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De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne DE LA COCAÏNE À LA LIDOCAÏNE Cours 4 – Passage à la lidocaïne Pr ARDISSON I. Cocaïne : premier anesthésique local A. Effets B. Structure chimique C. Orientation des recherches II. Lidocaïne : propriétés physico-chimiques, synthèse A. Propriétés physicochimiques B. Problématique de la synthèse C. Stratégie de synthèse III. Lidocaïne : relation structure-activité A. L'amide inversé par rapport à l'ester B. La lipophilie C. Le pKa D. Le Canal Ionique E. Formes thérapeutiques et emploi IV. Autres anesthésiques locaux A. Chlorhydrate de procaïne B. Analogues de la lidocaïne C. Évolution des recherches Ce document est un support de cours datant de l’année 2013-2014 disponible sur www.tsp7.net 1 De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne La classe thérapeutique des anesthésiques locaux et régionaux est définie par les produits capables de provoquer une anesthésie en interrompant la conduction nerveuse, mais du fait de leur toxicité générale (=si utilisés par une voie qui active l’ensemble du corps), ils ne sont employés que localement. Leur dénomination commune internationale comporte le suffixe « -caïne ». I. COCAÏNE : PREMIER ANESTHÉSIQUE LOCAL A. Effets La cocaïne exerce un effet excitateur sur le système nerveux central recherché par les toxicomanes, puis une paralysie à haute dose. Sur le système nerveux autonome, elle a un effet sympathomimétique avec mydriase et vasoconstriction. Elle est un anesthésique local puissant mais toxique. B. Structure chimique La cocaïne est un dérivé de l'ecgonine (= acide tropanol carboxylique), plus précisément elle est une méthylbenzoyl-ecgonine : l'ecgonine possède un squelette tropane caractéristique, composé d'une pipéridine (cycle à 6 chaînons dont un N), fusionné avec une pyrrolidine(cycle à 5 dont 1 azote), l'azote étant méthylé. (formules cours 1 : La ecgonine possède 2 substituants en CIS : un acide carboxylique en axial et un alcool en équatorial Dans la cocaïne, sur cette ecgonine sont ajoutées une fonction méthyle (ester méthylique) sur l'acide (en 2) et une fonction benzoate (ester benzoïque) sur l'alcool. (en 3) L’ecgonine est donc une molécule coudée avec deux substituants sur la face supérieure. C. Orientation des recherches La cocaïne est le premier anesthésique local, la conception de nouveau AL se font à partir de la cocaïne (rechercher ses effets sans sa toxicité). La recherche d'anesthésiques locaux de synthèse répond à plusieurs buts : différencier l'effet anesthésique des effets toxiques de la cocaïne, simplifier sa structure afin d'identifier ses groupements efficaces (amine tertiaire et ester benzoïque) et aussi pour s'affranchir de problèmes d'approvisionnements liés à la substance naturelle. Passage de la cocaïne à des eucaïnes toxiques (mais moins toxiques que la cocaïne tout de même) (on a toujours le cycle à 6 chaînons du tropane, mais on a perdu celui à 5 chaînons. On a conservé l'ester benzoïque ainsi que la substitution azotée. C'est de cette façon que l'on a réussi à obtenir des premiers dérivés simplifiés. Cependant leur toxicité les rendait impropre à une utilisation thérapeutique.) puis à la stovaïne (on a conservé l'amine tertiaire et l'esther benzoique, mais on a cassé le cycle à 6 chaînons du noyau tropane) qui est le premier AL. (mais n’a pas été utilisé dans un but thérapeutique.) La synthèse de la stovaïne se fait en 3 étapes (cours 1) : Ce document est un support de cours datant de l’année 2013-2014 disponible sur www.tsp7.net 2 De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne • Une substitution nucléophile (amine secondaire + halogénure d’alkyle) : substitution sur un nucléotide chargé (produit non chargé) ou non (produit chargé et donc nécessité d’une déprotonation) • Une addition