MELODRAMES Figaro.fr

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MELODRAMES Figaro.fr
Mélodrame(s)! revisité à la Pépinière Théâtre :
jouissif à souhait !
Mélodrame(s)! est une comédie de Gabor Rassov, mise en scène par Pierre Pradinas, avec Romane
Bohringer, Thierry Gimenez, Matthieu Rozé, Bruno Salomone et Warren Zavatta. Elle nous offre
trois mélodrames pour le prix d'un, trois destinations exotiques, mais aussi comme le veut le genre, de
l’émotion : des larmes donc, du sang évidemment et beaucoup de rires !
Cette comédie revisite sur le mode de la parodie un genre théâtral plutôt désuet, le
mélodrame. Le mélodrame étant déjà une version parodique du drame, l’auteur,
Gabor Rassov va plus loin et s’appuie sur les variantes contemporaines du
mélodrame : le sitcom et la téléréalité. A la mise en scène, Pierre Pradinas emprunte
également les règles du genre pour les pousser jusqu'au dernier repli de la caricature.
Cela donne un triptyque de pièces courtes dans lequel il décline le thème de l'amour
contrarié ou impossible en forçant le trait du pathétique lénifiant sans autre volonté
que de divertir.
En moins d’une heure trente, l’auteur, Gabor Rassov nous fait traverser les contrées
du mélodrame ou l’histoire d’un jeune homme qui aime une jeune fille, mais dont
l’amour est impossible à cause des terribles différents qui opposent depuis toujours
les familles des deux amoureux. Cette intrigue quasiment universelle est ici revisitée dans trois lieux
différents et très contemporains, un grand prix de formule 1, un temple bouddhiste à Shanghai et la
résidence d'un producteur milliardaire à Los Angeles. Deux pièces s'inspirant des fictions et feuilletons
télévisés de série B : «Grand Prix», drame de la jalousie sur fond de course automobile et matraquage
publicitaire, et «La rédemption d'Oncle Bill», dénonçant la trivialité de l'american way of life à grand coup
de rires enregistrés, entourrent «Jusqu'à la mort» une transposition du drame shakespearien des amants de
Vérone en chinoiserie guignolesque.
Dans sa mise en scène, Pierre Pradinas joue du potentiel comique de ses comédiens et laisse libre cours à
une fantaisie délirante qui les invite à tirer partie des effets comiques les plus marqués.
Sur scène, les comédiens ne font donc pas dans la dentelle mais jouent avec un second, voire un troisième
degré, et un sens de l'autodérision jouissif. Warren Zavatta officie dans ce qui nous est présenté comme le
grand Festival International du Mélodrame et annonce entre autre chaque pièce. Bruno Salomone incarne le
jeune premier, pilote de course imbu de son statut de champion, apprenti ninja ou enfant rasta de la
bourgeoisie afro-américaine. Thierry Gimenez se voit confié le rôle du méchant, tantôt mari criminel, tantôt
père intraitable ou encore oncle incestueux, rôles dont il semble se délecter à loisir. Homosexuel inavoué,
travesti en épouse chinoise ou afro-américain de la haute société, Matthieu Rozé est hilarant. Enfin, Romane
Bohringer, successivement bimbo platine, pucelle asiatique ou pauvre petite fille riche, joue à outrance la
caricature des stéréotypes féminins.
Idée plutôt audacieuse que de vouloir faire revivre un genre plutôt oublié, d’autant que le parti pris de faire
se succéder trois courtes pièces n’est pas toujours couronnée de succès. On sent néanmoins qu’une équipe
d’expérience est aux commandes du projet. Celle-ci recourt à des comédiens de théâtre confirmés, souvent
en interactivité avec le public, qui lui transmettent un évident plaisir du jeu.
Cédric GEREY