Les terrasses sur le domaine public

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Les terrasses sur le domaine public
Rapports et études
Les prises de position de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris
LES TERRASSES SUR LE DOMAINE PUBLIC
Préserver l’activité commerciale et animer les
quartiers dans un « savoir-vivre ensemble »
Rapport de Monsieur Jacques TARDIEU
Avec la collaboration de Madame Hélène ZWANG, Département de droit public et économique
Présenté au nom de la Commission du commerce et des échanges
Adopté à l'Assemblée générale du 18 mars 2010
SOMMAIRE
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS
INTRODUCTION
PARTIE 1
LES TERRASSES, DES LIEUX D’ANIMATION A PRESERVER
6
Proposition n° 1 - Veiller au respect des autorisations d’implantation
7
Proposition n° 2 - Protéger l’environnement et le cadre de vie
8
Proposition n° 3 - Élaborer des guides pour lutter contre le bruit excessif et les nuisances
9
PARTIE 2
UNE SECURITE JURIDIQUE ET FINANCIERE DES DROITS D’OCCUPATION
DU DOMAINE PUBLIC A AMELIORER
11
Proposition n° 4 - Renforcer la motivation des augmentations des redevances d’occupation
domaniale
12
Proposition n° 5 - Faciliter la transmission de terrasses sur le domaine public
13
Proposition n° 6 - Créer des droits à indemnisation via la reconnaissance
d’un fonds de commerce sur le domaine public
13
2
LES PRINCIPALES PROPOSITIONS
S’implanter sur le domaine public est soumis à autorisation préalable car cet espace est, par nature, accessible
et ouvert à tous. Son usage doit être harmonieusement partagé et si des activités commerciales peuvent s’y
exercer, elles doivent s’inscrire dans un nécessaire « savoir-vivre ensemble ».
Dans ce contexte, le commerçant de proximité a un rôle particulier en ce qu’il est au cœur de l’animation et du
dynamisme des quartiers. Il peut désirer s’installer, de façon plus ou moins continue et pérenne, sur des
parcelles du domaine public. Si l’implantation d’activités lucratives est acceptée - et même parfois encouragée depuis longtemps, l’actualité récente a rappelé combien le partage de l’espace pouvait soulever de vives
polémiques. C’est ainsi que l’une des conséquences indirectes de l’interdiction de fumer dans les cafés, bars et
restaurants a été l’augmentation des réclamations et plaintes pour troubles de voisinage…
Aussi, la CCIP souhaite formuler différentes propositions favorisant la conciliation entre satisfaction optimum du
client-consommateur, libre usage de tous de l’espace public et garanties pour les professionnels y exerçant. Il
s’agit, d’une part, de préserver les lieux d’animation que sont les terrasses et, d’autre part, de renforcer la
sécurité juridique et financière des détenteurs de droits d’occupation du domaine public.
PARTIE 1
Les terrasses, des lieux d’animation à préserver
Proposition n° 1 - Veiller au respect des autorisations d’implantation : les autorités de police étant ici
chargées de contrôler le respect des limites prescrites quant à la dimension de la terrasse.
Proposition n° 2 - Protéger l’environnement et le cadre de vie
-
Inciter les responsables d’établissement à s’équiper de chauffes-terrasses « propres » ;
Prévoir dans les réglementations locales, l’autorisation automatique et sans redevance, de placer des
cendriers devant les établissements, naturellement assortie de conditions d’hygiène et de passage.
Proposition n° 3 - Élaborer des guides pour lutter contre le bruit excessif et les nuisances
-
Développer les opérations de sensibilisation et les guides ou manuels du bruit ;
Renforcer la concertation entre professionnels, services municipaux et habitants ainsi que les médiations
réunissant administration, commerçants et particuliers ;
Généraliser rapidement à tous les départements les « Médiateurs HCR ».
