Cass. 2 civ, 10 déc. 2015, n° 14-29214 Obs

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Cass. 2 civ, 10 déc. 2015, n° 14-29214 Obs
Cass. 2e civ, 10 déc. 2015, n° 14-29214
C. assur., art. L. 520-1 – Assurance collective vie –Obligation précontractuelle d’information – Assureur
tenu (non) – Souscripteur tenu (oui) –
C. assur., art. L. 114-1 – Action pour manquement à l’obligation précontractuelle d’information –
prescription biennale (non).
Obs. Prescription de l’action pour manquement à l’obligation précontractuelle
d’information : droit commun
L’arrêt soumis à notre appréciation nous permet de faire le point sur deux questions qui
peuvent se poser après une adhésion à un contrat d’assurance collectif vie :
-
La détermination du débiteur de l’obligation précontractuelle d’information ;
La nature de la prescription de l’action engagée contre l’intermédiaire ou l’assureur pour
manquement à l’obligation précontractuelle d’information.
Ainsi, à la suite de son adhésion à un contrat d’assurance collectif vie en janvier 2007, grâce à
l’intervention d’un intermédiaire, l’adhérent demande la restitution de la somme versée dont
le capital a subi d’importantes pertes. L’assureur refusant de faire droit à sa demande,
l’adhérent l’assigne en avril 2010, ainsi que l’intermédiaire, en nullité ou résolution judiciaire
du contrat sur le fondement d’un manquement au devoir de conseil et d'information de
l'article L. 520-1 du Code des assurances. La cour d’appel l’ayant débouté de sa demande
contre l’assureur, et estimant son action contre le souscripteur prescrite, l’adhérent forme un
pourvoi.
Concernant l’action intentée contre l’assureur, la Cour de cassation approuve la cour d’appel
de l’avoir rejetée, au motif que l’obligation d’information issue de l’article L. 520-1 précité
n’incombe qu’à l’intermédiaire avec qui elle a été en relation. La solution mérite approbation
puisque, certes, l’assureur est tenu de la rédaction d’une notice d’information (C. assur., art.
L. 141-1), mais seul le souscripteur est tenu d’une obligation d’information et de conseil (V.
S. Abravanel-Jolly, Droit des assurances, Ellipses, 2013, n° 870) à l’égard de l’adhérent. Et,
en l’occurrence, l’intermédiaire doit informer précisément l’adhérent, avant la conclusion du
contrat, en fonction de ses besoins et de ses capacités financières.
En revanche, concernant la prescription de l’action contre le souscripteur, la Haute juridiction
censure la cour d’appel pour l’avoir déclarée prescrite, après avoir fait application de la
prescription biennale, alors qu’au sens de l’article L. 114-1 du même Code « l'action engagée
contre l'assureur ou l'intermédiaire d'assurance sur le fondement d'un manquement à
l'obligation précontractuelle d'information et de conseil ne dérive pas du contrat
d'assurance ». La solution, constante (V. Cass. 2e civ., 22 janv. 2004, RCA 2004, comm.
122 ; Cass. 1re civ., 30 janv. 2001, RGDA 2001, p. 53, note J. Kullmann), doit encore être
approuvée car l’action fondée sur un manquement à une obligation précontractuelle est bien
une action légale qui ne saurait dériver du contrat d’assurance.
Sabine Abravanel-Jolly
L’arrêt :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a adhéré le 26 janvier 2007, par l'intermédiaire de
la société Akipha, aux droits de laquelle vient la société Akipha audit stratégies (la société
Akipha), à un contrat « Fipavie Premium » souscrit par la société Oddo et Cie auprès de la
société Génération vie ; qu'ayant sollicité en vain de la société Akipha et de la société Oddo et
Cie la restitution de la somme de 130 000 euros qu'elle avait versée sur ce contrat, dont le
capital avait subi d'importantes pertes, elle les a assignées le 1er avril 2010 en nullité ou
résolution judiciaire du contrat, ainsi qu'en paiement d'une somme sur le fondement d'un
manquement au devoir de conseil et d'information de l'article L. 520-1 du code des
assurances;
Sur le second moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande à l'encontre de la
société Oddo et Cie ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant retenu, par des motifs non critiqués par le pourvoi, que
la société Oddo et Cie était le souscripteur du contrat d'assurance collectif vie mais n'avait
jamais été en relation directe avec Mme X..., a pu décider que le respect des dispositions de
l'article L. 520-1 du code des assurances fondant exclusivement l'action de Mme X...
incombait à la seule société Akipha qui agissait en qualité d'intermédiaire ;
D'où il suit que le moyen, qui s'attaque à des motifs surabondants, est inopérant et ne peut être
accueilli ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 114-1, alinéa 1er, du code des assurances ;
Attendu que la prescription biennale n'a lieu de jouer que pour les actions dérivant du contrat
d'assurance ;
Attendu que, pour déclarer prescrite l'action de Mme X... à l'encontre de la société Akipha,
l'arrêt énonce que l'adhésion est en date du 26 janvier 2007 et l'assignation du 1er avril 2010 ;
que toute action dérivant d'un contrat d'assurance est prescrite par deux ans à compter de
l'événement qui y donne naissance ; qu'en l'espèce, l'action en responsabilité de Mme X...
repose exclusivement sur le non-respect des dispositions de l'article L. 520-1 du code des
assurances dans un contrat d'assurance exécuté et dérive donc bien d'un contrat d'assurance de
sorte que cette action se trouve manifestement prescrite ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action engagée contre l'assureur ou l'intermédiaire d'assurance
sur le fondement d'un manquement à l'obligation précontractuelle d'information et de conseil
ne dérive pas du contrat d'assurance, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte
susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier
moyen : Met hors de cause, sur sa demande, la société Oddo et Cie ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action engagée par Mme
X... à l'encontre de la société Akipha audit stratégies, l'arrêt rendu le 16 octobre 2014, entre
les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la
cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les
renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

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