Métiers d`art et vente aux enchères

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Métiers d`art et vente aux enchères
COMPTE-RENDU DE LA CONFÉRENCE DU SAMEDI 14 SEPTEMBRE 10H30-11H30
Métiers d’art et vente aux enchères : une nouvelle donne ?
Intervenants
Maître Fabien Mirabaud, Commissaire-Priseur habilité chez Audap & Mirabaud,
maison de ventes aux enchères
Côme Rémy, Expert agréé par le Conseil des Ventes Volontaires
Charlotte du Vivier, Chargée du département des Arts décoratifs du XXe siècle
Modérateur
Armelle Malvoisin, Journaliste chez Beaux-Arts Magazine et blogueuse.
Armelle Malvoisin ouvre cette conférence consacrée à la place des métiers d'art dans
les ventes aux enchères. Depuis une dizaine d’années, les métiers d’art y ont fait leur
apparition. Ce mouvement s’est intensifié et aujourd’hui, il existe même des ventes aux
enchères spécialisées.
Elle présente les intervenants présents à ses côtés en commençant par Me Fabien
Mirabaud, commissaire-priseur, cofondateur de la maison de ventes aux enchères Audap &
Mirabaud. Passionné par les objets d’art contemporain, il a créé des ventes aux enchères
spécialisées sur la céramique.
Fabien Mirabaud confirme que si Audap & Mirabaud est une maison de vente
généraliste, solidement ancrée dans la tradition, elle a aussi souhaité se positionner en tant que
révélatrice de talents dans le domaine des Arts décoratifs. Dans cet esprit, elle a organisé une
vente aux enchères d'objets d'art appelée « vente savoir-faire », unique dans l'univers de
Drouot, qui a été un grand succès.
Lui-même collectionneur de céramique contemporaine, Fabien Mirabaud s'est attaché
à créer des spécialités en ce domaine à la maison de vente, avec le concours de Charlotte du
Vivier. Chaque année, des ventes sont organisées au début de l'été à l'occasion de salons,
notamment la foire de Saint-Sulpice.
Fabien Mirabaud souligne que les maisons de vente ne peuvent pas intervenir seules ;
selon lui, elles doivent se faire l'écho de la tendance générale. Aussi, Audap & Mirabaud
essaie de créer une synergie avec d'autres institutions et, à son échelle, de donner une
impulsion pour que les objets d'Arts décoratifs soient reconnus à part entière sur le marché de
l'art.
Fabien Mirabaud tient à décloisonner les genres et dans cette optique, il se refuse à
intituler une vente « Arts décoratifs contemporains ». Il considère qu'aujourd'hui, tous les
créateurs sont des artistes qui utilisent des moyens d'expression différents. Aussi, établir une
distinction entre les Arts décoratifs et les Beaux-Arts est une vision désuète. Il signale par
ailleurs que certains collectionneurs, qui n'ont pas forcément les moyens d'acheter des
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peintures ou des sculptures, peuvent se tourner plus facilement vers des objets d'art, plus
accessibles.
Armelle Malvoisin se tourne vers Côme Rémy, expert reconnu dans le domaine des
Arts décoratifs et des Arts appliqués, et lui demande de décrire son rôle en matière de ventes
aux enchères.
Pour lui expliquer sa profession, Côme Rémy la compare au monde médical : le
commissaire-priseur s'apparente au médecin généraliste et l'expert est le spécialiste. Il aide le
généraliste à définir l'objet et à le priser, après avoir établi des éléments d’identification. Le
commissaire-priseur et l'expert travaillent en équipe, car l'intervention de chacun est
nécessaire pour faire une bonne vente.
Armelle Malvoisin l'interroge sur les métiers d'art représentés à travers les objets dans
les ventes aux enchères. Côme Rémy explique que les Arts décoratifs recouvrent tous les
objets qui ne s'accrochent pas sur les murs d'une maison : les lustres, la vaisselle, les meubles,
les tapis, les lampes… Bien qu’elles puissent s'accrocher sur un mur, les tapisseries en font
partie.