PARTIE 2
Une sécurité juridique et financière des droits d’occupation du domaine public à améliorer
Proposition n° 4 - Renforcer la motivation des augmentations des redevances d’occupation domaniale
-
Justifier la modification par la personne publique des tarifs applicables à l’occupation de son domaine ;
Mentionner sur les factures, dans un souci de transparence, les détails des modes de calcul (dimensions,
taux…) et l’évolution du tarif, assorti du pourcentage d’augmentation / de diminution par rapport à l’année
précédente ;
Prohiber les hausses deux fois supérieures à l’inflation.
3
Proposition n° 5 - Faciliter la transmission de terrasses sur le domaine public
-
Permettre, en cas de transmission de boutique correspondant au seul changement de propriétaire (sans
modification ni de l’activité, ni des modalités d’occupation du domaine public), au nouvel acquéreur de
procéder uniquement à une information sur cette transmission, entraînant le prolongement de plein droit de
l’autorisation.
Proposition n° 6 - Créer des droits à indemnisation via la reconnaissance d’un fonds de commerce sur le
domaine public
-
Consacrer, dans les textes, une juste indemnisation de l’occupant évincé ;
Reconnaître l’exploitation d’un fonds de commerce sur le domaine public avec la possible détermination
d’indemnités en cas de résiliation de l’autorisation pour des motifs d’intérêt général. Cette solution aurait
également pour avantage de valoriser le domaine public en renforçant son attractivité et en stabilisant les
ressources provenant de son exploitation.
4
INTRODUCTION
Le domaine public est, par son essence même, accessible et ouvert à tous : c’est un espace commun qu’on ne
peut s’approprier 1 . Son statut spécifique entraîne l’impossibilité pour des particuliers de l’occuper sans avoir
obtenu un contrat ou une autorisation en ce sens 2 . Le Code général de la propriété des personnes publiques
précise d’ailleurs que « nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine
public […] ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous » 3 , ce titre présentant, au
demeurant, un caractère précaire et révocable 4 .
Des activités commerciales et des occupations privatives peuvent certes s’y installer mais cela nécessite une
veille attentive quant à l’utilisation équilibrée par tout un chacun. Les exemples ne manquent pas dans l’actualité
récente démontrant les difficultés en la matière : quand les fumeurs quittent les intérieurs des cafés pour allumer
une cigarette, cela engendre des nuisances pour le voisinage, lorsque les noctambules s’attardent sur les
trottoirs devant les établissements ouvrant tard, les conversations perturbent les habitants alentours 5 …
Le partage de l’espace soulève donc parfois des polémiques et conflits d’intérêts au centre desquels le
commerçant se trouve en délicate posture, contraint qu’il est de faire vivre son lieu de travail tout en respectant
les réglementations et attentes légitimes des voisins. Pourtant, en s’implantant de façon plus ou moins pérenne
sur le domaine public, il participe à la valorisation économique et sociétale de celui-ci. En effet, via notamment la
création de terrasses et la mise en place d’étalages, il est au cœur de l’animation et du dynamisme des quartiers.
Dans la continuité de ses travaux et devant la particulière acuité des problématiques liées à l’occupation du
domaine public par les commerçants, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris formule différentes
propositions tendant, d’une part, à préserver les lieux d’animation que sont les terrasses et, d’autre part, à
renforcer la sécurité juridique et financière des détenteurs de droits d’occupation du domaine public 6 .
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Le domaine public est, en effet, inaliénable, imprescriptible et insaisissable.
Quiconque s’implante sur le domaine public sans titre régulier est considéré comme « occupant sans titre », CAA Paris,
Amadou, 2 mars 1999, n° 96PA04552.
Art. L2122-1.
Art. L2122-3.
« Les pétitions se multiplient contre les terrasses fumeurs », Le Figaro, 11 août 2008, « La rue Saint-Denis maudit ses
terrasses », Le Parisien, 14 octobre 2009, « La guerre de la nuit est relancée », Le Parisien, 25 janvier 2010.