nucléophile d’un dérivé organo-magnésien sur la fonction cétone (l’alcool tertiaire) : formation d’un carbone intermédiaire tétraédrique. • Une estérification (introduction de l’ester benzoïque) : en présence d’un catalyseur acide. Mais réaction réversible car l’eau attaque la liaison et produit un acide et un alcool. Pour supprimer la réversibilité : • Éliminer l’eau (difficilement réalisable). • Utiliser un dérivé d’acide qui conduit à la formation de HL- et non pas d’eau. D’autres dérivés ont été obtenus à partir de la cocaïne : La procaïne, premier AL synthétique utilisé en thérapeutique, a subi plusieurs changements important par rapport à la cocaïne: la disparition du bicycle tropane, la conservation de l'amine tertiaire mais substitué par des éthyles plus volumineux, la disparition de l'acide carboxylique et enfin la conservation de l'ester benzoïque formé à partir de l'alcool. La structure de la lidocaïne sera expliquée en détail dans la 2e partie. (encore simplifiée et possédant toujours l’activité anesthésique) On peut néanmoins montrer les points communs dans la structure de ces 2 AL synthèse, qui sont extensibles à toute la classe thérapeutique des AL : ils ont tous les 2 un pôle lipophile constitué ici d'un noyau aromatique, suivi d'une chaîne intermédiaire (jouant un rôle d’espaceur) de taille < 0,9nm qui les différencient, un ester pour la procaïne et un amide inversé ( = le carbonyle est relié à l’amine et non plus au benzène comme dans la procaïne, plus stable et donc plus actif physiologiquement) pour la lidocaïne et enfin un pôle hydrophile formé d'une fonction amine tertiaire basique, protonnée à pH physiologique en sel d'ammonium qui est plus hydrophile que la forme basique. NB : ester et amide sont isostères, ils ont la même polarité et occupent la même position dans l'espace, aussi l'amide ne garantit pas de différences d'activité pharmacologique, mais simplement empêche l'hydrolyse de la molécule (l'ester est beaucoup plus sensible à l'hydrolyse) : la lidocaïne a une durée d'action plus longue que la procaïne Ce document est un support de cours datant de l’année 2013-2014 disponible sur www.tsp7.net 3 De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne De nombreux anesthésiques locaux ont été synthétisés, et voilà un historique récapitulatif: • 1884: cocaïne, 1905: Procaïne, 1932: Dibucaïne. • 1933: tétracaïne toujours utilisée en pastilles contre les douleurs de gorges • 1948: lidocaïne qui est une révolution dans cette classe thérapeutique, à partir d'elle, les nouveaux AL synthétisés n'apportent que de petites améliorations • 1955: chloroprocaïne 1956: mépivacaïne 1960: prilocaïne 1963: bupivacaïne. • II. Découvertes rapprochées dues aux recherches menées pendant la seconde guerre mondiale. 1971: Etidocaïne, 1997: ropivacaïne, 1999: levobupivacaïne. LIDOCAÏNE : PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES, SYNTHÈSE A. Propriétés physicochimiques Par rapport à la procaïne il y a conservation de l'azote tertiaire et du noyau aromatique à l'autre pôle. La lidocaïne possède donc un noyau aromatique disubstitué en ortho par rapport à l'azote (2,6-xylidine), protégeant par gène stérique une fonction amide inversée (le noyau aromatique n'est plus substitué directement par le carbonyle) qui est donc résistante à l'hydrolyse, ainsi qu'une diéthylamine. L'azote de l'amide est hybridé sp2 et conjugué au carbonyle et au noyau aromatique, le carbone du carbonyle est hybridé sp2, et l'azote de l'amine est hybridé sp3, c'est cet azote qui porte la fonction basique. La lidocaïne est donc une base selon Brönsted avec un pKa (HNR3+/ NR3) de 7,94. (Dans la forme protonée le + se trouve sur l’amine tertiaire). La forme acide ou sel d'ammonium est la forme anesthésique active. Elle possède un pôle hydrophile et un pôle lipophile. Rappel : l'acide selon Lewis est