A quoi sert le Vide ?

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A quoi sert le Vide ?
A quoi sert le Vide ?
Après Aristote, les hommes ont, pendant près de vingt siècles, voulu croire que la nature avait horreur du vide. Au XVIIe siècle quelques esprits éclairés, dont Blaise Pascal, qui joua un rôle déterminant avec entre autres sa fameuse expérience du Puy de Dôme, réussirent à ébranler ceFe croyance en meFant en évidence le rôle de la pression atmosphérique.
Aujourd'hui nous savons que le vide n'est pas l'excepHon mais que, bien au contraire, c'est l'atmosphère qui est l'excepHon. ExcepHon heureuse certes, puisqu'elle permet la vie, mais excepHon quand même. Que l'on se tourne vers l'infiniment grand, le cosmos dans lequel le vide est la règle, ou vers l'infiniment peHt, l'atome dans lequel les distances entre noyau et électrons sont très grandes devant la taille de ces parHcules, c'est le vide qui prédomine.
Mais de quoi parlons-­‐nous quand on évoque ''Le Vide'' ? Pour y voir plus clair, il est essenHel de se référer à notre milieu normal : l'atmosphère. L'atmosphère qui nous entoure est consHtuée d'un nombre considérable de molécules de gaz puisqu'il y a, au niveau de la mer, environ 27 milliards de milliards de molécules (2,7 x 1019) dans chaque cenHmètre cube de l'air que nous respirons. CeFe densité de molécules, qui peut paraître très élevée, est toutefois loin de remplir tout l'espace disponible. Si l'on pouvait juxtaposer toutes les molécules sans espace entre elles, elles n'occuperaient qu'un peu plus du millième du volume qui leur est offert. On conçoit, dans ces condiHons, qu'il leur reste de l'espace pour se mouvoir ; et c'est ce quelles font ! Elles se déplacent sans cesse dans toutes les direcHons à des vitesses importantes (environ 470 m/s pour l'azote, 1700 m/s pour l'Hydrogène à la température ambiante).
Il faut donc imaginer autour de nous ce grouillement permanent de parHcules qui s'agitent dans tous les sens, s'entrechoquent entre elles et soumeFent toutes les surfaces à un bombardement conHnuel.
Si ce milieu dans lequel nous sommes immergés ne nous est pas habituellement percepHble et ne contrarie pas nos mouvements, il n'en est pas de même pour un certain nombre de processus mis en œuvre dans la recherche et l'industrie. C'est pour ceFe raison que, pour le foncHonnement de ces processus, il va falloir ''faire le vide'', c'est-­‐à-­‐dire réduire le nombre de molécules présentes. Réduire le nombre de molécules, c'est aussi réduire la pression qu'elles exercent. On va donc quanHfier le niveau de vide obtenu, soit en terme de densité moléculaire, soit en terme de pression. CeFe dernière est la grandeur la plus fréquemment uHlisée, elle s'exprime en Pascals ou, plus fréquemment dans la praHque, en mbar ou hPa (1 mbar = 100 Pa). La pression atmosphérique normale qui correspond à la densité moléculaire de 2,7x1019 molécules par cm3 est 101 325 Pa (1013 mbar). Faire le vide dans un volume, c'est donc parHr de la pression atmosphérique et en évacuer les molécules, ce qui fait baisser la pression. Le niveau de vide recherché dépend de l'applicaHon: de quelques mbar pour la manutenHon sous vide à moins de 10-­‐11 mbar (10-­‐9 Pa) pour les accélérateurs de parHcules ou les analyses de surfaces. Notons au passage que le vide ''parfait'' n'existe pas et qu'à une pression de 10-­‐10 Pa qui n'est pas si facile à obtenir, il reste encore 27 000 molécules par cm3.
