue
d’interroger les niveaux purement linguistiques qui relèvent de
la systématicité de la langue et les niveaux sémantico –
discursifs qui revoient aux subtilités de la langue et renforcent
ce faisant la communicabilité des messages.
Khadidja-Naima BELDJERD, dans sa contribution intitulée
« Évaluation des productions écrites et intégration des TICE –
entre intérêts et obstacles », s’intéresse à l’activité de
production écrite, notamment aux pratiques évaluatives à travers
l’usage de l’outil informatique. Après avoir donné les deux
fonctions principales de l’évaluation (formative et sommative),
l’auteure aborde l’évaluation de la production écrite, elle cite, en
conséquence, les travaux du groupe EVA et les trois points de
vues retenus lors de l’évaluation de l’écrit (pragmatiquemorphosyntaxique et sémantique). L’auteure montre ensuite
comment s’effectue le passage de l’écriture à l’écrit numérique
en présentant les différentes fonctions du traitement de texte
(rédactionnelles- méta-scripturales et de mise en forme). Enfin,
elle rend compte d’une expérience menée dans le cadre d’une
recherche au cours de laquelle les apprenants ont rédigé grâce au
logiciel de traitement de texte « word ».
Soraya BELKHITER, dans son article intitulé « Quelle (s)
évaluation (s) pour les futurs enseignants de français » pose le
problème de la formation des enseignants. Elle présente les
résultats d’une enquête sur les difficultés que rencontrent les
enseignants débutants lors de l’exercice de leur métier. Ces
difficultés
relèvent
de
plusieurs
ordres
(didactiques/pédagogiques,
psychologiques
et
socioprofessionnels).
Elle
analyse
également
leurs
représentations quant aux différentes fonctions de l’évaluation.
11
Avant–propos
Elle propose enfin que la formation des enseignants soit moins
académique et plus ancrée dans la réalité du terrain.
Abdenour BENAZZOUZ se penche, quant à lui, sur les
représentations langagières des apprenants. Après un aperçu
théorique de la notion de représentation langagière, l’auteur
propose une approche permettant de cerner l’évaluation des
représentations linguistiques à deux niveaux (micro et macro)
autrement dit une évaluation individuelle et collective. Cette
évaluation se fera sous forme de tests qui cibleront trois
processus : la nomination, la catégorisation et l’appréciation).
L’auteur conclut son article en insistant sur « la prise en compte
de la représentation socio-langagière de l’apprenant dans son
parcours de langue et d’évaluation de la langue. »
BENSALEM Djemaa et BENSALEM Samra, dans leur
contribution intitulée « l’approche par compétence et
évaluation des acquis », présentent les nouveaux programmes,
inscrits dans une approche par les compétences, pour ce faire,
elles proposent des définition de la notion de compétence, elles
établissent , également, un parallèle entre l’approche par
objectifs et l’approche par compétence en insistant sur les
objectifs assignés à un enseignement/apprentissage inscrit dans
une approche par compétences. Les deux auteures ne manquent
pas d’insister sur les savoirs visés dans une telle approche
(savoir-agir en situation) et sur la nécessaire formation des
enseignants.
Dans sa contribution intitulée « L’évaluation dans le système
éducatif algérien : renversement des buts et des moyens »,
CHERAK Radhia présente la réforme, ses principes et ses
objectifs. Elle s’attarde sur les différents savoirs et insiste sur le
savoir –agir propre à un enseignement/apprentissage inscrit dans
une approche par compétences. La pédagogie du projet a
également été interpellée en tant que principe méthodologique.
L’auteure se penche également sur L’évaluation.
Si Ahmed KHARROUBI s’intéresse à l’évaluation dans le
système éducatif algérien. Il rend compte d’une expérience au
cours de laquelle une seule copie, une production écrite fut
12
Avant–propos
corrigée par trois enseignants. Il entreprend la même expérience
avec des enseignants de mathématiques, l’analyse des résultats
de cette expérience mettent en exergue les disparités aux
niveaux des pratiques évaluatives. L’auteur se penche également
sur la l’expression orale et montre que les critères d’évaluation
ne sont pas respectés. Il regrette, par ailleurs, l’absence de
continuité et de coordination entre les cycles scolaires et
l’université.
MERAZGA Ghazala, se penche sur l’évaluation de l’écrit
universitaire en FLE. Après un bref aperçu sur le système LMD
en Europe, elle évoque l’application de la réforme dans les
universités algériennes. Elle propose des orientations quant aux
pratiques évaluatives au sein de l’université (être en harmonie
avec son institution, être efficace, adopter un véritable
programme…) Elle aborde l’évaluation des écrits à l’université
et, ce faisant, elle propose comme référentiel d’évaluation la
grille EVA et les critères du CECR.
BENAOUDA Habiba s’interroge sur les pratiques
évaluatives des enseignants à l’université. Elle insiste sur
l’importance des critères et de la consigne lors de la réalisation
de la tâche et de son évaluation. Elle regrette l’absence de
coordination et de concertation entre les enseignants
universitaires lors de l’élaboration des sujets d’examen et
l’évaluation des travaux des étudiants. Pour étayer ses propos,
l’auteure analyse des sujets dans lesquels la consigne n’est pas
précisée, la tâche à réaliser est problématique dans la mesure où
les verbes utilisés sont des verbes mentalistes non des verbes
d’action.
Dans sa contribution intitulée, « L’évaluation des compétences :
quand la pédagogie du projet et l’approche par les compétences
modifient les problèmes de l’évaluation des compétences.
ZIANE Naciba aborde la notion de compétence en montrant les
réserves émises par Perrenoud quant à la définition
chomskyenne. L’auteure passe en revue les fonctions de
l’évaluation, elle ne manque également d’insister sur
l’implication de l’apprenant dans l’évaluation de ses travaux.
13
Avant–propos
Dans son article intitulé le « Rôle de la situation d’intégration
dans l’acquisition du langage écrit : quel transfert de
compétences et quelle place pour l’évaluation ? » OUSSEUR
Fatiha se penche sur un principe de l’approche par
compétences : la situation d’intégration. Après l’avoir définie
l’auteure s’attarde sur la situation d’intégration dans
l’enseignement/apprentissage et dans l’évaluation des écrits des
apprenants du cycle secondaire en Algérie. Elle rend compte
d’une expérience menée auprès d’enseignants et auprès
d’apprenants de 3°AS.
Dans la rubrique VARIA, Mme MORSLY Dalila rend
compte d’un colloque auquel elle a assisté et dont l’objectif
était d’examiner si et comment les évolutions politiques, sociales
et culturelles qui ont marqué le pays durant ce premier demisiècle de son indépendance avaient influé sur la distribution des
variétés d’arabe et de tamazight, sur les normes d’arabe
institutionnel (arabe dit standard, scolaire etc.) et de français,
sur le poids des langues et des variétés, les formes de contacts
entre langues et variétés.
Le colloque s’est tenu sous forme de séances plénières et
sous forme d’ateliers, les questions ont porté sur comment
décrire et analyser la complexité du paysage plurilingue de
l’Algérie.
Les travaux en ateliers ont été consacrés aux pratiques
linguistiques :
-
en contextes ordinaires et non formels,
en contextes institutionnels (universitaire et scolaire)
dans les médias,
dans les réseaux sociaux.
AZZA–BEKKAT Amina rend compte de la lecture de
l’ouvrage « La Mémoire littéraire de la guerre d’Algérie dans la
fiction algérienne francophone » de Désirée SCHYNS, auteure
et professeure en traduction en Belgique. Mme BEKKAT donne
le corpus d’étude de l’auteure, corpus constitué de textes de neuf
écrivains algériens ayant retracé dans leurs écrits les événements
14
Avant–propos
de la guerre d’Algérie et de la décennie noire appelée par
SCHYNS « la deuxième guerre d’Algérie ».
L’auteure se propose, dans les 9 chapitres constituant l’ouvrage,
d’explorer la guerre à travers l’évocation de la mémoire dans la
mesure où (selon les propos de Mme BEKKAT) « les œuvres
littéraires sont non seulement un réceptacle, un dépôt de traces
mémorielles mais elles sont aussi constitutives de mémoires »
La première partie de l’ouvrage évoque l’engagement de
certains écrivains, la mémoire officielle en Algérie (à travers la
récupération du roman de Mammeri « L’opium et le bâton », le
désenchantement, l’insatisfaction et l’échec de la révolution. La
deuxième partie est consacrée à la torture à travers des
témoignages d’Algériens ayant subi la tortures ou de français
ayant aidé des Algériens. La troisième partie évoque la décennie
noire que beaucoup d’écrivains rapprochent de la guerre
d’Algérie.
Moussa HADJ-MOUSSA s’interroge sur l’adéquation entre le
statut officiel de la langue française en Algérie et les besoins
réels des utilisateurs dans les établissements scolaires et dans la
vie sociale. Il aborde les caractéristiques de la méthodologique
du FLE, pour ce faire, il passe en revue les différentes
méthodologies. Il s’intéresse particulièrement à la prise en
charge de la dimension culturelle dans les situations
d’enseignement/apprentissage du FLE. Il interpelle, par ailleurs,
le statut de la langue française dans le système éducatif algérien.
L’auteur conclut son article en affirmant que le français est une
langue de scolarisation et de travail et par conséquent le statut
qui lui est affecté ne convient pas aux réalités et aux besoins de
la société algérienne.
Nassima MOUSSAOUI
15
Yasmine ADIB
Centre Universitaire de Tissemsilt
[email protected]
Les critères docimologiques de l’évaluation
Résumé
L’objectif de cet article est d’essayer de développer et d’étudier les
différents critères docimologiques de l’évaluation « la validité, la fidélité et
l’objectivité », pour expliquer les trois méthodes de la validité et les critères
parasites qui empêchent l’enseignant d’être fidèle ainsi que les trois formes
d’objectivité. Nous avons montré la relation qui existe entre l’objectif et
l’évaluation. Nous avons fini en donnant des définitions des concepts de
notation et de test.
‫الملخص‬
‫الغرض من هذا المقال هو محاولة لتطوير واستكشاف معايير التقييم الدوسي‬
‫ الموثوقية والموضوعية" لشرح األساليب الثالثة لمعايير الصالحية‬،‫مولوجي المختلفة "الصحة‬
‫واالسباب لتي تمنع المعلم ليكون صحيحا وموصوعيا وكذالك األشكال الثالثة الخاصة‬
‫ كما أنهينا المقال بإعطاء بعض‬.‫ لقد أظهرنا العالقة بين الهدف والتقييم‬.‫بالموضوعية‬
.‫التعريفات كالتنقيط واالختبار‬
Les critères docimologiques de l’évaluation
La docimologie
Ce terme est proposé par Piéron1, il combine deux mots
grecs : « dokimé » qui signifie « épreuve » et logo « science »,
la docimastique « dokimastikos » désigne l’étude des techniques
d’examens.
Cette discipline est née pour objectiver, sur des bases
scientifiques, les critères de l’évaluation scolaire pour élaborer
des techniques d’examen et le contrôle des résultats des élèves.
C’est la science de « l’évaluation en pédagogie ». Une des
caractéristiques de l’attitude docimologique est le recours à la
technique statistique comme support pour accorder la plus
grande objectivité aux examens.
C’est une science qui a pour objet tout ce qui est connexe à la
mesure et à l’évaluation dans le domaine éducatif. En 1922,
Henri Piéron introduit le terme de docimologie, il le définira en
1951 comme : L’étude systématique des examens (modes de
notation, variabilité interindividuelle et intra-individuelle des
examinateurs, facteurs subjectifs).
Il a comparé les moyennes des notes données par des jurys
parallèles du baccalauréat français. Les différences atteignaient
4 à 5 points sur 20, en mathématique et en physique. Avec son
collègue Laugier, ils comparaient les résultats obtenus par un
même groupe d’élèves aux tests et les résultats obtenus au
certificat d’études primaire du mois de juin 1922. Ils
constatèrent que le degré de correspondance entre les deux types
de résultats était très faible. Avec sa femme et Laugier, ils
posent les fondements de cette nouvelle discipline avec
« L’étude critique de la valeur sélective du certificat d’études et
la comparaison de cet examen avec une épreuve par tests. »1
En 1938, Laugier et Weinberg2 mènent une expérience en
distribuant des copies à corriger à des jurys parallèles, ils
trouvent différentes moyennes de 2 à 3 points en mathématique
1
H, PIERON. »Examens et docimologie », Paris, PUF, 1969.
H, LAUGIER. D, WEINBERG. « Recherche sur la solidarité et
l’interdépendance des aptitudes intellectuelles d’après les notes des examens
écrits du baccalauréat », Paris, CHantenay, 1938
2
17
Yasmine ADIB
et en physique, et de 4 points en français et en philosophie. Il y a
eu un écart de 13 points sur 20 entre deux examinateurs.
En docimologie, il s’agit d’exclure l’influence des variables
qui ne sont pas liées à ce qu’on veut mesurer (comportement de
l’enseignant, mauvaise formulation des consignes des devoirs)
et de rendre l’évaluation plus objective.
Bonniol1 propose le terme de « docinomie » pour nommer
l’aspect prescriptif éventuel de la docimologie. L’objet travaillé
est la fabrication des notes.
On étudie les examens pour identifier les biais, les effets
perturbateurs qui expliqueraient les variations entre les
notations. Il s’agit de trouver des lois qui rendraient compte des
problèmes de la fidélité des notes (aboutir au même résultat
quelque soit le nombre de passations ou de correcteurs), de la
validité des examens (n’évaluer que ce qui est affiché) et de la
sensibilité des outils d’évaluation (utiliser harmonieusement les
échelles de mesure).1
Pour qu’un test dénote d’un bon sens et convienne à
l’évaluation, il doit répondre aux exigences des critères
scientifiques suivants :
La validité
Un test n’est valide que lorsqu’il est adéquat et pertinent pour
l’enseignant et pour les élèves et que lorsqu’une relation
tangible existe entre le contenu du test et l’objectif
d’apprentissage déterminé au début de la tâche d’apprentissage.
L’association américaine de psychologie distingue quatre sortes
de validité : validité de contenu, prédictive, courante et validité
des concepts psycholinguistique. Les validités prédictive et
courante sont regroupées sous le concept de « validité en
fonction des critères empiriques ». La validité est caractérisée
par trois méthodes suivantes :
1
J-J, BONNIOL. M, VIAL. : « Les modèles de l’évaluation », Paris,
Bruxelles, De Boeck, 1997, p.58
18
Les critères docimologiques de l’évaluation
— Validité de contenu
« Un test est valide quand son contenu constitue un
échantillon représentatif des objectifs définis. »1
On ne peut se passer de la validité du contenu quand il s’agit
de tests orientés vers les objectifs de savoirs. Les procédés
statistiques ne déterminent pas la validité du contenu. Les
objectifs d’apprentissage sont comparés avec le contenu du test
et la nature des épreuves.
La validité d’aspect concerne les contenus des tests de langue
étrangère, c'est-à-dire que les épreuves semblent adéquates et
pertinentes au destinataire et à l’utilisateur.
— Validité en fonction de critères empiriques
Cette validité est déterminée par la comparaison d’un résultat
obtenu dans le test à d’autres observations.
Il s’agit d’une validité déterminée empiriquement qui a besoin
d’un ou plusieurs critères externes pour la comparaison, par
exemple les observations de comportement ou les résultats d’un
autre test poursuivant le même objectif.
— Validité des concepts psycholinguistiques
Cette forme de validité concerne les compétences langagières
et les capacités sur lesquelles doit porter le test et qu’il doit
mesurer.
D’après Morrow1 : « Le test reflète avec précision les principes
d’une théorie valide de l’apprentissage d’une langue
étrangère. »2
Les compétences à tester doivent être définies comme des
objectifs de comportement. Les activités que le candidat doit
exécuter doivent être fixées avec précision pour montrer qu’il
possède une compétence bien déterminée.
De cette analyse nous pouvons dire que les validités de
contenu et des concepts psycholinguistiques concernent surtout
les tests de langue étrangère, car les deux reflètent les théories et
1
S, BOLTON. « Évaluation de la compétence communicative en langue
étrangère », Hatier-Crédif, coll.LAL, Paris, 1987, p.11
2
K, MORROW. « Communicative Language testing: revolution or
evolution? », 1979, p.147, cité par S, BOLTON. « Évaluation de la
compétence communicative en langue étrangère », Hatier-Crédif, coll.LAL,
Paris, 1987, p.11.
19
Yasmine ADIB
les hypothèses de la linguistique et de la psychologie de
l’apprentissage.
Lado1, considère qu’un test de performance n’est valide que s’il
contrôle les éléments et les structures de la langue étrangère.
Pour être pertinent, un test doit être valide. C’est–à–dire qu’il doit
mesurer exactement et exclusivement ce qu’il est censé mesurer. Il
doit donc y avoir correspondance entre le contenu du test et
l’objectif visé, mais aussi entre l’objectif du test et l’objectif de
l’apprentissage.2
La fidélité
L’évaluation doit s’appuyer sur des instruments de mesure
fiables. Le concept de « fidélité » se fonde sur l’hypothèse que
chaque valeur se compose d’une valeur vraie en points et d’une
erreur de mesure. Plus cette dernière est faible, plus s’accroît la
fiabilité du test.
La fiabilité du test augmente dès que les erreurs sont faibles.
Prenons le cas de tests objectifs influencés par des facteurs
individuels. (Par exemple : fatigue, angoisse, difficulté à deviner
la solution), ou conditionnés par des facteurs qui relèvent de la
situation d’examen. (Par exemple : interaction entre
l’examinateur et le candidat). Ainsi que les constructions faibles
des tests (par exemple : mauvaise formulation des questions,
imprécision des consignes de passation).Tous ces éléments
diminuent de la fiabilité d’un test (voulu) objectif.
Une série de variables influençant les notations sont mises à
jour. Elles sont appelées « effets » : effets d’ordre et de contraste
dans la succession des copies, effet de contamination de
l’opinion des examinateurs, effet de stéréotypie systématisant
les appréciations antérieurs, effet de halo des représentations
sociales du candidat chez le correcteur.
D’après Abernot3, plusieurs critères parasites empêchent
l’enseignant à être fidèle. Parmi ces variables :
1
R, LADO. « Language testing », New York, 1961, cite par S,
BOLTON. « Évaluation de la compétence communicative en langue
étrangère », Hatier-Crédif, coll.LAL, Paris, 1987, p.11.
2
CH, TAGLIANTE. « L’évaluation », Paris, Clé international, 2001, p.26.
3
Y, ABERNOT. « Les méthodes d’évaluation scolaire », Paris, Bordas,
1988.
20
Les critères docimologiques de l’évaluation
L’effet d’ordre
Les correcteurs sont plus sévères à la fin d’une série de
copies. Quelques enseignants surévaluent les dernières copies en
les recorrigeant.
— L’effet de contraste
La plus part des correcteurs notent par contraste c'est-à-dire
qu’une copie moyenne risque d’être mal / mieux notée par
rapport à la copie qui la précède ou la suit. La note d’une copie
dépend en partie de la copie précédente d’où le risque de
manque d’objectivité.
En 1972, J-J, Bonniol1présenta une thèse sur l’estimation par
contraste. À partir de cet effet il utilise la notion d’ancre
(référence à l’instrument de marine). Dans une série de copies
sélectionnées après plusieurs « bonnes » copies (ancre hautes)
ou mauvaises copies (ancres basses) pour découvrir leurs effets
sur les copies suivantes.
— L’effet de contamination
Le point de vue des confrères influe sur le jugement du
correcteur.
En 1975, J-P, Caverni2 a mené une expérience sur
l’évaluation, il a proposé à deux groupes d’enseignants de
sciences naturelles de corriger quatre copies différentes. Il a
donné à chaque correcteur un faux dossier scolaire par copie. Le
premier groupe de correcteurs dispose d’appréciations
préalables élevées et stables, le deuxième groupe se fonde sur
des dossiers aux notes faibles et irrégulières.
Les résultats font paraître le peu d’écart absolu du à
l’influence d’un dossier pour une copie notoirement faible.
L’écart grandit au fur et à mesure que la qualité des copies
augmente.
1
J-J, BONNIOL. « Les comportements d’estimation d’une tâche
d’évaluation d’épreuve scolaire, étude de quelques-uns de leurs
déterminants », Thèse de 3e cycle, Aix-en-Provence, Université de Provence,
1972.
2
J-P, CAVERNI. J-M, FABRE. G, NOIZET. « Dépendance des
évaluations scolaires par rapport à des évaluations antérieures, études en
situation simulée », Le travail humain, 1975, p.38
21
Yasmine ADIB
En conclusion, un dossier ne rachète pas une mauvaise
copie ; toutefois, il influe sur l’évaluation.
Chaque enseignant a des informations sur ses élèves, s’il sait
qu’un tel élève vient d’un milieu social favorisé, sa note est sans
doute plus élevée, car il va chercher dans sa copie les indices
attendus de sa part, ainsi un bon dossier scolaire influe sur une
bonne copie.
— L’effet de stéréotypie
Lorsqu’un enseignant établit un « jugement » (subjectif) sur
un élève, il a tendance à s’en tenir à ce jugement. Certains
enseignants jugent le niveau de connaissances de leurs élèves à
partir des notes obtenues au premier examen. Par conséquent,
même si les élèves font des efforts durant le reste du cursus,
leurs notes ne changeront pas surtout pour ceux qui ont obtenu
de mauvaises notes. Souvent leurs notes sont une référence pour
l’enseignant qui, par la suite, a du mal à noter différemment. Ces
élèves vont être jugés une fois pour toutes au début de l’année.
« L’effet de stéréotypie est une systématisation de
l’appréciation établie. »1
— L’effet de halo
Les variables telles l’habillement, la verbalisation, les
attitudes face à l’école, la sympathie, sont nécessaires dans la
relation pédagogique et se retrouvent dans l’évaluation, c’est ce
que l’on nomme l’effet de halo.
Un élève faible à l’écrit et qui s’exprime bien à l’oral est
généralement mieux noté qu’un autre dans une situation inverse
même s’il a un bon niveau à l’écrit.
Aussi, une copie dont le contenu n’est pas assez construit,
bien organisée et avec une bonne écriture donne généralement
une bonne impression à l’enseignant qu’un bon travail mal
présenté avec une mauvaise écriture.
Les notes sont relatives, non seulement au groupe de
référence, et à l’établissement scolaire, mais aussi à l’enseignant
qui les distribue.
1
J-J, BONNIOL. M, VIAL. « Les modèles de l’évaluation », Paris
Bruxelles, De Boeck, 1997, p.60
22
Les critères docimologiques de l’évaluation
Le favoritisme :
Chaque enseignant a un préféré ou un favori en classe qui
n’obtiendra jamais de mauvaises notes bien qu’il soit faible.
La fatigue :
Par fatigue du correcteur, la moyenne des notes attribuées à
tendance à baisser.
Un enseignant fatigué qui corrige des copies tard le soir,
devant la télévision, n’est pas plus équitable qu’un autre qui
corrige le matin assis à une table de travail. De ce fait, les
conditions de correction sont nécessaires pour la fiabilité de
l’évaluation vu la différence de procédé.
— La variable de débordement
Une copie d’élève risque d’être mal notée quand l’enseignant
accomplit un grand effort pour deviner la solution dans des
réponses justes mais pleines de fautes d’orthographe, sans
ponctuation et avec une écriture indéchiffrable.
— La variable choc : Il en existe deux sortes :
 La négative
Les mêmes fautes répétées dans des réponses justes
ou l’emploi des abréviations qui font diminuer parfois
la note ;
 La positive
Une idée jugée pertinente dans une copie moyenne
peut plaire à l’enseignant et peut être à l’origine d’une
bonne note.
— La mesure de l’écart type
Chaque enseignant a son écart-type. Par exemple, sur une
échelle de notation, de zéro à vingt, un enseignant n’utilise que
la fourchette comprise entre sept et douze. Son écart-type est de
cinq points. Un autre enseignant notera de deux à seize. Un
troisième enseignant notera encore de manière différente. Mais,
si la grille d’évaluation de l’épreuve était bien conçue, chacun
de ces trois enseignants devrait donner la même note à une
même copie.
23
Yasmine ADIB
— L’évaluation extérieure
Le monde extérieur juge l’enseignant à partir de ses notes
données aux élèves, s’ils n’obtiennent que des bonnes notes, il
est jugé comme étant « un bon enseignant » ; et inversement. La
validité est considérée comme un degré de stabilité des résultats
à un test.
S, Bolton1estime qu’un test fiable et non valide n’a pas de
valeur, et qu’il faut d’abord assurer sa fiabilité pour déterminer
après sa validité.
La note à un même devoir doit être stable et constante quelles
que soient les conditions de la correction et les correcteurs. Pour
cela l’enseignant devra utiliser des critères d’appréciation qui
permettront de chiffrer la valeur d’une production.
La grille de correction ou d’évaluation est indispensable,
c’est à partir de cette dernière que l’enseignant doit établir les
critères de mesure et d’appréciation qui seront dotés de
coefficients pour que l’élève sache sur quoi sa production va
être évaluée.
Par ailleurs, elle permet à différents correcteurs d’avoir les
mêmes critères d’évaluation. Donc, elle diminue sa subjectivité.
Le barème de notation est important, et permet de définir le
nombre de point sur lequel sera noté chaque critère choisi.
Les facteurs relevant de la situation d’examen : « l’horaire,
les questions mal formulées, l’angoisse, l’interaction
« enseignant-élève » à l’oral » peuvent aussi empêcher la
fiabilité d’un test.
Alors, les consignes de passation et de correction doivent être
formulées de manière plus précise et doivent comporter
plusieurs items afin de fournir des résultats stables.
La fiabilité d’un test concerne l’exigence de reproductibilité
des résultats. C’est la qualité du test qui fait que, quelles que
soient les conditions de correction, les résultats seront constants.
1
S, BOLTON. « Évaluation de la compétence communicative en langue
étrangère », Hatier-Crédif, coll.LAL, Paris, 1987, p.12.
24
Les critères docimologiques de l’évaluation
L’objectivité
Selon S, Bolton1 : « Le critère d’objectivité se rapporte à la
passation du test ainsi qu’au dépouillement et à l’interprétation
des résultats.»1
D’après lui, il y a trois formes d’objectivité :
— L’objectivité de passation
Elle garantit des tests pour tous les candidats dans les
mêmes conditions. À l’avance sont fixés la durée de
l’épreuve, le barème de notation, la nature de la consigne
et les outils qui peuvent être utilisés par les élèves ;
— L’objectivité de dépouillement
Elle garantit que les objectifs visés dans le test
correspondent aux performances du candidat. Le barème
de notation correspondant à chaque bonne réponse doit
être fixé à l’avance pour garantir que les résultats sont
indépendants de la subjectivité des correcteurs ;
— L’objectivité d’interprétation
Elle assure une notation d’ensemble unifiée des résultats
obtenus, le rapport entre les notes partielles et globales
est fixé d’emblée.
Ces trois formes d’objectivité sont nécessaires pour la
fiabilité d’un test, car un test ne peut aboutir à une évaluation
sure si les résultats varient à chaque passation ou en fonction du
caractère du correcteur.
De Landsheere2définit le concept d’objectivité comme : « Le
caractère de ce qui donne une image non déformée des
choses ». D’après lui, l’objectivité d’un test est : « Le fait qu’il
est relativement exempt d’erreurs de jugement ou de
correction…..que ses résultats dépendent seulement de la
performance du sujet. »1
1
S, BOLTON. « Évaluation de la compétence communicative en langue
étrangère », Hatier-Crédif, coll.LAL, Paris, 1987, p.09
2
G, DE LANDSHEERE. « Dictionnaire de l’évaluation et de la recherche
en éducation », Paris, PUF, 1979.
25
Yasmine ADIB
L’assurance de cette objectivité réside dans l’emploi de
règles de correction et de notation précises.
L’objectivité est donc, pour De Landsheere, l’une des
qualités métrologiques d’un test et non pas une valeur.
J-M, De Keteleet A, Rogiers2 estiment que :
L’évaluation signifie recueillir un ensemble d’informations
suffisamment pertinentes, valides et fiables, c’est examiner le degré
d’adéquation entre cet ensemble d’informations et un ensemble de
critères adéquats aux objectifs fixés au départ ou ajustés en cours de
route.1
La docimologie a montré que la notation, outil habituel et
prédominant d’évaluation dans notre système scolaire est peu
fiable. Elle se déplace vers le fonctionnement des évaluateurs
correcteurs de copies, vers l’étude des comportements des
examinateurs et des examinés en milieu scolaire.
Plusieurs chercheurs s’interrogeaient sur les sources d’erreurs
des procédures d’évaluation.
F, Bacher2, distingue trois sources d’erreurs :
— La première renvoie à l’évaluateur lui-même, ses notes
sont dispersées autour d’une moyenne plus ou moins
élevée. De plus les évaluateurs ne classent pas dans le
même ordre une même série de travaux ou de réponses.
— La deuxième se trouve dans les examens traditionnels, au
choix du sujet même de l’examen, aux conditions de
passation.
— La formulation du sujet de l’examen peut-être source
d’erreurs et la note de l’examiné ne reflète pas sa propre
valeur.
— La troisième vient des élèves. Deux facteurs sont
difficiles à maîtriser et à estimer : la variabilité des
candidats et les conditions extérieures lors du
déroulement des opérations.
J-P, Cuq1 définit la docimologie ainsi :
1
J-M, DE KETELE et A, ROGIERS. « Méthodologie du recueil
d’information », Bruxelles, De Boeck, 1993.
2
F, BACHER. « La normalisation de la notation », Paris, BINOP, 1969,
p.p.25.75-.90.
26
Les critères docimologiques de l’évaluation
Docimologie : terme proposé par Henri Piéron 1922, la
docimologie désigne une science qui a pour objet l’étude des
systèmes de notation appliqués lors des examens. Elle concerne
essentiellement le rapport entre l’appréciation des examinateurs et la
traduction de cette appréciation en points. La docimologie étudie les
écarts de notes entre correcteurs, l’application des barèmes, les
échelles de notes, l’intercorrélation entre examinateurs et la
précision des correcteurs. Elle cherche à atténuer dans toute la
mesure du possible le rôle du hasard dans les notations attribuées. 1
L'analyse par objectif
Elle fut appliquée à l'éducation par Rice (vers 1914), elle
introduit la mesure par les tests et par l'observation des élèves.
Elle facilite la tâche à l'enseignant pour élaborer des tests
d'évaluation
et
s'intéresse
aux
différentes
notions
correspondantes au cursus de formation « finalité, but, objectif,
etc. »
— Une finalité
C'est l'affirmation du principe représentant des valeurs
morales citées dans un discours officiel et à travers lesquelles
une société ou un groupe social identifie et véhicule ses valeurs.
Elle fournit des lignes directrices à un système éducatif et la
manière de dire du discours sur l'éducation.
— Un but
C'est un énoncé définissant des intentions poursuivies par un
groupe ou par un individu à travers une action déterminée de
formation. Il est circonscrit à un temps et à une population
précise, il est opératoire et n'implique pas des valeurs, il est
qualitatif et moins lointain. Il s’agit de la manière de juger le
programme ou la séquence didactique.
— Un objectif
C'est l'énoncé d'intention éducative et pédagogique, il traduit
le but en terme précis, et indique le résultat à atteindre, il définit
ce que l'élève saura ou saura faire grâce à ce qu'il apprend.
1
J- P, CUQ. « Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et
seconde», ASDIFLE, Clé international, Paris, 2003, p.75
27
Yasmine ADIB
Les objectifs doivent indiquer de façon claire et précise ce qu'on
attend de l'apprenant pour que celui-ci puisse adopter les
attitudes et utiliser les connaissances et les habiletés qu'il a
acquises.
Ils rendent possible une évaluation plus ou moins
permanente, ils permettent une réelle communication entre
l’enseignant et l’enseigné. Grâce aux objectifs, la relation
éducative devient réellement un contrat bilatéral négocié.
— Les objectifs généraux
Ils expriment des intentions éducationnelles abstraites et
dessinent l'orientation d'un enseignement, à établir, les
instructions officielles qui l'expliquent et indiquent les résultats
espérés à la fin d'un cursus. Ce sont des énoncés qui décrivent en
termes de capacité de l'élève à des résultats attendus d'une
séquence d’apprentissage. La décomposition ou la
démultiplication d'un objectif général en objectifs spécifiques
facilite l'évaluation.
— Les objectifs spécifiques
Ils affirment et précisent l'objectif général afin de réaliser le
programme, ils sont issus de la démultiplication de l'objectif
général. Ces objectifs vont permettre de passer du stade
d'enseignement à celui d'apprentissage. Ils combinent une
attitude et un contenu particulier et limité.
— Les objectifs opérationnels
Ils résultent de la décomposition des objectifs spécifiques et
reformulent ceux-ci en fonction de l'évaluation.
Rendre un objectif opérationnel c'est décrire d'une manière
précise et observable l'activité que l'on veut faire maîtriser par
l'élève. Ameline (1990) cité par Tagliante, nous apprend que
Il s'agit principalement de :
- L'activité à réaliser en termes d'univocité.
- La marge d'erreur, critères d'acceptabilité permise,
- Le temps alloué,
- Le matériel ou les ressources nécessaires,
28
Les critères docimologiques de l’évaluation
- Les conditions de réalisation de l'activité. 1
De là, nous pouvons dire qu'un objectif est opérationnel s'il
respecte les quatre exigences suivantes
:
— La consigne ne doit jamais être équivoque c'est-à-dire
qu'il faut décrire de façon univoque le contenu de
l'intention pédagogique.
— La performance réalisée par l'élève doit être observable,
donc il faut décrire une activité identifiable à l'élève
grâce à un comportement observable.
— La clarté et la formulation des conditions de passation
par la mention des conditions dans lesquelles le
comportement souhaité doit se manifester.
— L'indication du seuil d'acceptabilité c'est-à-dire, indiquer
à quel niveau d'activité terminale l'élève doit se situer et
quels critères serviront à évaluer le résultat.
Relations objectif/évaluation
L'évaluation n'a de sens que par rapport aux objectifs
d'apprentissage visés, définis par une analyse détaillée des
besoins et vice versa ; un objectif n'est cohérent que s'il inclut
ses modes d'évaluation.
Les deux notions sont totalement liées et affiliées, l'évaluation
ne peut être définie sans y joindre la notion d'objectif
d'apprentissage : « aucun processus d'évaluation n'a de sens
indépendamment, un objectif n'existe véritablement que s'il
inclut, dans sa description même, ses modes d'évaluation.»2
Toute évaluation se fait ou devrait se faire par rapport à des
objectifs explicites ou implicites, alors que les notions d'objectif
et d'évaluation sont indissociables.
Une définition souvent citée est celle de Ralph-W, Tayler3 :
Le processus d'évaluation consiste essentiellement à déterminer dans
quelle mesure les objectifs éducatifs sont atteints par les
1
2
CH, TAGLIANTE. « L’évaluation », Paris, Clé international, 1991, p.25
L, PORCHER. « Note sur l’évaluation », langue française, n 36, Paris, p.
111
3
W-R, Tayler (1950) p. 69 cité par K, LETHANK. « Éducation
comparée », Paris, collection Armand colin, 1981, p.9-7
29
Yasmine ADIB
programmes d'étude et l'enseignement. Cependant, puisque les
objectifs éducatifs visent à produire certains changements désirables
dans les comportements de l'élève alors l'évaluation est le processus
qui détermine le point auquel ces changements de comportement ont
effectivement lieu.1
Il insiste sur l'évaluation comme un processus, un parcours
établi selon un procédé dans la pratique en s'attachant aux
produits.
La décomposition ou la démultiplication d'un objectif général
en objectifs spécifiques facilite l'évaluation, autrement dit,
l'objectif général ne peut être évalué directement ; il doit être
démultiplié en objectifs spécifiques, puis en objectifs
opérationnels, ces derniers sont reformulés en fonction de
l'évaluation.
Ce schéma présente les objectifs pédagogiques appliqués à
l'enseignement des langues vivantes étrangères et résume ce que
nous venons de définir.
Finalités de l'enseignement
Buts
Objectifs généraux
Objectifs spécifiques
Évaluation
Objectifs opérationnels
La notation
Elle est considérée comme une mesure particulière, là ou un
nombre est attribué à une performance.
La note de langue correspond à l’estimation donnée d’une
performance appréciée. Elle est considérée comme une
indication de chemin parcouru quand l’objectif est clairement
fixé du moment qu’elle mesure le degré d’atteinte de ce dernier,
et comme une mesure particulière, là ou un nombre est attribué à
une performance.
30
Les critères docimologiques de l’évaluation
L’évaluation scolaire ne se distingue pas de la notation. H,
Piéron1 propose d’utiliser la méthode psychométrique pour
améliorer la fidélité des notations.
La note reste souvent le seul outil d’évaluation, attribuée par
les enseignants et est souvent subjective. Elle est influencée par
le sexe, la classe sociale ou le comportement du candidat.
Le barème de notation sert à préciser la pondération de
chaque critère de correction. Il sert à distinguer les critères
minimaux et les critères de perfectionnement.
Les critères minimaux sont ceux qui déterminent la réussite,
c'est-à-dire la maîtrise de la compétence. Les critères de
perfectionnement sont ceux qui situent les productions des
élèves entre une production satisfaisante et une production
excellente.
La correction des copies est une activité lourde du côté des
correcteurs et celui des corrigés. Elle est impliquée dans le vécu
des uns et des autres. Quelle que soit l’application qu’ils mettent
à cette tâche, il reste une certaine insécurité. Parfois la correction
n’est pas juste, par cause de subjectivité des enseignants, cela est
dû à l’importance qui varie des mêmes choses tels que : la
présentation, l’orthographe, la ponctuation, le style et la
correction de la langue : « Certains regardent plus comment est
écrite et rédigée la copie, d’autres regardent la réflexion et
l’attention portée au sujet, d’autres regardent les deux. »2
Les notes, les examens et les diplômes sont la forme
principale d’évaluation des apprenants dans le système éducatif :
« La note s’intègre dans un système de sanctions positives et
négatives. Elle récompense les progrès dus aux efforts, elle est
le juste châtiment de la paresse. »3
Préférer la note au classement, pour améliorer les relations
entre élèves. Le mérite de la note est de sécher l’élève et de le
renvoyer à lui-même.
Le mot vient du latin nota qui, en latin classique, signifie : marque,
par exemple tracer des caractères d’écriture. Ainsi on note les
esclaves ou les bêtes de somme pour les reconnaitre (pourquoi pas
1
H, PIERON. « Examens et docimologie », Paris, PUF, 1969.
O et J, VESLIN. « Corriger des copies, évalué pour former », France,
Edition Hachette, 1993, p.67
3 2
, J, VOGLER, « L’évaluation », Hachette édition, France, 1997, p.21
2
31
Yasmine ADIB
par un tatouage ?) On trouve, chez Cicéron notamment, des emplois
de noter au sens actuel de : prendre des notes ou même de remarquer
(noter que) Comme c’est souvent le cas dans l’histoire du
vocabulaire, on passe de la présentation de l’action à celle de ses
effets : notare signifie aussi : faire reconnaitre désigner d’une
manière caractéristique et souvent péjorative. Ainsi, les censeurs de
la République romaine (comme ceux des lycées !) notaient le nom
des citoyens qui avaient fauté et le mot noter en vient pour signifier :
blâmer, flétrir. »
L’indicateur est une information précise que l’on recueille
pour opérationnaliser les critères et pour se prononcer sur la
maîtrise d’un critère par les élèves.
Il y a deux types d’indicateurs :
— Un indicateur qualitatif lorsqu’il précise une facette du
critère. Il reflète soit la présence ou l’absence d’un
élément, soit un degré d’une qualité donnée.
— Un critère qualitatif, quand il fournit des précisions sur
des seuils de réussite du critère. Il s’exprime alors par un
nombre, un pourcentage, une grandeur.
L’échelle de notation relève soit de l’appréciation :
A : Assez bien
B : Bien
C : Mauvais
Soit une fourchette qui varie entre zéro et vingt (0 à 20), soit
un pourcentage : 80%, 100%. La grille de correction est un outil
d’appréciation d’un critère à travers des indicateurs précis. Elle
constitue un outil d’aide à la correction des productions des
élèves.
Dans le système scolaire, la notation, outil habituel et
prédominant est peu faible.
La docimologie révèle des représentations, des attentes
sociales, culturelles et idéologiques, un contexte historique, une
idée des sciences de l’éducation.
Le test
Il s’agit d’un mot d’origine anglo-saxonne, importé par les
anglicistes et les germanistes.
Le test se compose d’une batterie d’exercices répondant à des
critères bien précis, il doit comporter un nombre suffisant
32
Les critères docimologiques de l’évaluation
d’items pour fournir des résultats stables. Il doit mesurer le
censé être mesuré, il sert à évaluer le degré de connaissance
d’une langue étrangère que possède l’élève.« L’utilisation d’une
batterie de tests reste le meilleur moyen d’évaluer les
connaissances acquises avec le maximum d’objectivité. »1
Les types de tests ou d’examens qui évaluent le degré de sa
connaissance de la langue déterminent souvent les méthodes et
les techniques que les enseignants utilisent pour l’enseigner.
Le testing est une activité qui peut occuper une bonne portion de
l’ensemble des tâches professorales, soit par l’administration des
tests, soit par le choix des tests ou par leur composition même. Il est
donc important que le maître sache ce que contiennent les tests et de
quelle façon ils sont différents les uns des autres. 2
Les tests de langue diffèrent les uns des autres en fonction de
leurs objectifs, leur élaboration, et leur acceptabilité.
Les types et les caractéristiques d’un test
Il existe quatre types de tests de langue différents en fonction
de :
— L’élaboration (les types de questions, de réponses, de
correction et de barème proposés).
— L’acceptabilité (le but dans lequel il est utilisé).
— Les objectifs (ce que nous espérons tester).
 Les tests d’aptitude
Ces tests ont une valeur pronostic et permettent de savoir
ce qu’un élève est capable d’apprendre, et de porter un
jugement sur ses chances de réussite.
 Les tests d’orientation ou de niveau de connaissance
Leur but est de découvrir la somme de connaissances
d’une langue que l’élève a acquise, ces tests n’ont pas de
relation avec ce que l’élève a étudié, ils ne sont pas liés
aux cours et aux méthodes donnés par l’enseignant.
1
I-Y, LANCHEC. « Psycholinguistique et pédagogie des langues »,
France, PUF, 1976, p.130
2
W-F, MACKEY. « Principe de didactique analytique, analyse
scientifique de l’enseignement des langues », Paris, PUF, 1972. p.540.
33
Yasmine ADIB