accepteur d'un doublet (paire) d'éléctrons non liant, la base est donneuse de doublet alors que selon Brönsted l'acide est donneur de proton tandis que la base accepteuse de proton. → Amine sp3 = base selon Lewis. pKa = capacité d'une molécule à capter un proton. En solution, la lidocaïne est à l'équilibre entre la forme Base et la forme protonnée. Cet équilibre est régi par une constante, Ka : On peut connaître la proportion de la forme acide grâce à l'équation d'Henderson-Hasselbalch : Comme les différents fluides biologiques ont des pH différents, il en résulte que la lidocaïne aura des propriétés physico-chimiques et des proportions entre forme ionisée et non ionisée différentes selon le fluide dans lequel elle se trouve : En pourcentages Ce document est un support de cours datant de l’année 2013-2014 disponible sur www.tsp7.net 4 De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne B. Problématique de la synthèse Il faut d'abord choisir nos composés de bases, sachant que les 2 fonctions clés à synthétiser sont la fonction amide et la fonction amine tertiaire. On va donc utiliser une amine secondaire, une amine primaire aromatique (la 2,6 xylidine), que l'on doit relier par une fonction amide, les réactions envisagés sont des réactions nucléophiles d'addition-élimination, dans chaque réaction il nous faudra donc un nucléophile avec un électrophile. Classement de la réactivité des éléctrophiles (on ne mentionne pas l'acide carboxylique, il est inutilisable) : Pour l'amide l'idée de base serait de faire réagir une amine avec un acide carboxylique (bon éléctrophile), mais cela donnerait un sel inutilisable car l'amine est une base et la réaction acido-basique serait prépondérante. Pour l'éviter on n’a pas d'autre choix que d'utiliser un dérivé de la fonction acide carboxylique pour attaquer le nucléophile. (chlorure / anhydride d’acide tres bons nucléophile ). Pour la synthèse de l'amine (liaison C-N) tertiaire la réaction la plus simple est l'alkylation d'une amine secondaire (Sn2); nos molécules de bases sont donc : Une amine aromatique dérivée de l'aniline: 2,6-diméthylaniline dont le nom usuel est 2,6-xylidine (car propriétés de l'aniline et du xylène (=diméthylbenzène) ) : C'est une amine aromatique donc elle est peu nucléophile car le doublet de l'azote est délocalisé avec le noyau aromatique (N sp2) → il est donc nécessaire d'avoir un bon électrophile pour que la réaction d'addition se fasse. Une amine secondaire (diéthylamine) (sp3), très bon nucléophile car assez basique et avec un doublet bien localisé grâce à la di-substitution, mais cela entraîne un risque d'obtenir des mélanges d'amines tertiaires (voulus) et d'ammonium (produit secondaire, indésirable) avec des dérivés halogénés si la réaction n'est pas contrôlée. Le dérivé d'acide carboxylique qui nous servira à la substitution (Sn2) avec l'amine aromatique. Mais il faut comprendre que cette réaction se fera en 2 temps, d'abord une addition (nécessitant un X électronégatif) sur le carbone 2 suivi de l'élimination de X (qui est le groupement que l'on cherche pour augmenter l'efficacité de la réaction) gouverné par la polarisabilité (plus X- est stable et plus l’élimination est favorisée). Plusieurs facteurs influencent son efficacité: • L'éléctrophilie du carbonyle influence l'addition, et dépend de l'importance de la résonance (délocalisation des paires d’électrons de X à O) (elle doit être la plus faible possible) et de l'effet électronique de X (doit être attracteur pour augmenter l'électrophilie du C2). • L'aptitude nucléofuge de X- pour faciliter la β-élimination est liée à sa polarisabilité. Rappel : la polarité est la différence de répartition des charges négatives au sein d'une molécule, la polarisabilité est la capacité à se polariser à l'approche d'un réactif, c'est un moment dipolaire Ce document est un support de