La Regia Aeronautica - 1940 - La France continue la guerre

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La Regia Aeronautica - 1940 - La France continue la guerre
Comment l’échec industriel de l’Italie a étranglé l’aviation
et la flotte italiennes
D’après Francesco Folcini, La caduta dell’Italia Fascista (Rome, 1961)
La Regia Aeronautica
Alors que l’entrée en guerre des Etats-Unis et de l’URSS avait bouleversé les données du
conflit dans lequel Mussolini avait jeté l’Italie, la Regia Aeronautica n’était pas beaucoup
mieux équipée qu’en juin 1940, car ses faiblesses originelles n’avaient pas été corrigées.
Les cellules
La production de cellules était lente et mal organisée. Il y avait trop de fabricants avec des
méthodes de production dépassées, et du fait d’investissements trop faibles à la fin des années
trente, les usines étaient très peu efficaces.
Les moteurs
La production sous licence du DB-601 par Alfa-Romeo, baptisé Monsone, ne démarra
vraiment qu’à partir de l’été 1941. Grevée de problèmes industriels variés, elle ne dépassa
jamais 50 exemplaires par mois, la moyenne se situant autour de 40. Au début, Daimler-Benz
avait fait preuve d’une mauvaise volonté évidente pour aider son contractant italien (à
l’époque, le système allemand laissait aux industriels une grande marge de manœuvre), puis il
avait tout simplement été débordé.
La promesse d’Hitler d’importantes livraisons de DB-601 fut oubliée mi-juin, peu après le
déclenchement de Barbarossa en raison de la mise en œuvre du programme de Milch destiné à
combler les pertes de la Luftwaffe. Plus de deux mille avions allemands avaient été détruits
ou gravement endommagés dans les six premières semaines de l’offensive, les dépôts de la
Luftwaffe s’étaient vidés à toute vitesse et l’envoi de moteurs à l’industrie italienne était passé
au second plan.
Pour tenter de reconstruire la Regia Aeronautica après les terribles pertes infligées lors des
opérations Vengeur et Croisade (Avenger et Crusader), il fallut se tourner vers des moteurs
italiens tels que les Fiat A.74.RC38 et Piaggio P.XI.RC40 Turbine. Le Piaggio P.XIX.RC45
Turbine B, dont les avionneurs italiens espéraient beaucoup, était handicapé par une
production très lente et une fois en service, ce modèle, un dérivé du vieux Gnome et Rhône K14 français dont le Turbine était la copie, se révéla bourré de défauts.
Les chasseurs
* Pour satisfaire son besoin criant de nombreux chasseurs modernes, la Regia Aeronautica
espérait pouvoir se reposer sur le Macchi MC.202 Folgore, mais sa production fut
handicapée par le manque de moteurs Monsone. Elle n’atteignit que 330 exemplaires en tout.
* Il fallut recourir à la famille des avions Reggiane Re.2000, que SupAereo avait tout d’abord
méprisée.
– Le Reggiane Re.2000 Falco à moteur Piaggio Turbine, qui avait fait son premier vol en
avril 1939, avait alors été rejeté par la RA car la structure était « trop avancée » pour l’étatmajor. En revanche, la Hongrie avait commandé quelques dizaines d’avions et, les Magyars
trouvant l’aile à leur goût, avait même acheté une licence de production. Les premiers avions
avaient été livrés fin avril 1940.
Le choc des combats de l’été 1940 entraîna un changement d’optique brutal à Superaereo. En
septembre, il fut décidé de saisir les 50 avions hongrois non encore terminés (qui furent livrés
en octobre et novembre) et de passer une commande immédiate de 300 Re.2000 (décision
vers le début de septembre), plus 500 avions de série II avec une aile modifiée (bi/trilongeron) et un peu mieux armés. Mais en novembre, l’aviation suédoise, elle aussi à la
recherche de chasseurs modernes et à court de devises, proposa d’échanger la fourniture de
métaux spéciaux dont l’industrie italienne avait un besoin vital contre la livraison rapide de 60
Re.2000 ! Il était hors de question d’ignorer cette offre et les 60 avions suédois vinrent en
déduction de la commande de 300 appareils, les 240 autres étant livrés de décembre 1940 à
juin 1941 (en février 1941, le total livré à la RA n’excédait pas 80 appareils).