Le vide est largement uHlisé dans la recherche et dans l'industrie. Ses applicaHons sont très nombreuses et peuvent se ranger sous quatre thèmes principaux. 1
On ''fait le vide'' pour :
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UHliser la force mécanique de la pression atmosphérique
Déplacer un équilibre thermodynamique
Réduire la concentraHon en Oxygène
PermeFre le passage de parHcules légères
On fait le vide pour u4liser la force mécanique de la pression atmosphérique
L'atmosphère qui nous entoure exerce sur toutes les surfaces une pression ; celle-­‐ci équivaut environ à 1 kg par cenHmètre carré. C'est d'ailleurs en uHlisant ce phénomène que OFo de Guericke a démontré en 1654 la "Force du Vide" lors de sa célèbre expérience de Magdebourg en meFant sous vide deux demi-­‐sphères de 80 cm de diamètre que 8 chevaux aFelés de chaque côté n'ont pu séparer. De la même façon on va, de nos jours, uHliser ceFe force pour manuten4onner des vitres, des sacs et tous objets sur lesquels on pourra appliquer des ventouses reliées à une pompe à vide. Il n'y a pas pour cela besoin d'un vide très poussé, une centaine de mbar (104 Pa) suffisent, la capacité de levage dépendant surtout de la surface de la ou des ventouses uHlisées.
On peut aussi évoquer le mainHen d'objets sur une machine. Si l'on a affaire à des surfaces lisses, une série de trous reliés à une pompe à vide permeFra de maintenir en place une pièce sans devoir recourir à des mâchoires de fixaHon pouvant l'endommager ou marquer la surface.
On fait le vide pour déplacer un équilibre thermodynamique
En se basant sur le fait qu'un corps peut exister sous trois formes Solide – Liquide – Gaz et que le passage d'une phase à l'autre dépend de la température et de la pression on pourra provoquer un changement de phase en jouant sur le couple Pression / température. Ainsi, pour évaporer de l'eau à température ambiante, il suffit de la meFre sous vide, à une pression de 23 mbar (0,23 Pa). De nombreuses applicaHons uHlisent ce phénomène : pour sécher des surfaces ou des poudres sans les chauffer, par exemple sécher une gaine électrique enterrée après réparaHon. On pourra également uHliser le vide pour dis4ller une substance fragile à basse température de façon à éviter une dégradaHon chimique de la molécule. En combinant vide et chauffage, il est possible d'accélérer le séchage de circuits complexes tels que circuits frigorifiques ou certains circuits d’où l'eau doit être bannie.
Citons aussi la lyophilisa4on qui consiste à éliminer l'eau contenue dans une substance en la congelant puis en éliminant l'eau par sublimaHon sous vide. L'eau solide se transforme ainsi directement en vapeur sans jamais repasser par la phase liquide. CeFe opéraHon s'effectue à des pressions de l'ordre du cenHème de mbar (1 Pa).
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Se rangent également dans la catégorie des équilibres déplacés par le vide les nombreuses applica4ons de débullage et de dégazage de liquides, de pâtes ou de métaux en fusion. Il s'agit là d'éliminer les gaz occlus dans le matériau. Ces gaz, lors du refroidissement, forment des 2
microbulles qui peuvent nuire aux propriétés des résines ou des métaux (fusion et coulée sous vide). Dans ce dernier cas qui concerne la métallurgie, le vide permet aussi d'éviter l'oxydaHon.
On fait le vide pour réduire la concentra4on en oxygène
Il y a 21% d'oxygène dans l'air atmosphérique. Cet oxygène nous est indispensable pour vivre mais il favorise le développement de certaines catégories de bactéries, il est également source d'oxydaHon et de combusHon ; à ce Htre il y a de mulHples raisons de vouloir l'éliminer, ou du moins de vouloir réduire sa concentraHon.
L'industrie agroalimentaire fait largement a p p e l a u v i d e p o u r a m é l i o r e r l a conserva4on des aliments car, en réduisant la teneur en oxygène, on freine le développement des bactéries, on limite également les réacHons d'oxydaHon. L'emballage sous vide permet de conserver plus longtemps la fraicheur des denrées organiques. Dans certains cas, la mise sous vide est parfois suivie d'une réinjecHon de gaz, on parle alors d'atmosphère contrôlée. L'absence d'oxygène évite également les réacHons d'oxydaHon ainsi que la combusHon, c'est ainsi que l'on met sous un vide inférieur à 10-­‐4 mbar (10-­‐2 Pa) les enceintes contenant un filament chauffé tels que : tubes électroniques, tubes cathodiques, cellules spectrométriques, ampoules électriques… On évite ainsi de bruler le filament. Comme évoqué précédemment les uHlisaHons du vide sont fréquentes en métallurgie et traitement des métaux, nombre d'entre elles ont pour but de protéger le métal en fusion de l'oxydaHon.
