Toux chronique de l`adulte
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Toux chronique de l`adulte
Exercice médical Toux chronique de l’adulte : la radiographie de thorax oriente vers 3 diagnostics La rhinorrhée postérieure, l’asthme et le reflux gastro-œsophagien regroupent plus de 80 % des cas. Paul LÉOPHONTE, Laurent LACASSAGNE, Service de pneumologie, hôpital Rangueil, 31403 Toulouse cedex 04. a toux est le troisième motif le plus fréquent de consultation d’un praticien généraliste [1]. Dans la plupart des cas, elle est la complication d’une infection respiratoire aiguë saisonnière, d’évolution favorable spontanément en quelques jours. La persistance d’une toux au-delà de 3 semaines définit par convention la toux chronique. Celle-ci n’est quelquefois qu’un symptôme parmi d’autres, évoluant dans un contexte évocateur du diagnostic. Elle peut être un signe d’appel isolé, et en apparence, résumer la maladie. Les patients examinés pour une toux d’origine non précisée représenteraient 10 à 38 % des consultants en pneumologie aux ÉtatsUnis [2]. L’interrogatoire et l’examen clinique Ils sont essentiels. Ils suffisent au diagnostic ou l’orientent significativement dans environ deux tiers des cas [2]. Parmi les facteurs environnementaux, on précisera : – le tabagisme (actif ou passif) ; – l’exposition à des polluants domestiques et professionnels et (ou) à des pneumallergènes dans un contexte d’atopie (personnelle ou familiale) ; – la prise de médicaments tussigènes. Ces facteurs peuvent s’intriquer à DR° L Diagnostic pathie interstitielle, etc.) justifiant des investigations spécifiques. L’examen ORL (jetage postérieur) peut orienter vers une pathologie sinusienne justifiant une imagerie (de préférence une tomodensitométrie des sinus à une radiographie standard qui apporte trop souvent des informations erronées). Une spirométrie avec tests pharmacodynamiques met en évidence une hyperréactivité bronchique en faveur d’un asthme (test à la métacholine en l’absence, à l’état basal, d’un trouble ventilatoire obstructif). Des tests allergologiques peuvent être effectués en cas de pathologie chronique ORL présumée allergique et d’asthme. Un syndrome clinique postural avec pyrosis oriente vers un reflux Une toux persistante au delà de 3 semaines est dite chronique. gastro-œsophagien, mais celui-ci peut être infracli– un syndrome asthmatique ; nique, mis en évidence seulement par – une bronchorrhée chronique ; une pH-métrie (complémentée par une – un pyrosis avec syndrome postural ; œsogastroscopie). – une dyspnée d’effort… Devant la négativité des explorations précédentes, le bilan est complété par une fibroscopie bronchique et évenLes examens tuellement des explorations cardiocomplémentaires vasculaires (à réaliser d’emblée si bien Quelques examens complémentaires sûr l’interrogatoire et l’examen clinique peuvent être nécessaires (fig. 1, d’après sont en faveur d’une cardiopathie). Irwin et al.). La radiographie thoracique vient au premier rang : anormale, elle oriente D’après plusieurs études concordantes vers une pathologie bronchopulmo[2-4], la toux chronique relève de naire (tuberculose, cancer, pneumod’autres causes (dont ils majorent les effets) ou être présents isolément, leur éradication suffisant à faire disparaître la toux. En fonction des étiologies qui sont le plus souvent en cause, l’interrogatoire recherche : – un épisode aigu infectieux récent des voies respiratoires ; – un jetage postérieur ; Objectif pédagogique : Comprendre la place prépondérante de l’interrogatoire et de l’examen clinique pour le diagnostic de toux chronique. Principales causes L A R E V U E D U P R AT I C I E N - M É D E C I N E G É N É R A L E — T O M E 1 3 — N ° 4 4 7 D U 1 ER F É V R I E R 1 9 9 9 149 Exercice médical 4 causes principales (fig. 2) : la rhinorrhée postérieure ; l’asthme ; le reflux gastro-œsophagien et les bronchopneumopathies chroniques obstructives (bronchite chronique et bronchectasies). L’ensemble de ces étiologies représente 80 à 90 % des causes de toux chronique. La rhinorrhée postérieure Diagnostic d’une toux chronique Interrogatoire et Examen clinique + Radiographie thoracique Anormale Normale Tabagisme Aérocontaminants environnementaux ou médicaments Rhinorrhée postérieure TDM sinus Pas de cause évidente Explorations spécifiques Spirométrie + test métacholine Elle