Le crédit-bail financier

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Le crédit-bail financier
Le crédit-bail financier en France
Bénédicte François
*
RÉSUMÉ
En matière de crédit-bail, la France n’a pas adopté l’approche économique qui
prévaut dans nombre de pays. La définition de l’article L. 313-7 du Code
monétaire et financier régit seulement les rapports entre crédit-bailleur et
crédit-preneur. Le crédit-bail est appréhendé comme un contrat de location
assorti d’une option d’achat. Toutefois, par des clauses insérées au contrat, le
crédit-bailleur s’exonère de ses obligations légales et transfère au créditpreneur les droits qu’il détient à l’encontre du fournisseur et les risques de
l’opération. Quoique juridiquement propriétaire du bien, le crédit-bailleur se
limite à un rôle financier. Au surplus, le crédit-bail lui offre une garantie
efficace en cas de défaillance du crédit-preneur. L’originalité de l’opération de
crédit-bail transparaît alors.
1. Crédit-bail et leasing — La pratique internationale désigne sous le
terme “leasing” des opérations variées. Conformément à la loi n° 75-1349 du
31 décembre 1975 relative à l’emploi de la langue française et à sa circulaire
d’application du 14 mars 1977, “leasing” a été traduit par “crédit-bail”. En
réalité, le “crédit-bail” français dans sa définition légale n’est qu’une des
multiples facettes du “leasing”. Cette traduction se révèle réductrice 1. En
effet, nombre de pays privilégient l’approche économique au détriment de la
conception légaliste qui prévaut en France. La plupart connaissent le ”leasing
financier”, qui se rapproche du prêt, et le ”leasing opérationnel”, qui présente
davantage de points communs avec la location 2.
*
Maître de conférences à l’Université F. Rabelais, Tours (France). La présente
contribution constitue une synthèse du rapport sur la France présenté au XVIIIème Congrès
international de l’Académie Internationale de Droit Comparé, tenu à Washington (États-Unis
d’Amérique) du 25 au 31 juillet 2010. Le rapport fait suite au questionnaire préparé par M. le
Professeur Herbert Kronke, rapporteur général sur le thème du leasing et de son harmonisation par
UNIDROIT (Loi type d’UNIDROIT sur la location et la location-financement, adoptée le 13 novembre
2008 ; textes officiels – en anglais et français – disponibles sur <http://www.unidroit.org>.
1
C. GAVALDA, “Crédit-bail”, Répertoire de droit international, Dalloz (1998), spéc. n°21.
2
Id., n°7 et 63 s.
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2. La France s’en tient à sa définition légale du crédit-bail qui ne
distingue pas entre la location pure (operating lease) et la location financière
(financial lease). Dans le leasing opérationnel (operating lease), le locataire ne
s’engage pas à régler l’intégralité du prix du bien. Il n’utilise pas le bien
pendant toute sa durée de vie économique ; il n’a d’ailleurs pas l’intention
d’acquérir le bien loué 3. Aucune option d’achat n’est prévue. Le leasing
opérationnel peut même concerner plusieurs utilisateurs successifs. C’est le
bailleur qui supporte le risque économique du bien. Dans la location
financière (financial lease ou capital lease), l’opération est assimilable à un
emprunt bancaire pour l’acquisition d’un actif 4. Le bien est “capitalisé”. Le
locataire l’utilise pendant une durée irrévocable de location supérieure ou
égale à 75% de la durée de sa vie économique. Or, si le locataire a loué un
bien pendant une période proche de la durée de vie de celui-ci, il l’aura
utilisé comme s’il en avait été le propriétaire réduisant d’autant la possibilité
pour le bailleur de relouer ou de revendre le matériel. On retrouve ici la
notion anglo-saxonne de propriété économique attachée à la personne
supportant le risque économique de l’investissement 5. C’est le locataire qui
supporte ces risques. Il est donc le propriétaire économique. Il n’obtiendra la
propriété légale du bien qu’à la fin de la location s’il lève l’option d’achat à
prix réduit dont il bénéficie, ce qu’il aura d’ailleurs intérêt à faire puisque les
loyers ont été majorés pour tenir compte de cette option.
3. Ces critères de distinction entre le financial lease et l’operating lease
(durée de la location par rapport à la durée de vie économique du bien,
support des risques économiques, montant des loyers, existence d’une option
d’achat) n’ont pas été repris de façon identique dans tous les pays. En France,
le “crédit-bail” de l’article L. 313-7 du Code monétaire et financier présente
des spécificités qu’il nous faudra détailler (I). Nous verrons que le crédit-bail
apparaît comme une garantie, spécialement efficace et protectrice lors d’une
procédure collective (II). Puis nous évoquerons le régime fiscal et comptable
(III). Enfin, nous indiquerons les évolutions envisagées (IV).
3
E. GARRIDON, “Le crédit-bail. Outil de financement structurel et d’ingénierie
commerciale”, Tome 2, Revue Banque (2002), 32 et 34 ; V. égal. GAVALDA, supra note 1, n°67.
4
GARRIDON, supra note 3, 33.
5
GAVALDA, supra note 1, n°64.
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I. – NOTION FRANÇAISE DU CRÉDIT-BAIL
4. La notion s’est élaborée par étapes (A). Le crédit-bail français
présente des caractéristiques originales : sa pratique habituelle est réservée
aux établissements de crédit et il existe nécessairement une option d’achat (B).
Par ailleurs, la loi ne régit que les rapports entre crédit-bailleur et créditpreneur et s’appuie sur le contrat de location. Cependant, par des clauses
insérées au contrat, le crédit-bailleur s’exonère de ses obligations légales et
transfère au crédit-preneur les droits qu’il détient à l’encontre du fournisseur ainsi que les risques. Il en résulte une “symbiose” entre les différents contrats
de cette opération tripartite (C). Mais, en complément, il est nécessaire de
mentionner les variantes du crédit-bail (D).
A.
ÉLABORATION DE LA NOTION
5. Historique — Le crédit-bail est apparu en France au début des années
1960. Ainsi a été créée, en 1962, Locafrance, la première société de créditbail. En l’absence de dispositions particulières, les contrats de leasing furent
tout d’abord conclus selon le droit commun des obligations tel qu’il ressort du
Code civil 6.
6. Le succès du crédit-bail amena le législateur à encadrer ces
opérations de crédit et à instaurer une législation spécifique. La loi no 66-455
du 2 juillet 1966 relative aux entreprises pratiquant le crédit-bail a défini le
crédit-bail comme une “opération de location de biens d’équipement ou de
matériel d’outillage achetés en vue de cette location par des entreprises qui en
demeurent propriétaires lorsque ces opérations, quelle qu’en soit la qualification, donnent au locataire la possibilité d’acquérir tout ou partie des biens
loués moyennant un prix convenu tenant compte au moins pour partie, des
versements effectués à titre de loyers”. Par ailleurs, les opérations de créditbail ont été réservées aux sociétés agréées comme établissement de crédit.
7. Puis l’ordonnance n°67-837 du 28 septembre 1967 relative aux
opérations de crédit-bail et aux sociétés immobilières pour le commerce et
l’industrie a modifié la loi précitée en distinguant crédit-bail mobilier et créditbail immobilier. Le décret no 72-665 du 4 juillet 1972 et un arrêté de la même
date ont organisé la publicité du crédit-bail mobilier et immobilier. La loi no 736
A. Couret / J. Devèze / G. Hirigoyen (dir.), Lamy Droit du financement 2010, Lamy,
n°3485 ; G. DURANTON, “Bail mobilier”, Répertoire de droit commercial (juin 2000) ;
P.-H. ANTONMATTEI / J. RAYNARD, Droit civil. Contrats spéciaux, 6e éd., Litec, LexisNexis (2008),
299 ; Ph. MALAURIE / L. AYNÈS, Les contrats spéciaux, Defrénois, Lextenso, 4 éd. (2009), n°817.
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446 du 25 avril 1973 a étendu ces dispositions aux territoires d’outre-mer.
Depuis la loi n°75-1349 du 31 décembre 1975 relative à l’emploi de la langue
française et l’arrêté du 11 janvier 1990, le terme “crédit-bail” est employé à la
place du mot “leasing”. Il ne concerne toutefois que les opérations visées par
la loi de 1966.
8. Deux lois ont indirectement complété le dispositif. La loi no 75-597 du
9 juillet 1975 s’est efforcée de tempérer l’application des clauses pénales en
modifiant l’article 1152 du Code civil : le juge peut modérer ou augmenter la
peine convenue par les parties si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
La loi bancaire n°84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle
des établissements de crédit, aujourd’hui codifiée dans le Code monétaire et
financier, régit les établissements de crédit, donc les sociétés de crédit-bail.
9. La loi no 86-12 du 6 janvier 1986, qui modifiait de nouveau la loi du
2 juillet 1966, a institué la possibilité de recourir au crédit-bail sur les fonds de
commerce et les établissements artisanaux. La loi no 89-1008 du 31 décembre
1989 relative au développement des entreprises commerciales a autorisé les
opérations de crédit-bail portant sur des éléments incorporels isolés du fonds
de commerce (droit au bail, nom commercial, droits de propriété industrielle).
10. Enfin, la loi n°2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et
moyennes entreprises permet les opérations de crédit-bail portant sur des parts
sociales ou des actions 7.
11. Définition légale — La loi du 2 juillet 1966, amendée à diverses
reprises, a été en partie codifiée dans le Code monétaire et financier par
l’ordonnance n°2000-1223 du 14 décembre 2000 ratifiée par la loi n°2003591 du 2 juillet 2003. Les dispositions relatives au crédit-bail figurent aux
articles L. 313-7 à L. 313-11.
12. C’est ainsi que l’article L. 313-7 du Code monétaire et financier
retient comme opérations de crédit-bail :
“1. Les opérations de location de biens d’équipement ou de matériel d’outillage
achetés en vue de cette location par des entreprises qui en demeurent
propriétaires, lorsque ces opérations, quelle que soit leur qualification, donnent
aux locataires la possibilité d’acquérir tout ou partie des biens loués moyennant un
prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre
de loyers ;
7
C. FERRY, “La mise en place d’un crédit-bail de titres de société”, Juris-Classeur
périodique édition Entreprise et Affaires (JCP éd. E), LexisNexis JurisClasseur (2007), 1709 ;
A. REYGROBELLET, “Le crédit-bail portant sur les parts sociales d’une société civile immobilière”,
Revue des sociétés (Rev. sociétés), Dalloz (2010), 419.
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2.
Les opérations par lesquelles une entreprise donne en location des biens
immobiliers à usage professionnel, achetés par elle ou construits pour son compte,
lorsque ces opérations, quelle que soit leur qualification, permettent au locataire
de devenir propriétaire de tout ou partie des biens loués, au plus tard à l’expiration
du bail, soit par cession en exécution d’une promesse unilatérale de vente, soit par
acquisition directe ou indirecte des droits de propriété du terrain sur lequel ont été
édifiés le ou les immeubles loués, soit par transfert de plein droit de la propriété
des constructions édifiées sur le terrain appartenant audit locataire. […]
3. Les opérations de location de fonds de commerce, d’établissement artisanal
ou de l’un de leurs éléments incorporels, assorties d’une promesse unilatérale de
vente moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des
versements effectués à titre de loyers, à l’exclusion de toute opération de location
à l’ancien propriétaire du fonds de commerce ou de l’établissement artisanal ;
4. Les opérations de location de parts sociales ou d’actions prévues aux articles
L. 239-1 à L. 239-5 du Code de commerce, assorties d’une promesse unilatérale
de vente moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des
versements effectués à titre de loyers”.
13. Ajoutons qu’en matière de procédures collectives applicables aux
entreprises en difficulté, le Code de commerce contient plusieurs disposions
afférentes au crédit-bail. En revanche, le Code civil n’évoque pas celui-ci.
14. De plus, il n’y a pas de dispositions légales françaises sur la location
financière internationale, encore appelée “crédit-bail international”. Le 28 mai
1988 avait été adoptée, à Ottawa, la Convention d’UNIDROIT sur le crédit-bail
international. Par la loi n°91-636 du 10 juillet 1991, la France a ratifié cette
convention, qui est entrée en vigueur le 1er mai 1995. Son application suppose
que le crédit-bailleur et le crédit-preneur soient établis dans des États différents
et que les contrats de fourniture et de crédit-bail soient régis par la loi
française 8. La France a participé aussi à la préparation de la Convention du Cap
de 2001 relative aux garanties internationales portant sur des matériels
d’équipements mobiles, ainsi qu’au Protocole portant sur les questions
spécifiques aux matériels d’équipement aéronautique, signés le 16 novembre
2001. Elle s’est associée aux travaux préparatoires au Protocole de Luxembourg
sur les questions spécifiques au matériel roulant ferroviaire (2007) et à
l’élaboration de la Loi type sur la location et la location financement (2008).
8
C. GAVALDA, “Acte final de la Conférence diplomatique pour l’adoption des projets de
Convention d’UNIDROIT sur l’affacturage international et sur le crédit-bail international, tenue à
Ottawa, le 28 mai 1988”, Les petites affiches, (LPA), n°84 (13 juill. 1998), 2 ; “Crédit-bail”, Rép.
international (1998), supra note 1 ; E.-M. BEY, “La convention d’Ottawa sur le crédit-bail
international”, JCP éd. E (1989), 15643.
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15. Les lacunes de la législation sur le crédit-bail telle qu’elle ressort du
Code monétaire et financier ont amené les tribunaux à jouer un rôle
important, notamment en ce qui concerne la résiliation ou les rapports entre
fournisseur, crédit-bailleur et crédit-preneur. Les juges ont ainsi contribué à
faciliter l’acclimatation du crédit-bail 9.
16. Enfin, la liste limitative de l’article L. 313-7 du Code monétaire et
financier n’a pas empêché l’apparition d’un crédit-bail innommé, qui se
trouve soumis au droit commun. Tel est le cas des opérations qualifiées de
“leasing” portant sur des choses qui ne sont ni de l’outillage, ni des biens
d’équipement destinés à l’usage professionnel.
B.
SPÉCIFICITÉS DE LA NOTION FRANÇAISE DE CRÉDIT-BAIL
17. En France, le crédit-bail présente deux particularités. D’une part,
seuls peuvent être crédit-bailleur les établissements de crédit (1). D’autre part,
le contrat de crédit-bail doit contenir une option d’achat au bénéfice du créditpreneur (2).
1.
L’activité de crédit-bailleur réservée aux établissements de crédit
18. Nécessité, pour le crédit-bailleur, d’être un établissement de crédit —
En principe, le crédit-bailleur est un établissement financier. Selon l’article
L. 515-2, alinéa 1er, du Code monétaire et financier, “Les opérations de créditbail mentionnées à l’article L. 313-7 ne peuvent être faites à titre habituel que
par des entreprises commerciales agréées en qualité d’établissement de crédit”.