Armelle Malvoisin s'enquiert de la provenance des objets qui sont présentés dans les
ventes aux enchères. Fabien Mirabaud souligne qu'une maison de vente aux enchères n'achète
pas les œuvres, contrairement aux marchands d'art. Il s'agit de faire l'intermédiaire entre l'offre
et la demande, par le biais de la salle des marchés, en garantissant une estimation objective et
juste du prix de l'objet.
Il existe divers canaux de provenance. Tout d'abord, il peut s'agir d'inventaires dans le
cadre d'une succession. Les collectionneurs qui souhaitent se séparer de leurs pièces prennent
également contact avec la maison de vente. En l'occurrence, il s'agit donc d'un second marché,
visant à redonner une nouvelle chance à l'objet.
Côme Rémy classe les causes de vente des objets en « quatre D » : divorce,
déménagement, dettes et décès. Quelle que soit la raison, c'est toujours l'objet qui prime.
Il précise que le premier marché est l'apanage des galeries, qui sont de véritables
partenaires pour les maisons de vente. Aussi, il ne s'agit pas de leur faire concurrence.
Toutefois, depuis quelques années, le commissaire-priseur a également le droit de vendre
directement pour le compte des artistes.
Quel que soit le canal de vente, Fabien Mirabaud revendique la position de la maison
de vente comme révélatrice de talents. Pour lui, certains créateurs d'aujourd'hui sont des futurs
grands noms de demain et il s'attache à essayer de leur donner une place dans le marché de
l'art, afin qu’ils soient référencés sur la scène internationale. Cependant, il insiste sur le fait
qu'il s'agit de vente volontaire : le commissaire-priseur ne force jamais l'artiste à vendre.
Fabien Mirabaud rappelle par ailleurs que le véritable métier des artistes est de créer et
non de vendre. Lorsqu'ils s’essaient à la vente directe, ils n'ont pas de véritable stratégie et ne
savent pas se mettre en valeur. Généralement, les galeristes parviennent à vendre les pièces à
des prix bien meilleurs, jouant ainsi un véritable rôle de promotion de l'artiste.
Le commissaire-priseur agit à un niveau encore différent. S'il ne fait pas la promotion
d'un seul artiste via une vente monographique, il permet de replacer la création contemporaine
dans son contexte grâce à des œuvres d'autres jeunes créateurs.
Armelle Malvoisin demande à Fabien Mirabaud et Côme Rémy de lui détailler le
processus d'expertise et de mise en vente d'un objet apporté par un particulier.
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Fabien Mirabaud indique que lorsqu'il voit arriver un client à son bureau avec un objet
d'art, il commence par essayer de l'identifier. Il fait appel à son expert pour authentifier la
signature de l'artiste.
Côme Rémy cherche alors sur l'objet la signature ainsi que le numéro de l'édition. Il
insiste pour que les artistes contemporains signent lisiblement leurs œuvres, ce qui permet
d'authentifier celles-ci beaucoup plus facilement.
La numérotation sur l'objet permet de savoir s'il fait partie d'une édition et d'avoir une
date de réalisation. En effet, pour lutter contre la contrefaçon, l'artiste tient un cahier dans
lequel il consigne les éditions, le nombre de tirages et le nom des acheteurs. Il existe ainsi une
traçabilité de chaque œuvre. L'identification du parcours de chacune d’elles accroît sa valeur.
Elle représente 30 % de son prix final en vente aux enchères.
Côme Rémy cite une anecdote pour prouver que la numérotation permet de protéger
l'artiste. Récemment, quelqu'un lui a apporté une tapisserie de Le Corbusier numérotée 6/6.
En vérifiant dans les archives de la Fondation Le Corbusier, il s'est rendu compte qu'il existait
trois tapisseries numérotées ainsi, car des retirages non autorisés par l'artiste avaient été
réalisés dans l'atelier. À la demande de la Fondation, les tapisseries ont été saisies et détruites.
En l'occurrence, l'exemplaire qui avait été présenté à Côme Rémy était un faux,
puisque la tapisserie 6/6 autorisée avait été vendue à un musée, mais parfois, il est très
difficile de savoir si l'objet que l'on a dans les mains fait partie des tirages autorisés ou non.