Le présent rapport n’a pas vocation à traiter des problématiques liées au commerce non sédentaire et ne vise que
l’occupation du domaine public effectuée par des responsables d’établissement. Il a été élaboré avec l’appui des
Délégations de la CCIP et après consultation des organisations professionnelles (Synhorcat et UMIH).
5
PARTIE 1
Les terrasses, des lieux d’animation à
préserver
6
Certains commerces peuvent souhaiter, pour des raisons économiques, proposer à leur clientèle la possibilité de
s’installer sur une terrasse ; tel est notamment le cas des cafés, bars et restaurants. La forme de cette terrasse
est elle-même susceptible de variantes : avec estrade ou sans, fermée ou non, matérialisée par des jardinières
ou des grilles ajourées… Il peut également s’agir de contre-terrasses, situées alors en vis-à-vis de
l’établissement, à proximité du bord de la chaussée.
Ces dernières années, leur nombre a fortement augmenté, principalement en raison de l’interdiction de fumer
dans les lieux publics. Cette multiplication soulève de nombreux problèmes avec les riverains eu égard aux
nuisances. Nuisances sanitaires et olfactives, tout d’abord, avec la fumée de cigarette qui pénètre dans les
appartements. Nuisances sonores, ensuite, avec les bruits de conversation, d’animation… qui troublent le
quotidien des voisins.
PROPOSITION N° 1
Veiller au respect des autorisations d’implantation
L’interdiction de fumer dans les cafés, hôtels, restaurants, discothèques et casinos est effective depuis le
1er janvier 2008 7 . Elle se situe dans la continuité de mesures, telle la loi Évin (qui visait les transports en
commun ainsi que les lieux de travail affectés à un usage collectif et créait des zones fumeurs et nonfumeurs dans les établissements de restauration), tendant à restreindre le nombre de consommateurs de
tabac et les conséquences de la fumée sur la santé et l’environnement 8 .
Il demeure néanmoins possible de fumer sur les terrasses, dès lors qu’elles ne sont pas totalement
fermées, par exemple si la façade est ouverte ou si la terrasse n’est pas couverte. Le ministère de la
Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative a exposé dans une circulaire les modalités de
mise en œuvre de l’interdiction :
L’interdiction de fumer ne concerne pas les terrasses stricto sensu (« emplacement sur le trottoir d’une voie
publique où l’on dispose des tables et des chaises pour les consommateurs, devant un établissement »).
En effet, une terrasse est un espace extérieur. Aux termes du décret n° 2006-1386, de tels espaces ne
sont pas concernés par l’interdiction de fumer.
Pour l’application de ce texte, doivent, en particulier, être considérés comme des espaces extérieurs :
– les terrasses totalement découvertes quand bien même elles seraient closes sur leurs côtés ;
– les terrasses couvertes mais dont le côté principal serait intégralement ouvert (en général, la façade
frontale).
[…] la terrasse doit être physiquement séparée de l’intérieur de l’établissement. Il est donc interdit de fumer
sur une « terrasse » qui ne serait que le prolongement de l’établissement dont aucune cloison ne la
séparerait 9 .
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Pour mémoire, ces établissements ont bénéficié d’un « sursis » de 11 mois pour mettre en application l’interdiction inscrite
dans le décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006 (JORF n° 265 du 16 novembre) et qui visait tous les lieux fermés et
couverts accueillant du public ou constituant des lieux de travail.
« Depuis les années soixante-dix, et en France, depuis la loi Veil du 9 janvier 1976, complétée par la loi Évin du 10 janvier
1992, ce sont les pouvoirs publics qui, dans cette même perspective sanitaire, ont donc pris le relais des règles de savoirvivre. [...]. D'abord, la liberté de fumer n'est plus le principe : elle devient une exception, de plus en plus chichement
mesurée. Par conséquent, on n'énumère plus, comme dans les manuels de politesse de l'ancien temps, les lieux où l'on
ne doit pas fumer (ce qui suppose qu'on peut le faire ailleurs), on énonce un interdit général, qui dans certains pays, en
Amérique ou en Europe, tend à être conçu de façon extensive, incluant les cafés, les restaurants, les rues, etc. L'impératif
légal se substitue ainsi au jeu complexe et nuancé de la sociabilité.» : « Réprimer les fumeurs : une histoire ancienne Panorama de Jacques Ier d'Angleterre à nos jours », Frédéric Rouvillois, professeur de droit public à l'université Paris-V.