L’agrément est donné par l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), entité créée
par l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 qui a fusionné la Commission
bancaire, l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, le Comité des
établissements de crédit et des entreprises d’investissement et le Comité des
entreprises d’assurance (C. mon. fin., art. L. 612-1. – I s.). Aux termes de l’article
L. 515-3, les personnes qui contreviendraient à ces dispositions sont passibles
de sanctions disciplinaires. Les sociétés de crédit-bail sont donc soumises aux
exigences imposées à ces établissements. Elles sont membres de l’Association
française des sociétés financières (ASF) 10. Cette association compte 360 adhérents (sociétés financières, banques spécialisées et entreprises d’investissement)
9
n°3485.
10
296
DURANTON, supra note 6, n°5 ; Lamy Droit du financement 2010, supra note 6,
Association française des sociétés financières (ASF), <www.asf-france.com>.
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Le crédit-bail financier en France
gérant quelque 290 milliards d’euros d’encours 11. Cependant, si l’activité ne
présente pas un caractère habituel, le crédit-bail peut être pratiqué par d’autres
que des établissements financiers : collectivités territoriales ou particuliers 12.
19. Non-prise en compte de la qualité du crédit-preneur — La loi no 7822 du 10 janvier 1978 relative à l’information et la protection des
consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit (dite loi
Scrivener) s’applique à toutes les opérations de crédit consenties à titre
habituel par des personnes physiques ou morales, que ce soit à titre onéreux
ou gratuit ; elle exclut, en revanche, de son champ d’application les prêts
destinés à financer les besoins d’une activité professionnelle (art. 2 et 3). Le
droit de la consommation ne s’applique donc pas au crédit-bail tel qu’il est
défini par l’article L. 313-7 du Code monétaire et financier 13. Toutefois, la loi
Scrivener s’applique aux opérations de location financière qui ne relèvent pas
du régime du crédit-bail de l’article L. 313-7 et obéissent au droit commun des
obligations. Ainsi lorsque le leasing a pour objet un bien d’équipement
familial ou ménager, il peut être soumis aux dispositions protectrices du Code
de la consommation 14. Certaines clauses ont pu être déclarées abusives, par
exemple une clause mettant à la charge du locataire-consommateur tous les
risques de la chose 15. Enfin, il faut signaler les hésitations de la jurisprudence
et de la doctrine. Par exemple certains auteurs considèrent que, si le créditpreneur est un consommateur, les règles protectrices de la loi Scrivener
doivent s’appliquer 16. De même, une Cour d’appel a fait application des
dispositions de cette loi à l’occasion d’un crédit-bail portant sur un ensemble
informatique commandé par un agent d’assurances et à l’évidence destiné à
son activité professionnelle, alors que le montant du financement dépassait le
plafond auquel est limitée l’application de ladite loi 17.
11 Lettre de l’ASF n°142 (mars-avril 2010), 19.
12 Les communes recourent volontiers au crédit-bail immobilier pour limiter l’assiette des
droits de mutation lors de la cession d’un bâtiment industriel à une entreprise utilisatrice (Lamy
Droit du Financement 2010, supra note 6, n°3508).
13 Civ. 1ère, 30 janv. 1996, Revue de droit bancaire et de la bourse (RD bancaire et
bourse) (1996), 120.
14 MALAURIE / AYNÈS, supra note 6, n°817.
15 Civ. 1ère, 6 janv. 1994, Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
(Bull. civ.) I, n°8, Juris-Classeur périodique édition Générale (JCP éd. G) (1994), II, 22237, note
G. Paisant.
16 ANTONMATTEI / RAYNARD, supra note 6, 299, n°408.
17 CA Rouen, 2e ch., 17 déc. 1987, Gazette du Palais (Gaz. Pal) (1988), 2, jur., 286.
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2.
Exigence d’une option d’achat
20. L’option d’achat, caractéristique discriminante du crédit-bail — Certes,
la location est l’élément central du contrat de crédit-bail (C. mon. fin., art.
L. 313-7). Toutefois, le crédit-bail se différencie de la location 18 par sa nature
essentiellement financière qui s’exprime en particulier par l’exigence d’une
promesse unilatérale de vente. L’article L. 313-7 du Code monétaire et financier
précise que le crédit-preneur bénéficie de “la possibilité d’acquérir tout ou
partie des biens loués, moyennant un prix convenu tenant compte, au moins
pour partie, des versements effectués à titre de loyers”. Les contrats de location
doivent donc comporter, de la part du bailleur, une promesse unilatérale de
vente donnant au locataire la possibilité d’acquérir, à un prix convenu, le bien
loué 19. Cette option d’achat est aussi fondamentale que la mise à disposition
du bien mobilier. La réunion de ces deux éléments justifie le caractère financier
du contrat.
21. Un loyer fonction de la durée de vie économique du bien et de
l’option d’achat — Ainsi, le crédit-bail est “un contrat de financement basé sur
la mise à disposition d’un bien à un cocontractant contre le versement de
loyers devant permettre l’amortissement du capital investi et l’acquisition
éventuelle du bien par l’utilisateur en versant un prix tenant compte des
versements effectués” 20. En effet, la détermination du loyer versé par le
crédit-preneur au crédit-bailleur tient compte de l’utilisation du bien mais
aussi de la faculté pour le crédit-preneur d’acquérir à terme la propriété. À la
différence de la location simple, le loyer ne constitue pas l’unique contrepartie de la jouissance paisible du bien crédit-baillé 21. Le crédit-bailleur
18 Sont employés indifféremment les termes “bail”, “location” et “louage”. Les
dispositions le régissant figurent, depuis 1804, dans le Code civil. Selon l’article 1709, le louage
des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose
pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige à lui payer. Deux
éléments apparaissent essentiels : la jouissance de la chose et le prix. Le bail se présente donc
comme le contrat par lequel une personne, le bailleur, confère à une autre personne, le preneur,
la jouissance temporaire sur une chose, en contrepartie d’un prix, le loyer (C. AUBERT DE VINCELLES,
“Bail”, Répertoire de droit civil, Dalloz, (sept. 2007) spéc. n°14).
19 Com. 14 avr. 1972, Bull. civ. IV, n°105 ; Com. 14 févr. 1979, Recueil Dalloz (D.)
Informations rapides (I.R.) (1979), 177 ; Civ. 1ère, 11 oct. 1989, Bull. civ. I, n°327 ; Revue
trimestrielle de droit commercial et de droit économique (RTD com.) (1990), n°244, obs. Bouloc ;
Com. 5 juin 1996, D. aff., (1996), 1165 ; Com. 13 mai 1997, Revue de Jurisprudence de droit des
affaires (RJDA) (1997), n°1231 ; Com. 28 juin 2005, RJDA (2005), n°1378.
20 DURANTON, supra note 6, n°57 ; V. égal. Lamy Droit du Financement 2010, supra note
6, n°3488.
21 DURANTON, supra note 6, n°61.
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Le crédit-bail financier en France
acquiert le bien et le loue à l’utilisateur, crédit-preneur, pour une durée
correspondant à l’amortissement fiscal et pour un montant comprenant le
remboursement du prix et sa propre rémunération. À la fin de cette période, le
crédit-preneur disposera d’une option : acquérir le bien pour un prix fixé au
contrat (la valeur résiduelle) proche de la valeur comptable du bien amorti et,
en principe, inférieur à sa valeur vénale, ou renoncer à en devenir propriétaire
et le restituer, ou encore obtenir le renouvellement du contrat. De la sorte, la
durée de l’opération de crédit-bail est calquée sur la durée de vie économique
du bien 22. La levée de l’option se fera pour un prix très faible (valeur
résiduelle). Dans ce cas, le crédit-bail aura permis au crédit-preneur de voir
l’achat du bien financé éventuellement à 100%, contrairement à un prêt
bancaire classique. Il lui aura permis aussi d’alléger son endettement.
22. Un contrat d’une durée irrévocable — Le contrat de crédit-bail
commence lorsque le bien se trouve à la disposition de l’utilisateur, le procèsverbal de livraison ayant été signé. Bien que la durée soit librement fixée par
les parties, les règles fiscales imposent pratiquement qu’elle corresponde à la
durée de l’amortissement. Elle est “irrévocable” car l’équilibre financier pour
chacune des parties est déterminé par elle 23. Les parties ne sauraient se délier
de leurs engagements avant l’arrivée du terme mais elles peuvent prévoir des
options d’achat intermédiaires 24.
23. L’obligation pour le crédit-preneur de s’acquitter du paiement des
loyers et de leurs accessoires est absolue et inconditionnelle. Il ne saurait
invoquer l’indisponibilité temporaire du bien crédit-baillé pour suspendre,
pendant cette période, le versement des loyers. Le paiement régulier et à
bonne date des loyers est garanti par la clause pénale incluse systématiquement au contrat et, éventuellement, par une clause prévoyant la résiliation de
plein droit en cas de défaut de paiement.
C.
LES AMBIGUÏTÉS D’UNE OPÉRATION TRIPARTITE
24. L’opération de crédit-bail fait intervenir trois acteurs : le vendeur de
matériel, un établissement de crédit-bail (le crédit-bailleur) qui achète ce
matériel pour le louer et le crédit-preneur qui, moyennant le versement d’une
redevance, utilisera le matériel 25. Bien que l’opération soit tripartite, les
22
n°106.
23
24
25
Lamy Droit du Financement 2010, supra note 6, n°3500 ; DURANTON, supra note 6,
DURANTON, supra note 6, n°105.
Ibid., n°107.
À titre de comparaison, la Convention d’Ottawa prévoit, dans son article 1er, que le
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dispositions de l’article L. 313-7 sur le crédit-bail régissent les seuls rapports
bilatéraux entre crédit-bailleur et crédit-preneur ; elles ne traitent pas du
contrat de vente, qui est régi par le droit commun (1). On a pu parler
néanmoins d’une “symbiose” entre ces différents contrats (2).
3.
Le crédit-bail, rapport entre crédit-bailleur et crédit-preneur
25. Le fournisseur, tiers au contrat de crédit-bail — En application du
principe de l’effet relatif des conventions inscrit à l’article 1165 du Code civil,
le fournisseur ne peut se prévaloir des dispositions du contrat de crédit-bail.
De par la loi, il n’existe pas de rapports juridiques entre le fournisseur du bien
et le crédit-preneur. Ainsi, le fournisseur est un tiers au contrat de crédit-bail ;
il ne peut en invoquer les clauses pour prétendre être dégagé, envers
l’acheteur, de la garantie qu’il lui doit 26.
26. Obligations du crédit-bailleur, clauses de non-recours et transfert des
risques — De par la vente, la propriété de la chose est transférée du
fournisseur au crédit-bailleur. Le crédit-bail étant envisagé comme une
opération de location assortie d’une option d’achat, le crédit-bailleur conserve
la propriété du bien crédit-baillé. Selon les termes de l’article L. 313-7 précité,
il demeure propriétaire du bien pendant toute la période du crédit-bail. En
principe, il est tenu à l’égard du crédit-preneur de toutes les obligations du
propriétaire.
27. Or, par des clauses insérées au contrat de crédit-bail, le créditbailleur se libère de ses obligations légales de bailleur. En effet, il est possible
d’y déroger car ces règles, prévues dans le Code civil et applicables à tout
“bailleur”, ne sont pas d’ordre public. Ainsi, le crédit-bailleur s’exonère de
l’obligation de délivrance de l’article 1719 du Code civil et donne mandat au
crédit-preneur de choisir et réceptionner la chose crédit-baillée 27. Le créditleasing international est une opération tripartite qui comprend le contrat de fourniture et le contrat
de crédit-bail stricto sensu. Le contrat de fourniture est conclu, sur l’indication du crédit-preneur,
par le crédit-bailleur avec le fournisseur, dans des termes approuvés par le crédit-preneur autant
qu’il le concerne. Le contrat de crédit-bail se présente comme un contrat passé entre le créditbailleur et le crédit-preneur donnant à ce dernier “le droit d’utiliser le matériel moyennant le
paiement des loyers”. Aucune référence n’est faite à un contrat de location. De même, il n’est pas
exigé que ce contrat contienne une option d’achat (art. 3).
26 Com. 7 juin 1994, no 92-14.825, RJDA 11/1994, n°1168, Revue Contrats, concurrence,
consommation (CCC) (1994), 1994, comm. 244, note L. Leveneur ; Com. 12 nov. 1991, RJDA
1/1992, n° 65.
27 On relèvera que, selon l’article 2 de la Convention d’Ottawa précitée, le crédit-preneur
choisit le matériel et le fournisseur sans faire appel de façon déterminante à la compétence du crédit-
300
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
preneur est alors responsable des fautes commises lors de l’exécution de sa
mission 28. De même, le crédit-bailleur élude la garantie des vices cachés de
l’article 1721 du Code civil 29, ou encore se soustrait à l’obligation d’assurer
au preneur la jouissance paisible du matériel des articles 1719 et 1720 du
Code civil 30.
28. De plus, ces clauses de non-recours peuvent s’assortir d’une clause
par laquelle le crédit-bailleur transmet au crédit-preneur les droits qu’il détient
à l’encontre du vendeur 31. Un mandat ad litem autorise le crédit-preneur à
intenter toute action en justice lui permettant d’assurer l’exercice desdites garanties, sous réserve d’en aviser le crédit-bailleur. Ce mandat d’ester entraîne la
renonciation du crédit-preneur au bénéfice de la garantie du crédit-bailleur 32.
Il ne confère pas une action directe 33 au crédit-preneur puisqu’il agit au nom
et pour le compte du crédit-bailleur 34. La résolution du contrat de vente, qui
entraîne la résiliation de celui de crédit-bail, a pour effet de mettre fin au mandat
ad litem sans qu’une révocation expresse de celui-ci soit nécessaire 35.
29. Ces clauses du contrat mettent en lumière le caractère financier de
l’opération et le rôle de “garantie” que le crédit-bail joue au profit du créditbailleur ; l’acquisition du matériel incombe au crédit-bailleur en vertu d’un contrat de crédit-bail,
conclu ou à conclure entre le crédit-bailleur et le crédit-preneur, dont le fournisseur a connaissance.
28 Com. 22 mai 1991, no 90-12.116, RJDA (1991), no 728 ; Com. 5 nov. 1991, no 9011.543, RJDA (1992), no 64.
29 Com. 30 oct. 1973, Bull. civ. IV, n° 303 ; Com. 15 janv. 1985, Bull. civ. IV, n° 25,
Com. 4 juin 1996, D. 1996, IR 166 ; V. M. HARICHAUX-RAMU, “Le transfert des garanties dans le
crédit-bail mobilier”, RTD com (1978), 223.
