Psoriasis Quel retentissement à l`adolescence

Transcription

Psoriasis Quel retentissement à l`adolescence
Dermatologie
Psoriasis
Quel retentissement à l’adolescence ?
Comment le prendre en charge ?
Le psoriasis est une maladie commune inflammatoire chronique à manifestation essentiellement dermatologique et rhumatologique, qui atteint 2 % de
la population mondiale. Le psoriasis est associé à d’autres maladies (comor-
Dr Françoise Raynaud
Dermatopédiatre,
Maison de Solenn, Paris
bidités) et diminue la qualité de la vie. Le psoriasis représente une des maladies dermatologiques les plus fréquentes.
Introduction
La prévalence dans la population
mondiale est estimée entre 0,6 et
4,8 %. Les caucasiens sont plus fréquemment atteints que les autres
races ou groupes éthniques. La prévalence chez l’enfant et l’adolescent est
de l’ordre de 0,5 % à 1,4 %, et est plus
élevée chez les filles que chez les garçons. L’âge de début est un peu plus
précoce chez le garçon comparé à la
fille. Le début pendant les deux premières décades de la vie est de 31 % à
45 % des adultes atteints (1).
Selon l’âge de début, on a défini un
psoriasis de type 1 s’il débute avant
40 ans, ce type de psoriasis est souvent
familial et très associé au groupage
HLA-Cw6. Le psoriasis de type 2 est à
début tardif, non associé à l’allèle Cw6.
Récemment, l’accent a été mis sur
l’association du psoriasis, maladie inflammatoire systémique, avec des comorbidités afin de mieux comprendre
les difficultés rencontrées dans la
génétique du psoriasis et de plus pour
améliorer l’ultérieurement les choix
thérapeutiques, qui se sont accrus ces
dernières années. En effet, les derniers
traitements sont issus des recherches
fondamentales sur la physiopathogénie du psoriasis.
Clinique
On distingue différentes formes cliniques en dermatologie. Le psoriasis
4
Figure 2 - Plaques de psoriasis
vulgaire sur la jambe.
cuir chevelu, les coudes, les genoux, la
région lombosacrée.
Les plaques peuvent prendre l’aspect
de courbes linéaires (psoriasis gyrata),
ou un aspect d’anneaux avec un centre
clair dans un deuxième temps (psoriasis annulaire). Enfin, il peut avoir l’aspect de petites papules desquamantes
à l’orifice des follicules pilosébacées
(psoriasis folliculaire).
Figure 1 - Plaque de psoriasis vulgaire
avec ses squames blanchâtres
hyperkératosiques témoin du trouble
de différenciation des kératinocytes.
est une dermatose papulosquameuse
qui varie dans son aspect, la répartition des lésions, sa sévérité voire dans
son évolution.
bbPsoriasis vulgaire
La forme la plus fréquente est le psoriasis vulgaire. La particularité des
lésions cutanées est leur caractère
bien circonscrit, arrondi papules ou
plaques érythémateuses surmontées
de squames blanches argentées (Fig.1
et 2). La répartition des lésions est typiquement symétrique siégeant sur le
La squame est normalement présente
dans les lésions de psoriasis. Elle est
blanche argentée et varie en épaisseur.
La quantité de squames varie chez
les patients et selon les localisations
chez un même patient. L’ablation de
la squame peut induire des petites
gouttes de sang.
bbEn gouttes
Le psoriasis en gouttes (Fig. 3) est une
forme clinique particulière des enfants
et adolescents, qui décrit un début aigu
d’une myriade de petites lésions de
Adolescence & Médecine • Avril 2013 • numéro 5
Psoriasis
psoriasis de diamètre de 2 à 10 mm. La
distribution est centripète sur le tronc
et l’abdomen, mais peut aussi atteindre
la tête et les membres. Cette forme fait
suite classiquement à une infection
streptococcique du groupe B du pharynx ou des amygdales survenue peu
de temps avant. Il peut agir d’un mode
de début du psoriasis. Le nombre de lésions varie de 5, 10 à plus d’une centaine.