Quant au contrat de 500 Re.2000 série II, il fut modifié en juin 1941, 200 appareils devant
être re-qualifiés en Re.2002.
Au total, la Regia Aeronautica reçut 590 Re.2000 : 290 Re.2000 série I (50 ex-hongrois +
240, livrés de septembre 1940 à juin 1941 et armés de 2 x 12,7 mm) et 300 Re.2000 série II
(livrés de juin à décembre 1941 et armés de 2 x 12,7 mm et 2 x 7,7 mm).
– Le Reggiane Re.2001 Falco II, qui avait fait son premier vol en juin 1940 (juste avant la
déclaration de guerre), était équipé d’un moteur Alfa-Romeo Monsone. Il fut redessiné pour
accepter l’aile bi/tri-longeron définitive. Sa production dépendait très largement des livraisons
du Monsone, qu’il fallait partager avec le MC.202 ! Les livraisons commencèrent à l’automne
1941, à un rythme ne dépassant pas 15 avions par mois, et la première unité formée sur
Re.2001 le fut en janvier 1942. Au moment de l’armistice, 180 appareils seulement avaient
été produits (dont 30 en version CN, chasse de nuit). Comme le Re.2000 série II, ils étaient
armés de 2 x 12,7 mm et 2 x 7,7 mm.
– Autre membre de la famille des Reggiane, dont le développement dut beaucoup à la
violence des confrontations aériennes de 1940 contre l’Armée de l’Air, le Re.2002 Ariete, qui
fit son premier vol en octobre 1940, ne fut présenté aux autorités à Guidonia qu’en avril 1941
à cause des problèmes de mise au point du Turbine B. Il fut développé en chasseurbombardier, avec quatre mitrailleuses (2 x 12,7 mm et 2 x 7,7 mm) et une capacité d’emport
maximum de 970 kg de bombes (1 x 650 kg et 2 x 160 kg).
Là encore, les délais de production des Turbine B ralentirent le processus et il fallut se
résoudre à utiliser le Turbine, déjà dépassé, sur les 200 avions issus de la modification du
contrat des Re.2000 série II.
Ces avions, les Re.2002A, furent produits de novembre 1941 à mai 1942. Ils ne se
distinguaient finalement des Re.2000 que par l’arrière du fuselage (semblable à celui du
Re.2001) et par le trapèze lance-bombes utilisé dans leurs missions d’assaut.
Le premier Re.2002 de série effectivement doté d’un Turbine B (Re.2002B) ne sortit qu’en
avril 1942. Il était similaire au Re.2001 (sauf l’avant du fuselage) et fut produit sur la même
chaîne. Au total, 99 Re.2002B étaient terminés lors de l’armistice. La lenteur de cette
production poussa Superaereo à maintenir celle du Re.2002A, dont 100 avions
supplémentaires furent produits.
Au total, 399 Re.2002 furent fabriqués : 300 Re.2002A et 99 Re.2002B.
En tout, la Regia Aeronautica reçut 1 169 Re.2000/2001/2002. Mais il faut noter ici que la
production des Re.2000 et des Re.2002A avait obligé à réduire la production des bombardiers
SM.84 et Cant Z.1007bis, qui utilisaient le même moteur Turbine, tandis que celle des
Re.2002B empêchait celle des Cant Z.1007ter à moteur Turbine B, qui ne put commencer
avant la fin de 1942...
* Pourtant, les besoins étaient tels que la Regia Aeronautica dut demander à Macchi de
maintenir en production le MC.200 Saetta à moteur Fiat A.74, dont 250 furent livrés en 1942,
pour un total d’environ 1 200 appareils.
* Il fallut même commander à cette époque de nouveaux Fiat CR.42, qui ne pouvaient servir
que d’avions d’appui et couraient de très gros risques à la moindre rencontre de chasseurs
alliés ! Une centaine furent livrés en 1942.
Les bombardiers
* La situation des bombardiers était encore pire que celle des chasseurs.
– Le Fiat BR.20, déjà désuet en 1940, était très vulnérable. Sa production fut arrêtée à la fin
de 1941.