30 Civ. 16 juill. 1951, D. 1951.587 ; Soc. 11 oct. 1962, Bull. civ. IV, n° 709.
31 Com. 30 oct. 1973, Bull. civ. IV, n°303 ; Civ. 3e, 15 janv. 1003, RJDA (2003), n°628 ;
Com. 3 janv. 1971, JCP éd. G (1973), II, 17300, note Leloup ; Com. 2 févr. 1981, Gaz. Pal. (1981),
1. Pan. 198 ; Com. 24 mai 1994, CCC (1994), n°192, note Leveneur ; Com. 4 juin 1996, Bull. civ.
IV, n°156 ; Civ. 3, 15 janv. 2003, RJDA (2003), n°628.
32 Com. 8 déc. 1992, Bull. civ. IV, n°396 ; RJDA 2/1993, n°139 et 140 ; V. Com. 4 oct.
1994, RJDA (1995), n°180.
33 Rappelons que l’article 10-1 de la Convention d’Ottawa crée une action directe du
crédit-preneur envers le fournisseur. Néanmoins, l’action en nullité ou en résolution du contrat de
vente est subordonnée au consentement du crédit-bailleur (art. 10-2). Enfin, le crédit-bailleur est
exonéré en principe de tous les dommages causés par le matériel (art. 8).
34 Com. 3 janv 1971, JCP éd. G (1973), II, 17300, note Leloup ; Com. 26 janv. 1977, Bull.
civ. IV, n°28 ; Com. 2 févr. 1981, Gaz. Pal. 1. Pan. 198 ; F. ARBELLOT, Exercice de l’action en
garantie des vices cachés, LPA (10 août 1998), n° 95, 4.
35 Civ. 1ère, 23 juin 1992, RJDA 8-9/1991, n°729 ; 6 avr. 1993, RJDA 5/1993, n° 420 ;
Com. 11 juin 2006, Bull. civ., IV, n°173, D. (2007), 413, note Mislawski, RTD com. (2006), 896,
obs. D. Legeais.
Rev. dr. unif. 2011
301
Bénédicte François
bailleur. De la sorte, les risques sont transférés au crédit-preneur, en principe à
compter de la date de la signature du procès-verbal de réception. Le créditbailleur n’assurera qu’un rôle financier mais conservera néanmoins la
propriété du bien.
30. Cependant, la responsabilité du crédit-bailleur ne disparaît pas
totalement 36. Propriétaire du bien crédit-baillé jusqu’au terme de l’opération
de crédit-bail, il peut être tenu pour responsable dans le cadre de législations
particulières, par exemple en cas de violation des règles de sécurité pour les
équipements de travail (art. L. 4311-1 s. du Code du travail) ou de contrefaçon
de brevet (art. L. 615-1 du Code de la propriété intellectuelle) ou de marque
(art. L. 716-1s. dudit Code). Par ailleurs, en matière de procédure collective, le
crédit-bailleur peut voir sa responsabilité engagée pour soutien abusif du
crédit-preneur en difficulté, du fait des concours consentis en cas de fraude,
d’immixtion caractérisée dans la gestion du crédit-preneur ou si les garanties
prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci (art.
L. 650-1 du Code de commerce).
31. Obligations du crédit-preneur — Aucune disposition légale ne décrit
les obligations du crédit-preneur. Ce sont les clauses du contrat de crédit-bail
qui formulent ces devoirs soit par analogie avec le contrat de louage de choses,
soit en s’en écartant, les textes relatifs au louage n’étant pas d’ordre public.
32. Nous avons vu également que les garanties dont le crédit-bailleur
s’exonère sont transférées le plus souvent au crédit-preneur, dont les
obligations se trouvent renforcées.
33. De plus, des clauses tendent à préserver les droits de propriété du
crédit-bailleur. Le crédit-preneur est tenu d’utiliser le matériel et d’agir en bon
père de famille. Il doit respecter la réglementation applicable notamment à la
détention, à la garde, au transport et à l’utilisation du matériel et obtenir, si
nécessaire, des organismes qualifiés les autorisations relatives à cette utilisation 37. En application du droit commun du louage, le crédit-preneur doit
utiliser le bien crédit-baillé conformément à la destination précisée dans le
contrat de crédit-bail, d’où une obligation d’entretien et de bonne conservation.
Le crédit-preneur supporte les réparations locatives, y compris les grosses
réparations. Le crédit-bailleur insère en général une clause obligeant le créditpreneur à l’avertir de toute avarie et se réserve le droit d’inspecter quand bon
36
37
302
DURANTON, supra note 6, n°127.
Ibid., n°132 et 133.
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
lui semble le matériel crédit-baillé 38. Il peut même obliger le crédit-preneur à
souscrire un contrat de maintenance auprès d’un professionnel agréé.
34. Les contrats de crédit-bail renferment en général une clause
prohibant la sous-location du matériel crédit-baillé. En l’absence de
convention contraire, le crédit-preneur peut commettre le délit d’abus de
confiance s’il procède à une sous-location du bien sans l’accord du créditbailleur 39. Le crédit-preneur ne peut conférer aucun droit sur le bien créditbaillé (usufruit …). De même, il ne saurait constituer une sûreté sur celui-ci,
ni, a fortiori, le vendre.
35. Naturellement le preneur doit s’acquitter sans délai des loyers et
accessoires. Les tribunaux ont admis la validité d’une clause d’un contrat de
crédit-bail prévoyant, en cas de destruction du matériel même par force
majeure, le paiement des loyers restant à courir, déduction faite de
l’indemnité d’assurance 40. Si, au terme du contrat, le preneur n’exerce pas
l’option d’achat, il doit restituer le matériel dans son état d’origine ou assorti
des seules modifications qui s’imposaient au titre de la maintenance. Sauf
clause contraire, les autres modifications deviendraient, sans indemnité, la
propriété du crédit-bailleur 41.
36. Bref, bien que ses rapports avec le crédit-preneur utilisateur relèvent,
de par la loi, d’un contrat de louage, le crédit-bailleur s’applique, par des
clauses contractuelles, à éluder les obligations tenant aux données matérielles
et techniques pour se limiter à un rôle financier. De la sorte, la situation du
crédit-preneur s’éloigne de celle du locataire traditionnel pour ressembler à
celle du propriétaire économique dans les droits anglo-saxons.
4.
Le crédit-bail, symbiose de différents contrats
37. Une juxtaposition de contrats ? — L’article L. 313-7 régit le contrat de
crédit-bail stricto sensu ; le contrat de fourniture relève du droit commun de la
vente. Ces deux contrats, qui forment avec la promesse d’achat l’opération de
crédit-bail, sont légalement séparés. À la vérité, l’opération de crédit-bail ne se
réduit pas à la juxtaposition des contrats qui la composent. Il existe entre
ceux-ci des liens instaurés par les stipulations contractuelles (clauses
38
39
Ibid., n°134.
C. pén., art. 311-1 et s. ; Crim. 14 févr. 1979, Bull. crim., n°68, D. (1979), IR 177, obs.
G. ROUJOU DE BOUBÉE, et D. (1979). 215, note M. Puech ; CA Reims, 28 juin 1985, Gaz. Pal.
(1985), 2, 722, note E.-M. Bey.
40 Civ. 1ère, 17 nov. 1998, Bull. civ. I, n°322 ; D. (2000) somm., 46, obs. Pizzio.
41 Com. 26 janv. 1982, Bull. civ. IV, n°30 ; DURANTON, supra note 6, n°138.
Rev. dr. unif. 2011
303
Bénédicte François
prévoyant la réception du bien par le crédit-preneur mandaté par le créditbailleur, exonération, par ce dernier, de ses obligations, transfert des risques
du crédit-bailleur au crédit-preneur).
38. Le crédit-bailleur peut, dans le contrat de crédit-bail, s’exonérer de
ses obligations parce qu’il procure au crédit-preneur les moyens d’agir contre
le fournisseur. En cas de vice caché ou de défaut de conformité de la chose
crédit-baillée, le preneur pourra exercer un recours directement contre le
fournisseur sans avoir à multiplier les actions (crédit-preneur contre créditbailleur au titre du crédit-bail ; crédit-bailleur contre vendeur au titre de la
vente) 42. Le crédit-preneur pourra demander réparation du préjudice subi,
voire réclamer la résolution de la vente (action rédhibitoire ou pour défaut de
conformité).
39. Une “symbiotique” — On a pu parler d’une “symbiose” entre ces
différents contrats 43, ou d’un “groupe de contrats indivisible” 44, voire d’un
“contrat sui generis” 45. Les tribunaux reconnaissent sinon une unité du moins
une “interdépendance” 46. Par trois arrêts, la chambre mixte de la Cour de
cassation a décidé que “la résolution du contrat de vente entraîne nécessairement la résiliation du contrat de crédit-bail, sous réserve de clauses ayant
pour objet de régler les conséquences de cette résiliation” 47. À noter qu’il
s’agit d’une résiliation du contrat de crédit-bail, ce qui prive l’anéantissement
de celui-ci de tout effet rétroactif 48. Autre illustration du lien entre les
42 ANTONMATTÉI / RAYNARD, supra note 6, 302, n°413.
43 E.-M. BEY, De la symbiotique dans les contrats de leasing et crédit-bail mobiliers,
Dalloz (1970).
44 B. TEYSSIÉ, Les groupes de contrats, Bibliothèque de droit privé, LGDJ (1975), n° 247 et s.
45 ANTONMATTÉI / RAYNARD, supra note 6, n°406, 296 ; DURANTON, supra note 6, n°51.
46 Com. 15 févr. 2000, n°97-19.793, Bull. civ. IV, n° 29, Revue trimestrielle de droit civil
(RTD civ.), 325, obs. J. Mestre et JCP éd. E (2001), I, 320, obs. J.-B. Seube.
47 Cass. ch. mixte, 23 nov. 1990, no 86-19.396, Bull. civ. ch. mixte, no 3 ; Cass. ch. mixte,
23 nov. 1990, no 87-17.004, Bull. civ. ch. mixte, no 2 ; Cass. ch. mixte, 23 nov. 1990, no 88-16.883,
Bull. civ. ch. mixte, no 3, Juris-Classeur périodique édition Notariale (JCP éd. N) (1990), II, 282,
note E.-M. Bey, D. (1991), jur., 121, note C. Larroumet, JCP éd. E (1991), II, no 111, note D. Legeais,
CCC (1991), comm. 205. Cette solution a été reconduite (Com. 6 avr. 1993, no 91-18.408, RJDA
(1993), nos 928 et 929 ; Com. 15 mars 1994, Bull. civ. IV, n°109, Defrénois (1994), 1127, obs. Ph.
Delebecque ; Com. 15 févr. 2000, supra note 46.
48 Cette solution, classique pour un contrat à exécution successive, permet au créditbailleur de conserver les redevances échues avant la résolution de la vente. Cette résiliation
intervient à compter de jour de l’introduction de l’instance (Com. 12 oct. 1993, Bull. civ. IV,
n°327) et non à compter de la date à laquelle le défaut de fonctionnement du matériel vendu et
loué a été constaté (Com. 16 janv. 2001, RJDA (2001), no 628).
304
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
contrats, on trouve fréquemment dans le contrat de crédit-bail une clause
relative à la résolution de la vente qui met à la charge du crédit-preneur
l’obligation de garantir le crédit-bailleur du paiement des sommes dues par le
vendeur. Ainsi a été jugée valable la clause prévoyant la solidarité du créditpreneur quant à l’obligation de restitution du prix du vendeur 49. Est aussi
admise la clause stipulant qu’en cas de résiliation du crédit-bail par suite de la
résolution de la vente, le crédit-preneur sera tenu au remboursement du prix
d’achat et au versement d’une indemnité 50. Il en va de même pour la clause
prévoyant que le crédit-preneur sera solidairement débiteur avec le vendeur,
envers le bailleur, de la restitution du prix de vente du bien et aussi débiteur
des sommes nécessaires pour obtenir le montant total des loyers et la valeur
résiduelle, c’est-à-dire représentatives de la rentabilité escomptée de l’opération 51. Ces clauses sont soumises aux dispositions de l’article 1152, alinéa 2,
du Code civil qui offre au juge la possibilité de modérer ou augmenter la
peine prévue 52. En revanche, le crédit-bailleur ne peut espérer à la fois le
paiement des redevances et la réparation d’un préjudice qu’il prétendrait subir
du fait de la résolution de la vente 53.
D.
LE CRÉDIT-BAIL ET SES VARIANTES
40. En France, le législateur prévoit des dispositions spécifiques pour le
crédit-bail immobilier (1). Par ailleurs, le crédit-bail de l’article L. 313-7 du
Code monétaire et financier se distingue d’autres formules (2).
1.
Le crédit-bail immobilier
41. Outil de financement — Soulignons d’emblée que la Convention
d’Ottawa de 1988 ne traite pas du crédit-bail immobilier. La définition de ce
procédé, qui reste de droit interne, figure à l’article L. 313-7, 2 du Code
monétaire et financier : les opérations de crédit-bail immobilier sont “Les
opérations par lesquelles une entreprise donne en location des biens immo49
Cass. ch. mixte 3 mars 1989, n°86-11.941, Bull. civ. ch. mixte, n°1 et Com. 26 oct.
1993, n°91-18.196, Bull. civ. IV, n°359, JCP éd. E (1994), II, 548, note D. Legeais.
50 Com. 12 oct. 1993, n°91-17.621, Bull. civ. IV, n°327, JCP éd. E (1994), II, n°548, note
D. Legeais.
51 Com. 26 oct. 1993, supra note 49 ; V. Com. 4 janv. 1994, Bull. civ. IV, n°5 ; Civ. 18
avr. 2000, JCP éd. E (2000), 922.