Les tests d’acquisition
Ce sont des épreuves de contrôle qui portent sur la matière
enseignée et servent à évaluer la somme des éléments
linguistiques et communicatifs acquis grâce à une méthode ou
une technique utilisée par l’enseignant.
 Les tests diagnostiques
Ils permettent aux enseignants de déterminer ce qu’il reste à
enseigner aux élèves et recueillir des renseignements sur leurs
connaissances linguistiques pour révéler les fautes les plus
élémentaires.
Conclusion
En résumé, la docimologie est la science qui a pour objet
l’étude systématique des examens en particulier des systèmes de
notation et du comportement des examinateurs et examinés.
Pour qu’un test dénote d’un bon sens et convienne
exactement à l’évaluation, il doit répondre aux exigences des
critères docimologiques qui sont : la validité, la fidélité et
l’objectivité.
La note est la forme principale d’évaluation des élèves. Elle
s’intègre dans un système de sanctions positives et négatives.
Elle récompense les progrès dus aux efforts.
Nous avons pu voir, grâce aux différentes définitions que le
mérite de la note c’est de sécher l’élève et de le renvoyer à luimême. L’enseignant note, juge, oriente et certifie les apprenants
à différents niveaux, il les classe et les sanctionne par la réussite
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36
Samia AÏD
Université de Tizi-Ouzou
[email protected]
L’évaluation et l’approche par compétences
dans l’enseignement/apprentissage des
langues en Algérie
Résumé
Ces dernières années, le système éducatif algérien a connu des
changements, une refonte complète. La réforme de l’enseignement s’inscrit
dans le cadre d’une dynamique nouvelle qui vise la qualité de
l’enseignement, la transmission des savoirs, savoir-faire, attitudes et valeurs
fondamentales. Un apprentissage par les compétences qui permettra aux
apprenants d’intégrer des connaissances, savoir et savoir-faire dans des
situations réelles. Doter les apprenants d’un ensemble de compétences pour
leur insertion dans la vie sociale et économique. C’est à cela que vise
l’approche
par
les
compétences.
Comment
se
fait
l’enseignement/apprentissage avec cette nouvelle approche ? Comment
l’apprenant acquiert-il des compétences ? De quels types ? Qu’en est-il de
l’évaluation ? Comment évaluer dans une approche par compétences ? Peuton évaluer des compétences ?
‫الملخص‬
‫ وان اإلصالح في التعليم‬.‫في هذه السنوات األخيرة عرف النظام التعليمي الجزائري تغيرات جذرية‬
‫يسجل في إطار جديد يهدف إلى نوعية التعليم ونقل المعارف والمهارات والكفاءات والقيم األساسية‬
.‫التي ستسمح للمتعلمين باكتساب معارف ومهارات في وضعية حقيقية‬
‫تخصيص المتمدرسين بمجموعة من القدرات لتكييفهم في الحياة االجتماعية واالقتصادية وهذا هو‬
‫ التعليم بهذه المقاربة الجديدة؟ وكيف يستطيع المتعلم‬/‫ فكيف يتم التدريس‬.‫هدف المقاربة بالكفاءات‬
‫اكتساب الكفاءات؟ ومن أي نوع هي هذه الكفاءات؟ وماذا عن ما يخص التقويم؟ وكيف نقوم بالتقويم‬
‫عن طريق المقاربة بالكفاءات؟ وهل بإمكاننا تقويم الكفاءات؟‬
L’évaluation et l’approche par compétences dans l’enseignement/ …
Autrefois, dans l’enseignement traditionnel, la priorité était
donnée au savoir sur le modèle encyclopédique. L’enseignant,
dispensateur de ce savoir, était chargé de le transmettre et
l’apprenant, récepteur, prenait note, se l’appropriait pour le
restituer au moment des contrôles, sans appréciation des acquis
dans la durée. Le savoir était considéré comme une fin.
Dans cet enseignement, il n’y avait pas de communication ni
entre l’enseignant et l’apprenant, ni entre les apprenants.
L’objectif était de couvrir la matière en accumulant le plus de
connaissances possibles. À ce propos, Roegiers (2000 :16)
déclare :
(…) Les apprenants habitués, dès leur jeune âge, à
aborder des savoirs de façon séparée, continuent
souvent à raisonner plus tard de façon cloisonnée,
même dans les situations simples. Des recherches
internationales comme celle de Carraher &
Schliemann (1985), Sotto (1992) ou encore Stomayor
(1995) ont par exemple montré combien il existait à
travers le monde ce qu’on appelle des « analphabètes
fonctionnels », c’est-à-dire des personnes qui ont
acquis des connaissances à l’école, mais qui sont
incapables d’utiliser ces connaissances dans la vie de
tous les jours.
Le système éducatif algérien a connu ces dernières années
une réforme qui a touché les fondements même des finalités
éducatives. Il semblerait vouloir rendre l’école plus performante
et son enseignement plus efficace. De ce fait, l’approche par les
compétences et la pédagogie du projet, en tant que nouveaux
cadres
méthodologiques
de
l’enseignement
(outils
d’apprentissage, d’accès aux savoirs, de construction des
connaissances et de communication interculturelle) semblent,
selon les initiateurs de cette réforme, les cadres les plus
appropriés, les plus à mêmes de relever ces nouveaux défis.
L’approche pédagogique par les compétences
L’approche pédagogique par les compétences est « une
pédagogie de construction de compétences qui se préoccupe de
doter les apprenants de moyens d’apprendre, d’apprendre à
agir et d’apprendre à être » (Bosman-CH, Gerard-M, RoegiersX, 2000 :66). Ceci signifie que cette pédagogie permet
39
Samia AID
d’ « apprendre à apprendre » (Zimmerman-B.J, Bonner-S,
Kovach-R, 2000 :2), d’apprendre à partager et à échanger mais
également à coopérer avec les autres.
Pour une meilleure gestion des apprentissages, on part du
principe que l’apprenant doit gérer ou autoréguler lui-même son
apprentissage, ce qui certainement renforcera son autonomie
intellectuelle. « Développer des compétences à l’école, ce n’est
plus donc apprendre aux apprenants une pensée unique et
standardisée-la bonne réponse-mais les inciter à analyser une
situation, dans toutes ses dimensions ». (Bosman-CH, GerardF.M, Roegiers-X, 2000 :99-100)
En outre, l’approche s’appuie sur une conception de
l’apprentissage, de l’enseignement qui est à la fois cognitiviste
et socioconstructiviste. En d’autres termes, elle vise à relier les
apprentissages acquis et les divers contextes d’exploitation hors
de l’école dans la mesure où :
— Dans la perspective cognitiviste de l’apprentissage, on
accorde une certaine importance aux stratégies dans
l’assimilation, l’acquisition et le réinvestissement des
connaissances acquises et les compétences développées à
l’école ;
— L’apprentissage, dans la conception cognitiviste, est
considéré comme un processus dynamique de la
construction des savoirs. En effet, un intérêt essentiel est
à la fois porté sur le processus d’apprentissage mais aussi
sur les savoirs eux-mêmes ;
— Dans l’optique socioconstructiviste, on met l’accent sur
l’interaction avec les autres, à savoir, sur des relations
pédagogiques médiatrices avec la présence d’un
enseignant-médiateur et d’un groupe-classe.
L’apprenant sera dans ce cas motivé, actif et constructif, ce
qui favorisera une construction de savoir visant à un meilleur
développement des compétences. Ces dernières « supposent
l’intégration fonctionnelle de ressources cognitives diverses
(savoir, logique naturelle, concepts, schèmes spécifiques,
capacités de régulation et coordination de l’ensemble) »
(Paquay-L, Altet-M,Charlier-E, Perrenoud-PH,2001 :249).
40
L’évaluation et l’approche par compétences dans l’enseignement/ …
L’approche par les compétences a des répercussions sur la
façon dans le sens où les programmes ne se font plus en termes
de contenus, mais plutôt par des savoir-faire à installer chez
l’apprenant dans le but de résoudre des situations-problèmes.
Définition de la compétence
Selon De Ketele (2001 :65) « la compétence est un ensemble
ordonné de capacités (activités) qui s’exercent sur des contenus
dans une catégorie ordonnée de situations pour résoudre des
problèmes posés par celle-ci ».Dans ce sens, la compétence est
un savoir-agir qui intègre un ensemble de capacités et qui
s’exerce dans des situations-problèmes bien précises, d’où la
délimitation de contenus et de capacités mobilisables, qui se
combinent en objectifs spécifiques à atteindre.
Ainsi, la compétence est dépendante du contexte où elle se
manifeste, en tenant compte que « c’est l’apprenant qui est
acteur de la situation » (Roegiers, 2000 :127) dans la mesure où
elle l’amène à mobiliser diverses capacités et connaissances en
situation dans le but d’intégrer des acquis à long terme et de
manière significative.
Caractéristiques d’une compétence
Parmi les caractéristiques essentielles caractérisant une
compétence donnée dans son ensemble, il ya :
Mobilisation d’un ensemble de ressources
Cet ensemble de ressources est composée de connaissances,
des schèmes, de capacités. Ces ressources variées sont à leur
tour mobilisées en situation répondant à divers paramètres et
exigences, du moment que l’apprenant est amené à être
confronté à une variété de situations d’intégration grâce
auxquelles il crée des liens entre divers apprentissages acquis de
façon significative.
Compétence à caractère disciplinaire
Ce caractère disciplinaire se produit au fait qu’une
compétence appartient à une catégorie de situations
correspondant à des problèmes liés à la discipline étudiée ou
41
Samia AID
enseignée et qu’elle repose aussi nécessairement sur des
connaissances disciplinaires.
Compétence à caractère finalisée
Ce caractère se traduit par le fait que « cette mobilisation (de
diverses ressources) ne se fait pas gratuitement, fortuitement,
scolairement même » (Roegiers-X, 2000 :68).Ceci explique que
toute compétence a toujours une fonction, un intérêt et une
utilité sociale, d’où le caractère significatif des apprentissages en
lien avec la réalité. Toute compétence est ainsi « inséparable de
la possibilité d’agir » (Ibid).
Typologie des compétences
Il existe d’une manière globale trois types de compétences,
qui sont :
Compétence disciplinaire
Les compétences disciplinaires sont liées à la discipline
étudiée ou enseignée. « Elles exigent une appropriation des
savoirs entourant chaque discipline » (Paquay-L, Altet-M,
Charlier-E, Perrenoud-PH, 2001:69).
Ex : des compétences communicationnelles, des compétences
linguistiques, textuelles, etc.
Compétence culturelle ou de communication
C’est le fait d’acquérir un savoir-être, un savoir-vivre, un
savoir devenir et un savoir se comporter en établissant des
relations avec autrui. C’est aussi un savoir-intégrer pour
résoudre des situations-problèmes. Ce savoir-être est en
permanence sollicité, ce qui permettra aux apprenants
d’accomplir des tâches à travers la réalisation de projets en étant
coopératifs les uns avec les autres. Exemple : développer des
connaissances sur d’autres cultures.
C’est ainsi apprendre à établir des relations basées sur le
respect de l’autre et le partage coopératif.
42
L’évaluation et l’approche par compétences dans l’enseignement/ …
Compétence transversale
Cette compétence nécessite des compétences dans d’autres
domaines et disciplines, autres que ceux et celles étudiés et
enseignés. Les compétences transversales sont nécessaires à la
réalisation de projets car l’approche par les compétences
nécessite une situation de résolution de problème, ce qui amène
l’apprenant à revoir d’autres domaines et disciplines lors de la
réalisation de son projet. Exemples : connaissances sur les
fléaux sociaux, sur l’outil informatique, sur la géographie et
l’histoire…etc. La capacité et aptitude de l’apprenant à présenter
son opinion sur un thème donné en l’étayant par des arguments
et des exemples puisés de ses connaissances dans divers
domaines.
Enseignement/apprentissage dans l’approche par les
compétences
Tout enseignement/apprentissage vise à installer chez
l’apprenant, une compétence qui permet une application des
connaissances acquises en classe à des situations rencontrées
ultérieurement en classe ou en hors de la classe. C’est l’une des
compétences que l’on veut installer chez lui. En effet, si
l’apprenant n’utilise pas cette compétence, elle risquerait à la
longue de s’oublier. Mais il est constaté que ces compétences et
connaissances acquises ne sont utilisées qu’en classe. Confronté
à d’autres situations, l’apprenant/élève est incapable de réaliser
le transfert attendu comme s’il n’avait rien assimilé.
Philippe Meirieu (1996 :54) définit la notion de transfert de
connaissances comme : « le mouvement par lequel un sujet
s’approprie les savoirs, les intègre à sa personne en les
réutilisant à sa propre initiative ».
Pour l’auteur, mettre l’apprenant en projet1, c’est lui faire
saisir toute utilité du matériau qui lui est enseigné en le
La pédagogie du projet met l’apprenant au centre de l’apprentissage. Le
projet est un ensemble d’activités qui met l’apprenant face à des situations
d’apprentissage, pour une réalisation concrète de tâches. Le but étant
1
43
Samia AID
préparant à surmonter les éventuels obstacles rencontrés en
dehors de la situation d’apprentissage. L’action didactique
consiste à organiser l’interaction entre un ensemble de
documents ou d’objets et une tâche à accomplir.
En outre, Meirieu soutient que ce transfert ne peut avoir lieu
que si l’apprenant reconnait les points communs entre la
situation d’apprentissage et la situation dans laquelle il
(l’apprenant) réinvestit les connaissances apprises pour
accomplir une tâche, et réaliser ainsi son projet. L’activité
d’expression écrite offre un exemple concret de ce type de
situation. Les diverses démarches de projet sont autant de
manières de confronter l’apprenant à des situations et à des
problèmes complexes comme la rédaction d’un texte descriptif
ou argumentatif.
C’est là le but de l’approche par les compétences, où
l’apprenant gère son apprentissage. Le véritable apprentissage,
c’est d’amener l’apprenant face à des difficultés, face à des
situations complexes. C’est comme ça qu’il peut assimiler le
savoir. Faire passer l’apprenant d’une phase de dépendance à
une phase d’autonomie. Essayer de se construire par ses propres
stratégies pour atteindre les objectifs fixés.
L’enseignant doit maitriser la didactique, doit guider,
orienter, animer, faciliter, aider l’apprenant à surmonter les
obstacles et développer des stratégies d’apprentissages. Il doit
utiliser le savoir comme une ressource, considérer l’élève/
l’apprenant comme un acteur de son propre apprentissage afin
qu’il puisse développer des compétences par « le savoir
intervenir et agir ». Apprendre à parler et à écrire une langue
c’est d’abord apprendre à communiquer. Il faut fournir à
l’apprenant les outils nécessaires à la réalisation de sa tâche en
le plaçant dans une situation qui lui permettra de mettre en
œuvre des savoirs, savoir-faire et d’attitudes pour assurer la
maitrise des compétences fixées. C’est en interaction constante
qu’il devra construire ses connaissances.
L’enseignant doit proposer des activités correspondant au
besoin d’agir et de créer de l’apprenant. Ce dernier devient ainsi
d’acquérir des compétences grâce à la réalisation de situations-problèmes
s’inscrivant dans un contexte bien déterminé.
44
L’évaluation et l’approche par compétences dans l’enseignement/ …
un acteur dynamique, qui apprend progressivement à gérer son
savoir par son apprentissage, à son rythme avec l’aide de
l’enseignant.
La mission de l’enseignant n’est plus de délivrer un savoir
que l’on trouve dans les livres, mais d’entreprendre une
recherche personnelle pour déterminer, après avoir étudié son
public, quel est le savoir-faire « faire apprendre » qui correspond
le mieux au processus d’apprentissage. Impliquer dans
l’appropriation de connaissances, etc. Proposer des activités de
telle sorte que l’apprenant puisse gérer seul son apprentissage.
En conséquence, l’enseignant n’interviendra que si l’apprenant
fait appel à lui en cas de blocage.
Si l’enseignement a pour fonction de permettre à
l’apprenant de mieux organiser et de rentabiliser ses
apprentissages, alors une démarche d’enseignement
doit être lisible pour l’apprenant. Cette lisibilité
méthodologique lui permet de savoir quelle est la
finalité de chaque activité, comment elle se relie aux
autres et comment on vise à atteindre les objectifs
fixés. On fait l’hypothèse , de bon sens ( ce qui ne
saurait certes suffire !) qu’une lisibilité de type, qui
permet à l’apprenant de savoir à chaque moment,
pourquoi il fait ce qu’il fait, est de nature à favoriser
les processus d’apprentissage, au style d’apprentissage
près. (Beacco, 2007 :26)
L’évaluation
Dans le cadre de l’approche par les compétences, la
pédagogie du projet implique une évaluation continue en aidant
l’apprenant à acquérir des savoirs, savoir-faire et savoir-être en
développant des compétences.
Évaluer n’est pas noter comme on le croit trop souvent.
L’enseignant n’évalue pas l’apprenant pour le sanctionner, le
classer dans un niveau définitif par l’attribution d’une note ou
d’une appréciation. Évaluer, c’est identifier, déterminer et
définir les lacunes de l’apprenant pour y remédier
éventuellement. C’est aussi déceler ses capacités pour les
améliorer et les développer. L’enseignant n’évalue que ce qu’il a
enseigné.
45
Samia AID
L’évaluation sera régulière. Elle accompagne l’apprenant
dans tout son cursus d’apprentissage : diagnostique au début,
formative en cours de séquence et sommative à la fin.
L’évaluation diagnostique
On ne parle pas d’évaluation pronostique dans l’approche par
les compétences. Ce terme étant remplacé par l’évaluation
diagnostique. Celle-ci se fait par le biais d’un profil d’entrée, au
début du projet, en faisant un état initial des connaissances
élémentaires dont dispose l’apprenant. En d’autres termes ceci
est en réponse à la question suivante : est-ce que l’apprenant a
suffisamment de connaissances pour aborder ce sujet ?
L’évaluation formative
Elle est intégrée aux apprentissages et permet de réguler un
enseignement et de remédier aux difficultés en cours
d’apprentissage. Elle comprend trois moments :
— Avant l’apprentissage : vérification des acquis
préalables, portrait socio-affectif de l’apprenant,
validation de la planification ;
— Pendant l’apprentissage : observer l’apprenant en train
d’apprendre, évaluation de sa performance et
réajustement au fur et à mesure ;
— Après l’apprentissage : vérifier l’atteinte des objectifs
avec l’intention de corriger les lacunes s’il y a lieu.
L’évaluation formative permet à l’enseignant de guider
l’apprenant en lui donnant des directives et des orientations qui
l’aideront à surmonter ses lacunes et difficultés. En outre, cette
évaluation a pour but d’informer l’enseignant et l’apprenant du
degré de maitrise des compétences en cours de développement.
L’évaluation est ainsi « formative et interactive ». (Paquay-L,
2001 :175)
Par ailleurs, elle nécessite une grande disponibilité de
l’enseignant « Elle assure le repérage, la mise à jour,
l’identification et l’analyse des difficultés cognitives de chaque
apprenant, à élaborer des dispositifs de remédiation ».(MinderM,1999 :288)
46
L’évaluation et l’approche par compétences dans l’enseignement/ …
En somme « C’est donc essentiellement dans une perspective
d’une démarche de diagnostic-remédiation qu’il faut savoir
l’évaluation formative » (Roegiers-X, 2000 :257). Il importe
donc de repérer les forces et les faiblesses des apprenants en se
basant sur des appréciations sans pour autant leur attribuer une
note chiffrée.
L’évaluation sommative
Permet de faire le point à la fin d’un projet pour mesurer la
maitrise des compétences attendues. Elle est basée sur
l’élaboration de tests et d’examens. Elle intervient au bout d’un
trimestre, d’une année pour établir les profils de sortie des
apprenants en leur attribuant des notes chiffrées. Cette
évaluation permet aussi de prendre une décision pédagogique :
régulation, remédiation ou poursuite de l’apprentissage. Elle
constitue ainsi de repère pour l’apprenant et ses parents ainsi
que pour l’enseignant et l’administration.
L’évaluation formative
L’évaluation peut être faite par l’enseignant, par l’apprenant
lui-même ou par les autres apprenants de la classe. On aboutit
ainsi à trois catégories possibles :
— L’évaluation magistrale où l’enseignant évalue une tâche
effective ;
— L’auto-évaluation où l’apprenant évalue sa propre tâche
pour une meilleure prise de conscience de ses erreurs,
dans le but de se corriger et d’améliorer son
apprentissage. Ceci renforcera son autonomie
intellectuelle ;
— La co-évaluation où la tâche est évaluée par la classe ou
d’un groupe d’apprenants, en dehors de l’enseignant et
de l’élève qui l’a effectuée.
Si un type d’évaluation est employé de façon continue, il
devient monotone et lassant. L’idéal est donc de varier les types
d’évaluation et de les faire alterner dans la classe. Il est
nécessaire de construire des grilles d’évaluation dont chaque
item constitue à lui seul un critère. En évaluation formative, des
47
Samia AID
listes de vérification permettront à l’apprenant de revoir sa
production (écrite ou orale) afin de l’améliorer. La différence
entre une grille d’évaluation formative et une grille d’évaluation
sommative est que dans cette dernière, on attribue à chaque
critère une note chiffrée.
On mesure la maitrise d’une compétence à travers « un
produit », un résultat. Pour cela, il est important de dégager des
critères d’évaluation. En d’autres termes, il s’agit de nommer
tous les paramètres qui permettent de vérifier si une compétence
est maitrisée. Énoncer de façon claire et précise, ces critères
aideront les enseignants à sélectionner, avant chaque projet ou
production à réaliser par l’apprenant, les éléments les plus
importants en fonction des apprentissages visés. Ces critères
permettent également d’évaluer, en fin d’apprentissage, le
niveau de réussite d’une compétence.
Conclusion
L’approche pédagogique par les compétences place celui qui
apprend au sommet du triangle didactique (c’est l’apprenant qui
devient le nouveau centre d’intérêt), confère à celui qui enseigne
le rôle de guide, dans la construction des connaissances de
l’apprenant. Elle vise l’acquisition de connaissances, savoirs,
compétences que l’apprenant réinvestit dans des situations
réelles, dans des situations-problèmes. Malheureusement, il
suffit de lire les copies des élèves et des étudiants pour se rendre
compte de leurs lacunes et difficultés car ils arrivent mal à
réinvestir le savoir et les connaissances apprises, dans des
situations réelles, complexes. Pour la plupart, leurs copies sont
pleines d’erreurs et d’incohérences. Ils ne maitrisent pas
totalement la compétence linguistique et surtout pas la
compétence communicationnelle.
Les enseignants, quant à eux, se plaignent du fait que non
seulement ils n’ont pas été associés à ces réformes, mais qu’ils
n’ont pas été formés à de telles conceptions et pratiques. Ils
s’indignent : « Nous nageons », « Nous pataugeons », « Nos
inspecteurs eux-mêmes sont incapables de nous apporter les
moindres clarifications. Leurs discours, sont contradictoires
d’une conférence pédagogique à l’autre ». Les programmes
d’enseignement universitaires l’attestent aussi.
48
L’évaluation et l’approche par compétences dans l’enseignement/ …
En somme, nous dirons que pour développer chez l’apprenant
des compétences (linguistiques, communicationnelles, etc.), il
faut le confronter à la difficulté et ne pas morceler son
apprentissage en situations éloignées, dans le temps, les unes des
autres.
Bibliographie
— BEACCO ET AL., Jean-Claude, (2007), L’approche par
les compétences dans l’enseignement des langues, Didier
(Coll.Langues &Didactique), Paris.
— BOISSONETTE, S., & RICHARD, M., (2001),
Comment construire des compétences en classe. Des
outils
pour
la
réforme,
Les
éditions
Chenellière/McGraw-Hill, Montréal.
— BOSMAN, CH., GERRARD, M., ROEGIERS, X.,
(2000), Quel avenir pour les compétences ?, 1 ère
édition Boeck université, Bruxelles.
— MEIRIEU, PH., (1987), Apprendre…oui, mais
comment ?, 20e édition ESF, 2007. (Coll. Pédagogies),
Paris.
— MEIRIEU, PH., DEVELAY, M., DURAND, C et
MARIANI, Y., (1996), Le concept de transfert de
connaissances en formation initiale et en formation
continue, CRDP, Lyon.
— PAQUAY, L., ALTET, M., CHARLER, E.,
PERRENOUD, PH., (2001), Former des enseignants
professionnels, quelles stratégies ? Quelle compétence ?,
3e édition De Boeck Université, Bruxelles.
— ROEGIERS, X., (2000), Une pédagogie de l’intégration
de compétences et intégration des acquis dans
l’enseignement, Bruxelles : De Boeck Université.
— ZIMMERMAN, B-J., BONNER, S., KOVACH, R,
(2000), Des apprenants autonomes, autorégulation des
apprentissages, Ed Boeck, Bruxelles.
49
Noureddine BAHLOUL
Université d’Annaba
[email protected]
Pour une articulation méthodologique
entre les pratiques évaluatives et
l’appropriation du savoir grammatical
Résumé
L’activité de l’évaluation en contexte d’enseignement/apprentissage
demeure de tout temps un sujet de débat entre concepteurs de manuels,
didacticiens et praticiens du terrain. La tradition scolaire en contexte scolaire
algérien a perduré des démarches de classe ayant privilégié l’évaluation
sommative comme outil de mesure exclusif. Cette posture méthodologique,
moins fructueuse en termes de rentabilité, a eu un impact considérable sur
l’appréciation des apports individuels des groupes-classes. Un regard critique
sur l’évaluation de l’activité de grammaire en classe de 4ème année de cycle
moyen est à même de nous renseigner sur l’articulation entre les modalités
d’évaluation, leur justesse et les contenus enseignables que propose le
manuel scolaire.
‫الملخص‬
‫يبقى نشاط التقويم في سياق التعلم والتعليم موضوعا للنقاش بين واضعي الكتب‬
.‫المدرسية والمهتمين بالتعليمية وممارسي التعليم في الميدان‬
‫لقد كرس التعليم التقليدي المدرسي في الجزائر خطواته العملية داخل الفصل الدراسي‬
‫ ويعد هذا اإلجراء المنهجي أقل‬.‫بطريقة التقويم التلخيصي وسيلة وحيدة لقياس النجاعة‬
‫ وقد كان له تأثيرا معتبرا على تقدير اإلسهام الفردي‬،‫تحصيال من حيث المردودية‬
.‫للمجموعات المدرسية‬
Pour une articulation méthodologique entre les pratiques évaluatives …
La didactique des langues étrangères ne cesse de porter un
regard critique sur les situations de classe qui se caractérisent
d’une manière ou d’une autre par leur complexité. Celle-ci se
justifie du point de vue de la transposition didactique des savoirs
savants et de leur optimisation concrète sur le terrain. Le
formateur en tant que médiateur et passeur de langue, met au
point des objectifs d’apprentissage dans le cadre des activités
pédagogiques qu’il entreprend et dont il définit et spécifie les
outils de mesure et d’appréciation. Sur ce point, veut-on
souligner que l’activité d’évaluation est une pratique de classe
qui revêt un intérêt crucial pour le progrès de l’apprenant et sa
réussite scolaire. Vues sous cet angle, les pratiques évaluatives
participent à cet acte formatif qui s’inscrit de manière
inéluctable dans le continuum de l’apprentissage (CUQ J-P :
2002).
Partant de cet état de fait, faudrait-il supposer l’idée que toute
action pédagogique demeure tributaire du seuil de mise en
application de l’appareillage de contrôle et de son degré
d’efficacité pour la validation des « savoirs enseignés et leur
légitimation » (Y. CHEVALARD : 1985). Serait-il donc un
leurre de penser que l’accès aux savoirs capitalisables
s’effectuerait sans la mise en exécution des procédés de contrôle
de l’action pédagogique ? Des entrées à la formation scolaire par
la pédagogie du projet et l’approche par les compétences en
contexte algérien, vont nous permettre d’observer et d’identifier
sur le terrain l’implication du dispositif d’évaluation et son
impact sur les pratiques pédagogiques conduites en classe de
français langue étrangère (FLE).
À ce sujet, nous voudrions rendre compte d’une synthèse de
lecture sur l’activité de grammaire au niveau du manuel scolaire
de la 4ème année moyenne ainsi que son implication didactique
dans le cadre des pratiques de classe. Notre objectif est de
déterminer les modes d’évaluation en fonction des contenus
enseignables en matière de grammaire, ce qui nous permettra de
définir a fortiori l’ancrage méthodologique de cette activité
métalinguistique et son apport en tant que composante
contributoire de la compétence communicative.
51
Noureddine BAHLOUL
L’impact de l’évaluation en contexte de classe
Les pratiques évaluatives, telles qu’elles sont mises en
situation d’enseignement /apprentissage, se caractérisent de
manière singulière par leur ancrage motivationnel lequel agit sur
l’acte de « l’apprendre ». Elle se définit « comme un ensemble
de processus par lesquels on mesure les effets des actions
menées sur un public déterminé » (L. PORCHER : 1994).
L’intérêt porté à cette pratique de classe n’est pas fortuit du
fait que le succès scolaire se mesure de facto par la manière dont
s’exécute cette activité au sein du projet pédagogique. La mise
en application systématique des procédés de contrôle au sein des
activités de classe, permet de rendre compte de la capacité voire
de l’aptitude de l’apprenant à mettre en exécution des
connaissances stratégiques qui ont été soumises à une
appréciation systématique des contenus notionnels que soustend la progression pédagogique en vigueur .
L’apprentissage d’une langue cible, en l’occurrence le FLE, a
pour objectif de doter l’apprenant de savoirs procéduraux lui
permettant d’agir dans la langue et par la langue. Les savoirfaire traduisent des modes de pensée qui se convertissent en
termes d’outils conceptuels opératoires voire d’objets de savoir
réutilisables en situation d’échange entre groupes d’individus.
L’enseignement des langues étrangères comme d’autres
disciplines, repose sur un des objectifs clés. Ces savoirs sont à
même de faire l’objet d’une exécution des procédures
évaluatives de façon progressive et continue.
Un apprenant dont les tâches ne font pas objet de mesure et
de contrôle n’est pas situé par rapport aux progrès qu’il réalise.
Au contraire, il peut adopter un comportement passif parce qu’
« il aura appris à ne pas apprendre, c’est-à-dire à ne pas
changer. Il a donc appris » (TROCMÉ-FABRE, H : 1987).
Cette passivité peut traduire une situation d’échec de l’apprenant
et une rupture avec le contrat didactique dans son contexte
écologique, soit la classe où il est supposé réaliser des
performances
en
exerçant
« son
métier
d’élève »
(PERRENOUD : 1994). Il est difficile de concevoir une mise en
œuvre d’un dispositif pédagogique sans l’intégration de
52
Pour une articulation méthodologique entre les pratiques évaluatives …
l’évaluation en tant que tâche constitutive de l’ossature du projet
de classe en cours de réalisation ou en devenir.
Le travail collaboratif ainsi que les prises d’initiatives
individuelles s’inscrivent dans un parcours de formation dont
l’enseignant régule les procédures de médiation pour une
appropriation optimale des savoirs savants. L’apprenant qui
prend conscience des objectifs et des buts qui sous-tendent son
propre apprentissage, est en mesure de procéder de manière
réfléchie à un exercice d’auto-évaluation. Celui-ci est à définir
comme « un mode de régulation de la classe que l’enseignant
emploie pour rectifier son cours, le rééquilibrer (…) conduire
son groupe ». (L. PORCHER : 1996). Dans le même contexte et
pour paraphraser une idée de (L-J GAJO : 2000), tout apprenant
engagé dans un processus de formation au sein de l’école
comme institution social, est en fait, un citoyen en devenir.
Les pratiques évaluatives sont aussi des procédures de
jugements et d’appréciations pour la promotion sociale et
l’accès à la certification. À ce propos, nous convenons dans le
sens de (Y. CHEVALARD : 1985), avec le principe selon lequel
le savoir est validé institutionnellement et admis dans sa
légitimation par rapport à son impact social. L’école permet
donc le transit des « savoirs à savoir ». Faudrait-il que les
enseignants et les formateurs arrivent à cibler et cadrer les
savoirs à transmettre, à se fixer des objectifs
d’apprentissage bien précis et à intervenir sur les tâches
pédagogiques les plus préoccupantes : Quoi évaluer ? Quel (s)
type (s) d’évaluation ? Et comment évaluer. Que faut-il évaluer :
les connaissances ou les compétences ? À quel (s) moment(s) ?
Ceci permet d’attirer l’attention sur les modes d’évaluation à
négocier en référence aux contenus ciblés en situation
d’enseignement/apprentissage.
Une donne reste incontestée : « L’étude des outils
d’évaluation constitue donc un bon analyseur des contenus
d’enseignement et des compétences visées. »(C. GARCIADEBANC : 1999). L’évaluation fait partie intégrante de l’action
pédagogique dans le système éducatif et s’articule autour du
rapport ternaire : savoir-savant/savoir à savoir/savoir-faire.
Ainsi, les objectifs d’apprentissage assignés à l’enseignement
des langues dont le français, ont-ils à effectuer un
53
Noureddine BAHLOUL
décloisonnement par rapport à des pratiques évaluatives
ritualisées : bien souvent, le mode d’évaluation sommative
l’importe sur le type formatif lequel est fondamental du fait qu’il
rend compte des difficultés des groupes-classes et de leurs
dysfonctionnements langagiers résistant à l’apprentissage. Ceci
est à même de nous permettre de réfléchir aux postures
méthodologiques consacrées à l’évaluation de l’activité de
grammaire en contexte algérien.
Les pratiques de la grammaire en contexte scolaire
algérien
Les pratiques pédagogiques consacrées à l’activité de
grammaire en milieu scolaire s’inscrivent de façon singulière
dans la tradition d’une grammaire scolaire privilégiant un
enseignement directif et systématique de la langue, en
l’occurrence le français. Face à un public non natif, selon le
milieu géographique, - et en référence aux sphères linguistiques
en articulation dans le paysage sociolinguistique algérien -,
enseignants et formateurs interviennent sur le terrain pour
enseigner le « bon usage » de la langue à partir d’une approche
descriptive qui se résume à une théorisation sur le
fonctionnement des parties du discours dans le cadre d’une
analyse grammaticale visant la maîtrise de la norme objective.
L’enseignement de la grammaire semble bénéficier, de tout
temps et en tout lieu, d’un étiquetage le définissant comme étant
une tâche moins interactive pour ne pas parler de « cours
ennuyeux ».
Un nombre de facteurs est à même d’alimenter le débat dans
ce sens, à savoir la complexité des contenus, les outils
méthodologiques mis en exécution, la formulation des consignes
ainsi que la question problématisant cette préoccupation majeure
du savoir-faire/savoir-agir de l’enseignant. De même que les
pratiques de classe consacrées à l’enseignement de la
grammaire, si elles sont jugées inopérantes, cautionnent quelque
part cette résistance dont l’impact est mesurable du côté de
l’apprenant. Le discours métalinguistique voire les difficultés
d’ordre terminologique négociées à l’école comptent parmi les
contraintes pédagogiques responsables du rejet de la grammaire.
54
Pour une articulation méthodologique entre les pratiques évaluatives …
Ce constat nous paraît au titre d’un atout voire un véritable
prétexte pour faire le point sur l’ensemble des contraintes
pesantes sur la didactique de la grammaire de FLE, telle qu’elle
est conduite dans son ancrage méthodologique dans le manuel
scolaire algérien. Faudrait-il noter au passage une quasi-absence
d’une démarche progressive par une entrée éclectique des
grammaires
notionnelle/fonctionnelle
dépassant
l’étude
systématique de la langue. L’étude de la grammaire, c’est aussi
le fait d’envisager le maintien d’une articulation entre les
contenus enseignables et le métalangage grammatical qui se
développe en situation de classe. Il s’agit là d’une donne
cruciale en rapport avec le contexte d’apprentissage qui tient
compte à la fois des aspects linguistiques et pragmatiques en
tant que composantes de la situation de communication. En
effet, « l’activité métalinguistique constitue l’essence même de
l’interaction en classe de langue » (S. RUGGIA et J-P CUQ :
2008).
Une lecture de la typologie des exercices du livre de la 4ème
année moyenne permet de renseigner sur l’approche d’une
grammaire explicite qui propose une constellation d’exercices
au service d’une pratique systématique de la langue : on y trouve
un nombre de consignes illustrant des exercices de types
contraignant/semi-contraignant, exercices à trous lesquels sont
d’une fréquence incontestée. Les objectifs d’apprentissage
retenus pour l’activité de grammaire privilégient l’installation
d’une compétence linguistique beaucoup plus que « des savoirs
à savoir », soit « des savoirs sûr » pour reprendre un propos d’
(Y. CHEVALARD : 1985). Le savoir grammatical se construit à
la lumière d’une instruction des règles normatives sur les faits
de langue au niveau de la rubrique « Faisons le point ».
Le discours métalinguistique quant à lui, use d’une
terminologie qui, parfois peut donner lieu à une confusion dans
la détermination et la spécification des parties du discours dans
la phrase. Une illustration de mots ou d’expressions retenues
dans le manuel, permet de rendre compte d’une terminologie
moins précise pour l’analyse syntaxique. Quelques cas de
figure : Nous retenons dans le manuel des écrits de types :
« Quelle est la nature grammaticale des groupes de mots
exprimant le but » (p. 151), « Dans quelle phrase l’idée
55
Noureddine BAHLOUL
exprimée est-elle implicite ? Explicite ? » (p. 72), «Les
homophones grammaticaux - classes grammaticales - » (p. 77),
« Complète par l’articulateur logique qui convient » ( p. 52), «
Dans le texte suivant, souligne les connecteurs logiques » ( p.
71), « Relève, dans chacun des énoncés, le thème et la thèse
défendue » ( p. 32), « Complète chacune des phrases selon les
indications données », ( p.49 ).
L’expression « nature grammaticale » en tant que référent
terminologique, est inappropriée ; le terme nature revoir à un
trait grammatical, à une catégorie intrinsèque au mot. Faudrait-il
sur ce point définir la relation syntaxique du rapport duel nature/
fonction au niveau de la phrase canonique du français ? Cette
information, nous semble-t-il, est restée jusque-là ignorée dans
le discours métalinguistique pour ce qui concerne le cours de
grammaire. L’ensemble des termes mis en relief témoigne d’un
usage terminologique à orientation éclectique dans sa
conception méthodologique. Mais, il n’en est pas ainsi de la
démarche préconisée par l’analyse grammaticale telle qu’elle est
envisagée dans le projet pédagogique pris en charge par le
manuel.
Quand nous avons fait allusion au passage, à un
enseignement explicite en matière de grammaire, nous voulions
attirer l’attention sur une mise en œuvre d’une grammaire
pédagogique, restrictive en termes de choix méthodologiques.
Celle-ci vise, à notre sens, l’appropriation de « connaissances
brutes » dans la langue, autrement dit « l’étude de la langue
pour elle-même et en elle-même » pour dévier vers un postulat
Saussurien qui n’est pas le moindre dans le cadre d’une analyse
structurelle des faits de langue dans un système donné. Nous
adoptons l’expression de « grammaire ordinaire » à l’instar de
(R. PORQUIER : 2007) parallèlement à l’appellation
« grammaire explicite ». Une pratique de la langue par une
entrée à la grammaire ordinaire, permet d’intervenir, dans le
sens de l’auteur, sur les structures de langage : aborder la langue
dans ses aspects latents, sous-jacents au niveau des énoncés et
des productions contextualités dans leur articulation avec l’oral
et l’écrit.
Le langage courant / langue soutenue sont des outils de
réflexion sur les normes objectives/ subjectives et la question
56
Pour une articulation méthodologique entre les pratiques évaluatives …
des usages de ces normes et leur impact du point de vue de leur
contextualisation.
Place de l’évaluation dans le projet pédagogique de
la 4ème année du cycle moyen
Le manuel scolaire de la 4ème année se compose de trois
projets lesquels sont construit à partir de 3 séquences. Chacune
d’entre elles énonce des objectifs d’apprentissage qui mettent en
exergue le passage de la documentation à la rédaction. Les
activités métalinguistiques sont abordées dans une rubrique dite
« Des outils pour DIRE, LIRE et ÉCRIRE », ce qui laisse entendre
une prise en compte de la jonction entre actes de parole et
activité scripturale. Cependant, il n’en est pas ainsi. Les
exercices de grammaire se limitent à la seule mise en exécution
de la norme grammaticale (norme prescriptive) à laquelle sont
initiés les apprenants. Il s’agit d’une évaluation des acquis
intériorisés en matière de grammaire dans le cadre d’une analyse
logique de constructions phrastiques complexes ou de résolution
d’exercices de substitution sur la distribution des connecteurs.
Autour de chaque projet pédagogique sont consignés trois
modes d’évaluation. En premier lieu, il est fait allusion à une
évaluation diagnostique introduisant la thématique du projet. Il
s’agit d’une phase d’imprégnation qui permet à l’apprenant de
découvrir des écrits thématisés et de s’exercer à des tests visant
la compétence de la compréhension et de la production. Il est
initié à la typologie textuelle de l’argumentation, un objectif
d’apprentissage pris en compte dans tous les contenus du
manuel. En second lieu, nous retenons à la fin de chaque projet,
une rubrique nommée « Atelier d’écriture ». Elle propose un
exercice d’auto-évaluation sur un ensemble d’éléments
axiologiques, en tant que savoirs et connaissances articulant tout
le projet pédagogique. Il est question de grille d’évaluation des
connaissances soumises à l’appréciation l’apprenant. Au terme
de chaque projet, il est proposé à l’apprenant des activités dans
le cadre d’un exercice de contrôle des connaissances « Je me
prépare au brevet ».
Cette tâche pédagogique se conçoit au titre d’un exercice de
rappel des connaissances supposées être assimilées et acquises
par l’apprenant. Il lui est donné l’occasion de vérifier, de
57
Noureddine BAHLOUL
contrôler et de valider l’intégration des savoirs enseignés et des
connaissances capitalisées dans son parcours de formation et par
rapport à « son itinéraire d’apprentissage » (A. COÏANIZ :
1996).
En ce sens, les compétences acquises ont-elles un impact en
termes de rentabilité. Le manuel scolaire est un outil de
connaissance, un outil pédagogique qui permet d’assurer une
médiation pratique entre l’apprenant non expert et l’enseignant
en qualité de guide et de facilitateur d’apprentissage. À ce
propos, veut-on souligner l’importance, en termes d’articulation,
entre les objectifs d’apprentissage retenus dans les orientations
méthodologiques du manuel et les contenus de ces derniers.
L’enseignement du français est conduit dans le cadre d’une
méthodologique de type éclectique. Il est question de mise en
exercice d’un appareillage conceptuel inhérent à la pédagogie de
projet en complémentarité avec les principes fondateurs de
l’approche par les compétences. Un intérêt est porté aux
procédures pédagogiques opérantes, permettant de développer
chez l’apprenant des habiletés de savoir-faire en langue à partir
d’une mise en œuvre d’un enseignement stratégique. Toutefois,
cet objectif d’apprentissage n’est pas atteint du fait que les
contenus curriculaires tels qu’ils se maintiennent dans les
programmes officiels, ne permettent pas le transit
méthodologique entre les grammaires de référence, les
grammaires pédagogiques ainsi que les grammaires
d’apprentissage.
Force est de constater que les pratiques de la grammaire en
contexte scolaire algérien demeurent inopérantes par leur
cloisonnement méthodologique. Celui-ci est nourri par une
tradition scolaire qui accorde plus d’attention à la norme
prescriptive qu’à d’autres critères opératoires tels que le sens et
la dimension énonciative en tant qu’éléments indiciels
susceptibles de figurer dans une phrase. Il faudrait en effet,
retenir d’une part, l’idée d’avoir
Recours à tout ce qui peut donner du sens au travail sur la
grammaire et la langue et, d’autre part, (penser à) déceler les
caractéristiques cognitives des différents types d’exercices. (M.
PANDANX : 1998).
58
Pour une articulation méthodologique entre les pratiques évaluatives …
À ce sujet, il nous a semblé intéressant de nous référer à
certaines constructions phrastiques du manuel scolaire pour
soulever de facto la prééminence du sens et son impact sur
l’interprétabilité de la phrase.
Les pratiques de classe en matière de grammaire sont à même
de prendre en compte à la fois la systématicité des outils
régulant la norme prescriptive mais aussi de porter un regard sur
les aspects sémantico-discursifs enfuis dans la langue ; ce qui
permettrait de sensibiliser les apprenants à la subtilité de la
langue pour en faire leur outil de communication. En effet,
Il serait plus opératoire de centrer les discours sur l’acquisition
graduelle des règles, c’est-à-dire de la précision ou de la correction
de la forme dans la production de la parole, plutôt que sur l’objet à
apprendre : la grammaire. (J. COURTILLON : 2001).
Soit une illustration d’énoncés du manuel : P1. « Si tu peux
m’aider, ce sera formidable ». P.2 « La forêt amazonienne doit
être sauvegardée parce que c’est « le poumon de la terre ». P.3
« Tu iras en voyage à condition d’avoir ton BEM ». P.4 « En
cas de doute, demandez l’avis de votre médecin ». P.5 « Au cas
où tu verrais Sonia, dis-lui de m’appeler ».
Une analyse des énoncés retenus dans les pages 73 et 52 du
manuel, soit les exemples P1 et P2, témoigne de l’emplois de
tournures moins marquées du point de vue normatif : les
marqueurs introductifs des deux subordonnées (ce / c’est)
énoncent des usages appartenant à la langue courante ; ces
emplois ne sont pas affectés de la norme distributionnelle
attestée (ce est une contraction de (cela), alors que dans la p. 52,
il est question d’introduire la subordonnée par une anaphore :
«C’est le poumon de la terre / Elle est le poumon de la terre ».
La question de registre de langue, permet en fait, de spécifier la
conceptualisation des usages de la langue et de déterminer
l’implication du sujet parlant par rapport à son projet expressif.
Les particules syntaxiques introduisant une notion de
condition (En cas de / Au cas où), sont des outils de langue
marqués par le critère de fréquence en termes d’usage (En cas
de) est d’un emploi plus soutenu que (Au cas où) lequel permet
la réalisation d’énoncés prenant en charge diverses situation de
communication du sujet parlant : Au cas où il pleut, je prends
mon parapluie. Au cas où tu changes d’avis, tu me fais signe…,
59
Noureddine BAHLOUL
etc. Ce type de tournure syntaxique peut faire l’objet d’une
systématisation aidant à une maitrise progressive de la
combinatoire. Par ailleurs, sommes-nous exposé dans la lecture
des phrases (P3/P5) à des contraintes d’ambigüité d’ordre
sémantique. P.3 « Tu iras en voyage à condition d’avoir ton
BEM » / P.5 « Au cas où tu verrais Sonia, dis-lui de
m’appeler ».
Le jugement d’appréciation des faits de langue fait intervenir
la norme et les critères de grammaticalité / acceptabilité.
L’énoncé P5 est acceptable — bien sûr, il s’agit d’une
construction normée — et peut se réaliser selon la norme
prescriptive : « P3 bis. Tu partiras en voyage à condition d’avoir
le BEM opposé à « Tu partiras en voyage à condition d’avoir un
permis de conduire. L’ajout retenu, soit l’adjectif possessif (ton)
dans P3. « Tu iras en voyage à condition d’avoir ton BEM », est
d’un emploi indu si bien qu’il affecte l’énoncé dans sa
grammaticalité. L’énoncé de départ ainsi réécrit : « Tu iras en
voyage est un calque syntaxique emprunté à l’Anglais : « You
walk along the road ». Le français admet beaucoup plus la
tournure : « Tu partiras en voyage » opposée à « Tu iras en
voyage ».
Ces illustrations sont prétextes à une systématisation de la
difficulté dans des contextes d’utilisation diversifiées, ce qui
permettrait d’intervenir sur les normes et ou / la Norme attestée /
d’usage et faire ainsi de la grammaire. La question est de savoir
comment approcher les formes de la langue et discriminer leurs
emplois pour identifier les variantes dans leur réalisation en vue
de penser cette articulation entre langue et discours.
Nos convictions nous permettent d’arguer que les pratiques
évaluatives en matière de grammaire, ne couvrent pas
l’ensemble des difficultés de la langue auxquelles se trouve
exposé l’apprenant en situation d’apprentissage. Dans ce cas,
convient-il d’attirer l’attention sur l’aspect complexifié des
« savoir à savoir » et de leur ancrage du point de vue
méthodologique. Faudra-t-il aussi que les intervenants du
terrain, donc de la classe, soient capables de porter un regard
critique et distancié par rapport à leurs habitus de classe dont il
importe de revisiter les pratiques évaluatives en fonction des
60
Pour une articulation méthodologique entre les pratiques évaluatives …
objectifs d’apprentissage préalablement définis (N. BAHLOUL :
2008).
La proposition d’exercices de discrimination entre norme
prescriptive et norme d’usage peut sensibiliser l’apprenant à la
notion de distance interlinguistique et de facto à celle de d’écart
dans la langue/ les langues en contact ; cela peut influer
positivement sur les représentations. Les tâches individuelles
instruisant des exercices d’auto-correction, donc d’autoévaluation dans le cadre d’exécution de consignes diversifiées
en matière d’écrit, s’inscrivent dans une posture méthodologique
de renforcement des acquis et leur conceptualisation. Une
manipulation bien réfléchie des outils heuristiques par le
métalangage grammatical traduit en fait des savoir-faire
nécessaires à l’apprenant qui devrait se forger son propre
discours, conduire son apprentissage et progresser vers
l’autonomie.
Note
Nous signifions par sphères linguistiques, celles constituant une constellation
des parlers en usage en contexte algérien : les sphères impliquant l’arabe et
ses variétés, le tamazight, le chaoui et le targhi. Le locuteur algérien en tant
que non natif étudie le français comme langue étrangère.
Conclusion
Une entrée à l’étude de la langue par le biais de la grammaire,
a permis de porter un regard critique sur les procédures
d’évaluation telles qu’elles sont édictées par le manuel scolaire
de la 4ème année du cycle moyen. Le constat est que l’ensemble
des activités pédagogiques fait l’objet d’un enseignement
théorique tout à fait réducteur pour ce qui concerne l’approche
de la grammaire. Les typologies d’exercices consacrées à
l’activité de grammaire se focalisent beaucoup plus sur une
étude de la norme prescriptive, nécessaire, disons-le, mais
insuffisante pour assurer cette articulation entre les « savoirs à
savoir » de la langue et les savoir-faire en contexte par la langue.
Les objectifs d’apprentissage en matière de grammaire visent à
développer de façon progressive une compétence linguistique
soucieuse de faire acquérir les règles de fonctionnement de la
langue par la description. Aussi, les procédures évaluatives ont61
Noureddine BAHLOUL
elles à mesurer, par l’exécution de tests et de consignes écrites,
le niveau atteint en langue : ceci se traduit par un recours
systématique à une évaluation sommative. À ce sujet, il nous
semble utile d’attirer l’attention sur cette nette distinction entre
« savoir » et « connaissance ». En ce sens, on se demande si nos
apprenants cumulent seulement des savoirs constitués en
grammaire et non des connaissances réutilisables relevant de
l’ordre de la grammaire, c’est-à-dire des connaissances qui
permettent le passage au savoir-faire discursif (J-P CUQ et A.
QUÉFFELEC : 2005). Mais il n’en est pas ainsi. En classe, la
priorité est accordée à un discours métalinguistique sur la
description des faits et l’analyse logique des parties du discours
de langue : une théorisation ritualisée sur le savoir grammatical.
Bibliographie
— AYAD HAMRAOUI, M. et al. (2009). Mon livre de
français. Alger : ONPS.
— BAHLOUL, N. (2008). De la grammaire, encore et
toujours… Qu’en est-il des pratiques de classes de FLE
en contexte algérien ? Synergie-Algérie.
— COLOMB, J. CHEVALLARD, Y. (1986). La
Transposition didactique : du savoir savant au savoir
enseigné : Revue française de pédagogie.
— COÏANIZ, A. Faute et itinéraire d’apprentissage en
français langue étrangère.
— GARCIA-DEBANC, C. (1999). Évaluer l’oral.
Toulouse : Pratiques.
— COURTILLON, J. La mise en œuvre de la « grammaire
du sens » dans l’approche communicative : Analyse de
grammaires et manuels. Paris : ELA, N° 122.
— CUQ, J-P. (2003) (Dir). Dictionnaire de didactique du
français langue étrangère et seconde. Paris : Clé
International.
— Cuq, J-P. (2002). Cours de didactique du français langue
étrangère et seconde. Grenoble : PUG.
— TROCMÉ-FABRE, H. (1997). J’apprends, donc je suis.
Paris : Les Éditions d’organisation.
— PERRENOUD, P. (1994). Métier d'élève et sens du
travail scolaire. Paris : ESF, 4e éd.
62
Pour une articulation méthodologique entre les pratiques évaluatives …
— PANDANX, M. (1998). Les activités d’apprentissage en
classe de langue. Paris : Hachette.
— PORCHER, L. (1994). Évaluation, régulation,
optimisation » : Les cahiers de l’Asdifle, 5, 6-8.
— PORCHER, L. (1996). Le français langue étrangère.
Paris : Hachette.
— PORQUIER, R. (2007). Grammaire ordinaire, source
d’activités. Paris : LFDLM, p. 27 : Paris : Hachette.
— PY, B. (1992). Regard croisée sur le discours du bilingue
et de l’apprenant. Grenoble : LIDIL 6.
63
Khadidja Naima BELDJERD
Centre Universitaire de Relizane
[email protected]
Évaluation des productions écrites et
intégration des TICE1.
— Entre intérêts et obstacles —
Résumé
Le présent article traite des questions relatives aux apports du logiciel de
traitement de texte « WORD » pour des activités de production et
d’évaluation des expressions écrites chez des lycéens algériens de 1AS.
Après quelques éléments théoriques mettant en relation la problématique de
l’évaluation de l’écrit et la question du traitement informatique des
productions écrites, nous exposons les résultats d’une expérience menée afin
de mettre en relief quelques conclusions qui approuvent la nécessité d’une
coordination entre la formation universitaire et les pratiques des enseignants
de manière à bien exploiter les apports des TICE dans l’apprentissage et
l’évaluation des productions d’apprenants.
‫الملخص‬
WORD ‫يعالج هذا المقال قضايا تتعلق بتبيان فوائد برنامج معالجة النصوص‬
‫في بعض األنشطة التي تتعلق بالتعبير الكتابي وتقويمه لدي تالميذ السنة األولى‬
‫بعد عرض نظري لقضية العالقة بين تقويم التعبير الكتابي ومعالجة هذا‬. ‫ثانوي‬
‫النشاط باستعمال وسائل اإلعالم اآللي نعرض نتائج بحث يبين ضرورة التنسيق بين‬
‫التكوين الجامعي والممارسات التعليمية لتحديد أفضل الطرق لالستفادة من تكنولوجيا‬
.‫المعلومات واالتصال في تعليم وتقويم التعبير الكتابي‬
1
TICE : technologies d’information et de communication pour
l’enseignement.
Évaluation des productions écrites et intégration des TICE…
Sous l’impulsion conjointe d’une série d’innovations
technologiques et d’une puissante politique d’optimisation des
rendements d’investissements publics, nous assistons à
l’expansion d’un débat sur la question de l’intégration des TICE
dans le domaine de l’enseignement en Algérie. Dans une
perspective qui vise la bonne intégration de ces outils à
l’enseignement du FLE1, nous nous intéressons dans cet article à
l’activité de production écrite et précisément aux pratiques
évaluatives lors de l’usage d’un outil informatique. Enfin nous
espérons dégager les principales raisons qui freinent ce
développement.
L’évaluation reste un thème épineux qui a fait apparaître des
divergences entre les spécialistes de différentes disciplines.
Selon le Dictionnaire de didactique du français langue étrangère
et seconde,
L’évaluation des apprentissages est une démarche qui consiste à
recueillir des informations sur les apprentissages, à porter des
jugements sur les informations recueillies et à décider sur la
poursuite des apprentissages compte tenu de l’intention d’évaluation
de départ. (CUQ, 2003 : 90.)
Le Dictionnaire de didactique reconnait à l’activité
d’évaluation « deux fonctions principales liées à deux types de
décision impliquant l’enseignant dans la salle de classe : la
fonction sommative et la fonction formative. » (Ibidem : p.91)
Par conséquent, l’évaluation sommative est la démarche qui
vise à porter un jugement sur le degré de maîtrise des
apprentissages à la fin d’une formation. Son but est de classifier
et vérifier les progrès réalisés par les élèves ainsi que l’efficacité
de l’enseignement dispensé. Quant à l’évaluation formative,
c’est l’évaluation continue qui a pour rôle de guider l’apprenant
dans son travail, de cerner ses difficultés pour pouvoir lui
présenter l’aide efficace. Il existe un troisième type
d’évaluation, appelée « évaluation diagnostique ». Elle est
considérée comme « une démarche visant l’identification des
causes persistantes des faiblesses et des difficultés des
apprenants même après avoir été soumis à un enseignement
correctif » (Ibid : p69.)Ce type d’évaluation demande une
1
FLE : français langue étrangère.
65
Khadidja Naima BELDJERD
intervention et une remédiation individualisée. Elle se limite
souvent au dépistage des élèves en difficulté dans des domaines
spécifiques d’apprentissage. En d’autres termes, il s’agit
d’identifier les causes des problèmes en analysant les résultats
des tests diagnostiques.
L’évaluation de la production écrite
Pour évaluer les productions écrites de l’apprenant, il existe
un ensemble de critères censés rendre compte de la qualité de
production écrite du scripteur. Ces critères sont d’abord
considérés comme appuis efficaces pour corriger erreurs et
anomalies contenues dans les productions. Par ailleurs, ils
répondent à une démarche tendant à cerner les différentes
caractéristiques des productions en question. Ces critères
permettent de présenter différentes grilles d’évaluation qui
s’avèrent nécessaires dans l’activité évaluative, car elles
garantissent l’efficacité dans l’évaluation des écrits
d’apprenants.
Dans leur ouvrage intitulé « corriger des copies : évaluer
pour former », Odile et Jean Veslin présentent quelques critères
d’évaluation :
L’enseignant peut, au travers des annotations qu’il porte sur la copie
s’appuyer sur les critères pour communiquer à l’élève quelque chose
de précis. Par exemple, s’il annote les productions de ses élèves en
signalant :
- critère a : action faite et réussie
- critère b : action non faite
- critère c : action faite et non réussie
L’élève devra traduire ces annotations par :
- La façon dont je m’y suis pris pour réaliser cette action-là est
efficace : je continuerai à la mettre en œuvre.
- Il faudra que j’essaie de réaliser cette action.
- j’ai eu raison d’essayer cette action : je continuerai à penser à le
faire ; mais il faudra que j’essaie de m’y prendre autrement si je veux
réussir. Ce sont là des informations importantes pour l’élève.
(VESLIN, 1992 : P72.)
On constate d’après cette citation que les critères
communiqués aux apprenants les aident à mieux cerner et
réaliser la tâche qui leur est confiée. Ceci leur évite de passer à
côté de ce qui est demandé.
66
Évaluation des productions écrites et intégration des TICE…
En parallèle, expliciter les critères d’évaluation aux
apprenants, lors de la production écrite, n’est pas une solution
définitive aux problèmes rencontrés au moment de la réalisation
de la production. En effet l’appropriation de ces critères signifie
que les apprenants sont appelés à les utiliser, ce qui impose à
l’enseignant de les élaborer progressivement, car la liste des
critères risquerait forcément d’apparaître comme une masse très
lourde, difficile à utiliser. Parmi les listes des procédures à
mettre en œuvre pour réaliser et évaluer des productions écrites
nous citons le tableau EVA.
Le tableau EVA
C’est un outil qui sert de référence depuis plusieurs années à
l’évaluation des productions d’élèves. Il est extrait de l’ouvrage
Évaluer les écrits à l’école primaire, produit collectivement en
1991 par le groupe EVA, dans le cadre de l’INRP (institut
national de recherches pédagogiques).
— les unités prises en compte dans le tableau EVA
Le texte dans son ensemble et les relations entre les phrases.
Ces unités permettent d’intégrer, de manière organisée, les faits
relevant de la grammaire de texte à côté des éléments, plus
classiques, relevant de la phrase ;
— les trois points de vue retenus dans le tableau EVA
Pragmatique, morphosyntaxique, et sémantique.
 Le point de vue pragmatique concerne la relation
entre le message et ses utilisateurs. L’écrit est
considéré par rapport à la situation dans laquelle il
fonctionne. Quel est l’enjeu de cet écrit ? Qui parle ?
À qui ? Pour quoi faire ? Etc.
 Le point de vue morphosyntaxique concerne la
relation des signes entre eux. C’est le recours à la
grammaire traditionnelle. Habituellement appliqué à
la phrase, ce point de vue peut s’étendre au texte dans
son ensemble et aux relations entre phrases. Il porte
sur l’organisation et la relation des éléments entre
eux.
67
Khadidja Naima BELDJERD