– La production du Savoia-Marchetti SM.79 Sparviero (et de son dérivé le SM.84) était
limitée par des méthodes industrielles dépassées (200 livrés en 1942). De plus, le SM.84
souffrait d’un système hydraulique inefficace et du manque de moteurs Piaggio.
– Le Cant Z.1007 avait de meilleures possibilités, mais sa production (moins de 150 livrés en
1942) fut limitée par la disponibilité des moteurs Piaggio Turbine et Turbine B.
– Le quadrimoteur Piaggio P.108 était un avion prometteur mais très complexe, dont les
moteurs Piaggio P.XII ne brillaient pas par leur fiabilité. Il ne fut fabriqué qu’à quelques
dizaines d’exemplaires.
– L’IMAM Ro.57bis, chasseur lourd recyclé en bombardier en piqué, ne fut jamais apprécié
par les pilotes italiens (50 environ furent livrés en 1942).
* Pour tenter de remédier aux problèmes de moteur des bombardiers, le gouvernement italien
réussit à obtenir la cession de la licence du Jumo-211 à Isotta-Fraschini mais, comme pour le
DB-601, les choses traînèrent et la production ne commença réellement qu’à l’été 1942 – tout
juste de quoi permettre à la production du SM.84 d’atteindre une centaine d’exemplaires en
1942.
Les avions allemands
La solution la plus simple fut de faire appel aux Allemands, non plus pour des moteurs, mais
pour des avions.
* Le premier cédé par la Luftwaffe, dès 1940, fut le bombardier en piqué Junkers Ju 87 Stuka,
vite baptisé “Picchiatello” : d’abord le Ju 87B, dépassé à l’époque par la version D (qui, pour
une mission normale, pouvait emporter 1 000 kg de bombes au lieu de 500).
En 1941/42, la Regia Aeronautica reçut des Ju 87D et des Ju 87R (à long rayon d’action mais
ne pouvant emporter que 250 kg de bombes).
En tout, les Italiens utilisèrent 150 Picchiatelli.
* De l’été 1941 à l’armistice de 1942, la Luftwaffe accepta de se défaire d’environ 400
bombardiers bimoteurs : 300 Heinkel He 111 et moins d’une centaine de Junkers Ju 88, pour
la plupart vétérans des campagnes de France et d’Angleterre.
* Enfin, à partir de juin 1942, une centaine de Messerschmitt Bf 109F et G furent transférés à
la Regia Aeronautica, mais alors que ces appareils auraient dû être livrés au début de juillet,
les derniers étaient encore en cours de livraison au moment de la “Noël de Sang”.
Ce fut tout.
………
Au total, à la mi-1942, du fait des pertes subies durant les deux années précédentes, la Regia
Aeronautica était à l’agonie. Son étranglement par le manque de matériel et surtout de
matériel moderne fut évidemment pour beaucoup dans l’effondrement italien. Qu’aurait pu
faire l’Allemagne ? Peu de choses, car il lui aurait été difficile d’allouer une part importante
de sa production aéronautique à l’aviation italienne sans fragiliser sa position déjà
compromise par les terribles pertes subies sur le Front de l’Est et face à la montée en
puissance de l’offensive aérienne alliée à l’Ouest.
Production historique de chasseurs italiens
Fiat CR.42 (Septembre 1939 – Août 1943) : 1551 (+ 200 construits pour la Luftwaffe jusqu’à
1944).
Fiat G.50/50bis (Octobre 1938 – Décembre 1942) : 774.
Fiat G.55 (Février 1943 – Septembre 1943) : 105.
IMAM Ro.57 (Mars 1942 – Janvier 1943) : 90.
Macchi MC.200 (Juin 1939 – Mars 1943) : 995.
Macchi MC.202 (Octobre 1941 – Août 1943) : 392.
Macchi MC.205V (Mai 1943 – Septembre 1943) : 66 (+ 196 construits pour la RSI de
Mussolini)
Reggiane Re.2000 (début 1940 – Mai 1941) : 160 (tous pour l’export, 28 saisis par le
gouvernement italien sur des contrats hongrois et suédois). 192 de plus construits par
MAVAG (Hongrie) avec des moteurs Manfred-Weiss.