www.entreprise-et-droit.com/lng_FR_srub_21_iart_764-Reprimer-les-fumeurs-une-histoire-ancienne-Panorama-de-J-.html
Circulaire DGS/MC2 n° 2008-292 du 17 septembre 2008 relative aux modalités d’application de la seconde phase de
l’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif (NOR : SJSP0830980C).
7
Sur ce dernier point, il a été précisé qu’il vise uniquement les vérandas et non les terrasses ouvertes,
souvent saisonnières 10 : seuls les établissements désirant ouvrir leur terrasse fermée pour y accueillir des
fumeurs doivent la séparer par une cloison du reste de l’établissement.
Depuis 2006, de nombreux cafetiers et restaurateurs ont sollicité l’implantation de terrasse ou
l’agrandissement de celle existante, s’offrant ainsi un espace accessible aux fumeurs et limitant les pertes
de clientèle et chutes de chiffre d’affaires. Rien que sur Paris, les demandes d’ouvertures de nouvelles
terrasses ont augmenté de près de 27 % entre 2007 et 2008 ; désormais, sur les 15 000 cafés et
restaurants, 8000 possèdent une terrasse 11 . Ces autorisations sont données expressément et au regard
de réglementations municipales (variant fortement d’une commune à l’autre).
Il appartient aux autorités de police de veiller au respect des limites accordées pour l’implantation
de terrasse (des clous matérialisant les périmètres sont parfois même mis en place). Certes, des
dérives peuvent hélas exister et il convient que les cafetiers-restaurateurs contrevenants mettent
fin à leurs excès mais, par-delà ces cas isolés, il ne faut pas perdre de vue que les détenteurs de
droit d’implantation de terrasse ne font qu’exercer celui-ci qui leur a été légalement octroyé.
PROPOSITION N° 2
Protéger l’environnement et le cadre de vie
Afin d’utiliser les terrasses tout au long de l’année, des systèmes de chauffage ont été installés. Ils ont
rapidement déclenché de vives polémiques se rapportant principalement à la protection de
l’environnement. Une proposition de loi visant à interdire les terrasses chauffées a d’ailleurs été déposée
en 2008 par certains députés mais aucune suite n’y a été donnée 12 . De même, des velléités d’interdiction
générale de « chauffes-terrasses » ont été exprimées, sans davantage recueillir de consensus. Enfin,
différentes associations ont engagé des actions en justice contre des restaurants et cafés franciliens qui
possèdent des terrasses fermées et chauffées ; les audiences ont été renvoyées faute de preuves
suffisantes.
Sous nos climats, il convient de rester pragmatique : les « chauffes-terrasses » sont le seul moyen
disponible à certaines saisons pour proposer aux clients de consommer au chaud tout en fumant.
Aussi, il est avant tout important d’inciter les responsables d’établissement à s’équiper en
matériels « propres » et respectueux de l’environnement.
Une autre piste de réflexion pourrait être celle de la transposition du système scandinave des plaids. Celuici s’est développé, en particulier en Norvège, après l’interdiction de fumer et - grâce également à la
créativité des restaurateurs qui ont joué sur les motifs et coloris - a rapidement été adopté par les
fumeurs 13 . Des expérimentations pourraient être menées en ce sens.
Une autre problématique quant au respect du cadre de vie est celui de la propreté devant les
établissements. En effet, de nombreux fumeurs quand ils sortent jettent leur mégots dans la rue, ce qui,
outre l’aspect esthétique, est susceptible de boucher les canalisations et égouts.