Le point de vue sémantique concerne la relation entre
les signes et leurs référents. C’est donc un des
éléments majeurs de la construction du sens.
À ces trois points de vue ont été ajoutés les aspects matériels
(typo et topographique) faciles à repérer, qui peuvent relever
de chacun des trois points de vue.
Le tableau EVA constitue un outil de formation non
négligeable. Il apparaît que les professeurs, comme les
apprenants, peuvent construire ou affiner des savoirs
indispensables en analysant des textes d’élèves au moyen de ce
tableau. Il met en jeu, un répertoire exhaustif des compétences à
construire en matière de production d’écrits. Le tableau EVA
permet de repérer les lieux d’intervention possibles, mais il ne
décharge pas le maître de la responsabilité de choisir ce qu’il
retient ou écarte.
Informatique et production écrite
L’ordinateur est aujourd’hui omniprésent dans le monde du
travail, notamment pour les activités de production écrite. Par
conséquent, le passage du support papier au support
informatique dans ces dernières tâches semble présenter des
caractéristiques intéressantes pour la pédagogie.
L’ordinateur est un outil qui renvoie aux apprenants une
image de leur processus cognitif, il permet un apprentissage par
stimulation. Selon Jacques Anis,
L’écrit a changé. Il est aujourd’hui volatil, modifiable, démultiplié.
Moins différencié de l’oral, d’un côté, mais de l’autre, de plus en
plus visuel, associé aux langages non verbaux (image et son), plus
proche du monde techno-scientifique, l’écrit se désacralise» (ANIS,
1998 : p 107).
Le chercheur analyse le passage de l’écriture à l’écrit numérique
et montre comment l’informatique est venue au service du
papier. Il avance que l’acte d’écriture est multidimensionnel, car
il associe des mises en œuvre de système symbolique et des
routines motrices. Ces dernières se présentent sous deux
formes :
68
Évaluation des productions écrites et intégration des TICE…
— l’écriture manuscrite, caractérisée par la continuité du
tracé et par l’appropriation des formes de lettres ;
— l’écriture mécanique, caractérisée par la discontinuité de
la frappe et par des formes de lettres générales qui ne
peuvent être appropriées.
Toujours dans son ouvrage « Texte et ordinateur », Jacques
Anis présente l’apport du traitement de texte : « Le traitement de
texte est encore aujourd’hui l’application la plus populaire de
l’informatique. » (Ibid. 37). L’auteur présente les différentes
fonctions du traitement de texte :
 Des fonctions rédactionnelles
Insérer/copier /coller/déplacer/rechercher/remplacer.
 Des fonctions méta-scripturales
sélectionner/annuler/répéter/
afficher/enregistrer/imprimer/courrier personnalisé
 Des fonctions de mise en forme et de structuration
du texte : caractères (polices), organisation des
paragraphes, césure (couper), gestion de la page
(marges, en-tête, pieds-de-page, notes de bas de
page…), ouverture sur le non verbal (tableurs,
dessin), table des matières, Index.
 Outils méta-textuels : annotations (commentaires),
compte des mots, archivage, marques de révision
(texte
barré),
vérification
orthographique,
grammaticale et stylistique, dictionnaire.
Les effets du traitement texte
En se basant sur les recherches dans le domaine de l’apport
des outils informatiques pour l’activité d’écriture, Crions (2000 :
49) évoque trois types d’effets du traitement de texte.
— Effets quantitatifs et qualitatifs : il s’avère que les écrits
des apprenants avec le traitement de texte sont un peu
plus longs que ceux qu’ils écrivent sur papier. En ce qui
concerne la qualité des écrits, les améliorations sont
légères, elles concernent surtout la présentation
formelle ;
— Effets sur le processus d’écriture : selon l’auteur, les
différentes recherches attestent que le traitement de texte
69
Khadidja Naima BELDJERD
ne semble pas un outil très favorable à la planification et
à son apprentissage. En revanche, le traitement de texte
facilite différentes opérations de révision comme
supprimer, remplacer, insérer ou déplacer des éléments
d’un texte. Par contre, cette révision reste de surface plus
que de sens. En effet le scripteur qui révise sur écran n’a
pas l’ensemble de son texte, alors que la révision
nécessite de lire la version antérieure du texte ;
— Effets sur le contexte pédagogique : Les recherches
montrent l’effet positif du traitement de texte sur la
question de la motivation. Les apprenants, lorsqu’ils
écrivent sur ordinateur semblent apprécier les tâches, ils
ont moins peur du jugement négatif et ont l’impression
de progresser, surtout ils sont fiers de leurs productions.
En effet les différentes recherches prouvent que le
traitement de texte provoque des modifications radicales
dans le déroulement des cours et dans les interactions au
sein de la classe.
Objectifs et enjeux d’une expérience menée
Dans le cadre d’une recherche doctorale, nous nous
intéressons à des productions écrites d’apprenants rédigées avec
le logiciel de traitement de texte « WORD », en les comparants
à des productions écrites sur papier. Les différentes questions
qui se posent sont : Pourquoi et comment utiliser l’outil
informatique dans l’enseignement et l’évaluation des
productions écrites ? Quel est l’apport évaluatif de l’outil
informatique ? Quels sont les obstacles qui freinent l’intégration
des TICE dans les séances de FLE en Algérie ?
Hypothèses de la recherche
Cet ensemble de questions nous amène à avancer l’hypothèse
suivante : l’évaluation des productions écrites numériques
nécessiterait une formation universitaire adéquate voire un
développement dans les pratiques pédagogiques des enseignants.
70
Évaluation des productions écrites et intégration des TICE…
Échantillon et protocole de recherche
Nous menons une expérience avec deux groupes de vingt
élèves de première AS du lycée Intissar à Relizane. Cette
expérience consiste à demander à un premier groupe de rédiger
une lettre administrative sur double feuille et à un second groupe
de rédiger la même lettre sur document « WORD », afin de
vérifier si l’outil informatique aide à améliorer les productions
écrites des élèves.
Avant d’analyser les copies des élèves, nous avons enregistré
les cours de production écrite (lettre administrative) chez les
deux groupes, puis nous avons présenté un questionnaire aux
apprenants et un autre à soixante enseignants afin d’identifier
leurs pratiques pédagogiques ainsi que leurs représentations sur
l’intégration des TICE dans leurs séances de productions écrites.
Pour l’analyse des copies des apprenants, nous recourons à la
grille d’analyse du groupe EVA.
Présentation des résultats
En comparant les productions écrites numériques et les
productions sur papier, nous relevons les similitudes et les écarts
suivants :
— Au niveau pragmatique : nous constatons que dans les
productions numériques, les apprenants prennent en
compte la situation d’énonciation et le type d’écrit (lettre
administrative) plus que les apprenants qui rédigent sur
papier ;
— Au niveau sémantique : En comparant les productions
numériques avec les productions sur papier, nous
constatons qu’avec des dictionnaires à la portée du
scripteur, le logiciel offre la possibilité de trouver
rapidement la traduction ou le synonyme des mots. Ce
qui a permis d’obtenir des productions avec un
vocabulaire thématique plus riche ;
— Au niveau morphosyntaxique : Toujours en comparant
les productions numériques avec les productions sur
papier, « WORD» permet de corriger principalement des
erreurs d’orthographe d’usage, de conjugaison et
71
Khadidja Naima BELDJERD
d’accord. Alors que dans les expressions sur papier c’est
l’enseignant qui se contente de souligne ces erreurs ;
— Au niveau de l’aspect matériel : en comparant les deux
types de productions d’apprenants (numériques et
papier), nous constatons que le logiciel « WORD » est
une aide précieuse pour l’organisation de la page, la
segmentation des paragraphes, les majuscules,
notamment en début de phrases ou de paragraphes.
Enfin nous constatons que le logiciel de traitement de texte
apporte une aide considérable dans l’activité de révision, il
permet aux scripteurs de réviser, modifier et réécrire facilement
leur texte.
L’évaluation des productions écrites
Dans le questionnaire présenté aux enseignants figurent des
questions qui visent la comparaison des pratiques évaluatives
chez nos deux types d’enseignants. La question « Utilisez- vous
des grilles d’évaluation pour corriger les productions des
élèves ? Si oui citez-en une. » Nous révèle que 51 enseignants
interrogés déclarent ne pas recourir aux grilles d’évaluation dans
la correction des copies. La deuxième partie de la réponse à la
question révèle une méconnaissance de la signification d’une
grille d’évaluation chez les 09 enseignants qui répondent
positivement à la question : ils parlent des types d’évaluation et
des grilles d’autoévaluation pour apprenants.
En comparant l’évaluation des copies numériques avec les
copies sur papier, nous constatons que les deux types
d’enseignants utilisent les mêmes pratiques évaluatives :
souligner les erreurs en rouge, prendre l’initiative d’en corriger
quelques-unes, puis porter des annotations. Or l’enseignant qui a
utilisé l’outil informatique n’a pas utilisé l’icône « révision »
disponible sur le logiciel « WORD » pour ajouter des
commentaires constructifs aux textes des apprenants. Il s’est
contenté de souligner quelques erreurs morphosyntaxiques pour
mettre des annotations qui ne servent pas à apporter une aide
significative aux scripteurs.
72
Évaluation des productions écrites et intégration des TICE…
Interprétation des résultats
Nous constatons que l’utilisation d’un outil informatique tel
que le logiciel « WORD » peut aider les apprenants à améliorer
leurs productions écrites. Certes les tâches de l’enseignant
comme celles des apprenants sont allégées, mais beaucoup de
travail reste à fournir. Si par exemple, le logiciel « WORD» aide
à corriger quelques erreurs morphosyntaxiques, il reste aux
enseignants à mettre en place des situations d’enseignement qui
visent à aider les apprenants à améliorer le sens et la
construction des phrases et des textes produits. À notre avis, il
existe un manque de formation universitaire des enseignants
concernant l’intégration des TICE notamment dans les modalités
d’évaluation.
Pour pouvoir parler d’intégration des TICE en classe de FLE,
il faut penser à la formation des enseignants à ce genre de
pratiques, ce qui nécessite un changement dans les gestes
professionnels.
Conclusion
De nombreuses recherches confirment que la production
écrite ainsi que son évaluation restent des activités complexes
supposant la mise en œuvre d’un ensemble de processus
mentaux ainsi que différentes connaissances et compétences
langagières de la part des apprenants, de même un recours à des
pratiques pédagogiques adéquates du côté des enseignants,
essentiellement lors de l’intégration des TICE qui ont prouvé
leurs apports positifs dans le domaine.
Pour MANGENOT, « l’intégration des TICE, c’est quand
l’outil informatique est mis avec efficacité au service des
apprentissages». (MANGENOT, 2000 : 11). La bonne
intégration des TICE signifie donc que l’outil informatique soit
mis avec efficacité au service des apprentissages.
Enfin, nous déduisons qu’il est nécessaire de repenser une
bonne formation à l’enseignement de la production d’écrits et à
l’évaluation. La recherche que nous avons effectuée confirme
une fois encore que les TICE peuvent apporter une aide
remarquable dans ce domaine. Quoique, de nombreux obstacles
retardent leur intégration : l’insuffisance des ressources
73
Khadidja Naima BELDJERD
financières en matière de TICE ; l’insuffisance relative, en
quantité et en qualité, des ressources numériques ; une formation
initiale et continue des enseignants qui met vaguement l’accent
sur l’utilisation des outils informatiques dans l’enseignement.
Par conséquent, il est primordial de penser la collaboration
entre l’université et l’enseignement général pour bien mener
cette intégration. À ce propos, nous assistons à un faisceau
d’espoir au centre universitaire de Relizane avec un nouveau
parcours de Master intitulé : « Didactique du FLE,
contextualisation et innovation pédagogique » qui a comme
principal objectif de savoir intégrer des activités créatrices en
intégrant les technologies de l'information et de la
communication pour l'éducation (TICE).
Bibliographie
— ANIS, J. (1998). Texte et ordinateur : l’écriture
réinventée, Ed : de Boeck, Bruxelles, p 107.
— CRINON, J, in ANIS J. et Marty N. (2000), Lecture –
écriture et nouvelles technologies, Ed : CNDP, Paris,
p.47.
— CUQ J-P. et GRUCA I., (2003), Grenoble, Cours de
didactique du Français langue étrangère et seconde,
Ed : PUG, pp 69-91.
— MANGENOT, F. (2000), Apprentissages collaboratifs
assistés par ordinateurs appliqués aux langues. In R.
Bouchard, F. Mangenot. Interaction, interactivité et
multimédia, Notions en questions N°5 : ENS. p11
— VESLIN, O. J., (1992), Corriger des copies, évalué pour
former,
Ed :
hachette,
Paris,
p72.
74
Soraya BELKHITER
Université d’Oran Es-Sénia
[email protected]
Quelle(s) évaluation(s) pour les futurs
enseignants de français ?
Résumé
Nous abordons dans cet article la problématique de la formation des
enseignants de français en général et celle de l’évaluation en particulier. Pour
les besoins de la recherche que nous menons, nous procédons à une enquête
sur le terrain auprès des nouveaux enseignants de français. Enfin nous
abordons les résultats auxquels nous sommes parvenus. Ce travail n’a
nullement pour visée de montrer aux formateurs la démarche à suivre pour
mettre fin aux difficultés que rencontrent les étudiants de la licence de
français, mais d’aider de repérer les lacunes de ces derniers et d’y remédier.
‫الملخص‬
‫تطرقنا في هذا المقال لمشكلة تكوين أساتذة اللغة الفرنسية بصفة عامة ولمشكلة‬
‫ كما قمنا بعمل ميداني تعرفنا من خالله على مختلف الصعوبات التي‬.‫التقييم بصفة خاصة‬
‫ هذا العمل ليس وسيلة‬.‫ وأخي ار تم عرض النتائج التي توصلنا إليها‬.‫يتلقونها المعلمين الجدد‬
‫تهدف إلى إجبار المدربين على انتهاج منهج معين يقضي بصفة نهائية على تلك‬
‫ ولكن المراد من هذا العمل تحديد الثغرات ومعالجتها‬،‫الصعوبات التي يلتفاه الطالب‬
Ces dernières années, le système éducatif algérien a subi
plusieurs changements. La réforme mise en place en 2002,
appelée « Refonte Pédagogique », touche l’ensemble du système
éducatif algérien (primaire, moyen, secondaire et supérieur).
Elle touche également toutes les disciplines dont le français
langue étrangère.
L’enseignement/apprentissage du français langue
étrangère traverse une crise caractérisée par une baisse du
niveau des apprenants et une incompétence des enseignants
fraîchement sortis de l’université. Il est vrai qu’aujourd’hui, les
nouvelles recrues rencontrent des difficultés dans leur pratique
enseignante1. Des difficultés qui se traduisent par l’inaptitude à
installer des compétences chez des apprentis qui seront euxmêmes capables « d’apprendre à apprendre ». Azouz
Abdennebi dit à ce propos : « l’enseignant digne de ce nom est
avant tout une flamme qui allume d’autres flammes ».
(ABDENNEBI 1993, p.115). Nous comprenons par cette
citation, que l’exercice du métier d’enseignant nécessite des
formateurs compétents formés pour ce faire. Nous pouvons
également affirmer que l’enseignement est un métier qui n’est
guère facile et que les compétences qui lui sont spécifiques se
construisent en formation initiale et en formation continue. Mais
qu’en est-il en réalité ?
Afin d’objectiver les difficultés d’insertion professionnelle
des nouvelles recrues du primaire, du moyen et du secondaire,
une enquête a été réalisée. Notre échantillon se compose de
cinquante nouveaux enseignants faisant partie de l’ancien2
régime et du nouveau3 régime, possédant une Licence
d’Enseignement du FLE et ayant tous suivi leur formation
initiale à la Faculté des Arts, des Lettres et des Langues
Étrangères d’Oran. L’échantillon d’enseignants ayant répondu
au questionnaire est variable : quinze enseignants du primaire,
L’enquête menée pour les besoins de notre thèse de doctorat atteste que
les nouvelles recrues rencontrent des difficultés à enseigner.
2
Il s’agit du régime classique où l’obtention de la licence se fait au bout
de quatre ans d’études supérieures.
3
Il s’agit du nouveau régime universitaire appelé L.M.D. où l’obtention
de la licence se fait au bout de trois ans d’études supérieures.
1
Soraya BELKHITER
quinze enseignants du moyen et vingt enseignants du
secondaire.
Le but de cette enquête est d’identifier les difficultés des
enseignants de français fraichement sortis de l’université et d’en
chercher les causes. Nous avons choisi pour ce faire la technique
du questionnaire. Celui-ci compte douze questions se rapportant,
en grande partie, au métier d’enseignant, à la formation des
enseignants et au programme de la licence de français.
L’enquête faite pour les besoins de notre thèse de doctorat
auprès d’enseignants de français fraichement sortis de
l’université montre qu’ils ne sont pas en mesure d’exercer la
fonction enseignante. Nous entendons par là, la capacité à
animer des cours, à préparer des fiches pédagogiques, à évaluer
des apprenants et à installer des compétences chez ces derniers.
Des compétences aussi bien transversales que disciplinaires. Ces
incompétences sont dues en premier lieu, d’après notre enquête,
à une formation défaillante. En effet, la totalité des enseignants
interrogés affirment que leur formation ne les a jamais préparés
au terrain. Ils trouvent que les cours donnés durant la formation
universitaire n’étaient pas du tout appropriés, d’où la difficulté
de réaliser les tâches citées ci-dessus. Le présent article, centré
sur la formation des enseignants de français, s’articule autour de
quatre questions auxquelles une cinquantaine d’enseignants de
français fraîchement sortis de l’université d’Oran ont répondu.
Ces derniers sont formateurs dans les écoles primaires, les
collèges et les lycées de la wilaya d’Oran.
78
Quelle(s) évaluation(s) pour les futurs enseignants de français ?
Quelles sont les difficultés que rencontrent les
nouveaux enseignants de français sur le terrain ?
100%
80%
60%
100%
40%
60%
20%
30%
0%
1
2
3
1= Didactique/Pédagogique ;
2= Psychologique ;
3= Autres.
Nous avons regroupé les difficultés rencontrées par les
enseignants débutants en trois catégories, à savoir les difficultés
liées aux aspects didactiques et pédagogiques de la fonction, les
difficultés d’ordre personnel et pour terminer les difficultés
d’ordre socioprofessionnel. Les cylindres ci-dessus résument les
résultats de ce classement en indiquant pour chaque modalité le
pourcentage de difficulté avancé par les enseignants interrogés.
Nous sommes parvenus aux résultats suivants : les difficultés
d’ordre didactique/pédagogique sont rencontrées par tous les
enseignants débutants. Cependant, les difficultés d’ordre
psychologique et socioprofessionnel ne sont pas à négliger.
Nous remarquons que 60% des interrogés éprouvent des
difficultés d’ordre personnel et 70% ont globalement moins de
difficultés de nature socioprofessionnelle. Seulement 30% des
interrogés reconnaissent rencontrer des difficultés de cette
nature. Les difficultés de la catégorie N°1 se traduisent par
l’incapacité de réaliser les tâches suivantes :
— préparation des cours (52%) ;
— planification des objectifs (52%) ;
— gestion de la classe (60%) ;
— évaluation des élèves (94%) ;
79
Soraya BELKHITER
— installation de compétences et le développement de
savoir-faire chez les apprenants (70%) ;
— choix d’outils didactiques adéquats (70%) ;
— intervention auprès des apprenants en difficultés
d’apprentissages ou ayant des lacunes (100%).
Pour ce qui est des difficultés psychologiques, les étudiants
sortants de l’université avouent ne pas être préparés à la relation
pédagogique. Autrement dit, ils nient être formés à rencontrer
des élèves (enfants et adolescents), à adopter une méthode pour
parvenir à exercer efficacement leur métier d’enseignant. Les
enseignants novices expriment des besoins en formation
psychologique afin de pouvoir gérer et maitriser leurs
apprenants.
N’ayant pas suivis une formation psychologique solide, les
nouvelles recrues, avouent être incapables de faire face aux
difficultés auxquelles sont confortés leurs apprenants.
Les enseignants interrogés éprouvent moins de difficultés à
s’intégrer et à collaborer au sein de la communauté scolaire.
Seulement 30% d’entre eux ne parviennent pas à établir des
relations professionnelles avec leurs collègues et avec
l’administration.
À la lecture des statistiques de la liste des difficultés
rencontrées par les interrogés, nous observons des écarts entre
celles-ci. En effet, les attentes des interrogés se révèle, en grande
partie, liée au domaine didactique et pédagogique. Cela serait-il
dû à l’importance de ces deux disciplines comme le soulignent
Biard et Denis dans le passage ci-dessous ou existe-t-il d’autres
causes qui sont à l’origine de cet écart ?
La pédagogie définit des méthodes, des démarches qui permettent de
guider l’élève dans des apprentissages variés. La didactique, quant
elle, s’affirme davantage comme une réflexion sur ce que l’on
nomme les savoirs savants et la façon de les transposer-pour tout ou
partie-afin de les rendre accessibles aux élèves. » (Biard, Denis1993,
p.15).
Mais, à quoi sont dues ces difficultés ?
Ils soulignent l’insuffisance de la formation reçue à
l’université du point de vue de la pratique professionnelle.
Certes, une formation initiale ne pourrait préparer l’enseignant à
gérer toutes les situations d’enseignement auxquelles il sera
80
Quelle(s) évaluation(s) pour les futurs enseignants de français ?
quotidiennement confronté. Cependant, elle doit s’attacher à
construire les compétences fondamentales à réinvestir sur le
terrain car : « La formation est le lieu de la structuration
identitaire professionnelle de formés. » (ALLOUCHEBENAYOUN, PARIAT 2000, p.119). Cela signifie que le formé
doit avoir acquis un profil de sortie à la fin de son cursus
universitaire. Hélas, les difficultés auxquelles les enseignants
interrogés se heurtent quotidiennement certifient que leurs
performances quant à la fonction enseignante sont dans
l’ensemble faibles. En effet, 100% d’entre eux affirment être
dans l’incapacité d’aider les apprenants à résoudre une situation
problème et 94% ne pas être en mesure de les évaluer. Cela
signifie que durant sa formation initiale, l’étudiant n’est
quasiment pas formé à l’évaluation.
Mais un contrat d’apprentissage, ne suppose-t-il pas
l’engagement de deux parties : enseignant et apprenants ?
Quel est le profil de sortie d’un futur enseignant de
français ?
L’enseignement est un métier qui suppose l’acquisition de
compétences professionnelles de la part de l’enseignant pour
qu’il puisse y rentrer progressivement et le mener à bien. C’est
aussi un métier qui lui demande beaucoup d’efforts personnels,
comme le fait de continuer à apprendre afin de se perfectionner.
C’est ce que souligne Azouz Abdennebi, lorsqu’il évoque ce
thème : « C’est le propre de l’enseignant digne de ce nom
d’apprendre toujours davantage, chaque année, chaque mois,
chaque semaine, si possible » (ABDENNEBI 1993, p.115).
D’après le Dictionnaire Larousse, tout enseignant doit
posséder les compétences suivantes :
1-Sens de la pédagogie pour transmettre des connaissances et des
méthodes de travail.
2-Sens de l’observation pour repérer les progrès et les difficultés des
élèves.
3-Sens des relations humaines afin d’établir un bon contact avec les
élèves et dialoguer avec eux. (Dictionnaire Larousse 1998, p.118).
Donc, il est indispensable que le formé s’approprie des
savoirs professionnels, pédagogiques, didactiques, littéraires,
81
Soraya BELKHITER
linguistiques, psychologiques et autre afin qu’il puisse les
réinvestir sur le terrain. Autrement dit, la formation initiale doit
garantir l’acquisition de compétences indispensables au métier
d’enseignant comme il est souligné dans ce passage :
On entend par formation initiale le premier programme d’études qui
conduit à l’exercice d’un métier ou d’une profession. Elle est dite «
initiale » parce qu’elle vise d’abord l’acquisition de compétences par
une personne qui n’a jamais exercé la profession pour laquelle elle
désire se préparer. Cette formation, de durées variables, peut être
offerte par l’un ou l’autre des trois ordres d’enseignement
(secondaire, collégial et universitaire). Elle est toujours sanctionnée
par un diplôme. (Agence Française pour le Jeu Vidéo juin 2004)
Le passage cité ci-dessus montre que le métier d'enseignant
s'apprend et que sans une préparation préalable, l’enseignant ne
sera en mesure de réaliser les tâches relatives à ce métier. À vrai
dire, la formation est censée élaborer son profil de sortie. Un
profil de sortie qui se traduit par l’aptitude :
—
—
—
—
—
—
À animer des cours ;
À évaluer des apprenants ;
À gérer des apprenants ;
À appliquer des approches pédagogiques ;
À répondre aux besoins et aux attentes des apprenants ;
À développer des compétences chez des apprenants.
Il est clair que les enseignants interrogés n’ont pas ce profil
de sortie, puisqu’ils reconnaissent être inaptes à réaliser les
tâches citées ci-dessus. Alors, à quoi est due cette situation ? À
quoi sont dues les difficultés rencontrées en classe par les
nouvelles recrues ? S’agit-il d’une formation lacunaire dont les
contenus d’enseignement ne répondent ni aux besoins ni aux
attentes des formés ?
82
Quelle(s) évaluation(s) pour les futurs enseignants de français ?
Quelles sont les causes des difficultés rencontrées
par les nouveaux enseignants de français ?
100%
80%
60%
100%
95%
40%
40%
20%
0%
1
2
3
1= Déséquilibre entre la théorie et la pratique ;
2= Contenus d’enseignement lacunaires ;
3= Inefficacité du stage pratique.
Face à leurs difficultés, les enseignants incriminent, en
grande partie, leur formation universitaire. En effet, ils ne
s’estiment pas suffisamment préparés par leur formation à la
fonction enseignante.
Nous avons classé les lacunes soulignées par les interrogés au
niveau de leur formation dans un ordre décroissant. Les
cylindres ci-dessus montrent le pourcentage d’enseignants ayant
cité ces causes dans leurs réponses.
Tous les enseignants interrogés soit un total de 100%
trouvent que leur formation initiale est purement théorique et
qu’elle n’articule guère entre la théorie et la pratique. Ce
déséquilibre serait à l’origine des difficultés qu’ils rencontrent
sur le terrain. Alain Peyrefitte ancien ministre de l’éducation en
France avait soulevé ce problème en disant :
La formation théorique des professeurs est trop souvent un
compromis mal défini entre un enseignement d’érudition, dans la
tradition universitaire, et un enseignement conforme aux méthodes
et à l’esprit de l’enseignement. Quant à leur formation
professionnelle proprement dite, elle est d’une insuffisance criante :
la pédagogie, la connaissance des situations scolaires, tout ce qui est
nécessaire aux pédagogues est pratiquement absent de la formation
qui leur est donnée. (A. PEYREFITTE in A. ABDENNEBI 1993, p.
57)
83
Soraya BELKHITER
Dans ce passage, Alain Peyrefitte met l’accent sur l’aspect
professionnel que doit avoir la formation universitaire et sur
l’équilibre entre la théorie et la pratique.
Patrice Pelpel a également soulevé le problème des contenus
théoriques de la formation universitaire. Il dit à ce propos :« la
formation universitaire initiale est centrée sur des contenus
scientifiques spécialisés et inspirée par des modèles
pédagogiques rarement transférables au niveau de
l’enseignement secondaire. » (PELPEL, 1998 : 128).
Ainsi, il nous semble adéquat que tous les enseignants
interrogés reconnaissent avoir des difficultés sur le terrain et
qualifient leur formation de théorique. Il faut savoir que la
réalité du terrain est toute autre ! Désormais, l’enseignant n’est
plus appelé à réciter des savoirs ou à les transmettre, mais il est
plutôt appelé à développer des compétences chez ses apprenants.
Or, une telle formation leurs permet-ils de réaliser une telle
tâche ?
Il faut savoir que tous les enseignants ayant fait trois ans
d’études supérieures (nouveau régime) pour obtenir une licence,
n’ont jamais effectué de stage pédagogique. Alors, quelle aurait
été dans ce cas l’utilité des connaissances théoriques si elles
n’étaient pas mises en application ? Selon le ministère de
l’éducation française, ces connaissances seront stériles et d’une
inutilité absolue. Il trouve qu’une alternance entre la théorie et la
pratique préparera mieux le formé à enseigner comme le
confirme ce passage :
Si les savoirs théoriques déconnectés de la pratique sont inefficaces,
l’expérience des professeurs stagiaires n’est pleinement formatrice
que si elle est analysée à l’aide d’outils conceptuels et des apports de
la recherche universitaire. La formation initiale des enseignants est
donc fondée sur une articulation entre des périodes de stage,
moments de pratique dans une classe, et des temps de formation hors
de la classe. (Ministère Éducation Nationale Mars 2007).
En effet, nous ne pouvons pas se suffire d’un enseignement
exclusivement théorique d’où l’utilité d’instaurer des stages
pratiques qui s’étirent sur une durée plus longue.
Les réponses obtenues pour cette question révèlent qu’il
s’agit d’une formation dont le déséquilibre est flagrant entre la
théorie et la pratique et que les études supérieures ne préparent
84
Quelle(s) évaluation(s) pour les futurs enseignants de français ?
pas forcément le formé à sa future fonction. Michel LESNE
trouve que
Une connaissance concrète des réalités du travail semble constituer
un des critères les plus retenus, liés à la nécessité de se référer à des
exemples réels, à des expériences vécues, afin que l’enrichissement
des personnels en formation, au niveau des connaissances
méthodologiques et théoriques, puisse s’accompagner de possibilités
réelles d’application. (LESNE. M, in ALLOUCHE-BENAYOUN
2000, p.127).
Les enseignants novices rattachent les difficultés qu’ils
rencontrent en classe au programme d’enseignement de la
licence de français. Il s’agit, d’après eux, d’un programme
lacunaire n’ayant point pallié leurs insuffisances. Ils pensent que
les contenus des modules ne sont globalement pas pertinents
dans la mesure où ils ne convergent pas vers le même objectif :
former les étudiants à leur future profession. Ils citent comme
exemple le module de didactique où les cours sont très
enrichissants, mais insuffisants. Ils remettent aussi en cause le
volume horaire des modules à visée psychologie et linguistique.
Ils insistent sur le fait qu’il y a un grand écart entre les études
supérieures et la profession enseignante. Cet écart est, d’après
eux, lié aux programmes qu’ils enseignent. Qu’ils soient au
primaire, au moyen et/ou au secondaire, ces enseignants ne sont
pas appelés à enseigner la littérature française, mais à installer
des compétences langagières. Nous entendons par compétences
langagières : la capacité de lire, d’écrire, de parler et de
comprendre la langue cible. Certes, il ne peut être affaire du
même programme d’enseignement, le cycle supérieur en est une
chose, et les autres cycles d’étude en est une autre. Cependant,
c’est la formation universitaire qui garantit au formé
l’acquisition d’une identité professionnelle. Philippe Perrenoud
met l’accent sur l’installation de compétences professionnelles
chez le formé lors de son cursus universitaire. Il dit à ce propos :
Peut-on orienter la formation des maîtres autrement que vers
l’acquisition de compétences ? Qu’y a-t-il de neuf dans une telle
orientation ? Existe-t-il une alternative ? N’est-il pas évident qu’une
pratique professionnelle complexe exige des compétences et que la
formation a pour principale vocation d’en permettre le
développement ? (PERRENOUD : 1993).
85
Soraya BELKHITER
Les attentes des nouveaux enseignants se portent
prioritairement sur l’acquisition d’une identité professionnelle et
l’acquisition de compétences langagières. Il nous semble que
leur choix est tout à fait justifié, si on revient aux programmes
du FLE qu’ils enseignent.
Le pourcentage d’enseignants ayant qualifié le stage
pédagogique d’inefficace est de 40% soit la totalité des
enseignants du secondaire. Ils trouvent que le stage interne n’est
pas du tout pertinent pour la simple raison que le stagiaire dans
cette formule de stage interne a affaire à des étudiants de 1ère
année de licence , alors qu’en réalité il aurait dû avoir affaire à
des écoliers , à des collégiens et/ou à des lycéens. Ils remettent
également en cause la durée du stage qu’ils trouvent très courte.
Pourtant, c’est à la formation de préparer le formé à sa future
profession, afin qu’il mène à bien son travail. Luc Ferry,
l’ancien Ministre de l’éducation dit à ce propos : « aider les
enseignants à mener à bien les grands chantiers nécessaires
pour relancer la dynamique de l'école, c'est d'abord leur assurer
la meilleure formation initiale et continue possibles. »(FERRY :
avril 2003).
Les enseignants questionnés trouvent qu’il aurait été plus
judicieux de suivre un stage pédagogique en dehors de
l’université (école primaire, collège et/ou lycée), puisqu’ils sont
appelés à enseigner dans l’un de ces établissements. Le stage
pédagogique est un exercice qui permet au formé d’acquérir une
certaine expérience et de vivre des situations d’apprentissage
relatives à sa future profession. C’est aussi une pratique qui
permet au stagiaire de mettre en application ses connaissances
théoriques.
Pour toutes ces raisons, nous pouvons certifier que la
formation des enseignants de français est loin d’être pertinente,
comme l’atteste d’ailleurs et à juste titre les réponses obtenues
de l’enquête faite auprès de ces derniers. Sinon comment
expliquerions-nous le fait que 94% des interrogés nient être en
possession de la compétence à évaluer. Sachant que celle-ci
relève de la compétence professionnelle.
86
Quelle(s) évaluation(s) pour les futurs enseignants de français ?
Évaluer : pourquoi, comment et à quels moments ?
Au sens habituel, l’évaluation consiste à attribuer une
valeur à un objet, à une action ou à une attitude. En
didactique du FLE, enseignant et apprenant devront procéder à
des évaluations périodiques au niveau pédagogique
(l’enseignant, pour s’auto-évaluer et se remettre en question ;
l’étudiant, pour évaluer sa progression). L’évaluation serait donc
une démarche d’observation des effets de l’enseignement et de
l’apprentissage tel que le souligne CARDINET dans le passage
suivant :
L’évaluation vise le futur et se tourne vers le passé, elle décrit la
situation présente pour permettre une intervention corrective
immédiate, c’est la fonction de l’évaluation formative, ponctuelle de
guider ces adaptations : apprécier le genre d’activité qu’est maîtrisé,
déterminer les aspects qui ne sont pas acquis, sentir sur quelle
motivation on peut s’appuyer, puis exploiter toutes ces informations
dans le choix de nouvelles situations d’apprentissage. (CARDINET :
1986, p. 38).
Nul ne peut nier que l’évaluation des apprentissages est
l’élément clef de tout programme de formation, mais ça reste
également un processus complexe. En effet, le développement
de la compétence à évaluer chez le formé durant sa formation
initiale n’est point une tâche aisée comme le souligne
TAGLIANTE :
L’évaluation est un objet de malentendus entre :
— L’évaluateur et l’évalué, bien sûr et au premier chef
(Pourquoi cette note, j’avais pourtant réussi ! Il note « à la
tête du client » d’ailleurs, j’ai écrit la même chose que
Untel, et il a une meilleure note que moi ! Etc.) ;
— L’établissement et l’évaluateur, ensuite (Un professeur dont
les élèves n’ont que de « mauvais résultat » est, bien sûr, un
mauvais professeur …) ;
— L’évalué et la société enfin, ou les parents (mauvais résultats
scolaires= mauvais sujet, peut être inapte à l’entrée sur le
marché professionnel. (TAGLIANTE 1994, p. 21).
En effet, si l’évaluation est sujet de controverses, c’est parce
que les nouvelles recrues, dans leur formation initiale, n’ont pas
87
Soraya BELKHITER
été formés pour. L’enquête menée pour les besoins de notre
thèse de doctorat atteste qu’une grande place est
accordée à l’évaluation sommative à l’université.
Telle était notre question : Pensez-vous que dans votre
formation, une plus grande place est accordée à :
L’évaluation sommative ;
L’évaluation diagnostique ;
L’évaluation formative.
100%
80%
60%
100%
40%
20%
0%
1
0%
0%
2
3
1- Évaluation sommative ;
2- Évaluation diagnostique ;
3- Évaluation formative.
Nous remarquons que 100% des enseignants interrogés ont
choisi l’évaluation sommative. Cela signifie que, dans leur
formation universitaire, c’est ce type d’évaluation qu’on
privilégie. Bien que la nouvelle méthode d’enseignement
« approche par compétences » exige que l’apprenant soit
impliqué davantage dans le processus de formation afin de se
séparer de l’ancienne méthode où il était le plus souvent passif,
nous remarquons que c’est l’évaluation sommative qui est
pratiquée et non celle dite formative ou celle dite diagnostique.
Il existe différents types d’évaluation :
L’évaluation sommative
Elle se situe à la fin d’un apprentissage. Elle sert à
mesurer les changements survenus chez les participants et à
juger de leur degré de maîtrise des objectifs. C’est la raison
88
Quelle(s) évaluation(s) pour les futurs enseignants de français ?
pour laquelle l’évaluation sommative est dite certificative.
Selon Braun et Forges :
Elle sert à :
— Fournir un instantané à un moment donné pour un élève
donné.
— Informer les parents.
— Fournir des données pour gérer le progrès et la performance
globale.
— Informer d’autres professeurs.(Braun, Forges 1988, p.75).
Nous pouvons dire que la fonction essentielle de ce type
d’évaluation est de sanctionner des contenus d’enseignement, à
travers une note chiffrée, qu’on accorde à l’apprenant pour le
déclarer admis ou non admis en classe supérieure.En d’autres
termes, il s’agit de contrôler les savoirs acquis et d’élaborer un
bilan de la formation (résultats obtenus) sans plus. Cependant, le
rôle du formateur peut-il se limiter au simple contrôle ? Est-il
juste de se contenter d’attribuer une note au formé ? N’est-il pas
temps que le formateur s’oriente vers une réflexion constructive
sur son enseignement afin de guider l’apprenant vers
l’acquisition des compétences ?
L’évaluation formative
L’objectif de l’évaluation formative est d’améliorer
l’enseignement et l’apprentissage et non simplement
classer ou noter les élèves, conduisant progressivement
l’apprenant à s’auto-évaluer à partir d’informations sur ses
points forts et ses points faibles, sur ses besoins et ses
attentes tel que l’atteste De Landsheere dans le passage cidessous :
L’évaluation formative est l’évaluation intervenant, en principe, au
terme de chaque tâche d’apprentissage et ayant pour objet
d’informer élève et maître du degré de maîtrise atteint
éventuellement de découvrir où et en quoi un élève éprouve des
difficultés d’apprentissage, en vue de lui proposer ou de lui faire
découvrir des stratégies qui lui permettent de progresser. (DE
LANDSHEERE, 1979 : 25).
L’évaluation dite formative a deux effets positifs : le premier,
est celui de donner clairement au professeur les points à
89
Soraya BELKHITER
retravailler et les points bien acquis, le second, est celui de bien
préparer les élèves pour l’évaluation sommative en fin de
séquence. En d’autres termes, il s’agit d’une démarche
pédagogique visant l’individualisation des apprentissages
« apprendre à apprendre ».
Si nous revenons aux statistiques concernant le type
d’évaluation pratiquée le plus à l’université, nous dirons que
celle dite formative reste inexistante. Et pourtant c’est grâce à
celle-ci qu’une amélioration des apprentissages et des résultats
peut avoir lieu. Elle a plusieurs fonctions bénéfiques quant à
l’enseignement /apprentissage d’une matière.
Dans le tableau ci-dessous, Minder oppose l’évaluation
sommative à l’évaluation formative en citant les critères propres
à chacune d’entre elles.
Évaluation formative
Évaluation sommative
Elle est analytique : c’est
l’évaluation spécifique d’un objectif
opérationnel
Elle est globale : c’est l’évaluation
générale de l’assimilation d’une
matière.
Elle est continue : elle est fréquente,
s’inscrivant dans le déroulement
même de l’apprentissage (fin de
leçon).
Elle est diagnostique : elle situe
l’élève par rapport à l’objectif,
identifie les erreurs et décèle les
faiblesses de l’apprentissage.
Elle est ponctuelle : elle intervient
à des moments précis, clôturant un
chapitre (interrogation) ou une
période scolaire (examen).
Elle est statistique : elle situe les
notes
individuelles
dans
la
distribution de l’ensemble des
notes.
Elle est corrective : elle débouche
sur des activités d’ajustement,
assurant ou renforçant la maîtrise de
l’objectif.
Elle est normative : elle réalise un
constat en termes de réussite ou
d’échecs.
(MINDER 1999, p.287).
Nous pensons qu’il est temps que les enseignants cessent de
se plaindre du niveau de leurs apprenants après une évaluation
sommative et s’orientent vers une évaluation formative
s’intégrant au processus de formation et contribuant à son
efficacité. Si nous souhaitons le passage d’un état initial à un
étal final (atteindre des objectifs), nous devront retrouver ces
90
Quelle(s) évaluation(s) pour les futurs enseignants de français ?
deux évaluations dans la formation. Désormais, l’évaluation à
l’université doit être prise en charge d’une manière rigoureuse,
car un étudiant évalué d’une façon efficace n’est qu’un futur
évaluateur évaluant lui aussi ces apprenants efficacement.
Comment remédier aux lacunes des enseignants de
français fraîchement sortis de l’université ?
La totalité des enseignants interrogés soit 100% avouent ne
pas être aptes à enseigner. D’après leurs réponses, les difficultés
à vaincre sont de plusieurs ordres. Les nouvelles recrues
soulignent des lacunes aux niveaux didactique, pédagogique,
linguistique et psychologique. Ils estiment que beaucoup de
choses restent à faire pour pouvoir bien enseigner.
Tous les enseignants interrogés avouent ne pas être satisfaits
de leurs compétences langagières, psychologiques et
pédagogiques. Ils trouvent que l’introduction de quelques
changements dans le programme de la licence de français serait
la solution qui pourra aider le formé à mieux affronter la
situation d’enseignement /apprentissage du FLE. Alors, sur quoi
ont-ils le plus insisté ? Quels sont les changements qu’ils ont
proposés ?
100% des enseignants interrogés affirment qu’ils ont besoin
d’une formation continue. Ils estiment que beaucoup de choses
restent à faire après l’obtention de la licence, et que le nouvel
enseignant se trouve plus souvent perdu pour pouvoir enseigner.
Encore là, les interrogés soulignent que les cours donnés durant
la formation universitaire n’étaient tout simplement pas
appropriés : la réalité de la classe est différente des
enseignements donnée à l’université, il y’a également un
décalage entre la théorie et la pratique. Ces lacunes, les
nouvelles recrues, souhaitent les combler en suivant une
formation continue. Sachant qu’une formation initiale n’est
jamais assez suffisante comme le montrent Collés, Dufays et
Maeder :
Il est certes utile de fournir aux futurs enseignants le kit de survie
qui leur permettra de faire face dès le début de leur carrière, aux
difficultés de gestion de classe et d’enseignement d’une matière.
91
Soraya BELKHITER
Mais, on ne peut faire fi du long terme. (COLLÈS, DUFAYS,
MOEDER, 2003, p.207).
Le travail de perfectionnement d’un enseignant de langue
étrangère répond à beaucoup d’impératifs tels que le souligne
Limbos : « Le perfectionnement signifie une approche plus
approfondie de certains aspects de la fonction d’animateur
notamment au plan technique ou pédagogique ». (LIMBOS,
1979 :57). Nous entendons dire par perfectionnement : combler
les lacunes d’une formation déficiente, mettre à jour les
connaissances langagières et suivre le développement
scientifique dans plusieurs domaines (pédagogique, didactique,
psychologique).En effet, un savoir ou un savoir-faire n’est
jamais appris d’une manière suffisante, un enseignant aura
toujours besoin de s’instruire en vue d’une amélioration.
Apprendre à devenir génial, enthousiaste, passionné… et
communiquer cette flamme, est-ce que cela s’enseigne, est-ce que
cela s’apprend suffisamment à l’université ? Est-ce un gage de
qualité ? Je fais le pari que pour la profession enseignante – et pour
bien d’autres-il y a là une avenue à explorer et à matérialiser. Je
pense que l’on peut progresser sur ce terrain. (La maison des
enseignants et de l’éducation tout au long de la vie 2006).
Nous constatons d’après les réponses obtenues que l’aprèsformation initiale n’est pas à négliger si on vise à améliorer la
qualité de l’enseignement tel qu’on le souligne dans le passage
qui suit :
La formation continue contribue à l'amélioration des pratiques
professionnelles, des qualifications en vue de leur promotion ainsi
qu'à l'enrichissement culturel et à la réalisation de projets personnels,
et ce pour toutes les catégories, sans exception. Il faut donc
augmenter substantiellement les crédits affectés à la formation
continue et prendre en compte les demandes des personnels. La
formation continue doit répondre de façon équilibrée aux exigences
institutionnelles et aux aspirations de l'individu. (La maison des
enseignants et de l’éducation tout au long de la vie 2006).
Nous pensons qu’il serait temps qu’une stratégie claire et
pertinente d’accompagnement des enseignants du FLE ait lieu,
en vue d’améliorer la qualité de l’enseignement. Pour être
efficace, la formation universitaire doit être suivie d’une
92
Quelle(s) évaluation(s) pour les futurs enseignants de français ?
formation continue. Celle-ci sera un moyen de soutien adéquat
qui aidera, sans doute, les nouvelles recrues à résoudre les
difficultés qu’ils rencontrent sur le terrain.
Si la formation initiale se préoccupe de multiplier les cours
théoriques dont le contenu ne remédie point aux lacunes du futur
enseignant, la formation continue accompagne ce dernier dans le
but de l’aider à se construire une identité professionnelle.
À la lecture des réponses, nous pouvons observer que les
principales difficultés rencontrées par les nouvelles recrues sont
d’ordre linguistique, pédagogique/didactique et psychologique.
Les enseignants interrogés insistent sur les modules à visée
linguistique, et psychopédagogique. Ils considèrent ces
disciplines comme étant des disciplines-clés vu qu’elles ont pour
objectif de favoriser chez le futur enseignant l’acquisition d’une
formation approfondie aux plans méthodologique, technique et
linguistique.
Il faut savoir que la totalité des enseignants interrogés ont
opté pour le module de Morphosyntaxe (système L.M.D) ou de
pratique systématique de la langue (licence classique) pour la
simple raison que la formation reçue à l’université ne s’est point
assurée de faire d’eux de véritables spécialistes du français écrit
et oral. Ils trouvent qu’un accroissement du volume horaire de
ces modules permettrait une maitrise de la langue cible.
Autrement dit, il s’agit plutôt de remplacer les nombreuses
heures consacrées aux cours théoriques par des heures
consacrées à des contenus d’enseignement plus pertinents, en
grammaire, par exemple.
La totalité des enseignants signalent qu’il y a un déséquilibre
entre la théorie et la pratique et qu’ils n’ont bénéficié d’aucune
formation pédagogique et d’aucun stage externe. Ils espèrent
que les concepteurs du programme de la licence de français
mettent en œuvre une formation initiale adaptée à la réalité du
terrain. Ils insistent sur l’accroissement du volume horaire
octroyé aux modules de didactique et de psychopédagogie.
Ainsi, nous constatons que non seulement, la pratique est d’une
insuffisance criante mais, par ailleurs, les acquis théoriques en
didactique restent en dessous de ceux acquis en d’autres
matières.
93
Soraya BELKHITER
Les enseignants interrogés signalent à travers les
changements qu’ils proposent les lacunes de leur formation et
expriment leurs besoins et leurs attentes en matière
d’enseignement / apprentissage du FLE. Nous avons relevé que
la totalité d’entre eux remettent en cause la fréquence du module
de didactique, de pratique systématique de la langue et de
techniques d’expression écrite et orale. Pour eux, la clé de la
réussite passe par l’étude de ces matières tout au long de la
licence.
Les enseignants interrogés souhaiteraient une formation
continue orientée vers la pratique, leurs permettant de pallier les
lacunes en matière d’enseignement. Ils insistent sur
l’indispensable continuité entre la formation de base et la
formation continue. Or, il serait absurde d’espérer qu’une
formation initiale ou/et continue pourrait leurs apporter la
totalité de la formation qui doit être la-leur, mais une formation
continue stimulant régulièrement leur autoformation pourra
contribuer à la construction de leur identité professionnelle.
L’autoformation est une activité individuelle qui permet à
l’enseignant de se forger et de s’autoévaluer. C’est la formation
de soi par soi. Barry Nyhan définit l’autoformation comme suit
: « Se former, c’est apprendre à connaître ce que l’on ne sait
pas. (…). C’est apprendre à résoudre les problèmes (…).Bref,
s’engager dans l’autoformation, c’est éveiller en soi des
capacités d’autonomie et de responsabilité. » (NYHAN,
in PRÉVOST, 1994 : 47). Le formé met en œuvre une méthode
de formation active visant à l’acquisition des compétences et la
construction des savoir, des savoir-faire et des savoir-être.
La certitude est loin de régner sur la meilleure façon de
former les futurs enseignants ou, plus exactement, de les aider à
se former. L’attitude la plus sage est sans doute de les doter d’un
solide bagage de référence et d’un esprit de recherche. À cette
fin, il serait judicieux de mettre en œuvre une formation ayant
lieu dans un milieu où la recherche scientifique se pratique et le
formé est un partenaire actif.
Les enseignants interrogés reconnaissent l’impact positif de
l’autoformation, mais n’affirment point qu’ils la pratiquent. Ils
proposent également une série de suggestions indispensables à
94
Quelle(s) évaluation(s) pour les futurs enseignants de français ?
une formation efficace des futurs enseignants de français. Ils
trouvent qu’il serait utile de :
— Équilibrer entre la théorie et la pratique ;
— Octroyer un volume horaire plus accru aux modules à
visée didactique, pédagogique, psychologique et
linguistique ;
— Rendre le stage pédagogique obligatoire ;
— Effectuer le stage pédagogique au niveau des trois
paliers d’étude : Primaire, moyen et secondaire ;
— Étaler le stage pédagogique sur une durée plus longue.
Pour que cette formule porte ses fruits, elle doit être
profondément ancrée dans la réalité du terrain. Autrement dit,
les concepteurs du programme de la licence de français devront
partir des besoins et des lacunes des étudiants lors de
l’élaboration de ce dernier.
Conclusion
De quoi les nouveaux enseignants de français ont-ils besoin ?
À quel niveau se situe l’obstacle qu’ils n’arrivent point à
franchir ?
Au terme de cette enquête, nous certifions qu’il est
indispensable pour un futur enseignant d’avoir une double
formation : scientifique et pédagogique ainsi qu’une articulation
entre ces deux domaines tout au long de son cursus universitaire.
Cependant, ni l’une, ni l’autre ne seront achevées. Une
formation continue et une autoformation permanente comblera
sans doute les lacunes de la formation initiale. En d’autres
termes, il ne s’agit pas pour un enseignant de recevoir une
formation une fois pour toute. Il est nécessaire que ce dernier
puisse régulièrement mettre à jour ses connaissances et remettre
en question ses méthodes et ses pratiques pédagogiques.
Toutefois, dans diverses disciplines, on a souvent tendance à
former les étudiants comme de futurs chercheurs, notamment en
licence de français où la formation apparaît comme académique
et la pratique demeure moins fréquente. D’où le décalage entre
la théorie la pratique. Apparemment, on croit avoir trouvé la
solution en multipliant les cours théoriques. Une solution qui
n’est guère adéquate puisqu’elle ne permet aucune maîtrise du
français et aucune acquisition de connaissances en didactiques,
95
Soraya BELKHITER
en pédagogie et en psychologie de l’enfant et de l’adolescent.
Claude Lessard et Philippe Meirieu soulignent ce problème en
ces termes :
La politique à l’égard des universités introduit la notion de
performance des universités. Celle-ci s’articule autour de deux
enjeux : la qualité de la formation et l’excellence des établissements
par des activités d’enseignement et de recherche de haut niveau. Par
qualité de formation, on entend une formation mise à jour et
actualisée, contenant des connaissances à la fine pointe émanant des
résultats de recherche récents, évoluant au rythme des
connaissances. C’est aussi une formation pertinente répondant à la
fois aux besoins de développement du personnel et fournissant des
outils nécessaires à l’insertion sociale et professionnelle. Une
formation de qualité se veut également durable ; elle vise à ce que
les étudiants acquièrent des habiletés techniques spécialisées
directement utilisables sur le marché du travail(…) Enfin une telle
formation privilégie la culture générale, se veut transdisciplinaire,
cherche à développer l’esprit critique(…). (LESSARD, MEIRIEU,
2005 : 151).
Une formation de qualité serait celle qui trouve un équilibre
entre les disciplines. D’ailleurs, c’est la transdisciplinarité qui
facilite l’insertion professionnelle des nouvelles recrues.
Cependant, la formation initiale toute seule ne peut suffire
pour que le formé soit doté de toutes les compétences, il
apprendra au fur et à mesure qu’il exercera son métier.
L’autoformation n’est pas non plus à négliger car« Apprendre
est quelque chose que l’on fait et non quelque chose qui nous
arrive ». (DEGALLAIX, MEURICE, 2003 : 13).
Donc, le formé est censé participer activement à son
apprentissage afin d’être doté d’un savoir-faire, d’un savoir-être
et d’un savoir-devenir, en suivant diverses démarches tel qu’on
le montre dans ce passage :
Comment créer des conditions d’un auto-apprentissage ? En
favorisant les activités d’investigation, d’élaboration, de production
par les élèves eux-mêmes. Grâce à des lieux de documentation, des
multimédias, des ateliers, des travaux de groupe(…) ou encore par
l’approche de situations réelles. (GIORDAN, GUICHARD,
GUICHARD, 2001 : 08).
Les enseignants interrogés ont des lacunes, ils avouent ne pas
être capables d’enseigner, ne pas maîtriser la langue qu’on leur
96
Quelle(s) évaluation(s) pour les futurs enseignants de français ?
demande d’enseigner et certains d’entre eux optent pour une
deuxième formation. Pour toutes ces raisons, nous pouvons
certifier que la formation actuelle est loin d’être pertinente,
comme l’atteste d’ailleurs à juste titre, l’enquête menée sur le
terrain.
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98
99
Abdelnour BENAZZOUZ
Abdelnour BENAZZOUZ
Université de Mostaganem
[email protected]
Vers un élargissement du cadre d’analyse pour
l’apprentissage des langues de scolarisation et
étrangère en Algérie : plaidoyer pour une (re)
valorisation de la notion de représentation
(langagière) dans le processus d’évaluation1
Résumé
La présente contribution s’attache à souligner l’intérêt de parler et de
réhabiliter la notion de représentation socio-langagière dans le champ des
études et réflexions menées sur le processus d’acquisition/apprentissage des
langues (maternelles et/ou étrangères) en contexte algérien. L’hypothèse de
départ est celle de penser que la prise en compte de la représentation permet
réellement d’optimiser le processus d’apprentissage d’une langue seconde et
/ou étrangère chez le jeune l’apprenant. Plus concrètement, il est proposé une
grille de saisie (et d’analyse) de cette notion pour faire d’elle un « objet »
offert à l’appréciation du linguiste tout autant que du didacticien.
‫المل َخص‬
‫أهمية التكَلم واعادة تأهيل مفهوم "التمثيل اللغوي" في‬
‫هذه المساهمة‬
َ ‫تختص بتأكيد‬
َ
‫أو األجنبية) في‬/‫تعَلم اللغات (األم و‬/‫عملية اكتساب‬
َ ‫مجال الدراسات والتفكير المجرى في‬
‫أن أخذ بعين االعتبار "التمثيل اللغوي" يمكننا حقيقة‬
َ ‫ فرضية االنطالق هي‬.‫الوسط الجزائري‬
.‫أو أجنبية لدى المتعَلم الشاب‬/‫من تحسين عملية تعَلم لغة ثانية و‬
‫ نقترح جدول قبض (وتحليل) لمفهوم التحليل اللغوي لنصنع منه‬،‫بصفة ملموسة‬
.‫حد سواء‬
‫اللسانيات ودارس‬
‫"موضوع" يعرض لتقدير دارس‬
َ ‫التعليمية على‬
َ
َ
1
Abdelnour, Benazzouz, Maitre de Conférences à l’Université de
Mostaganem (Département de français).
100
Texte d’orientation : idée de départ
Il est question ici d’un positionnement de recherche qui
s’intéresse à la notion de représentation1langagière ou sociolangagière2 en essayant au passage de plaidoyer pour sa (totale)
réhabilitation3 dans le champ des réflexions menées sur le
processus d’acquisition/apprentissage des langues (maternelles
et/ou étrangères) en contexte algérien. Cela autorise de notre
point de vue, d’une part une compréhension plus en profondeur
des processus qui président à un apprentissage maximal par les
jeunes apprenants algériens, mais également dans un second
temps contribue activement à l’évaluation concrète4 de ce
dernier. Notre entrée est purement (nécessairement)
linguistique5 et s’inscrit donc en amont du processus
« évaluatif »6 à proprement parler pour semble-il assurer cette
nécessaire continuité ou continuum entre les différents cycles
scolaires et l’université en contexte d’apprentissage/évaluation.
Plus concrètement, la présente recherche propose une grille de
saisie (et d’analyse) de cette notion pour faire d’elle un « objet »
offert à l’analyse et à l’appréciation du linguiste tout autant que
du didacticien.
S’inscrivant donc dans une perspective réflexive strictement
linguistique (l’apprentissage des langues, le discours sur elles),
cette réflexion part de l’idée de questionner la notion de
« représentation » en discours par ceux-là qui apprennent,
comme moteur ou comme frein à l’apprentissage et à
l’évaluation d’une langue (et à fortiori étrangère en contexte
scolaire algérien). En d’autres termes, il s’agirait de partir du
linguistique (des mots pour dire l’objet d’apprentissage) pour
arriver à du métalinguistique (discours sur l’objet
Comme une des formes d’évaluation de l’enseignement.
Qui concerne la langue que le locuteur parle ou sur laquelle il est amené
à produire du discours (méta-discours).
3
Il faut dire ici qu’à notre connaissance peu de place est accordée
aujourd’hui à l’étude de ce phénomène dans le champ des réflexions et
travaux menés par les chercheurs algériens et autres en la matière.
4
Et c’est là le travail de l’institution de l’école.
5
Et englobe du coup le deuxième axe proposé dans l’argumentaire qui est
« L’évaluation dans le système éducatif algérien ».
6
Qui intervient généralement en fin de parcours scolaire.
1
2
101
Abdelnour BENAZZOUZ
d’apprentissage) pour mieux revenir vers le linguistique
(apprendre, évaluer l’objet d’apprentissage) ; c'est-à-dire mettre
à profit ce que dit et sait (du coup) un apprenant sur la langue
qu’il est en train d’apprendre pour mieux l’amener à la cerner, la
distancer en discours pour mieux l’appréhender pour enfin
l’apprendre et l’adonner à l’exercice « évaluatif » par lui ou par
son enseignant. Tout l’objectif est celui de faire passer
l’apprenant d’un processus « langue-objet » virtuel, déroutant et
opaque
à
un
processus
« objet-langue »
plus
matériel/matérialisable et plus proche de l’apprenant par le biais
de la mise en mots. Cette mise en mots, c'est-à-dire la
matérialisation de l’objet d’apprentissage par celui-là même qui
apprend fait de lui un sinon le premier évaluateur de son propre
apprentissage.
Repères théoriques
Sans doute partons-nous, comme postulat majeur dans ce
survol théorique sur la notion de représentation et de
représentation langagière du constat fait (très tôt) par Labov
quand, en commençant à s’intéresser aux discours sur les
langues, il avait noté un (nécessaire) décalage entre l’usage de la
langue et sa représentation, ce qui constituait en soi un axe de
réflexion, indépendamment de l’étude de la langue en tant que
système. Ainsi, les premières recherches sur ce sujet ont été
conduites par Labov (1976) mais aussi par P. Trudgill (1974) et
sa fameuse étude sur les femmes1.
Sonia Branca Rosoff (1996) de son côté, faisait remarquer
que les représentations langagières sont nécessairement
constitutives des faits langagiers, en d’autres termes, que chaque
langue véhicule/véhiculerait son propre imaginaire et sa propre
vision du monde : « les notions de représentation et d’imaginaire
langagiers désignent l’ensemble des images que les locuteurs
associent aux langues qu’ils pratiquent, qu’il s’agisse de valeur,
d’esthétique, de sentiment normatif, ou plus largement
1
Dans une enquête qui touchait le public de femmes, Trudgill montre que
les femmes sont nombreuses à déclarer qu’elles utilisent des traits
phonétiques valorisés-ceux qu’elles aimeraient utiliser- alors qu’en fait, elles
ne les emploient pas ou rarement. (Branca-Rosoff, 1996: 81).
102
métalinguistique » (S. BRANCA-ROSOFF, 1996 : 79). En
France, on citera notamment les travaux du GARS sur le
français parlé avec Cl. Blanche-Benveniste et C. Jeanjean qui
font remarquer à propos de la nature des représentations
linguistiques « combien on s’illusionne facilement lorsqu’il
s’agit de sa langue » (S.BRANCA-ROSOFF, in Boyer, 1996 :
81).
Nous reprenons également à notre compte ici la définition
proposée par Guenier de la représentation qui voit en elle « une
forme courante (et non savante) de connaissance socialement
partagée qui contribue à une vision de la réalité commune à des
ensembles sociaux et culturels » (GUENIER. H, 1996 :146).
Remontant un peu loin dans l’histoire de la représentation, il
faudrait en reconnaitre la paternité à Émile Durkheim et à ses
théories empruntées à la psychologie sociale. Elle est proposée
pour la première fois par S. Moscovici (1960)1, et reprise depuis
par bon nombre de sciences sociales, en pensant que l’ordre
symbolique de choses participe à leur constitution :
C’est, au contraire, dans un effort pour montrer que l’ordre
symbolique, qui donne un sens au monde, fait partie des modes de
constitution des réalités sociales qu’ont été importées en linguistique
les théories de la représentation développées en psychologie sociale
par S. Moscovici. (BOYER, 1996 : 82).
Ainsi, la représentation est définie en psychologie comme le
processus par lequel une image est présentée aux sens ; c’est-àdire quel(s) sens, signification(s), interprétation(s) nous greffons
sur une image, un objet du monde extérieur qui nous entoure.
Ressort également la dimension plurielle de la représentation
(on emploie souvent représentation au pluriel), et par là même
subjective, car les représentations varient et sont fonction de
chaque individu dans sa différence considérée par rapport aux
autres individus (combien même ils appartiennent à la même
communauté). Moscovici postulait que la représentation sociale
pouvait se comprendre à travers trois éléments combinés : les
opinions, les attitudes et les stéréotypes. Ainsi dans la
perspective Moscovitienne « On s’intéresse particulièrement
1
Étude de la représentation sociale de la psychanalyse, 1960, 650 p.
103
Abdelnour BENAZZOUZ
aux opinions stéréotypées qui renforcent les consensus et soustendent les pratiques » (BOYER, 1996 :82).
Sur un autre plan, cette notion de représentation s’est vue
sollicitée par bon nombre de chercheurs en sciences du Langage,
en tentant de lui donner un statut théorique et méthodologique
au travers d’appellations diverses : « imaginaire linguistique »,
« attitudes linguistique », « représentations sociolinguistiques »
et même « idéologies linguistique » (Bourdieu, Boyer,
Houdebine, Labov, Lafont, in Boyer, 1996 : 15). Aussi à la
notion de représentation se voit associée la notion de « norme »,
c'est-à-dire de « sécurité » et d’« insécurité linguistique »
(Labov, 1976), ou phénomène d’hypercorrection (Gadet, 1989).
La sociologie et son évolution se trouve également impliquée
ici (Bourdieu, 1975) en posant que « le regard que l’on porte
sur la réalité, la perception qu’on en a, les propos que l’on tient
sur elles, ont eux aussi une réalité et une efficacité. Ceci amène
à privilégier le rôle pragmatique du langage dans la