Le public demande si, dans ce cas, le propriétaire qui apporte l'objet en toute bonne foi
au commissaire-priseur peut être indemnisé. Fabien Mirabaud répond que lorsqu’un objet
d'art qui se révèle être un faux a été vendu lors d'une vente publique, l'acheteur bénéficie d'une
garantie : le commissaire-priseur lui rembourse l'objet.
En revanche, un commissaire-priseur ne peut pas savoir si l'objet qu'on lui présente
provient initialement d'un vol. Le mécanisme de vente aux enchères promet de protéger les
parties ; l'ancien propriétaire peut récupérer l'objet en indemnisant le nouvel acheteur, puis se
faire rembourser par l’assurance. Toutefois, si l'ouvrage a été acquis via des galeries ou s'il a
transité entre particuliers de la main à la main, aucun recours n'est possible. Seules les ventes
aux enchères offrent des garanties supplémentaires.
Côme Rémy précise que lorsque l'artiste est toujours vivant ou qu'il existe une
fondation qui gère les œuvres d'un artiste décédé, les archives sont déposées au Musée des
Arts décoratifs, ce qui facilite considérablement l'authentification.
Ensuite, l'expert doit fixer un prix. Pour cela, il s'appuie sur les tarifs pratiqués par les
galeries auparavant et sur les archives des ventes publiques. L'idéal est de retrouver trois
objets similaires vendus dans les cinq dernières années ; cela permet de fixer un prix moyen.
S'y ajoute la valeur donnée par l’appréciation personnelle de l'expert et par la tendance du
moment.
Côme Rémy souligne que la valeur finale qui est attribuée à l'objet ne sera pas celle
qui servira à déterminer le prix de départ des enchères. En effet, les gens viennent aux ventes
aux enchères pour faire une bonne affaire. Il faut donc appâter les acheteurs avec un prix de
départ plus bas que la valeur initiale. Cela permet d'attirer le maximum de clients potentiels et
donc de faire réellement monter les enchères, par le jeu de la concurrence entre les candidats à
l'achat. En général, un objet qui vaut 100 € et qui est proposé à 80 € a de bonnes chances
d'être vendu 110 à 120 €. S'il est mis en vente à 100 €, donc à sa valeur réelle, il y a gros à
parier qu'un seul acheteur se présentera ; il sera donc vendu à 100 €, pas davantage.
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Armelle Malvoisin demande s'il existe un système certifiant aux vendeurs que l'objet
ne sera pas bradé. Fabien Mirabaud répond que depuis quinze ans, il existe un outil légal
offrant une garantie au vendeur : c'est le prix de réserve qui ne peut être supérieur à
l'estimation basse fixée par le commissaire-priseur.
Afin qu'une relation de confiance soit établie, le vendeur doit donner un mandat clair
au commissaire-priseur. De toute façon, même si le prix est toujours fixé par le commissairepriseur — assisté par son expert — et non par le vendeur, les deux protagonistes ont le même
intérêt : vendre l'objet le plus cher possible tout en garantissant l'honnêteté de la transaction à
l'acheteur.
Armelle Malvoisin s'enquiert des frais dont doivent s'acquitter le vendeur et l'acheteur.
Fabien Mirabaud indique que le commissaire-priseur prélève une commission à l'acheteur
comme au vendeur afin de couvrir son fonctionnement courant, les frais inhérents à la vente
(location de salle, catalogue, etc.), de payer son équipe et de se rémunérer lui-même.
Les maisons de vente demandent généralement au vendeur 15 à 20 % du prix de l'objet
mis en vente. Fabien Mirabaud précise qu'il s'agit d'une moyenne ; lors de la vente d'une
œuvre très coûteuse, ces frais sont négociables. Ils relèvent d'une relation privée avec le
vendeur et en tant que tels, ils restent confidentiels.
En revanche, les frais que l'acheteur doit verser sont publics : au moment des enchères,
les personnes intéressées doivent en connaître à l'avance le montant pour l’intégrer au prix
final à payer. Ces frais sont donc indiqués dans les catalogues de vente. De plus, le
commissaire-priseur prend toujours soin de les rappeler en début de vente. Ils oscillent en
moyenne aux alentours de 25 %.
