Lara Haikal, Montréal
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Lara Haikal, Montréal
LARA HAIKAL 16 ans, Montréal «Selon moi, la diversité est absolument nécessaire en ce qui concerne l’image corporelle qui est diffusée, pour le bien d’un monde meilleur.» Monsieur Lagerfeld, Plusieurs remarquent que notre société actuelle croule sous le danger des stéréotypes, surtout dû à l’envahissement incessant des médias. En ce qui concerne le secteur de la mode, le type de mannequins exposés au public pose une controverse: plusieurs géants de la publicité pensent comme vous que «personne ne veut voir des femmes rondes dans la mode», alors que d’autres, surtout le public lecteur, réclament un changement immédiat de ces idées toutes faites sur l’image corporelle que vous véhiculez. Selon moi, la diversité est absolument nécessaire en ce qui concerne l’image corporelle qui est diffusée, pour le bien d’un monde meilleur. Je m’appuierai sur un argument concernant les ventes de produits, ainsi que sur un raisonnement éthique contredisant vos propres paroles. Pour commencer, à mon avis, le fait de diffuser l’image de femmes plus rondes dans les publicités augmenterait le taux de ventes. N’est-ce pas ce que désirez: vendre vos produits de marque? En effet, une étude dirigée par Ben Barry, qui est responsable d’une agence de mannequinat prônant la diversité, soutient mon propos. Barry a pu se baser sur l’opinion de 2500 femmes d’âges et de tailles différents pour conclure que les modèles maigres ne sont pas du tout nécessaires dans la publicité. Ayant vu une même publicité mettant en vedette des mannequins différents, ces femmes avaient un désir d’achat de 200% de plus si le mannequin leur ressemblait, donc si les deux avaient à peu près les mêmes proportions du corps. Comment négliger une preuve de telle importance? Je soutiens Ben Barry dans son explication: les résultats de son étude démontrent que les femmes, en voyant un modèle d’une minceur extrême, se sentent très différentes et que cela leur retire l’envie de poursuivre leur achat. Une jeune ballerine du nom de Julia Bluhm est un exemple assez étonnant. Celle-ci a eu le courage de déposer une pétition ayant obtenu un nombre ahurissant de 48 000 signatures en une courte période de temps dans les bureaux du magazine «Seventeen». Il est visible qu’une grande partie de la population désire qu’on se débarrasse des images corporelles impossibles à différencier dans les magazines pour les remplacer par d’autres qui sont, permettez-moi de dire, réalistes. Je réaffirme que 18 de diversifier les types de corps présentés serait une initiative bien avantageuse, tant pour les clients que pour les compagnies de mode et leurs revenus. Monsieur Lagerfeld, vous avez prononcé les mots suivants lors d’une entrevue pour le magazine allemand «Focus» en 2009: «Ce débat sur la maigreur des mannequins est absurde, le monde de la Haute-Couture est là pour vendre du rêve et de l’illusion!» Je ne suis pas du tout d’accord avec vous. Il est peut-être vrai que vous vendiez du «rêve et de l’illusion», mais cela ne m’empêche pas d’affirmer que ce que vous avez dévoilé est irrecevable et que vous négligez quelque chose d’essentiel. En exposant la vérité cruelle sur votre mode de pensée, vous n’établissez aucun lien de cause à effet. Selon moi, le monde de la HauteCouture, en affichant dans les médias ces «illusions», détériore l’estime et la santé de nombreuses personnes envahies par des modèles parfaitement construits. Je suppose que vous connaissiez bien le logiciel «Photoshop», un logiciel qui permet de transformer une photographie en entier. En modifiant les corps des mannequins dans le but de présenter aux autres l’inaccessible, on détruit la confiance du public. La Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée, rédigée sous l’influence de la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, explique que les pressions socioculturelles sont abondantes, que l’apparence dite «parfaite» nuit à l’estime et mène à des régulations pouvant aller à l’extrême. Même certains mannequins ne sont pas d’accord sur la manière dont leurs corps sont métamorphosés et demandent qu’on cesse de cacher leur véritable identité. On parle bien souvent de problèmes médicaux pouvant survenir chez les femmes, tels que l’anorexie et la boulimie, mais les hommes, eux aussi, souffrent de troubles corporels. L’homme idéal doit posséder une musculature vigoureuse et cela pousse l’homme à réagir et à prendre des mesures pouvant nuire à sa santé pour s’adapter au modèle corporel requis. Encore une fois, il est très clair que les exigences de minceur défavorisent de façon importante le bien-être personnel des citoyens, allant jusqu’à provoquer des problèmes inquiétants que nous voyons s’accumuler aujourd’hui. Alors, monsieur Lagerfeld, êtes-vous certain de ce que vous dites? N’est-ce pas votre propre pensée que vous partagez en disant que personne ne veut voir de femmes rondes dans la mode? Je vous rappelle que de diffuser des mannequins de types corporels variés apporterait une hausse dans les ventes et délivrerait notre société de bien des problèmes éthiques et médicaux. Je pense qu’il est impératif de diversifier, de changer les normes sociales et de trouver d’autres options afin d’éviter que l’image jetée au visage du public présentement ne crée d’autres problèmes. Pensez, monsieur, aux conséquences que tout ceci pourra entraîner: des ventes moindres, peut-être même un boycottage de la part de vos acheteurs et, éventuellement, de vos propres mannequins! 19