construction des croyances collectives » (BRANCA-ROSOFF,
in BOYER, 1996 :82).
Aussi ce lien entre pratique linguistique et représentation se
trouve sollicité lors de :
La prise en compte de la signification qu’ont les faits sociaux pour
les sujets parlants s’impose particulièrement lorsqu’il s’agit de la
notion de langue, réalité résultant d’interventions multiples où
s’imbriquent des techniques de fixation conjointement descriptives
et prescriptives. D’ailleurs, avant d’avoir établi la structure abstraite
des signes qui justifie qu’il parle d’un système, le linguiste est bien
obligé de prendre comme une donnée des entités telles que le
français ou l’anglais. (BRANCA-ROSOFF, 1996 : 83).
Aussi cela fait une vingtaine d’années que les sociolinguistes
de Rouen qui se réclament de J.-B. Marcellesi, ou les linguistes
de Montpellier influencés par Robert Lafont travaillent autour
des représentations. Largement inspirés de la perspective
Lacanienne, des auteurs comme J.-Cl. Milner (1983) distinguent
deux opérations qui s’effectuent au niveau de la représentation :
d’un côté, la séparation entre les langues par le biais de la
nomination (langue, parler, dialecte, etc.), et de l’autre
« l’attribution de propriétés permettant de les doter d’une
représentation » (Branca-Rosoff, In Boyer : 84). Dans la même
104
perspective, A.-M. Houdebine (1994), à travers des recherches
menées sur « l’imaginaire linguistique » analyse ce rapport
qu’ont les locuteurs à la norme et l’influence, ainsi que le poids
des représentations sur les comportements et les attitudes sociolangagiers. Ses analyses réhabilitent la place des locuteurs
comme des acteurs déterminants dans la dynamique des langues
« à la rencontre entre le rapport intime qu’ils ont établi à la
parole et leurs attitudes face aux contraintes du système
conventionnel » (BRANCA-ROSOFF, 1996 : 85).
Aussi, souligne Branca-Rosoff (1996) que les
Historiens des théories du langage ont contribué à mettre en question
le dogme saussurien d’une masse parlante qui ne saurait agir
volontairement sur une langue, et d’un système linguistique toujours
déjà là que les locuteurs se bornent à actualiser. (Ibid. 85).
Suite à cette brève présentation théorique, plusieurs points
semblent plaider à la faveur de la prise en compte de la
dimension « représentationnelle » d’une langue dans le rapport
qu’a le locuteur à celle-ci. La question de la représentation
supposerait donc le paradigme qui oppose la norme à l’usage,
c'est-à-dire ce qui est prescriptif, c'est-à-dire les usages
« normés, normaux » (Branca-Rosoff, 89), par opposition à des
usages qui seraient plus individuels et particuliers par rapport à
cette norme.
Pourquoi nommer et en quoi est-ce utile ? Le
postulat
L’hypothèse adoptée est que le procédé nominatif d’une
langue en situation d’apprentissage, ainsi que le fait de
provoquer des discours épilinguistiques sur elle, (toujours au
moment de l’apprentissage) engage un rapport positif (ou du
moins pacifique) à cette dernière et contribue de façon optimale
au processus d’apprentissage. D’autant plus que l’acte nominatif
en lui-même (la mise en mots de l’objet-langue) permet de
diminuer la distance entre l’apprenant et son objet
d’apprentissage, et autorise une meilleure aptitude à apprendre.
Nommer c’est matérialiser par des mots une pensée que l’on
n’a pas exploré ni saisi auparavant surtout pour un apprenant qui
105
Abdelnour BENAZZOUZ
s’initie à une langue étrangère (le cas du français ou de
l’anglais).
Mettre des mots sur une pensée est une forme de s’approprier
la langue qui passe à ce moment d’une « langue-objet » distante
de l’apprenant à un « objet-langue » plus accessible du coup.
Nommer permet enfin d’ancrer1 la réalité de la langue et son
sens dans le quotidien de l’apprenant. Plus encore, c’est un
moyen d’évaluer combien la nomination peut exprimer le degré
d’appropriation (ou pas d’ailleurs) de la langue objet
d’apprentissage.
Démarche proposée
Nous proposons à ce stade un dispositif (stratégie) nominatif
qui permet de cerner l’évolution de la représentation chez
l’apprenant. Notre approche est diagnostique- diachronique de la
représentation linguistique et de son impact sur le processus
d’apprentissage de langue. Elle propose deux niveaux
d’analyse : micro (évaluation individuelle) et macro (évaluation
collective) :
1- Au niveau Micro : on se focalise sur chaque apprenant
afin d’identifier/évaluer sa représentation en amont, au
milieu et en aval de son parcours scolaire annuel.
2- Au niveau Macro : on se focalise sur les représentations
collectives (par classe ou par niveau), en essayant
d’observer la/les tendances qui se dégagent (positive(s),
négative(s),
valorisée(s)/valorisante(s),
dévalorisée
(s)/dévalorisante(s) par rapport au parcours commun
d’apprentissage. Une fois regroupés les dossiers des
apprenants « profilés », on procède à la systématisation
des données recueillies (par classe, par établissement, par
ville, voire par commune) afin de dégager une tendance
générale qui va nous donner une orientation claire dans la
structuration des représentations des apprenants d’une
langue 2.
Ces deux études auront pour finalité de dresser un parcours et
même un profil de la représentation chez l’apprenant algérien
qui s’initie à une langue seconde.
1
Et surtout de faire voir cet ancrage à l’observateur.
106
Sur un plan plus méthodologique, On propose parmi les tests
afin d’évaluer la représentation, une batterie de questions
informelles sur la langue en cycle d’apprentissage, mais ces
questions interviennent à différents temps et sont modifiées en
fonction de l’évolution du parcours de l’apprenant. Cette batterie
de questions s’étale sur trois étapes réparties sur toute l’année
scolaire, il s’agit en l’occurrence de trois processus qui sont : la
nomination, la catégorisation et enfin l’appréciation.
La nomination /identification : questions au large
On aura en début de parcours (premier trimestre) des
questions1 très larges sur la langue, des questions qui doivent se
focaliser sur le (simple) processus de nomination/désignation de
l’objet-langue. Les questions doivent induire inconsciemment
chez l’apprenant des opérations mentales d’identification de
l’objet d’apprentissage. Ces questions formulées au large ont
pour but de faire parler l’apprenant au maximum (BRES, 1999 :
63) sans intervention de l’observateur qui peut influencer les
réponses dans un sens ou dans l’autre :
Qu’est-ce que tu penses de cette langue ? Est-ce que tu aimes
cette langue ou pas ? Tu peux me dire pourquoi ? Que
représente cette langue pour toi ?
— La finalité de cette première étape est de dresser un (premier)
imaginaire linguistique de la L2 chez l’apprenant/récepteur qui
passe par la première forme d’appropriation d’une langue qui est
la nomination ou la mise en mots. Mais aussi amener
l’apprenant à matérialisé et à rationaliser via des mots son objet
d’apprentissage, façon de se rapprocher de lui et de le saisir
comme une entité, un tout qui fait sens et non pas comme un
objet opaque, abstrait et difficile à saisir qui peut parfois faire
peur parce qu’apprendre une (nouvelle) langue n’est jamais un
processus rationnellement facile pour un jeune enfant.
1
Il est important de mentionner ici que les questions adressées à
l’apprenant soient formulées dans sa langue maternelle, d’une part, parce
qu’il est plus à l’aise à répondre dans la langue qui exprime au mieux ses
ressentis, ses émotions ce qui peut assurer en un sens la fiabilité de son
discours/dires et d’autre part parce qu’il ne possède pas assez de mots dans la
langue 2 (la langue qu’il est en train d’apprendre) pour pouvoir exprimer
correctement sa pensée réelle.
107
Abdelnour BENAZZOUZ
La catégorisation : questions à l’étroit
Au milieu du parcours scolaire (second trimestre), on établira
des questions plus resserrées et plus tendancieuses donc qui vont
se centrer sur le processus de catégorisation, de l’objet-langue ;
ces questions doivent induire implicitement chez l’apprenant des
opérations mentales de catégorisation et de sélection, et sont
formulées ainsi :
Est-ce que l’apprentissage de cette langue est facile pour toi
ou au contraire, c’est un apprentissage difficile ? Tu peux me
dire pourquoi ?
La finalité de cette seconde étape est de visualiser le parcours
d’apprentissage de l’apprenant, de pouvoir dresser une courbe
ascendante ou bien descendante par rapport à ses motivations
quant à la poursuite ou non de son apprentissage de langue.
L’appréciation : questions ciblées
En fin de parcours (troisième trimestre), on opte pour des
questions plus tendancieuses et plus construites qui vont se
centrer sur le processus d’appréciation de l’objet-langue. Ces
questions doivent induire des opérations mentales de jugement
et d’appréciation. Cette dernière série de questions est présentée
comme suit :
Est-ce que tu penses que ta vision a changé par rapport à
cette langue. Qu’est-ce qui a changé selon toi ? Tu peux
m’expliquer pourquoi ? Tu peux me donner des exemples ?
Cette étape vise à noter les changements ou bien l’évolution
dans les représentations socio-langagières de l’apprenant en fin
de parcours scolaire, en vue de dégager ce (nécessaire) regard
progressif1 de l’apprenant sur la langue qu’il est en train
d’apprendre.
1
Nous faisons bien évidemment la distinction ici entre la capacité de
l’apprenant, au passage jeune enfant, à saisir le réel qui l’entoure (la langue
qu’il apprend) et la capacité à catégoriser la saisie de ce réel (produire un
jugement sur la langue qu’il apprend en ayant parfaitement conscience de ce
jugement). Il importe donc à l’observateur de déceler ce qu’il peut considérer
comme étant une appréciation ou bien un jugement produit et en faire après
des catégories d’analyse.
108
Pour finir
La prise en compte de la représentation socio-langagière, de
sa saisie et de son étude dans un parcours de langue et
d’évaluation de langue est une donnée, qui nous parait non
négligeable en contexte linguistique algérien où l’apprenant est
exposé à l’apprentissage (forcé) de plusieurs langues étrangères
en cycle primaire.
Il importe d’insister plus globalement sur la revalorisation du
terrain métalinguistique, pour englober toutes les facettes
intrinsèques à l’apprentissage d’une langue dite seconde en
contexte algérien (ou non maternelle, le français, l’arabe dit
standard), mais aussi à son évaluation et contribue réellement de
notre point de vue, à la réussite de l’acte pédagogique sur le
double plan, puisqu’il permet de fournir à l’enseignant un
maximum de données « linguistiques » observables et
mesurables réelles sur ses apprenants (leur dispositions, enclins,
penchants, préférences, répulsions, etc.,) et de l’autre côté
installe l’apprenant dans une dynamique positive en lui
permettant de« visualiser » son apprentissage dans le temps et
dans le parcours pédagogique.
Mettre des mots observables et vérifiables sur une entité
virtuelle qui est la langue signifie une première exposition à la
langue à apprendre et fonde ainsi un des actes de socialisation
par le linguistique ce qui constitue en soi un des rôles majeurs
assignés à l’organisme de l’école.
Bibliographie
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A.,
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Spatialisation,
territorialisation et mode(s) d’appropriation linguistique
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1983.
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sociale de la psychanalyse, Presses Universitaires de
France, 1960.
110
111
Djemâa BENSALEM et Samra BENSALEM,
Université de Bordj-Bou-Arréridj
ENS- Kouba, Alger.
[email protected] ;
[email protected]
Approche par compétences et évaluation des
acquis
Résumé
Dans tout acte d’enseignement apprentissage, l’évaluation occupe
un statut important parce qu’elle permet de suivre la progression de
l’apprenant tout au long de son parcours de formation et permet aussi
de certifier ses résultats. La réforme, qu’ont connue tous les niveaux
d’enseignement du cycle primaire à l’enseignement supérieur,
particulièrement en adoptant l’approche par compétences, a eu des
incidences sur les contenus d’enseignement et notamment sur la
perception de l’activité évaluative et de ses fonctions. Cela nous
amène à nous demander si ces réaménagements permettent-ils
effectivement de passer d’une évaluation des connaissances à celle des
compétences ?
‫الملخص‬
‫ يحتل التقييم مكانة هامة ألنه يسمح بمتابعة تطور المتعلم‬،‫في كل عملية تعليم وتعلم‬
‫ اإلصالح الذي‬.‫طوال مشواره التكويني ويسمح أيضا بالحصول على شهادة تقيم نتائجه‬
‫ خاصة بإتباع‬،‫عرفنه كل المستويات التعليمية من الطور االبتدائي إلى التعليم العالي‬
‫ كانت له تأثيرات على المضامين التعليمية وباألخص على مفهوم العملية‬،‫المقاربة بالكفاءات‬
.‫التقييمية ووظائفها‬
‫وهذا يقودنا للتساؤل فيما إذا كانت هذه التعديالت تسمح فعال باالنتقال من تقييم‬
.‫للمعارف إلى تقييم للكفاءات‬
112
Approche par compétences et évaluation des acquis
Après une période de résistance au changement spécialement
dans le domaine éducatif, notre système éducatif n'a pas pu
échapper aux mutations survenues dans le monde. Il s'est fixé
alors une finalité difficile mais ambitieuse qui consiste à revoir
les contenus d'enseignement afin qu'ils deviennent plus
appropriés aux diverses exigences de l'école de la société
algérienne. Même si le changement a été difficile parce que le
poids du passé demeure toujours et il est, selon les propos de
Ferhani Fatiha Fatma, à l’origine de la difficulté à « injecter
massivement du changement » (Ferhani, 2006 : p.14).Tous les
niveaux d’enseignement ont été concernés par ces changements
du cycle primaire à l’enseignement supérieur.
Le réaménagement des méthodes d’enseignement et des
contenus à enseigner indique une autre image de l’éducation qui
serait, selon Sobhi Tawil, comme « une rupture pédagogique
avec le passé. Cette nouvelle vision se définit par une approche
par les compétences plaçant l’apprenant au centre de
l’apprentissage et donnant une plus grande autonomie à
l’enseignant ». (TAWIL, 2005 : p.34)
La réalisation
d’enseignement
des
nouveaux
programmes
Les nouveaux programmes ont été effectués en se référant à
une nouvelle approche qu'est l'approche par les compétences
dérivée du constructivisme et qui est centrée sur l'apprenant tout
en se basant sur ses actions face à des situations-problèmes.
En réalité, le recours à l'approche par compétences avait pour
objectif que l'école arrive à satisfaire les exigences de la vie
moderne et prépare l'élève à devenir un citoyen ayant la capacité
d'agir dans des situations de la vie quotidienne et pouvant
accéder au monde de l'information. En termes plus simples, ce
qui constitue le principe de l'approche par compétences c'est que
dans une telle approche, il n’est plus question de transmettre à
l'apprenant des savoirs qu'il est sensé restituer le jour de
l'examen mais plutôt de le doter d’aptitudes lui permettant un
réinvestissement des savoirs acquis à l'école dans des situations
de la vie quotidienne.
Parlant toujours de ce concept, Le Boterf précise :
113
Djemâa BENSALEM et Samra BENSALEM,
La compétence n’est pas un état ou une connaissance possédée. Elle
ne se réduit ni à un savoir ni à un savoir-faire. Elle n’est pas
assimilable à un acquis de formation. Posséder des connaissances ou
des capacités ne signifie pas être compétent, (…) Il n’y a de
compétence que de compétence en acte. La compétence ne peut
fonctionner « à vide », en dehors de tout acte qui ne se limite pas à
l’exprimer mais qui la fait exister. (LE BOTERF, 1994 : p.16)
Alors, en adoptant une approche par compétences cela
signifie « rendre les apprentissages plus actifs ». Dans cette
approche, comme l'explique Xavier Roegiers, l’attention est
centrée particulièrement sur l’organisation de situations
d’apprentissage pouvant remplacer les cours magistraux basés
surtout sur l’activité de l’enseignant. Il est question, dès lors, de
« mettre l’élève au centre des apprentissages, au lieu de laisser
l’enseignant au centre de ces apprentissages ». (ROEGIERS,
2006)
L'adoption de l'approche par compétences dans le système
rénové a eu certainement des incidences d'une part sur
l'élaboration des programmes qui doivent s'inscrire dans une
approche constructiviste en associant l'apprenant à la
construction de ses savoirs. Et d'autre part, sur la perception
même de l’activité évaluative et de sa fonction.
Le recours à l’évaluation formative a ainsi pour finalité une
remédiation des acquis au cours du processus d’apprentissage.
De l'approche par les objectifs à l’approche par les
compétences
Dans le domaine de l'enseignement, l'approche par les
compétences n'a pas évolué indépendamment de l'approche par
objectifs. L'approche par les compétences est venue en réalité
pour dépasser ou en quelque sorte couvrir les insuffisances qui
ont été remarquées dans la pédagogie par objectifs.
Beacco (2007) précise qu’il n’est pas facile, du moins dans le
domaine de l'enseignement, de définir le concept de la
compétence sans que celui de l'objectif pédagogique ne soit
défini. Cela est dû au fait qu'une compétence n'est considérée, en
fin de compte, que comme un objectif à atteindre par les
programmes d'enseignement.
114
Approche par compétences et évaluation des acquis
En réalité, ce qui distingue les deux approches c’est que dans
l’approche par compétences le principe que l’élève peut
apprendre mieux en agissant est développé, c’est-à-dire :
— quand on met l'élève effectivement dans des contextes de
production réelles ;
— quand il est impliqué réellement dans la réalisation de
diverses activités qui le poussent à mobiliser et à intégrer
des acquis antérieurs (ce que Piaget appelle les schèmes
antérieurs) ;
— lorsque la situation d’apprentissage proposée est
significative pour lui ;
— lorsque les erreurs commises, lors du processus
d'apprentissage et qui peuvent constituer un obstacle
pour des apprentissages ultérieurs, sont utilisées par
l’enseignant afin de réguler les apprentissages ;
— quand l’élève interagit avec les autres pour la
construction du savoir (cela se rapproche de ce que
Vygotski nomme la zone proximale de développement).
Ce que l'élève apprend à réaliser collectivement (avec
l'aide des autres élèves ou de l'enseignant) peut l'amener
à réaliser plus tard individuellement la tâche.
L’approche par compétences permet également de
développer diverses stratégies qui permettent d'impliquer
l'ensemble des élèves dans le travail tel que le travail coopératif
qui permet à l'ensemble du groupe de chercher la démarche
convenable pour la réalisation de la tâche demandée.
Certes, dans une approche par objectifs, des savoirs et des
savoir-faire sont mobilisés afin de répondre à une consigne
donnée mais, le problème réside dans le fait que la tâche
s'effectue selon une consigne unique décidée préalablement par
l'enseignant dans l'absence de toute négociation ou initiative de
la part de l'élève.
Pourquoi l'approche par compétences ?
Dans un article publié par Johsua, l'auteur aborde la notion de
« compétence » et précise que l'intérêt pour cette notion vient de
la constatation d'une énorme distance entre le savoir formalisé à
propos d'un domaine de pratique précis et la nature des
techniques mises en œuvre dans celle-ci.
115
Djemâa BENSALEM et Samra BENSALEM,
L'auteur explique cet intérêt pour les compétences dans ces
propos :
Une fois hors du système scolaire, c'est « la compétence » qui est
plutôt la manifestation socialement exigible de la maîtrise d'un
domaine de pratiques, on comprend que l'on cherche, et depuis
longtemps, à l'atteindre le plus directement possible, par exemple en
se passant au maximum de l'étude formalisée dans des institutions
comme les écoles. (JOHSUA, 1999 : p.115)
Le système éducatif en Algérie a connu, comme dans
beaucoup de pays dans le monde, depuis quelques années des
mutations. Ces changements se voient dans ce qui est appelé « le
curriculum réel1 » : les pratiques de classe, les pratiques
d'évaluation et les pratiques de formation des formateurs,…
Actuellement, la plupart des systèmes éducatifs s’accordent
pour mettre l'approche par les compétences au centre des
curriculums. Cette opinion partagée par la majorité est le résultat
d’une prise de conscience de l’importance de cette nouvelle
approche pour faire face aux exigences de l’école et de la société
actuelles que ce soit sur le plan économique ou social.
Cependant, cette nouvelle notion n’est pas « entièrement
stabilisée », c’est-à-dire que les significations qu’on lui attribue
sont nombreuses et par conséquent elle est « traduite à travers
un certain nombre de variantes dans les curriculums ».
Toutefois, quelles que soient les diverses façons de concevoir
cette approche, toutes s’accordent sur les aspects cités cidessous (ROEGIERS, 2008).
Les contenus d’enseignement vont plus loin que les
savoirs et les savoir-faire
Aujourd’hui, en classe, celui qui détient le pouvoir n’est plus,
comme autrefois, l’enseignant, parce qu’il représente celui qui
sait tout, mais il est détenu plutôt par celui qui agit.
1
Selon le dictionnaire des concepts clés, un curriculum est « un énoncé
d’intention de formation comprenant, un public cible, des finalités, des
objectifs, des contenus, des modalités d’évaluation et la planification
d’activités » C’est le concept approprié puisque nous trouvons également une
partie de cette définition dans les livrets de l’enseignant.
116
Approche par compétences et évaluation des acquis
Dans une approche par compétences, les savoirs ne sont plus
considérés comme des préalables à toute activité scolaire mais,
ils sont vus comme un élément en perpétuelle construction. Le
but principal n’est plus de transmettre des « savoirs scolaires »
qui peuvent emprisonner l’élève dans une habileté technique
étroite, mais plutôt de permettre à l’élève de produire des savoirs
dans l’activité afin d’aboutir à des résultats pratiques. Dans ce
sens les savoirs visent le développement de ses capacités
psychiques supérieures, au sens que donne Vygotski.
Et c’est justement de cette manière que les diverses
connaissances sont appelées à devenir des compétences.
C’est l’élève qui est l’acteur principal de ses
apprentissages
Les recherches récentes en sciences de l'éducation ont
démontré le rôle important de la mobilisation cognitive de
l'élève pour assurer un enseignement efficace. C'est-à-dire que
pour assurer un enseignement de qualité, l'élève doit jouer un
rôle dans la construction de ses apprentissages. L’activité de
l’élève peut se manifester de différentes façons : travail en petits
groupes, réalisation de projets, recherche sur Internet, … Certes,
en classe l'élève ne peut pas agir tout seul, il a toujours besoin de
l'enseignant qui, au lieu de monopoliser la parole et faire des
discours, joue le rôle de médiateur et de facilitateur de l’activité
de l’élève.
Le savoir-agir en situation est valorisé
Dans une approche par compétences la place accordée aux
situations complexes est reconnue par les défenseurs de cette
approche.
Certains, comme le précisent Gérard de Vecchi et Nicole
Carmona-Magnaldi (De Vecchi, Carmona-Magnaldi, 2002 :
p.95), voient plutôt les situations difficiles comme « source des
apprentissages (situations d’exploration, situations de
recherche, situations didactiques…) », d’autres les considèrent
plutôt comme « aboutissement des apprentissages (situations
d’intégration, ou « situations cibles »), d’autres encore insistent
117
Djemâa BENSALEM et Samra BENSALEM,
sur leur fonction comme « moyen d’évaluer les élèves
(situations d’évaluation) ». Malgré les différences existantes
dans les différentes conceptions, toutes sont d’accord sur le fait
que la complexité est « une composante des apprentissages à
part entière ».
On peut considérer que ces trois caractéristiques constituent
aujourd’hui selon Linda Allal « les dénominateurs communs à
toutes les manières de comprendre l’approche par
compétences » (ALLAL, 1999).
Aujourd'hui, le temps alloué aux études n'est pas suffisant
pour l'acquisition du savoir nécessaire surtout avec toutes les
mutations qu'a connues et connait toujours la société.
La réalité vécue nous montre que les apprentissages pour un
nombre élevé d'élèves sont superficiels car ils n'arrivent pas
mettre en pratique ce qu'ils ont appris à l'école. Cela constitue un
obstacle pour la réussite scolaire et professionnelle.
Il arrive souvent que les élèves oublient des savoirs qu'ils ont
mémorisés pour un examen. Même s'ils se souviennent, ils ne
gardent qu'une infime partie des savoirs acquis tout simplement
parce qu'ils n'ont pas eu la chance de mettre en pratique ses
connaissances dans de véritables situations ayant un sens.
Face à cette situation, l'école doit, comme le précise Xavier
Roegiers (ROEGIERS, Op.cit), se tourner vers une méthode
d'enseignement qui s'adapte aux perpétuelles progressions que
connaît le monde. Une méthode qui favorise l'apprentissage actif
et durable. Un apprentissage basé sur le principe de
compréhension et de la mise en application des savoirs.
En mettant l'accent sur l’aspect pratique, l'approche par les
compétences vise à préparer l'élève à devenir autonome et savoir
agir dans les différentes situations de la vie.
Par ailleurs, avec cette méthode, la conception de l’évaluation
change. Elle devient plus positive. Les nouveaux programmes
d’enseignement basés sur l’approche par compétences imposent
de nouveaux modèles d'évaluation : (BENBOUZID, 2009 :
116).
L'évaluation ne doit pas se fonder sur l'appréciation du travail
en se basant sur les erreurs mais elle doit être plus positive et
servir à préciser les points forts de l'élève et doit également
118
Approche par compétences et évaluation des acquis
permettre de repérer les difficultés afin d’y remédier en prenant
les mesures convenables.
L'évaluation doit s'effectuer en deux parties. D'abord, lors de
l'évaluation formative l'enseignant vérifie la progression des
apprentissages de l'élève. Il le guide et l'oriente afin d'atteindre
les objectifs fixés au départ. Ensuite, l'évaluation sommative a
pour but de vérifier si l'élève possède les compétences
nécessaires lui permettant l’accès à l'étape suivante
L’approche par compétences et la réalité du terrain
L’évaluation occupe un statut important dans le parcours de
formation de tout apprenant. À l’université, sa fonction ne se
limite pas à attribuer à l’étudiant une note mais, elle lui assure
l’accès à des paliers supérieurs de sa formation et elle devrait
également permettre à tout enseignant évaluateur d’améliorer les
enseignements qu’il dispense.
Tout au long de son cursus, l’étudiant doit être évalué de
manière permanente à travers les différents travaux de
recherches et activités qu’il est appelé à effectuer soit pendant
les cours ou ailleurs (fiche de lecture, exposés,…).
Ces différentes tâches et activités d’évaluation permettent aux
étudiants d’avoir des notes et de passer d’une année à une autre
mais la question qui se pose : ces tâches permettent-elles
réellement d’évaluer des compétences ? Ne serait-on pas dans
une situation où on fait « passer tout le monde pour satisfaire
tout le monde : les étudiants (en obtenant le fameux sésame qui
leur ouvre la porte du travail) et la tutelle (pour dire que les
réformes sont une véritable réussite) ? (MEKHNACHE, 2013 :
154).
Si nous revenons à la réalité de ce qui est pratiqué sur le
terrain (que ce soit dans nos établissements scolaires ou même à
l’université), de nombreuses difficultés surgissent. Pour mettre
l'élève réellement dans l'approche par compétences, il faut qu'il
y ait d'abord certaines conditions parmi lesquelles : être dans
une classe non surchargée (15 à 20 apprenants) et avoir
également un emploi de temps allégé afin de permettre à l'élève
de faire des recherches. Sans oublier aussi ceux qui sont chargés
d'appliquer cette approche c'est-à-dire les enseignants qui
doivent également être bien formés pour savoir ce qu'il faut faire
119
Djemâa BENSALEM et Samra BENSALEM,
sur le terrain. Cependant, la réalité du terrain montre
complètement le contraire.
En réalité, la volonté et l'ambition des concepteurs des
programmes d'introduire dans le nouveau programme certaines
innovations les a poussés à agir de façon qu'ils ont perdu de vue
que les meilleurs innovations sont celles qui prennent en
considération le contexte dans lequel elles s'implantent. Au cas
où ces conditions sont absentes, il est fort possible que ces
innovations donneront leurs fruits uniquement dans les milieux
favorisés et particulièrement avec des élèves favorisés et des
enseignants privilégiés.
Cette situation nous amène à nous interroger : est-ce que ce
qui est pratiqué sur le terrain vise effectivement à développer et
à évaluer les compétences des apprenants ?
Parlant toujours de cette nouvelle démarche, Perrenoud
ajoute :
Une approche par compétences n’existant que dans les textes
ministériels, à laquelle nombre d’enseignants n’adhéreraient pas,
rendrait les règles du jeu scolaire encore plus opaques et les
exigences des professeurs encore plus diverses, les uns jouant
mollement le jeu de la réforme, les autres enseignant et évaluant à
leur guise. (PERRENOUD, 2000)
Donc, cela nous amène à dire que la formation des
enseignants est indispensable. Former « des praticiens réflexifs »
désigne :
La personne qui se montre, d'une part, de décrire et d'analyser sa
pratique ainsi que d'en examiner l'efficacité et d'autre part, de créer
ou d'adapter ses propres modèles de pratique en tirant profit des
modèles existants (...) afin de rendre sa pratique plus efficace.(LA
FORTUNE et al., 2001 : 205)
Dans l’absence d’une réelle formation des enseignants, les
conceptions de l’évaluation pour les enseignants restent limitées
« au stade de la certification sinon au stade de remédiation aux
difficultés d’acquisition des savoirs disciplinaires au moyen de
séquences
reprenant
ou
réexpliquant
les
cours
incompréhensibles ». (HAROUN, 2013 : 10)
Il importe donc, comme le précisent Jonnaert et Vander
Borght, de se demander si les systèmes éducatifs qui optent pour
120
Approche par compétences et évaluation des acquis
l’approche par compétences disposent des moyens nécessaires
qui leur permettent d’éviter ses dérives. Ils ajoutent : « le plus
fou serait en effet de prétendre développer des compétences sans
s’en donner les moyens pédagogiques ». (Jonnaert & Vander
Borght, 1999)
Les auteurs précisent également que l’un de ces moyens a
trait à la formation des enseignants et leur adhésion aux
nouvelles approches et modèles de l'apprentissage : le
constructivisme et l'approche par compétences.
Le pire serait, comme l’affirme Bassis (1998), que l’approche
par compétences ne se concrétise pas dans les pratiques
enseignantes qui demeurent enfermées dans une sphère
d'enseignement et d'évaluation traditionnelle. Et de ce fait cette
démarche ne sera « présente que dans les textes ». L'auteur
ajoute que dans un cas pareil, les choses seront davantage
compliquées pour l'apprenant parce qu'il est d'une part perdu
entre les objectifs visés par le programme et d’autre part, avec la
relation au savoir et aux compétences mises réellement en œuvre
en classe.
L'auteur précise enfin que « pour éviter le scénario
catastrophe, il faut sans doute, à moyen terme, agir sur la
formation initiale des professeurs. L’urgence n’est tant de les
instrumenter que de leur donner des raisons d’adhérer à la
réforme curriculaire ».
Bibliographie
— ALLAL, L., (1999). « L’énigme de la compétence ».
Raisons éducatives, n°2. Bruxelles : De Boeck. pp.77-94.
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l’école, en formation d’adultes. Paris : ESF.
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— DE VECCHI, G., & CARMONA-MAGNALDI, N.,
(2002). Faire vivre de véritables situations-problèmes.
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121
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— FERHANI, F-F, (2006). « Algérie, l’enseignement du
français à la lumière de la réforme ». Le français
Aujourd’hui, n° 154, pp.11-18
— HAROUN, Z., (2013). « L’évaluation dans l’espace
« tutorat » du système LMD à l’université algérienne :
quelle (s) formation (s) pour quel(s) enjeu (x) ? ». Actes
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Évaluation et autoévaluation, quels espaces de
formation.
— JOHSUA, S., (1999). « La popularité pédagogique de le
notion de "compétence" peut-elle se comprendre comme
une réponse inadaptée à une difficulté majeure ? ». In,
Raisons Éducatives, L’énigme de la compétence en
éducation. De Boeck-Université (Paris- Bruxelles), n°2.
Coordonné par Joaquim Dolz et Edmie Ollagnier.
— JONNAERT, Ph. & VANDER BORGHT, C., (1999).
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référence constructiviste pour une formation didactique
des enseignants, Bruxelles : De Boeck.
— LAFORTUNE, L. ; DEAUDELIN, C. ; DOUDIN, P-A
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réflexion à l'action. Saint-Foy : Presses de l'Université
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— LE BOTERF, G. (1994). De la compétence. Essai sur un
attracteur étrange. Paris : Les Éditions d’Organisation.
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former », in Synergies Algérie, n° 18, pp.153-164.
— PERRENOUD, PH., (2000). « Construire des
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Perrenoud, Université de Genève. Propos recueillis par
Paola Gentile et Roberta Bencini. Disponible sur :
http://www.unig.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_
main/php_2000/2000_30.html (Consulté en 2011).
— ROEGIERS, X, (2006). L’APC dans le système éducatif
algérien.(En ligne). In, Réforme de l'éducation et
innovation pédagogique en Algérie, Ministère de
l'éducation nationale, Programme d'appui de l'UNESCO
à la réforme du système éducatif, UNESCO-ONPS,
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Disponible
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122
Approche par compétences et évaluation des acquis
http://www.bief.be/index.php?enseignement/publications
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=153&lg=fr . (Consulté le 12 juin 2009)
— ROEGIERS, X., (2008). L’approche par compétences
dans le monde : entre uniformisation et différenciation,
entre équité et inéquité. (En ligne). Disponible sur :
http://www.google.fr/search?q=Xavier+Roegiers=
(Consulté le 12 juin 2009).
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défis de la refonte pédagogique en Algérie ». In, La
refonte de la pédagogie en Algérie. Défis et enjeux d’une
société en mutation. Programme d’appui de l’UNESCO
à la réforme du système éducatif.
123
Radhia CHÉRAK
Université EL Hadj Lakhdhar de Batna
[email protected]
L’évaluation dans le système éducatif
algérien : renversement des buts et des
moyens
Résumé
L’évaluation scolaire consiste à contrôler et vérifier les connaissances
scolaires des apprenants. Elle permet de voir si ces derniers se sont approprié
les connaissances dispensées par le professeur. La dernière réforme du
système éducatif algérien voit qu’il est nécessaire de construire une véritable
politique de l’évaluation des élèves au service des apprentissages et de la
réussite de tous.
Cependant, il est à remarquer qu’il y a une absence de continuité et de
coordination entre les cycles scolaires et l’université au niveau de
l’évaluation d’où l’échec des étudiants dû à l’absence de collaboration entre
les deux secteurs.
Cette contribution se donne pour objet de voir quelle place a-t-on accordé
à l’évaluation et aux pratiques évaluatives ? L’évaluation est-elle appropriée
par rapport aux situations d’enseignement / apprentissage ? Existe-t-il une
continuité entre les trois cycles scolaires et l’université au niveau de
l’évaluation ?
‫الملخص‬
‫ انه يتيح معرفة إذا ما كان‬.‫التقييم المدرسي هو المراقبة والتحقق من المعرفة األكاديمية للمتعلمين‬
‫ االصالح األخير في نظام التعليم الجزائري يرى‬.‫المتعلمين قد التقطوا المعرفة المقدمة من قبل المعلم‬
‫ ومع ذلك تجدر االشارة إلى‬.‫ضرورة بناء سياسة حقيقية لقييم الطالب في خدمة التعلم والنجا ح للجميع‬
‫أن هناك عدم االستم اررية والتنسيق بين أطوار المدرسة والجامعة في التقييم حيث بفشل الطالب لعدم‬
.‫وجود تعاون بين القطاعين‬
‫هدف هذه المشاركة هو معرفة ما المكان الممنوح للتقييم ولممارسات التقييم؟ هل التقييم مناسب‬
‫التعلم؟ هل هناك استم اررية بين األطوار الثالثة للمدرسة والجامعة في‬/‫فيما يتعلق بأوضا ع التدريس‬
‫التقييم؟‬
124
L’évaluation dans le système éducatif algérien : renversement des buts …
Le mot « réforme » désigne un changement fondamental
apporté à quelque chose, en particulier à une institution. Ce
changement vise dans la plupart du temps à améliorer le
fonctionnement de cette institution par exemple réforme du
système éducatif : il s’agit de donner une forme meilleure. La
réforme est une étape très importante par laquelle devrait passer
n’importe quel secteur vu les différentes mutations que connaît
le monde actuellement. Perrenoud (2000) en parlant de
l’approche par les compétences durant le 20e colloque de
l’Association Québécoise de Pédagogie Collégiale voit que les
réformes des systèmes éducatifs visent :
— les unes à moderniser les finalités de l’enseignement pour
mieux les ajuster aux besoins présumés des personnes et de la
société ;
— les autres à mieux atteindre des objectifs de formation
donnés, à instruire plus largement et efficacement les
générations scolarisées.
La Borderie et Morandi (2006 : 12) se rejoignent et voient
que :
L’expression « système éducatif » recouvre plusieurs sens : celui de
« somme de pratiques éducatives » (Durkheim), celui de
« construction d’un ensemble cohérent à partir de noyaux éloignés et
disjoints » (LESOURNE) ou celui d’organisation de l’enseignement,
« architecture scolaire du déroulement général des études.
(DURAND-PRINBORGNE, 1992)
Le système éducatif algérien est passé par différentes
périodes, chacune de ces périodes a ses avantages et ses
inconvénients, comprend des décisions, des hésitations et des
chemins. Il est passé aussi par plusieurs réformes d’où le
changement systématique des manuels scolaires et des différents
programmes. Donc l’école algérienne a lancé de nouveaux défis
en suivant la mise en avant des divers systèmes éducatifs et
institutions du monde entier.
L’école algérienne, qui se veut moderne et ouverte sur le
monde, se voit obligée de suivre le cours des changements qui
ont bouleversé le monde entier qui voit prospérer plusieurs
études dans le domaine de la didactique des langues étrangères.
Avec le développement des sciences, la mondialisation de
125
Radhia CHÉRAK
l’économie, l’intensification des contacts et l’avènement de
nouvelles technologies de l’information et de la communication
et leur introduction dans l’enseignement, notamment dans
l’enseignement / apprentissage des langues étrangères, on assiste
à une évolution du système éducatif au niveau mondial.
La finalité de la réforme du système éducatif algérien, qui est
en cours, est d’aligner les pratiques de classe avec les
développements disciplinaires au moyen d’une redéfinition des
objectifs d’enseignement et des principes méthodologiques et
pédagogiques. En effet, ce projet de réforme vise
particulièrement l’amélioration des programmes, des méthodes
d’enseignement et des stratégies d’apprentissage. Le dossier de
la réforme a été l’une des priorités du Prédisent Abdelaziz
Bouteflika, à l’orée de son premier mandat en 1999.Cette
volonté de réforme a conduit à la reconfiguration des
programmes des différents paliers pour l’adaptation des
apprenants et leur insertion dans ce nouveau monde en mutation.
Comme il est dit se poser des questions est un premier pas
dans la recherche de solutions aux problèmes, on va se poser ces
questions : Quelle place a-t-on accordé à l’évaluation et aux
pratiques évaluatives ? L’évaluation est-elle appropriée par
rapport aux situations d’enseignement / apprentissage ? Y a-t-il
une continuité entre les trois cycles scolaires et l’université au
niveau de l’évaluation ?
L’évaluation au sein de la réforme du système éducatif
algérien
L’année scolaire 2003 / 2004 en Algérie donc a été marquée
par la mise en place d’une nouvelle réforme du système
éducatif, plusieurs changements ont été effectués.
Le premier grand axe de cette réforme est d’adopter
l’approche par les compétences dans toutes les matières où
l’élève est impliqué dans un travail de groupe et de recherche
pour la réalisation d’un objectif collectif, tous les objectifs
convergent vers la réalisation du projet. Ferhani (2006), une
inspectrice de l’éducation affirme, concernant la nouvelle
réforme, que : « sa grande nouveauté est d’avoir introduit pour
126
L’évaluation dans le système éducatif algérien : renversement des buts …
l’ensemble des matières une entrée dans les programmes par les
compétences. »
Elle (Ibid.) ajoute que :
L’Algérie rejoint le mouvement mondial en faveur d’une approche
par compétences. L’ambition de la réforme consiste donc en une
véritable révolution pédagogique, notamment au regard du retard
accumulé au plan des méthodes et des pratiques d’enseignement et
de certification. L’école algérienne découvre ainsi de nouveaux
concepts et outils avec l’introduction de l’organisation du travail en
projets, l’adoption de la démarche inductive, l’intégration de
l’évaluation et des technologies de l’information et de la
communication éducatives.
Le deuxième grand axe de cette réforme est de faire travailler
les élèves selon la pédagogie du projet. En effet, depuis les
approches communicatives, de nombreux bouleversements ont
eu lieu : il ne s'agit plus d'enseigner des savoirs linguistiques
mais des savoir-faire, on passe donc de l'évaluation de savoirs à
l'évaluation de ce que l'apprenant sait faire avec ce qu'il sait,
c'est ainsi que la somme de ces savoirs et de ces savoir-faire
participe à la création d'une compétence.
L’évaluation est désormais une partie prenante des situations
éducatives, une lecture des programmes de la réforme des trois
cycles (primaire, moyen et secondaire) montre qu’elle est
présente aussi bien en amont qu’en aval des situations
d’apprentissage. ROEGIERS voit que (2005 : 15) :
Les responsables du système éducatif algérien ont également bien
compris les trois implications principales à leur niveau : (1) outiller
les enseignants par des documents qui proposent des situations
complexes à titre d’exemples de ce qui est attendu des élèves à
chaque niveau, dans les manuels scolaires ou dans des banques de
situations (2) former les enseignants à construire des situations
d’évaluation, à corriger des copies d’élèves de manière critériée, et à
exploiter les résultats des élèves à des fins formatives (3) assurer un
accompagnement de ces enseignants dans leurs classes. »
En effet, dans les documents officiels, il est question
d’évaluation diagnostique, formative et certificative.
Il s’agit de vérifier les compétences des élèves à chaque étape
de l’apprentissage à travers des évaluations qui sont prévues au
fur et à mesure de l’enseignement / apprentissage du FLE. Au
127
Radhia CHÉRAK
début du projet, on parle de l’évaluation diagnostique qui est une
situation problème et permet de connaître le niveau de
l’apprenant par rapport à l’apprentissage visé, de repérer et
d’identifier les difficultés rencontrées par l’élève afin d’y
apporter des réponses pédagogiques adaptées, c’est un processus
de mesure, de jugement puis de décision. Elle sert à évaluer les
prérequis des apprenants avant le début de la formation mais elle
cible principalement les apprenants en difficulté face à la tâche
proposée.
À la fin de la séquence, on parle de l’évaluation formative qui
permet de faire des bilans ponctuels en cours en détectant les
erreurs commises par l’apprenant et les difficultés qu’il
rencontre pour éviter le cumul de lacunes éventuelles et lui venir
en aide. Elle permet de comparer les performances des
apprenants par rapport aux objectifs assignés afin d’apporter les
régulations adéquates, les améliorations ou les correctifs
appropriés si cela s’avère nécessaire.
Et à la fin du projet, on parle d’une évaluation sommative
(appelée aussi certificative) qui permet de se rendre compte du
niveau de compétence réel de l’apprenant. C'est une évaluation
dont la fonction est de certifier que les apprenants maîtrisent les
objectifs définis par le système, elle vise avant tout à déterminer
les acquis de l’apprenant tant d’un point de vue qualitatif que
quantitatif.
L’évaluation : du lycée à l’université
Pour savoir si une compétence est installée chez l’apprenant,
il est essentiel de concevoir une situation d’évaluation
pertinente. Actuellement, l’évaluation fait l’objet d’attention et
d’intérêt de toute l’institution scolaire, la place qui lui est
accordée dans la pédagogie marche de pair avec son importance.
On ne peut que regretter et cela avant même la réforme le peu
d’intérêt voire l’absence d’intérêt accordé à la formation, à
l’évaluation, à l’enseignement et à l’apprentissage des étudiants
; il s’agira essentiellement de réfléchir sur l’adéquation entre la
politique en matière d’évaluation telle que donnée à lire dans les
textes officiels et les réalités du terrain.
Une fois les apprenants quittent le lycée et rejoignent
l’université, ils se sentent dépaysés car il n’y a pas de continuité
128
L’évaluation dans le système éducatif algérien : renversement des buts …
entre ces deux secteurs. Cette absence de continuité et de
coordination entre les cycles scolaires et l’université a souvent
été critiquée et dénoncée, nombreux sont ceux qui incombent
l’échec des étudiants à l’absence de collaboration entre les deux
secteurs.
On pense qu’il faut qu’il y ait continuité entre l’université et
les cycles scolaires, mais il faudrait voir, tout d’abord, si cette
continuité est assurée dans les trois cycles scolaires. Il est
nécessaire de construire une véritable politique de l’évaluation
des élèves, au service des apprentissages et de la réussite de
tous. Une évaluation dont les objectifs, les principes et les
modalités doivent être partagés par les élèves, les familles, les
enseignants, les équipes pédagogiques et éducatives.
Conclusion
En fin de cette contribution, on peut dire que les travaux sur
l'évaluation sont considérables et les nouveaux textes officiels
ont donné, sur le papier, une grande importance à ce concept
mais, les observations montrent qu’ils ont négligé le passage du
lycée à l’université et ce prolongement qui doit être aussi
important que l’évaluation elle-même.
Il convient donc de s’attarder sur l’évaluation, ses principes,
objectifs, modalités et instruments dans les écoles, collèges,
lycées et universités. Il incombe donc aux professeurs
universitaires d’en faire le meilleur usage en tenant compte du
niveau des apprenants qui viennent du lycée, en d’autres termes,
de l’utiliser comme source d’inspiration pour réaliser leurs
propres moyens didactiques pour la réussite de leurs futurs
étudiants.
129
Radhia CHÉRAK
Bibliographie
— FERHANI,
Fatiha
Fatma
(2006).
Algérie,
l’enseignement du français à la lumière de la
réforme(En ligne) Page visitée le : 08/06/2010.
Disponible sur Internet : http://www.cairn.info/revue-lefrancais-aujourd-hui-2006-3-page-11.htm
— LA BORDERIE, René ; MORANDI, Franc. Dictionnaire de
pédagogie. Paris : Nathan, 2006. 271p
— PERRENOUD, Philippe. L’approche par compétences : une
réponse à l’échec scolaire ? Actes du 20e colloque de
l’Association Québécoise de Pédagogie Collégiale. Septembre
2000.
— ROEGIERS, Xavier. (2005). L'évaluation selon la pédagogie
de l'intégration : est-il possible d'évaluer les compétences des
élèves ?, in TOUALBI-THAÂLIBI, K. & TAWIL, S. (Dir.),
La Refonte de la pédagogie en Algérie - Défis et enjeux d'une
société en mutation, Alger : UNESCO-ONPS, pp.107-124.
— ROEGIERS, Xavier. L'école et l'évaluation. Bruxelles : De
Boeck, 2004. 367p
130
131
Fatiha OUSSEUR.
Université de Khemis-Miliana
[email protected]
Rôle de la situation d’intégration dans
l’acquisition du langage écrit : quel transfert
de compétences et quelle place pour
l’évaluation ?
Résumé
La situation d'intégration a été introduite en Algérie dans l’ensemble des
activités à élaborer avec les classes de troisième année secondaire juste après
la mise en place de la réforme du système éducatif algérien dans les années
deux milles. Étudier ce genre d'activité devient essentiel tant il faut former
nos apprenants comme futurs citoyens, pour aujourd’hui et pour demain.
Pour cela, il est nécessaire de leur donner les moyens de se situer dans un
contexte professionnel réel et non pas à l’extérieur de celui-ci, donc il est
indispensable de les habituer à comprendre et à écrire dans un but et de ce fait
la situation d'intégration semble être représentative du monde de demain.
C’est la raison pour laquelle nous nous sommes posé la question suivante :
Quel rôle joue la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit ?
Par ailleurs, produire de l'écrit n'est pas une accumulation de phrases
correctes car la cohérence d'un texte dépend à la fois des plans pragmatique,
syntaxique et sémantique. Les séances de compréhension élaborées dans les
cours du programme auront sensibilisé l'apprenant à un certain nombre de
notion qu'il faudra approfondir tout au long du projet. L'apprenant doit savoir
qu'il écrit dans un but, à un lecteur particulier et doit avoir une présentation
particulière. C'est pourquoi le professeur doit recourir à des situations de
communication authentique en concevant des projets d'écriture véritables
avec un enjeu et un destinataire précis. Ainsi, l’apprenant qui doit accomplir
une tâche rédactionnelle lors de l’examen, doit d’abord faire preuve de
compréhension. En outre, si l’élève éprouve des difficultés au niveau de la
compréhension, la rédaction devient une activité difficile voire impossible.
En revanche, on ne peut pas s’interroger sur les difficultés en
compréhension/écriture si on ne connait pas les stratégies mises en place pour
apprendre. C’est la raison pour laquelle nous allons tenter, dans le cadre de
notre recherche, d’expliquer le processus cognitif sous-jacent, de mettre en
place un protocole de recherche afin de pouvoir enfin proposer des
remédiations et des pistes didactiques pour l’application de la pédagogie
d’intégration.
132
‫… ‪Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit‬‬
‫الملخص‬
‫قدمت الوضعية االدماجية ضمن جملة النشاطات لتهيئتها واعدادها مع أقسام السنة الثالثة ثانوي‬
‫مباشرة بعد الوضعية الجديدة لإلصالح في المنظومة التربوية خالل سنوات ‪ .0222‬ان دراسة هذا‬
‫النوع من النشاط أصبح ضروريا كونه يعمل على تشكيل واعداد المتعلمين على ان يصبحوا مواطنين‬
‫في المستقبل اليوم وغدا‪ .‬في حين أن الديمقراطية تعمل على تعميق هذا ‪.‬فهدف السلك التعليمي‬
‫تدارك أكثر االمر ليصبح تربية للمواطنة المسؤولة و الناقدة ‪ ،‬ضمن هذا الهدف وبداية من العام‬
‫‪ ، 0222‬تعليم أو تدريس الكتابة في الوضعيات االدماجية سجل رسميا في برنامج الفرنسية في‬
‫الثانويات الجزائرية ‪ .‬من أجل تحضير الشباب و المراهقين ليصبحوا مواطنين نشطاء في مجتمع‬
‫ديمقراطي ال يجب فقط جعلهم قادرين على فهم وظيفة هذا المجتمع بأبعاده السياسية ‪ ،‬االقتصادية و‬
‫االجتماعية ‪ ،‬ولكن بمساعدتهم على االدراك كممثلين فاعلين في العالم من حولهم ‪.‬من أجل هذا‬
‫فاألمر ضروري إلعطائهم و منحهم الوسائل لوضعها في اطارها و مضمونها المهني الحقيقي و‬
‫االحترافي ‪ ،‬و ليس خارج ذلك ‪ ،‬اذن فمن الضروري تعويدهم على الفهم و الكتابة بهدف و لهدف و‬
‫جعل الوضعية االدماجية كممثل و نموذج لعالم الغد ‪.‬انه السبب الذي قمنا من أجله بطرح السؤال‬
‫التالي ‪ :‬ما هو الدور الذي تلعبه الوضعية االدماجية في اكتساب و تحصيل لغة مكتوبة ؟ فضال عن‬
‫ذلك ‪ ،‬في امتحان الفرنسية كلغة أجنبية ‪ ،‬موضوع االختبار يتضمن جزئين ‪ :‬األول للبناء الفكري‬
‫(الفهم) و الثاني للتعبير الكتابي ‪ ،‬مع أن موضوع التعبير الكتابي يهدف دائما لمجازفات (مراهنات)‬
‫ض منية يعني الهدف من وراء العملية التواصلية (إخبار ‪ ،‬إقناع ‪ ،‬تنديد ‪.)...‬بالمقابل ‪ ،‬انتاج الكتابة‬
‫ليس عبارة عن تجميع لجمل صحيحة ‪ ،‬ألن التماسك و الترابط المنطقي لنص ما يعتمد و يتعلق بعدة‬
‫مناحي براغماتية ‪ ،‬نحوية و داللية (علم األلفاظ)حصص الفهم المعدة ضمن دروس البرنامج وضعت‬
‫لتحسيس المعلم بجملة من المعارف و المفاهيم التي يجب تعميقها على طول المشروع البيداغوجي‬
‫‪.‬على المتعلم أيضا أن يعلم الهدف المنوط من وراء كتابة أو ما هو الهدف الذي يكتب من أجله)‬
‫يكتب ضمن الهدف ( على أن يكون لديه مقرأة خاصة و عرض خاص ‪.‬لهذا الغرض ‪ ،‬على المدرس‬
‫(المعلم) أن يلجأ ويستعين بوضعيات تواصلية صحيحة بتصوير مشاريع كتابة حقيقية مع وضع‬
‫أهداف محددة (تحيد الرهان و المتلقي)‬
‫كما أن على المتعلم أن يقوم بإنجاز لمسة كتابية خالل اإلمتحان ‪ ،‬أوال بأن يظهر و يبدي فهمه‬
‫الكامل (المجال الفكري) بهذا ‪ ،‬إذا وجد التلميذ صعوبات على مستوى فهم النص ‪ ،‬فإن الكتابة سوف‬
‫تصبح عملية صعبة أيضا إن لم تكن مستحيلة ‪.‬عالوة على ذلك فإنه ال يمكننا أن نستجوب (نسأل)‬
‫على الصعوبات في ما يخص الفهم إذا لم نعرف و نكن على دراية باستراتيجيات التعليم المعمول بها‬
‫‪.‬إنه السبب الذي من أجله نحاول و نسعى في إطار بحثنا لشرح السيرورة المعرفية ( ‪le processus‬‬
‫‪ ) cognitif‬أو التطور المعرفي لوضع برتوكول للبحث بغية القدرة أخي ار على طرح حلول و آثار‬
‫تعليمية إرشادية لتطبيق جيد لبيداغوجية اإلدماج‪.‬‬
‫‪133‬‬
Fatiha OUSSEUR
Avec la réforme du système éducatif algérien, on introduit la
situation d'intégration dans l’ensemble des activités à élaborer
avec les classes de troisième année secondaire. Étudier ce genre
d'activité d’écriture devient essentiel tant il faut former nos
apprenants comme futurs citoyens, pour aujourd’hui et pour
demain. C’est dans ce but qu’à partir de l’année 2004,
l’enseignement de l'écrit dans des situations d'intégration
s’inscrit officiellement dans le programme de français au
secondaire algérien : « Une situation d'intégration est le reflet
d'une compétence à réaliser chez l'élève. Elle peut être
considère comme une occasion d'exercer la compétence chez
l'élève, ou comme une occasion d'évaluer s'il est compétent »
(ROEGIERS. X, 2004 :P109). Afin de préparer les jeunes
adolescents à devenir des citoyens actifs d’une société
démocratique, il faut non seulement les rendre capables de
comprendre le fonctionnement de cette société dans ses
dimensions politique, économique et sociale mais les aider à se
percevoir comme des acteurs potentiels du devenir du monde
qui les entoure.
Une situation-problème « didactique » est une situation-problème
que l'enseignant organise pour l'ensemble d'un groupe-classe, en
fonction de nouveaux apprentissages : nouveaux savoirs, nouveaux
savoir-faire, etc. (ROEGIERS. X, 2006 : 21).
Pour cela, il est nécessaire de leur donner les moyens de se
situer dans un contexte professionnel réel et non pas à
l’extérieur de celui-ci, donc il est indispensable de les habituer à
comprendre et à écrire dans un but et de ce fait la situation
d'intégration semble être représentative du monde de demain.
Ce souci de permettre aux jeunes de se situer eux-mêmes
dans le monde de l'avenir se justifie aussi d’un point de vue
psychologique : l’adolescence est une période de recherche
identitaire et la construction de cette identité nécessite de
prendre conscience de ses racines, de son milieu, de s’inscrire
dans un contexte particulier :
C’est le déséquilibre qui est formateur même s’il est inconfortable,
et peut-être surtout parce qu’il est inconfortable ! Il correspond à un
manque que l’élève a besoin de combler pour retrouver ce que nous
pourrions appeler un équilibre cognitif, c’est-à-dire des savoirs qui
134
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
sont reliés entre eux pour former une cohérence utilisable dans
d’autres situations. (DE VECCHI. G et, CARMONAMAGNALDI.N, 2002 : 93)
On pourrait énoncer comme suit les caractéristiques d'une
situation d'intégration :
Elle mobilise un ensemble d'acquis. Ces acquis sont intégrés et non
additionnés. 2. Elle est orientée vers la tâche, elle est significative.
Elle possède donc une dimension sociale, que ce soit pour la suite du
parcours de l'étudiant, pour sa vie quotidienne ou professionnelle. Il
ne s'agit pas d'un apprentissage «scolaire».3. Elle fait référence à une
catégorie de problèmes spécifiques à la discipline, ou à un ensemble
de disciplines, dont on a spécifié quelques paramètres.4. Elle est
nouvelle pour l'étudiant. » (ROEGIERS. X, 1999 : 30)
Ainsi, la situation d'intégration est donc l'image de la
situation dans laquelle l'élève est invité à exercer sa compétence
Comme le dit Le Boterf : « À la différence de la pile bien
connue, la compétence ne s'use que si on ne l'utilise pas » (Le
Boterf. G, 1995 : 18 ). En revanche Jonnaert. P. (2000 : 54) dans
son analyse de l’écart entre la « situation actuelle » et « la
situation but » propose le schéma suivant : «
situation actuelle
Processus de
formulation
Situation but
Ce qui se passe
(composantes, acteurs,
contexte)
ce qui est visé par la
formation
Un problème ressenti
amélioration attendue
En outre, afin de contextualiser une situation actuelle,
Jonnaert. P. (2000 :55) ajoute : «Nous serions réducteurs et nous
ne pourrions effectivement comprendre la situation actuelle si
nous l’isolons du contexte dans lequel elle est appelée à
fonctionner et si nous négligions les interactions qui
s’établissent entre elle et ce contexte »
135
Fatiha OUSSEUR
En situation d’épreuve officielle (en examen), lorsque les
élèves lisent le sujet de l'expression écrite, ils accomplissent non
pas une, mais toute une série d’opérations mentales bien
distinctes. Il y a tout d’abord la reconnaissance des mots, puis
leur organisation en propositions et en phrases cohérentes. En
parallèle avec ces opérations, ils activent des connaissances
qu'ils intègrent au contenu du texte. Le processus d’intégration
est essentiel dans la compréhension. En effet la plupart des
textes que nous lisons sont incomplets, même s’ils nous
paraissent à première vue parfaitement cohérents : « La
compréhension peut donc se définir comme la capacité à
construire, à partir du texte et des connaissances antérieures,
une représentation mentale cohérente de la situation évoquée
par le texte. » (Gaonac’h et Golder, 2001 : 86). Certes,
rappelons-le, notre thème de recherche se base sur « le rôle de la
situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit en
compréhension et en production », néanmoins, il est à noter que
les termes « situation d’intégration » relèvent d’un discours
purement scolaire qui reprend, entre autre, l’idée de la
pragmatique du discours, un concept qui a ses origines
épistémologiques.
Ainsi, l'apprenant qui doit accomplir une tâche rédactionnelle
lors d'un examen, doit d'abord faire preuve de compréhension.
En outre, si l'élève éprouve des difficultés à ce niveau, la
rédaction devient une activité difficile voire impossible. De ce
fait, on ne peut pas s’interroger sur les difficultés en
lecture/écriture si on ne connaît pas les stratégies mises en place
pour apprendre. Cela justifie notre choix pour les champs de
recherches en didactiques dans lesquels nous nous inscrivons
afin de mener notre enquête dans le cadre de cette thèse de
doctorat :
Protocole de recherche
Présentation du questionnaire destiné aux enseignants
L’objectif principal de ce questionnaire est de vérifier la
place qu’occupe l’écrit, dans des situations d’intégration, dans
136
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
l’enseignement du français au secondaire algérien. Ainsi, il nous
permet de cerner les facteurs qui entravent l’écrit dans les
classes terminales notamment ceux qui sont dus à la formation
des enseignants au sein de la pédagogie de projet et
d’intégration
Conditions de passation
Dans le cadre de cette recherche action, nous avons eu
l’occasion de visiter le service de formation des enseignants au
niveau de l’académie de AIN DEFLA. Le chef de service
responsable de la formation nous a fourni des renseignements
quant au nombre de jours de formation consacrés pour le
français durant l’année scolaire. En effet, les enseignants du
secondaire ont droit à six jours de formation annuelle : deux
jours dans chaque trimestre. Nous pouvons donc jugé cela très
insuffisant. En outre, dans le cadre de la passation du
questionnaire, nous avons veillé à ce que l’échantillon soit
représentatif : si on le distribue dans un seul établissement, cela
est insuffisant car nous trouvons, en général, 04 à 06 enseignants
de français par lycée qui forment ce qu’on appelle l’équipe
pédagogique. C’est la raison pour laquelle nous avons contacté
l’inspecteur de français du cycle secondaire, par l’intermédiaire
de l’académie, qui nous a promis de nous inviter lors d’un
séminaire programmé pour qu’on puisse effectuer notre enquête
car le nombre des enseignants sera plus de 30enseignants
présents. En effet, ce séminaire a eu lieu le05 février 2013 au
lycée Malek Ibn Ennabi à AIN DEFLA. Algérie
Présentation du public
Notre public « enseignants » est constitué de 38 personnes
représentant des établissements scolaires du secondaire algérien
de 08 villes de la région « Ouest » de la wilaya de AIN DEFLA
à savoir : Rouina, Bathia, Zeddine, El Amra, Ain Defla,
Bourached, Mkhatria, El Attaf. Pour ce qui est du sexe de ces
enseignants, nousavons24 femmes et 14 hommes.73%de
l’ensemble représente une tranche d’âge de (22 ans à 25 ans) : il
s’agit de28enseignants. De plus, six (06) du total, soit
137
Fatiha OUSSEUR
15,78%ont de 26 ans à 35 ans. Les 04 enseignants qui restent de
l’ensemble, soit 10,52% ont un âge de 36 à 54 ans.
En revanche, nous avons 20 enseignants qui ont la qualité de
titulaires, soit 52,63%.Par ailleurs, 18 enseignants, soit 47,36%
sont des stagiaires1
Analyse et commentaires des résultats
— Q01 Que pensez-vous de l’enseignement du français en
Algérie ?
Nécessaire
Progresse
Régresse
24 réponses
05 réponses
09 réponses
63,15%
13 ,15%
23,68 %
Il s’agit d’une première question sur les représentations
qu’ont les élèves algériens vis-à-vis du français langue
étrangère. Les apprenants sont censés s’exprimer leurs points de
vue en choisissant une réponse de celles qui sont proposées, ou
proposer eux-mêmes leurs propres informations. En effet,
63,15% pensent que l’enseignement de cette langue est
« nécessaire », ce qui exprime le rôle crucial que joue le français
dans notre société. Ce résultat reflète une certaine prise de
conscience du rôle des langues étrangères dans notre pays. En
outre, 13,15% croient que l’enseignement de cette langue
s’épanouit et son état progresse. Enfin, 23,68% du total de notre
échantillon estiment qu’ils y a une régression de cet
enseignement
— Q02/ Quel est votre avis à propos de l’enseignement du
français avant la réforme du système éducatif ?
Aléatoire
22 réponses
57,89 %
Sans objectifs
16 réponses
42,10 %
1
Notons ici qu’il arrive des périodes où l’inspecteur ne titularise personne
pendant 03 ans (Ce cas est enregistré au niveau de la wilaya de AIN DEFLA,
selon des sources officielles).
138
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
Les enseignants sont invités à exprimer leurs points de vue
vis-à-vis l’enseignement du français avant la réforme du
système éducatif. En effet, 57,89% du total pensent que
l’enseignement du français est « aléatoire » voire anarchique, se
fait sans planification ou sans qu’il y ait une étude établie à ce
sujet. Rappelons ici que la grande majorité de nos enseignants a
vécu le transfert des deux périodes (avant et après la réforme).
En revanche, 42,10%des enseignants éprouvent une
représentation négative et croient que l’enseignement de cette
langue se faisait sans qu’il y ait des objectifs d’enseignement
bien déterminés
— Q03/ Quel est l’apport de cette réforme
l’enseignement du français langue étrangère ?
pour
04
réponses
05
réponses
13,15%
10,52 %
13,15 %
les élèves
15,78 %
L’approche par
compétences
05
réponses
13,15 %
06
réponses
Socialiser l’apprenant
dans des situations
d’intégration
05
réponses
07,89 %
Autonomie dans les
apprentissages
Il y a des
insuffisances
03
réponses
Faire travailler
Apprendre en
définissant des
objectifs
18,42 %
07,89%
07
réponses
03
réponses
Réadaptation des
méthodes
d’enseignement et des
contenus
Tout dépend de la
région
Comme nous le remarquons d’emblée, nous avons obtenu
plusieurs réponses qui ont enrichi notre enquête. En effet,
l’apport de la réforme éducative dépend, selon les enseignants,
de nombreux facteurs d’ordre :
— géographique : « Tout dépend de la région », soit 7,89%
— méthodologique :
« réadaptation
des
méthodes
d’enseignement et des contenus »18,42%, « approche
139
Fatiha OUSSEUR
par compétences » 10,52%, « apprendre en définissant
des objectifs » soit 7,8%
— social : « socialiser l’apprentissage dans des situations
d’intégration », soit 13,15 %
— pédagogique : « faire travailler les élèves » 13,15%,
« favoriser l’autonomie des apprentissages » soit
15,78%. . Ainsi les apports dès cette réforme sont jugés
insuffisants par certains enseignants soit 13.15 %

