en PDF - Consistoire de Paris

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La paracha de la semaine est la section hebdomadaire de la Torah, lue rituellement chaque Chabbat, dans toutes les synagogues à travers le monde
à la mémoire du regretté Grand Rabbin de Paris David Messas (zatsal)
PARACHAT MICHPATIM
Rabbin Elie Mimran*
« Je remercie Rav Ariel de cette invitation ainsi que de la possibilité de participer à cette journée d’étude,
en hommage au grand Rabbin, Rav David Messas zatsal.»
La parachat Michpatim suit celle d’Ytro. Elle est composée de deux parties. La première traite des multiples
lois concernant le domaine social, telles que les lois des dommages, des prêts, les lois traitant de
l’assistance aux personnes surtout lorsqu’elles sont vulnérables, comme les pauvres, les veuves et les
orphelins, les lois de chabbat, des fêtes, de la chémita et de la cacherout. Cette première partie recèle
près d’une cinquantaine de lois.
La deuxième partie conte la suite du récit de la révélation du Sinaï. Cette seconde partie constitue quelque
part le prolongement de parachat Ytro.
La première loi de Michpatim parait très étonnante. Elle traite du serviteur hébreu, en hébreu le Evède Ivri.
Rachi enseigne qu’une personne ayant commis un larcin, et n’ayant pas les moyens de rembourser, sera
« vendue ». Cela veut dire que cette personne travaillera chez une famille et que le fruit de son travail sera
entièrement dédié au remboursement de son vol. Ici, la Torah fait état de nombreuses halakhot, lois
concernant le statut particulier de cette personne.
Comment dès lors comprendre la transition avec la paracha précédente, Ytro ?
En effet, dans la paracha précédente, il est question de la Révélation de D.ieu au peuple d’Israël. Il est
question du don de la Torah. Il est dit que les enfants d’Israël dirent d’une seule voix naassé vénichma
« Nous ferons et nous comprendrons» lors du don de la Torah. Il est question de l’élan extraordinaire des
enfants d’Israël pour adhérer au projet de vie décrit dans la Torah.
Il semble donc que les lois qui devraient être exposées immédiatement à la suite de cette paracha soit des
lois telles que celle de la pureté, du chabbat, ou des fêtes, des lois permettant une élévation spirituelle de
la personne.
Pourquoi la Torah juxtapose-t-elle la loi du larcin et ses conséquences à la révélation de la Torah sur le
mont Sinaï ?
Deux messages se dégagent de cette juxtaposition.
Le premier est que ta Torah nous rappelle qu’un être humain a ses limites. Bien qu’il soit capable de
recevoir la Torah, de vibrer en entendant de la bouche de D.ieu, et de son serviteur Moché notre maître, les
dix commandements, rien ne peut l’assurer qu’il ne faillira pas.
Ainsi, juste après Ytro, la Torah émet une alerte en citant la loi du éved ivri, du serviteur hébreu.
Penser que cette loi est quelque chose d’improbable, est un leurre.
Ainsi, dans les maximes de nos pères, le traité de la michna Avot, il est dit : Al taamine beatslékha ad yom
motekha, « Ne crois pas en toi, jusqu’au jour de ta mort ! » Même après avoir réussi spirituellement, même
lorsque l’on a atteint un niveau exceptionnel, le yetser hara, le mauvais penchant, est toujours en attente
d’un moment de faiblesse pour agir.
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Par conséquent, la Torah nous met ici en garde afin que nous maintenions toujours maintenir
vigilance, à l’égard de notre spiritualité, éveillée.
notre
Un deuxième message fondamental se dégage des lois du eved ivri, du serviteur hébreu.
A propos de cette mitsva, de ce précepte, la Guémara dans Kidouchin, commentant un verset de la Torah,
s’adresse au maître en disant : ki tov lo imah : « Le serviteur se sent bien avec toi. »
La Guémara poursuit : imah bémaakhal, imakh bémachké : « Il sera avec toi,pour ce qu’il mange, pour ce
qu’il boit ».