cours datant de l’année 2013-2014 disponible sur www.tsp7.net 5 De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne induit. La polarisabilité caractérise donc la facilité d'un atome à s’accommoder d'une charge négative. Elle augmente avec la taille de l'atome et avec son éléctronégativité. Polarité : C-F > C-Cl > C-Br > C-I Polarisabilité : C-I > C-Br > C-Cl > C-F Pour un acide, plus il est polaire plus il est fort, et plus il est polarisable plus il est fort. C'est la polarisabilité qui est prépondérante sur la polarité (HI est plus acide que HF) On peut donc en déduire que plus l'acide CY est fort, plus sa base conjuguée Y- est stable, plus Y- est un bon nucléofuge. Parmi les composés qui correspondent aux critères demandés, nous avons dans l'ordre décroissant d'efficacité d'abord l'halogénure d'acide avec par ex le chlorure d'acide car le Cl est très électronégatif, et est un bon nucléofuge car il devient Cl- après son élimination, une base stable (on ne prend pas un iodure d'acide car I- serait un trop bon nucléofuge); en 2e vient l'anhydride d'acide qui est surtout un très bon nucléofuge puisqu'il libère un simple carboxylate, qui est conjugué donc très stable; après viennent des composés beaucoup moins utiles dans notre cas comme l'ester, l'amide. C. Stratégie de synthèse Il y a 2 possibilités : soit on mélange l'amine aromatique avec le chlorure de chloroacétyle formant le composé A, puis on mélange A avec l'amine secondaire; ou alors on mélange l'amine secondaire avec le chlorure de chloroacétyle formant le composé B puis on mélange B avec l'amine aromatique. Ces 2 chaînes de réactions aboutissent-elles à la lidocaïne? Dans le 1er cas, la 2,6-xylidine est, comme nous l'avions dit précédemment, peu réactive (amine aromatique et encombrée), elle exercera donc une réaction prioritaire avec le carbone le plus électrophile, celui du carbonyle pour former l'amide recherché : (R = méta-xylène ici) Ensuite nous faisons réagir le composé A avec l'amine secondaire, qui ne peut pas attaquer le carbone du carbonyle car il est intégré dans la fonction amide mais seulement le C en alpha du carbonyle, pour former le chlorhydrate de lidocaïne attendu; de plus une nouvelle réaction sur un autre chlorure (lidocaïne + composé A) sera très difficile car l'amine est déjà très encombrée: Chlorohydrate de lidocaïne Pour la 2e chaîne de réaction possible, nous commençons par mettre en présence l'amine secondaire avec le dérivé chloré, les 2 molécules étant très réactives elles vont réagir rapidement et l'amine va attaquer majoritairement le C du carbonyle car c'est le plus électrophile, créant après élimination une amine tertiaire, mais pas celle attendue. De plus la réaction est difficilement contrôlable et il y a un grand risque de disubstitution sur le bon carbone cette fois ci : Ce document est un support de cours datant de l’année 2013-2014 disponible sur www.tsp7.net 6 De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne Lorsque l'on introduit la xylidine dans le mélange, elle va attaquer sur le carbone libre restant (le C1) et former un composé qui n'est pas la lidocaïne. Cet exemple illustre donc l'importance de l'ordre d'introduction des réactifs. III. LIDOCAÏNE: RELATION STRUCTURE-ACTIVITÉ La lidocaïne possède 3 parties indispensables pour son activité: L'amide inversé déterminant sa durée d'action, son groupement aromatique lipophile lui donnant sa puissance qui est liée à la lipophilie et l'amine tertiaire basique protonable définissant son pôle hydrophile qui importe pour son délai d'action. (rôle du pKa) A. L'amide inversé par rapport à l'ester L'ester est inactivé très rapidement in vivo par hydrolyse par des estérases plasmatiques, tandis que l'amide est inactivé moins rapidement par hydrolyse au niveau hépatique uniquement par des cytochromes P450 (=hémoprotéines à fer) → groupes