Q04 / Que pensez-vous des sujets de production écrite
proposés au baccalauréat ?
Facilitent la tâche
rédactionnelle
10 réponses
26,31 %
Ils répondent aux critères
de la pédagogie de projet
28 réponses
73,68 %
Dans cette dernière question sur les représentations des
enseignants, notre échantillon doit exprimer son avis concernant
les sujets des productions écrites proposés au baccalauréat. En
effet, 26,31% pensent que les sujets facilitent la tâche
rédactionnelle, c’est-à-dire ils favorisent l’expression
personnelle de l’apprenant. De ce fait, c’est le critère thématique
qui prime. Par ailleurs, 73,68% croient que ces sujets qui
concernent l’épreuve écrite répondent aux critères de la
pédagogie de projet. Autrement dit, il s’agit des sujets qui
relèvent de la pédagogie de l’intégration des acquis scolaires,
contenant les éléments constitutifs suivant : une situation
contextuelle, une tâche rédactionnelle et une consigne bien
déterminée.

Q05/ Quelles sont les parties que comporte une épreuve
de français au secondaire algérien ?
140
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
02 parties : Compréhension
de l’écrit /Production écrite
28 réponses
73,68 %
03 parties :
Compréhension de l’écrit /
Fonctionnement de la langue /
Expression écrite
10 réponses
26,31 %
Il s’agit de la première question dans la deuxième partie de
notre questionnaire à savoir « les pratiques de classe ». Tout
d’abord, nous avons enregistré 73,68% des enseignants qui ont
affirmé qu’une épreuve de français au secondaire algérien
comporte deux parties : la première partie : «la compréhension
de l’écrit, la deuxième partie : Production écrite » ; c’est la
nouvelle conception de l’épreuve de français en Algérie. Par
contre, 26,31% de l’ensemble croient toujours qu’il y a trois
parties, à savoir : « la compréhension écrite, le fonctionnement
de la langue et la production écrite ».Cette dernière répartition
concerne les pratiques de classe avant la mise en place de la
réforme du système éducatif algérien.
En revanche, comme nous le remarquons d’emblée, en dépit
de tous les efforts fournis par l’institution afin de promouvoir
cette réforme, nous enregistrons toujours des cas défaillants qui
ont
certainement
des
répercussions
sur
l’activité
d’enseignement/apprentissage et par conséquent sur les résultats
scolaires.

Q06/ Pour l’enseignement de l’écrit, décrivez votre
activité en classe (comment vous faites) ?
Exploitation
textuelle /
Entraînement à
l’écrit/ Rédaction à
la maison
05 réponses
13,15%
Sujet / Étude des
mots clés /Rédaction
en classe
05 réponses
13,15%
Sujet/Plan/
Rédaction à la
maison.
28réponses
73,68 %
Dans cette question, nous avons demandé à nos enseignants
de décrire leur activité en classe en matière d’écrit. Notons ici
que peu d’entre eux se sont rendu-compte que la compréhension
écrite fait partie des activités de la compétence écrite à effectuer
141
Fatiha OUSSEUR
en classe ; certains enseignants ont nié la compréhension écrite
de leurs pratiques écrites. Néanmoins, 13,15% ont affirmé qu’ils
proposent une exploitation textuelle, ils élaborent une séance
d’entraînement à l’écrit puis ils passent à la rédaction. Par
ailleurs, un autre groupe soit13, 15% conçoit l’activité d’écriture
comme étant une activité qui se base sur la proposition d’un
sujet en étudiant les mots clés et en élaborant un plan puis on
passe à la rédaction en classe. De plus, une autre catégorie
d’enseignant soit 73,68% pense que l’enseignement de l’écrit
contient nécessairement un sujet, exige un plan puis une
rédaction à la maison. Comme nous le remarquons, a priori, peu
d’enseignants intègre «la compréhension de l’écrit » dans leur
enseignement de l’écrit. Autrement dit, nombreux sont les
enseignants qui proposent un texte dans une séance de
compréhension de l’écrit mais de manière séparée et non pas
intégrée. C’est-à-dire, ils proposent ce texte car il faut effectuer
une séance de compréhension écrite ; séance qui fait partie du
programme mais sans qu’il y ait la moindre relation avec les
activités de l’écrit. Donc ils choisissent un texte pour le type de
cette activité uniquement 1sans prendre en considération la
notion de transfert de compétences. Donc ce n’est pas un texte
considéré comme modèle linguistique à imiter ou à reproduire
dans les séances de l’écrit. De ce fait nous pouvons constater
que peu d’enseignant comprennent la relation linguistique et
cognitive qui existe entre les compétences langagières d’où la
notion de transfert de compétences.
Par conséquent, nos apprenants ne peuvent pas acquérir
malheureusement les moyens linguistiques indispensables à la
rédaction de leurs textes. Ils produisent un modèle pour lequel
ils n’ont pas eu la moindre idée.

1
Q07/ Quand est-ce que vous procédez à l’écrit (Les
moments dans le projet) ?
C’est -à dire la compréhension de l’écrit
142
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
08 réponses
21,05%
À la fin du projet
(01 moment)
08
réponses
21,05 %
Évaluation
diagnostique/
compréhension de l’écrit :
1er jet, production
intermédiaire, production
finale dans la séquence :
trois (03) fois dans le
projet = 15 moments dans
le projet
03 moments dans le
projet : à la fin de chaque
séquence
03 moments dans le
projet : Évaluation
diagnostique /
Compréhension écrite/
Production écrite
12
réponses
31,57%
10
réponses
26,31 %
Enseigner /Apprendre une langue nécessite obligatoirement
l’enseignement/apprentissage des quatre compétences. Dans un
système qui se base sur l’écrit, on traite toujours toutes les
compétences langagières sans se rendre compte. Mais quand-est
ce que l’enseignant doit-il se rendre compte qu’il fait de l’écrit
avec ses apprenants ? Est-ce uniquement dans les séances
consacrées pour cette tâche ? Où d’autres activités sont prises en
compte dans l’élaboration d’un processus d’écriture. Ce sont les
questions majeures sur lesquelles se base la question n°07. En
effet, 31,57% disent qu’ils font de l’écrit dans la séance de
l’évaluation diagnostique (test écrit), la compréhension écrite et
l’expression écrite. En revanche, 21,05 %affirment avoir
effectué cette séance à la fin de chaque séquence, 26,31% à la
fin du projet et enfin un autre groupe soit 21,05%ajoute qu’il fait
de l’écrit dans les moments suivants : évaluation diagnostique,
la compréhension écrite, dans la séquence (01er jet, 02ème jet,
03èmr jet) puis 03 productions séquentielles dans le projet.

Q08 / Comment concevez-vous une séance de production
écrite ?
143
Fatiha OUSSEUR
Abstention
Texte modèle en CE/ Production
progressive : les 03 jets de la
séquence/Rédaction en classe/ Comte
–rendu de la PE/ Amélioration
collective d’une production écrite
Proposer un 01er jet qui sera amélioré
au fur et à mesure des progressions
dans les apprentissages
03
05
réponses
06
réponses
%
%
%
07,50
15 %
12,50
10 %
17,5
12,50
%
05
réponses
07
réponses
07,50%
04
réponses
Activité à faire à la maison
03
réponses
%
Proposer un texte modèle en
compréhension de l’écrit (séance de
découverte) /Entraînement à l’écrit /
Rédaction en classe
Présentation du sujet/Explication des
mots difficiles/ Rédaction à la maison
Entraînement à l’écrit/Production
écrite/ Compte-rendu de la production
écrite
05
réponses
12,50
Proposer un sujet en situation
d’intégration
À partir de cette question, nous avons pu obtenir plusieurs
réponses. Les enseignants étaient invités à présenter leur propre
conception pour une séance de production écrite. En effet,
12,50% pensent qu’il faut proposer un sujet en situation
d’intégration. En revanche, 7,50% conçoivent l’écrit comme
étant une étape d’un entraînement à l’écrit, une production écrite
puis un compte-rendu d’expression écrite. Par ailleurs, un autre
groupe soit 17,50% pensent qu’il faut écrire à la maison pour
avoir plus de temps. Un autre groupe, soit 10% croient qu’il faut
présenter un sujet en expliquant les mots difficiles puis une
rédaction à effectuer en classe. Ainsi, 12,50% des enseignants
préfèrent proposer un texte modèle en compréhension écrite qui
sera considéré comme une séance de découverte linguistique du
modèle à imiter en production écrite.
En outre, 15,78% pensent qu’il faut proposer un 1er jet qui
sera amélioré par les apprenants au fur et à mesure des
apprentissages et de la progression dans le programme. De
surcroit, 07,89% affirment avoir proposé un texte modèle en
compréhension écrite puis il y a une production progressive (les
03 jets de la séquence) qui engendre une rédaction finale en
classe suivie d’un compte-rendu d’expression écrite et une
amélioration collective d’une production écrite. Une autre
catégorie d’enseignants, soit 07,50%., s’abstient et n’arrive pas à
144
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
avoir une conception claire pour cette séance et préfère ne pas
proposer une réponse afin de joindre une position de neutralité.
Comme nous le remarquons d’emblée, la conception
pédagogique d’une séance d’expression écrite est différente et
change d’un enseignant à autre car l’objectif de l’écrit n’est pas
bien assimilé de la part des enseignants ; faut-il écrire pour
remplir, réécrire, rédiger pour être corrigé et de ce fait
progressé ; apprendre à écrire, communiquer, transmettre ses
idées ou encore être pragmatique…

Q09/ Comment préparez-vous une épreuve écrite conçue
pour examen (quels critères à prendre en
considération ?)
Un bon thème
actuel
(Un critère
thématique)
06
réponses
15,78 %
Contexte /Tâche/Co
nsigne
L’apprenant doit rédiger
en suivant le modèle
étudié en classe en
Compréhension de l’écrit
22 réponses
10 réponses
57,89 %
26,31 %
Notons ici qu’il s’agit des critères d’élaboration qui vont
devenir des critères d’évaluation à la fin de l’activité de
rédaction après la réalisation de la tâche rédactionnelle. Les
enseignants doivent mentionner les critères à prendre en
considération lors de la préparation d’une épreuve écrite conçue
pour une épreuve d’examen. Pour certains enseignants soit15,
78% une épreuve pertinente est celle qui comporte un thème
actuel (critère thématique). En revanche, 57,89% de l’ensemble
pensent qu’il faut se baser sur trois points dans la formulation de
ce sujet, à savoir : le contexte, la tâche rédactionnelle et la
consigne. Par ailleurs, 26,31% croient que les élèves doivent
rédiger en suivant le modèle textuel étudié en classe dans la
séance de la compréhension de l’écrit (critère textuel,
typologique).

Q10/Proposez un sujet personnel pour une production
écrite d’un examen ?
145
Fatiha OUSSEUR
Nous avons obtenu 34 réponses, c’est-à-dire 34 propositions
de sujets personnels de production écrite. Dans les 34 sujets des
enseignants nous avons enregistré des lacunes1 Par ailleurs, nous
avons enregistré 04 abstentions (absences de réponses).

Commentaire Q10 : Comment un enseignant conçoit-il
l’activité d’écriture : Est- il facile d’écrire pour lui ?
Telle est la question que nous avons posée à un grand nombre
de participants au séminaire de « formation » que nous avons
animé. Pour la plupart d’entre eux, stagiaires et titulaires, la
réponse était négative. Nous avons alors proposé à ces mêmes
participants d’écrire «pour eux » ce qui leur passait par la tête à
un moment donné, ou d’écrire sur un thème tout ce qu’ils
sentaient, pensaient, en essayant de ne pas s’arrêter mais décrire
en continu. Dans cette écriture, adressée à soi-même ou, en tout
cas, non soumise à un jugement critique de la part des autres,
nous avons pu constater avec surprise qu’au bout de quelques
minutes chacun (e) écrivait avec facilité. Cela nous amène,
aujourd’hui, à une évidence : chacun (e) a une pensée intérieure
qui s’exprime avec les mots ; son expérience passée, accumulée
dans sa mémoire, ressurgit souvent sous forme de phrases qu’il
se dit à lui – même et retranscrira aisément sur une feuille de
papier.
D’où vient donc la difficulté, si écrire se révèle un acte facile
dans le contexte évoqué précédemment ? Retranscrire, par des
mots, ce qui vient à l’esprit est effectivement à la portée de tout
scripteur. En revanche, au fond ce n’est pas «écrire » qui est
difficile, c’est-à-dire l’acte, mais c’est dans la relation avec
autrui qu’il y aurait, à notre sens, à savoir les conditions de la
réalisation de la tâche rédactionnelle. Dans cette relation avec le
lecteur, nous avons dégagé une difficulté majeure, il s’agit
de« la crainte du jugement ».Et pour échapper à ce désagrément,
le refus d’écrire s’avère la solution la plus radicale. Car écrire à
1
Il y a toujours quelque chose qui manque : un critère non respecté :
programme, composantes de la situation de communication, visée conformes
au programme, équivoque, langue incorrecte, pas motivant, ne comporte pas
une situation contextuelle, une tâche d’expression et une consigne
146
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
autrui serait prendre le risque de susciter les mêmes jugements
critiques. Pour se dégager de cette peur , il convient donc de
transmettre son message écrit sans imaginer derrière le lecteur
ce «juge , enseignant, parent, correcteur » prêt à repérer et
sanctionner les fautes éventuelles .Car le lecteur n’est pas
obligatoirement un juge ; il a probablement lui -même ses
propres inhibitions , craintes , lacunes et ses difficultés
d’écriture. Il s’agit de se situer dans un échange d’adulte à
adulte. En effet, nous n’avons pas de méthode rigoureuse pour
faire disparaître cette crainte du jugement de l’autre. C’est pour
toutes ces raisons que nous avons enregistré les fautes1
commises dans les sujets d’expression écrite proposés par nos
enseignants, de manière continue et sans révision. Et comme
nous l’avons remarqué, les « abstentions de réponses » ne
révèlent que le reflet de cette peur du jugement. Rappelons ici
que nous avons effectué une analyse du discours qui nous a
permis d’en tirer toutes ces conclusions.

Q11/ D’après votre expérience d’enseignement, est-ce
que vous pensez que tous les apprenants répondent au
sujet d’une épreuve écrite au baccalauréat ?
Oui
Non
08 réponses
30 réponses
21,05 %
78,94 %
Tout d’abord, 21,05% de l’ensemble des enseignants pensent
que tous les candidats du baccalauréat répondent aux sujets
d’une épreuve écrite et rédigent leur texte. Nous pouvons dire
que ces enseignants considèrent les apprenants comme étant un
public homogène qui ne manifeste guère des différences. En
revanche, 78,94% croient qu’il y a quand même des apprenants
qui ne rédigent pas et ils ne réagissent pas par rapport aux sujets
proposés par les concepteurs des épreuves officielles. En effet,
cette catégorie d’enseignants soulève un point important voire
crucial en pédagogie et en didactique et qu’il faut toujours
1
Que nous avons représentées par des rubriques
147
Fatiha OUSSEUR
prendre
en
considération
dans
les
activités
d’enseignement/apprentissage et qui a un impact sur la réussite
scolaire : il s’agit de l’hétérogénéité ou les différences
individuelles qu’on enregistre depuis toujours dans nos classes.


Q12/ Comment expliquez-vous : 1. l’absence de rédaction (les
apprenants ne rédigent pas)/2.la rédaction « 0 » zéro
(Rédaction hors sujet ne répondant pas aux critères de cette
épreuve ?
Justification de l’absence de rédaction
01. L’élève ne sait pas
rédiger
07 réponses
18,42 %
02. L’élève est faible
09 réponses
23,68 %
03. Manque de lexique
06 réponses
15,78 %
04. Absence de
l’intérêt personnel
06 réponses
15,78 %
05. Le français est une
langue difficile pour
l’élève (Représentation
négative sur la langue
04 réponses
10,52 %
06. Incapacité de
rédiger dans une langue
correcte (l’élève ne
maîtrise pas la
compétence
grammaticale)
06 réponses
15 ,78 %
 Justification de la rédaction « 0 » : Hors sujet
01. La consigne est
08 réponses
21,05 %
difficile
02. L’élève sait
rédiger mais il n’a
pas compris la
consigne
12 réponses
31,57 %
148
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
03. Sujet ambigu
comprenant des
mots difficiles qui
bloquent
l’expression de
l’élève
10 réponses
26,31 %
04. L’élève veut faire
preuve de compétence
rédactionnelle en dépit du
thème qui n’est pas
motivant et ne favorise
pas son expression
personnelle.
08 réponses
21,05 %
Nous avons interrogé nos enseignants sur leur justification
pour « l’absence de rédaction »dans les copies des élèves
lorsqu’il s’agit d’une épreuve représentant une évaluation
sommative ou certificative. Nous avons obtenu des réponses
variées, ce qui a enrichi notre enquête. Tout d’abord, en
commençant l’analyse des résultats concernant l’absence de
rédaction, nous avons enregistré18, 42% des enseignants qui
pensent que l’élève « ne sait pas rédiger » ; c’est-à-dire
l’exclusion de l’existence d’un processus d’écriture chez
l’enfant. Cela est jugé invraisemblable car tout enfant scolarisé a
appris les normes de la langue écrite. En outre, 23,68% des
enseignants qualifient l’élève de « faible » ; ce lexique péjoratif,
du moins de notre point de vue, pourra entraver l’activité de
l’apprenant qui éprouvera un sentiment de stigmatisation et de
ce fait on détruit la motivation de cet enfant.
De plus, 15,78% pensent que «l’absence de rédaction »est
due à « un manque de lexique » ; l’enfant ne possède pas les
mots qui vont construire son texte lors de la production
textuelle. Cela arrive souvent quand il s’agit d’un thème de
rédaction étrange pour l’enfant pour lequel il n’a pas assez de
vocabulaire. Donc, réellement le référent pourra constituer un
obstacle dans le processus d’écriture chez l’individu lorsqu’il
n’est pas familier pour l’enfant.
149
Fatiha OUSSEUR
En revanche, 15,78% des enseignants pensent que certains
élèves rendent la copie blanche car ils sont « désintéressés », il
n’est pas important pour eux d’avoir une note dans la matière ;
donc il s’agit d’une certaine indifférence1 de la part de l’enfant
vis-à-vis de l’apprentissage des langues étrangères. Par ailleurs,
15,78% des enseignants pensent que les élèves ne rédigent pas
car ils sont « incapables de produire un texte dans une langue
correcte ». Autrement dit, ces élèves possèdent un lexique mais
ils ne maîtrisent pas le fonctionnement de la langue ou le rôle
d’un vocabulaire donné. Bref, ils ne savent pas combiner les
éléments lexicaux afin d’obtenir une phrase grammaticalement
jugée correcte.
De surcroît, d’autres enseignants, soit 10,50 % pensent que
les élèves ne rédigent pas à cause « d’une représentation
négative » qu’ils ont sur le français. En effet, nombreux sont les
élèves qui ont peur d’apprendre cette langue en raison d’une
idée négative ou d’une conviction personnelle. D’ailleurs,
l’Algérie représentée par son système éducatif a déjà effectué
une expérience concernant ce sujet pendant les années 90oùde
nombreux élèves ont choisi l’anglais en croyant que c’est la
langue étrangère la plus facile à apprendre. D’autre part, nous
allons entamer la deuxième partie de cette question à savoir la
justification de la rédaction« 0 », c’est-à-dire la présence d’une
rédaction ne répondant pas aux critères de production. Alors,
nous avons enregistré 21,05% d’enseignants qui pensent que
cela est dû à « une consigne difficile » proposée par
l’enseignant / acteur, c’est-à-dire ce qu’on demande à l’élève est
jugé difficile voire impossible2 à réaliser.
En effet, 31,57 %pensent que l’élève « sait rédiger mais il
n’a pas compris ce qu’on lui demande de faire » : ici, la
consigne est jugée ambigüe et imprécise3. Alors ce sont les
anaphores, ou toutes sortes de procédés de reprise employées
par l’enseignant, qui constitue un véritable obstacle dans la
Il n’a jamais eu une bonne note dans la matière, il s’est habitué ou il a
échoué dans sa scolarité et il va quitter l’école
2
Parfois on interroge les apprenants sur des points pour lesquels il n’y
avait pas un savoir fourni en classe durant l’année scolaire
3
Parfois, on trouve dans un sujet « tu me rédiges,…. Plus loin, tu rédiges
à tes camarades » / « rédige un texte, rédige ce paragraphe »
1
150
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
compréhension de la consigne. Par ailleurs, 26,31% des
enseignants pensent que l’élève est hors sujet car ce dernier
comporte« des mots qui bloquent »l’apprenant. Alors l’enfant
fournit un effort afin de résoudre ce problème en dépit de la
fausse interprétation qu’il fait autour du sens d’un mot clé. En
revanche, 21,05%des enseignants pensent que l’élève fait preuve
de « compétence rédactionnelle ». Il veut montrer à son maître
que ce n’est pas l’enfant qui ne sait pas rédiger mais c’est
l’enseignant qui s’est trompé dans son choix du thème qui ne
motive pas l’apprenant et ne favorise pas son expression
personnelle.
Expérimentation d’une situation d’intégration
Présentation et déroulement de l’activité
Nous avons proposé à nos apprenants deux sujets de
production écrite. L’enfant, doit opter pour un choix en
répondant aux questions qui accompagnent son sujet choisi.
Rappelons ici, que l’objectif de cette petite expérimentation est
de démontrer qu’un sujet d’expression écrite comportant les
éléments d’une situation d’intégration, à savoir : le contexte
situationnel, la tâche rédactionnelle et la consigne, favorise
l’expression personnelle de l’apprenant. Comme nous l’avons
dit plus haut1 , nous avons proposé deux sujets d’expression
écrite : le premier ne prend pas en considération les critères de la
formulation de ce sujet, par contre, dans le deuxième sujet, on a
essayé, dans la mesure du possible, de respecter ce qu’on
appelle une activité de production écrite dans une situation
d’intégration. Ci- après, nous présentons l’activité :
Sujet 01 : « Le mariage précoce est une pratique sociale connue
dans les pays du tiers monde. Qu’en pensez-vous ? »
Questions :
1.
2.
3.
1
Avez-vous compris le contenu du sujet ? oui non
Avez-vous compris ce qu’il faut faire ?oui non
Dites ce que l’enseignant vous demande de faire
Dans la présentation de cette activité
151
Fatiha OUSSEUR
4.
Votre rédaction ................................................................
Sujet 02 :« Le mariage précoce était une tradition au passé.
Aujourd’hui, les jeunes ne se marient plus à un âge très jeune. Vous
faites partie d’une association qui lutte contre cette pratique sociale. Et
en réponse à une fille victime d’un père autoritaire, rédigez votre texte
dans lequel vous lancez un appel à tous les parents pour les inviter à
comprendre les exigences actuelles »
Questions :
1.
2.
3.
4.
Avez-vous compris le contenu du sujet ? oui non
Avez-vous compris ce qu’il faut faire ?oui non
Dites ce que l’enseignant vous demande de faire
Votre
rédaction :...........................................................................
Commentaire des résultats
Nous avons proposé en même temps un premier sujet qui
manque de quelques critères :
« Le mariage précoce est une pratique sociale connue dans
les pays du tiers-monde : Qu’en pensez-vous ? »(Il n’y pas la
tâche rédactionnelle, la consigne, le contexte)
Nous voudrions détecter l’effet de ce dysfonctionnement sur
la production écrite elle-même (en matière de quantité : les
élèves ne produisent pas) et en matière de qualité même quand
ils produisent quelques textes, on arrive difficilement à les
définir voire les catégoriser.
En revanche, le deuxième sujet : « Le mariage précoce était
une tradition au passé. Aujourd’hui, les jeunes ne veulent plus
se marier à un âge très jeune. Vous faites partie d’une
association qui lutte contre cette pratique sociale. Et en réponse
à une fille victime d’un père autoritaire, rédigez un texte dans
lequel vous lancez un appel à tous les parents pour les inviter à
comprendre les exigences actuelles. » Nous pouvons remarquer
d’emblée, que les deux sujets abordent le même thème qui est
«le mariage précoce », mais ils sont différemment formulés.
Nous avons opté pour ce thème car il représente un contenu
thématique en relation avec les thèmes inscrits dans le
programme de 03ème année secondaire : « L’homme
contemporain, les défis du troisième millénaire, la
mondialisation des échanges, la solidarité, la justice, les droits
152
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
de l’homme, les ONG, réflexions sur les arts : théâtre, cinéma,
musique, peinture ». De ce fait, un sujet d’expression écrite doit
être pertinent. Selon les textes officiels, la sélection des contenus
jugés indispensable, utiles, pertinents obéit à un certain nombre
de critère : la nature des objectifs éducatifs, traduits en terme de
compétences, de connaissances, d’attitudes et de valeurs ;la qualité
objective des contenus c’est-à-dire qu’ils doivent contribuer à la
formation intellectuelles des personnes et à l’acquisition de
comportements sociaux favorisant une meilleure intégration de
l’école au milieu ; la fréquence d’utilisation des contenus dans la
vie individuelle et sociale.
En revanche, pour ce qui est de notre sujet d’expression écrite
proposé, nous avons choisi le texte exhortatif car il a « une
fonction persuasive » où l’émetteur cherche à convaincre le
lecteur, à lui faire partager ses vues en faisant appel à ses
sentiments (persuader) ou sa raison (convaincre).Ainsi, nous
avons tenté de développer chez l’apprenant sa compétence à
rédiger un texte exhortatif. En outre, nous avons décidé de
proposer une situation d’intégration car :
Tout sujet doit être formulé de manière à inciter le candidat à
respecter les paramètres de toute situation de communication
(statut du récepteur, objet de la communication et visée
communicative). C’est-à-dire qu’il faut mettre l’élève en
situation d’intégration.
En effet, la proposition de notre sujet d’expression écrite nous a
permis d’atteindre les trois compétences majeures ciblées dans
Le Cadre européen commun de références, à savoir les :
— Compétences communicatives : communiquer en français
dans des contextes et des conditions variés en fonction de
différentes contraintes :
— compétences communicatives / fonctionnelles : traiter en
réception ou production toute production discursive, écrite ou
orale (demander ou donner des informations, expliquer, …
— compétences
linguistiques :
lexicales,
grammaticales
(comprendre et exprimer du sens par la reconnaissance et la
production de phrases bien formées), sociolinguistiques :
registres de langue, clichés…, sémantiques : connotation /
dénotation…, phonologiques : accentuation
153
Fatiha OUSSEUR
— compétences culturelles : Culture générale : connaissances des
lieux, des institutions, des personnes, des événements du
pays…, Savoirs socioculturels : connaissance de la société et
de la culture locale), comportements rituels (naissance, mort,
festivals…)

Prise de conscience interculturelle entre le monde
d’où l’on vient et le monde de la communauté
cible.
En effet, l’acquisition de toutes ces compétences citées ci-dessous
permet à l’apprenant algérien de forger sa personnalité, de former son
esprit intellectuel. Cet état de fait sera traduit, avec le temps, par le fait
de devenir « un citoyen responsable et autonome ». Cela constitue le
comportement social voulu et souhaité dans une communauté
algérienne libre et contemporaine.
Par ailleurs, notre expérimentation se donne d’emblée une tâche
rédactionnelle. C’est la raison pour laquelle elle s’inscrit dans le
protocole de « recherche action ». Nous voudrions, dans cette partie
de la recherche, démontrer, par le biais d’un mode d’investigation
mixte (qualitatif et quantitatif), que la formulation d’un sujet
d’expression écriteau cycle secondaire nécessite la présence de
plusieurs paramètres qui jouent un rôle crucial en matière de réussite
d’un enseignement de l’écrit. Alors, nous avons distribué cette activité
à deux classes de 03ème de langues étrangères de deux établissements
différents. En ayant les deux sujets d’expression écrite, à la fois et qui
traite le même thème, l’apprenant avait le choix entre les deux1. De ce
fait la première chose à laquelle pense un élève est le sujet qui favorise
son expression personnelle.
— Les rédactions réalisées pour le premier sujet :(ce sujet ne
respecte pas les cirières du contexte, la consigne et de la tâche
rédactionnelle) Nous voulons démontrer que ce genre de sujet
ne va pas inciter les apprenants à produire des textes
cohérents)
1
Nous avons demandé à nos élèves de choisir entre les deux sujets qui
traitent le même thème mais qui sont énoncés différemment, c’est cette façon
de faire ou cette forme de l’énonciation qui a un impact sur la productivité
des élèves
154
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
Sujet n°01

Le mariage précoce est une pratique sociale connue dans les
pays du tiers-monde : Qu’en pensez-vous ?1
Rédaction
Qui
parle ?
À
qui
?
Message
(réponse à la
question)
TYPE/
But
Contexte
argumentat
ion
Socialetiers
monde
explication
Tiers
mondesousdéveloppé
s- africain
argumentat
ion
Société
argumentat
ion
Algérietiers
mondesociété
Dénoncer le
mariage
précoce
argumentat
ion
Sociale
Les causes du
mariage
précoce
explication
Socialtiers
monde
Les origines
explication
Tiers
01
À mon
avis
/
C’est un acte
non culturel
02
/
/
Les conditions
d’un mariage
réussi
03
04
05
06
07
Je(à mon
avis)
/
On- je -
/
Je
Je
Je
/
/
/
Dénoncer le
mariage
précoce
Dénoncer le
mariage
précoce
Certes, ce tableau ne montre pas que les élèves n’ont pas rédigé; les
apprenants ont écrit , mais comme on l’a dit plus haut, il s’agit de petits écrits
incohérents, c’est la raison pour laquelle on n’a pas consacré une colonne
pour la visée communicative ; ce n’était pas par oubli ou par méconnaissance,
mais cela a été voulu : en lisant ces petits écrit on n’a pas pu repérer cette
visée : ils écrivent dans quels buts ?
De plus, on n’a pas consacré une grande partie pour ce tableau car,
rappelons-le, nous nous sommes focalisés sur le rôle et l’apport de la
pédagogie d’intégration sur la production écrite des élèves.
1
155
Fatiha OUSSEUR
du mariage
précoce
À mon
avis
08
/
Dénoncer le
mariage
précoce
monde
argumentat
ion
Sociale
/
09
Moi
/
Inconvénients
du mariage
précoce
argumentat
ion
Tiers
monde
10
/
/
Les vertus du
mariage
précoce
explication
Tiers
monde
Dénoncer le
mariage
précoce
explication
Sociale
Les vertus du
mariage
précoce
explication
Sociale
11
Je
12
/
/
/
13
/
/
Dénoncer le
mariage
précoce
argumentat
ion
Tiers
mondesociale
14
Je
/
Dénoncer le
mariage
précoce
argumentat
ion
Socialetiers
monde
Par contre, par la suite, nous avons proposé une activité
d’intégration afin de prouver que quand il y a un sujet
d’expression écrite pertinent, il y a, par conséquent, des
rédactions qui peuvent représenter des textes cohérents.
Nous avons enregistré les résultats suivants :
Total
Sujet n°1
Sujet n°02
Groupe 1 :
Groupe 2 :
14 élèves soit 20%
60 élèves soit 80 %
74 élèves
156
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
1. « Le mariage précoce est une pratique sociale connue
dans les pays du tiers-monde : Qu’en pensez-vous ? »
2. « Le mariage précoce était une tradition au passé.
Aujourd’hui, les jeunes ne veulent plus se marier à un
âge très jeune. Vous faites partie d’une association qui
lutte contre cette pratique sociale. Et en réponse à une
fille victime d’un père autoritaire, rédigez un texte dans
lequel vous lancez un appel à tous les parents pour les
inviter à comprendre les exigences actuelles. »
— Pourquoi le deuxième groupe 1a–t–il choisi le deuxième sujet ?
(Pourtant le premier est plus simple)2
Nous allons tenter de répondre à cette question en étudiant les
résultats obtenus pour le sujet n°1. En effet, 20% des apprenants
sont décidé de choisir ce sujet. Cela indique que si nous avons
un sujet pareil le jour d’une épreuve de français, une minorité
d’élève sera motivée pour rédiger. Et comme nous le savons
tous, la motivation est le moteur des apprentissages.
En revanche, nous avons tous eu l’occasion de corriger au
baccalauréat, en passant d’une copie à l’autre, on tombe sur des
copies où il y a de bonnes réponses de compréhension de l’écrit ,
mais pour ce qui est de la production écrite, on se trouve soit
avec une rédaction « hors sujet », ou on se rend compte qu’il n’y
a nullement la rédaction3. La majorité des élèves s’est abstenue
car elle n’a pas compris le sujet : On ne comprend pas un sujet
quand on ne connaît pas son statut par rapport à la situation de
communication.
Le deuxième sujet, nous a permis de sauver la situation,
l’apprenant l’a choisi car il connait son statut ainsi que le statut
de son interlocuteur.
En outre, en analysant les copies du premier groupe (15
élèves soit 20% des copies), on n’a pas su comment pouvonsnous les appeler : récit ou discours !
1
Le deuxième groupe est celui qui concerne les 60 élèves soit 80% de
l’ensemble
2
Nous avons vérifié ce choix en faisant un dépouillement à partir duquel
nous avons réparti le total des copies en fonction des sujets proposés
3
Ce n’est pas la seule raison qui justifie cette abstention mais il constitue
le principal facteur
157
Fatiha OUSSEUR
Ce ne sont pas des récits1 car ils ne sont pas toujours racontés
à la troisième personne (04 rédactions uniquement, soit28,
58%). Les autres rédactions (10 rédactions, soit (71,43%)
contiennent les pronoms (je/moi).
En revanche, les 14 productions écrites, soit 100% ne
contiennent pas des pronoms ou indices qui revoient à
l’interlocuteur : l’élève rédige, remplit sa feuille, propose une
idée, mais il le fait pour qui, dans quel but ? On ne sait pas !
C’est la raison pour laquelle, nous avons constaté qu’il est
impossible de déterminer l’objectif rédactionnel ou la visée
communicative.
Généralement les rédactions réalisées par les apprenants
étaient une sorte de réponse à la question posée dans le sujet
n°1 : « qu’en pensez-vous ? »
Pour ce faire, on n’a pas trouvé des indices spatiotemporels
(circonstances) qui constituent le plan de l’énonciation. Pour ce
qui est du contexte, les scripteurs des14 rédactions, soit 100%,
ont indiqué des indices contextuels, ce qui signifie que ces
apprenants savent qu’ils font partie d’un groupe, ils marquent
une appartenance socioculturelle. Mais, malheureusement ils
ignorent leurs statuts quant à ce groupe. Ainsi, ils n’arrivent pas
à adopter un rôle précis pour lequel ils doivent accomplir des
tâches en définissant des objectifs d’où la pragmatique du
discours : « La situation-problème est une situation
d’apprentissage permettant la construction des savoirs ayant un
contexte et un but et pouvant servir de situation d’intégration »
Présentation des paramètres
L’énonciateur (indices d’énonciation)
C’est l’ensemble des pronoms qui renvoient à la personne qui
parle dans le texte, à savoir les pronoms personnels,
possessifs… Ce que nous avons cité après, c’est le lexique,
généralement mélioratif, qui renvoie à la prise de position de
Un texte lorsqu’il est produit par un énonciateur, soit il relève du récit,
soit du discours. Pour chaque type d’énonciation, il y a des indices qui nous
permettent de catégoriser l’un de l’autre. Notons ici que l’institution veille à
ce les élèves produisent des discours.
1
158
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
l’énonciateur. 1. Nous avons enregistré 80 %des apprenants qui
ont adopté une position négative par rapport au thème « le
mariage précoce »2. De ce fait, ils ont cité tout ce dont a besoin
un être humain avant de parvenir au mariage : «les rêves,
l’éducation, le travail, la responsabilité, la construction de la
personnalité, les droits, les devoirs, la préparation, la
protection… »3..
L’énonciataire4 (les indices de l’énonciation)5
C’est l’ensemble des pronoms et adjectifs personnels qui
renvoient à la personne qui reçoit le message du texte produit
par l’énonciateur, à savoir les pronoms personnels, possessifs…
Ce que nous avons cité par la suite, c’est le lexique6,
généralement péjoratif qui a été attribué par le locuteur à son
interlocuteur. Les mêmes énonciateurs cités ci-haut, soit 80%des
apprenant sont attribué des qualificatifs, actions, … qui peuvent
être engendré de la réalisation de l’acte du « mariage précoce » :
« violence, risque, mal, injustice, destruction… »7
D’une part, ces apprenants accusent ces parents autoritaires
d’avoir adopté ce mariage. De ce fait, ils lancent des appels dans
le but d’inciter à l’action8
D’autre part, ils sensibilisent les parents qui veulent prendre
la même position9. Donc avant de commettre cet acte inhumain,
nos apprenants donnent des informations autour du thème afin
1
En effet les énonciateurs ont pris une position négative par rapport au
thème et ont tenté par la suite d’adopter une vision positive qui explique leurs
attentes vis-à-vis d’un avenir radieux
2
Contre cette pratique sociale
3
Nous avons réalisé une synthèse des idées positives représentées par les
élèves
4
Il s’agit de la personne physique qui reçoit l’énoncé
5
Sont les traces qui renvoient à cette personne dans le message
6
Généralement l’ensemble des modalisateurs qui font intervenir un
jugement dans l’énoncé, porte trace de l’opinion, marque certaine distance
(noms, adjectif, adverbe, interjection, temps, mode, ponctuation..
7
Rappelons ici que nous avons réalisé également une synthèse des idées
négatives représentées par les apprenants
8
Celle qui concerne la lutte contre la pratique et la propagation du
mariage précoce au sein de la société algérienne
9
C’est-à-dire de ceux qui adoptent le mariage précoce
159
Fatiha OUSSEUR
de clarifier les causes et les conséquences de cette mauvaise
pratique sociale. Exemples : «copie 04 : les conséquences
préjudiciables du mariage précoce, copie 08 et 12 : les causes
du mariage précoce, copie 22 les conditions d’un mariage
réussi, …. copie31 : conseils aux parents, copie 24 : le
développement social,…copie 38 : comment définir le
mariage ?,…copie 40 : le mariage d’hier à aujourd’hui…. »
En outre, les apprenants ont tenté d’informer les parents dans
le but de les sensibiliser et même, argumenter pour convaincre
ou dénoncer. Exemple : « copie 09 : les inconvénients du
mariage précoce,…copie 16 : le mariage précoce comme
facteur de divorce,…copie 25 : le mariage précoce est une
responsabilité,…copie 35 : contre le mariage précoce, ….copie
41 : le mariage précoce ; source de problèmes, ….copie …... »
Le message produit
Après avoir lu les productions écrites des apprenants, nous
avons tenté de repérer l’idée principale abordée dans chaque
rédaction :
«appel
aux
parents :
copies
2,3,6,10,14,,15,30,32,,43,,52,
conseils
aux
parents :
copies :31,45, , les causes du mariage précoce : copies 08,12,,
les conséquences du mariage précoce : copies : 04,les
inconvénients du mariage précoce ; copies 09, 28,41, 56, 58, des
idées positives ;choix des conjoints copie 05, respect du choix
personnel ; copie :07, les exigences actuelles ; copie 11, droit de
décision ; copie 13, le droit de choisir ;copie 18,la
responsabilité du mariage copie 20 les condition d’un mariage
réussi copie 22,, le rêve des filles ; copie :26…….. …. ».
Le but du message ou la visée communicative
Cette partie de la recherche concerne l’aspect pragmatique du
discours. Si l’apprenant décide d’accomplir une tâche
rédactionnelle, cette dernière n’a aucun sens s’il ne la réalise pas
dans un but précis. Ainsi, la définition de l’objectif d’écriture
«pourquoi doit-on écrire ? »1 nait lorsque le sujet parlant
1
Certes l’appel est par essence « oral », et ici on le demande par écrit,
c’est le verbe de la tâche rédactionnelle qui indique qu’il s’agit de produire
par écrit « Rédige un texte dans lequel tu lances un appel »
160
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
«l’énonciateur »connait son statut par rapport à la situation
d’énonciation : «je suis….tu es= pragmatique du discours ».1
Selon les textes officiels : « Les contenus ont été sélectionnés, et
leur progression sur l’année a été établie sur la base de la prise
en compte des types d’ancrage énonciatif : énonciation du
discours écrit, celui-ci étant ancré dans une situation explicitée
par le contexte et dont le référent textuel est le « je, ici,
maintenant (ex : l’appel) ». En effet, dans un texte exhortatif,
l’émetteur lance un appel à des destinataires pour les pousser à
agir. C’est un type de texte qui contient en général :
1. « Une partie expositive contenant un constat négatif et
insatisfaisant
2. Une partie argumentative contenant l’idée de la
nécessité de changement avec indications sur l’action à
entreprendre
L’appel proprement dit qui sera la partie exhortative.
Les circonstances ou le cadre spatiotemporel
C’est l’ensemble des mots ou expressions qu’a choisis
l’énonciateur pour déterminer le lieu et le temps où se déroule la
parole humaine pour qu’elle devienne un acte de parole. C’est le
plan de l’énonciation qui réfère à l’instance de l’énonciation.
Afin d’illustrer nous citons par exemple : copie 1 : « pays,
aujourd’hui, tard, copie 2 : époque, passé, jour, temps,
aujourd’hui, copie 03 : avenir, avant, copie 04 : époque
actuelle, copie 05 : le présent de l’énonciation, copie …. Copie
08 : quotidien, situation actuelle, ….copie 21 les années
passées, pays, copie 22 : actuellement, avant…. Copie 51 :
dernières années, années précédentes, aujourd’hui…. »
1
Dans les pratiques de classes, on demande aux élèves de rédiger des
écrits qui seront publiés dans le journal du lycée. Nous avons démontré dans
une recherche antérieure (dans le cadre du magister) que cet espace de
publication a beaucoup d’avantages néanmoins il est absent du paysage
médiatique scolaire.
Certes, c’est bien de le citer dans les sujets des productions écrites mais à
quoi ça sert, si ce n’est pas une pratique réelle dans la vie scolaire des
enfants !
161
Fatiha OUSSEUR
Les indices contextuels socioculturels
C’est l’ensemble des éléments qui indiquent que l’énonciateur
appartient à une région déterminée, adopte une culture précise,
pratique une religion donnée, fait partie d’un groupe social.
Ainsi, nous citons les exemples suivants :
«Copie 01 : tradition, religion, société, … copie 08 : vie,
exigences familiales, sociales,… copie 10 : social, paternité,
entourage, … copie 17 : musulman, religion, vie, … copie 21 :
tiers-monde,
….copie
32 :
association,
tradition,
coutume…..copie 39 : association, 08 mars, société…..copie
42 : coutume, traditions algériennes, social, historique,
culturelle, mode, vie, Islam…. ». C’est également tout élément
qui indique que l’énonciateur est un acteur social qui fait partie
d’un groupe, qui agit en fonction des membres de ce groupe et
pour l’intérêt de ce même groupe, c’est ce que nous appelons
l’intégration sociale. Étant donné que la
production écrite
est considérée comme une compétence langagière et son
enseignement/apprentissage est défini comme un moment
d’évaluation formative1 ou sommative2, selon les textes
officiels, elle ne doit être proposée qu’en situation
d’intégration : « L’évaluation de la compétence ne peut se faire
qu’à l’intérieur d’une situation d’intégration » »
1
Au cours d’une séquence d’apprentissage dans les rédactions
intermédiaires
2
À la fin d’un trimestre ou d’un cycle, dans une épreuve officielle
162
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
Expérimentation de l’intégration dans le projet
pédagogique
Présentation et déroulement
Dans le cadre de notre recherche, nous avons voulu démontrer, a
priori, que l’élaboration du d’un projet pédagogique pourrait se
faire dans une pédagogie de l’intégration. Nous citons, par
exemple, « le journal lycéen ou scolaire » qui a un impact sur
l’apprentissage du français notamment à l’écrit .Pour ce faire
l’évaluation que nous adoptons s’inscrit dans les méthodes
offline dans la mesure où on compte évaluer un produit final et
qui est « le journal lycéen » réalisé par des lycéens algériens.
À cet effet, nous avons pris un échantillon de 20 élèves
réparti en deux groupes :
— un 1er groupe composé de 10 apprenants qui ont
collaboré dans la réalisation du journal ;
— un 2ème groupe composé de 10 élèves d’une autre
classe.
Nous avons distribué le journal tel qu’il a été édité la
première fois avec les fautes D’orthographe de conjugaison, de
cohérence…
Nous avons demandé à chaque élève de procéder à la
correction des erreurs en prenant en considération les critères
d’évaluation suivants :
— Temps imparti à la correction.
— Nombre d’erreurs corrigées.
Nous avons abouti à la fin de cette partie aux résultats
résumés dans le tableau ci-dessous :
Groupe n°1
Groupe n°2
Critère n°01 : 01heure
Critère n°01 : 02heures
Critère n°02 : correction à100%
Critère n°02 : correction 25%
(Les résultats du test d’évaluation)
163
Fatiha OUSSEUR
Interprétation des résultats
Nous pouvons remarquer d’emblée que le groupe qui a répondu
aux critères de réussite est, celui qui a contribué à l’élaboration
du journal lycéen. Ce groupe a veillé à la gestion du temps car
en élaborant le journal, il a appris, en plus du savoir linguistique,
un savoir méthodologique. Quant à la nature des erreurs
corrigées nous avons constaté que la totalité des erreurs a été
corrigée. Le groupe a corrigé d’abord les fautes d’ordre
orthographique (les « s » oubliés, les accents), et grammatical
(accord des verbes, l’utilisation des auxiliaires ….) puis les
élèves ont fait des relectures afin de cibler toutes les ambiguïtés
qui peuvent induire le lecteur en erreur. Les différences entre les
deux groupes sont vraiment nettes ce qui peut être expliqué par
de nombreuses raisons :
— Le projet débouche sur une fabrication concrète ;
— Le projet a une prise de pouvoir sur le réel ;
— Le projet s’accompagne d’une modification du statut de
L’enfant, du formé, suscitée par une cogestion des
projets unissant formés et formateurs ;
— Le projet repose sur une autre approche du savoir ;
— La pratique de ce projet favorise une autre conception de
l’évaluation
 L’écriture des articles : Répartition des rôles :
Les élèves étaient répartis en petits groupes en fonction des
rubriques choisies. Ils se trouvent donc en situation d’échanges
et d’interactions de communication à l’intérieur de cette
organisation à gestion coopérative. Nous avons veillé à
l’alternance de groupes affectifs (réunion d’amis), avec des
groupes de besoins (des "forts avec des plus "faibles") et des
groupes d’intérêt (élèves réunis par l’attrait d’un sujet).
Caractéristiques des différents types d’articles
Par la rédaction d’articles qui étaient insérés dans le journal
lycéen, la production d’écrits des élèves a pris un tout autre sens.
En effet, les élèves n’ont pas écrit pour "faire plaisir" à
164
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
l’enseignant comme cela se produit souvent mais pour informer
leurs lecteurs : le journal avait donc une fonction d’écrit social,
ce qui était très motivant pour les adolescents. Cette phase
d’écriture a permis l’application d’une pédagogie différenciée,
puisque chaque élève avait la possibilité de travailler en suivant
son propre rythme, tout en gardant en tête la date butoir de
remise des articles aux chefs de rubriques pour ensuite lancer la
publication. Les textes de notre journal lycéen peuvent être
classés de la sorte :
— Textes à caractère expressif, type message personnel
(Voir appendice I, l’article « pensée ») ;
— Textes à caractère informatif, fait d’actualité comme le
dossier du clonage : « La technique du clonage peut être
revendiquée à titre médical. Plusieurs médecins ont
admis qu’elle permettrait de disposer de greffons
compatibles avec le récepteur (…..) le clonage est
supposé capable de produire des organes comme pièces
détachées de remplacement quand l’âge ou la maladie
ont mis hors d’usage certaines parties du corps
humain » ; enquête (la filière de l’économie et la gestion,
interview (avec le censeur et le directeur) ;
— Textes à caractère poétique ou ludique, poème, blague
(du sourire au rire, extraits de poèmes…) Voici un
exemple extrait du journal élaboré par les apprenants
algériens : Le propriétaire d’un restaurant fameux
aimerait bien engager un grand cuisinier. C’est dire !
demande un jeune homme. « J’appelle un grand
cuisinier celui qui tous les soirs peut donner à la même
soupe un nom différent »
Les compétences développées par la création du journal lycéen :
Ce projet de type interdisciplinaire a permis de faire prendre
conscience aux élèves et aux enseignants d’une nécessaire
transversalité de certains apprentissages, tant au niveau des
opérations cognitives, qu’à celui de certains objectifs d’ordre
méthodologique. Il a conduit aussi à travailler sur la dimension
socio-affective, car les élèves étaient amenés à exprimer leurs
165
Fatiha OUSSEUR
positions, à s’ouvrir à celles des autres et à vivre les conflits et la
négociation.
En, outre, il est certain que fabriquer un journal, le rédiger,
l’imprimer, l’échanger, c’était un excellent moyen de percevoir
les problèmes de l’information, et d’exercer l’esprit critique face
à ce qui est écrit et par ce fait on répond à l’objectif défini par
l’institution et qui est : « adopter une attitude critique face à
l’abondance de l’information offerte par les médias ».