Reggiane Re.2001 : (Octobre 1941 – Septembre 1943): 237.
Reggiane Re.2002 : (Mars 1943 – Septembre 1943) : 147 (+ 158 construits pour la Luftwaffe
jusqu’à janvier 1944).
Reggiane Re.2005 (Mai 1943 – Septembre 1943) : 29.
Production historique de bombardiers italiens
SM.79 : 1330 entre 1936 et 1944
SM.84 : 309 entre 1940 et 1943.
Fiat BR.20 : 528 entre 1937 et 1941.
Cant Z.1007 : 560 entre 1939 et 1943
Piaggio P.108 : 163 entre 1941 et 1943.
IMAM Ro.57 : 90 en 1942-43
Production historique totale
1940 : 3257 avions
1941 : 3503 avions
1942 : 2818 avions
1943 : 1930 (jusqu’à l’armistice de septembre)
La Regia Marina
Dès l’automne 1940, la situation en Méditerranée avait conduit à détourner une partie des
matériaux nécessaires à la réparation des navires de la Regia Marina (et à l’achèvement des
bâtiments en chantier) vers la construction de fortifications côtières. La remise en état des
nombreux navires endommagés lors des affrontements de 1940, 1941 et 1942 devait beaucoup
en souffrir, sans que la construction de fortifications côtières en soit très accélérée, car ces
transferts ne s’étaient pas faits sans beaucoup de gaspillage et de corruption…
Les dossiers du Marina Militare Ufficio Storico (Gênes) montrent bien qu’au printemps de
1942, la Regia Marina était incapable – et n’avait d’ailleurs pas la volonté – de monter une
opération de quelque importance. Les programmes de construction navale avaient été
profondément modifiés.
* Dès 1941, la construction des grands cuirassés modernes (Roma et Impero) fut très ralentie ;
celle de l’Impero fut finalement interrompue pour permettre l’achèvement du Roma. La
construction des croiseurs lourds et des navires destinés à l’escorte des convois africains
(croiseurs de classe Volcano, porte-avions, escorteurs ASM) fut elle aussi interrompue. En
échange, la construction des croiseurs de classe Capitani Romani, parfaits pour des raids sur
les convois alliés, fut accélérée.
* En l’absence de nombreux convois à protéger, le programme de destroyers d’escorte de la
classe Ciclone, principalement conçus pour préserver le ravitaillement de la Libye, fut dans un
premier temps partiellement annulé. En revanche, le programme des torpilleurs de classe
Ariete (ou Spica améliorée) fut augmenté, ces petits bâtiments s’étant montré très utiles en
Mer Egée et dans l’Adriatique : fin 1942, huit d’entre eux étaient achevés et huit autres en
chantier. Cependant, les retards subis par la fabrication de ces navires conduisirent à rétablir
sur son pied initial le programme de la classe Ciclone.
* De même, la production de vedettes de divers types et de mini-sous-marins côtiers (CB) fut
accentuée.
– Pour attendre l’entrée en service des modèles ci-après, une série supplémentaire de 10 MAS
dérivés du MAS-552 fut commandée (MAS-577 à 586). Faute de moteurs Isotta-Fraschini
disponibles, elle fut équipée de deux moteurs Fiat de 750 CV, ce qui donna à ces bateaux
d’environ 28 tonnes une vitesse maximum de 35 nœuds au lieu des 43 de leurs frères des
séries antérieures.
– De nouvelles vedettes rapides du type MS 1/2 (développées sur le modèle des Lürssen
vendues à la Yougoslavie) entrèrent en service dès le début de 1942. A la fin de cette année,
la CRDA (Montfalcone) avait produit 24 Type-1 (MS-11 à 16, 21 à 26, 31 à 36, 41 à 46) et six
Type 1/2 (MS-61 à 66), les unités ex-yougoslaves étant numérotées MS-51 à 55 en juillet
1942.
– Dans le même temps, Baglietto, Pichietto, Navalmeccanica et Celli avaient construit
quarante vedettes anti-sous-marines du type VAS.
– Enfin, aux six mini-sous-marins CB construits en 1941 s’ajoutèrent en 1942 douze autres
engins, les CB-7 à 18.