d’Enzymes catalysant l’oxydation de substances organiques . Cela est dû à une différence de réactivité du carbonyle avec l'eau. La métabolisation de l'amide s'effectue en 2 temps : Ce document est un support de cours datant de l’année 2013-2014 disponible sur www.tsp7.net 7 De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne • • La 1ère étape est une simple N-déalkylation oxydante de l'amine tertiaire qui devient donc secondaire. La 2ème étape contient 3 réactions, une nouvelle déalkylation qui rend l'amine primaire, une hydroxylation en para de l'amine sur le noyau benzène et enfin une hydrolyse de l'amide donnant 2 métabolites inactifs: le diméthyl-para-aminophénol et la glycine, acide aminé. Les cytochromes P450 possèdent un atome de fer complexé par un hème (polycycle), et les réactions d'oxydations s'effectuent grâce au passage du fer de ferrique à ferreux. De plus la fonction amide de la lidocaïne est protégée par les 2 méthyles en ortho qui provoquent un encombrement stérique. On peut donc en conclure que le passage de l'ester à l'amide a permis d'augmenter la durée d'action (moins métabolisé, il reste plus longtemps dans l'organisme) de la lidocaïne. B. La lipophilie Lors de l'interaction entre un solvant et un soluté, que ce soit le mélange de 2 liquides ou la dissolution d'un liquide, la réaction est normalement spontanée si les interactions intermoléculaires conduisent à un système thermodynamiquement plus stable, en général si les 2 composés sont tous les 2 lipophiles ou tous les 2 hydrophiles. La membrane cellulaire étant faite à 90% de lipides, la diffusion passive selon le gradient de concentration des principes actifs (quel que soit le médicament) nécessite qu'ils soient liposolubles et qu'ils ne soient pas ionisés au pH plasmatique (c'est particulièrement vrai dans les cellules nerveuses, leur membrane étant particulièrement lipophile). Cependant si le composé est trop lipophile, il n'est pas soluble en milieu biologique; c'est le paradoxe de base de la pharmacologie intracellulaire et il y a donc nécessité d'un compromis entre lipophilie et hydrophilie. (trop hydrophile il ne passe pas la membrane). L'appréciation (expérimentale) du rapport lipophilie/hydrophilie ce fait par le coefficient de partage noctanol/eau ou plutôt son logarithme qu'on appelle log(P). Pour le calculer on mélange de l'eau (de densité 1), du n-octanol (de densité 0,827) et la substance étudiée : après décantation apparaissent 2 phases, 1 organique et 1 aqueuse et on mesure dans chaque phase la concentration du produit étudié : Phase organique Phase aqueuse Si P > 1, log(P) > 0 et le composé est plus lipophile (présent majoritairement dans la phase organique). Si P < 1, log(P) < 0 et le composé est plus hydrophile (présent majoritairement dans la phase aqueuse). Pour la lidocaïne log(P) = 2,4, elle est donc lipophile, ce qui facilite son passage à travers la membrane cellulaire, et donc augmente sa puissance et sa durée d'action. C. Le pKa On a vu que seule la forme non ionisée B passe la membrane, l'acide conjugué BH+ (puisque la lidocaïne est une base) reste dans le compartiment plasmatique. Le pKa de la molécule et le pH du compartiment considéré sont donc très importants ! La lidocaïne possède 2 azotes, mais l'azote de l'amide est hybridé sp2 et est de type Aryle-N et amide ce qui concoure à sa très faible basicité qui est ignorée. L'autre amine tertiaire aliphatique est basique avec un pKa de 7,94, il y a donc 2 formes en équilibre « NH+ » et « N ». Grâce à l'équation d'Henderson-Hasselbalch, on peut déterminer le % d'ionisation de la lidocaïne au pH physiologique (plasma=7,35), ce qui nous donne 80% de « NH+ », et au pH du cytoplasme des cellules neuronales, cible de la lidocaïne (=6,94), ce qui donne 90% de forme ionisée. Le compartiment plasmatique fait donc office de réserve avec 