52 Com. 12 oct. 1993, no 91-17.621, Bull. civ. IV, no 327, JCP éd. E (1994), II, no 548, note
D. Legeais ; Com. 21 mars 1995, no 93-19.085, Bull. civ. IV, no 94, RJDA (1995), no 1009.
53 Com. 21 mars 1995, supra note 52.
Rev. dr. unif. 2011
305
Bénédicte François
biliers à usage professionnel, achetés par elle ou construits pour son compte,
lorsque ces opérations, quelle que soit leur qualification, permettent aux
locataires de devenir propriétaires de tout ou partie des biens loués, au plus
tard à l’expiration du bail, soit par cession en exécution d’une promesse
unilatérale de vente, soit par acquisition directe ou indirecte des droits de
propriété du terrain sur lequel ont été édifiés le ou les immeubles loués, soit
par transfert de plein droit de la propriété des constructions édifiées sur le
terrain appartenant audit locataire”. Ainsi donc, dans le crédit-bail immobilier,
dérivé du crédit-bail mobilier, un crédit-preneur loue un immeuble à usage
professionnel pour une longue durée (de 10 à 20 ans) à un crédit-bailleur qui
a acquis auparavant cet immeuble et s’engage, par promesse unilatérale, à le
lui vendre en fin de contrat. Ce dispositif a pour but le financement de
certains matériels d’équipements faisant partie intégrante d’un immeuble,
d’installation de bâtiments et d’usines, ainsi que de matériels destinés à
économiser l’énergie. Le financement est assuré par des sociétés financières
spécialisées (sociétés immobilières pour le commerce et l’industrie (SICOMI),
SOFERGIE …). Mais une entreprise non commerciale – ou encore une
collectivité locale – peut pratiquer occasionnellement le crédit-bail immobilier 54. La formule est destinée à des marchés importants. On a entendu
faciliter le développement des entreprises, y compris d’ailleurs des petites et
moyennes entreprises. Le financement peut porter sur un immeuble à acheter,
à rénover ou à construire. En ce dernier cas, le crédit-preneur choisit le terrain
et définit les caractéristiques de l’immeuble. Le crédit-bailleur achète le terrain
et finance la construction. Toutefois c’est le crédit-preneur qui choisit les
intervenants dans la construction, suit le déroulement des travaux, réceptionne le bâtiment. Pendant la construction, les décaissements effectués par le
crédit-bailleur donnent lieu à la perception de “pré-loyers”. L’immeuble
achevé, la mise en loyer du contrat est effectuée, le montant étant alors adapté
en fonction du montant définitif de l’investissement 55. Ces loyers comprennent une part correspondant à l’amortissement des capitaux engagés par le
crédit-bailleur, et une autre correspondant aux intérêts. Le montant des loyers
est fonction de la durée du contrat (7 ans au minimum), du taux convenu et
de la valeur résiduelle. Le prix final, fixé conventionnellement dès la
conclusion du contrat, tient compte des loyers qui seront versés. Les contrats
de durée supérieure à 12 ans doivent être publiés.
54 ASF, Le crédit-bail immobilier (2006), texte consultable sur <www.asf-france.com> ;
C. GAVALDA / J. STOUFFLET, Droit bancaire, LexisNexis Litec, 7ème éd. (2008 ) ; T. BONNEAU, Droit
bancaire, Montchrestien, Lextenso éditions, 8e éd. (2009).
55 ASF, Le crédit-bail immobilier, supra note 54.
306
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
42. Quant au régime juridique du crédit-bail immobilier, la Cour de
cassation a estimé inapplicable le régime des baux ruraux car, si l’opération
de crédit-bail immobilier “peut faire appel à des éléments empruntés à
d’autres contrats, elle constitue une institution juridique particulière tendant
essentiellement à l’acquisition de la propriété des murs” 56. Cette location est
soumise au droit commun du bail sous réserve des règles incompatibles avec
la finalité de l’opération et des règles du Code monétaire et financier 57. En
particulier, l’article L. 313-9, al. 2, dudit Code dispose que le preneur dispose
d’une faculté de résiliation.
43. Des avantages fiscaux — En définitive, le crédit-bail immobilier
permet à l’établissement propriétaire de l’immeuble mis à la disposition du
crédit-preneur, avec promesse unilatérale de vente, d’obtenir une garantie en
cas de procédures collectives. Surtout, il vise à faciliter, grâce à des avantages
fiscaux, les investissements immobiliers à des entreprises incapables de verser
l’acompte initial d’un achat à crédit 58. Les loyers de crédit-bail sont
intégralement déductibles du résultat imposable du crédit-preneur. En outre, il
n’existe pas de réintégration du suramortissement dont a bénéficié le créditpreneur pendant la durée du contrat, s’il s’agit d’immeubles à usage industriel
et commercial situés en zone d’aménagement du territoire (ZAT), en territoire
rural de développement prioritaire ou en zone de redynamisation urbaine, ou
encore s’il s’agit de petites et moyennes entreprises employant moins de 250
salariés ayant un total de bilan inférieur à 10,7 M € ou un chiffre d’affaires
inférieur à 21,4 M €. Par ailleurs, les droits de mutation en cas de levée de
l’option sont réduits : l’assiette est limitée au prix fixé dans le contrat et non à
la valeur vénale. Enfin, les sociétés de crédit-bail sont reconnues comme des
organismes relais susceptibles de recevoir des aides publiques accordées par
des collectivités territoriales à l’immobilier d’entreprise. Le crédit-bail immobilier fait également partie des financements éligibles aux fonds structurels
européens comme le FEDER 59. La convention de subvention se présente en
général comme un avoir sur les loyers.
56
57
58
59
Civ. 3, 10 juin 1980, Bull. civ. III, n°114.
BONNEAU, supra note 54, 429.
GAVALDA / STOUFFLET, supra note 54, 402 et ASF, Le crédit-bail immobilier, supra note 54.
ASF, Le crédit-bail immobilier, supra note 54.
Rev. dr. unif. 2011
307
Bénédicte François
2.
Distinction entre le crédit-bail et des contrats voisins
44. Location — Le crédit-bail se différencie de la location par sa nature
financière qui se manifeste par l’exigence d’une option d’achat 60. En outre, le
matériel loué doit avoir été acheté spécialement pour être confié au créditpreneur. S’agissant de la livraison, le bailleur doit livrer la chose en bon état
alors que le crédit-bailleur n’intervient pas en principe dans la livraison. Nous
avons vu que le crédit-preneur, par le mandat figurant dans le contrat de
crédit-bail, est chargé de réceptionner la chose. De même, alors que, dans la
location, le bailleur est tenu de la garantie pour les vices cachés et assume les
risques de la chose, le crédit-bailleur s’en exonère en recourant à des clauses
qui transfèrent ceux-ci au crédit-preneur.
45. Location précaire de courte durée (renting) — Le crédit-bail mobilier
se distingue aussi de la location précaire de courte durée par une entreprise
commerciale spécialisée, qui donne lieu à des opérations répétitives de mise
du bien à la disposition d’utilisateurs successifs 61. Cette location précaire
n’est qu’un louage classique de chose sans promesse de transfert de la
propriété et avec un renforcement des obligations locatives du bailleur.
D’origine américaine, la location précaire a été développée par la pratique et
non par le législateur, faute d’entrer commodément dans nos catégories
juridiques 62. Elle concerne principalement les véhicules, les engins et
installations de travaux publics ou de chantiers, ainsi que le matériel
informatique, de reprographie ou de comptabilité. Cette courte location, qui
ne va guère au-delà de deux ans, se voit qualifiée d’operating lease. On parle
aussi de renting ou rental, ou encore de “location service” 63. Elle ne
correspond donc pas à la vie économique du bien. Elle s’accompagne aussi
de la fourniture de services complémentaires concernant l’entretien, la
réparation, les conseils d’utilisation et l’assurance du matériel loué. La société
de renting assure en principe la maintenance et l’assurance des matériels
loués, alors que, dans le crédit-bail, le bailleur n’est pas tenu de l’obligation
d’entretien. Le loyer du renting couvre la jouissance de la chose en
maintenance et les services y afférents.
46. Parenting — Pour mémoire, on mentionnera le parenting. Apparu
dans les années 80, il a rencontré peu de succès. Il consiste en la location
60
61
62
63
308
Com. 13 juin 1977, Bull. civ. IV, n°164 ; Com. 28 juin 2005, RJDA 2005, n°1378.
DURANTON, supra note 6, n°58 ; V. LAMY, Droit du financement, supra note 6, n°3494.
B. GRELON, Les entreprises de services, th. Paris I, Economica (1978), n°302-350.
MALAURIE / AYNÈS, supra note 6, n°824.
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
d’un bien assortie de services, les redevances étant calculées en fonction de
l’exploitation effective du matériel d’équipement 64.
47. Location de longue durée — Le succès du crédit-bail a conduit à
développer des formules locatives de longue durée inspirées de celui-ci mais
qui, faute d’un élément essentiel, échappent à cette qualification 65. Tel sera
le cas, par exemple, des locations de longue durée avec option d’achat (LOA),
consenties à des particuliers si elles portent sur des biens qui ne sont pas à
usage professionnel (par exemple des véhicules). De même, des locations de
longue durée peuvent être consenties à des personnes, pour leurs besoins
professionnels, sans option d’achat 66. Au surplus, la location de longue
durée, qui n’est pas une activité financière pour le bailleur, même s’il amortit
et rentabilise son capital sur une durée du contrat égale à l’amortissement du
bien, s’accompagne de prestations à sa charge, notamment la maintenance du
matériel et son remplacement.
48. Location-vente — Se différenciant du crédit-bail, la location-vente
française (hire purchase pour les Anglo-Saxons) combine la location et la
vente. Non régie par des dispositions spécifiques, elle relève à la fois des
dispositions concernant le contrat de louage des articles 1709 et suivants du
Code civil et des dispositions relatives à la vente des articles 1582 et suivants
du même Code. De plus, la location-vente n’intéresse que deux partenaires :
le fournisseur et l’acheteur 67. Le crédit est consenti par le vendeur du bien.
D’une part, ce bailleur s’engage à procurer au preneur la jouissance
immédiate du bien loué et à le lui vendre quand, au terme du contrat, le
preneur aura versé un montant de loyers égal au prix et aux intérêts 68.
D’autre part, le locataire s’engage à acheter ce bien. La propriété est ainsi
transférée au locataire par l’exécution de la promesse synallagmatique de
vente figurant dans le contrat. Le preneur devient nécessairement propriétaire
du bien à l’issue du contrat, en acquittant le montant de la valeur résiduelle
du bien préalablement déterminée. Il ne s’agit donc pas d’une option qui
laisserait au preneur le choix de devenir ou non propriétaire du bien.
64
no 3043.
65
66
67
68
n°87.
E.-M. BEY, “Un nouveau mode de financement : le parenting”, JCP éd. G (1981), I,
DURANTON, supra note 6, n°59.
Com. 30 mai 1989, Bull. civ. IV, n°167.
ANTONMATTÉI / RAYNARD, supra note 6, n°406, 296.
Lamy Droit du financement 2010, supra note 6, n°3496 ; GAVALDA, supra note 1,
Rev. dr. unif. 2011
309
Bénédicte François
49. Cession-bail — Dans une opération de crédit-bail, le créditbailleur ne peut être en même temps le fournisseur du bien. Pour que
l’opération soit qualifiée de crédit-bail, il faut, selon l’article L. 313-7 du Code
monétaire et financier, que le bien d’équipement professionnel ou le matériel
d’outillage ait été “acheté en vue de cette location” 69. Le crédit-bailleur doit
avoir acheté le bien et non l’avoir fabriqué 70. Au contraire, dans la cessionbail (lease back), une entreprise propriétaire d’un bien d’équipement ou d’un
immeuble professionnel le vend à une société de crédit-bail. Celle-ci le lui
loue immédiatement dans le cadre d’un contrat de crédit-bail à l’issue duquel
le locataire pourra, en levant l’option d’achat stipulée à son profit, redevenir
propriétaire du bien 71. Le crédit-preneur sera successivement vendeur,
locataire, puis acheteur du bien. Grâce aux cessions d’immobilisations, il aura
pu améliorer sa trésorerie et la structure de l’actif de son bilan. Cette
opération, sans définition légale, n’a connu qu’un succès limité. Elle n’est
d’ailleurs pas applicable à un fonds de commerce ou à un établissement
artisanal (C. mon. fin., art. L. 313-7 3 in fine). La jurisprudence n’assimile pas
pleinement la cession-bail au crédit-bail 72.
50. Cession-bail et sous-location — À relever également une variante
combinant cession-bail et sous-location (sale and lease-back). Un fabricant
vend un bien à une société de crédit-bail à qui elle le loue par la suite (c’est
une cession-bail). Mais la société le sous-loue à l’un de ses clients. Pour la
jurisprudence, la convention de sous-location n’est pas considérée comme
une opération de crédit-bail, bien que le premier locataire tire son droit d’un
crédit-bail 73. De même, le sous-locataire ne peut réclamer juridiquement le
bénéfice d’une option d’achat. En pratique, les sociétés de crédit-bail
l’acceptent si le premier locataire en est d’accord.
51. Crédit-bail adossé — Le crédit-bail adossé, appelé également “créditbail fournisseur”, est plus répandu 74. Il s’agit d’un crédit-bail où le créditpreneur sous-loue le bien à un sous-locataire. Le crédit-bailleur bénéficie
69 V. Com. 20 avr. 1978, Bull. civ. IV, n° 267, D. (1979), IR 360, obs. M. Vasseur ; Lamy
Droit du financement, supra note 6, nos 3486 et 3505 et DURANTON, supra note 6, n°26.
70 Com. 13 avr. 1976, no 74-12.564, Bull. civ. IV, no 127, D. (1976), 695, note C. Lucas de
Leyssac, JCP éd. E (1977), II, no 18667, note E.-M. Bey.
71 Lamy Droit du financement 2010, supra note 6, n°3490 ; G. PARLÉANI, “Le contrat de
lease-back”, RTD com. (1973), 699.
72 Civ. 3ème , 19 mai 1999, Bull. civ. III, n°117 ; Com. 14 janv. 1992, no 90-13.683, RJDA
(1992), no 372.
73 Com. 19 mai 1999, no 97-18.433, D. aff. (1999), 1078.
74 Lamy Droit du financement 2010, supra note 6, n°3491.
310
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
d’une garantie supplémentaire puisque, si le crédit-preneur ne lui paie pas les
loyers, il peut exiger du sous-locataire le paiement entre ses mains du prix de
la sous-location, conformément à l’article 1753 du Code civil.
II. – LE CRÉDIT-BAIL COMME GARANTIE
52. Le crédit-bail apparaît comme une garantie pour le crédit-bailleur (A).
Il est soumis à des obligations de publicité (B). Cette utilisation de la propriété
comme garantie est particulièrement efficace en cas de procédures collectives
du crédit-preneur (C).
A.
UNE GARANTIE POUR LE CRÉDIT-BAILLEUR
53. Une garantie procédant du droit de propriété — L’opération de
crédit-bail s’analyse comme un crédit plutôt que comme un bail : en effet,
c’est un contrat de financement en vue de mettre un bien à la disposition d’un
cocontractant contre le versement de loyers devant permettre l’amortissement
du capital investi, puis l’acquisition éventuelle du bien par l’utilisateur pour
un prix tenant compte des versements effectués 75. Ce “loyer-investissement”
déterminé en fonction de la durée de vie du bien incorpore un
remboursement de capital et d’intérêts 76.