Même si toutes les maisons de vente n’en font pas usage, il peut exister une autre
pratique appelée le prix de rachat. Il s'agit d'un pourcentage de participation aux débours
demandé au vendeur en cas de non-adjudication. Pour sa part, lorsqu'un objet n'est pas vendu,
Fabien Mirabaud a pour habitude de lui laisser une deuxième chance et de le proposer à
nouveau lors d'une vente ultérieure.
Armelle Malvoisin demande s'il est possible d'acheter aux enchères sans être présent
physiquement dans la salle. Fabien Mirabaud lui confirme que l'acheteur peut enchérir par
téléphone ou par Internet. Il peut aussi confier un mandat d'achat au commissaire-priseur luimême ou à l'expert.
Fabien Mirabaud fait remarquer que tous ces dispositifs sont très encadrés par le code
déontologique des commissaires-priseurs, sachant que ceux-ci sont assujettis à un ordre
professionnel.
Armelle Malvoisin s’interroge sur les avantages et les inconvénients d'une vente
publique pour les objets d'art. Fabien Mirabaud y voit des avantages multiples. Tout d'abord,
cela permet une nouvelle diffusion des œuvres d'art sur des créneaux très différents, ce qui
leur donne une grande visibilité. Ensuite, les créateurs y gagnent une cote sur le marché
international. Enfin, grâce aux droits de suite prélevés par pourcentage sur chaque objet vendu
par des galeristes ou des commissaires-priseurs, les artistes peuvent constituer un patrimoine
pour leurs héritiers.
Armelle Malvoisin relève que ces droits de suite sont exigibles à partir de 750 €. Ils
représentent alors 4 % du prix de vente et sont dégressifs au fur et à mesure que le prix
augmente. Au-delà de 500 000 €, ils correspondent à 0,25 % du prix de vente.
Fabien Mirabaud signale que ce mécanisme ne fonctionne que dans le cadre du second
marché ; lorsque l'artiste vend lui-même, il ne touche pas de droits de suite puisque c'est lui
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qui perçoit directement le bénéfice de la vente, diminué des frais de commission. Seuls les
héritiers peuvent bénéficier des droits de suite à condition que l'œuvre soit produite en France,
par un artiste français (ou étranger résidant en France depuis au moins cinq ans). En effet, les
droits de suite sont régis par une loi française datant de 1920. Certains pays — comme les
États-Unis — ne reconnaissent pas les droits de suite. Néanmoins, il existe parfois des
conventions entre certains États, via des organismes collecteurs.
Le dispositif de droits de suite n'est pas automatique. Pour que leurs héritiers puissent
les percevoir, les artistes doivent se faire référencer auprès d'organismes collecteurs, le plus
grand en France étant la Société des Auteurs dans les Arts graphiques et plastiques (ADAGP).
À l'issue de la vente aux enchères, le pourcentage est reversé à cet organisme collecteur qui se
charge ensuite de le transmettre aux héritiers, moyennant des frais de gestion.
Fabien Mirabaud précise que ce dispositif s'applique également aux Arts appliqués et
décoratifs. Récemment, une maison de vente qui ne voulait pas payer les droits de suite sur
des objets d'art décoratif a été condamnée. En effet, un céramiste d’art est considéré comme
un artiste au même titre qu'un peintre ou un sculpteur.
Côme Rémy explique que l’ADAGP fait cependant une distinction entre l'objet unique
et l'objet à grande diffusion. Jusqu'à une époque récente, elle considérait que jusqu'à douze
exemplaires, il s'agissait d'une œuvre originale soumise à droits de suite, à condition que ces
exemplaires soient numérotés et signés. Un texte récent validé par les pouvoirs publics a
assoupli cette notion ; dorénavant, le nombre d'exemplaires peut aller au-delà de douze, mais
il doit rester limité et contrôlé par l'artiste lui-même.
Armelle Malvoisin est curieuse de savoir si les ventes aux enchères ont créé de
nouveaux acheteurs d'objets d'art. Fabien Mirabaud répond par l'affirmative. Il est appuyé par
Côme Rémy qui rappelle que certaines personnes n'achètent que dans les ventes publiques et
ne vont jamais dans les galeries.