Cette forme représente 2 % des cas de
psoriasis. Chez l’enfant et l’adolescent,
cet épisode s’arrête de lui-même, alors
que chez l’adulte, une poussée de psoriasis en gouttes peut compliquer un
psoriasis chronique. Une étude de Martin rapporte que uniquement 30 % des
enfants ayant eu cette forme clinique
de psoriasis pourront éventuellement
développer un psoriasis chronique (2).
bbInversé
Le psoriasis inversé ou flexural est
aussi une forme clinique volontiers
rencontrée chez l’adolescent siégeant
dans les creux axillaires, plis inguinaux
voire sous-mammaire. L’aspect des lésions est différent du fait de l’absence
de squames dont le diagnostic différentiel sera les intertrigos à dermatophyte, ou candidosique.
bbUnguéale psoriasique
L’atteinte unguéale psoriasique est
fréquente siégeant tant aux ongles des
mains que des pieds (Fig. 4). Elle réalise
le plus communément l’ongle en dés à
coudre du fait de la présence de petits
puits sur l’ongle. Moins fréquemment,
l’ongle peut se détacher sur la partie
distale, il s’agit d’une onycholyse parfois associée à des zones jaune-orangées avec une hyperkératose subunguéale.
bbDu cuir chevelu
Le psoriasis du cuir chevelu est un
mode de début chez l’adolescent. Il se
manifeste par des plaques bien limitées
recouvertes de larges squames, dont le
nombre et la taille sont variables. Les
localisations sont volontiers occipitales, ou à la lisière du cuir chevelu, le
psoriasis est très érythémateux.
Figure 3 - Psoriasis en gouttes sur le dos des pieds.
bbLe psoriasis palmoplantaire
Il se présente sous forme de pustules
amicrobiennes, stériles, jaunâtres sur
fond érythémateux associées à une
desquamation affectant les paumes
des mains et/ou la plante des pieds.
L’atteinte unguéale y est fréquente. A
noter, on ne retrouve pas dans cette
forme clinique, l’association génétique au groupage HLA-Cw6.
bbErythrodermie
L’érythrodermie est rare chez l’adolescent. Elle peut revêtir deux aspects :
• soit le psoriasis chronique en plaques
s’étend graduellement ; les plaques
deviennent confluentes pour couvrir
une grande surface.
• soit l’érythrodermie est une manifestation transitoire instable précipitée
par une infection, les goudrons, les
médicaments, ou l’arrêt de la corticothérapie. L’érythrodermie compromet
la thermorégulation cutanée, ce qui
occasionne une hypothermie, une décompensation cardiaque, une hypoalbuminémie et une anémie par déficit
en fer, vitamine B12 et folates.
bbAtteintes rhumatismales
Les atteintes rhumatismales psoriasiques sont rares et de deux types. Il
peut s’agir d’un rhumatisme proche
de la spondylarthrite ankylosante avec
atteinte vertébrale et sacroiliaque.
Figure 4 - Psoriasis unguéal.
L’arthrite juvénile inflammatoire séronégative est rare.
bbPsoriasis associé à l’infection
VIH
Enfin, dans les formes graves et résistantes au traitement conventionnel,
il faudra penser au psoriasis associé à
l’infection VIH, qui peut être difficile
à différencier de la dermatite séborrhéique.
Comorbidités
Les comorbidités sont, chez l’adolescent, avant tout les maladies métaboliques, comme le diabète, l’obésité
avec l’hyperlipidémie associée au psoriasis (3) et les troubles psychologiques
tels que le stress et la dépression sont
Adolescence & Médecine • Avril 2013 • numéro 55
Dermatologie
Lors de psoriasis vulgaire en plaques,
on évoque plusieurs diagnostics possibles.
• Lors d’érythrodermie, on évoquera
soit une toxidermie, un lymphome ou
un eczéma.
• Le rhumatisme psoriasique est difficile à différencier de la polyarthrite
rhumatoïde ou de la spondylarthrite
ankylosante, lors d’absence de signes
cutanés.
bbLe pityriasis rosé de Gibert
La physiopathogénie
Le pityriasis rosé de Gibert est une dermatose qui atteint les adolescents ou
jeunes adultes, bénigne et résolutive
en six semaines. Elle siège sur le thorax, débutant par une lésion claire au
centre et érythémateuse en périphérie
avec une fine desquamation suivie,
quelques jours plus tard, par des petites maculopapules érythémateuses
sur le thorax, abdomen, racines des
cuisses avec respect du visage. Les lésions sont peu prurigineuses. L’étiologie semble virale.