54. Le crédit-bail a été présenté comme un louage dénaturé. Le créditpreneur est moins un locataire qu’un emprunteur et le crédit-bailleur est avant
tout un prêteur, ce qui correspond mal à la nature de leur relation telle que la
loi la définit, d’où certaines ambiguïtés. Par exemple, selon la jurisprudence,
la législation des baux, notamment des baux commerciaux, n’est pas applicable au crédit-bail 77. Néanmoins, les juges se réfèrent parfois à la législation
sur la location afin de permettre au crédit-preneur de bénéficier des dispositions du Code civil relatives à la répartition des charges entre bailleur et
preneur ou à l’entretien de la chose 78.
55. Au surplus, la situation du crédit-bailleur est plus avantageuse que
celle d’un établissement de crédit qui aurait consenti un prêt permettant à son
75 DURANTON, supra note 6, n°57 ; MARTY / RAYNAUD / JESTAZ, Droit civil. Les sûretés. La
publicité foncière, 2ème éd. (1987), Sirey, n° 547 et 554 ; V. Rennes 6 sept. 2002, Revue
Communication Commerce électronique (CCE), (2003), n°7, note Ph. Stoffel-Munck.
76 DURANTON, supra note 6, n°145.
77 Civ. 3ème, 7 mai 1997, Bull. civ. III, n°99 ; V. égal. Com. 9 avr. 1991, Bull. civ. IV,
n°124 ; D. (1991), somm., 329, obs. A Honorat.
78 Com. 15 janv. 1985, Bull. civ. IV, n°24 ; JCP éd. G (1986), II, 10650, note E-M Bey ;
Civ. 3 ème, 2 mars 2005, Bull. civ. III, n°55..
Rev. dr. unif. 2011
311
Bénédicte François
client d’acquérir le bien garanti par un nantissement sur le matériel. En effet,
le crédit-bailleur, qui a conservé la propriété du bien loué, n’a pas à craindre
la défaillance de son client 79. En pratique, il finance l’acquisition du bien
pour l’utilisateur tout en prenant “garantie” sur la chose : tel est le crédit-bail
dans sa réalité économique 80. Le crédit-bail est une application de la
“propriété-garantie” consacrée par l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars
2006 81, le droit de propriété étant utilisé à titre de garantie 82. Cette
protection est particulièrement efficace si une procédure collective est ouverte
à l’encontre du créditpreneur (V. infra).
56. Une sûreté ? — Pour certains, il s’agirait même d’une sûreté, “par
destination sinon par nature” 83. Toutefois, le droit de propriété n’est pas dévolu
au crédit-bailleur seulement à des fins de garantie. Il n’est pas spécialement
“affecté” à la créance de loyers du crédit-bailleur et la restitution du bien en cas
de défaillance du crédit-preneur n’entraîne pas extinction de la créance de
loyers échus impayés, voire de l’indemnité issue de la clause pénale 84. En
outre la garantie n’est pas constituée par une convention véritablement
accessoire 85. Elle méconnaît la propriété exclusive de la société de crédit-bail
79
D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, 6 éd., LGDJ Lextenso éd. (2008), nos 722, 723,
726, 734 ; P. CROCQ, Propriété et garantie, LGDJ (1995), Bibl. dr. privé, t. 248, préf. M. Gobert,
n°353, (p.) 307.
80 ANTONMATTÉI / RAYNARD, supra note 6, n°403.
81 Les dispositions relatives au droit des sûretés se trouvent essentiellement dans le Code
civil (Livre IV. Des sûretés ; art. 2284 s.). La réforme d’ensemble la plus récente a été réalisée par
l’ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006, ratifiée par la loi n°2007-212 du 20 février 2007 (art.
10). Elle a été complétée par la loi n°2007-211 du 19 février 2007 introduisant la fiducie en droit
français (art. 2011 s. ; 1596 s.). Cette réforme a laissé inchangé le régime des sûretés figurant dans
les autres Codes (Code de commerce, Code monétaire et financier, Code de la consommation,
Code de l’habitation). Enfin, on signalera la création par la loi n°2010-658 du 15 juin 2010 de
l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Rompant avec le principe de l’unicité du
patrimoine, cette loi permet à un entrepreneur d’avoir deux patrimoines : l’un personnel, l’autre
professionnel, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences en droit des sûretés.
82 LEGEAIS, supra note 79, n°726.
83 Ph. THÉRY, Sûretés et publicité foncière, 2e éd., PUF (1998), 349.
84 Com. 4 juill. 1972, D. (1972), 732, Ph. MALAURIE, V. LEGEAIS, supra note 79, n°734, (p.)
506 et n°735, (p.) 507 ; J. MESTRE / E. PUTMAN / M. BILLIAU, “Droit commun des sûretés réelles”,
Traité de droit civil, LGDJ (1996), n°22 ; CROCQ, supra note 79, n°122.
85 Contrairement aux garanties, les sûretés supposent une affectation de biens figurant
dans le patrimoine du débiteur principal ou d’un tiers et s’inscrivent dans un rapport d’accessoire
à principal avec la créance. Sa source est donc distincte de celle donnant naissance à la créance
principale. La sûreté ne peut en conséquence être inhérente au rapport d’obligation. Comme on a
pu le faire remarquer, “Le crédit-bail n’est pas pour ce motif une véritable sûreté”, mais un
instrument utilisant la propriété comme garantie (LEGEAIS, supra note 79, 14 et 15).
312
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
jusqu’à l’expiration du contrat, d’autant qu’elle n’est pas systématiquement
transférée en fin de contrat 86. On ne saurait soutenir que la société de créditbail pourrait opposer son droit de propriété à l’égard des tiers mais qu’envers le
crédit-preneur, ce droit ne serait invoqué qu’à des fins de sûreté.
57. On conviendra que, même si elle ne constitue pas une vraie sûreté,
la propriété du crédit-bailleur en offre les avantages 87. À défaut d’être une
sûreté juridique, elle serait une sûreté économique 88 – ou, à tout le moins,
une garantie.
B.
NÉCESSITÉ D’UNE PUBLICITÉ DU CONTRAT
58. Modalités — Les tiers pourraient croire que l’utilisateur du bien est le
propriétaire de celui-ci. C’est pourquoi les opérations mentionnées à l’article
L. 313-7 du Code monétaire et financier sont soumises à une publicité (art.
L. 313-10 du Code monétaire et financier). Cette publicité doit permettre
l’identification des parties et des biens faisant l’objet de ces opérations (art. R.
313-3). Pour les opérations de crédit-bail en matière mobilière, l’entreprise de
crédit-bail demande la publication de ces renseignements au registre ouvert à
cet effet au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance
statuant commercialement (art. R. 313-4). Lorsque le client de l’entreprise de
crédit-bail est immatriculé au registre du commerce et des sociétés (RCS), la
publication s’effectue auprès du greffe du tribunal dans le ressort duquel ce
client est immatriculé à titre principal (art. R. 313-5). Lorsque le client n’est pas
immatriculé au RCS, la publication s’effectue auprès du greffe du tribunal de
commerce ou du tribunal de grande instance statuant commercialement dans
le ressort duquel est situé l’établissement de ce client bénéficiaire du créditbail. Elle est prise, normalement, pour une période de cinq ans.
59. Opposabilité du crédit-bail aux tiers — Si les formalités de publicité
de l’article L. 313-10 du Code monétaire et financier ont été accomplies, le
crédit-bailleur peut opposer aux créanciers ou ayants cause à titre onéreux du
86 CROCQ, supra note 79, n° 488 et 533 et Ch. GOYET, Le louage et la propriété à l’épreuve
du crédit-bail et du bail superficiaire, LGDJ (1983), préf. D. Schmidt, n° 184 et s., n° 414 et s.
87 DURANTON, supra note 6, n°56 ; J. MESTRE / E. PUTMAN / M. BILLIAU, Droit commun des
sûretés réelles. Théorie générale, LGDJ (1996), n°23, (p.) 21 ; P. ANCEL, Droit des sûretés, Litec
(1998), 172 ; Ph. MALAURIE / L. AYNÈS, Droit civil. Sûretés. Publicité foncière, 9e éd., Cujas (1998),
n°756.
88 E.-M. BEY, “La propriété : le crédit-bail envisagé comme une sûreté”, L’évolution des
sûretés, Revue de jurisprudence commerciale (RJ com.) (1982), 52.
Rev. dr. unif. 2011
313
Bénédicte François
crédit-preneur, ses droits sur les biens dont il a conservé la propriété 89. Pour
éviter toute contestation, une clause du contrat de crédit-bail peut prévoir que
le crédit-preneur autorise le crédit-bailleur à adresser au bailleur des locaux où
va être installé le matériel, voire au créancier hypothécaire du preneur, une
notification les informant du droit de propriété de la société de crédit-bail sur
ce matériel, sauf à obtenir de ces destinataires une attestation reconnaissant ce
droit de propriété 90.
60. Si les formalités de publicité n’ont pas été accomplies, l’entreprise de
crédit-bail ne peut opposer aux créanciers ou ayants cause à titre onéreux de
son client, ses droits sur les biens dont elle a conservé la propriété, sauf si elle
établit que les intéressés avaient eu connaissance de l’existence de ces droits
(art. L. 313-10 et R. 313-10) – ce qui est très rarement admis par les
tribunaux 91. Cependant, si la publicité permet l’identification des parties au
contrat et des biens objets de l’opération par les créanciers ou ayants cause à
titre onéreux du client de l’entreprise de crédit-bail, il n’en est pas de même
pour le sous-acquéreur, possesseur de bonne foi du bien mobilier, dont le
droit demeure opposable au crédit-bailleur en dépit de l’accomplissement des
formalités de publicité 92. Enfin, le crédit-preneur ne peut se prévaloir de
l’inobservation des mesures de publicité mises en place en vue de la protection des tiers au contrat 93. Seuls les créanciers et ayants cause du créditbailleur peuvent l’invoquer.
61. S’agissant des opérations de crédit-bail en matière immobilière, la
publicité, obligatoire pour les contrats de plus de 12 ans, s’effectue au bureau
des hypothèques (art. R. 313-12). Le défaut de publicité entraîne l’inopposabilité aux tiers du contrat.
62. Au demeurant, lorsque le crédit-preneur est en procédure collective,
la restitution du bien par le crédit-bailleur n’est possible que si la formalité de
publicité a été remplie.
89
90
91
92
93
314
V. Com. 16 mai 1995, Bull. civ. IV, n°143.
G. DURANTON, supra note 6, n°150.
Com. 8 déc. 1987, Bull. civ. IV, n 265.
Com. 14 oct. 1997, Bull. civ. IV, n°257.
Com. 16 mai 1995, Bull. civ. IV, n°143.
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
C.
PROTECTION DU CRÉDIT-BAILLEUR EN CAS D’OUVERTURE D’UNE PROCÉDURE
COLLECTIVE À L’ENCONTRE DU CRÉDIT-PRENEUR
63. Application du régime des “contrats en cours” — En France, il existe
trois procédures collectives : la “sauvegarde”, lorsque le débiteur connaît des
difficultés qu’il peine à surmonter (art. L. 621-1 s. du Code de commerce), le
“redressement judiciaire”, quand il est en cessation des paiements, c’est-à-dire
qu’il ne peut faire face à son passif exigible avec son actif disponible
(art. L. 631-1 s.), et la “liquidation judiciaire”, si aucun espoir de redressement
n’est envisageable (art. L. 640-1 s.). Après le jugement d’ouverture d’une
procédure collective commence une période d’observation destinée à détecter
les difficultés de l’entreprise et à en déterminer les causes afin de savoir si un
redressement est possible. C’est la phase préparatoire à l’adoption d’un
éventuel plan de sauvegarde ou de redressement. En principe, l’activité de
l’entreprise est poursuivie pendant cette période (art. L. 622-9). En effet, la
sauvegarde du potentiel économique de l’entreprise doit être assurée.
L’ouverture de la procédure ne doit pas remettre en cause l’ensemble des
contrats liant le débiteur à ses partenaires (fournisseurs, salariés, créditbailleurs, clients …), qui constituent souvent un élément très important de la
richesse de l’entreprise. Ainsi donc l’article L. 622-13 prévoit le maintien des
contrats en cours, malgré l’ouverture de la procédure collective.
64. Il s’agit cependant d’une option. Certains contrats peuvent apparaître
inutiles ou dispendieux à la lumière de la nouvelle situation de l’entreprise. La
décision de poursuivre ou non ces contrats revient à l’administrateur judiciaire
ou, en son absence, au débiteur, après avoir été mis en demeure d’opter par
le cocontractant. Cette option est dérogatoire au droit commun.
65. En premier lieu, l’administrateur ou le débiteur, mais non le
cocontractant, pourra imposer la continuation d’un contrat sans que le
cocontractant puisse lui opposer une exception d’inexécution fondée sur le
non-paiement de créances antérieures au jugement d’ouverture. De plus, le
crédit-bailleur ne saurait être payé, pendant la période d’observation, des
créances de loyers nées antérieurement au jugement d’ouverture (art.
L. 622-7). En outre, si un plan de sauvegarde ou de redressement est établi, le
législateur a prévu un ordre pour le règlement des créanciers. Or les
créanciers titulaires de créances antérieures, même crédit-bailleurs, viennent
au dernier rang. En l’espèce, cette mesure n’est pas favorable au crédit-bailleur
qui ne peut que “déclarer” les sommes correspondant aux créances de loyers
impayés antérieures au jugement d’ouverture. Il va alors “produire” sa créance
auprès du mandataire judiciaire afin d’être admis à participer à la procédure
Rev. dr. unif. 2011
315
Bénédicte François
collective. Selon l’article R. 622-24, al. 1er, les créanciers doivent remettre
leurs déclarations dans un délai de deux mois à compter de la publication du
jugement d’ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et
commerciales (BODACC). À l’avantage du crédit-bailleur, il est prévu que le
mandataire judiciaire, dans le délai de 15 jours à compter du jugement
d’ouverture, avertit les créanciers connus qu’ils doivent lui déclarer leurs
créances dans le délai précité (art. R. 622-21). Le risque de forclusion est ainsi
largement évité. En effet, le législateur a prévu que, s’agissant des créanciers
titulaires d’une sûreté publiée (clause de réserve de propriété, hypothèque…)
ou liés au débiteur par un contrat publié (tel le contrat de crédit-bail), le délai
de déclaration court à compter de la notification de l’avertissement personnel,
d’où l’on peut déduire qu’à défaut de notification, le créancier ne sera
quasiment jamais forclos… 94. Si néanmoins le crédit-bailleur était forclos, le
juge-commissaire peut le relever de sa forclusion s’il établit que sa défaillance
n’est pas due à son fait ou qu’elle est due à une omission volontaire du
débiteur lors de l’établissement de la liste des créanciers (art. L. 622-26, al.