On fait le vide pour permeEre le passage de par4cules légères
C'est sans doute l'uHlisaHon la plus féconde du vide, celle qui donne naissance au plus grand nombre d'applicaHons dans la recherche comme dans l'industrie. Il est impossible, dans le cadre de cet arHcle, de les citer toutes; nous nous limiterons donc à quelques exemples.
Un vide très poussé est requis dans les accélérateurs de par4cules de façon à ce que les parHcules légères qui sont accélérées ne soient pas freinées par des collisions fréquentes avec les molécules de gaz, on a alors recours à des vides extrêmes meFant en jeu des pressions inférieures à 10-­‐10 mbar (10-­‐8 Pa) , c'est là le domaine de l'ultravide.
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© CERN.
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Sont aussi concernés les dépôts de couches minces sous vide et la physique des plasmas. On a écrit des quanHtés considérables d'ouvrages sur ces sujets et il serait vain de vouloir les résumer ici en quelques lignes. Disons simplement que les applicaHons praHques recouvrent tous les domaines : cela va de la microélectronique, qui fait largement © cubais - Fotolia.com
appel au vide, jusqu'à !
la décoraHon des bouchons de parfum en passant par les miroirs à hautes performances, les réflecteurs de phares ou d'éclairage public, les CD, les tubes cathodiques ou à rayons X, les canons à électrons, le traitement des verres de luneEes ou des verres architecturaux et bien d'autres… Le vide est également essenHel au foncHonnement des appareils d'analyse meFant en jeu des faisceaux d'ions; comment en effet collecter et analyser ces ions si le chemin leur est barré par les molécules de gaz de l'atmosphère ?
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Il y a bien d'autres applica4ons du vide qui meFent en jeu plusieurs des processus menHonnés ou ne rentrent pas strictement dans les cadres ci-­‐dessus.
C'est le cas par exemple de la simula4on spa4ale ; on teste au sol les satellites et équipements avant de les envoyer dans l'espace.
Citons également le domaine de la cryogénie ; le vide y est uHlisé comme isolant thermique. L'analyse des surfaces, quant à elle, se praHque sous ultravide pour éviter que les molécules gazeuses ne recouvrent trop rapidement les échanHllons et ne faussent ainsi les observaHons.
Tout en m'excusant auprès des praHciens pour toutes les applicaHons qui n'ont pu être citées ici, il ne me semble pas exagéré de dire que le vide est omniprésent dans notre vie de tous les jours. Sans que nous en soyons toujours conscients, nous uHlisons quoHdiennement de nombreux objets et produits qui, à un stade ou un autre de leur fabricaHon ont été mis sous vide une ou plusieurs fois. Que l'on parle d'ordinateurs, de téléphones, de l'acier de nos voitures, de leurs pare-­‐brise ou de leurs réflecteurs de phares. Que l ' o n é v o q u e d e s p r o d u i t s maintenant aussi courants que les CD, les emballages alimentaires ou aussi sophisHqués que les appareils d ' a n a l y s e o u l e s g r a n d s équipements de physique. Tous ces produits qui font parHe de notre vie n'existeraient pas ou seraient moins performants sans la technique du © Zffoto - Fotolia.com
vide.
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On conçoit aisément que si les applicaHons du vide sont nombreuses et variées, les moyens de le produire et de l'uHliser ne le sont pas moins. La Technique du Vide offre toute une paleFe de débouchés dans tous les domaines et à tous les niveaux. Beaucoup sont méconnus du grand public ; la vocaHon de la Société Française du Vide est de mieux les faire connaître. C'est pourquoi nous serons parHculièrement heureux de contribuer, au sein de la F2S, à la promoHon des méHers de la physique.
Jacques CHÂLES
Secrétaire Général de la SFV
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