Le psoriasis est une maladie inflammatoire caractérisée par une hyperprolifération et un trouble de différenciation
des kératinocytes. Un rôle central est
l’interaction entre l’immunité innée et
acquise. Lors de l’initiation du psoriasis
et lors des poussées, les cellules dendritiques myéloïdes dans l’épiderme et le
derme vont s’activer. Elles produisent
TNFα et IL-23, qui va promouvoir
le dévelopement de certaines sousclasses de lymphocytes T (Th-1, Th-17).
Ces cellules T sécrètent des substances
qui induisent les modifications vasculaires et épidermiques du psoriasis.
Les signaux des voies de transduction activées vont amplifier la réponse
inflammatoire immune. Les peptides
antimicrobiens du système immunitaire inné ont un rôle fondamental
dans l’homéostasie dans la surface des
organes tels que la peau. Ils sont augmentés dans le psoriasis et sont témoin
de l’activation de l’immunité innée (5).
accrus (4). De plus, la consommation
d’alcool aggrave cette dermatose.
Le diagnostic
différentiel
bbLa dermatite séborrhéique
La dermatite séborrhéique est en général localisée aux sillons nasogéniens, dans le cuir chevelu, ou à sa
lisière. Le diagnostic est plus difficile.
Des formes de passage entre les deux
dermatoses sont possibles.
bbLa dermatite atopique
La dermatite atopique est aussi facile à
différencier dans sa forme typique, par
la topographie, l’association à d’autres
signes d’atopie (asthme, rhinite) et à
des IgE élévés. Mais le diagnostic n’est
pas toujours aisé : psoriasis eczématiformes, eczéma psoriasiforme, allergies de contact sont retrouvés dans
le psoriasis, des eczémas dits intrinséques n’ont pas d’IgE totales élevés.
Enfin, des gènes communs aux deux
dermatoses sont décrits.
bbAutres possibilités
• Lors de psoriasis inversé, on évoque
une mycose, ou un intertrigo bactérien.
• Les kératodermies palmoplantaires
sont à discuter lors de psoriasis palmoplantaire, mais elles sont congénitales et notées en bas âge.
6
Cependant, un certain nombre de
questions ne sont pas résolues : la
nature primaire de cette maladie estelle épidermique ou immunitaire ?
La cause auto-immune du processus
inflammatoire, le rôle respectif ainsi
que le rôle de l’influence génétique
par rapport aux facteurs environnementaux de facteurs cutanés par rapport à des facteurs systémiques sur
l’initiation restent à déterminer, ainsi
que la progression et la réponse aux
traitements (6) .
Le traitement (7)
Nous n’aborderons pas le traitement
par les biothérapies (anticorps monoclonaux de type anti-TNF…), qui sont
peu utilisés en pédiatrie lors d’indica-
tion purement dermatologique. Elles
sont réservées au psoriasis très étendu, réfactaire aux traitements conventionels et au psoriasis pustuleux.
On peut noter qu’il y a grossièrement deux types de patients : les uns
sont gênés par la desquamation et
d’autres qui ont un prurit important
lors d’hyperkératoses. De plus, chez
l’adolescent, le regard de l’autre prend
une place importante dans la prise en
charge.
bbLes traitements topiques
Le traitement local peut être seul suffisant lors de psoriasis léger voire très
modéré. Des scores ont été developpés
pour évaluer la sévérité.
• 1. Les corticoïdes locaux de classe II
sont les plus utilisés (Betneval®, Epitopic® crème 0,05, Diprosone®, Locatop®…) chez l’adolescent. Les applications sont une fois par jour pendant
10 à 15 jours puis décroître progressivement pendant 6 semaines et interrompre le traitement transitoirement
et en fonction des poussées afin d’éviter l’atrophie cutanée.
• 2. Les analogues de la vitamine D3.
Le calcipotriène avec des applications
d’une à deux fois par jour pendant 8 semaines. Le calcitriol est appliqué une
fois à deux fois par jour. Pour éviter les
effets systémiques liés à l’absorption
cutanée de la vitamine D, on ne dépassera pas 70 mg par semaine pour un
adolescent. Ces traitements sont bien
tolérés et recommandés pour le traitement du psoriasis de l’enfant étudié
dans des essais controlés.
Cependant, il est à noter qu’ils sont
moins efficaces que les corticoïdes.
Les effets secondaires sont l’irritation
et la survenue d’un prurit modéré.
L’utilisation sur le visage n’est pas
recommandée source d’érythème et
d’œdème.