La Guémara donne à ce propos un exemple concret. Si un maître possède une tranche de pain blanc, de
bonne qualité, et une de pain noir, de qualité inférieure, il n’a pas le droit de prendre le pain de bonne
qualité pour lui. Il agira de même pour le vin et pour sa literie, en donnant la meilleure de ses vins et de ses
literies à son serviteur.
La Guémara conclut avec humour, en disant que celui qui s’achète un serviteur, fait en réalité l’acquisition
d’un maître, Kol hakoné éver kéilou kana adone leétsmo.
Le Sifra, Midrach de Vaykra, du Lévitique, enseigne qu’à la lecture de ce passage du Talmud, le serviteur
pourrait revendiquer ses droits afin d’être traité d’égal à égal par son maître.
Le Sifra précise bien que cette obligation concerne le maître, qui doit considérer son serviteur comme son
frère ; mais le serviteur a le devoir de se considérer comme un serviteur.
Cette extraordinaire phrase du Midrach résume l’état d’esprit qui doit accompagner chacun, lors de
l’accomplissement des mitsvot, des préceptes de la Torah.
Dans toute situation, il est possible de considérer ses droits ou ses devoirs. L’homme doit de se montrer
exigeant dans l’accomplissement de ses devoirs. Mais alors, il est susceptible de vouloir imposer cette
exigence à l’égard des devoir qu’autrui a envers lui.
En fait, l’homme doit être exigeant avec lui-même, mais il doit aussi être capable d’avoir un regard
tolérant envers son prochain.
Ainsi, comme disent nos sages, une personne pleine de émouna, de confiance en D.ieu, doit apporter son
soutien financier à celui qui se trouve dans le besoin. Elle ne peut pas uniquement le renforcer par des
paroles de émouna, lui enseignant la croyance en D.ieu.
Le sujet du éved ivri, du serviteur hébreu, nous enseigne que bien qu’ayant vécu le don de la Torah, que
l’on a atteint des sommets au niveau de l’épanouissement spirituel, il faut être capable de regarder l’autre
avec les droits qui lui reviennent et non avec les devoirs qui sont les siens.
Avant de terminer, je voudrai dire qu’hélas, je n’ai rencontré Rabbi David zatsal, que quelque fois, mais
deux choses m’ont marqué.
Lorsque je fus diplômé du séminaire rabbinique, il désirait faire ma connaissance. Il se montra très
disponible malgré ses multiples occupations. Il disait que les rabbins n’avaient pas besoin de prendre
rendez-vous et pouvaient toujours venir sans s’annoncer. Il demeurait toujours à leur écoute.
La deuxième chose que Rabbi David nous a appris est que, lorsqu’ il s’agissait de projets permettant la
diffusion de l’enseignement de la Torah, peu importait l’organisateur, il fallait toujours être présent.
Il n’avait pas d’esprit partisan, ainsi, il participa à l’opération guéniza organisée par le collel de Créteil, du
moment que cela faisait avancer la Torah. Il avait cette hauteur, et je tenais à lui rendre cet hommage ici,
dans la synagogue où il a officié.
Les enseignements du Grand Rabbin Rabbi David perdurent et s’inscrivent dans la durée. Perpétuer sa
mémoire et son enseignement constitue une façon de le garder vivant.
* RABBIN ELIE MIMRAN
Né à Strasbourg en 1972, Rav Elie Mimran a suivi sa scolarité à Strasbourg au Lycée Yéchiva «Eshel» dirigé par le Rav Chimon
Wizman. Après avoir obtenu son baccalauréat, il étudie en Israël à la Yéchiva «Cheerit Yossef» du Rav Nissim Toledano zatsal,
décédé il y a quelques jours. Rav Elie Mimran, est depuis 1996 Rav de l’Oratoire du Palais à Créteil. Depuis 2001, il enseigne au
Lycée-Yéchiva Merkaz Hatorah à Villemomble, en région parisienne. En 2000, il obtient son agrégation d’hébreu et en 2008, il
obtient le diplôme rabbinique du Séminaire Israélite de France.
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