L`union, 2013.07.01 Alla Francesca

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L`union, 2013.07.01 Alla Francesca
Flâneries musicales: Thibaut de
Champagne, le roi trouvère
PUBLIÉ LE 01/07/2013
Par L'union-L'Ardennais
REIMS (51). Reims est en terre des trouvères. Ils « régnèrent » de la fin du
XIIe à la fin du XIIIe siècles, au Nord de la Loire. Arras, Beauvais, Béthune
furent d'autres grands centres qui les virent s'épanouir, prolongeant l'épopée
des troubadours du midi, mais en langue d'oïl. Avec les trouvères, l'influence
du grégorien s'estompe peu à peu et le style se fait plus populaire, plus
syllabique. Thibaut IV de Champagne (1201-1253) en est l'une des figures
emblématiques. Son œuvre, totalement imprégnée de l'Amour courtois, se
compose d'une soixantaine de chansons. Elles sont d'une grande délicatesse
mélodique. En 1239, ce preux chevalier porta « la croix d'Outremer » (6e
croisade) ; il en rapporta la « rose de Damas » mais aussi le cep
Chardonnay… sans lequel le champagne ne serait pas ! Roi de Navarre,
comte de Champagne, guerroyeur infatigable, amoureux passionné, Thibaut,
qui fit l'admiration de Dante, fut l'un des plus grands poètes-musiciens de son
temps.
Mais peu à peu, l'art des « trouveurs » allait se diluer au contact des premiers
essais polyphoniques… Brigitte Lesne connaît cet univers stylistique comme
personne. Elle l'a maintes fois prouvé dans ses merveilleux enregistrements à
la tête d'« Alla Francesca » et « Discantus ». Hier, l'enchantement fut total
dans le jardin des Comtes. Cinq musiciens chantant ou sonnant de divers
instruments d'Orient : psaltérion, cistre, flûte, harpe, luth et percussions au
charme incomparable… Motet, estampies, cansos venant du « Manuscrit du
Roi » semblaient improvisés. Pourtant, que de travail et de recherche dans
cette apparente légèreté ! Les chansons furent agréablement réparties entre le
timbre chevaleresque du baryton Emmanuel Vistorky, et celui, limpide et
noble, du ténor Pierre Bourhis. Certaines étaient dialoguées à la manière du
jeu-parti ; la dernière « Seignor, saichies », s'enrichissait d'une seconde voix,
improvisée. Entre harpe et tambourin, Brigitte Lesne ciselait amoureusement
la riche mélodie « De fine amor » avec une diction parfaite. Judicieusement,
les textes furent dits en français moderne avant qu'ils ne soient chantés.
Personne ne remarquait la sonorisation, fort discrète… Reims est une ville
médiévale. Y entendre des pages du Moyen Âge est une évidence. Certes,
elles sont parfois déroutantes… tout comme les créations contemporaines, et
elles demandent une accoutumance. Mais leur beauté vaut bien quelque
étude… Les Flâneries vont-elles combler ce vide ?
Francis ALBOU

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