80% du produit restant, tandis que dans la cellule la majorité de la lidocaïne est active (90%), son pKa concoure donc à sa puissance et à son léger délai d'action. Cette différence de concentration crée un gradient permettant la diffusion. Ce document est un support de cours datant de l’année 2013-2014 disponible sur www.tsp7.net 8 De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne Récapitulatif: le pKa de la lidocaïne est de 7,94. Elle pénètre dans l'axone sous forme non ionisée, dans l'axone, la forme ionisée prédomine. Celle-ci peut alors réagir avec un site de liaison intracellulaire situé au contact du canal Na+. Il y a alors modification de la perméabilité membranaire au sodium car la lidocaïne freine le courant entrant de Na+ par obstruction et bloque le PA dans les tissus conducteurs. Cela empêche la dépolarisation brutale qui correspond à la naissance et à la propagation de l'influx nerveux. D. Le Canal Ionique (+ voir cours 3) Le canal ionique au Sodium possède un domaine membranaire avec des hélices alpha et un domaine extracellulaire beaucoup moins structuré. Elle possède en intracellulaire un domaine hydrophobe, un polaire et enfin un domaine chargé (carboxylates). Il s'agit d'une protéine pentamérique avec symétrie d'ordre 5. Lors du blocage, la Lidocaïne ionisée se place au milieu du canal à l'interface entre le domaine hydrophobe et le domaine polaire, la partie ammonium orientée vers le bas, vers les charges négatives. La séléctivité ionique se fait par la boucle P (jonction intramembranaire entre S5 et S6) : seuls le petits ions passent. La séléctivité se fait également par des acides aminés acides chargés négativement à ph physiologique (glutamate et aspartate) à l'intérieur du canal activé au niveau du pore. Le segment S4, riche en arginine chargée +, est prédominant au niveau du pore quand le canal est inactivé. Récapitulatif : La structure chimique conditionne la puissance de l'anésthésique (pka, lipohilie), sa durée d'action (chaîne intermédiaire ester ou amide, lipophilie) et son délai d'action (pka) Ce document est un support de cours datant de l’année 2013-2014 disponible sur www.tsp7.net 9 De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne E. Formes thérapeutiques et emploi Selon la pharmacopée européenne, la lidocaïne possède 2 formes distinctes: la lidocaïne Base, une poudre cristalline blanche, insoluble dans l'eau et très soluble dans l'éthanol et le dichlorométhane; et le Chlorhydrate de lidocaïne formé par mélange équimolaire d'HCl et de lidocaïne base, qui est aussi une poudre cristalline blanche mais très soluble dans l'eau et soluble dans l'éthanol, c'est sa forme thérapeutique (Sel de type acide fort – base organique moyenne). Le pH des solutions aqueuses acides est ajusté à pH 5,5 pour emploi pour ne pas provoquer de dommages tissulaires, mais suffisamment bas pour ioniser. Le chlorhydrate de lidocaïne à pH 5,5 est utilisé : • En anesthésie d'infiltration sous forme de solution à 5% en ORL et odontologie dans les anesthésies locales bien délimitées. • En anesthésie de surface sous forme de gel à 2% pour anesthésier les muqueuses sensibles et faciliter le passage des instruments pour endoscopies (acte invasifs) : voie orale pour bronchoscopie/gastroscopies et voies urétrale pour urétroscopie/sondages vésicaux. • En anesthésie loco-régionale avec une solution à 1% par voie intraplexique, péridurale ou intrarachidienne → Anesthésie d'une zone anatomique large avec sujet conscient en chirurgie. Surtout avec des analogues de la lidocaïne plus puissants et d'action plus prolongée. La lidocaïne possèdes quelques effets indésirables en cas de diffusion systémique (évitée par co-injection avec un vasoconstricteur (adrénaline, surtout en odonthologie) ) ou de surdosage induisant une toxicité graduable pour le SNC et l’appareil cardiorespiratoire (la