Les compétences transversales
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
Construction de la personnalité ;
Désir de connaître et envie d’apprendre ;
Apprentissage de la vie sociale, écoute des autres ;
Acquisitions de méthodes de travail ;
Compétences dans le domaine de l’éducation civique ;
Les compétences linguistiques acquises ou développées
Pratique orale de la langue : -Lecture : - Productions
d’écrits
Nous avons essayé, après ce long parcours, de démontrer que
le journal lycéen est utile en précisant comment cette expérience
peut être bénéfique pour l’apprentissage de l’écrit en en
intégrant les acquis scolaire en langue française.
Conclusion
Qu’est-ce que la didactique du FLE ? C’est « un cas
particulier de l’étude de l’appropriation d’une langue étrangère
en milieu non naturel ».En effet, quand on tente de définir la
didactique des langues étrangères, elle s'échappe. Les trois
éléments du triangle didactique : l'enseignant, l'apprenant et les
contenus ne suffisent pas à Pierre Martinez pour rendre compte
de la réalité de l'enseignement des langues aujourd'hui. À des
questions telles que « Quels contenus enseigner ? Que signifie
l'apprentissage d'une langue étrangère aujourd'hui ? « Ou »
Qu'est-ce qu'une bonne description de la langue », on ne trouve
pas de réponses définitives. Tout dépend de ce qu'on entend par
« communiquer », par la découverte de l'autre langue, des
conditions et du contexte de l'apprentissage et de
l'enseignement, des politiques linguistiques. Car, pour nombreux
166
Rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit …
didacticiens, la didactique n'est ni une technologie, ni une
science, c'est une "praxéologie " : une recherche sur les moyens
et les fins, les principes d'actions, les décisions. Pour Martinez,
la didactique s'inscrit dans " un ensemble de processus cognitifs,
sociaux, institutionnels et idéologiques qui sont la trame de
l'apprentissage ". En revanche, la mise en place d’un partenariat
didactique entre les langues passe par une programmation serrée
des acquisitions en L1 et en L2, dans le cadre d’un curriculum
où l’étude des deux langues ne sera pas menée de façon
strictement cloisonnée mais où les compétences acquises à
propos de l’une contribuent à renforcer, par similarité ou par
contraste, les aptitudes dans l’autre. Tous les domaines sont
concernés, aussi bien linguistiques que culturels. Enfin, la
formation des maîtres doit être également (re)pensée en ce sens,
sans faire des maîtres des linguistes patentés mais en les
entraînant à l’observation réfléchie de la langue des apprenants
et à la mise en pratique de ce type d’activité auprès des élèves.
Bibliographie
— DE VECCHI.G et CARMONA-MAGNALDI.N. (2002),
Faire vivre de véritables situations-problèmes, Paris :
Hachette.
— GAONAC’H, D et GOLDER, C. (2001), Enseigner à
des adolescents, Paris : Hachette.
— JONNAERT, P. (1993), De l’intention au projet,
Bruxelles : De Boeck.
— LE BOTERF, E.G. (1995), De la compétence : essai sur
un attracteur étrange, Paris : Éditions d’Organisation
— ROEGIERS, X. (1999), Savoirs, capacités et
compétences à l'école : une quête de sens, Forumpédagogies.
— ROEGIERS, X. (2004), L'école et l'évaluation des
situations pour évaluer les compétences des élèves,
Bruxelles : De Boeck.
— ROEGIERS X. (2006), La pédagogie de l'intégration en
bref, Rabat.
167
Sihame KHARROUBI
Université Ibn Khaldoun – Tiaret
[email protected]
L’évaluation dans le système éducatif algérien
Résumé
L’évaluation est une opération très complexe, elle est chiffrée et
ressentie comme une sanction qui punit chaque connaissance non acquise. Il
faut s’adapter et adapter ses apprenants sur le travail à « réaliser » et sur
lequel ils seront évalués à partir de là s’instaure une confiance réciproque
entre enseignants et apprenants.
En Algérie, nous stagnons encore sur une méthode dite conventionnelle,
en effet le système éducatif algérien patauge dans deux cadres : enseignement
et évaluation !
Notre système éducatif est mal classé au niveau international et gère des
méthodes pédagogiques et évaluatives dépassées depuis bien longtemps !
Comment voit-on les différentes évaluations et leur impact dans notre
système éducatif et surtout en langue française ?
Une petite enquête, à ce propos, nous a permis de constater des lacunes
flagrantes et un dysfonctionnement dans l’évaluation de l’écrit, à l’oral, c’est
une autre variante d’évaluation qui elle aussi demande à être revue et
« corrigée ».
Ce mécanisme reste pour le moment obsolète tant que l’administration
scolaire se base sur les notes et non sur les acquis des apprenants d’une
manière générale.
La continuité et la coordination entre les cycles scolaires et l’université
sont totalement inexistantes, dans ce cadre ; il n’existe aucune approche pour
le moment même à titre expérimental.
‫الملخص‬
‫ ال نها مشفرة باإلضافة الى انه ينظر إليها على أنها عقوبة‬،‫التقييم هو عملية جد معقدة‬
‫ بخصوص العمل‬،‫ فعليك التأقلم والتكيف مع متعلميها‬،‫يعاقب كل من لم يكتسب المعرفة‬
‫ كما يجب ان تكون‬،‫ والذي سيتم تقييمه وتأسيسه‬،‫المراد انجازه او العمل الذي تريد تحقيقه‬
.‫هناك ثقة متبادلة بين المعلمين والمتعلمين‬
168
L’évaluation dans le système éducatif algérien
‫ في الواقع فان النظام‬،‫ ال نزال نعتمد على الطريقة التقليدية المعروفة‬،‫في الجزائر‬
.‫ التدريس او التعليم والتقييم‬:‫التعليمي الجزائري يتجسد في اطارين‬
‫ ألنه يدير االساليب التربوية‬،‫فنظامنا التعليمي تصنيفه سيء على المستوى الدولي‬
.‫وتقييمية لم يتجاوزها منذ فترة طويلة‬
‫كيف ترون مختلف التقييمات والتأثير في نظامنا التعليمي وخاصة فيما يتعلق باللغة‬
.‫الفرنسية‬
‫ سمح لنا باكتشاف ثغرات صارخة والخلل في التقييم‬،‫استطالع صغير بهذا الخصوص‬
.‫ هذا المتغير هو االخر يتطلب المراجعة والتغيير‬،‫الكتابي والشفوي‬
،‫وتظل هذه اآللية في الوقت الحالي مهملة بما ان االدارة المدرسية تعتمد على النقاط‬
.‫وليس إلنجازات المتعلمين بشكل عام‬
‫ في هذا اإلطار‬،‫االستم اررية والتنسيق بين المستويات الدراسية والجامعية تعتبر منعدمة‬
.‫ال يوجد اي مبادرة حتى في إطار التجربة‬
********************
Le rôle de tout enseignant ne se limite pas uniquement à
inculquer des notions aux apprenants, mais il doit aussi les
évaluer et s’auto évaluer.
Évaluer l’apprenant dans ce cas nous pousse à corriger,
orienter, et parfois rectifier le tir, pour mieux cerner le problème.
S’auto-évaluer, est une sorte de contrôle personnel afin de
mieux gérer son travail dans deux axes différents :
Jean Pierre Cuq dans le dictionnaire de didactique du français
définit l’évaluation ainsi :
C’est une démarche qui consiste à recueillir des informations sur les
apprentissages, à porter des jugements sur les informations
recueillies et à décider sur la poursuite des apprentissages compte
tenu de l’orientation d’évaluation de départ. (J-P CUQ, 2003 : 90).
L’évaluation
De ce fait, on peut admettre que l’évaluation est une
opération très complexe pour nous comme pour les autres.
À propos de l’évaluation « il n’y a pas jusqu’ici de formation
sérieuse, ni de perfectionnement aux pratiques de l’évaluation en
169
Sihame KHARROUBI
France. Il n’y a pas de guide d’une telle formation, ni
d’ingénierie suffisante »1
Chaque enseignant applique ces évaluations sans le savoir,
parce que certaines vont par paires, l’une est le complément de
l’autre, et inconsciemment nous procédons, nous appliquons ces
données pour les paramétrer.
Prenons l’exemple de l’évaluation du savoir (ou du niveau)
est l’évaluation de l’atteinte d’objectifs spécifiques – elle porte
sur ce qui a été enseigné en classe, par voie de conséquence, elle
est en relation au travail fait dans l’heure, la semaine, le mois, au
manuel, au programme.
En parlant de programmes, nous visons les projets qui
contiennent des séquences qui à leurs tours sont fractionnées en
séances.
— L’évaluation du savoir est centrée sur le cours.
— L’évaluation de la capacité (mise en œuvre de la
compétence ou performance), au contraire, est
l’évaluation de ce que l’on peut faire ou de ce que l’on
sait en rapport avec son application au monde réel.
L’évaluation dans le système algérien : le cas de la
langue française
En Algérie, les professeurs s’intéressent plus particulièrement
à l’évaluation du savoir qui leur renvoie un feed-back sur leur
enseignement et parfois dans l’immédiat, nous citons une
anecdote , lors d’une séance d’expression écrite , un élève qui
n’avait pas de quoi écrire demanda à son enseignante s’il
pouvait emprunter un stylo , celle-ci lui répondit «Ce n’est pas
mon affaire » , et sous l’effet des nerfs, la professeure ajouta , on
se casse la tête pour vous, on délaisse nos affaires rien que pour
vous inculquer des notions, etc…. et la réplique de l’élève fut
immédiate : « Madame ce n’est pas mon affaire».
Alors, comment évaluer cet élève, deux cas se présentent :
— Réaction vive du professeur, et une mauvaise note pour
une réplique mal placée (le fameux moins deux au
prochain devoir !)
1
Encyclopédie de l’évaluation en formation et en éducation. André DE
Peretti collection Pédagogies/Outils –ESF Éditeur- 2ème édition 2000
170
L’évaluation dans le système éducatif algérien
— Réaction vive du professeur et lui donne une bonne note,
parce que l’apprenant a su utiliser un terme employé par
son professeur et dans le même contexte. (Idem ; plus
deux points au prochain devoir !)
Dans les deux cas ; il y a une évaluation qui passe de
l’appréciation verbale à la note chiffrée.
Une deuxième variante, l’évaluation chiffrée :
Évaluation chiffrée de la production écrite 1
Activité très complexe, ce que nous avons remarqué lors des
journées pédagogiques, nous nous sommes investis dans ce
cadre pour voir comment les enseignants évaluent cette activité.
Nous avons remis une copie d’un élève dans le cadre de
l’évaluation de la production écrite à trois professeurs de la
wilaya de Tiaret ; pour voir l’appréciation en se basant sur
quatre critères :
— Le temps de la correction.
— Le classement de la copie (36ème sur 42).
— Outils de réinvestissement vus en classe.
— Note à attribuer à la copie est sur vingt (20)
Professeur 1
Professeur 2
Professeur 3
Juste après
Le soir
8
4
7
10
9
10
1 semaine plus
tard
5
6
7
Puis nous avons sollicité trois collègues d’une grande ville,
où le niveau des élèves est plus élevé, concernant la langue
française, que celui de notre région. (À signaler que c’est la
même copie et le même procédé).
1
Journée pédagogique du 11 mars 2014- ITE Ibn Rochd TiaretThème : L’évaluation chiffrée.
171
Sihame KHARROUBI
Professeur 1
Professeur 2
Professeur 3
Juste après
3
2
3
Le soir
4
3
4
1 semaine plus tard
3
4
4
Le problème qui surgit est que l’évaluation varie d’une région
à une autre, d’un professeur à un autre, aussi nous ajoutons la
période de la correction.
L’écart entre les trois notes données par le professeur n’est
pas trop important contrairement à la première expérience.
Par contre, nous avons remarqué l’étude de texte (type sujet
devoir ou composition)
Compréhension de l’écrit : 12 points
Production écrite : 08 points
Compréhension de l’écrit
Barème
Prof. 1
Prof. 2
Prof. 3
Q1/
3
3
3
2
Q2/
2
2
2
2
Q3/
2
2
2
1
Q4/
2
2
2
1
Q5/
1
0
½
½
Q6/
2
1
1
1/2
P.
Écrite
08
Total
3
3
4
13
13,5
11
20
Correction réalisées par d’autres enseignants.
Professeur 1
Professeur 2
Professeur 3
Juste après
13
13,5
11
Le soir
10
13
11
1 semaine plus tard
10
11
10
Nous constatons, que lorsqu’une consigne est balisée par un
barème précis l’écart n’est pas trop important, quel que soit la
méthode ou modalité de la correction, mais le problème
demeure toujours dans l’appréciation de l’expression écrite.
Dans le même contexte, pour faire une comparaison entre le
français et les mathématiques, nous avons sollicité nos collègues
professeur de mathématiques, à qui nous avons remis (1) une
copie de mathématiques pour la correction, sur les quarante
correcteurs volontaires nous avons découvert que trois écarts
allant d’une valeur d’un demi-point à un point, l’explication fut
172
L’évaluation dans le système éducatif algérien
donnée ; cet écart est dû à la démarche et le raisonnement de
l’apprenant lors de la réponse à l’exercice.
Aussi, nous avons volontairement demandé de noter une
question sur six (6), très difficile de telle manière à ce que
l’apprenant n’arrive pas à trouver la solution, c’est pour cette
raison que la note la plus élevée est de quatorze sur vingt
(14/20).
Notons à ce sujet, ce n’est qu’une seule copie qui a été remise
aux enseignants pour la correction.
Nous vous livrons ici le tableau de comparaison :
Correcteurs
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
Français
11
11
12
10
8
9
7
7
7
9
9
9
8
8
7
7
10
10
10
8
Maths
14
14
14
13,5
13
14
14
14
14
14
14
14
14
14
14
14
14
13
14
14
Correcteurs
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
Français
8
9
9
10
11
11
12
10
8
8
9
9
10
11
10
11
10
9
8
9
Maths
14
14
14
14
14
14
14
14
14
14
14
14
14
14
14
14
14
14
14
14
Le tableau comparatif
173
Sihame KHARROUBI
50
40
30
Copies
20
Français
Maths
10
0
1 3 5 7 9 11131517192123252729313335373941
Il ressort de ce tableau comparatif, que l’évaluation chiffrée
d’une copie en mathématiques ne représente pas ou presque
d’écart, par contre la copie de français comme nous le montre la
courbe ; l’écart est très important.
Évaluation de l’oral et de l’écrit
Si les directives pédagogiques ministérielles prônent de
placer l’oral en premier lieu au dispositif d’apprentissage en tant
que langue de communication, en favorisant la capacité de
chaque apprenant à s’exprimer dans une situation bien
déterminée.
Les outils offerts par les différentes séances comme par
exemple la reproduction immédiate, (expression orale, jeu de
rôle etc.) sont nombreux, riches et variés.
En revanche, ces séances de l’oral en classe nous amènent à
constater un dysfonctionnement dans le temps de parole entre
les apprenants et l’enseignant d’une part, le professeur
monopolise la parole le plus souvent plus que ses élèves, d’une
autre part la correction de la production orale des élèves par le
professeur n’est que superflue.
Certains enseignants préconisent les réflexes linguistiques, où
le groupe d’apprenants est chargé de répéter une série de phrases
plus ou plus complexes suivant le niveau de la classe, ou ayant
trait au thème étudié en classe.
Mais ce mécanisme reste insuffisant dans la mesure où il est
entièrement basé sur la répétition, d’où l’acquisition et
174
L’évaluation dans le système éducatif algérien
l’appropriation de cette langue reste maigre. Il nous faut donc
une complémentarité entre l’écrit et l’oral mais il ne faut pas que
l’écrit sanctionne l’oral.
L’acquisition des compétences orales reste l’un des objectifs
primordiaux dans le cadre de la communication
Mais cette complémentarité entre l’oral et l’écrit pose un
problème, quand il s’agit d’évaluer l’écrit (production écrite),
Nous assistons impuissants devant les écrits « médiocres » de
nos apprenants bien qu’à l’oral ils s’expriment plus ou moins
bien.
Ces écrits que nous nommons « médiocres » sont soumis à
des critères à savoir :
— Réalisation de la tâche : Le texte produit respecte la
consigne et la situation d’énonciation (lettre, récit, prise
de position personnelle…)
— Cohérence et Lisibilité : Le texte est intelligible et
cohérent. L’apprenant utilise des connecteurs simples
(et, mais, parce que).
— Richesse de la langue : Réinvestissement du vocabulaire
acquis lors des séances d’apprentissages.
— Correction de la langue : Emploie correctement d’un
certain nombre de structures élémentaires.
Tous ces critères sont pris en considération lors de
l’évaluation de la copie, or qu’à l’oral certains critères ne sont
pas comptabilisés faute de temps et le nombre d’élèves, et
souvent l’enseignant s’adresse ou ne corrige que les réponses
presque parfaites pour gagner du temps.
C’est pour ces raisons ; que sur un barème fixé parfois sur
huit points, rare sont les apprenants qui obtiennent la moyenne,
et c’est cela qui provoque cet écart.
Dans l’autre cas, l’administration scolaire en englobant toutes
les matières s’intéresse plutôt au résultat dit « la moyenne
trimestrielle et annuelle » en vue du passage en classe
supérieure, et les apprenants tendent à s’intéresser plutôt à
l’évaluation globale (ou performance) : c’est l’évaluation du
produit, de ce qu’un sujet peut effectivement faire et par la
même obtenir la fameuse moyenne du passage.
L’avantage de l’évaluation du savoir réside dans le fait
qu’elle est proche de l’expérience de l’apprenant. L’intérêt de
175
Sihame KHARROUBI
l’évaluation de la capacité est de permettre à chacun de se situer,
car les résultats ont une importance dite dans le classement et ici
nous rejoignons le but de l’administration scolaire.
— L’évaluation continue est l’évaluation par l’enseignant
et, éventuellement, par l’apprenant de performances, de
travaux et de projets réalisés pendant le cours. La note
finale reflète ainsi l’ensemble du cours, de l’année ou du
semestre d’où les compositions et devoirs dits surveillés
et l’admission en classe supérieure ou le redoublement ;
— L’évaluation ponctuelle se fait par l’attribution de notes
ou la prise de décisions effectuées à la suite d’un examen
ou d’une autre procédure d’évaluation qui a lieu à une
date donnée, généralement à la fin du cours ou au début
du cours suivant.( type devoir surveillé ou contrôle
inopiné).
On ne se préoccupe pas de ce qui s’est passé auparavant ;
seul compte ce que l’apprenant est capable de faire ici et
maintenant.
On considère souvent l’évaluation comme extérieure à
l’enseignement. Elle a lieu à des moments précis et débouche
sur des décisions.
Le contrôle continu suppose que l’évaluation soit intégrée
dans le cours et contribue, de manière cumulative, au résultat
final.
Rare de voir les enseignants revenir en arrière lorsqu’un
cours est mal « réceptionné » par les apprenants et cela pour
diverses raisons, nous en citons qu’une au passage : « contrainte
du programme».
Évaluation sur une échelle ou Évaluation sur une
liste de contrôle
L’évaluation sur une échelle consiste à placer quelqu’un à un
niveau donné sur une échelle constituée de plusieurs niveaux.
Cependant il ne faut pas que cette évaluation entre dans la
routine ou devient machinale, ne pas évaluer pour évaluer, ou
pour donner uniquement des notes et rester « tranquille »…
Comme nous le savons tous, et personne va nous contredire,
le nombre d’élèves, la cadence des exercices, le nombre de
176
L’évaluation dans le système éducatif algérien
copies, le temps imparti et tous les aléas qui s’imposent,
bousculent parfois l’évaluateur à prendre cette opération à la
légère, mais l’évaluation doit garder son authenticité et sa
légitimité.
Pour en conclure cette partie, la seule évaluation qui reste
plausible, c’est celle des examens officiels type (6ème, BEM et
BAC), puisqu’elle est supervisée sur place, suivie d’une double
correction, voire la triple correction où l’écart est très minime.
Continuité et de coordination entre les cycles
scolaires et l’université
Il n’existe aucune coordination entre le cycle scolaire et celui
de l’université. Le nouveau bachelier est directement orienté
dans une filière suivant des paramètres, forcé à suivre ce cycle
imposé, d’où les mauvais résultats.
Monsieur le Ministre ne fait que confirmer, ce que nous
avons avancé, lors l’interview accordée au quotidien « Le
Soir »1
Ce système d’orientation est pourtant l’objet de critiques. Est-il
bien rodé ?
Pourtant, beaucoup d’observateurs considèrent qu’imposer une
fiche de vœux composée de dix filières complique le choix des
nouveaux bacheliers…
(Dix choix, cela paraît beaucoup mais nous on préfère que ce soit
l’étudiant qui fasse son choix plutôt que ce soit l’administration qui
décide pour lui. Nous insistons à chaque campagne auprès des
bacheliers pour dire qu’il faut absolument bien classer ses dix vœux.
C’est un système qui travaille de manière automatique, qui regarde le
premier choix en fonction des critères puis les suivants jusqu’à ce
qu’il puisse être orienté vers un de ces choix. Il n’y a pas d’autres
méthodes qui me paraissent possibles hormis celle-là qui consiste à
demander à l’étudiant d’exprimer ses vœux qui sont au nombre de dix
et de les classer…)
L’université reçoit des bacheliers qui, de l’avis des pédagogues, ne
maîtrisent pas beaucoup de prérequis. Comment votre secteur
s’adapte au niveau sans cesse en recul des bacheliers ?
(Le système éducatif est unique. C’est une seule entité même s’il
s’agit de paliers. Le lycée est le palier qui prépare à l’enseignement
supérieur. L’important est de considérer le tout dans son ensemble. Il
est clair que la prise en charge au niveau de l’université dépend du
1
Quotidien « le Soir » du mercredi 31 juillet 2014.
177
Sihame KHARROUBI
produit que nous recevons et de la formation qu’ont reçue les
bacheliers. Et de leurs compétences. Il est clair que ce niveau-là
mérite d’être amélioré mais il n’y a pas que le système d’orientation
qui est en cause. Il y a aussi les questions des langues d’enseignement
à améliorer. Il y a aussi la problématique de l’orientation dès le moyen
lors du passage au secondaire, l’articulation entre le lycée et la
formation professionnelle. Beaucoup d’échecs au baccalauréat sont
liés à la mauvaise orientation entre le moyen et le lycée. Même ceux
qui réussissent à obtenir leur baccalauréat, le niveau avec lequel ils
arrivent à l’université révèle des dysfonctionnements au niveau de leur
orientation et qui remonte à loin dans leur cursus. Il faut tout
reprendre. On s’attelle à travailler avec l’éducation nationale et la
formation professionnelle pour améliorer notre système. Il y a une
réflexion entre les trois départements. Il y a un débat au sein du
gouvernement et nous finirons par trouver les outils nécessaires à
améliorer L’ensemble du système).
Conclusion
On doit revoir la façon et tous les paramètres pour évaluer
bien qu’il n’y ait pas jusqu’à l’heure actuelle une formation
spécialisée, ni de perfectionnement aux pratiques de l’évaluation
en Algérie ou ailleurs.
Nos conceptions habituelles en matière d’évaluation sont
réduites à des pratiques communes et répétitives (corrections des
copies, interrogations et contrôles).Cette méthode ou ce mode
opératoire est tellement machinal qu’il engendre l’inertie, la
monotonie, et l’ennui. La fameuse réplique « J'ai 42 copies qui
va les corriger ? », si ce n’est pas le triple …
Aussi, certaines opérations (devoir, contrôle-surprise, ou
l’expédition punitive) méthodes très prisées chez certains
enseignants soit par manque de préparation, soit une sorte de
désintéressement, dont l’évaluation n’a aucun sens dans ce
contexte.
Il devient lassant et décourageant lorsque les notes sont dites
catastrophiques. À ce moment sommes-nous sûrs de notre
efficacité et notre manière d’agir ?
À notre avis pour ne pas tomber dans la lassitude et le rituel,
osons sortir un peu de l’ordinaire et utiliser d’autres critères
d’évaluation, ne serait-ce qu’une fois où l’apprenant sera luimême l’évaluateur…
178
L’évaluation dans le système éducatif algérien
Aussi, pour en arriver à un contrôle continu, c’est-à-dire le
suivi et pourquoi pas une fiche d’évaluation de l’apprenant qui
doit être remise à chaque début d’année scolaire au professeur,
au lieu que celui-ci procède à un contrôle des prérequis de
l’année précédente par une sorte de prise de contact et des
questions à la volée pour tester ses nouveaux apprenants.
Bibliographie
— CUQ, J-P., (2003), Dictionnaire de didactique du
français langue étrangère et seconde, CLE international,
Paris, page 90.
— De PERETTI, A., (2000), Encyclopédie de l’évaluation
en
formation
et
en
éducation,
collection
Pédagogies/outils ESF Editeur, 2eme édition.
— BELABES, N. A., (1999), Guide pédagogique à
l’intention des enseignants de langue française de
l’école fondamentale, Palais du livre, Alger.
— BERTOCCHINI, P. et COSTANZO E., (2009), Manuel
de formation pratique, pour le professeur de FLE, CLE
international, Paris
179
Ghazala MERAZGA
Université de Bordj Bou Arréridj
[email protected]
Un esprit d’évaluation de l’écrit universitaire
en FLE…le LMD, un dispositif à respecter
Évaluer…le LMD, un nouveau dispositif !
Résumé
Les recherches sur le sujet de l’évaluation ont maintes fois montré
que les évaluations des apprenants sont grandement influencées par
les pratiques pédagogiques et, particulièrement, par les pratiques
évaluatives qui peuvent en effet jouer un rôle significatif.
Quant à l’université, notamment algérienne après l’adoption du
LMD comme projet de réforme, l’évaluation est au cœur de ces
préoccupations.
En fait dans le système LMD, l’évaluation en général, et celle de
l’écrit en français langue étrangère en particulier, constitue un moment
important dépendant de beaucoup de détails et représentant un
dispositif couplant formation et certification afin d’atteindre des
objectifs dictés aussi par ce même dispositif.
Basé donc sur l’accompagnement mais encore sur la mobilisation
et l’actualisation, l’écrit en FLE fait appel à un type particulier
d’évaluation au sens de la mise en œuvre de la compétence de la
langue tout au long de son enseignement/apprentissage. Toutefois,
cela n’occupe souvent pas la place qui devrait occuper au sein des
pratiques pédagogiques effectives des enseignants.
Pour nous, l’évaluation à ce stade devrait se débarrasser des
conduites classiques dépassées par l’esprit du LMD car, nous pensons
que : Évaluer…c’est être d’abord en harmonie avec son institution,
Évaluer…c’est plus qu’un « programme » tracé et appliqué à la lettre,
Évaluer…c’est en fait devenir efficace et Évaluer…l’écrit en
FLE serait plus pertinent en se basant sur la « grille EVA » mais
encore sur les « critères CECRL ». Bref, Évaluer…c’est mettre à jour
ses pratiques pédagogiques sans écarter les contraintes du contexte
180
Un esprit d’évaluation de l’écrit universitaire en FLE…
pour mieux l’appréhender et respecter un dispositif d’accueil et de
l’offre de formation face à ce défi de l’université algérienne, le LMD.
‫الملخص‬
‫الدراسات حول موضوع التقييم أثبتت في جل الحاالت أن الطالب يتأثرون بكثرة‬
‫فيما يخص باألساليب البيداغوجية خاصة منها التقييمية نظرا للدور الذي تلعبه‬
‫ بدا التقييم في‬،‫ خاصة الجزائرية بعد تبنيها نظام ل م د كمشروع إصالحي‬،‫الجامعة‬
‫ التقييم بصفة عامة وتقييم الكتابة باللغة‬،‫قلب انشغاالتها على األرجح في نظام ل م د‬
‫ يعتبر نقطة مهمة ترتكز كثيرا على تفاصيل هيئة‬،‫الفرنسية كلغة أجنبية بصفة خاصة‬
‫تعتمد أهدافها على التكوين و الشهادة باالرتكاز إذا على المرافقة ولكن أيضا على‬
‫ الكتابة باللغة الفرنسية تطالب بنوع خاص من التقييم للمهارات‬،‫الحركة و المواكبة‬
‫التعليم وهذا ما يجب أن تنشغل به المواقف البيداغوجية‬/‫اللغوية طوال فترة التدريس‬
‫ التقييم في هذا المجال يجب أن يتجاوز األساليب‬،‫الفعلية لألساتذة في نظرنا‬
‫هو أوال تناغما‬...‫الكالسيكية المقصاة أصال مع حلول نظام ل م د ألننا نضن أن التقييم‬
.‫هو تعدي برنامج مسطر ليطبق حرفيا‬...‫ التقييم‬،‫مع مؤسستنا‬
‫ التقييم ومواكبة أساليب بيداغوجية دون إقصاء العراقيل الظرفية وذلك‬،‫اختصارا‬
‫من أجل اإللمام واحترام هيئة االستيعاب وعرض التكوين في ظل رهان الجامعة‬
‫ ل م د‬،‫الجزائرية‬
********************
L’évaluation est aujourd’hui au cœur des
préoccupations des institutions universitaires aux
niveaux national et international au regard de son
importance pour les étudiants, les enseignants, les
gestionnaires, ainsi que pour la société
C’est avec ces propos qu’a été inauguré le colloque
international ayant pour thème «L’évaluation dans le système
LMD : regards croisés sur les deux rives de la méditerranée »
organisé du 27 au 29 octobre dernier (2014) par le département
de lettres et langue française de l’université Constantine1.
Un peu plus loin, à partir de la journée scientifique
«Réformes des Universités et Gouvernance», organisée par
l’Université d’Oran et l’AUF (Agence Universitaire de la
Francophonie) le 2 juin 2009 dans l’auditorium B. Talahite, on a
eu vraiment l’occasion d’avoir un aperçu sur la question
181
Ghazala MERAZGA
concernant l’Afrique de l’Ouest (Sénégal et Côte d’Ivoire) et
surtout le Maghreb (Algérie et Maroc) pour développer certaines
connaissances sur le système LMD notamment dans sa version
algérienne.
Du point de vue historique, le LMD (qui est d’origine un
concept européen) a vu le jour le 25 mai 1998. Ce jour-là, les
quatre hauts responsables (ministres chargés de l’Enseignement
supérieur d’Allemagne, de France, de Grande-Bretagne et
d’Italie) se retrouvent lors d’un colloque à Paris (Sorbonne), à
l’occasion de la célébration du 800e anniversaire de l’Université
de Paris, pour lancer un appel à la construction d’un espace
européen de l’enseignement supérieur.
Donc, lancé à l’initiative du ministre français de l’Éducation
nationale (Claude Allègre), le processus a pour objectif surtout
le fait de favoriser les échanges universitaires (étudiants,
enseignants et chercheurs) et de faire concourir les systèmes
universitaires vers des niveaux de référence communs et
pourquoi pas avec un aspect mondial.
En mai 1998 où on peut lire cette introduction :
Sans uniformiser leurs systèmes, les pays d’Europe devront décider
d’une certaine harmonisation des cursus et des diplômes et définir
un modèle européen spécifique, ni bureaucratique ni asservi au
marché. Lui seul aura la taille nécessaire pour maîtriser la
mondialisation et promouvoir les valeurs propres à un continent où
fut, pour la première fois dans l’histoire moderne, établie une
université.
En ce qui nous concerne, l’université algérienne a adopté ce
projet de réforme, le LMD, désirant « innover » mais surtout
« s’actualiser », d’assurer une meilleure qualité des diplômes
universitaires de valeur internationale qui permettront une
mobilité certaine des étudiants. C’est donc, anticiper une
situation future du devenir universitaire
Anticipe une situation future. C’est suspendre momentanément le
cours des choses pour chercher à savoir comment ce cours va
évoluer pour tenter le cas échéant d’infléchir la suite des
événements. Une anticipation n’est donc pas passive. Il y a dans la
notion de projet le désir de maîtriser ce futur voire même de le
modifier » (ROEGIERS, 1997 :180–181).
182
Un esprit d’évaluation de l’écrit universitaire en FLE…
En fait, l’Algérie a opté pour la réforme en entamant
l’application du système LMD à l’aube de l’entrée universitaire
2004/2005.le but, nous l’avons déjà signalé, était le désire
sérieux d’innover tout en suivant le fil promoteur de la
mondialisation,
Dans notre imaginaire public, souvent « réforme » engendre
« parachute des programmes », car imiter ne correspond pas
toujours à réussir. Tel était le sentiment de départ en adoptant
par imitation d’un modèle européen, le LMD à l’université
algérienne.
Même si l’intérêt était clair : nos étudiants bien formés sous
le système LMD seraient accueillis et appréciés même dans les
laboratoires et universités étrangers pour poursuivre leurs
études, des contraintes spécifiques aux différentes réalités
notamment devant la massification des étudiants s’imposent.
À ce niveau universitaire, l'institution demeure le lieu
originel qui favorise ou dévalorise la « construction » du savoir
et du savoir-faire dans la prise en charge de son enseignement.
Raison pour laquelle, enseigner ou encore évaluer dans un esprit
LMD, est d’une importance capitale dans tous les choix
pédagogiques et doivent être parmi les préoccupations majeures
de tout enseignement même hautement qualifiée.
Quant à l’évaluation en général, et celle en français langue
étrangère en particulier, qui constitue un moment important
dépendant de beaucoup de détails, est un dispositif qui se situe
au cœur du processus de la formation. Elle porte sur les formes
et les fonctions des différentes certifications recommandées par
les concepteurs de façon à ne pas nuire aux pratiques réelles de
l’enseignant-évaluateur dans son entreprise, et là, afin
d’atteindre des objectifs dictés aussi par ce dispositif LMD.
En effet,
Évaluer à l’aide de la pratique des objectifs pédagogiques ne suffit
pas à faire progresser l’élève. Ce sont les résultats de cette
évaluation qui vont aider chacun à l’intérieur du tandem
enseignant/élève, à maîtriser son rôle. Le premier, en faisant son
diagnostic, ne pourra ignorer les points forts et les lacunes du
second, et ce dernier saura à tout moment où il en est, sur quelles
connaissances s’appuyer pour continuer à progresser et quelle est
l’étendue des efforts qui lui restent à accomplir pour atteindre
l’objectif fixé. (TAGLIANTE, 2005 : 28).
183
Ghazala MERAZGA
L’évaluation
dans
un
esprit
LMD
basé
sur
l’accompagnement, et au sens de la mise en œuvre de la
compétence de la langue tout au long de son
enseignement/apprentissage, n’occupe souvent pas la place qui
devrait occuper au sein des pratiques pédagogiques effectives
des enseignants.
Et même si certains jaugent qu’il s’agit d’une revendication
illégitime à un niveau universitaire là où l’effort personnel est
exigé plus que jamais en encourageant l’auto-évaluation,
l'apprenant estime beaucoup avoir de son enseignant d'une
manière aussi engageante que possible afin de réaliser son but
de parfaire ses différentes compétences.
Évaluer…c’est être en harmonie avec son institution !
Évaluer, c’est collaborer à instaurer « une institution propice
à accomplir sa mission » car cette institution pour s'échapper de
ce « statut défavorable » qui gêne à ce niveau, la progression et
la réalisation de ses objectifs, ne doit pas s'éloigner de son
champ d'investigation et de ses responsabilités :
« Instituer signifie donc fonder, instaurer, et également
instruire les enfants (le maître devient l'instituteur), ces deux
sens se rejoignant dans le projet d'institution sous forme
d'instruction publique. » (Morandi, 2000 : 31).
De point de vue théorique, cela semble déterminer
rationnellement les besoins institutionnels. Par ailleurs
Les doutes, incertitudes d’une situation biographique qui forme des
jeunes pour le futur, qui donne des ressources et des opportunités
sans garantie de résultats (…) Ces énoncés de socialisation, de
pédagogie, de projection sur les motivations de l’enfant doivent être
recoupés avec les différents processus de socialisation scolaire,
professionnelle et civique. (VERPRAET, 2001 : 28).
Il s’agit aussi d’admettre de faire partie d’une institution qui
part, pour combler sa mission, du principe qui prend en compte
les exigences actuelles « … vitales sont dictées par les
impératifs de la globalisation de la vie moderne et ses
complexités ainsi que par les exigences de la modernité »
(BENOUNE, 1999)
184
Un esprit d’évaluation de l’écrit universitaire en FLE…
Sur ce point, l’angle de regard de notre intervention se dirige
vers l’accentuation des valeurs de base d’une institution
algérienne qui a envisagé une politique d’enseignement
spécifique du FLE : l'enseignement du français langue étrangère
en Algérie a une mission globale optant pour :
L’ouverture sur le monde un futur citoyen qui sera capable de
faire des communications et établir des liens mutuels entre les
peuples.
Favoriser l'accès à une documentation surtout à caractère
scientifique et technique ce qui va permettre d'accéder à la
mondialisation.
En somme,
Le premier objectif institutionnel participe de la visée éducative de
l'effort de donner à l'apprenant une formation de base, de parfaire sa
culture générale, sa connaissance des autres.
La seconde mission assignée par l'instance politique à l'enseignement
des L2 est d'ordre fonctionnel ou pragmatique. Il s'agit de doter
l'apprenant d’une «langue-outil », d'une langue-instrument qui lui
permettrait d'accéder à un savoir d'ordre scientifique et technique. »
(BOUGUERRA, 1991 : 84).
Bref, notre université a, en adoptant ce système mondial
LMD, normalement formuler ces objectifs généraux selon un
ordre éducatif et culturel (formation générale de l'apprenant),
politique (compréhension mutuelle entre les peuples), (dialogue
Nord-Sud) et économique (transfert de technologie), objectifs
extrêmement importants pour tous les pays surtout du tiersmonde.
Évaluer…c’est plus qu’un « programme » !
Toutefois si la démarche suivie au sein de cette l'institution
n'est pas clairement définie et ne répond pas aux exigences en
prenant pas en charge l'apprenant avec ses aspects
multidimensionnels, cela va influencer négativement le
rendement. Suivre le fil promoteur de la mondialisation sera
donc un facteur défavorable voire un élément perturbateur
favorisant l’échec dans un tel parcours.
Ces objectifs, par principe font l’objet d’un programme,
réalisé ou appliqué par l’enseignant car
185
Ghazala MERAZGA
Un programme scolaire (par exemple en math, ou en économie ou en
français) ne se structure pas autour d'une rationalité scientifique mais
autour d'un projet de société (que veut-on enseigner aux jeunes ?).
Établir un programme est donc un acte politique. Celui-ci doit intégrer
les possibilités et les contraintes venant des savoirs scientifiques d'une
part, des capacités d'apprentissage d'autre part, les commissions
préparant les programmes ne doivent pas comprendre uniquement des
outils d'analyse sociale et des simples citoyens. » (FOUREZ,
1998 :172).
Bref, là, l’université est l'institution qui doit s’assigner
comme objectifs généraux quant à la formation d’un licencier en
FLE :
— Enseigner la langue (FLE) dont l'apprenant a besoin dans
des contextes communicationnels et rédactionnels
précises (réalisation d’activités thérapeutiques) ;
— Enseigner la langue (FLE) qui va rendre l'apprenant
capable, à long terme, d'affronter d'autres contextes
notamment rédactionnels.
C'est un rôle indispensable qui vise à parfaire les pratiques
pédagogiques afin d’inciter l'apprenant à parfaire, à son tour, son
statut et surtout ses compétences et l'aider à évoluer dans un état
des lieux motivant et harmonieux pour son épanouissement et
construction réelles d’aptitudes.
Dans ce cas, un programme trop ambitieux même basé sur
l’évaluation, qui dans l'abstrait, serait génial mais sa réalisation
sur le terrain est impossible. Il devient inutile et généralement
n’atteindra jamais ses objectifs : l'institution qui accueille cette
population scolarisée a plusieurs fonctions y compris la
transmission et l'appropriation des compétences (La fonction de
transmission de connaissances est assez universelle dans toutes
les sociétés humaines). Et si cette institution ne joue pas son rôle
comme il faut, tout un effort sera avorté.
Cet état est décrit par G. Fourez, en faisant allusion à la
susceptibilité d’un acte chirurgical ou l’angoisse qui
accompagne le voyage par avion
Personne n'a envie de se trouver sur une table d'opération aux mains d'un
chirurgien que l’on n’a pas reconnu comme compétent. Ou si on monte dans
un avion à réaction on espère qu'une institution sérieuse a apprécié la manière
dont le pilote était capable de diriger son appareil. (FOUREZ, 1998 :104).
186
Un esprit d’évaluation de l’écrit universitaire en FLE…
Généralement, la stratégie appliquée par l'institution avec les
savoirs qu'elle dispense et les programmes même si leur
application est conceptualisée participe d'une manière parfois
défavorable à créer dans une classe de FLE certains
comportements qui demandent à être corrigés afin de remédier à
certaines insuffisances :
— Les apprenants, par manque de motivation et de
compétences, s'ennuient.
— La maîtrise du lexique et de la syntaxe à ce niveau
avancé semble être une tâche ardue.
— Les exigences de la formation sont souvent accélérées et
donc inadaptées aux possibilités des apprenants.
— Le nombre d'apprenants est trop élevé dans la classe, ce
qui nuit la commodité de l’application des conduites
langagières en générale et celles de la classe de langue
particulièrement.
Cela empêche souvent la communication entre le couple
pédagogique (enseignant/élève) et de ce fait l’accès au savoir
spécialisé.
L’étudiant par méconnaissance des objectifs et la
programmation de son parcours reçoit une progression
anarchique du moment où il ignore le « plaisir » et les liens entre
les savoirs qu'il acquiert…
Évaluer…c’est devenir efficace !
Une stratégie moins claire et hésitante appliquée lors de
l'acquisition des compétences rédactionnelles en FLE à
l’université semble être un facteur défavorable et vulnérable et
aura un impact certain si on ne prend pas en charge une
démarche sérieuse et efficace des pratiques pédagogiques. Cette
prise en compte efficiente, en s’appuyant sur les différents
modes d’évaluation serait à cet égard, une voie parallèle à celle
de la réflexion de la réforme et le devenir dans le secteur.
Comme le soutient à juste titre J. Stordeur :
Devenir efficace, c'est-à-dire obtenir enfin, pour la grosse majorité
des apprenants, les résultats que l'on s'était donnés comme objectifs,
ne peut que renvoyer à la question de la valeur de ces objectifs par
rapport aux conceptions de l'homme qui sont en jeu dans le débat
démocratique parce que la question actuelle est trop souvent :
187
Ghazala MERAZGA
« comment éviter les échecs dans telle ou telle branche, dans telle ou
telle formation? », ou en d'autres termes « comment devenir plus
efficace? », on en oublie de poser les question plus fondamentale de
la valeur de ces informations et de la valeur des pratiques qui y sont
proposées, tant que nous nous serons « englués » dans le comment,
pourrons-nous vraiment réfléchir sereinement au pourquoi?
(STORDEUR, 1996 : 6).
Pour ne pas conduire et/ou contribuer à former un apprenant
voire un futur enseignant de FLE incompétent notamment au
niveau rédactionnel et d’être un facteur néfaste, on devrait non
seulement préparer une atmosphère adéquate à ce genre
d'enseignement/apprentissage mais aussi de construire un outil
aussi commode qu’envisageable permettant de mieux se situer
dans ce contexte et perfectionner, dans la mesure du possible,
une situation rédactionnelle dite lacunaire.
Évaluer…l’écrit en FLE : « grille EVA » mais encore
« critères CECRL » !
Pour le FLE, l'apprenant éprouve encore assez de difficultés
pour une meilleure maîtrise de sa part d'où la nécessité d'une
bonne prise en charge surtout au niveau de rédaction.
À ce stade-là, les critères d’évaluation une fois définis
permettent à l’enseignant de jalonner et clarifier les objectifs du
parcours et assurer un accompagnement assez efficace.
Pour l’écrit, l’évaluation de la compétence rédactionnelle, en
compréhension comme en production, ne peut que consister à
concevoir des dispositifs évaluatifs rigoureux mais surtout
pertinents dans leurs contextes et susceptibles d’accompagner
les apprenants pour de les aider à affronter leurs difficultés afin
d’améliorer leurs productions écrites. En effet,
Évaluer la capacité d’un étudiant à parler (production orale) et à
écrire (production écrite) exige en premier lieu que celui-ci soit
placé dans une situation authentique_ ou quasi authentique_ de
production. En ce qui concerne l’écrit, la situation scolaire va de soi,
en quelque sorte, à condition qu’on demande à l’étudiant de produire
un discours et non des phrases à compléter ou à transformer.
(COURTILLON, 2003 : 47).
188
Un esprit d’évaluation de l’écrit universitaire en FLE…
C’est pourquoi d’évaluation, dans notre cas, devrait être l’une
de nos préoccupations majeures. Elle nous ouvrirait, dès le
départ, un espace de réflexion méthodologique. Ce dernier, nous
permettrait d’entreprendre des choix réfléchis dans l’élaboration
d’outils d’enseignement.
La compétence de l’écrit en langue française se qualifie d’une
spécificité dans les procédés de son enseignement/apprentissage
que dans son évaluation.
Sur ce dernier point, les spécialistes insistent sur les
particularités des critères d’évaluation pour l’apprentissage de
l’écrit et les rôles qu’ils jouent :
« - Faire prendre conscience de la diversité des écrits, dans leurs
formes, leurs contenus, leurs intentions, pour élaborer des critères de
différentiation de types d’écrits ;
- Faire prendre conscience de la complexité du tissu textuel pour
élaborer des critères d’évaluation concernant les mots et les phrases,
certes, mais aussi – et d’abord – les relations entre les phrases et le
texte dans son ensemble ;
- Faire prendre conscience de la complexité du travail d’écriture,
qui n’est pas coucher des mots sur le papier mais élaborer un texte à
coups d’essais et reprises successives. (FINET et GADEAU,
1991 :51).
Fondé sur les travaux du Conseil de l’Europe, les critères du
Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues sont
conçus pour répondre à ces différentes interrogations et mettre
en place un dispositif d’évaluation, de la compétence en
question, reposant sur des critères de base :
— Évaluation initiale correspondant à la découverte du
niveau initial, de diagnostic et d’orientation ;
— Évaluation continue accompagnant les processus
d’apprentissage ;
— Évaluation finale constituant un bilan, une appréciation
et certification.
Ainsi, nous proposons d’opter pour une analyse des
rédactions en se référant à la fois sur un agencement de grille
EVA et critères du CECRL afin de pouvoir mieux les classer
selon l’Echelle globale des Niveaux conçue pour déterminer
leurs profils et situer leurs compétences.
Quant aux critères EVA, le principe est de récapituler un
ensemble d’éléments de langue susceptibles de vérifier la
189
Ghazala MERAZGA
compétence visée. Dès son élaboration (par Gadeau Josette et
Finet Colette en 1991) détaillant les points essentiels à
évaluer (les points de vue pragmatique, sémantique,
morphosyntaxique et les aspects matériels), le tableau EVA
est devenu une référence d’évaluation pour les enseignants et
chercheurs s’intéressant à la production écrite. D’ailleurs, il
donne en détaille les critères d’évaluation et cela facilite et
permet à l’enseignant de mieux entreprendre sa démarche et aux
l’apprenant d’assimiler leur appropriation.
Les productions écrites, confirme souvent un souci de
défaillance face à une pratique incontournable. Une évaluation,
basée sur un tel agencement, serait en mesure d’indiquer
comment pourrait se dérouler une expérience en vue de
développer les compétences rédactionnelles en FLE à
l’université tout au long de la formation.
Une évaluation qui pourrait aussi confirmer à chaque instant
de son déroulement la réalité pédagogique et les obstacles
auxquels le processus acquisitionnel à ce stade de
professionnalisation se heurte.
Sur ce, les « erreurs de ces rédactions » devraient être
acceptées car elles sont sources et/ou matière première de la
pratique. De plus, elles permettent de mobiliser et de
différencier les ressources nécessaires pour aider les apprenants,
par le biais des différents moments d‘évaluation, à progresser
vers l’atteinte des objectifs d’enseignement/apprentissage et
donc favoriser l’entraide en valorisant l’apport des éléments de
réponses pour les réussites.
Il s’agit là, de se référer pour répondre aux exigences
académiques de ce nouveau dispositif aux critères du tableau
EVA qui prend en compte : texte dans son ensemble, relations
entre phrases et les phrases. Et aux recommandations du
CECRL pour l’établissement de systèmes de validation de
compétences en langues (précisément en FLE).
En fait, au moment où le Cadre Commun de Référence
s’intéresse particulièrement à deux questions sur : ce qu’on
évalue et comment on interprète la performance, les critères du
tableau du groupe EVA stipulent, alors, d’appliquer des
procédures d’évaluation qui porteront sur la classification des
productions de point de vue : pragmatique (le texte dans son
190
Un esprit d’évaluation de l’écrit universitaire en FLE…
ensemble, les relations entre phrases et les marques de
l’énonciation)
Il s’agit d’une évaluation visant à faire le point sur le niveau
de la compétence rédactionnelle en FLE des apprenants à un
stade de spécialisation. Une compétence à visée linguistique
portant sur des critères de performance basés sur : la
structuration de l’écrit dans son ensemble, la construction de
phrases, la cohérence, la sémantique, la syntaxe,…
Les résultats obtenus, ici, ne seraient vraiment valides qu’en
fonction d’une base de référence d’évaluation qui détermine,
elle-même, son propre profil par l’application des deux grilles
des critères d’évaluations relatives à l’écrit (EVA et CECRL).
Un choix parmi différents types d’évaluation ; celui qui est le
plus approprié aux besoins des apprenants, du contexte et des
objectifs fixés dès le départ.
Évaluer…c’est
pédagogiques !
mettre
à
jour ses
pratiques
Avec un tel choix nous proposons de rechercher également
l’équilibre entre les différents modes et de manière à évaluer une
démarche de formation sous différents angles et avec des outils
variés relatifs à la compréhension mais surtout la production
écrite dans le domaine du FLE au sein d’un paysage
universitaire algérien lié à la mise en place du système LMD.
Ainsi, pas à pas, les formes et les fonctions de tel type
d’évaluation pourrait servir comme guide méthodologique de la
recherche en répertoriant la démarche ayant comme référence
des instruments reconnus par leurs rentabilités.
Comme déjà signalé et pour qu’elle ait son statut actuel,
l’université a subit, comme toute institution veillant à
l’instauration des projets de société, des bouleversements
reflétant le contraste entre la minceur des prétextes et l’ampleur
des développements. Cela devrait maintes fois attester que ces
crises à travers le temps n’étaient que l’aboutissement et le signe
de malaises graves et profonds auxquels l’université, corps
vivant et susceptible, réagissait souvent en révélant d’étonnantes
capacités de rigidité intransigeante de violence latente ainsi que
de rénovation féconde.
191
Ghazala MERAZGA
En prenant en charge notre spécificité, une nécessité de
suivre ces changements, entre autres l’évaluation avec ses
principes de fiabilité, faisabilité et validité pour en faire l’objet
d’une véritable enquête pédagogique menée en vue de favoriser
l’«accompagnement », l’ « engagement » et l’ « action »,
principe du LMD mais encore promouvoir l’université et ses
pratiques.
Sur-ce, comme un aboutissement légitime d’une institution
en perpétuel devenir, l’enseignant universitaire est là pour que
les tentatives ne soient pas préalablement avortées en formulant
un assemblage de trois logiques d’action, celle de la logique
d’intégration dans un établissement d’enseignement notamment
supérieur, une autre stratégique de construction d’un projet
scolaire actuel mais aussi projeter un autre professionnel et une
logique relative et/ou subjective de construction et de
consolidation d’une exhortation intellectuelle ainsi qu’une
subjectivité purement personnelle.
Il (enseignant) doit admettre que les réformes scolaires
n’atteindront jamais le fond sans parvenir au changement de la
forme. Des comportements à changer quoi que ce soit, en y
parvenant en substituant aux contraintes disciplinaires,
normatives, les résistances des matériaux à traiter, en
n’acceptant ni les laxismes démagogiques, ni l’autoritarisme
arbitraire, en aimant élèves et étudiants comme des individus
ayant chacun leur parcours et non comme une masse
différenciée.
Nous n’hésitons pas à insister, à chaque fois, sur l’importance
de l’évaluation à tout moment d’enseignement/apprentissage
(notamment d’une langue étrangère et du FLE).
Une intervention efficace en matière d’évaluation ne devrait,
en aucun cas, s'organiser seulement autour d'une discipline
scientifique qui est, avouons-le, indispensable mais aussi autour
des exigences et objectifs à atteindre : que veut-on apprendre à
ces apprenants ? Aujourd’hui ? Ici ? Pour arriver à ?
Nous appuyons ainsi les travaux de recherche qui affirment
que si stratégie sérieuse visant une certitude dans la vérification
et la certification dans ses pratiques n’aurait pas lieu, un conflit
entre intégration dans un établissement d’enseignement
192
Un esprit d’évaluation de l’écrit universitaire en FLE…
supérieur et l’engagement dans l’assimilation des savoirs
intellectuels s’instaurerait.
Bibliographie
— BENOUNE, M., (26/05/1999), De l'université à la
multiversité, in El Watan.
— BOUGUERRA, T., (1991), Didactique du français
langue étrangère dans le secondaire algérien, office des
publications universitaires, Alger, p. 84.
— COURTILLON, J., (2003), élaborer un cours de FLE,
hachette, Paris, p.47.
— FINET, C et GADEAU, J., (1991), évaluer les écrits à
l’école primaire, hachette, Paris, p.51.
— FOUREZ, G., (1998), Éduquer : écoles, éthiques,
sociétés, édition De Boeck, Bruxelles, pp. 104/172.
— MORANDI, F., (2000), Philosophie de l’éducation,
Nathan, p.31.
— ROEGIERS, X., (1997), Analyser une action
d’éducation ou de formation Analyser les programmes,
les plans et les projets d’éducation ou de formation pour
mieux les élaborer, les réaliser et les évaluer, éd. de
Boeck & Larcier, pp.180/181.
— STORDEUR, J., (1996), Enseigner et/ou apprendre,
édition De Boeck, Bruxelles, p. 6.
— TAGLIANTE, CH., L’évaluation et le Cadre européen
commun, CLE international, Paris, p.28.
— VERPRAET, G., (2001), Les enseignants et la précarité
sociale, Presses Universitaires de France, p.28.
193
Habiba BENAOUDA– ZEMOULI
UMB, Boumerdès
[email protected]
L’enseignant- Chercheur : « correcteur » ou
« évaluateur » ?
Résumé
Partant du constat que les résultats universitaires sont de plus en plus
insuffisants et que l’évaluation permet une rétroaction sur les pratiques
enseignantes, nous avons tenté de répondre dans le présent travail aux
interrogations suivantes :
 Comment peut- on expliquer les lacunes des étudiants des
départements de Langues Étrangères ?
 Les enseignants- chercheurs, sont- ils des évaluateurs ou simplement
des correcteurs ? autrement dit, les tâches proposées dans les
activités d’évaluation et les épreuves, permettent- elles de mesurer
des compétences ?
 Comment doit- on évaluer les différentes disciplines des langues
étrangères ?
À partir de l’analyse de notre corpus, nous avons mis en évidences les
lacunes de l’évaluation universitaire :
 Les pratiques d’évaluation sont hétérogènes vu l’inexistence de
coordination entre les enseignants.
 La simplification des consignes empêche l’étudiant de réfléchir.
 L’évaluation de l’oral ne porte que sur l’oral- objectif et non pas sur
l’oral- moyen.
 En littérature, l’évaluation ne porte pas sur la langue littéraire mais
sur le contenu littéraire.
 Les consignes de grammaire sont énoncées en termes de supports
phrastiques et non pas textuels.
Ce qui conduit à conclure que l’évaluation universitaire n’est pas
pertinente car elle ne mesure pas les compétences mais corrige les contenus.
194
L’enseignant- Chercheur : « correcteur » ou « évaluateur » ?
‫الملخص‬
،‫انطلقنا من فكرة أن النتائج الجامعية رديئة وأن تقويم المتعلم يعكس الممارسات التعليمية‬
:‫لهذا حاولنا أن نجيب من خالل بحثنا هذا على بعض التساؤالت‬
‫ كيف نفسر نقائص طلبة أقسام اللغات األجنبية؟‬
‫ هل يعتبر األساتذة الباحثون مقومين أم مصححين فقط؟‬
‫ كيف يمكننا تقويم مختلف المواد في اللغات األجنبية؟‬
:‫ توصلنا إلى بعض النتائج التي نلخصها فيما يلي‬،‫بعد دراسة عينة البحث‬
،‫ عدم تجانس ممارسات التقويم نظ ار النعدام التنسيق بين األساتذة‬
،‫ الطلبة من التفكير‬،‫ يمنع تبسيط األسئلة‬
‫ يعطي األساتذة األهمية لمحتوى الكالم على حساب‬،‫ في حصة التعبير الشفهي‬
،‫طريقة الكالم‬
،‫ يهتم التقويم في األدب الفرنسي بالمحتوى األدبي وال باللغة األدبية‬
.‫ تبنى اسئلة القواعد على جمل متفرقة وال على نصوص كاملة‬
‫لهذا يمكن استخالص أن األستاذ الباحث ال يعطي األهمية الالزمة للتقويم بما أنه ال‬
.‫يقيس الكفاءات بل يصحح المحتويات‬
********************
Définir l’évaluation dans la situation d’enseignementapprentissage en tant qu’aboutissement dans sa forme
sommative de séquences d’apprentissage (devoirs, examens,
tests…), et de cycles (examens finaux), ne suffit pas à identifier
ce que recouvre ce terme. Elle est plutôt un processus
d’apprentissage et de formation pour l’apprenant.
Mais dans le contexte universitaire qui nous intéresse dans le
présent travail, l’on connaît la perception qu’ont les étudiants
des pratiques d’évaluation : Quand ils parlent des lacunes de
l’enseignement universitaire, ils revendiquent une cohérence des
pratiques d’évaluation et de notation. Pour cela, une évaluation
critériée s’impose dès lors que l’enseignant n’évalue pas dans
l’absolu mais il analyse les résultats obtenus par rapport à des
objectifs et à des critères. En effet, montrer aux étudiants ce que
195
Habiba BENAOUDA– ZEMOULI
l’enseignant se propose d’atteindre à court, à moyen et à long
terme, identifier les compétences à développer et les
performances attendues des étudiants, est une exigence de
l’enseignement- apprentissage. Ainsi, dès lors qu’il y a
adéquation entre les critères posés et les objectifs fixés,
l’enseignant peut évaluer.
De ce fait, l’évaluation de l’apprenant permet une rétroaction
sur les pratiques enseignantes ; en bref, elle constitue pour lui