1er). L’action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de
six mois (art. L. 622-26, al. 3). Ce délai court à compter de la publication du
jugement d’ouverture au BODACC. Pour les créanciers titulaires d’une sûreté
publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la
réception de l’avis qui leur est donné (art. L. 622-26, al. 3). En revanche, si
l’administrateur exige la continuation du contrat de crédit-bail, il doit verser
au crédit-bailleur les sommes promises afférentes à la mise à disposition du
bien postérieure à la date du jugement d’ouverture. Si tel n’est pas le cas, le
contrat de crédit-bail sera résilié de plein droit, ce qui évite que le créditbailleur voie s’accumuler des loyers impayés.
66. En second lieu, l’administrateur judiciaire qui a été mis en demeure
d’opter peut résilier de plein droit le contrat en cours. Notons que, jusqu’à
l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008, il pouvait être dans l’intérêt
du crédit-bailleur de ne pas mettre l’administrateur en demeure d’opter s’il
craignait que ce dernier résilie le contrat et s’il ne le souhaitait pas (par
exemple si les loyers étaient prélevés automatiquement sans difficulté).
Depuis cette ordonnance, l’administrateur peut demander la résiliation
judiciaire du contrat “si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne
porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant” (art. L. 622-13
IV). Bref, dans l’ensemble, le régime du crédit-bailleur ne diffère guère de
celui du créancier ordinaire.
94
316
V. Com. 7 juill. 2009, JCP éd. E 2010. 1011, chron. par M. Cabrillac et Ph. Pétel.
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
67. Restitution du bien au crédit-bailleur — Cependant le crédit-bailleur
dispose de la faculté de revendiquer le bien dans les trois mois suivant la
publication du jugement ouvrant la procédure collective (C. com., art. L. 6249). En effet, lorsque s’ouvre une procédure collective, il peut exister entre les
mains du débiteur en difficulté des biens qui ne sont pas sa propriété. L’action
en revendication permet au propriétaire d’une chose détenue par le débiteur
de faire reconnaître son droit de propriété et de soustraire son bien aux
créanciers.
68. De plus, la loi n°94-475 du 10 juin 1994 sur la prévention et le
traitement des difficultés des entreprises a introduit, à côté de la procédure de
“revendication”, une procédure allégée de “restitution” en faveur de certains
créanciers, notamment des crédit-bailleurs. Selon l’article L. 624-10, “Le
propriétaire d’un bien est dispensé de faire connaître son droit de propriété
lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l’objet d’une publicité”. Tel est le
cas du contrat de crédit-bail pour qu’il soit opposable aux tiers (art. L. 313-10
du Code monétaire et financier). L’article R. 624-15 du Code de commerce
précise que pour bénéficier des dispositions de cet article, les contrats doivent
avoir été publiés avant le jugement d’ouverture. S’agissant d’un contrat de
crédit-bail, le propriétaire du bien doit avoir fait publier le contrat avant le
jugement d’ouverture au registre ouvert à cet effet au tribunal de commerce
(art. R. 313-4 du Code monétaire et financier). En l’absence de mesures de
publicité, la dispense ne joue pas 95. En effet, la dispense de revendication
accordée aux crédit-bailleurs, qui leur permet de réclamer directement la
restitution du bien crédit-baillé en cas de procédure collective du locataire,
suppose certes que le contrat ait été publié avant le jugement d’ouverture (art.
L. 624-10 c. com.), mais aussi que la publication ait été accomplie dans le
respect des modalités fixées par les articles R. 313-3 et s. du Code monétaire
et financier. La publicité doit “permettre l’identification des parties et des
biens” (art. R. 313-3 c. mon. fin.).
69. Pour l’application de l’article L. 624-10, la demande en restitution est
faite par le propriétaire du bien — par lettre recommandée avec demande
d’avis de réception — à l’administrateur, s’il en a été désigné, ou, à défaut, au
débiteur (art. R. 624-14). Une copie de cette demande est adressée au
mandataire judiciaire. À défaut d’accord dans le délai d’un mois à compter de
la réception de la demande ou en cas de contestation, le juge-commissaire
peut être saisi à la diligence du propriétaire afin qu’il soit statué sur les droits
de ce dernier. Même en l’absence de demande préalable en restitution, le
95
Com. 11 mai 2010, n°09-14.048, D. (2010), 1276, obs. A Lienhard.
Rev. dr. unif. 2011
317
Bénédicte François
juge-commissaire peut également être saisi à cette même fin par
l’administrateur ou par le débiteur.
70. Il n’y a pas lieu à revendication si, sur décision du juge-commissaire,
le prix est payé immédiatement (art. L. 624-16, al. 4). Le juge-commissaire
peut également, avec le consentement du créancier requérant, accorder un
délai de règlement. Le paiement du prix est alors assimilé à celui des créances
postérieures de l’article L. 622-17.
71. Si les marchandises ont été vendues ou revendues avant le prononcé
du jugement d’ouverture, le revendiquant ne peut exercer sa revendication
chez le tiers acquéreur de bonne foi, dans la mesure où sa possession est
exempte de vice 96. Cependant, l’article L. 624-18 lui donne le droit de revendiquer entre les mains de l’acquéreur ou du sous-acquéreur le prix des biens
visés à l’article L. 624-16 qui n’a pas été payé, ni réglé en valeur, ni compensé
en compte courant entre le débiteur et l’acheteur à la date du jugement
ouvrant la procédure. Peut être revendiquée dans les mêmes conditions
l’indemnité d’assurance subrogée au bien. Le vendeur peut donc agir
directement en paiement contre le tiers acquéreur ou sous-acquéreur sans
avoir à subir la concurrence des autres créanciers. Deux conditions sont à
respecter : le bien doit avoir été vendu au tiers dans son état initial, sans avoir
subi aucune transformation ou incorporation à un autre bien avant la vente et
le tiers acquéreur ne doit pas avoir acquitté l’intégralité du prix au jour du
jugement d’ouverture. Tel est le cas d’un engagement cambiaire 97. Au cas de
revente, le vendeur primitif ne peut exercer ce droit que dans la limite de ce
qui est dû en exécution de la convention initiale, qu’il avait conclue avec
l’acheteur-revendeur 98.
72. Au demeurant, le revendiquant n’a pas l’obligation de déclarer sa
créance. Mais cette formalité est recommandée car, si la restitution n’aboutit
pas, elle permet au créancier de faire valoir ses droits dans la procédure
collective.
III. – RÉGIMES FISCAL ET COMPTABLE
73. L’ambiguïté de la nature du crédit-bail se retrouve en fiscalité (A) et
en comptabilité (B).
96
97
98
318
Com. 5 mars 1996, Bull. civ. IV, n°73.
Com. 9 janvier 1990, D. (1991), somm. 48, obs. Pérochon.
Com. 15 janvier 1991, Bull. civ. IV, n°31.
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
A.
FISCALITÉ DU CRÉDIT-BAIL
74. Ici encore, la France privilégie l’analyse juridique – et non
économique – selon laquelle l’opération de crédit-bail est une location
assortie d’une option d’achat (V. C. mon. fin, art. L. 313-7). Le fournisseur ne
bénéficie d’aucune mesure particulière. En revanche, le crédit-preneur et
surtout le crédit-bailleur se voient réserver un régime avantageux 99. En effet,
le crédit-bailleur pourra amortir le bien qu’il a acquis pour les besoins du
crédit-bail et dont il demeure propriétaire, bien que, par des clauses
contractuelles, il ait transféré les risques au crédit-preneur 100. Il y a lieu
d’étudier le régime fiscal applicable pendant le crédit-bail (1), puis lors de la
levée de l’option d’achat (2).
1.
Régime fiscal durant l’exécution du contrat de crédit-bail
75. Nous verrons le dispositif concernant le crédit-preneur (a) et celui du
crédit-bailleur (b).
a)
Crédit-preneur
76. À la différence de la plupart des prêts bancaires, le crédit-bail
mobilier permet de financer en totalité un investissement sans que soit exigé
un apport minimal. Il est vrai que le coût de cette technique se révèle
finalement supérieur à celui d’un crédit traditionnel.
77. Déductibilité des loyers — Les loyers de crédit-bail font partie des
charges déductibles pour l’entreprise. En principe, les loyers versés par le
crédit-preneur sont intégralement déductibles pour la détermination du
bénéfice imposable (CGI, art. 39) 101. Ils doivent être compris dans les charges
de l’exercice auquel ils se rapportent.
99 En outre, les opérations de crédit-bail portant sur un fonds de commerce ou un
élément isolé de ce fonds et celles portant sur des actions ou parts de SARL soumises à l’impôt sur
les sociétés (IS) relèvent d’un régime fiscal spécifique (CGI, art. 38 ter et 39, 8 ; CGI, art. 39
duodecies A, 7). En particulier, le crédit-bail pour l’acquisition d’actions ou de parts sociales
favorise la transmission progressive des actifs sociaux sans qu’il faille avancer des capitaux
importants pour acquérir la quantité d’actions ou de parts nécessaire au contrôle immédiat de la
société. Pour le crédit-preneur, seule la part des loyers correspondant aux frais financiers et non la
part du loyer prise en compte pour la fixation du prix de vente sera imposable.
100 À noter que, depuis le 1er janvier 2004, certaines dispositions du régime fiscal de
crédit-bail s’appliquent également aux opérations de location avec option d’achat portant sur des
biens de consommation courante loués à des particuliers (voitures, téléviseurs, etc.).
101 Lamy Fiscal 2010, éd. Lamy, n°1368.
Rev. dr. unif. 2011
319
Bénédicte François
Cette déductibilité des loyers est un avantage non négligeable - a fortiori
si la durée de remboursement est brève en raison, notamment, de l’obsolescence rapide du bien crédit-baillé. Mais elle tient compte insuffisamment
des risques supportés par le crédit-preneur. Nous verrons que les biens créditbaillés doivent être comptabilisés au bilan du crédit-bailleur et sont amortis
par ce dernier (art. 311-2 du Règlement n°99-03 du 29 avril 1999 du CRC
relatif au Plan comptable général). Les instances françaises de la Comptabilité
n’ont pas modifié cette approche. Toutefois, dans son avis n°2006-C du 4
octobre 2006, le Conseil national de la comptabilité ((CNC), devenu, en 2010,
l’Autorité des normes comptables (ANC)) a estimé que, lorsque la charge de
renouvellement ou de remplacement des biens pris en crédit-bail incombe au
crédit-preneur, il appartient à ce dernier de comptabiliser, dans ses comptes
individuels, les composants à la date de leur renouvellement ou remplacement effectif et de les amortir sur leur durée d’utilisation (CNC, Avis n°2006-C
du 4 octobre 2006 du Comité d’urgence afférant à l’interprétation des
dispositions de l’avis n°2004-15 du 23 juin 2004 du CNC, relatif à la
définition, la comptabilisation et l’évaluation des actifs, excluant, dans les
comptes individuels, “les contrats de location au sens d’IAS 17” du champ
d’application du règlement n°2004-06 du CRC 102. Le crédit-preneur qui aura
effectué des dépenses de gros entretien ou de réparation ayant la nature de
composants devra les porter à son bilan et les amortir sur leur durée
d’utilisation, alors que, le contrat n’étant pas arrivé à son terme, il n’est pas
propriétaire du bien 103.
78. Taxe sur la valeur ajoutée — Une société qui entreprend une
nouvelle activité évite, en recourant au crédit-bail, le décalage qu’elle pourrait
connaître entre la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qu’elle paie sur ses achats et
la TVA collectée sur ces ventes. En effet, lorsqu’une société achète du matériel
ou des biens d’équipement, elle risque d’avoir à payer sur ses achats une TVA
supérieure à la TVA collectée sur ses ventes.
79. Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) — L’article 2
de la loi n°2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 a
supprimé la taxe professionnelle à compter du 1er janvier 2010. Celle-ci est
remplacée par une contribution économique territoriale (CET) à deux
composantes : la cotisation foncière des entreprises (CFE), fondée sur les biens
passibles de taxes foncières, et la cotisation sur la valeur ajoutée des
102 Consultable sur : <http://www.cnc.minefi.gouv.fr/directions_services/CNCompta/
comiteurgence/2006/cu06c.pdf>).
103 Lamy Fiscal 2010, supra note 101, n°1371.
320
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
entreprises (CVAE), dont le taux est fixé au niveau national selon un barème
progressif mis en œuvre sous forme de dégrèvement. Les personnes assujetties
à la CVAE sont celles qui, d’une part, exercent à titre habituel une activité
professionnelle non salariée au sens de la cotisation foncière des entreprises
et, d’autre part, réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 152 500 euros HT. Si
leur chiffre d’affaires est compris entre 152 500 et 500 000 €, les assujettis
n’acquittent aucune CVAE car leur cotisation est entièrement dégrevée.
80. Des dispositions particulières existent pour le crédit-bail (CGI, art.
1586 ter à 1586 nonies) 104. S’agissant des charges à retenir pour le calcul de
la valeur ajoutée, les loyers et redevances, qui doivent être comptabilisés dans
les comptes 612 et 613 du plan comptable général, afférents aux biens
corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six
mois ou en crédit-bail, ne sont pas admis en déduction de la valeur ajoutée.
Pour que s’applique l’exclusion du droit à déduction des loyers et redevances
de la valeur ajoutée de l’assujetti à la CVAE, il convient que soient remplies
les conditions cumulatives ci-après : – la convention conclue par l’assujetti
doit être une convention de crédit-bail (ou de location, ou de sous-location,
ou de location gérance) ; – elle doit porter au moins en partie sur la mise à
disposition de biens corporels ; – elle doit avoir une durée de plus de six
mois, sauf s’il s’agit d’une convention de crédit-bail pour laquelle aucune
durée minimale n’est prévue ; – aucune déduction n’est admise au profit de
l’assujetti qui prend les biens en crédit-bail (ou en location-gérance) et les
donne en sous-location.
81. Quant aux dotations aux amortissements pour dépréciation, la
déduction de ces charges est autorisée uniquement lorsque les biens corporels
auxquels elles se rapportent sont donnés en crédit-bail (ou sont donnés en
location pour une durée de plus de six mois ou font l’objet d’un contrat de
location-gérance), et ce quelle que soit la situation du locataire au regard de la
cotisation foncière des entreprises. Le droit à déduction des dotations aux
amortissements pour dépréciation ne s’applique qu’en proportion de la seule
période de crédit-bail (ou de location, sous-location ou location-gérance).