Les cafetiers-restaurateurs veillent naturellement à la propreté de leur devanture mais ne peuvent pas
fatalement récupérer la totalité des mégots. Disposer un cendrier n’est pas toujours aisé (sauf quand des
Synhorcat, communiqué du 15 mais 2009, www.synhorcat.com
Chiffres CIDB (« Centre d’information et de documentation sur le bruit »), www.bruit.fr
12 Une étude du cabinet de conseil « Carbonne 4 » datant de décembre 2009 a démontré, par exemple, qu’une terrasse
chauffée par quatre braseros au gaz pendant huit heures équivaut à un trajet en voiture de 350 km. Alors même que,
selon le Synhorcat, près de 50 % des établissements parisiens seraient désormais équipés de braseros.
13 Concrètement, des plaids sont mis gratuitement à disposition des clients qui souhaitent rester en extérieur. Après une
certaine perplexité des commentateurs, force est de reconnaître que ces couvertures connaissent un vrai succès. Les
responsables d’établissement jouent d’ailleurs maintenant sur ces plaids, leurs couleurs, décorations…
10
11
8
terrasses existent car il suffit d’en placer sur les tables), d’autant plus que des cendriers sur pied ou
empiétant sur le domaine public doivent avoir obtenus une autorisation ad hoc.
Les réglementations locales relatives à l’occupation du domaine public devraient prévoir la
possibilité de placer des cendriers devant les établissements, naturellement assortie de conditions
d’hygiène et de passage. Dès lors que le demandeur remplirait ces conditions, le placement du
cendrier serait automatiquement accordé et sans redevance.
PROPOSITION N° 3
Élaborer des guides pour lutter contre le bruit excessif et les nuisances
Les établissements recevant du public font de plus en plus souvent l’objet de protestations, voire de
plaintes, des voisins relativement au bruit généré par leur clientèle. À l’heure où certaines municipalités
souhaitent redynamiser les villes et quartiers, il n’est pas aisé de concilier animation et calme et, ainsi que
l’a mentionné un élu parisien, « il faut accepter que la nuit n’est pas qu’une source de nuisance, mais aussi
d’activité » 14 .
Les professionnels sont ici assez démunis : l’animation qu’ils doivent créer est par essence même
incompatible avec certaines interdictions. Leur métier se transforme, ils doivent maintenant assurer un rôle
de maintien de l’ordre (certains engagent même des vigiles pour rester devant l’établissement et s’assurer
que les clients ne font pas de bruit dans la rue). Au demeurant, il n’est pas rare que les riverains qui
protestent soient ceux qui, quelques jours auparavant, profitaient d’un dîner en terrasse…
La question du bruit n’est certes pas nouvelle mais elle a été fortement accrue avec l’interdiction de la
cigarette. Dans ce contexte, des municipalités ont rédigé des guides se rapportant aux nuisances sonores :
- La ville de Lille, dès 2003, a établi la « Charte de la vie nocturne » précisant, notamment, que les
exploitants doivent attirer « tout particulièrement l’attention de leur clientèle sur les bruits qu’elle peut
générer tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’établissement » 15 . Cette Charte a été reprise par d’autres
communes (dont Nice en France et Tournai en Belgique) ;
- La mairie de Rueil-Malmaison possède un guide destiné aux commerçants et artisans intitulé
« Comment lutter contre le bruit. À chaque bruit sa solution » 16 . Co-rédigé par les services de la ville et
ceux de la CCIP-92, il permet de leur donner des conseils pratiques pour limiter les nuisances sonores
liées à leur activité commerciale. Ce guide se fonde sur l'expérience de la « Cellule Bruit » créée en
2003 avec pour mission de sensibiliser la population mais aussi les commerces et moyennes surfaces
aux nuisances sonores. L’objectif est de concilier « le rayonnement du centre-ville avec la qualité de vie
des habitants » ;
- A Paris, les services de la Préfecture de police mènent depuis l’été 2009 une démarche 17 de prévention
et de sensibilisation aux nuisances sonores visant à la fois les responsables des établissements et les
clients. Cela se fait au travers d’une campagne d'information avec 10 000 affiches et 50 000 cartes
postales proclamant « En terrasse de café et restaurant, respectez la tranquillité du voisinage - Quand
Le Conseil de Paris a d’ailleurs voté le principe d’états généraux de la nuit qui rassembleront en juin 2010 commerçants,
Mairie de Paris, ministère de la Culture et Préfecture de police.