est évoquée à l’interPositif Négatif rogatoire et confirmée dès Bilan Suppression l’examen pharyngé et rhiallergologique de la cause noscopique antérieur. La pHmétrie toux procède de plusieurs (± œsogastroscopie) mécanismes ORL intriqués (réflexes, mécaniques et Négatif inflammatoires) et d’une inflammation bronchique associée fréquente. En Endoscopie bronchique Exploration fonction des données de cardio-vasculaire l’imagerie, des explorations ORL complémentaires peuvent être envisa- Fig. 1 : Diagnostic d’une toux chronique. gées. Le traitement fait ponsable d’un syndrome asthmatiappel à des lavages du nez au sérum Le reflux gastroforme avec hyperréactivité bronchique physiologique, des décongestionnants œsophagien acquise en l’absence d’antécédents (éphédrine), une corticothérapie locale La toux procède de plusieurs mécarespiratoires et d’atopie. Il est la conséet éventuellement une antibiothérapie nismes s’intriquant : quence d’une exposition à des aéroen cas de suppuration. – un réflexe court œsotrachéobroncontaminants irritants. Dans ces deux chique ; cas frontières, le traitement, identique L’asthme – la stimulation de récepteurs des voies à celui d’un asthme, doit être prolongé Il vient au 2e rang, souvent fruste, aérodigestives supérieures ; durant plusieurs semaines. méconnu et confirmé par des tests – et éventuellement de récepteurs trapharmacodynamiques bronchiques au chéobronchiques après micro-inhalacours de la spirométrie. On retrouve tion. Ce dernier mécanisme est potenquelquefois à l’interrogatoire des antétialisé en cas d’hyperréactivité bronENCADRÉ I – PRINCIPALES cédents atopiques, une rhinite allerchique. CAUSES ORL DE TOUX gique, des manifestations d’oppression Le traitement fait appel à des mesures CHRONIQUE sibilante occasionnelle. La toux est posturales et hygiénodiététiques, des Cause principale : sèche, volontiers déclenchée par l’efmédicaments prokinétiques, antagoRhinorrhée postérieure fort, le froid, les irritants non spécinistes des récepteurs H2 à l’histamine fiques. Le traitement fait appel aux β2(anti-H2) ou des inhibiteurs de la Autres causes : stimulants et à la corticothérapie en pompe à protons. – Laryngite chronique spray. – Dysfonction des cordes vocales On a individualisé récemment des toux Les bronchopathies – Coqueluche chroniques postinfectieuses survenant – Tumeurs bénignes et malignes chroniques chez des sujets atopiques n’ayant pas – Compression extrinsèque, sténoses – Hypertrophie de la luette ou des amygLa bronchite chronique est souvent d’hyperréactivité bronchique, mais dales méconnue, et la toux (du fumeur) une éosinophilie dans l’expectoration. – Affections du conduit auditif négligée. Invalidante et au premier Une autre entité, le syndrome de dysplan du tableau clinique, elle doit faire fonction des voies aériennes [4] est res- 150 L A R E V U E D U P R AT I C I E N - M É D E C I N E G É N É R A L E — T O M E 1 3 — N ° 4 4 7 D U 1 ER F É V R I E R 1 9 9 9 Exercice médical Diagnostic d’une toux chronique rechercher un asthme intriqué. Les bronchectasies ne s’accompagnant pas toujours d’une bronchorrhée abondante, la toux peut en être le premier signe d’appel. L’inventaire des lésions implique, en complément de la radiographie du thorax, une tomodensitométrie et une imagerie des sinus. Causes de toux % 90 86 80 70 60 Les autres causes 50 Les principales autres causes figurent sur les encadrés I, II et III. Parmi les plus fréquentes, il faut mentionner la toux traînante postinfectieuse, et les toux médicamenteuses. 40 41 30 24 21 20 10 La toux traînante postinfectieuse 5 5 4 0 Rhinorrhée Asthme Reflux gastro- Bronchite Bronchectasie Divers Rhinorrhée post. La toux chronique succédant à postérieure œsophagien chronique Asthme +/ou reflux une infection aiguë saisonnière gastro-œsophagien est une situation relativement fréquente. Elle intrique plusieurs Fig. 2 : Principales causes de la toux (D’après Irwing et al. [2]). mécanismes : une rhinorrhée postérieure et une hyperréactivité quamation de l’épithélium bronchique de conversion. C’est une complication complexe impliquant le système non qui met à nu les terminaisons nerfréquente de ce traitement. Le mécaadrénergique non cholinergique. Lors veuses sensitives de la muqueuse nisme invoqué est l’accumulation de de l’épisode aigu initial, en général bronchique, les rendant vulnérables