Combiner grand écart et triple salto avant

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Combiner grand écart et triple salto avant
Source : LINK 7/2010
Conférence de Bienne, « Sport et service public », 18 septembre 2010
Combiner grand écart et triple salto avant
Le sport aujourd'hui et demain : quelle dose de service public SRG SSR se doit-elle d’injecter
dans ses chaînes de radio et de télévision sportives ? C'est à cette question qu’ont tenté de
répondre les participants réunis à Bienne pour une conférence sur le sport organisée par SRG
idée suisse Berne Fribourg Valais. Les recettes et les revendications ont fusé. Pour les
appliquer toutes, les acteurs de la télévision devraient en permanence combiner grand écart et
triple salto avant.
C'est avec un exposé aussi brillant que provocateur que Ludwig Hasler a ouvert la conférence. Si la centaine de
participants a souvent ri et souri, le philosophe et journaliste les a aussi amenés à réfléchir sur le sens du sport
aujourd'hui. Le conférencier, qui a avoué être un fan d'athlétisme, est aussi un fin observateur du sport et de son
évolution. D'entrée de jeu, il a frappé fort : «La ‘mission de service public’ ne saurait se limiter à quelques espaces de
diffusion destinées à des groupes qui, de toute façon, ne regardent jamais la télévision », avant de poursuivre : « Ce
qui fait vraiment le service public, c'est moins le quoi que le comment ». Selon lui, le service public, c'est « ne pas
prendre les gens pour plus bêtes qu'ils ne sont, mais leur donner de quoi être ou rester curieux, vifs, ouverts sur le
monde, capables de discernement – et non pas les maintenir à l’état d’êtres obtus, de groupies bourrés de clichés ».
Une attitude qui vaudrait aussi pour le service des sports, car le sport serait un un idéal et un reflet de la société, et
aussi un modèle et un miroir.
De la part de SRG SSR et de ses journalistes, il attend plus de recul par rapport à l’événement (« plus de
journalisme et moins de copinage »), un rajeunissement de l'équipe et un langage d'un meilleur niveau, nuancé et
avec une touche d’humour.
Dans son allocution de bienvenue, Hans Stöckli, maire de Bienne, n'y est pas allé par quatre chemins non plus : les
sportifs au même titre que les organisateurs sont avides de passages à la télévision. « Faut-il que la Formule 1 ou
tout autre sport populaire occupent tout le terrain ? » a demandé celui qui est aussi le président du CO de la Fête
fédérale de gymnastique 2013 – renvoyant la balle directement dans le camp d’Urs Leutert, directeur des sports à
SF. Dans son allocution, ce dernier a tenu à apporter quelques éléments de réponse à M. Stöckli. Montrer des
prestations de très haut niveau, diffuser les valeurs suisses et avoir une bonne image – telles sont les ambitions
des professionnels de Leutschenbach. M. Leutert a ensuite expliqué combien la situation est devenue complexe,
avec de plus en plus de compétitions, l’apparition de nouvelles disciplines, le marketing omniprésent, la
juridification croissante des droits, les liens et les imbrications de plus en plus fortes entre sport, économie et
médias, sans oublier la multiplication des chaînes sportives. C'est dans cet environnement complexe que SRG
SSR doit s’employer à préserver son indépendance journalistique. Avec son équipe, Urs Leutert veut être le chef
de fil du sport sur tous les vecteurs (TV, radio, Internet, téléphones portables, télétexte), se maintenir en bonne
place sur le marché et être un partenaire solide. D’un point de vue journalistique, les comptes rendus sportifs
s'appuient sur un concept en trois piliers : montrer les sportifs suisses de haut niveau dans le monde, diffuser les
principales rencontres sportives suisses et couvrir les événements internationaux. Et de conclure que la télévision
doit toujours effectuer une sélection rigoureuse et qu’elle ne peut pas tout diffuser.
L’argent, le nerf de la guerre
Parlant au nom de l’Union européenne de radio-télévision (UER/EBU), Marc Jörg a confirmé qu'il est de plus en plus
difficile pour un petit diffuseur comme SRG SSR de programmer ces grandes rencontres internationales. Le
responsable des droits sportifs de l’organisation à but non-lucratif qui regroupe des radiodiffuseurs européens et qui
couvre chaque année une centaine d'événements sportifs avec 12 000 heures d’images TV, a expliqué l’évolution du
marché. « Aujourd'hui, nous nous battons systématiquement avec les organisateurs à cause de l'argent ». Au niveau
mondial, le sport pèse 100 milliards, et les droits de diffusion pour les JO d'été à Londres coûtent 500 millions d'euros
à l’UER. Les prochains jeux de Sotschi en 2014 et Rio de Janeiro coûteront encore plus cher. Les intervenants sont
unanimes : les responsables de cette évolution sont les grandes fédérations internationales (CIO, FIFA, UEFA).
Pour Daniel Eckmann, directeur général adjoint de SRG SSR, le sport est tout simplement devenu trop cher. « La
course au toujours plus (toujours plus haut, toujours mieux) a fait évoluer le sport », mais cette commercialisation à
outrance représente selon lui un grand danger pour le sport en général : « l'argent froid conduit à la triche et tue la
passion ».
La télévision à elle seule ne fait pas la carrière d’un sportif
La conférence a également donné la parole à des sportifs. Gianna Hablützel-Bürki (escrime), Mario Rottaris
(hockey sur glace) et Urs Kolly (athlétisme) sont tombés d'accord, la télévision ne fait pas une carrière. Une
carrière, c’est avant tout une question de performances, d'engagement, d'entraînement et de personnalité. Que la
télévision et les médias jouent un rôle (notamment pour la recherche de sponsors), là -dessus, tout le monde est
d'accord.
Ueli Scheidegger
Encadré :
La conférence et les intervenants
La centaine de participants à la conférence de Biele ont été accueillis par Andreas Schefer (président SRG Berne
Fribourg Valais). Sont également intervenus Ludwig Hasler (philosophe et journaliste), Marc Jörg ( responsable des
droits sportifs EBU/UER), Urs Leutert (directeur Business Unit Sport SRG SSR) et Daniel Eckmann (directeur
général adjoint SRG SSR). Gianna Hablützel-Bürki (escrime), Urs Kolly (athlétisme) et Mario Rottaris (hockey sur
glace) ont participé à la table ronde. En chef d'orchestre de la manifestation, Lisa Humbert-Droz, en coopération
avec le secrétariat central de SRG SSR idée suisse.

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