une auto- évaluation. C’est pourquoi Claudine GARCIADEBANC (1999 : 193) fait l’injonction :
Dis- moi ce que tu évalues, je te dirai ce que tu enseignes. L’étude
des outils d’évaluation constitue donc un bon analyseur des contenus
d’enseignement et des compétences visées ». Ainsi, « une évaluation
plus complète peut être intégrée dans le processus même de
l’innovation. Elle enrichit alors les pratiques enseignantes par un
processus de formation continue intégré. (GIORDAN A, 1998 :
222).
En effet, lorsqu’un enseignant donne une consigne à ses
étudiants et qu’il n’obtient pas les résultats espérés, ce ne sont
pas toujours les étudiants qui en sont la cause ; parfois la
consigne a sa part de responsabilité.
En dépit de ces aspects de l’évaluation, les résultats
universitaires demeurent de plus en plus insuffisants. C’est
pourquoi nous tenterons d’expliquer dans le présent travail les
raisons de ce phénomène dans le domaine des langues
étrangères en répondant aux interrogations suivantes :
Comment peut- on expliquer les lacunes des étudiants des
départements de Langues Étrangères ?
Les enseignants- chercheurs, sont- ils des évaluateurs ou
simplement des correcteurs ? Autrement dit, les tâches
proposées dans les activités d’évaluation et les épreuves,
permettent- elles de mesurer des compétences ?
Comment doit- on évaluer les différentes disciplines des
langues étrangères ?
Pour répondre à ces questions, nous faisons l’hypothèse
générale suivante : le problème des résultats estudiantins est dû
aux pratiques d’évaluation des acquis des étudiants. Pour
pouvoir mesurer cette hypothèse, nous proposons trois
hypothèses partielles :
196
L’enseignant- Chercheur : « correcteur » ou « évaluateur » ?
Il n’existe pas (ou il existe très peu) d’unification des
dispositifs, des procédures, des critères d’évaluation au niveau
des départements des Langues Étrangères.
Les enseignants- chercheurs corrigent les contenus
d’enseignement et n’évaluent pas les compétences.
Il serait possible d’améliorer les pratiques d’évaluation des
acquis en tenant compte de plusieurs paramètres selon les
disciplines en Langues Étrangères.
Cadre théorique
Le système éducatif algérien a connu une réforme installée
suite à l’ordonnance n° 3- 09 du 14 Djoumada Ethani 1424
correspondant au 13 Août 20031. Cette nouvelle orientation
éducative est une nécessité pour le système éducatif tenu
d’apporter des changements dans sa vision de ce que doit être la
formation du Jeune algérien, de son rapport au savoir afin qu’il
puisse communiquer, se documenter et être doté de repères
solides, autonomes et constructifs dans la société dont la
richesse se mesure aux compétences.
Dans la continuité de cette réforme, l’université algérienne a
connu un nouveau système appelé LMD2. Ainsi, de nouveaux
concepts apparaissent : « enseignement- apprentissage »,
« évaluation », « compétences », « tâche », « activité », « savoirfaire », « savoir- être », « faire savoir », etc. En dépit de
l’adoption de ces concepts, nous constatons un manque d’intérêt
à l’évaluation dans le processus d’enseignement- apprentissage
chez les acteurs du système universitaire.
Mais pour « tenter d’objectiver l’évaluation (…), la
constitution d’une grille est nécessaire et oblige à mettre à plat
toutes les phases de développement lectural (ex : la lecture) et
les possibles interventions didactiques dans le processus »
(ROSIER J- M., 2002 : 96). La grille d’évaluation serait dans ce
cas, un outil qui permet à l’évaluateur d’effectuer sa tâche et de
considérer l’évaluation comme « critériée ». Les critères de
réalisation sont posés en verbes d’action mis à la disposition des
CD Rom : Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale, M.E.N.,
Novembre 2004
2
LMD : Licence- Master- Doctorat
1
197
Habiba BENAOUDA– ZEMOULI
étudiants avec le barème de notation correspondant car elle
incite à « construire des exercices pour apprendre à lire des
consignes, élaborer des questionnaires pour les lecteurs en
difficulté »(Ibidem).
La consigne représente un texte dans lequel toutes les attentes
de l’enseignant sont formulées explicitement. En effet, elle doit
être précédée de l’objectif visé (ce à quoi s’attend l’évaluateur)
et d’une mise en situation de l’étudiant (une problématique).
Ainsi, des prescriptions trop générales, floues et souvent peu
opérationnelles peuvent laisser le scripteur indifférent et
dérouté. Pour ce faire, E. Berard (1995 : 22) souligne que
« l’explicitation des consignes est un point- clé qui fait que
l’apprenant peut exercer son activité en sachant ce qui lui est
demandé et savoir à tout moment ce qu’il fait ». Et pourquoi pas
un module d’entraînement sur la lecture des consignes que l’on
intitulera « Lecture des consignes ».
Le travail sur la consigne constitue selon M. Miled (1998 :
124) « une forme d’aide ; on peut aisément vérifier le fait qu’un
échec à l’écrit est souvent imputable à une incompréhension
totale ou partielle de ce qui est demandé».
L’entrainement sur la lecture des consignes aide également à
développer des savoir- faire cognitifs et métacognitifs
permettant à l’étudiant de continuer à apprendre tout au long de
sa vie puisque le métier d’étudiant implique des ajustements
méthodologiques. La consigne de compréhension par exemple,
doit intégrer les connaissances antérieures relatives au thème, au
type de texte, au positionnement du scripteur, à l’organisation
des idées, au destinataire… et qui doivent apparaître dans
l’énoncé de la consigne. L’exécution de la tâche par l’étudiant
comprendra les paramètres suivants :
— Les compétences : facteurs cognitifs, affectifs,
linguistiques…
— Les conditions,
— Les contraintes ; temps, nombre de lignes….
— Les stratégies…
J- M. Zakhartchouk (1999 : 32) propose des types de
consignes qu’il appelle :
— Les consignes- buts concernent le commentaire de
citation, la réalisation d’un projet ou l’écriture d’un récit
198
L’enseignant- Chercheur : « correcteur » ou « évaluateur » ?
et sont présentes en littérature, en techniques
d’expression écrite, etc.
— Les consignes- procédures indiquent les étapes
obligatoires que poursuit l’apprenant pour arriver au
résultat et sont utilisées en langue (Morpho- syntaxe et
Phonétique) et en méthodologie de la recherche.
— Les consignes de guidage attirent l’attention de
l’apprenant pour qu’il ne se trompe pas en lui demandant
par exemple d’être attentif ou de ne pas confondre ; elles
pourraient être appliquées en méthodologie de la
recherche, à l’oral, etc.
— Les consignes- critères proposent des critères
d’évaluation ou de réussite sous une forme injonctive ;
elles peuvent être utilisées à l’écrit ou dans toute autre
discipline.
Méthode à suivre
Pour vérifier nos hypothèses, nous avons suivi la méthode
descriptive mettant en évidence les lacunes de l’évaluation
universitaire dans le domaine de l’enseignement des langues
étrangères. Pour atteindre cet objectif, nous avons réalisé
quelques entretiens avec des enseignants- chercheurs et recueilli
des sujets d’examens proposés aux étudiants en licences de
français et d’anglais dans deux universités différentes :
Université M’hamed Bougara, Boumerdès et l’Université
Mouloud Mammeri, Tizi Ouzou.
Chaque technique d’évaluation utilisée dans les différents
sujets d’examen sera analysée et suivie de propositions
méthodologiques n’ayant pas pour objectif de donner des
directives aux enseignants- chercheurs mais de fournir quelques
indications pour l’amélioration des consignes et de l’évaluation
universitaire.
Analyse et discussion des résultats de la première
hypothèse
Les résultats de la première hypothèse qui stipule qu’ « il
n’existe pas (ou il existe très peu) d’unification des dispositifs,
des critères d’évaluation au niveau des départements des langues
199
Habiba BENAOUDA– ZEMOULI
étrangères », montrent que les pratiques d’évaluation sont
hétérogènes, ce qui influence négativement l’objectivité et la
validité de l’évaluation. En effet, il n’existe pas dans les
départements des langues étrangères (terrain de notre étude) de
coordination entre les enseignants des mêmes modules quant à
l’élaboration des activités et des critères d’évaluation, et à
l’unification des procédures et des techniques d’évaluation étant
donné que leurs objectifs et les contenus d’enseignement
diffèrent. Ce qui permet aux étudiants d’être évalués
différemment dans un même module pour un même diplôme :
« Je ne fais pas le même sujet d’examen avec mon collègue
du module. Je ne sais pas ce qu’il fait exactement en cours »
(propos d’une enseignante- chercheure, module de Phonétique).
« Nos sujets ne sont pas les mêmes parce qu’on ne travaille
pas sur les mêmes auteurs » (propos d’une enseignantechercheure, module de Littérature Comparée).
« Ce que mes collègues enseignent ? Je n’en sais rien ! »
(Propos d’une enseignante de Méthodologie de la Recherche)
L’analyse montre que la coordination et la concertation dans
l’enseignement universitaire sont inexistantes, notamment dans
les pratiques d’évaluation. En effet, le barème de notation utilisé
pour deux questions à choix multiples (module de TEE) en
examen de rattrapage d’anglais (Semestre 3/ 2014) est de 2.5 /
10 points chacune alors que dans d’autres sujets du même
module, les Q.C.M ne sont pas utilisées et le barème n’est pas le
même ; ce qui explique que les objectifs d’enseignement et les
techniques d’évaluation diffèrent et ne mesurent pas
objectivement les acquis et les compétences des étudiants. Mais
qu’est- ce qu’on évalue donc ?
Analyse et discussion des résultats de la seconde et
de la troisième hypothèse
« Les enseignants- chercheurs corrigent les contenus
d’enseignement et n’évaluent pas les compétences »
« Il serait possible d’améliorer les pratiques d’évaluation des
acquis en tenant compte de plusieurs paramètres selon les
disciplines en Langues Étrangères ».
200
L’enseignant- Chercheur : « correcteur » ou « évaluateur » ?
Les consignes d’écriture proposées à l’écrit dans les examens
de fin de semestre et de rattrapage (semestre 2013/ 2014)
demandent à l’étudiant d’imaginer « la suite de l’histoire » et de
réfléchir « à ce que va faire le personnage » sans penser à la
difficulté d’évaluer l’imagination et la réflexion car les deux
verbes soulignés sont des verbes mentalistes ne pouvant pas
constituer un objet évaluable ni être directement observables
chez l’étudiant : ils ne sont pas classés parmi les verbes d’action
susceptibles de déclencher une action concrète chez l’étudiant.
De plus, les sujets de TEE sont simplifiés par les enseignants
alors que la clarté et la brièveté empêchent l’étudiant de réfléchir
et compliquent parfois la tâche. En effet, « Racontez une histoire
triste » (examen du semestre 1/ 2014) est une consigne simple et
claire mais qui paraît plus compliquée que « Vous avez vécu un
jour un événement triste. Racontez- le à votre ami en précisant
son début, son déroulement et sa fin ». Il semblerait que la
seconde consigne spécifie à l’étudiant le rôle qu’il doit jouer,
son statut, son destinataire, les moyens linguistiques ou textuels
qui permettent de mobiliser ses compétences car les consignes
ne sont en principe pas bâties en fonction des objectifs de
l’enseignant mais en fonction des compétences à faire acquérir.
Par ailleurs, le sujet d’anglais (TEE/ Semestre 3/ 2014) pose
comme première question de compréhension du texte « Suggest
a title to the text » (« proposez un titre au texte ») : Cette
question appelée « de compréhension globale » est l’équivalent
du résumé du texte et ne peut être posée qu’à la fin des questions
de compréhension, c’est- à- dire après que l’étudiant fait le tour
du texte.
À l’oral l’évaluation pratiquée ne porte que sur l’oralobjectif, c’est- à- dire sur l’évaluation du fonctionnement de
l’oral alors qu’elle doit porter sur les deux usages : objet et
moyen. Puisque les objectifs sont de favoriser la verbalisation,
les enseignants- chercheurs doivent encourager la prise de
parole, développer les échanges et les interactions et gérer le
travail de groupe qui est une stratégie de travail permettant à
l’enseignant de faire réfléchir les étudiants sur des fautes d’oral.
En littérature, les questions à choix multiples (examen de
rattrapage : semestre 5/ littérature comparée) et les questions
portant sur la biographie des auteurs (examen du semestre 2 :
201
Habiba BENAOUDA– ZEMOULI
Étude des genres littéraires, 2014) ne répondent à aucun objectif
sauf à celui de permettre à l’étudiant de réciter le cours.
Cependant, on doit stimuler la lecture critique des genres pour
amener l’étudiant à organiser de manière réflexive la littérature
et la culture, à établir des relations entre les grands mouvements
et courants artistiques et culturels et à apprécier le style
d’écriture des œuvres étudiées : il ne s’agit plus de la correction
des connaissances sur la littérature mais de l’usage de la
littérature pour l’évaluation de la langue littéraire. Ce laboratoire
langagier permet d’aller vers l’interdisciplinarité étant donné
que l’étudiant y trouve des types et des structures de textes, des
fonctionnements et des innovations linguistiques.
En grammaire, l’objectif terminal étant de corriger la langue
afin de mener l’étudiant à s’approcher de la perfection dans la
rédaction et la présentation du mémoire de fin de cycle, les
exercices à supports phrastiques proposés en examen du
troisième semestre/ 2014 (Donnez le pluriel des noms
soulignés : « J’arrose le chou- fleur », « un gros bison »)
développent très peu l’autonomie et l’effort personnel pour
analyser le fait de langue en contexte. En effet, l’intérêt donné à
la typologie textuelle prenant la forme d’une classification :
narratif, descriptif, explicatif, argumentatif…. permet à
l’étudiant d’analyser les caractéristiques linguistiques
(grammaire du texte et non pas grammaire de la phrase). Les
consignes de grammaire sont énoncées en termes d’activités qui
suscitent des interactions langagières ne reposant plus sur le
réemploi des structures linguistiques dans des contextes isolés et
dépassant le cadre de la phrase et les formes linguistiques par
répétition, systématisation et reproduction.
Il s’agit en grammaire, d’un module de renforcement
linguistique sur le plan grammatical ; ce qui donne à la langue le
statut d’objet et de moyen d’apprentissage. L’exercice de dictée
« n’est pas donné en évaluation »1bien qu’il soit un exercice
double qui met l’étudiant en position d’écrire un texte supposant
transposer l’oral à l’écrit et qui lui permet d’analyser ce qu’il
écrit en répondant à des questions du genre : « Quelle est la
nature des catégories grammaticales ? Quelle est la fonction de
ce mot dans la phrase ?... ».
1
Propos d’un enseignant de Morpho- syntaxe.
202
L’enseignant- Chercheur : « correcteur » ou « évaluateur » ?
Que conclure ?
Le système universitaire algérien, suivant la tradition du
système éducatif, accorde très peu d’intérêt à l’évaluation qui
n’est pas un aboutissement mais un processus d’apprentissage.
Par conséquent, l’enseignant- chercheur n’est pas considéré
comme évaluateur mais comme simple correcteur vu qu’il ne
s’intéresse pas au développement des compétences mais à la
transmission des connaissances. Cela apparaît en phase
d’évaluation où les tâches proposées dans les épreuves ne
permettent pas de mesurer des compétences.
L’évaluation est un regard sur les pratiques enseignantes, elle
consiste en une auto- évaluation. Si l’évaluation de l’écrit, de
l’oral, de la littérature repose sur l’évaluation de la langue et des
constituants grammaticaux, lexicaux, phonétiques…. Et si
l’évaluation de la grammaire repose à son tour sur des supports
textuels tirés de la littérature, les enseignants doivent adopter
une approche interdisciplinaire pour permettre aux étudiants
d’apprendre en développant des stratégies d’apprentissage : Les
modules ne transmettent pas des contenus mais servent à
développer des compétences, des stratégies.
Bibliographie
— BENAOUDA ZEMOULI H. (2012) Analyse des
consignes utilisées en compréhension de l’écrit en classe
algérienne de français, Thèse de Doctorat en Didactique
des Langues Étrangères, Alger
— BERARD E. (1995) « Faut- il contextualiser les
manuels ? » in Le français dans le monde, n° spécial,
Janvier, pp. 21- 24.
— COURTILLON J. (1995) « L’unité didactique » in Le
français dans le monde, n° spécial, Janvier, pp. 109- 120.
203
Habiba BENAOUDA– ZEMOULI
— FIGARI G. (2001) L’activité évaluative réinterrogée,
regards scolaires et socioprofessionnels, Bruxelles, De
Boeck Université, coll. Pédagogies en développement.
— GARCIA- DEBANC C. (1999) « Évaluer l’oral » in
Pratiques, n° 103- 104, novembre, pp193- 212.
— GIORDAN A. (1998) Apprendre, Belin.
— HALTÉ J- F. (1992) La didactique du français, Presse
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français langue seconde, Paris, Didier- Érudition, Mons.
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Universitaire de France.
— ZAKHARTCHOUK J- M. (1999) Comprendre les
énoncés et les consignes, CRDP, Amiens.
.
204
205
Naciba ZIANE
Université LOUNICI Ali – Blida 2
[email protected]
L’évaluation des compétences : quand la
pédagogie du projet et l’approche par les
compétences modifient les fonctions de
l’évaluation
L’école algérienne d’aujourd’hui se fixe pour objectifs
premiers de construire des apprentissages (des connaissances) et
de faciliter l’acquisition de compétences (savoir-faire…) et ce,
grâce à une nouvelle pédagogie dite du projet. Le souci des
compétences se développe dans la visée d’assurer le
développement durable des savoirs intégrés par l’apprenant ainsi
que son autonomie explorable en dehors du champ scolaire.
Dans ce domaine, la notion de compétence a jailli depuis deux
décennies seulement et son surgissement a été occasionné par la
réhabilitation des programmes d’enseignement et par les
nouvelles pratiques d’évaluation dans la visée de répondre aux
besoins sociaux. La réadaptation des programmes scolaires s’est
produite suite aux limites de la pédagogie par objectifs et à ses
modes traditionnels d’évaluation.
Toutefois, l’évaluation des compétences semble être
largement minoritaires dans les pratiques d’enseignement, si
l’on en croit l’image que lui donne les documents officiels car
ils ne provoquent pas des changements par rapport aux anciens
programmes scolaires et ne dégagent pas le sens général de ces
changements qui s’inscrivent dans le virage de l’approche par
les compétences sans se souscrire à de nouvelles modalités
d’évaluation :
L’évaluation permet d’apprécier et de mesurer périodiquement le
rendement scolaire de l’élève. Le travail scolaire des élèves est
évalué à travers des notes chiffrées et les appréciations données par
206
L’évaluation des compétences : quand la pédagogie du projet et …
les enseignants à l’occasion des contrôles périodiques. (Articles 6970 Loi d’orientation p. 40)
Il apparait donc qu’aucune transformation des fonctions de
l’évaluation n’a accompagné les modifications pédagogiques et
celles de leurs théories implicites. Pour le faire, les enseignants
doivent accepter de changer leurs perceptions de l’évaluation et
leurs pratiques. On peut au travers s’intéresser aux compétences
transversales ou collectives ainsi qu’à leur statut au travers des
propositions d’évaluation (logique de compétence) de
l’apprentissage centré sur les savoirs à la pédagogie orientée sur
les compétences qui définit l’action que l’élève doit être capable
d’effectuer après l’apprentissage (GODERFROID J.O,2001
:10). La logique de la compétence a le mérite de rappeler aux
didacticiens que les compétences peuvent être saisies par
l’analyse des pratiques d’évaluation.
L’objet de l’évaluation : les compétences
Avant d’évoquer les démarches d’évaluation et les modèles
théoriques qui leur servent d’appui, il convient de s’arrêter
devant le terme de compétence et de son évolution. Le terme de
compétence n’est pas récent, il remonte au 15esiècle, pourtant, il
provoque beaucoup de débats à cause de la difficulté de le
conceptualiser. Il ne se définit sur le plan individuel qu’au
travers l’évolution des courants éducatifs et des recherches en
sciences humaines et sociales qui en font application et
auxquels, il faut faire référence pour éclaircir les divers sens
attribués à cette notion. Il est sûr que les contraintes socioéconomiques et celles des systèmes de formation exercent une
influence sur l’élaboration de ces savoirs. En effet, c’est à la fin
du 15esiècle, que le terme de compétence fut introduit dans la
langue française et indiquait « la légitimité et l’autorité conférés
aux institutions pour traiter des problèmes déterminés. » (DOLZ
J., OLLGANIER E., 2000 : 31) tels que le tribunal ou l’école…
autrement dit, le terme de compétence signifiait le pouvoir
attribué à ces institutions pour s’occuper des problèmes qui
relèvent de leurs fonctions.
Le sens qu’on a affecté à ce terme s’est élargi et se dote d’une
autre acception, celle de la « capacité due au savoir et à
207
Naciba ZIANE
l’expérience. » et désigne d’une manière générale «la capacité à
produire une conduite dans un domaine donné. » (DOLZ J.,
OLLGANIER E., 2000 : 8).On ne pouvait pas alors
opérationnaliser ce concept parce que ces acceptions restaient
imprécises, embrouillées voire nébuleuses : d’une part, la
compétence ne se limite pas à la notion de capacité, terme
auquel elle s’oppose, et d’autre part, ce qui est entendu par «
l’expérience » ou « le domaine donné » ont besoin d’être tirés au
clair.
Devenu concept « attracteur » depuis 1970, dans le domaine
professionnel, celui de la formation et surtout de
l’enseignement, le succès de cette notion revient au sens plus
précis que les recherches en sciences humaines lui ont
progressivement attribuées : en psychologie, la notion de
compétence est déjà présente dans les travaux depuis un siècle.
Toutefois, ce concept, largement controversé ne devient objet de
débat scientifique que lorsque N. Chomsky, dans le cadre de la
linguistique générative, utilise systématiquement l’opposition
compétence/performance. Pour lui, la compétence suggère ce
que le sujet est en mesure idéalement de réaliser grâce à un
potentiel biologique (règles grammaticales) alors que la
performance (les productions langagières infinies susceptibles
d’être générées par les règles de grammaires appropriées par un
individu) se réfère au comportement observable qui n’est qu’un
reflet imparfait de la première. Et c’est à cet usage que ces deux
notions ont pris leur élan. En éducation, l’émergence de cette
notion est le signe de changements épistémologiques : elle
signifie la construction interne au pouvoir et au vouloir dont
dispose l’individu de développer ce qui lui appartient en propre
comme acteur « différent » et « autonome ». De ce fait, elle
s’inscrit bien dans un renforcement des conceptions
cognitivistes réfutant le béhaviorisme linguistique qui postule
que le langage s’apprend par essai/erreur → conditionnement →
renforcement et par une disposition langagière innée.
La notion de compétence peut être analysée comme le
résultat d’une évolution des mentalités pédagogiques. Reste à
comprendre la transformation des idées pédagogiques qu’elle
implique (école active, pédocentrisme, principe d’activité,
développement des démarches de pensée.). Actuellement c’est
208
L’évaluation des compétences : quand la pédagogie du projet et …
son extension dans les programmes scolaires qui interpelle les
chercheurs. Le terme de compétence, trop utilisé, est source de
nombreuses confusions : on parle de possession de
connaissances (scientifiques et techniques), de « mobilisation »
des compétences, c'est-à-dire que la compétence ne réside pas
uniquement dans la mobilisation de ces ressources. On la
considère aussi comme un savoir intégrateur dans le cadre d’une
action finalisée pour insister sur les conditions de mise en œuvre
(les conditions d’utilisation de ces ressources) et sur sa nature
combinatoire, autrement dit, sur leur mode d’interaction.
Ces nouvelles significations renversent la conception
chomskyenne de compétence mais il reste toujours difficile de
l’opérationnaliser. Son principe directeur réside dans le choix de
la spécificité, c’est-à-dire qu’on y pose que la langue est un
ensemble différencié de compétences, solidaires mais
relativement indépendantes les unes des autres et dont chaque
élément est susceptible de relever d’un traitement
méthodologique particulier. Cette conception par objectifs
spécifiques (F.O.S.) et par démarches d’enseignement
différenciées (pédagogie différenciée) s’oppose donc à la
polyvalence de la méthodologie globaliste ordinaire. Perrenoud
et par la suite Gillet, à l’instar de nombreux chercheurs, ont pris
un recul par rapport à la conception chomskyenne et ont suggéré
la définition suivante :
Une compétence se définit comme un système de connaissances,
conceptuelles et procédurales, organisé en schémas opératoires et
qui permettent, à l’intention d’une famille de situations,
l’identification d’une tâche problème et sa résolution par une action
efficace. (DOLZ J., OLLGANIER E., 2000 :180).
Cette définition stipule quatre déclarations :
— la compétence combine des connaissances déclaratives et
procédurales ;
— la compétence s’opère dans une situation, dans un
contexte ;
— la compétence vise la résolution d’une tâche- problème ;
— ce problème n’est résolu que par une action qui doit être
efficace.
La définition de Gillet s’inscrit dans le double cadre
théorique de la cognition située (elle accorde une place cruciale
209
Naciba ZIANE
au contexte qu’elle considère comme une partie intégrante des
activités mentales et que celles-ci sont conditionnées par le
partage des connaissances avec les autres (GODERFROID Jo,
2001 :67) et de la résolution de problème (qui considère un
problème comme une tâche dans laquelle un but doit être atteint
par l’élaboration de procédures particulières. Pour le faire, elle
envisage quatre étapes : l’identification du problème, sa
représentation, la recherche d’une solution et l’évaluation des
résultats) (GODERFROID Jo, 2001 : 491–498). Il oppose cette
notion à celle de capacité qu’il conçoit comme une organisation
mentale transversale pouvant se développer à travers
l’acquisition de compétences propres à plusieurs disciplines
telles que les capacités d’analyse et de synthèse. Dans cette
même optique, Allal propose la définition suivante de la
compétence : « C’est un réseau intégré et fonctionnel de
composantes cognitives, affectives, sociales, sensorimotrices,
susceptibles d’être mobilisées en actions finalisées face à une
famille de situations ». (GODERFROID Jo, 2001 : 81).
On peut retenir de la définition d’Allal ce qui suit :
— une compétence est un ensemble de relations interactives
et fonctionnelles ;
— elle est composée de ressources cognitives et
métacognitives ;
— ses composantes socio- affectives et sensorimotrices
peuvent être déterminantes dans l’activation des
connaissances ;
— les actions mobilisées sont orientées vers une finalité ;
— cette compétence s’apparente à une situation, ou à une
famille de situations.
Certains auteurs exigent l’efficacité dans la résolution de la
tâche. Ils évoquent un autre type de connaissances qui
renseignent sur la modalité de l’apprentissage de l’élève parce
que, d’après eux, les conditions d’apprentissage font partie de ce
que le sujet apprend. Et par voie de conséquence, une
compétence se construit toujours par un apprentissage en
situation. Ce dernier nécessite l’acquisition de savoirs, savoirfaire, des modes d’interaction et de certains outils recommandés
par la situation même. Cela dit, que l’installation ou le
développement d’une compétence conduit à l’intégration dans le
210
L’évaluation des compétences : quand la pédagogie du projet et …
fonctionnement du sujet d’instruments extérieurs qui amplifient
son champ d’activité conceptuelle.
Les composantes d’une compétence
Une compétence est composée de trois catégories de
connaissances dont l’organisation en réseau permet leur
mobilisation dans des situations ultérieures : des connaissances
déclaratives, des connaissances procédurales et des
connaissances conditionnelles relatives aux conditions
d’utilisation des deux autres types de connaissances. Allal ajoute
à ces connaissances contextuelles comme les pratiques sociales
valorisées dans un contexte d’apprentissage, des composantes
métacognitives elles-mêmes constituées de méta-connaissances
et des régulations métacognitives intervenant dans la
mobilisation et la gestion active de la compétence en situation.
Boeterf avance que la compétence ne réside pas dans les
ressources à mobiliser mais dans leur mobilisation même.
Perrenoud reprend cette idée et lui rajoute que la mobilisation de
ces ressources s’effectue dans une situation, en un temps réel et
grâce à une action efficace.
Comment évaluer les compétences ?
L’évaluation des compétences dans le cadre scolaire est un
sujet très récent, actuellement largement discuté et qui
représente un grand intérêt pour les enseignants et les praticiens.
Dans une optique cognitiviste et particulièrement celle de la
cognition située, les chercheurs invoquent deux modes
d’évaluation des compétences des élèves à savoir l’appréciation
dynamique et l’évaluation formative de type interactif.
L’appréciation dynamique
Cette approche est issue des travaux d’André Rey et de Lev
Vygotsky visant à évaluer le potentiel cognitif de l’apprenant,
ses capacités et les compétences en voie de construction.
L’enseignant, dans une attitude interactive, introduit des
éléments d’enseignement ou d’entraînement dans la situation
d’évaluation. Les réactions des élèves ou leurs réponses sont
211
Naciba ZIANE
considérées comme des indices de son « potentiel
d’apprentissage » (Budoff) appelé autrement « modifiabilité
cognitive » selon Feurstein ou encore de « son efficacité
d’apprentissage et de transfert » selon la conception de
Campiane et Brown. Ce mode d’évaluation, focalisé sur les
compétences et les capacités émergentes de l’élève, tente
d’apprécier l’efficacité de l’apprentissage sur le plan cognitif et
métacognitif à l’aide de tâches et d’activités d’apprentissage
scolaire aptes en principe à révéler les compétences en phase de
construction.
L’évaluation formative interactive
Ce type d’évaluation s’inscrit dans la même perspective que
l’appréciation dynamique évoquée plus haut. L’interaction avec
les élèves dans le cadre d’une situation d’apprentissage
occasionne l’apparition de nouvelles conduites plus adéquates
pour répondre aux contraintes de la situation et aide à construire
de nouvelles compétences. La régulation, les réajustements
viennent des interactions de l’élève avec l’enseignant, avec ses
camarades et/ou avec les outils de formation (matériel
didactique mis à sa disposition : supports, grille d’évaluation,
nouvelles technologies d’information et de communication
utilisées en classe…). Cette activité de régulation n’est pas
rétrospective (en adjonction) mais elle est intégrée dans la
situation d’enseignement même qu’elle accompagne.
La principale différence qui existe entre ces deux formes
d’évaluation réside dans les éléments à intégrer et ce que chaque
mode d’évaluation désire optimiser : l’appréciation dynamique
vise à intégrer des éléments d’enseignement en vue d’optimiser
l’évaluation tandis que l’évaluation formative tend à intégrer des
éléments d’évaluation pour optimiser l’enseignement/
apprentissage et ce, en prévoyant les réajustements à chaud.
C’est ainsi qu’elle envisage de saisir la dynamique des
compétences en cours de construction et participe de ce fait à
leur élaboration. Pour le faire, trois conditions sont requises
selon Allal :
— l’évaluation formative doit s’adapter aux particularités
des pratiques sociales du domaine de la compétence à
installer ou à développer ;
212
L’évaluation des compétences : quand la pédagogie du projet et …
— l’enseignant doit être lui-même compétent (expert) dans
le domaine de cette compétence ;
— l’évaluation doit appréhender toutes les composantes
(socio-affectives et sensori-motrices) de la compétence
et non uniquement les connaissances.
Comment impliquer l’élève dans le processus
d’évaluation ?
Selon Allal, pour impliquer l’élève dans l’évaluation, trois
modalités sont envisageables :
— l’autoévaluation : l’apprenant évalue lui-même sa
production ou les procédures mises en œuvre pour sa
réalisation en recourant à un référentiel externe tels que
le dictionnaire, la consigne, une grille de contrôle… ;
— l’évaluation mutuelle : tel que son nom l’indique, il
s’agit du même principe seulement l’objet sera évalué
par un camarade et vis-versa ;
— la co-évaluation : elle consiste à la confrontation de
l’autoévaluation de l’élève à l’évaluation de l’enseignant
dont les appréciations de chacun des co-acteurs peuvent
convoquer ou non un référentiel externe.
Penser à impliquer activement l’élève dans le processus
d’évaluation c’est d’une part vouloir susciter sa réflexion sur sa
propre production et les procédures de sa réalisation, autrement
dit, sur son activité mentale face à une tâche relative à une
situation- problème. De l’autre, c’est stimuler la structuration de
ces conduites autorégulatrices. Apprendre à l’élève à gérer et à
évaluer ses apprentissages relève d’un domaine en pleine
extension qui est celui de la métacognition. L’évaluation des
compétences contribue à l’acquisition et à la consolidation de
celles-ci.
Les fonctions de l’évaluation
Avant d’éclairer les problématiques liées à l’évaluation, il est
très important de se tourner vers des repères historiques et
méthodologiques. La notion d’évaluation existe depuis
l’Antiquité. Elle désignait un ensemble d’épreuves formelles
comme l’endurance, la bravoure ou encore la pêche et la chasse
213
Naciba ZIANE
dont on faisait usage lors des cérémonies marquant le passage de
l’enfance à l’âge adulte (Ait Boudaoud Laifa 1999 : 09). Socrate
était à l’origine des examens oraux. Les examens écrits, ceux de
la lecture et du chant ont débuté à Sparte et en Athènes. Les
épreuves écrites ont été introduites pour la première fois dans
l’histoire par l’université de Cambridge en Angleterre. Depuis la
deuxième moitié du 19e siècle, on assistait aux apparitions des
mouvements de critique à l’égard des examens. Ces montées de
contestations contre certaines formes d’examen notamment ceux
relatifs à l’oral ont favorisé l’émergence de nouveaux procédés
d’évaluation (particulièrement l’évaluation des rendements
scolaires) à Boston et à Chicago. Le début du 20esiècle était
caractérisé par l’apparition de deux mouvements, celui de
l’efficacité et du rendement (concepts empruntés au domaine du
management et de l’industrie) ainsi que celui de la tendance
behaviouriste (stimulus – réponse) et depuis, les travaux de
Tyler, de Bloom, de Khrathwohl et de Masia ainsi que leur
taxonomies qui ont coïncidé avec l’émergence du mouvement
cognitif en 1956 ensuite du mouvement affectif en1968, ont
stimulé l’intérêt des pédagogues autour de la notion
d’ « objectifs pédagogiques ». C’est la tendance de
l’enseignement par objectif qui a contesté les procédures
classiques utilisées en vue d’évaluer les apprentissages. À partir
de 1973, l’évaluation entra dans la professionnalisation, c’est
l’ère de l’analyse des besoins, de l’évaluation formative et de la
métacognition (savoir comment on fait pour savoir, c’est la
cognition sur la cognition autrement dit, exercer un contrôle
actif et procéder à la régulation sur les processus de
l’appropriation des connaissances (GODERFROID Jo, 2001 :
504) ainsi que sur les procédés de résolution des problèmes,
comme outils mis au point et mis à la disposition des praticiens.
La notion de l’évaluation a évolué également en terme
d’acception et du but qu’on lui a assigné. En effet :
— l’évaluation comparative par exemple, consistait à
classer et à sélectionner les élèves.
— l’évaluation critériée, née de la pédagogie par objectif se
donnait pour fonction de présenter un retour
d’information permettant de situer les apprenants par
rapport aux critères que constituent les objectifs.
214
L’évaluation des compétences : quand la pédagogie du projet et …
— l’évaluation correctrice traitait les difficultés des élèves
en leur donnant des explications supplémentaires et des
corrections sur les difficultés rencontrées.
— l’évaluation conscientisante visait à fournir à l’élève sa
part d’autonomie dans la remédiation à ses propres
difficultés une fois qu’il prend conscience de son
dysfonctionnement et ce, en lui fournissant quelques
repères.
Le jaillissement de chaque type d’évaluation découlait des
limites de la précédente. Toutefois, il ressort clairement de ces
conceptions que l’évaluation est passée progressivement d’une
attitude sommative à une approche plutôt formative, en ce sens
que l’évaluation n’est plus perçue comme un instrument de
mesure ou de comparaison mais elle est considérée enfin comme
un outil de remédiation et de prise de décision en vue de
l’amélioration. L’évaluation des apprentissages reste solidement
dominée par le point de vue behaviouriste étant donné que
l’attention des enseignants et des évaluateurs d’une manière
générale se focalise uniquement sur la réalité observable
objective, c'est-à-dire sur la performance des apprenants.
L’observation doit intervenir à trois moments décisifs de la
démarche pédagogique. Elle prendra alors successivement les
formes de l'évaluation diagnostique, formative et sommative. C.
Jean-Michel Zakhartchouck distingue en fait deux modes de
différenciation très contrastées : la différenciation successive et
la différenciation simultanée (alternative) (Notions empruntées à
Ph. MEIRIEU, 1985.) où chacun agit selon des plans de travail
individualisés sur lesquels sont cochées par les élèves les tâches
accomplies ce qui impliquent que tous les élèves ne travaillent
pas de la même façon, en même temps et aient même des tâches
différentes à effectuer.
Actuellement, on accorde de plus en plus de place à
l’évaluation diagnostique et à l’évaluation formative d’où la
modification de l’ordre des priorités des praticiens. En effet, le
besoin le plus pressant n’est plus de l’ordre de l’échec et de la
réussite, le classement ou encore la sélection mais de trouver des
réponses aux questions suivantes :
— Quelle est la démarche suivie par l’élève pour arriver à la
réponse qu’il a fournie ?
215
Naciba ZIANE
— Où a-t-il rencontré des difficultés ?
— Comment réagit-il par rapport à ces difficultés ?
Trouver des réponses à ses interrogations s’avère primordial
pour pouvoir intervenir de manière efficace et active dans une
perspective formative- remédiative, autrement dit, la fonction de
l’évaluation consiste à recueillir de l’information sur les erreurs
de l’apprenant pour lui proposer une thérapie. La performance
observée doit être considérée comme un symptôme de
l’apprentissage ou de difficultés d’apprentissage. L’erreur n’est
plus estimée comme une faute mais comme signe de
dysfonctionnement. Pour aider l’élève à surmonter ces
difficultés, il faut passer nécessairement par une analyse des
fautes en vue de comprendre ce qui se passe dans le processus
mental de l’apprenant en ayant recours aux inférences
concernant les performances des élèves. Le recours aux
inférences (opérations mentales amenant à générer une
information à partir de celle que le contexte fournit
(GODERFROID Jo, 2001:524) nécessite la référence aux
théories du fonctionnement mental et de l’apprentissage. La
théorie piagétienne prise comme cadre conceptuel pour
comprendre la construction progressive du raisonnement de
l’enfant reste insuffisante pour comprendre précisément les
apprentissages en situation scolaire étant donné qu’elle ne rend
pas compte des facteurs contextuels fortement psychologiques
intervenant dans tout apprentissage. La psychologie cognitive
(les théories cognitives apparaissent comme la référence
aujourd’hui) puisqu’elle procure de nouveaux concepts
susceptibles de combler les lacunes de la théorie piagétienne.
Pendant la conférence donnée par Allen Newell et Herbert
Simon (in, GRÉGOIRE J, 1999:160), le démarrage du courant
cognitiviste a été déclenché et les conférenciers ont proposé une
analogie concernant le traitement de l’information par l’homme
et par l’ordinateur. Ce qu’y était important, c’était les processus
mentaux existant entre le stimulus et la réponse et que l’être
humain traite de manière active l’information. Outre cela, il est
possible d’évaluer le travail de l’élève sur la base du temps de la
réponse (WOLFS J-L., 1999: 163) et sur sa précision et par
conséquent il est possible d’estimer quels processus mentaux
sont mis en œuvre comme l’usage de procédures alternatives
216
L’évaluation des compétences : quand la pédagogie du projet et …
moins adéquates. Le passage de théorie à la pratique ne va pas
de soi en terme d’applications : c’est ce qui justifie l’important
décalage temporel entre le développement des modèles
théoriques et la mise en pratique en évaluation et c’est pourquoi
ce n’est que très récemment qu’on se penche sur le problème de
l’évaluation qui pose un sérieux problème dans le système
éducatif en Algérie parce qu’on ne sait plus quoi évaluer.
Nombreuses questions d’ordre théorique et méthodologique
restent jusqu’à présent sans réponse. Il n’est pas inutile de
rappeler à présent les fonctions de l’évaluation qui sont
désormais connue dans le milieu scolaire algérien mais loin
d’être judicieusement mises en œuvre.
L’évaluation diagnostique
Elle vise essentiellement à permettre aux enseignants, à partir
de l’observation des compétences individuelles des apprenants
(leurs pré- requis), ainsi que leurs difficultés, à un moment
précis de leur apprentissage, de prendre des décisions
« d’adaptation et d’orientation » (WOLFS J-L., 1999 :42) en
leur apportant ainsi des repères pédagogiques pour organiser
(canaliser) la suite des apprentissages. Cet apport complète et
enrichit les différentes informations dont disposent les
enseignants pour identifier les acquisitions et les difficultés
éventuelles des apprenants. L’analyse des résultats obtenus par
ces derniers est une aide à la mise en œuvre des réponses
pédagogiques et permettra ainsi de cerner puis mieux
comprendre l’origine des difficultés rencontrées, dès lors
adaptées à leurs besoins particuliers. Envisagée au début
d'apprentissage ou de formation, l’évaluation diagnostique
intervient lorsque l’enseignant se pose la question de savoir si
un apprenant possède ou non les capacités nécessaires pour
entamer une formation ou pour suivre un apprentissage. Cette
évaluation pointe alors plus sur des acquis que sur des aptitudes.
La mise en place de la séquence d’apprentissage est précédée
donc par l’évaluation diagnostique qui doit lui fournir sa
cohérence et son origine, en la situant à la croisée des attentes
institutionnelles et des besoins réels des élèves. Les décisions
prises par l’enseignant relèvent d’une manière générale de
l’ordre de la consolidation des acquis mal maîtrisés avant
217
Naciba ZIANE
d’amorcer les nouveaux apprentissages, de l’adaptation du
nouvel enseignement au niveau réel des élèves, et de réorienter
sa démarche pédagogique en fonction des données de ses
investigations et du « profil de départ » de l’élève. L’évaluation
diagnostique se distingue des autres formes d’évaluation par sa
finalité, puisqu’elle ne recherche pas essentiellement à gérer des
apprentissages en cours d’acquisition (fonction de l’évaluation
formative), ni à valider des acquis à l’issue d’un travail (fonction
de l’évaluation sommative). Elle est un outil préalable à
l’élaboration du projet et trouve sa place au tout début de celuici, avant même que l’activité de formation ou d’enseignement
ne débute. Elle servira de repère initial, de témoin à un moment
donné vers lequel l’enseignant et l’élève pourront se tourner
lorsqu’ils auront besoin de se référer à la situation de départ.
Vouloir prendre en compte cette réalité, c’est considérer que
l’élève n’est pas une « table rase » ni « une boite noire », mais
qu’il apporte avec lui un bagage de connaissances et de savoirfaire, lesquels sont déjà en prise dans l’activité d’apprentissage.
L’évaluation diagnostique révèle comment l’élève se représente
l’objet d’apprentissage. Aussi, l’analyse des résultats de celle-ci
peut mieux faire dévoiler des représentations de l’image à
acquérir que des connaissances réelles et il convient dès lors de
se demander si elles peuvent servir de base à la construction des
savoirs.
Ainsi, le principal souci qui peut préoccuper l’enseignant est
le décalage entre ce qui est évalué par la diagnostique et ce qui
sera jugée à la fin de la séquence ou du projet. Va-t-on vraiment
analyser des productions comparables ? Car il faut bien
reconnaître que l’apprenant ne peut pas réagir de manière
identique lorsqu’il répond à une grille de questions et lorsqu’il
est dans le faire et dans l’action, confronté aux informations
extérieures à lui-même et aux savoirs qu’il intègre ou qu’il
bouscule.
Par ailleurs, il est important de comprendre que le but de
toute évaluation diagnostique n’est pas la mesure d’un écart par
rapport aux résultats du groupe ou au seul programme mais bien
par rapport à l’élève lui-même. Cette fonction de l’évaluation
trouvera donc sa plus grande pertinence dans la révélation, pour
218
L’évaluation des compétences : quand la pédagogie du projet et …
l’enseignant, des représentations qu’a l’apprenant des attendus
de l’enseignement (attentes institutionnelles.).
L’évaluation diagnostique sollicite de l’enseignant une
anticipation la plus nette possible de la cible que son action
cherche à atteindre. La cible doit être clairement définie par les
programmes ou les référentiels de la matière à enseigner. C’est
précisément l’analyse des contenus de celle-ci qui va guider
l’élaboration du questionnaire diagnostique.
Fournir à l’élève les moyens de comprendre sa relation au
savoir et les outils de mesure de ses acquis, c’est l’impliquer
dans sa propre formation, c’est lui donner des repères pour
mettre en place son auto-évaluation, c’est en faire le partenaire
privilégié d’une régulation efficace parce que personnelle et
acceptée. La lecture des résultats obtenus est un des moments
clés. L’évaluation qui accompagne cette lecture doit être
proposée aussitôt après, afin que l’élève reste mobilisé par la
question qui vient de lui être posée. Il s’agira donc d’une hétéroévaluation.
Le questionnaire renseigné par l’élève n’a pas à être
« corrigé ». Il représente, un état des lieux des représentations
documentaires de l’élève et son examen consistera avant tout à
prélever les indices des manques et des difficultés à venir. Les
indices individuels rassemblés en axes majeurs vont déterminer
les grandes lignes du travail à mettre en place. La séquence va
pouvoir se construire selon des objectifs déterminés par le
« profil » du groupe-classe et lui refléter les difficultés qu’elle
semble ne pas encore avoir su maîtriser. C’est l’occasion de
placer, sur le chemin de l’apprenant, des situations
d’apprentissage, ou situations problèmes, propres à construire
les connaissances et les capacités requises. L’enseignant,
concepteur du terrain où se déploie l’action de la classe,
responsable du cadre pédagogique offre à l’élève qui s’interroge
pour surmonter l’obstacle une médiation entre celui-ci et sa
demande. C’est dans l’offre de réponse qu’il propose à cette
demande verbalisée que se situe l’acte pédagogique en tant que
tel, à savoir la mise à disposition de l’apprenant le lien qui lui
manquait pour convoquer ce qui était jusque-là dispersé et non
mobilisé et l’agréger en un nouveau savoir ou savoir-faire.
219
Naciba ZIANE
Pour élaborer le questionnaire diagnostique, il faut reprendre
les compétences listées par le référentiel ou le programme. Le
contenu et les consignes du questionnaire seront remaniés par la
suite en fonction des observations sur le terrain et de l'analyse
des résultats des élèves. Enfin, vient le dépouillement des
réponses au questionnaire avec l'adoption éventuelle d'un
barème. L'important pour l'élève, c'est de faire le point sur ses
acquisitions tandis que pour l’enseignant, c'est de relever les
tendances de la classe pour chaque savoir et savoir-faire évalués
afin d'orienter le projet pédagogique.
Cependant, l’évaluation diagnostique présente plusieurs
limites : l’objectif de ce test est de faire émerger une image
immédiate des représentations des élèves sur l’objet d’étude. Il
n’est certainement pas possible d’évaluer les compétences
proprement dites puisque celles-ci ne se vérifient que de façon
pratique, lorsque les élèves sont en situation. Ainsi, pourront
être constatées quelques différences entre les réponses données
par les élèves lors du test et les pratiques réellement observables.
Ces dernières seront par ailleurs évaluées à l’issue du projet par
une évaluation sommative portant sur la production. Par ailleurs,
comme pour tout exercice écrit, on ne peut exclure les difficultés
d’interprétation des consignes ou de compréhension du
vocabulaire, ce qui n’est pas sans incidence sur leurs
réponses. De ce fait, le test peut être révélateur de difficultés
méthodologiques, aspect qu’il faut prendre en compte dans le
processus d’enseignement.
L’évaluation formative ou formatrice ?
Le rôle de l’évaluation formative dépasse la limite des notes,
des niveaux de maîtrise et s'intéresse aux procédures et aux
modes de résolution des problèmes par les apprenants, c'est-àdire, elle se préoccupe d'observer ce qui se passe lorsqu'un élève
apprend. Elle se veut édifiante puisqu'elle cherche à comprendre
le « fonctionnement » mental de l'apprenant, sa manière
d'appréhender et d’intégrer les savoirs scolaires. Elle s'appuie
pour cela sur la psychologie des apprentissages. Elle se focalise
sur ce qui se passe entre la question et la réponse. Elle vise, en
fait, à aider l'élève à accéder à plus d'autonomie en le rendant
acteur dans la construction de son savoir et dans la recherche
220
L’évaluation des compétences : quand la pédagogie du projet et …
d'une méthode d'apprentissage particulièrement adéquate à la
résolution de son problème et convenant le mieux à sa
personnalité.
Dans cette tendance, certains auteurs parlent « d'évaluation
formatrice ». La nuance est importante : La différence entre
évaluation formative et formatrice n'est pas très sensible dans
l'intention : la seconde souhaite, comme prolongement, voir
l'élève s'approprier les critères d'évaluation et mettre en place
des stratégies d'apprentissage. Les objectifs sont identiques mais
les rôles de l'adulte et de l'enfant, les positions respectives de
l'un et de l'autre se modifient.
L'évaluation formatrice se distingue, de la précédente par le
fait que les objectifs identiques sont poursuivis par l'élève luimême qui doit aussi assurer la régulation du circuit
d'apprentissage, la gestion de ses erreurs et ce, en permettant à
l'élève d'avoir une représentation concrète de la tâche et de
s'approprier les critères d'évaluation.
L’évaluation sommative
Elle a pour fonction de contrôler l’acquisition par les élèves
des savoirs et compétences visés par les programmes enseignés.
Elle intervient en fin de processus (fin d’apprentissage ou d’une
formation, d’un projet, d’une expérimentation…), elle est
programmée et fait objet d’une note ou d’une appréciation
(évaluation implicite).elle est appelée sommative car « elle fait
la somme des acquisitions ou des réalisations. » (AIT
BOUDAOUD L, 1999 : 163) La note est habituellement
associée à une décision, une sanction ou à une certification.
L’évaluation sommative peut être prédictive dans le cas où elle
s’inscrit au début d’une action pédagogique ou de formation
future.
Conclusion
Nous avons évoqué les différentes fonctions de l’évaluation
et il convient de rappeler que c’est dans une dynamique de
changement que les sciences cognitives ont pu influencer les
pratiques de l’évaluation, dont les apports ont permis aux
concepteurs du discours sur l’évaluation de mettre à la
221
Naciba ZIANE
disposition des praticiens et des enseignants des savoir-faire
variés renvoyant aux différentes conceptions de la pédagogie et
aux diverses représentations de ce qui doit être objet de
réajustement et de régulation. La montée de pédagogies plus
complexes (la pédagogie en situation, par projet…) a déstabilisé
une méthodologie qui n’a pas réussi à s’installer comme
tradition. L’auto-évaluation prise en charge de ses
apprentissages par l’élève- et l’autorégulation (métacognition)
s’avère actuellement les meilleurs moyens de l’appropriation des
compétences la plus marquée.
Bibliographie
— AIT BOUDAOUD L., L’évaluation dans le système
scolaire (en Algérie), guides, approches, éditions
Casbah, Alger, 1999.
— DOLZ J., OLLGANIER E., l’énigme de la compétence
en éducation, tome 2, raisons éducatives, collection de
Boeck université, Paris- Bruxelles, 2000.
— GODERFROID J., psychologie, sciences humaines et
sciences cognitives, De Boeck université, ParisBruxelles, 2001.
— GRÉGOIRE J., Évaluer les apprentissages, les apports
de la psychologie cognitive, De Boeck université,
perspectives en éducation, Paris- Bruxelles, 1999.
— MEIRIEU Ph., l’école, modes d’emploi des méthodes
actives, à la pédagogie différenciée, Paris, 1985
— ROEGIERS X., L’approche par les compétences dans
l'école algérienne, programme d'appui de l'UNESCO à la
réforme du système éducatif (PARE) Japanese, funf-intrust, 2005.
— TALBOT L., L’évaluation formative, comment évaluer
pour remédier aux difficultés d’apprentissage, Armondcolin, Paris, 2009.
— WOLFS J.-L., Analyse des pratiques éducatives visant à
faire participer l’apprenant à l’évaluation diagnostique,
au pilotage et à la régulation de ses apprentissages,
évaluer les apprentissages, De Boeck université,
perspectives en éducation, Paris- Bruxelles, 1999.
— Loi
d’orientation,
juin
2008
222
223
VARIA
224
225
Dalila MORSLY,
Professeure émérite en sciences du langage et sociolinguistique
Algérie : 50 ans de pratiques plurilingues
Compte-rendu
Le Laboratoire de recherches en sciences du langage, analyse de
discours et didactique (SLADD) de l’Université de Constantine 1
dirigé par Yasmina Cherrad, Professeure en Sciences du langage et
didactique, a organisé les 27/28/29 avril 2014, avec le soutien de
Farida Hobar, Vice-rectrice chargée des relations extérieures et Rebaï
Benslama, Doyen de la Faculté des lettres et des langues, un colloque
international sur le thème : Algérie : 50 ans de pratiques
plurilingues.
Ce colloque qui part du constat irréfutable que les Algériens
parlent et écrivent plusieurs langues et différentes variétés de ces
langues s’inscrit dans un domaine précis des études consacrées aux
langues et aux langages : la sociolinguistique. L’objectif premier que
se fixaient les organisateurs était d’inviter les communicants à
examiner si et comment les évolutions politiques, sociales et
culturelles qui ont marqué le pays durant ce premier demi-siècle de
son indépendance avaient influé sur la distribution des variétés
d’arabe et de tamazight, sur les normes d’arabe institutionnel (arabe
dit standard, scolaire etc.) et de français, sur le poids des langues et
des variétés, les formes de contacts entre langues et variétés.
Les travaux réalisés dans les centres de recherches et les
universités d’Algérie ou d’autres pays ont bien souvent entrepris
d’observer et de décrire les pratiques caractéristiques de tel ou tel
contexte sociolinguistique, de telle ou telle situation de
communication. Ils contribuent, ainsi, à cerner un aspect de la réalité
sociolinguistique algérienne ; ils tentent de repérer les tendances et
dynamiques linguistiques en cours dans les différents champs de la
communication sociale et d’ouvrir un débat sur les dispositifs
226
Algérie : 50 ans de pratiques plurilingues
théoriques et méthodologiques mis en œuvre dans les recherches pour
décrire et analyser la distribution des langues/variétés ainsi que les
phénomènes d’alternance. Le colloque a poursuivi et approfondi ces
questionnements.
Compte tenu du nombre important d’intervenants (38) le colloque
qui s’est tenu dans le nouvel et confortable amphithéâtre de
l’Université de Constantine 1 (Campus 500 places Tédjini Heddam),
était organisé sous la forme de séances plénières et d’ateliers. Une
bonne partie des universités algériennes étaient représentée
(Constantine, Alger, Tizi-Ouzou, Béjaïa, Blida, Oran, Mostaganem,
Mascara, Chlef, Constantine, Annaba, Batna) ce qui montre que la
recherche en sociolinguistique est bien vivante. Des chercheurs venus