15 « Les exploitants des débits de boissons et restaurants se conformeront aux lois et règlements en vigueur qui existent
indépendamment de la présente charte, et qui régissent leur activité […] ils s’engagent à respecter la tranquillité publique
et à mettre en œuvre tous les moyens tendant à la préserver ».
http://www.mairie-lille.fr/fr/Vie_economique/Commerce/vie-nocturne/charte-vie-nocturne/downloadFile/attachedFile_f0/
charte-vie-nocturne.pdf?nocache=1231424761.44
16 Ce guide a été récompensé d’un décibel d’or. http://www.ccip92.ccip.fr/upload/pdf/guide_bruit.pdf
17 En partenariat avec la mairie de Paris, le SNEG, Syndicat national des entreprises gaies, l’Association française des
exploitants de discothèques et dancings, l’UMIH, la Chambre syndicale des cabarets artistiques et discothèques de
France.
14
9
vous consommez ou fumez en terrasse, soyez discrets ! ». Les policiers des commissariats
d’arrondissement de la capitale disposent d’un kit composé de ces outils et proposent aux exploitants
« de les afficher dans leur établissement pour concourir à une coexistence respectueuse de tous,
consommateurs et riverains » 18 .
L’échange de bonnes pratiques et la rédaction de guides et manuels du bruit doivent être fortement
encouragés. Ceux existant pourraient utilement inspirer, avec l’appui du réseau consulaire, les
collectivités qui en sont encore dépourvues.
Parallèlement, une concertation des professionnels, services municipaux et habitants est
indispensable au « savoir-vivre ensemble ». Ce dernier peut également prendre la voie d’un
développement des médiations réunissant administration, commerçants et particuliers.
Dans certains départements, comme Paris, il existe un Médiateur auprès du Préfet de police pour le
secteur des hôtels, cafés et restaurants. Il conseille les professionnels et facilite leurs relations avec les
administrations de l’État chargées de les contrôler. Il traite une centaine de dossiers par an (à Paris,
environ dix par mois), ce nombre ayant augmenté avec l’accroissement des terrasses. Son rôle est
également informatif via l’organisation de réunions pour les professionnels faisant intervenir les services de
contrôle. L’expérience d’un « Médiateur HCR » devrait être rapidement généralisée à tous les
départements, conformément à ce que prévoit le « Contrat de croissance en faveur de l’emploi et
de la modernisation HCR » signé le 17 mai 2006 entre l’État et les organisations professionnelles de
ce secteur.
18
Communiqué de la Préfecture de police du 10 juin 2009,
www.prefecture-police-paris.interieur.gouv.fr/documentation/article/2009/campagne_cafe.htm
10
PARTIE 2
Une sécurité juridique et financière
des droits d’occupation du domaine
public à améliorer
11
Les personnes publiques ne peuvent vendre à un particulier une parcelle leur appartenant. En revanche,
l’occupation privative est permise sous certaines conditions, ces dernières faisant le plus souvent l’objet d’un
règlement ad hoc.
L’autorisation est toujours délivrée à titre précaire et révocable 19 : elle ne crée aucun droit au profit de son
bénéficiaire. Ces caractéristiques entraînent la possibilité pour l’administration de la retirer à tout moment, les
indemnisations n’étant pas automatiques. Enfin, même lorsque le demandeur a rassemblé la totalité des pièces
exigées, et même si les commerçants voisins ont obtenu une autorisation, il n’existe aucune obligation de
délivrance de permis de la part de l’autorité administrative.