82. En définitive, la notion de produits et charges d’exploitation bancaire
supporte des entorses notables par l’exclusion de six postes de produits et de
charges d’exploitation relatifs aux plus et moins-values de cessions sur
104 Direction générale des finances publiques, Notice pour remplir la déclaration de la
valeur ajoutée et des effectifs salariés (élément de répartition de la cotation sur la valeur ajoutée
des entreprises), N°1330-CVAE-NOT (2010), <http://www.impots.gouv.fr/portal/deploiement/p1/
fichedescriptiveformulaire_6225/fichedescriptiveformulaire_6225.pdf>).
Rev. dr. unif. 2011
321
Bénédicte François
immobilisations, aux provisions sur immobilisations données en crédit-bail ou
location simple et aux provisions spéciales, notamment en retenant, au titre
des produits d’exploitation bancaire, les reprises de provision et en ne
reprenant pas, au titre des charges, les dotations auxdites provisions 105. Ainsi
ne sont pas retenues, pour les crédit-bailleurs, qui relèvent de l’article 1586
sexies III, les plus ou moins-values de cessions d’immobilisations et les autres
charges de gestion courante qui sont par ailleurs retenues pour les loyers
relevant du I du même article. Cette non-prise en compte ajoutée à la nonprise en compte des provisions spéciales (CGI, art. 39) empêche de
reconstituer l’équivalent d’une marge de crédit, défavorisant ainsi le calcul de
la valeur ajoutée du crédit-bail. Lors des travaux préparatoires, le Sénat avait
souhaité neutraliser l’avantage comparatif dont les banques bénéficient par
rapport aux loueurs de longue durée non bancaires ou aux GIE de
financement 106.
83. Par symétrie, les reprises sur provision de même nature ont été
exclues du chiffre d’affaires. Mais, pour le calcul de la valeur ajoutée, le
chiffre d’affaires est majoré des reprises de provisions spéciales, ce qui revient
à annuler leur exclusion du calcul de la valeur ajoutée. Selon l’Association
française des sociétés financières (ASF), le texte conduit à taxer “non pas la
valeur ajoutée de l’établissement mais une part de son capital et revient à ne
plus pouvoir doter en IS ce type de provisions, faute de créer un flottement
rédhibitoire en matière de cotisation économique territoriale (CET)” 107.
L’Association a estimé que cette loi ne lui donnait pas pleinement satisfaction
et a souhaité qu’une loi de finances rectificative puisse mieux appréhender les
particularités du financement par crédit-bail, notamment dans la définition de
l’assiette servant au calcul de la valeur ajoutée et modifier ainsi l’article 1586
sexies III du Code général des impôts dans un sens plus favorable 108.
84. Cession du contrat de crédit-bail — La plus-value réalisée lors de la
cession d’un contrat de crédit-bail mobilier est soumise au régime des plusvalues professionnelles (CGI, art. 39 duodecies s.) 109.
105 Rapport ASF 2009 (juin 2010), 51, <http://www.asf-france.com/SDoc/Rapport_annuel/
PUBRapport2009.pdf>.
106 Rapport ASF 2009, Ibid.
107 Ibid.
108 Lettre de l’ASF, n°142 (mars/avr. 2010), 15.
109 Lamy Fiscal 2010, supra note 101, n°1372.
322
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
b)
Crédit-bailleur
85. Perception des loyers — Le crédit-bailleur va constater un produit
égal aux loyers qu’il percevra, ce qui lui permettra d’amortir le bien créditbaillé. Ces loyers doivent être compris dans les produits de l’exercice auquel
ils se rapportent 110. Le crédit-bail constituant une prestation continue au sens
de l’article 38, 2 du CGI, les produits doivent être pris en compte au fur et à
mesure de leur exécution.
86. Comptabilisation des biens donnés en crédit-bail — Selon les règles
comptables applicables aux exercices ouverts avant le 1er janvier 2005, la
comptabilisation d’un actif au bilan était subordonnée à la condition que
l’entreprise en soit propriétaire – au sens juridique du terme. Les biens donnés
en crédit-bail étaient donc inscrits au bilan du crédit-bailleur. Or, le règlement
no 2004-06 du 23 novembre 2004 relatif à la définition, la comptabilisation et
l’évaluation des actifs du Comité de la Réglementation comptable (CRC)) a
adopté une nouvelle définition de l’actif fondée sur la notion de contrôle :
“Un actif est un élément identifiable du patrimoine ayant une valeur
économique positive pour l’entité, c’est-à-dire un élément générant une
ressource que l’entité contrôle du fait d’événements passés et dont elle attend
des avantages économiques futurs” (nouv. art. 211-1 du Règlement n°99-03
du 29 avril 1999 du CRC relatif au Plan comptable général).
87. L’entrée en vigueur de cette disposition pour les exercices ouverts
depuis le 1er janvier 2005 aurait dû conduire à l’inscription des biens créditbaillés (immobilisations) à l’actif du bilan du crédit-preneur puisque ce dernier
en exerce effectivement le contrôle. La créance de location aurait figuré à
l’actif du bilan du crédit-bailleur.
88. Néanmoins, dans l’avis no 2004-15 du 23 juin 2004 explicité par
l’avis du Comité d’urgence n°2006-C du 4 octobre 2006, le Conseil national
de la comptabilité (CNC) (désormais l’Autorité des normes comptables) a
expressément exclu “tous les contrats de location au sens d’IAS 17 ainsi que
les contrats de louage de marque et de brevet” (dont les contrats de créditbail) du champ d’application des nouvelles règles comptables 111. La non110 Id., n°1375.
111 V. CNC, Avis n°2006-C du 4 octobre 2006 du Comité d’urgence afférant à
l’interprétation des dispositions de l’avis n°2004-15 du 23 juin 2004 du CNC, relatif à la définition,
la comptabilisation et l’évaluation des actifs, excluant, dans les comptes individuel, “les contrats
de location au sens d’IAS 17”, du champ d’application du règlement n°2004-06 du CRC,
<http://www.cnc.minefi.gouv.fr/directions_services/CNCompta/comiteurgence/2006/cu06c.pdf>
.
Rev. dr. unif. 2011
323
Bénédicte François
application du critère du contrôle conduit à comptabiliser les opérations de
crédit-bail selon le critère de la propriété juridique. Il en résulte que les biens
donnés en crédit-bail restent comptabilisés à l’actif du crédit-bailleur et non
du crédit-preneur.
89. En outre, le règlement no 2004-06 du 23 novembre 2004 précité a
indiqué que “Les éléments principaux d’immobilisations corporelles devant
faire l’objet de remplacements à intervalles réguliers, ayant des utilisations
différentes ou procurant des avantages économiques à l’entité selon un rythme
différent et nécessitant l’utilisation de taux ou de modes d’amortissement
propres, doivent être comptabilisés séparément dès l’origine et lors des
remplacements” (nouv. art. 311-2 du Règlement n°99-03 du 29 avril 1999 du
CRC relatif au Plan comptable général) 112. Selon l’avis no 2006-C du 4 octobre
2006, mentionné plus haut, du CNC, quand la charge de renouvellement ou
de remplacement incombe contractuellement au crédit-preneur, il appartient à
ce dernier de comptabiliser, dans les comptes individuels, les composants à la
date de leur renouvellement ou remplacement effectif et de les amortir sur
leur durée d’utilisation. En conséquence, les crédits-bailleurs qui transfèrent
ainsi la charge de renouvellement/remplacement, n’ont pas à procéder à la
décomposition initiale par composants lors de l’acquisition de
l’immobilisation. En revanche, lorsque les crédits-bailleurs conservent la charge
de renouvellement/remplacement des biens crédit-baillés, ils doivent
appliquer la méthode de comptabilisation des actifs par composants dès
l’inscription du bien à leur actif.
90. Amortissement des biens loués — Le règlement n°2002-10 du 12
décembre 2002 du Comité de la réglementation comptable relatif à l’amortissement et à la dépréciation des actifs s’applique aux opérations de crédit-bail
pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2005.
91. Dans son avis n°2006-C du 4 octobre 2006 déjà cité, le Conseil
national de la comptabilité (désormais l’Autorité des normes comptables)
précise que “Suite à l’exclusion des contrats de location du champ d’application du règlement n°2004-06 du CRC, et dont les règles de comptabilisation
ne sont pas modifiées, il a été décidé de maintenir les règles d’amortissement
en vigueur pour les immobilisations comptabilisées par le crédit-bailleur”. Le
crédit-bailleur amortit donc le bien crédit-baillé dans les conditions de droit
commun, le cas échéant selon le mode dégressif, sur leur durée normale
d’utilisation résultant des usages en vigueur dans le secteur auquel appartient
l’entreprise.
112 Lamy Fiscal 2010, supra note 101, n°1376.
324
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
92. Néanmoins, l’article 39 C, alinéa 4, du Code général des impôts
permet l’option pour un amortissement financier, réparti sur la durée du
contrat de crédit-bail. La dotation aux amortissements de chaque exercice est
alors égale à la fraction du loyer, acquise au titre du même exercice, qui
correspond à l’amortissement du capital engagé pour l’acquisition des biens
amortissables donnés à bail. Pour les exercices ouverts avant le 1er janvier
2005, l’option concernait toutes les entreprises réalisant des opérations de
crédit-bail ou de location avec option d’achat, y compris à titre occasionnel.
L’avis n°2006-C du Comité d’urgence du CNC réserve désormais cette option
aux seules sociétés réalisant des opérations de crédit-bail et de location avec
option d’achat retraitées en location-financement en cas d’établissement de
comptes consolidés, ce qui revient à limiter cette possibilité aux établissements financiers 113.
93. En droit français, la possibilité pour le crédit-bailleur, propriétaire du
bien crédit-baillé, d’amortir ce dernier s’applique quelle que soit la nationalité
du crédit-bailleur. Dans le cadre de leasings internationaux, il est intéressant
fiscalement que le contrat de crédit-bail soit rattaché au droit français afin de
bénéficier du double amortissement (double dip) du bien crédit-baillé : le bien
est amorti au profit du crédit-bailleur en France et au profit du crédit-preneur
si l’autre pays appartient à un système qui adopte une approche économique
du crédit-bail fondée sur le transfert des risques et la propriété économique
(economic ownership). L’Administration fiscale française paraît encline à
favoriser ainsi le développement des crédit-baux transfrontaliers. Elle accorde
même parfois des agréments fiscaux particuliers quant à la durée d’amortissement des biens loués (trains, bateaux, avions …) 114. Toutefois,
l’harmonisation des normes comptables européennes, notamment par la
norme IAS 17, va entraîner à terme la fin des montages “double
amortissement”, cette “optimisation” fiscale n’existant en réalité que par les
contradictions entre les législations française et étrangères (V. infra).94.
Provision pour perte et pour dépréciation — Depuis le 1er janvier 2000,
les crédit-bailleurs sont autorisés à constituer une provision pour perte afin de
prendre en compte la différence entre la valeur résiduelle du bien et le prix
convenu pour l’acceptation de la promesse de vente 115. Cette provision
fiscalement déductible est destinée à étaler la perte supportée en fin de contrat
113 Id., n°1377.
114 Me E. CHAPELLIER, Cabinet Linklaters, Le crédit-bail transfrontalier, risques et
opportunités fiscales, texte consultable sur le site de l’Association francophone de comptabilité :
<http://www.afc-cca.com/CHAPELL.pdf>.
115 Lamy Fiscal 2010, supra note 101, n°1378.
Rev. dr. unif. 2011
325
Bénédicte François
si le prix de levée de l’option se révèle inférieur à la valeur nette comptable
du bien donné à bail. Ces dispositions sont également applicables aux
entreprises qui pratiquent des opérations de location avec option d’achat pour
les contrats conclus depuis le 1er janvier 2004.
De même, une provision pour dépréciation peut être constituée par le
crédit-bailleur. En effet, la rupture d’un contrat de crédit-bail mobilier due à
des incidents de paiement, oblige le crédit-bailleur à reprendre les biens, alors
que ceux-ci n’étaient pas destinés à demeurer à son actif, d’où leur probable
dépréciation 116.
2.
Régime fiscal lors de la levée de l’option d’achat
95. Il convient d’examiner la situation du crédit-preneur (a) et celle du
crédit-bailleur (b).
a)
Crédit-preneur
96. Lorsque le crédit-preneur lève l’option d’achat, il inscrit le bien à son
bilan parmi les immobilisations et pour son prix d’achat (CGI, art. 239
sexies) 117. Le prix de revient est amorti en linéaire sur la durée d’utilisation du
bien. Il ne peut y avoir d’amortissement dégressif, puisque le bien est usagé.
Si le crédit-preneur souhaite céder le bien ainsi acquis, le résultat sera soumis
au régime des plus-values professionnelles (CGI, art. 39 duodecies A, 4).
b)
Crédit-bailleur
97. Corrélativement le bien crédit-baillé sort du bilan du crédit-bailleur.
Les plus-values réalisées par les entreprises effectuant des opérations de créditbail mobilier ou immobilier, ainsi que par les entreprises de location simple
d’équipements, au moment de la vente d’immobilisations au crédit-preneur
ou au locataire, sont exclues – ce qui constitue un avantage important – du
régime des plus-values professionnelles (CGI, art. 39 duodecies, 7)118.
B.
RÉGIME COMPTABLE DU CRÉDIT-BAIL
98. Pour le crédit-bailleur, propriétaire, le bien crédit-baillé est inscrit en
tant qu’immobilisation à l’actif du bilan (1). Toutefois, la réglementation
diffère si le crédit-bailleur établit des comptes consolidés, respectant alors la
116 Id., n°1379.
117 Id., n°1380.
118 Id., n°1382.
326
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
réalité économique de l’opération conformément aux normes comptables
internationales IAS (2).
1.
Régime de principe
99. Inscription du bien à l’actif du bilan du crédit-bailleur — Le
règlement no 2004-06 du 23 novembre 2004 du Comité de la Réglementation
comptable (CRC) relatif à la définition, la comptabilisation et l’évaluation des
actifs a adopté une nouvelle définition de l’actif fondée, non sur la propriété
du bien, mais sur la notion de contrôle de celui-ci : “Un actif est un élément
identifiable du patrimoine ayant une valeur économique positive pour l’entité,
c’est-à-dire un élément générant une ressource que l’entité contrôle du fait
d’événements passés et dont elle attend des avantages économiques futurs”
(nouv. art. 211-1 du Règlement n°99-03 du 29 avril 1999, modifié, du CRC
relatif au Plan comptable général). L’entrée en vigueur de cette disposition
pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2005 aurait dû conduire à
l’inscription des biens crédit-baillés à l’actif du bilan du crédit-preneur
puisque ce dernier en exerce effectivement le contrôle. La créance de location
aurait figuré à l’actif du bilan du crédit-bailleur.