de Tunisie, de France (Rouen, Le Havre, Grenoble, Angers,
Montpellier) ont aussi participé aux travaux.
Sur le plan théorique, les chercheurs ont soulevé les questions
suivantes : comment décrire, analyser et présenter la complexité
inhérente au plurilinguisme algérien, comment repérer le changement,
les corrélations entre contextes de communications et pratiques
linguistiques, quelles méthodologies de recueil de données sont plus
aptes à rendre compte de la diversité des configurations plurilingues ?
Ainsi, Henri Boyer a repris les thèmes qui lui sont chers d’interlangues, interlangue, interlecte et hybridation ethno-sociolinguistique.
Abderrazak Dourari est revenu sur la politique linguistique de
l’Algérie qui se caractérise par une contradiction entre monolinguisme
d’État et plurilinguisme de la société. Foued Laroussi a présenté un
bilan des recherches menées sur le code-switching arabe-français
depuis quarante ans. Ibtissem Chachou et Malika Bensekat ont rendu
compte de la position de certains chercheurs sur la prise en compte de
la variation en contexte sociolinguistique algérien. Yasmina Cherrad
s’est intéressée à la question du centre et de la périphérie dans les
pratiques plurilingues algériennes tandis que Dalila Morsly a proposé
une réflexion sur le problème des corrélations entre mutations sociales
/dispositifs théoriques et pratiques de recherches ainsi que sur celui
des outils théoriques permettant l’analyse des contacts de langues et
variétés.
Pour ce qui est de la description des pratiques et représentations,
les communications ont été regroupées en fonction des contextes dans
lesquels les recherches ont été menées.
– Deux ateliers ont été consacrés à l’analyse de pratiques en
contextes ordinaires ou non formels. On s’est intéressé ici au
changement linguistique lié au code switching en Tunisie (Heikel
Benmustapha) ; aux nouvelles pratiques plurilingues au sein de la
famille kabyle (Mahmoud Bennacer, Chérif Sini), ou dans certaines
227
Dalila MORSLY
villes comme Béjaïa (Bachir Bessaï) ou Batna (Soraya Hadjarab) ; à
l’arabisation de l’environnement comme manifestation d’une politique
linguistique inopérante (Yacine Derradji) ; aux pratiques plurilingues
des jeunes (Hadjira Medane) ; aux pratiques genrées (Abdenour
Iguerali). Hakim Menguellet soulève le problème des modalités
d’accès au plurilinguisme algérien et choisit d’adopter la technique de
la biographie langagière.
– Deux autres ateliers s’intéressaient aux pratiques linguistiques en
contextes institutionnels universitaires et scolaires, terrains privilégiés
pour l’observation des pratiques et représentations qui se construisent
à l’occasion des apprentissages et de la circulation des savoirs. Nadia
Grine a tenté de définir la relation entre langue(s) et professions dans
l’imaginaire et les pratiques d’universitaires ; Nedjma Cherrad a
présenté une étude des rapports entre pratiques plurilingues et
transmission des savoirs dans des disciplines non linguistiques ; Amar
Nabti travaille plus précisément sur les rapports entre kinésique et
pratiques plurilingues en essayant de voir si la dimension plurilingue
induit une ou des gestuelle(s) spécifique(s) ; Lynda Mounsi analyse
les pratiques des étudiants de l’Université de Béjaïaface aux agents de
l’administration ; Dalida Temim aborde la question de la prise en
compte des langues maternelles pour une gestion plus efficace du
plurilinguisme ; Nadjouat Kahlat décrit l’alternance codique en classe
de FLE. Meriem Stambouli tente de voir comment le répertoire
langagier des enfants est révélateur d’une compétence plurilingue et
pluriculturelle qui s’élabore entre l’école et la société ; Wafa Bedjaoui
s’intéresse aux représentations linguistiques d’élèves plurilingues.
– Deux ateliers rendaient compte de recherches sur les médias,
orientation qui ne cesse de se développer actuellement. Plusieurs
communications ont porté sur les médias écrits. C’est le cas de
l’intervention d’Ikram Bentoussi consacrée au métissage linguistique
dans la presse francophone ; Fatah Chemerik, lui, s’est proposé de
repérer les stratégies discursives que permet l’utilisation de la daridja
dans la presse francophone tandis que Sabrina Merzouk étudie le
fonctionnement de l’emprunt à l’arabe dans la presse ; Kawther
Dembri a travaillé, plus particulièrement, sur les chroniques du
Quotidien d’Oran pour définir les dynamiques plurilingues qui les
caractérisent et qu’elle considère comme une des caractéristiques du
discours journalistique algérien. Mohamed Miliani se penche sur une
autre rubrique du Quotidien d’Oran : le billet d’humeur dont il essaie
de décrire l’intentionnalité communicationnelle. Se sont intéressés aux
médias oraux : Hanane Bendib avec un travail portant sur les pratiques
plurilingues dans la publicité télévisuelle, Kheïra Yahiaoui avec une
analyse d’interactions enregistrées sur la chaine de radio, Alger chaine
228
Algérie : 50 ans de pratiques plurilingues
3 (de langue française) qui veut montrer quelles pratiques sont à
l’œuvre sur cette chaîne, Djamila Drouiche qui, toujours à partir d’un
corpus recueilli sur Alger chaine 3, étudie les interventions de l’arabe
et pose aussi la question du rôle des médias oraux sur les pratiques
ordinaires des locuteurs.
– Le septième et dernier atelier regroupait des interventions qui
portaient sur la communication plurilingue des réseaux sociaux.
Fabien Liénard montre comment s ‘effectue la transmission de la
langue écrite dans ce contexte et le passage de la norme linguistique à
la variation orthographique numérique ;Karima Nabti essaie de voir
comment le conflit est géré dans le cadre des forums de discussion et
le rôle qu’y jouent les langues ; Kamila Oulebsir présente une analyse
de quelques forums de discussion qui représentent à ses yeux des
micro-situations de pratiques plurilingues tandis que Meriem
Seffahrelève les caractéristiques stylistiques de courriers électroniques
plurilingues.
L’ensemble des communications montre que la situation
sociolinguistique algérienne est en pleine mutation, que les
configurations plurilingues se réaménagent. Les aspects marquants de
ce changement sont : l’émergence des langues premières dans d’autres
contextes que ceux de la communication familiale, orale ou
villageoise ; l’extension des répertoires linguistiques des locuteurs
amazighones qui pratiquent différentes variétés d’arabe, mais aussi
des arabophones qui se « mettent » au kabyle. On voit, par ailleurs,
que les frontières entre les différentes variétés d’arabe (institutionnel
et parlé) et entre les variétés de tamazight bougent ; que la
présentation diglossique traditionnelle ne permet plus de rendre
compte de la complexité et de la dynamique de la situation. Le
français quant à lui reste présent dans différents contextes et fait
l’objet lui aussi de réajustements qui se situent au niveau de ses
contextes d’utilisation, de la norme –scolaire traditionnellement
enseignée – et de la variation.
Le colloque s’est déroulé dans une atmosphère à la fois studieuse
et conviviale que n’ont pas manqué de souligner tous les intervenants
en remerciant les organisateurs de la rencontre c’est-à-dire aussi bien
les responsables et les chercheurs du laboratoire que les étudiants et
doctorants qui ont pris en charge les tâches d’organisation et
d’accompagnement avec une efficacité sans faille.
Ce fut un beau colloque.
Dalila MORSLY
229
Moussa HADJ-MOUSSA
Université de Tizi-Ouzou, Algérie
[email protected]
Les méthodes du Français Langue Étrangère
(FLE) conviennent-elles à l’école algérienne ?
Résumé
Le français est bien une langue étrangère en Algérie ; devrait-on
pour autant utiliser les méthodes du Français Langue Étrangère (FLE)
pour son enseignement /apprentissage ? D’autre part, l’intérêt de
l’apprentissage d’une langue étrangère réside dans l’acquisition d’une
compétence de communication dans cette langue, mais aussi dans
l’accès à un certain contenu culturel ; ne pourrait-on pas faire
correspondre celui-ci aux besoins réels de l’apprenant algérien ? C’est
sur ces deux aspects que portera notre intervention.
‫الملخص‬
‫ ولكن هل ينبغي علينا استخدام أساليب‬.‫الفرنسية هي حقا لغة أجنبية في الجزائر‬
‫( الفرنسية لغة أجنبية‬FLE) ‫ الفائدة من تعلم لغة أجنبية‬،‫ تعلمها؟ من ناحية أخرى‬/‫للتعليم‬
‫ ولكن أيضا في اكتساب‬،‫بعض المحتوى تكمن في اكتساب الكفاءة التواصلية في هذه اللغة‬
‫الثقافي؛ هل يمكننا أن نجعل هذآ ألخير مناسبا لالحتياجات الحقيقية للمتعلم الجزائري؟‬
٠‫مداخلتنا ستطرق إلى هذين الجانبين‬
230
Les méthodes du Français Langue Étrangère (FLE) conviennent-elles …
L’objectif de cette communication est de donner un point de
vue sur deux questions : la question de la méthodologie et celle
du contenu culturel, concernant l’enseignement / apprentissage
du français en Algérie.
À propos de la méthodologie, nous examinerons s’il y a
adéquation, d’une part, entre le statut officiel de la langue
française, ses méthodes d’enseignement/apprentissage et,
d’autre part, les besoins réels des utilisateurs au sein des
établissements scolaires et universitaires, voire dans la vie
sociale (sur les lieux de travail notamment).
Concernant l’aspect culturel, vu que, selon L. Porcher (1995 :
53), « toute langue véhicule une culture dont elle est à la fois la
productrice et le produit », nous nous pencherons sur la
problématique suivante : qu’est-ce qui correspondrait le mieux
aux besoins de l’apprenant algérien, en ce qui concerne les
contenus véhiculés par la langue française ?
Ce qui m’a amené à réfléchir sur ces deux questions, c’est,
pour la première, la confusion qui règne généralement entre la
qualification de langue étrangère appliquée au français (au sens
commun de l’expression) et le FLE, qui constitue un « champ »
particulier dans le domaine de la didactique des langues (Cuq et
Gruca, 2009 : 13).
Pour le deuxième volet de ce travail (le volet culturel), la
raison de mon intérêt pour le sujet est à chercher dans mon
parcours personnel : autant moi-même, quand j’étais élève,
surtout à partir du collège, j’étais passionné par le français parce
que c’est dans cette langue que je découvrais tout ce qui était
moderne et scientifique autant, quand j’étais devenu enseignant,
j’avais du mal à intéresser à mon tour mes élèves parce que le
contenu culturel offert par les manuels (qu’on avait renouvelés)
était sans attrait. C’est qu’entre temps, le statut de la langue
française avait changé, et surtout la méthodologie de son
enseignement.
Nous commencerons donc par parler du statut de la langue,
afin de discuter de l’adéquation au contexte algérien de
l’enseignement / apprentissage du français selon les méthodes
du FLE ; puis, nous tenterons de réfléchir sur le contenu culturel
qui conviendrait le mieux au public algérien.
231
Moussa HADJ-MOUSSA
Les méthodes de FLE conviennent-elles à l’école
algérienne ?
« Français Langue Étrangère » est une de ces expressions
qui nous semblent bien claires a priori, sur lesquelles on ne
s’attarde donc pas suffisamment au début, mais qui nous posent
des pièges par la suite.
La question du statut : statut officiel et statut
didactique du français en Algérie
À toute langue, dans un pays donné, est généralement affecté
un statut officiel, défini par la politique linguistique du pays en
question, et duquel découle un statut didactique, lequel définit à
son tour le rôle de cette langue, les objectifs, le contenu
pédagogique
et
la
méthodologie
de
son
enseignement/apprentissage.
Ainsi,
le
français
peut
faire
l’objet
d’un
enseignement/apprentissage sous trois statuts du point de vue
didactique : sous le statut de langue première (en général la
langue maternelle), de langue seconde (FLS), ou de langue
étrangère (FLE).
Le statut de langue première signifie que la langue est
enseignée en tant qu’idiome, pour reprendre la terminologie de
Jean-Pierre CUQ et d’Isabelle GRUCA (2009 : 21), c’est-à-dire
en tant qu’instrument linguistique de communication, et sert en
même temps de médium pour l’enseignement des autres
disciplines scolaires. Elle est l’objet de la didactique des langues
premières : on aura donc la Didactique du Français Langue
première (DFLP). Le public intéressé est constitué évidemment
des natifs de la langue.
Selon Jean-Pierre CUQ et Isabelle GRUCA toujours, le
concept de Français Langue Seconde est appliqué aux
apprenants non natifs, mais qui reçoivent une formation
académique dans cette langue tout en l’apprenant en tant
qu’idiome ; nous avons :
— les populations qui sont officiellement françaises mais
qui ne sont pas francophones natives : les enfants de
l’immigration, dans les territoires d’outre-mer, et même
232
Les méthodes du Français Langue Étrangère (FLE) conviennent-elles …
dans diverses régions de France où les patois étaient
utilisés jusqu’à une période récente … ;
— les populations des pays anciennement colonisés par la
France et aujourd’hui indépendants, où le français joue le
rôle de langue seconde pour beaucoup de citoyens, que
son statut soit reconnu ou non.
Dans ce cas, le français est désigné aussi sous l’appellation de
« Français Langue de Scolarisation » (le même sigle, FLS, peut
se lire donc de deux façons différentes).
Enfin, suite à l’indépendance des anciennes colonies
françaises, à la demande sociale émanant de populations
d’autres pays (même européens, américains…), suite également
au développement des communications internationales, le
concept de Français Langue Étrangère (FLE) est apparu dans le
champ de la didactique.
(Toutefois, cette classification n’est pas exclusive sur le plan
méthodologique. Il existe des passerelles entre les différentes
spécialités de la didactique du français, les recherches menées
dans le cadre de l’une d’elles influençant les autres.)
Qu’est-ce qui caractérise le FLE ?
Le FLE se caractérise d’abord par une méthodologie
d’enseignement qui s’inscrit dans le sillage de celle de l’anglais.
Cette méthodologie véhicule une thématique particulière, donc
un contenu culturel particulier. Quant au public concerné, il
s’agit d’apprenants qui étudient, en principe, les autres
disciplines scolaires dans leur langue première et le français en
tant que « langue » (ou idiome), pour des besoins
supplémentaires de communication.
La méthodologie du FLE
L’enseignement du FLE, suivant le même processus que celui
de l’anglais, a donné lieu à toute une production
méthodologique qui s’inscrit dans le champ de la didactique des
langues étrangères. Ainsi, le FLE est enseigné à l’origine selon
les méthodologies structuralistes, apparues d’abord dans l’aire
anglo-saxonne : nous avons principalement les méthodes AudioOrales, puis les méthodes Audio-visuelles, qui ont inspiré les
233
Moussa HADJ-MOUSSA
SGAV françaises (SGAV : Structuro-Globales et Audiovisuelles), qui, à leur tour, ont inspiré la méthode Malik et Zina
et ses dérivées en Algérie, à partir de la fin des années 60.
Ces méthodologies (Puren, 1991) se caractérisent
particulièrement par la priorité donnée à l’oral, par les fameux
« exercices structuraux », qui sont des exercices de
mémorisation de formes linguistiques, sans que le sens de
celles-ci soit suffisamment pris en considération, et par une
thématique puisée dans la vie quotidienne, avec généralement
des dialogues préfabriqués, dont la banalité est pour le moins
démotivante ; le texte littéraire y est presque totalement ignoré.
Après les méthodologies structuralistes, vint l’approche
communicative qui, tout en mettant l’accent sur le
développement de la compétence effective de communication
(Moirand, 1982), n’en utilise pas moins le même contenu que
les précédentes, c’est-à-dire, d’après les manuels où elle est
appliquée, une langue standard, de tous les jours, et une
thématique qui ne s’éloigne pas de la « culture de masse ». Le
FLE forme ainsi un système, avec une méthodologie, un contenu
linguistique et un contenu culturel propres.
Rappelons qu’en Didactique du Français Langue Première
(Simard, 2010), l’enseignement / apprentissage est
traditionnellement centré sur l’écrit, avec comme support le
texte littéraire, comme activités linguistiques, des exercices qui
mettent l’accent sur l’analyse (description de la langue) ;
précisons que pour l’écrit, il s’agit d’activités de compréhension
de textes (réception), généralement extraits d’œuvres littéraires,
et surtout d’activités de production écrites. Bien entendu, des
techniques relevant de la didactique des langues étrangères ont
été adaptées à l’enseignement / apprentissage du Français
Langue Première, avec des résultats variables.
Le contenu culturel du FLE
Voyons maintenant ce qu’offrent les méthodes de FLE sur le
plan culturel. Nous n’avons pas pu jusqu’à maintenant trouver
d’étude critique du FLE sur cet aspect. Nous n’allons donc pas
approfondir ce point ; nous en donnerons juste un aperçu en
nous référant à une brève analyse de quelques sites de FLE pris
234
Les méthodes du Français Langue Étrangère (FLE) conviennent-elles …
au hasard sur Internet, et à notre propre expérience d’exenseignant de français à l’Éducation Nationale.
De manière générale, nous pouvons dire que le matériel
didactique du FLE disponible sur Internet est pauvre sur le plan
culturel ; on sent plutôt que la visée publicitaire des auteurs
(défendre une certaine image de la France) est primordiale. En
témoigne le site suivant :
Titre : « Insuf-FLE »
Sous-titre : « insuffler des idées, offrir des documents aux
professeurs de français d’ici et d’ailleurs »
Contenu de la page du 16/05/2013 : « Clichés sur les
Français… Notre réputation décortiquée. » (Titre)
« Géo-Ado d’Avril 2013, numéro 122, nous offre un dossier
complet sur les Français, la manière dont nous sommes perçus,
les clichés véhiculés, notre réputation hors de nos frontières… Il
est impératif de l’avoir dans sa boite à outils pédagogiques
quand on est professeur de FLE. »
En consultant les premières pages de ce numéro de Géo-Ado
(le journal est recommandé pour des débutants en français), on
trouve de petits articles portant chacun en titre un cliché colporté
sur les Français, suivi d’un commentaire confirmant ou
infirmant celui-ci : « La France est le pays de la gastronomie »,
« La France est le pays du fromage », « Les Français puent » ;
mais ce dernier cliché est vite démenti : « 80% des Français, liton, prennent leur douche quotidiennement. »
Nous pouvons signaler aussi, comme matériel didactique
pauvre en contenu culturel, les documents authentiques qui sont
souvent proposés dans les manuels de FLE, tels que les recettes
de cuisine, les affiches publicitaires, vulgarisés par l’approche
communicative, ainsi que les exercices structuraux, qui
fonctionnent généralement à l’aide de phrases décontextualisées,
lesquelles sont prises dans les échanges quotidiens.
Les apprenants du FLE
Les apprenants du FLE sont généralement de deux types
(Cuq et Gruca, 2009 : 79):
— des jeunes scolarisés dans les pays qui offrent le français
comme discipline d’enseignement (dans les pays
européens autres que la France, en Amérique…) ; des
235
Moussa HADJ-MOUSSA
volontaires, à titre individuel, qui, dans tous les pays,
éprouvent un désir ou des besoins linguistiques ou
culturels particuliers. C’est de ce premier type de public
que rend compte l’histoire méthodologique de
l’enseignement des langues étrangères dont relève celle
du français ;
— ceux qui vivent dans des pays où le français est
aujourd’hui présent pour des raisons historiques ou
politiques (Cuq et Gruca, op. cit.) : dans les pays
anciennement colonisés par la France, évidemment, mais
aussi, par exemple, au Moyen-Orient, où, bien que la
langue de travail soit l’anglais, il y a, dans certains cas,
une ancienne tradition francophone, comme en Egypte
(depuis Napoléon), en Syrie, au Liban…
Qu’en est-il en Algérie ?
En Algérie, nous avons un statut inadéquat pour la langue
française et, partant, des résultats peu reluisants.
L’inadéquation du statut officiel de la langue française à la réalité
algérienne
Avec l’émergence du FLE en didactique, les autorités
algériennes en « profitent » pour décréter que le français serait
enseigné comme toute langue étrangère, c’est-à-dire affecté d’un
horaire et d’une méthodologie de langue étrangère, tout en
imposant que les autres disciplines (mathématiques, philosophie,
sciences…) soient enseignées en langue arabe.
Or, si, au sens commun du terme, le français est
effectivement une langue étrangère en Algérie, il n’est pas vrai
si l’on considère ce que recouvre cette expression en didactique
des langues, comme on vient de le voir plus haut.
D’ailleurs, au niveau même des programmes officiels, on
assigne à son enseignement des objectifs fort ambitieux, qui
dépassent ceux fixés habituellement aux langues étrangères.
Ainsi :
— Selon les programmes de 1995, par exemple, entre autres
objectifs, à la fin de la 3ème AS, « L’élève sera un
utilisateur autonome du français, instrument qu’il pourra
236
Les méthodes du Français Langue Étrangère (FLE) conviennent-elles …
mettre au service des compétences requises par la
formation supérieure, professionnelle, les entreprises
utilisatrices et les contraintes de la communication
sociale » (C’est nous qui soulignons).
On reconnaît donc ainsi l’utilité du français à l’université,
dans l’enseignement professionnel, dans les entreprises, et
même, plus généralement, au sein de la société.
— Avec la Réforme du Système Éducatif du début des
années 2000, le français ne change pas de statut officiel.
Il y occupe la place de langue étrangère, de l’école
primaire jusqu’au Baccalauréat, notamment au niveau
des horaires qui lui sont impartis. Cependant, les finalités
de son enseignement dépassent toujours celles des
langues étrangères :
Selon les programmes mis en œuvre à partir de 2003, « sur un
plan plus spécifique, l’enseignement du français doit permettre :
— L’acquisition d’un outil de communication permettant
aux apprenants d’accéder aux savoirs ;
— La sensibilisation aux technologies modernes de la
communication ;
— La familiarisation avec d’autres cultures francophones
pour comprendre les dimensions universelles que chaque
culture porte en elle ;
— L’ouverture sur le monde pour prendre du recul par
rapport à son propre environnement, pour réduire les
cloisonnements et installer des attitudes de tolérance et
de paix. »
Si les deux derniers objectifs (découverte d’autres cultures,
ouverture sur le monde) sont communs à l’enseignement de
toute langue étrangère, les deux premiers (« accès aux savoirs »
et « aux technologies modernes de la communication ») sousentendent qu’il existe des savoirs non accessibles, ou
difficilement accessibles en langue 1 (dans notre cas, en langue
arabe), et ce, particulièrement pour ce qui concerne « les
technologies modernes de la communication ».
Par ailleurs, force est de constater qu’à l’université
algérienne, dans les filières scientifiques et technologiques, les
enseignements sont toujours donnés en langue française. De
même, au sein des entreprises (industrielles, commerciales, et
237
Moussa HADJ-MOUSSA
surtout financières…), les documents de travail sont rédigés en
français ; et même à l’oral, dès qu’il s’agit d’une communication
à caractère scientifique ou technique, la langue française
s’impose (au moins en code switching).
Ainsi, on voit qu’il n’y a pas adéquation entre le statut
officiel de la langue française et le rôle qu’elle joue en réalité
dans la société algérienne. Elle n’est pas seulement enseignée
comme langue, mais elle sert aussi de véhicule à l’enseignement
scientifique et technologique. Dans les pays où le français est
enseigné véritablement comme langue étrangère, à l’instar, par
exemple, des autres pays européens, les apprenants reçoivent
dans leur langue maternelle leur culture générale de base, c’està-dire la culture qui leur permet de s’insérer dans le monde
moderne. S’ils cherchent à apprendre le français, c’est pour des
besoins de communication en plus, des besoins généralement de
communication orale (lors de voyages, de déplacements divers).
C’est, en premier lieu, pour cette catégorie d’apprenants que le
FLE est destiné.
Pour ce qui est de l’Algérie, l’apprentissage d’une culture
moderne qui permette une ouverture sur le monde, une insertion
dans le monde actuel, devrait être assuré, si l’on suit la logique
du discours officiel, par la langue 1, en l’occurrence la langue
arabe. Or, ce n’est pas le cas, car force est de constater que celleci est plutôt tournée vers le passé, valorisant les traditions et se
valorisant à travers elles ; ce qui pousse les apprenants (ainsi
d’ailleurs que les citoyens d’une façon générale) à rechercher
l’information en quelque sorte mise à jour en langue française.
Malgré son statut officiel, le français est donc en réalité une
langue de scolarisation et de travail en Algérie, et devrait être
enseigné comme telle. Le concept didactique de FLE ne
convient pas aux besoins de la société algérienne.
Il n’y a d’ailleurs qu’à considérer, pour s’en convaincre, les
conséquences désastreuses sur le niveau scolaire obtenu à partir
de l’époque (les années 70) où les méthodes appliquées à l’école
algérienne sont inspirées de celles du FLE.
Les conséquences
En effet, c’est un lieu commun que de dire que
l’enseignement du français a régressé de manière vertigineuse
238
Les méthodes du Français Langue Étrangère (FLE) conviennent-elles …
depuis les années 70 (régression qui ne concerne pas d’ailleurs
uniquement l’enseignement du français, mais l’enseignement
dans sa globalité). Bien entendu, cette régression n’est pas due
seulement à la méthodologie ; d’autres facteurs, dont la plupart
sont extra-scolaires, interviennent pour expliquer cette situation
: politique d’arabisation, recrutement massif d’enseignants sans
qualification, dégradation des conditions matérielles de
l’enseignement sous la poussée démographique, etc. Cependant,
nous sommes persuadés que la méthodologie est responsable, en
grande partie, de l’échec scolaire.
En outre, cette régression ne se situe pas seulement sur le
plan qualitatif, mais également sur le plan quantitatif,
contrairement à ce que certains clichés laissent entendre.
En effet, on entend souvent dire que l’Algérie est le deuxième
pays francophone du monde après la France. Cette idée peut se
retrouver dans la bouche de ceux qu’on peut effectivement
considérer comme francophones, dans la mesure où ils ont une
maîtrise suffisante de la langue, parce qu’ils l’utilisent en
concurrence avec les langues algériennes dans leur milieu social
ou professionnel, à l’instar de ce qui se passe dans les pays ayant
été colonisés par la France. Cela traduit plutôt une vision
sécurisante pour cette catégorie de citoyens. L’idée est répétée
également, souvent avec une intention accusatrice, comme pour
dénoncer une aberration, par les tenants de l’arabisation totale.
Et paradoxalement, elle revient également dans certains discours
français, sans doute pour des raisons politiques ; en tout cas, en
France, on ne donne pas l’impression de s’alarmer sur le recul
du français en Algérie, au vu des maigres efforts fournis pour
rééquilibrer la situation.
En réalité, l’affirmation selon laquelle l’Algérie serait un
grand pays francophone semble être une supercherie. En effet,
en l’absence de statistiques, il s’agit plutôt d’estimations
subjectives, à des fins propagandistes. Il est facile de constater
que les chiffres souvent alignés dans les médias sont falsifiés.
On comptabilise comme francophone toute personne censée
suivre ou censée avoir suivi un enseignement quelconque de la
langue française ou en langue française, sans en préciser ni le
niveau, ni la qualité, ni même si l’enseignement en question a
été réellement effectué ; on comptabilise ainsi comme
239
Moussa HADJ-MOUSSA
francophones tous les enfants à partir de leur première année de
français, avec un horaire théorique aussi réduit soit-il, et même
dans le cas où celui-ci n’est pas du tout assuré : on sait que le
déficit en enseignants de français est alarmant, sans parler de la
sous-qualification de plus en plus patente de ceux qui en
assument la fonction.
En outre, à l’école primaire, la place du français est réduite à
une portion congrue : l’horaire en subit périodiquement des
coupes, justifiées par des considérations politiques ; parfois, il
n’a pas de place du tout, à tel point que, dans certaines régions
de l’intérieur du pays, les candidats à l’examen de fin du cycle
primaire et du BEM (Brevet d’Enseignement Moyen) en sont
dispensés. Dans l’enseignement moyen et dans l’enseignement
secondaire, l’horaire et le contenu sont également ceux d’une
langue étrangère, et encore, là aussi, il n’est pas évident que les
cours soient assurés. Au baccalauréat, l’épreuve de français est
quasiment conçue sur le modèle des épreuves de langues
étrangères, à l’instar de l’anglais, qui est réellement langue
étrangère en Algérie. Seule l’université offre des formations en
langue française, dans les filières scientifiques et techniques (ce
qui pose d’ailleurs d’énormes problèmes aux étudiants qui n’y
sont pas préparés), tandis que dans les filières des sciences
humaines, les enseignements sont donnés en arabe, à quelques
rares exceptions près, dans certains établissements.
Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’y a pas de cohérence
entre les besoins des apprenants et la politique linguistique
appliquée, d’une part, et, d’autre part, entre les différents cycles,
pour ce qui est de l’enseignement du français. Il n’y a donc pas
adéquation entre le statut officiel et le statut didactique du
français en Algérie.
Mais cette inadéquation est particulièrement importante entre
le contenu culturel véhiculé par les méthodes de FLE et les
besoins des apprenants algériens.
Qu’appendre en français en termes de contenu
culturel ?
Selon Jean-Pierre CUQ et Isabelle GRUCA (2009 : 79),
l’enseignement est défini comme « le résultat de la procédure
240
Les méthodes du Français Langue Étrangère (FLE) conviennent-elles …
d’objectivation didactique d’un idiome et d’une culture », ce qui
suppose que la langue et la culture sont liées pour
l’enseignement d’une langue, même étrangère. En effet, les
tentatives d’enseigner la langue sans la culture (le français
fonctionnel, par exemple) se sont avérées non concluantes :
l’école algérienne a toujours tenté de réduire au minimum le
contenu culturel véhiculé par la langue française dans l’intention
d’échapper à ce qui était considéré comme une acculturation,
une aliénation. Non seulement le chant, par exemple, en langue
française, était un tabou pendant très longtemps, mais
également, à partir du milieu des années soixante-dix, avec la
mise en application de l’École fondamentale, l’accent mis sur
une thématique qui se voulait non marquée culturellement rendit
l’apprentissage du français sans attrait.
Mais si le souci d’éviter une culture trop franco-française
peut être légitimé quelque part, il est dangereux de se laisser
enfermer dans une seule culture, même s’il s’agit de la sienne,
surtout si celle-ci entre constamment en contradiction avec le
monde moderne. Adopter sans esprit critique tout ce qui est
étranger peut avoir de graves conséquences, mais refuser de
nouvelles connaissances au seul motif qu’elles nous viennent de
l’étranger ne permet pas d’enrichissement, ni de progrès.
Dans cette partie, nous ferons d’abord le point sur la notion
de culture, puis nous discuterons des besoins des apprenants
algériens dans ce domaine.
La culture en question
Selon le Grand Larousse de la Langue Française, le terme
recouvre essentiellement trois acceptions.
Premièrement, opposé en philosophie à « nature » (Spinoza),
il désigne les diverses connaissances qu’on acquiert tout au long
de la vie. Ces connaissances sont le fruit d’une acquisition ; elles
ne sont pas innées. Elles sont plus ou moins approfondies, plus
ou moins diversifiées chez un même individu : ainsi, avoir une
« culture générale », c’est avoir des connaissances de base
touchant tous les domaines essentiels et permettant d’être
socialisé, d’être « en phase » avec la société de son époque.
Selon la seconde acception, dans l’expression « culture
nationale », le terme est plutôt synonyme de « civilisation ». Il
241
Moussa HADJ-MOUSSA
désigne l’héritage des ancêtres pour une communauté donnée.
Cette culture peut être en réalité plus ou moins « nationale »
(« culture française »), mais aussi recouvrir des aires
géographiques plus étendues, sans frontières nettes (« culture
musulmane », « gréco-latine », « anglo-saxonne »…), chacune
étant associée à une période historique donnée.
Enfin, certains parlent de « culture universelle », qui serait
essentiellement scientifique, constituée de connaissances
relatives notamment aux sciences dites exactes et de leurs
applications (Pecker, 1987).
Il est vrai que, du point de vue épistémologique, la notion
d’universalité est discutable, même en ce qui concerne les
sciences : tout, en effet, est culturel, y compris le discours
scientifique, dont l’objectivité n’est que relative, vu qu’il est en
évolution constante, avec des ruptures, des remises en cause
perpétuelles (Bachelard, 1934).
Cependant, on constate une convergence qui tend à s’imposer
dans le monde actuel, avec la globalisation, et dont l’effet est
l’ébauche d’une culture qu’on pourrait qualifié d’universelle.
En suivant Pecker (Op. Cit.), La culture universelle serait
celle qui est généralement admise par tous, dans toutes les
contrées du monde, dans la mesure où elle ne contredit pas des
éléments de la culture nationale comme les croyances
philosophiques, religieuses... C’est d’ailleurs ce qui a permis sa
propagation d’une région à une autre, son transfert d’une aire de
civilisation à une autre. Ainsi, les mathématiques, la physique, la
chimie ont été développées à des périodes différentes dans le
cadre de plusieurs civilisations (gréco-latine, musulmane,
occidentale…). Contrairement aux croyances philosophiques ou
religieuses, les connaissances en sciences exactes reposent sur
des opérations mentales abstraites qui trouvent des applications
concrètes dans l’action de l’homme sur la nature, avec des
résultats observables, invariables dans des conditions identiques
de réalisation (selon le principe même des sciences
expérimentales). Cela ne se fait pas encore sans heurts, surtout
dans certaines régions du globe ; cependant, quand il y a
contradiction entre la science et la foi, c’est cette dernière qui
tend à s’adapter, à se modifier ou à disparaître.
242
Les méthodes du Français Langue Étrangère (FLE) conviennent-elles …
En plus des sciences pures, tendent vers l’universalité toutes
les disciplines qui en utilisent les mêmes principes
méthodologiques, y compris dans le domaine des sciences
humaines : l’histoire, aujourd’hui, se fait sur la base de
documents, la psychologie sur la base de l’observation et de
l’expérimentation, etc.
C’est l’universalité des connaissances qui a permis les
progrès scientifiques et leur propagation dans le monde actuel :
recours, dans tous les pays, aux techniques agro-alimentaires
rentables, à la médecine moderne, aux moyens de
télécommunications actuels…
Cela contribue, par ailleurs, à plus de dialogue et de
compréhension entre les peuples, même si des injustices sont
engendrées du fait de l’inégalité dans la maîtrise de ces progrès
par les différentes communautés humaines.
Propositions pour le contenu culturel à enseigner à
l’école algérienne
Pour l’apprenant algérien, la langue française devrait être en
priorité un moyen d’accès à cette culture dite universelle, un
moyen pour une vraie ouverture sur le monde, pour un accès au
développement, à la modernité.
L’élargissement de la culture générale, et en particulier
scientifique, doit être une préoccupation constante dans
l’enseignement en Algérie. Au lieu des « banalités » véhiculées
par les méthodes du FLE, on devrait travailler sur des
thématiques plus enrichissantes, à même de développer la
curiosité et l’esprit critique : au lieu de parler des clichés
concernant les Français, on pourrait proposer, par exemple, les
données élémentaires concernant la géographie et l’histoire de la
France et inviter les apprenants à réfléchir sur les facteurs du
développement d’un pays, ou les raisons de son sousdéveloppement, par comparaison avec leur propre pays. Cela
permettrait de contrer les effets négatifs de la propagande
médiatique, d’où qu’elle vienne.
Autre thème à explorer : l’histoire, mais à l’aide d’une
méthodologie scientifique. L’étude des tenants et aboutissants
de certains évènements historiques permet en effet d’éviter – ou
du moins, réduire – les mystifications et les mythifications.
243
Moussa HADJ-MOUSSA
L’histoire des sciences, particulièrement, doit être enseignée de
manière que les jeunes algériens ne se laissent pas obnubiler par
tous les gadgets technologiques, qui envahissent de plus en plus
leur quotidien, qui les découragent en suscitant chez eux un
sentiment d’impuissance. Leur donner des explications
rationnelles sur l’évolution des inventions, des découvertes
scientifiques ainsi que sur l’évolution des sociétés en général
leur permettra de faire la part des choses, de comprendre que le
progrès n’est pas hors de leur portée, d’éviter le sentiment
d’infériorité qui guette la jeunesse des pays en développement.
Cependant, L’apprenant algérien peut-il greffer des
connaissances scientifiques, modernes sur des représentations du
monde parfois archaïques ? Les différents discours auxquels il
est exposé dans son environnement jouent-ils un rôle positif
dans la construction de ses représentations ?
C’est dire la complexité du développement culturel dans un
pays comme l’Algérie. Le problème est double par rapport à
celui des couches sociales défavorisées dans les pays
développés, où les carences du milieu familial représentent un
sérieux handicap pour la réussite scolaire des enfants (Murat,
2009). Nous n’avons pas seulement à lutter pour l’acquisition
d’une culture moderne, mais également à lutter contre
l’enfermement dans les archaïsmes. Tout un travail d’éducation
est à mener au niveau des mentalités, en développant l’esprit
rationnel, l’esprit critique chez les jeunes, sans quoi
l’apprentissage de la langue française ne serait pas d’une grande
utilité.
Conclusion
Les méthodes d’enseignement / apprentissage, aussi
novatrices qu’elles soient, doivent toujours faire l’objet de tests
et d’adaptations avant d’être généralisées, d’autant plus que dans
les pays mêmes où elles sont inventées, elles ne recueillent
jamais l’unanimité. Ainsi, les méthodes de FLE auraient dû être
soumises à débat quant à leur adéquation avant d’être appliquées
à l’école algérienne. On devrait notamment préciser les objectifs
de l’enseignement / apprentissage du français sur des bases
rationnelles, scientifiques, en tenant compte des besoins du
244
Les méthodes du Français Langue Étrangère (FLE) conviennent-elles …
public visé, sans donner la priorité aux considérations
idéologiques.
Une langue étrangère est intéressante avant tout par le
contenu culturel qu’elle véhicule et auquel elle permet
d’accéder. Il est évident que tous les aspects de ce contenu ne
correspondent pas aux besoins du public visé ; un choix
s’impose, qui devrait déterminer les autres aspects et les
conditions de l’enseignement / apprentissage de la langue en
question.
En tenant compte de tout cela, il serait intéressant de réfléchir
à des méthodes d’enseignement/apprentissage du français
spécifiques au public algérien, méthodes qui devraient à la fois
tenir compte de l’évolution de la recherche en didactique et des
besoins réels des apprenants. Le placage sans esprit critique de
techniques et de procédés importés dans un domaine tel que
l’enseignement s’avère souvent dangereux.
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dans l’enseignement des langues étrangères en Algérie,
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— BACHELARD, G., (1934) (réédité par la SNED, Alger,
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l’édition 2009.
— CUQ, J.-P., (1991), Le Français langue seconde :
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Hachette.
— MURAT, F., (2009). « Le retard scolaire en fonction du
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parents ». Économie et statistique, n° 424-425, février, p.
245
Moussa HADJ-MOUSSA
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PECKER, J.-C., (astronome), article « La culture » in Le
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VIGNER, G., (2001), Enseigner le français comme
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246
247
Amina AZZA–BEKKAT
Université LOUNICI Ali – Blida 2
[email protected]
Désirée SCHYNS
La mémoire littéraire de la guerre d’Algérie
dans la fiction algérienne francophone (Paris,
L’Harmattan, 2012)
Partant du constat que la guerre est le sujet principal de la
littérature algérienne de ces trente dernières années, l’auteure,
professeure en traduction en Belgique, explore un corpus de 25
textes écrits en français par des auteurs algériens pour donner la
parole aux écrivains décolonisés. Son choix se porte sur des
auteurs nés en Algérie car, écrit-elle, ils ont été témoins du
système colonial et leur vie a été influencée par la colonisation.
Les neuf auteurs choisis ( Malek Haddad, Mohammed Dib,
Mouloud Mammeri, Rachid Mimouni, Rachid Boudjedra,
Malika Mokaddem, Myriam Ben, Maissa Bey, Yamina
Mechakra et surtout Assia Djebar présente avec neuf titres) vont
servir de base à une exploration de la guerre et des mémoires qui
va s’organiser en neuf chapitres. Les romans choisis ont été
publiés entre 1958 et 2003. On peut déjà distinguer les textes
écrits pendant la guerre (qu’elle appelle guerre d’Algérie,
dénomination sur laquelle elle s’explique) qui racontent une
autre histoire que ceux qui ont été produits entre 70 et 80,
époque de désillusion et de remise en question. Après 1992,
pendant la décennie noire que l’auteure nomme de façon assez
surprenante deuxième guerre d’Algérie, les témoignages seront
complètement différents. Sur quels critères ces ouvrages ont-ils
été sélectionnés ? Ce sont des textes représentatifs, appréciés du
248
La mémoire littéraire de la guerre d’Algérie dans la fiction algérienne …
public et de l’auteure elle-même et ils correspondent aux
périodes et aux thématiques choisies.
Dans un long prologue, l’auteur fixe les limites de son
analyse : elle reprend la notion de mémoire culturelle (cultural
memory) tant il est vrai comme le démontrent les actes des
récents colloques consacrés au sujet, que les œuvres littéraires
sont non seulement un réceptacle, un dépôt de traces
mémorielles mais qu’elles sont aussi constitutives de mémoire.
En ce sens qu’elles réorganisent, structurent et informent la ou
les mémoires. Derrida évoquait dans un documentaire qui lui
était consacré, le carreau disjoint de sa maison d’Alger. Cette
image qui rompt l’harmonie peut être comparée au
fonctionnement de la mémoire qui se bâtit sur la blessure et
l’hétérogène. Les historiens Benjamin Stora et Mohammed
Harbi perçoivent la différence entre histoire et mémoire sur une
échelle temporelle. La mémoire mène à L’Histoire. Les fictions
sont réceptrices et créatrices de mémoire culturelle. Elles
reprennent et créent parfois ces lieux de mémoire dont Pierre
Nora parlait et qui « accrochent », à des dates repères ou à des
faits précis, l’histoire pour la postérité. Ce sont des relais qui
donnent aussi forme au futur. La première partie regroupe des
fictions allant de 1958 à 1985. Dans le premier chapitre, dans un
panorama général sur les écrivains, Désirée Schyns évoque les
cas où l’engagement pour une lutte légitime s’achève parfois
avec le départ pour la France (Djebar, Dib) ou le silence : Malek
Haddad se tait après l’indépendance. Mention spéciale pour Qui
se souvient de la mer ? De Mohammed Dib qui choisit de ne pas
dire de façon crue les horreurs de la guerre, tout comme le
Guernica de Picasso mais qui change radicalement de style pour
évoluer dans le fantastique et l’onirique. Les différentes étapes
nous mènent du combat pour une guerre juste au
désenchantement. Le rapprochement est fait avec les romans
traitant de la guerre d’Espagne. Le chapitre deux aborde la
« mémoire officielle » en Algérie. Dès 1966, le pouvoir algérien
encourage les récits entretenant l’image mythique de la
révolution. L’Opium et le bâton écrit par Mouloud Mammeri
semble assez significatif de cette période du réalisme socialiste
et donne une tournure idéologique à son roman, bien qu’il sache
échapper au manichéisme grâce à deux personnages, leharki
249
Amina AZZA–BEKKAT
Tayeb qui se repent et le soldat français qui choisit le côté des
Algériens. Ainsi tous les protagonistes sont dessinés avec
subtilité ce qui les rend plus crédibles.
Le chapitre 3 traite du désenchantement. Les Alouettes naïves
d’Assia Djebar est rédigé à Paris et Alger entre 1967 et 1985.
Désirée Schyns décrit le texte comme un roman fragmenté qui
raconte l’histoire de plusieurs personnages des deux sexes. Dans
la troisième partie du roman transparait déjà ce désenchantement
qui va être un thème commun aux romans qui vont suivre.
L’auteure s’intéresse ensuite aux autres œuvres de Djebar. Les
femmes qui peuplent ses œuvres, militantes, maquisardes,
épouses ou mères, malmenées par la vie et déçues par
l’indépendance, sont souvent impuissantes à dire leurs
souffrances ;
Le chapitre 4 va montrer que les hommes eux aussi souffrent
d’insatisfaction. La danse du roi de Mohammed Dib (1968)
traduit la même attitude. L’auteure conclut que ce roman dans
lequel l’auteur dénonce très tôt l’échec de la révolution et la
condition misérable dans laquelle vit le petit peuple algérien
(137) est extrêmement pessimiste. Mimouni prendra le relais de
Dib dans Le Fleuve détourné (138). Comme la métaphore
fluviale du titre l’exprime, il s’agit de la confiscation de la
Révolution algérienne. Dans La malédiction, Mimouni ira plus
loin en disant que la guerre civile de 1990 n’est qu’une
réactualisation d’une guerre qui ravageait déjà les maquis de la
guerre de libération. (142). Ce qui a été refoulé par la mémoire
et l’histoire algérienne.
Rachid Boudjedra, quant à lui, s’est toujours intéressé à la
représentation de la guerre par le biais de l’imaginaire. Grand
admirateur de Céline, il reprend certaines de ses tournures. Dans
Le démantèlement, Tahar el Ghomri, héros hypothétique et
désabusé est resté marqué par le traumatisme du 8 mai 1945 qui
lui a ravi sa femme et ses filles. Cette date fonctionne comme
lieu de mémoire dans toute la littérature algérienne. Le roman
dit aussi de façon très abrupte les dessous de la Révolution et
tous ses aspects cachés ou dissimulés pour construire une image
lisse et fédératrice de la guerre de libération.
La deuxième partie de l’étude va se concentrer sur la torture
avec tout d’abord des témoignages non littéraires. Le premier
250
La mémoire littéraire de la guerre d’Algérie dans la fiction algérienne …
chapitre interroge les témoignages de ceux qui ont dénoncé les
tortures soit parce qu’ils les ont eux-mêmes subies comme Henri
Alleg auteur de La question soit parce qu’ils en ont défendu les
victimes comme Gisèle Halimi avocate de Djamila Boupacha ou
Simone de Beauvoir signataire du manifeste des 121. Germaine
Tillion s’engage elle aussi dans ce combat après avoir promis
aux jeunes combattantes de le faire (comme le raconte Zohra
Drif dans ses mémoires récemment publiées (mémoires de
Zohra Drif).Le film tiré du livre de Alleg a été projeté à Alger il
y a quelques années en présence de l’auteur (décédé depuis) et le
spectacle des sévices infligés bien qu’évoqués de manière
atténuée reste insoutenable.
L’ouvrage de Désirée Schyns va tenter de montrer comment
cela a été rendu dans les œuvres de fictions. Deux constats : il y
a dans la littérature algérienne de langue française assez peu
d’évocations de la torture ce que soulignent beaucoup de
critiques dont Christiane Achour et d’autre part elle évoque la
question qui revient de manière lancinante quand des massacres
à grande échelle se produisent et que nous sommes confrontés à
l’innommable : comment traduire en mots ces souffrances
extrêmes ? N’y-a-t-il pas une certaine indécence à créer un objet
esthétique à partir de tant de douleur ? Comment le langage
littéraire explore-t-il les limites du représentable ? En
choisissant un corpus de trois œuvres de Djebar de 1962 à 2003,
Désirée Schyns explore ce qu’elle appelle le retour de
mémoire.(190) La femme sans sépulture décrit une scène de
torture à partir du torturé (204).Assia Djebar imagine ce que la
torturée sent et subit de façon charnelle et érotique. Et l’auteure
de commenter : En utilisant ce style inattendu pour une scène de
torture elle attire notre attention sur le côté fictif et littéraire de
son texte. (205) Un langage érotique pour dire les souffrances du
corps. Rien de tel dans les témoignages réels. Pourquoi Djebar
utilise-t-elle ce langage qui pourrait être choquant pour les
lecteurs ? Cerner les limites du dicible, restituer au bourreau sa
qualité d’homme ? Le projet d’Assia Djebar est lié au rôle et à
la place de la femme et plus particulièrement du corps féminin
et de sa sexualité dans l’espace public, dans la société (214). La
question de la morale se pose aussi pour le roman de Ben
251
Amina AZZA–BEKKAT
Jelloun Cette aveuglante absence de lumière (2001) et la
nouvelle de Dib Le Talisman.
L’expérience de la torture est à la limite du langage. Les
auteurs tentent chacun à sa manière de la représenter : érotisme
pour Djebar, mysticisme pour Dib. Par l’imagination et la
transgression, par l’intégration dans un projet qui dépasse la
scène de violence, la littérature peut contribuer à « penser »la
torture. (225).
La troisième partie aborde les événements de la décennie
noire que l’auteur appelle aussi de façon un peu surprenante,
guerre d’Algérie. Elle constate qu’il y a une relation entre la
recrudescence de la violence en Algérie et la remémoration de
la guerre d’Algérie dans les romans écrits (ou remaniés) à
partir de 1992/1993. (227). En revenant à la guerre de
libération, les auteurs tentent de comprendre la nouvelle spirale
de violence. Djebar, Mimouni, Boudjedra, Mokeddem sont cités
et étudiés. L’analyse s’étend plus particulièrement sur cette
dernière que Désirée Schyns va interviewer à la fin du volume.
Répondant à ses questions, l’écrivaine retrace l’atmosphère de la
guerre alors qu’elle n’était qu’une petite fille : Les combats des
pères, les chants de résistance des femmes ; tout un
environnement qui l’a marquée sans lui faire perdre sa lucidité.
Les séquelles de la guerre de libération sont encore
présentes(238) dans le dernier texte de Mimouni au titre
emblématique déjà évoqué. La malédiction. Mimouni démontre
que le passéde l’Algérie mine le présent. (242) même analyse
dans le Blanc de l’Algérie publié par Djebar en 1995. Avant les
historiens ce sont les romanciers qui ont levé en premier le tabou
des « règlements de compte » et déterré les cadavres du passé
(245). Le rôle de la littérature est comme l’explique Pierre
Barbéris de corriger la version officielle distillée dans les écoles.
Boudjedra a tenté dans toute sa production de faire le ménage et
« de tirer les meubles pour voir derrière. » comme il l’écrit dans
le démantèlement. C’est pour l’auteur un questionnement
essentiel. Rac, héros de La vie à l’endroit, sort déguisé comme
le romancier lui-même le faisait alors qu’il était menacé de mort
par les intégristes qui lui avaient fait parvenir un linceul et un
morceau de savon pour la toilette funéraire symboles explicites
252
La mémoire littéraire de la guerre d’Algérie dans la fiction algérienne …
de menaces de mort. La paramnésie ce terme revient dans
nombre de ses œuvres et explique son attachement à la mémoire
du pays. Un autre symbole est repris souvent dans l’œuvre de
Boudjedra, c’est la mort de Yamaha, mascotte du CRB. Ce
personnage est le héros d’une nouvelle récente de Yasmina
Khadradans les chants cannibales. Dans le dernier chapitre 8
intervient la notion de multidirectional memory (265) Et
l’auteure de souligner qu’au moment où la mémoire du génocide
des nazis surgit dans l’espace public, la conscience
contemporaine de la guerre d’Algérie en est exclue. (266).
Ainsi Didier Daeninckx (français), Nancy Huston
(canadienne) et Leïla Sebbar (franco-algérienne) font fusionner
plusieurs guerres dans leurs fictions. Le 17 octobre 1961 est
évoqué dans plusieurs fictions, mis en parallèle avec d’autres
guerres, d’autres exactions. Maurice Papon jugé et condamné
pour avoir envoyé des juifs en déportation est celui-là même qui
ordonna les massacres du 17 octobre qui coûtèrent la vie à de
nombreux algériens et comme le souligne Leila Sebbar la seine
était rouge. Dans Les nuits de Strasbourg (1997), Djebar à
travers la relation qui unit Theldja à son amant François croise
les deux mémoires, celle de la seconde guerre mondiale et celle
de la guerre de libération nationale. Et les échos de la décennie
noire.
Le dernier chapitre est centré sur l’image du bourreau. À
partir d’un dialogue entre le texte de Maissa Bey Entendez-vous
dans les montagnes ?et l’œuvre bien connue de Bernard Schlink
traduite en français sous le titre Le liseur (Der Vorseler) dont
trois fragments sont mentionnés çà et là sans aucun contexte. Jeu
intertextuel ou mise en abyme qui souligne le rapport au
bourreau ? Par ces citations, Maissa Bey établit un lien entre le
massacre des juifs et la guerre d’Algérie et élargit le problème et
l’universalise. Mais en même temps, elle humanise les
tortionnaires. Elle donne ainsi dans un texte souterrain (selon
l’expression de Nathalie Sarraute) comme une parcelle d’une
matière inconnue qui se dissimule derrière le monologue
intérieur (293). Par là même, elle réinvente ainsi le rapport du
bourreau à la victime et réussit à l’humaniser. Il était intéressant
que la dernière partie de l’analyse évoque ces confrontations
253
Amina AZZA–BEKKAT
inévitables de l’après-conflit, lorsque la vie quotidienne reprend
le dessus et que, par hasard dans un train ou dans une rue, deux
êtres séparés autrefois par leurs convictions, placés de part et
d’autre des mémoires, se font face.
Ce livre fouillé et agréable à lire, basé sur une thèse soutenue
à l’Université d’Amsterdam en 2007, est une mine
d’informations pour tous ceux qui s’intéressent à la guerre
d’Algérie (guerre de libération nationale ?) et aux rapports entre
les deux communautés. Il révèle le poids de la mémoire,
mémoire officielle, reconstituée, lieux de mémoire…S’appuyant
sur les œuvres d’historiens en un va -et -vient constant avec la
littérature, Désirée Schyns en rend l’accès facile.
Amina AZZA–BEKKAT
Département de français – Université de Blida 2
Achevé d’imprimer en Décembre 2014
Didacstyle
ISSN : 1112-2080
ISBN : 2013-8009
254
‫جامعة لونيسي علي ‪ -‬البليدة ‪2‬‬
‫ك لية اآلداب واللغات‬
‫قسم اللغة الفرنسية‬
‫ديداكستيل‬
‫‪6‬‬
‫‪L’ÉVALUATION :‬‬
‫? ‪QUELS ENJEUX ET QUELLES PERSPECTIVES‬‬
‫ر‪.‬د‪.‬م‪.‬د ‪1112-2080 :‬‬
‫ر‪.‬إ‪.‬ق‪2013-8009 : .‬‬
‫ديسمبر ‪2014:‬‬
‫منشورات جامعة لونيسي علي ‪ -‬البليدة ‪2‬‬
‫ديداكستيل‬
‫الرئيس الشرفي للمجلة‪:‬‬
‫أ‪.‬د‪ /‬السعيد بومعيزة (رئيس جامعة البليدة ‪)2‬‬
‫رئيسة المجلة ومسؤولة النشر‪:‬‬
‫دليلة براكني (عميدة كلية اآلداب واللغات)‬
‫مدير المجلة‪:‬‬
‫وردية آسي (مسٶولة عن المجلة)‬
‫رئاسة التحرير‪:‬‬
‫جازية حابت (مسؤولة الشعبة)‬
‫هدى أكمون (نائبة رئيس القسم للبحث العلمي)‬
‫هيئة التحرير‪:‬‬
‫سيد علي صحراوي‬
‫وردية آسي‬
‫حكيم منقالت‬
‫نسيمة موساوي‬
‫طرابلسي عبد الرزاق‬
‫أمانة التحرير‪:‬‬
‫جازية حابت‬
‫طرابلسي عبد الرزاق‬
‫قام بتنسيق هذا العدد‪:‬األستاذةنسيمة موساوي‬
‫الهيئة العلمية‪:‬‬
‫أمينة بقاط (أستاذة التعليم العالي‪ ،‬جامعة البليدة ‪)2‬؛ مليكة كباس (أستاذة التعليم العالي‪،‬‬
‫جامعة البليدة ‪)2‬؛ عمار ساسي (أستاذ التعليم العالي‪ ،‬جامعة البليدة ‪)2‬؛ نصر الدين بوحساين‬
‫(أستاذ التعليم العالي‪ ،‬جامعة البليدة ‪) 2‬؛ دليلة براكني (أستاذة محاضرة‪ ،‬جامعة البليدة ‪)2‬؛ عتيقة‬
‫ياسمين قارة (أستاذة التعليم العالي‪ ،‬المدرسة العليا لألساتذة‪ ،‬الجزائر العاصمة)؛ صليحة أمكران‬
‫(أستاذة التعليم العالي‪ ،‬جامعة الجزائر‪)2‬؛ صفية أصالح‪-‬رحال (أستاذة التعليم العالي‪ ،‬جامعة‬
‫الجزائر‪) 2‬؛ الحاج ملياني (أستاذ التعليم العالي‪ ،‬جامعة مستغانيم)؛ ملاير ريسباي (أستاذة التعليم‬
‫العالي‪ ،‬جامعة سانت إتيان ‪ -‬فرنسا)؛ كلود كورتييه (أستاذة محاضرة‪ ،‬جامعة ليون ‪ - 2‬فرنسا)؛‬
‫كلود فينتز(أستاذ التعليم العالي‪ ،‬جامعة ستيندال غرونوب ‪.)2‬‬
‫إتصاالت‪:‬‬
‫جامعة البليدة ‪ – 2‬العفرون – البليدة – الجزائر‬
‫‪[email protected]‬‬
‫منشورات جامعة لونيسي علي ‪ -‬البليدة ‪2‬‬
‫ديداكستيل‬
‫إرشادات التحرير‪:‬‬
‫احترام الهوامش‪:‬‬
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