Il s'agit d'un contexte porteur, car beaucoup d'acheteurs qui viennent avec l'idée
d'acheter le meuble d'un créateur peuvent se laisser séduire par une céramique d'un artisan
d'art dont ils n'avaient jamais entendu parler. Dans le même ordre d'idées, cela peut amener un
collectionneur d'objets du XVIIIe siècle à s'intéresser à la création contemporaine. Aussi, les
ventes aux enchères permettent aux artistes d'avoir des opportunités nouvelles sur le marché.
Armelle Malvoisin y voit aussi l'opportunité de créer des passerelles entre les
différents acteurs du marché de l’art contemporain décoratif, car après les ventes publiques, il
arrive souvent aux acheteurs d'aller découvrir le travail des artistes en atelier ou en galerie.
Pour illustrer ces propos, Côme Rémy présente des diapositives d'œuvres de Jérôme
Cordier, d’Erwan Boulloud et de Christel Sadde.
Charlotte du Vivier souligne que par ailleurs, la salle des ventes Drouot voit passer
6000 personnes par jour. Compte tenu du flot important de visiteurs, il peut s'avérer plus
facile pour un néophyte d'entrer à Drouot que de pousser la porte d'une galerie. Avec ses dix
salles de ventes aux enchères simultanées, Drouot constitue à lui seul un outil de
communication extraordinaire.
Charlotte du Vivier ajoute que Drouot s'est largement approprié les nouvelles
technologies. Toutes les ventes peuvent être réalisées en ligne, avec des enchères sur Internet.
Les résultats sont publiés, permettant ainsi une traçabilité. Les catalogues sont également
diffusés sur Internet pour que le public dispose de tous les éléments avant chaque vente.
Charlotte du Vivier évoque les ventes « savoir-faire » qui sont des ventes dédiées
faisant l'objet d’une communication particulière. Par conséquent, elles sont susceptibles
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d’attirer un autre public. Elle observe qu’aujourd’hui, les habitués des ventes aux enchères
recherchent plutôt des objets exceptionnels. La qualité et la créativité qu’offrent les objets
réalisés par les artisans d’art seront donc mises à l’honneur dans une salle des ventes.
Par ailleurs, Charlotte du Vivier revient sur la relation de la maison Audap &
Mirabaud avec les galeristes. Elle souligne que cette collaboration régulière est
incontournable et qu’elle contribue largement à la notoriété des artistes. Bien souvent, les
galeristes jouent le jeu et viennent soutenir les œuvres dans les ventes aux enchères.
Armelle Malvoisin l’interroge sur la date de la prochaine vente « savoir-faire ».
Charlotte du Vivier répond que cet événement demande beaucoup de temps de préparation.
La dernière a eu lieu en 2012. Elle espère que la prochaine sera en 2014.
Chaque année, en juin, la maison dédie une vente à la céramique contemporaine. Elle
ambitionne d’alterner des ventes « savoir-faire » et des ventes spécialisées sur le bijou
contemporain. Charlotte du Vivier signale que dès la mi-septembre, commenceront les
Circuits Bijoux organisés par Ateliers d’Art de France, avec cinquante événements se
déroulant à Paris dans des boutiques, des ateliers, des musées ou des salons. Ce parcours
s’achèvera par une vente aux enchères de bijoux, trois jours avant la Saint-Valentin, précédée
de cinq jours d’exposition. Charlotte du Vivier souhaite vivement qu’à cette occasion, la
dimension créative du bijou contemporain soit mise en avant à Drouot.
Armelle Malvoisin remercie les intervenants et ouvre le débat au public.
Isabelle Brunelin, responsable de la Galerie de l'Ancienne Poste (Yonne), spécialisée
depuis seize ans dans la céramique contemporaine, ne partage pas totalement le point de vue
de Fabien Mirabaud, Côme Rémy et Charlotte du Vivier. Comme assez peu de galeries
exposent de l'Art décoratif, le second marché souffre d'une pénurie d'offres. Du coup, elle
constate que les artistes qu'elle suit depuis plusieurs années sont de plus en plus sollicités par
les commissaires-priseurs pour vendre directement leurs pièces aux enchères. Or, comme
leurs plus belles œuvres ont été choisies par les galeries, les pièces confiées aux maisons de
vente sont souvent de moindre qualité.