• 3. L’association corticoïdes de
classe II-bétaméthasone et calcipotriol
peut être utilisée chez l’adolescent de
plus de 18 ans et doit être limitée dans
la durée (quatre semaines).
Adolescence & Médecine • Avril 2013 • numéro 5
Psoriasis
• 4. On peut alterner ces traitements locaux.
• 5. Des traitements à base d’urée sont
fréquemment utilisés pour leur effet
kératolytique.
• 6. Les goudrons ne sont plus prescrits
alors qu’ils permettaient un traitement
sans risque alors qu’ils sont utilisés en
Angleterre et en Allemagne. On peut le
regretter.
bbLes traitements systémiques
classiques
Nous ne citerons que les rétinoïdes et
le méthotrexate.
Rétinoïdes
L’acitrétine est précrite lors de psoriasis sévère à la dose de 0,5 à 1 mg/kg du
poids du corps. Les effets secondaires
sont la sécheresse cutanée et des muqueuses, et induisent une surveillance
des lipides et hépatique. Ils sont moins
précrits actuellement.
cessaire. Ce traitement est utilisé dans
le rhumatisme psoriasique.
Méthotrexate
Le méthotrexate est prescrit à 1015 mg/m2 de surface corporelle soit per
os ou sous-cutané ou intramusculaire
une fois par semaine. Une surveillance
hépatique et de la numération est né-
Mots-clés :
Psoriasis, Formes cliniques,
Traitements, Prise en charge,
Epidémiologie
bibliographie
1. Wu JJ, Black MH, Smith N et al. Low prevalence of psoriasis among
4. Misery L. Depression and psoriasis. Ann Dermatol Venereol 2012 ; 139
children and adolescents in a large multiethnic cohort in southern
Suppl 2 : S53-57.
California. J Am Acad Dermatol 2011 ; 65 : 957-64.
5. Jullien D. Pathogenesis of psoriasis. Ann Dermatol Venereol 2012 ; 139
2. Martin BA, Chalmers RJ, Telfer NR. How great is the risk of further
Suppl 2 : S68-72.
psoriasis following a single episode of acute guttate psoriasis? Arch
6. Nestle FO, Kaplan DH, Barker J. Psoriasis. N Engl J Med 2009 ; 361 :
Dermatol 1996 ; 132 : 717-8.
496-509.
3. Augustin M, Glaeske G, Radtke MA et al. Epidemiology and comorbidity
7. CEDEF. Item no 123: psoriasis. Ann Dermatol Venereol 2008 ; 135 :
of psoriasis in children. Br J Dermatol 2010 ; 162 : 633-6.
F113-120.
!
bulletin
d’abonnement
4 Je m’abonne à Adolescence & Médecine pour 1 an (3 n°s)
q Abonnement offre de lancement (24 e).......... 20 e TTC
qJ
e réponds sous 10 jours, je reçois en cadeau une clé USB
8 Go*
q Abonnement à l’étranger sans cadeau
DOM-TOM & Union européenne................................... 25 e TTC
Etranger hors Union européenne................................ 30 e TTC
Ado&med 5
q Je désire recevoir une facture justificative (déductible frais
professionnels).
Adresse de facturation si différente : .....................................
. ................................................................................................
. ................................................................................................
• Déductible de vos frais professionnels dans son intégralité
(une facture justificative vous sera envoyée)
A nous retourner accompagné de votre règlement à :
Expressions Santé • 2, rue de la Roquette • Passage du Cheval-Blanc •
Cour de mai • 75011 Paris • Tél. : 01 49 29 29 29 • Fax : 01 49 29 29 19 •
E-mail : [email protected]
q Dr q Pr q M. q Mme
Nom :.................................................. Prénom :....................................
Adresse d’expédition : �������������������������������������������������������������������������
��������������������������������������������������������������������������������������������������������������
��������������������������������������������������������������������������������������������������������������
Code postal : Ville : .............................................................
Tél. : _ _ / _ _ / _ _ / _ _ / _ _ ;
Fax : _ _ / _ _ / _ _ / _ _ / _ _
E-mail : .................................................................................................
Règlement
q Chèque à l’ordre d’Expressions Santé
q Carte bancaire n° :
Expire le : Cryptogramme* :
(voir bloc 3 chiffres au dos de votre carte)
Signature obligatoire b
* Valable uniquement en France métropolitaine, dans la limite des stocks disponibles.
Adolescence & Médecine • Avril 2013 • numéro 57
www.docspe.com