substances normalement dégradées d’origine virale, il se produit une desaux agents physiques, aux irritants par l’enzyme de conversion de l’andivers et aux pneumallergènes. Il s’engiotensine, comme la bradykinine qui suit une hyperréactivité bronchique stimule les récepteurs des fibres C du ENCADRÉ II – PRINCIPALES persistant quelquefois plusieurs système non adrénergique, non choliCAUSES BRONCHOsemaines durant la période de réparanergique. PULMONAIRES DE TOUX tion de la muqueuse. CHRONIQUE Le traitement fait appel aux vagolyLes causes associées tiques, aux corticoïdes en spray et (ou) Cause principale : L’association de plusieurs causes est au nédocromil. Dans bien des cas, la Asthme fréquente [2, 4]. Dans une étude portoux quinteuse, pénible, n’est calmée Autres causes : tant sur des malades souffrant d’une que par des antitussifs centraux – Trachéopathie spasmodique opiacés. – Toux post-infectieuse subaiguë ou infection chronique (tuberculose) – Bronchopathies chroniques (bronchopneumopathies chroniques obstructives, bronchectasies) – Dyskinésie bronchique – Corps étranger, fil de suture postopératoire – Tumeurs bénignes et malignes – Compressions extrinsèques, sténoses, fistule œso-trachéale ou bronchique – Pneumopathies interstitielles et fibroses – Syndrome de dysfonction des voies aériennes Les toux médicamenteuses La liste des médicaments responsables de pneumopathies médicamenteuses est considérable et s’allonge quotidiennement. En général, la toux n’est pas au premier plan. Elle peut être le signe d’appel dans le cas d’un asthme fruste après la prise de β-bloquants (quel que soit le mode d’administration, incluant les collyres) et résumer la symptomatologie au cours d’un traitement par un inhibiteur de l’enzyme ENCADRÉ III - CAUSES CARDIOVASCULAIRES DE TOUX CHRONIQUE Cause principale : Insuffisance ventriculaire gauche Autres causes : – Rétrécissement mitral – Hypertension artérielle pulmonaire – Anévrisme aortique – Médicaments à visée cardiovasculaire (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, β-bloquants, amiodarone) L A R E V U E D U P R AT I C I E N - M É D E C I N E G É N É R A L E — T O M E 1 3 — N ° 4 4 7 D U 1 ER F É V R I E R 1 9 9 9 151 Exercice médical toux chronique avec expectoration de plus de 30 mL de mucus par jour [5], on retient plus d’une cause dans 62 % des cas, et 3 dans 23 % des cas. Diagnostic d’une toux chronique Les 4 principales sont la rhinorrhée postérieure (41,2 %), l’asthme (24,7 %), le reflux gastro-œsophagien (15,5 %) et la bronchite chronique (11, 3 %). K EN PRATIQUE J La prise en charge d’une toux chronique implique un interrogatoire méthodique et un examen clinique au terme desquels le diagnostic est orienté dans plus de deux tiers des cas. J Quelques examens complémentaires hiérarchisés confirment les présomptions et permettent au total le diagnostic d’une ou plusieurs causes associées dans plus de 90 % des cas. J La radiographie thoracique est un examen clé. J Lorsqu’elle est normale, 3 diagnostics représentent à eux seuls plus de 80 % des cas : la rhinorrhée postérieure, l’asthme et le reflux gastro-œsophagien. J Trois examens complémentaires ont dans cette éventualité une grande valeur : la tomodensidométrie des sinus, la spirométrie (avec tests pharmacodynamiques) et la pH-métrie. 152 Références 1. Irwin RS, Widdicombe J, Cough. In : Murray JJ, Nadel JA (eds). Text book of respiratory medicine. Philadelphia : WB Saunders, 1994 : 529-44. 2. Irwin RS, Curley FJ, French CL. Chronic cough : the spectrum and frequency of causes, key components of the diagnostic evaluation, and outcome of specific therapy Am Rev Respir Dis 1990 ; 141 : 640-7. 3. Mello CJ, Irwing RS, Curley FJ. Predictive values of the character, timing and complications of chronic cough in diagnosis its cause. Arch Intern Med 1996 ; 156 : 997-1003. 4. Roche N, Huchon G. Du symptôme au diagnostic : toux. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Pneumologie, 6-090-A-15, 1997, 6 p. 5. Smymios NA, Irwing RS, Curley FJ. Chronic cough with a history of excessive sputum production. The spectrum and frequency of causes, key components ot the diagnosis evaluation, and outcome of specific therapy. Chest 1995 ; 108 : 991-7. L A R E V U E D U P R AT I C I E N - M É D E C I N E G É N É R A L E — T O M E 1 3 — N ° 4 4 7 D U 1 ER F É V R I E R 1 9 9 9