Pour sa part, Isabelle Brunelin trouve ce phénomène gênant, car cela ne présente pas la
meilleure image du travail de l’artiste. Le danger principal est la baisse de la cote d'un artiste
sur le marché. À terme, un créateur risque de voir ses pièces refusées par toutes les galeries.
Fabien Mirabaud objecte qu'en dehors des galeries et des salles de vente, il existe
beaucoup de lieux dans lesquels les artistes vendent directement leurs pièces : foires,
expositions, boutiques, etc. Il reconnaît cependant que sans les galeries, il serait difficile de
faire exister le second marché. Pour sa part, il fait son possible, à son niveau, pour contribuer
à créer un véritable centre d'intérêt autour de la céramique contemporaine, car en ce domaine,
la France accuse trente ans de retard par rapport à l'Angleterre ou aux Pays-Bas.
Concernant la qualité inégale des pièces qui sont confiées aux maisons de vente par les
créateurs, Charlotte du Vivier estime que cela relève de l'exigence personnelle des artistes.
Isabelle Brunelin fait observer que ceux-ci connaissent rarement les lois du marché.
Armelle Malvoisin souligne que les professionnels ici présents ne donnent pas dans le
démarchage excessif vis-à-vis des artistes pour leur faire vendre leurs pièces aux enchères.
Elle engage les responsables de galerie à jouer un rôle préventif en conseillant aux créateurs
de ne pas s’adresser à n’importe quelle maison de vente.
Charlotte du Vivier signale que les ventes aux enchères peuvent représenter une
véritable opportunité pour certains artistes. Elle cite le cas du céramiste Antoine de Vinck qui
a suscité un regain d’intérêt lorsqu’une exposition sur ses œuvres a été organisée à Paris ; par
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la suite, les amateurs se sont remis à s’intéresser à son travail et les collectionneurs ont
ressorti certaines de leurs pièces signées par Antoine de Vinck pour les vendre aux enchères.
Charlotte du Vivier fait valoir que lorsque beaucoup de pièces circulent en salle de
vente, cela signifie que la cote de l’artiste existe. C’est la marque d’un marché sain et
dynamique. Elle ajoute que la maison Audap & Mirabaud essaie aussi de mettre en avant des
œuvres de créateurs peu connus, mais auxquels elle croit, avec des résultats souvent
surprenants.
Côme Rémy ajoute que si l’équipe s’entend bien avec un artiste, elle peut parfois
tenter la vente de quelques pièces un peu moins belles. Il faut toutefois veiller à ce que cela ne
se répète pas trop souvent, car depuis la fin des années 90, les résultats des ventes sont
enregistrés ; des pièces vendues trop bas contribuent à faire descendre la cote d’un artiste.
Parfois, cela fluctue en fonction des modes : par moments, certains aspects ne sont pas du tout
appréciés (dimensions, couleurs, etc.).
Une spectatrice demande comment un créateur de bijoux peut signer sa pièce. Côme
Rémy distingue deux sortes de créateurs : ceux qui dessinent les bijoux, mais qui ne les
fabriquent pas, et ceux qui les réalisent. Il existe donc deux systèmes : la signature de l’artiste
qui dessine les bijoux et le poinçon de maître de celui qui a exécuté la pièce, l’idéal étant de
faire les deux et d’apposer à la fois son poinçon et sa signature.
Côme Rémy précise que des archives existent lorsque le bijou sort de l’atelier, car en
France, les réalisations en métaux précieux doivent faire l’objet d’une description exhaustive
comportant notamment leur poids. Certains créateurs moulant leurs bijoux, il existe même des
moules permettant d’authentifier les pièces en plus des archives, des dessins, des photos et des
numérotations.
Armelle Malvoisin remercie la salle d’avoir participé à ce débat et salue les
intervenants.
(Applaudissements.)
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