liste des effets indésirables donnée par le prof n’est pas à connaître par cœur cette année). Pour cela elle est contre-indiquée en cas de troubles de la conductibilité auriculo-ventriculaire = blocs (car la lidocaïne favorise ces troubles); d'antécédents neuropsychiques graves ou de troubles hépatiques importants (métabolisme hépatique de la lidocaïne). IV. AUTRES ANESTHÉSIQUES LOCAUX A. Chlorhydrate de procaïne (1905) ester Sa puissance par rapport à la lidocaïne est diminuée d'un facteur 4. (il s'agit d'un ester très sensible à l'hydrolyse, beaucoup moins stable et puissant). Présenté sous forme de sel d'acide fort minéral et de base organique assez forte, ce qui fait que dans une solution aqueuse neutre il a une bonne tolérance par les tissus cutanés, il est donc un bon anesthésique d'infiltration (encore utilisé), un assez bon anesthésique de conduction et un mauvais anesthésique de surface abandonné aujourd’hui (ORL/muqueuses). Il a l'inconvénient de libérer par hydrolyse du groupe ester de l'acide para-aminobenzoïque ArNH2 très allergisantes provoquant des troubles cutanés voire des chocs allergiques. B. Analogues de la lidocaïne Ce document est un support de cours datant de l’année 2013-2014 disponible sur www.tsp7.net 10 De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne Levobupivacaïne et Ropivacaïne sont les les deux derniers AL apparus: ils possèdent 2 substituants plus volumineux sur l'azote tertiaire (chargé à pH physiologique), ce qui augmente le caractère lipophile et provoque un passage plus rapide des membranes. Il y a réapparition d'un centre asymétrique qui avait disparu sur la lidocaïne par rapport à la cocaïne. L'énantionère S est alors plus puissant et moins toxique au niveau cardiaque, ce qui en fait naturellement la forme thérapeutique. On peut quand même souligner que la structure générale de la lidocaïne est conservée (xylidine + amide inversé + amine tertiaire), car elle reste la référence en terme de structure-activité. Ces nouvelles molécules ne font qu’accroître la puissance (4 fois celle de la lidocaïne) et la durée d'action (3 fois celle de la lidocaïne). C. Évolution des recherches C = court(e), M = moyenne, L = long(ue), I = intermédiaire • • La Lidocaïne a un délai C car log(P) augmenté et pKa diminué par rapport à la référence que constitue la Procaïne, ce qui favorise la diffusion simple et diminue la durée d'action. Bupivacaïne et Ropivacaïne voient leur puissance très augmentée et leur durée d'action allongée car beaucoup plus hydrophobe. Le Pka reste constant et le délai d'action est intermédiaire. Lidocaïne + Prilocaïne forment une anesthésie de surface très efficace: Innovation EMLA « Eutetic Mixture of Local Anesthesics » = mélange eutectique (Les cristaux en mélange équimoléculaire ont la propriété de devenir liquides spontanément à T ambiante) des 2 anesthésiques locaux. La forme liquide permet un passage transcutané (émulsion avec eau). Après 1 heure, analgésie de la peau sur une profondeur de 3-5mm pendant 1-4h. Ce mélange est employé en anesthésie par voie locale de la peau saine avant ponctions lombaires/sternales ou chirurgie cutanée superficielle, en anesthésie des muqueuses génitales ou en anesthésie locale des ulcères de jambe par patch sur 10 cm². Articaïne : AL le plus utilisé en chirurgie dentaire : le pôle lipophile est un thiophène (cycle aromatique à 5 somment dont un soufre et 4 carbones). Il est légèrement plus acide que la lidocaïne (pka 7,8) et moins lipophile (logP 2,1). Sa puissance relative est de 5 (lidocaïne : 4), son délai d'action est court, sa durée d'action est courte également. Avertissement: ce document estun un support support dede cours datant de l’année 2013-2014. Seul le cours dispensé en fait foi pour11 le concours. Ce document est cours datant de l’année 2013-2014 disponible suramphithéâtre www.tsp7.net