100. Or, dans l’avis no 2004-15 du 23 juin 2004 explicité par l’avis du
Comité d’urgence n°2006-C du 4 octobre 2006, le Conseil national de la
comptabilité (CNC) (devenu, en 2010, l’Autorité des normes comptables) a
expressément exclu “tous les contrats de location au sens d’IAS 17 ainsi que
les contrats de louage de marque et de brevet” (dont les contrats de créditbail) du champ d’application des nouvelles règles comptables 119. La nonapplication du critère du contrôle conduit à comptabiliser les opérations de
crédit-bail selon le critère de la propriété juridique. Il en résulte que les biens
donnés en crédit-bail restent comptabilisés à l’actif du crédit-bailleur et non
du crédit-preneur. Ils figurent comme “Immobilisation” (classe 4) sous le
compte n°46 “crédit-bail et opérations assimilées”. Les produits sur opérations
de crédit-bail sont enregistrés dans les comptes de classe 7, sous le numéro de
compte 704.
101. La comptabilisation des opérations de crédit-bail fait apparaître chez
le crédit-bailleur une “réserve latente”, différence entre les amortissements
comptables et les amortissements financiers d’un bien, qui ne se font pas
obligatoirement au même rythme 120. Cette réserve constitue un outil
119 V. CNC, Avis n°2006-C du 4 octobre 2006, supra note 111.
120 GARRIDON, supra note 3, spéc. , 39 et s.
Rev. dr. unif. 2011
327
Bénédicte François
d’analyse pour interpréter les résultats d’une société de crédit-bail. Elle peut
aboutir soit à une anticipation, soit à un retard dans la détermination du
résultat comptable, et par conséquent fiscal.
102. Inscription du loyer en tant que charge pour le crédit-preneur —
Tant qu’il n’a pas levé l’option et n’est pas devenu ainsi propriétaire du bien,
le crédit-preneur ne peut faire figurer le bien crédit-baillé au bilan comme
immobilisation. Il ne bénéficie pas des amortissements et, en contrepartie, n’a
aucune inscription d’emprunt au passif, ce qui réduit l’endettement apparent
de l’entreprise 121. Les loyers de crédit-bail figurent sur une ligne spéciale du
compte de résultat (compte 612 “Redevances de crédit-bail”). Ils constituent
des charges d’exploitation qui sont passées en frais généraux et déduites des
bénéfices industriels et commerciaux.
103. Ainsi l’information que fournissent le bilan et le compte de résultat
sur la situation du crédit-preneur s’en trouve faussée puisque n’apparaît ni le
montant total de la dette, ni le poids de l’investissement. Il n’y a donc aucune
différence comptable entre le crédit-preneur et le simple locataire. Afin de
remédier à cet inconvénient, les sociétés qui ne bénéficient pas de la
présentation comptable simplifiée réservée aux petites entreprises (V. art. R.
123-200 du Code de commerce) doivent établir une annexe comptable qui
complète et commente l’information donnée par le bilan et le compte de
résultat (art. L. 123-13). En l’espèce, l’annexe mentionne l’encours des contrats
de crédit-bail 122.
104. Enfin, le CNC a admis que le crédit-preneur qui a effectué des
dépenses de gros entretien ou de réparation ayant la nature de composants les
porte à son bilan et les amortisse sur leur durée d’utilisation, alors que, le
contrat n’étant pas arrivé à son terme, il n’est pas propriétaire du bien 123.
2.
Cas particulier des comptes consolidés
105. Respect des normes comptables internationales (IAS) — Les règles
applicables en France pour l’établissement des comptes consolidés diffèrent
de celles précédemment énoncées (art. L. 233-16 du Code de commerce). En
effet, les sociétés qui établissent des comptes consolidés doivent respecter les
normes IFRS. En l’occurrence a été reprise la norme IAS 17 relative à la
121 Id., 42.
122 Le non-respect de ces obligations comptables est pénalement sanctionné par l’amende
prévue pour les contraventions de la 5e classe.
123 CNC, Avis n°2006-C du 4 octobre 2006, supra note 111.
328
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
comptabilisation des contrats de location (Accounting for leases). Cette norme
distingue la location opérationnelle de la location financière. Elle s’attache à
la réalité économique de la transaction plutôt qu’à la forme juridique du
contrat (“substance over form”). Elle implique de rechercher - sans qu’un
critère mathématique soit retenu comme pour les US GAAP/UK GAAP – si la
quasi-totalité des risques et avantages a été transférée au preneur. Si tel est le
cas, l’opération s’analyse en une location financière (finance lease) dont le but
est le financement de l’acquisition d’un actif.
106. Dès lors, il est procédé au retraitement du contrat de façon à
présenter les comptes de l’entreprise comme si elle avait acquis le bien par
emprunt. C’est ainsi que, dans les comptes consolidés, les entreprises
retrouvent, à l’actif, les valeurs des investissements et, au passif, l’équivalent
des sommes financées. Au début de chaque période de location, les preneurs
doivent comptabiliser les contrats de location-financement à l’actif et au passif
de leur bilan pour des montants égaux à la juste valeur du bien loué ou, si
celle-ci est inférieure, à la valeur actualisée des paiements minimaux au titre
de la location, déterminée au commencement du contrat de location. Le taux
d’actualisation à utiliser pour calculer la valeur actualisée est le taux d’intérêt
implicite du contrat de location si celui-ci peut être déterminé, sinon le taux
d’emprunt marginal du preneur doit être utilisé. Les coûts directs initiaux
encourus par le preneur sont ajoutés au montant comptabilisé en tant qu’actif.
Les paiements minimaux au titre de la location doivent être ventilés entre la
charge financière et l’amortissement du solde de la dette. Pour chaque période
comptable, un contrat de location-financement donne lieu à une charge
d’amortissement de l’actif amortissable et à une charge financière 124. Quant
au bailleur, il doit comptabiliser dans son bilan les actifs détenus en vertu
d’un contrat de location-financement et les présenter comme des créances
pour un montant égal à l’investissement net dans le contrat de location.
107. En ce qui concerne les contrats de location simple (operating lease),
la norme IAS 17 prévoit jusqu’ici que les paiements à ce titre doivent être,
pour le preneur, comptabilisés en charge sur une base linéaire pendant toute
la durée du contrat de location, à moins qu’une autre base systématique soit
plus représentative de l’échelonnement dans le temps des avantages qu’en
retirera l’utilisateur. Les actifs faisant l’objet de location simple doivent être
présentés au bilan du bailleur selon la nature de l’actif. Les revenus locatifs
provenant des contrats de location simple doivent être comptabilisés en
produits de façon linéaire sur toute la durée du contrat de location, à moins
124 V. Focus IFRS – IAS 17, “Contrats de location”, <http://www.focusifrs.com>.
Rev. dr. unif. 2011
329
Bénédicte François
qu’une autre base systématique soit plus représentative de l’échelonnement
dans le temps de la diminution de l’avantage retiré de l’utilisation de l’actif
loué. La méthode d’amortissement des actifs amortissables loués doit être
cohérente avec la méthode normale d’amortissement du bailleur applicable à
des actifs similaires et la dotation aux amortissements doit être calculée selon
IAS 16 et IAS 38.
108. Les conséquences en sont multiples. Les comptes des sociétés
françaises diffèrent, en matière de crédit-bail, selon que l’on considère les
comptes sociaux ou les comptes consolidés. Pour l’instant, il y a donc, en
France, deux réalités de la même opération et deux retranscriptions
comptables radicalement différentes. La lecture de l’endettement réel de
l’entreprise dépend donc largement du fait que ces opérations sont portées en
dette ou en simple engagement hors bilan.
109. Vers une réforme de la norme IAS 17 — Il y a lieu de signaler les
travaux relatifs à la révision de la norme IAS 17 125. La mise en œuvre de la
réforme est prévue pour 2011. Il s’agit de faire converger les normes de l’IASB
et du FASB américain. Un groupe de travail conjoint, présidé par le Professeur
Mc Gregor, a été mis en place. La distinction entre operating lease et financial
lease a abouti, au niveau mondial, à ce que 1 300 milliards de dollars de
biens financés en leasing (par exemple la flotte des avions des compagnies
aériennes) ne figurent pas au bilan des preneurs 126 ... Le nouveau modèle de
comptabilisation des opérations de leasing serait fondé sur le “droit d’usage”.
Il a été proposé que tous les contrats de location (operating lease et financial
lease) soient reconnus au bilan. Les preneurs devront reconnaître un actif qui
représentera leur droit d’usage du bien en location pendant la durée du
contrat ; une dette correspondante relative à leur obligation de payer des
loyers sera reconnue au bilan. Il a même été envisagé que les bailleurs soient
amenés à reconnaître aussi un actif provenant des contrats de location en
échange de leur droit de percevoir des loyers pendant la durée du contrat.
110. L’Association française des sociétés financières (ASF) a participé à la
consultation lancée, en mars 2009, par l’IASB et le FASB, en particulier
s’agissant de la comptabilisation du leasing chez le locataire 127. Elle a fait
part “de ses très vives inquiétudes sur l’impact que cette réforme pourrait avoir
125 Voir sur le dernier état des propositions : International Accounting Standard 17 Leases,
EC staff consolidated version as of 24 March 2010, <http://ec.europa.eu/internal_market/
accounting/docs/consolidated/ias17_en.pdf>.
126 Rapport ASF 2008 (juin 2009), 65.
127 IASB-FASB, Contrats de location. Vues préliminaires (mars 2009).
330
Unif. L. Rev. 2011
Le crédit-bail financier en France
sur le financement de l’économie, et notamment des PME” 128. Elle a présenté
sa position aux représentants de l’IASB, du ministère de l’économie, de
l’industrie et de l’emploi, du Conseil national de la comptabilité (devenu, en
2010, l’Autorité des normes comptables) et du MEDEF. En particulier, l’ASF a
indiqué qu’elle regrettait que le discussion paper de l’IASB et du FASB soit
presque intégralement consacré à l’étude de la comptabilisation chez le
locataire. Hostile par principe à l’inscription à l’actif du locataire d’une
quelconque valeur du bien pris en crédit-bail, l’Association concède que
l’inscription d’un droit d’usage à l’actif du locataire peut être une solution. Par
ailleurs, elle a estimé qu’il serait utile de réduire le champ d’application des
financial leases aux seules opérations ordinaires de financement de
l’équipement 129. En effet, lorsque le contrat comporte soit une clause de
transfert automatique de propriété, soit une valeur d’option d’achat tellement
faible que la probabilité d’une levée d’option par le client est très forte, le
contrat devrait être considéré comme un achat. De plus, l’ASF souhaiterait
faire reconnaître la distinction “core business/ non core business” afin
d’exclure tout ce qui relève du petit matériel de bureau (photocopieurs,
imprimantes …) et ainsi aucun droit d’usage ne figurerait au bilan des
locataires pour ces opérations. Enfin, l’ASF se rallie aux orientations de
Leaseurope qui écarte certains points n’emportant pas l’adhésion de tous ses
membres, notamment la question de l’amortissement de la valeur d’usage sur
la durée du contrat, que soutient l’ASF, contre la durée économique du bien.
111. L’Autorité des normes comptables a demandé que l’IASB procède à
une évaluation des coûts impliqués par cette réforme, spécialement pour les
contrats à très courte durée et que le Board publie un texte soumis à consultation sur la comptabilisation des contrats de location par les bailleurs 130.
L’ASF a mené plusieurs actions au niveau national via ACTEO et au niveau
européen via Leaseurope. L’IASB a reconnu que la notion d’ ”obligation de
performance” n’est plus considérée comme pertinente et que le modèle de
décomptabilisation est à étudier.
IV. – PERSPECTIVES
112. Ni le ministère de l’économie et des finances, ni le ministère de la
justice n’envisagent une réforme d’ensemble du crédit-bail. Nous
mentionnerons cependant divers projets sur des points spécifiques. Ainsi, dans
128 La lettre de l’ASF, n°139 (sept-oct. 2009), 19.
129 Rapport ASF 2008 (juin 2009), 66.
130 Id., 49.
Rev. dr. unif. 2011
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Bénédicte François
son rapport annuel paru en juin 2010, l’Association française des sociétés
financières (ASF) a indiqué quelques modifications en cours et exposé son
action 131. On relèvera plus spécialement la révision de la norme IAS 17.
Nous citerons également la suppression de la taxe professionnelle, remplacée
par la taxe sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : ce nouveau dispositif
ne prend pas suffisamment en compte la situation des crédit-bailleurs. En
outre, l’ASF s’intéresse à la réforme des directives fonds propres 2006/48/CE et
2006/49/CE avec la transposition des directives modificatives appelées “paquet
CRD2” (directives 2009/27/CE du 7 avril 2009, 2009/83/CE du 27 juillet 2009
et 2009/111/CE du 16 septembre 2009), ainsi que la réforme de Bâle II visant à
augmenter la qualité, la consistance et la transparence des fonds propres de
base 132. Au demeurant, l’ASF a mis en place un groupe de travail consacré au
financement des opérations d’installations photovoltaïques 133. Enfin, en
matière de crédit-bail immobilier, le nouveau régime de l’article 39
novodecies du Code général des impôts a instauré un dispositif optionnel
d’étalement de la plus-value réalisée dans le cadre d’une cession-bail. L’ASF
souhaiterait que ce régime ne soit plus applicable seulement jusqu’au 31
décembre 2010, mais qu’il soit prorogé voire pérennisé dans la loi de finances
pour 2011 134.
 

131 Rapport ASF 2009 (juin 2010), 40, texte consultable sur <http://www.asffrance.com/SDoc/Rapport_annuel/PUBRapport2009.pdf>.
132 Id., 41 à 44.
133 Id., 64. Lorsque le crédit-preneur est démarché par un tiers pour implanter des
panneaux photovoltaïques sur le toit de l’immeuble crédit-baillé, il arrive très souvent que le tiersinvestisseur souhaite obtenir des droits réels sur ces panneaux, voire sur la toiture. Cela lui
permettra non seulement de se garantir mais aussi de se financer auprès de ses propres
établissements de crédit. Or, de son côté, le crédit-bailleur immobilier ne désire pas être
propriétaire d’un immeuble dont le toit est grevé de droits réels au profit d’un tiers (difficulté en
cas de non-paiement des loyers …).
134 Id., 63.
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