PROPOSITION N° 4
Renforcer la motivation des augmentations des redevances d’occupation domaniale
D’une manière générale, il existe un principe de non gratuité de l’occupation du domaine public 20 . Ainsi, la
contrepartie de l’autorisation d’occupation ou d’utilisation est le paiement d’une redevance par le
bénéficiaire (art. L2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques). Les droits de voirie
concernés doivent être calculés en fonction des avantages de toute nature retirés par l’occupant 21 , d’une
part, et des caractéristiques de la terrasse visée (ouverte ou non…), d’autre part. La taxe afférente est en
général annuelle et doit être versée par le propriétaire du commerce au 1er janvier.
Les barèmes applicables aux droits de voirie sont fixés par la personne publique compétente pour la
délivrance des autorisations, mais il n’existe pas de motivation systématique des changements de ces
barèmes. Cela rend difficile la compréhension des bases de calcul retenues, ainsi que des montants fixés,
car la correspondance avec la valeur locative du domaine et l’avantage que l’occupant en retire est
souvent sujette à débat.
Potentiellement donc, l’augmentation du droit à s’installer sur le domaine public est illimitée et toujours
sans motivation obligatoire… Cela touche les commerçants comme les artistes : La Défense devenue zone
touristique connait une hausse de 500 % et les peintres de la place du Tertre occupant le « carré des
artistes » de Montmartre vont voir leur redevance augmenter de 250 % cette année 22 .
La modification par la personne publique des tarifs applicables à l’occupation de son domaine
devrait être dûment motivée.
Plus généralement, les factures devraient mentionner, dans un souci de transparence, les détails
des modes de calcul (dimensions, taux…) et l’évolution du tarif, assorti du pourcentage
d’augmentation / de diminution par rapport à l’année précédente.
Sur ce dernier point, outre leur motivation obligatoire, les hausses deux fois supérieures à
l’inflation devraient être prohibées.
L'occupation ou l'utilisation du domaine public ne peut être que temporaire (art. L2122-2 du Code général de la propriété
des personnes publiques).
20 Arrêt de la CAA Marseille, 6 décembre 2004, « Commune de Nice », n° 00MA01740.
21 Voir arrêt du Conseil d’État du 12 décembre 1923, « Peysson », selon lequel la redevance doit tenir compte « du mode
d’usage et de la situation des emplacements occupés ainsi que de la nature des commerces exercés », Rec. Lebon,
p. 826. Voir également l’arrêt du 10 février 1978, « Ministre de l’Économie et des Finances c/ Scudier » qui énonce que
« la redevance imposée à un occupant du domaine doit être calculée non seulement en fonction de la valeur locative
d’une propriété privée comparable à la dépendance du domaine public pour laquelle la permission est délivrée, mais aussi
de l’avantage spécifique que constitue le fait d’être autorisé à jouir d’une façon privative d’une partie du domaine public ».
Rec. Lebon, p. 66.
22 « La complainte de la Butte - Arbitraire et transparence des droits d’occupation à Montmartre », Hélène Zwang, Blog
Friedland. www.friedland.ccip.fr/1698_la-complainte-de-la-butte-arbitraire-et-transparence-des-droits-doccupation-a-mont
martre/.
19
12
PROPOSITION N° 5
Faciliter la transmission de terrasses sur le domaine public
Le caractère intuitu personae des autorisations entraîne leur incessibilité : en cas de cessation d’activité,
l’autorisation est automatiquement abrogée, le repreneur du commerce dont le précédent propriétaire
bénéficiait d’une permission de voirie doit présenter une nouvelle demande, l’administration n’étant
nullement liée par la décision antérieure.
Cependant, la possession d’une terrasse peut être un avantage comparatif pour les commerces et
renforcer leur valeur. Un cédant de fonds de commerce peut, dans l’évaluation de celui-ci et sans
considérer pour autant posséder de droits acquis sur le domaine public, présenter son autorisation
d’occupation comme un élément valorisant.
En cas de transmission de boutique correspondant seulement à un changement de propriétaire
(sans modification ni de l’activité, ni des modalités d’occupation du domaine public), il conviendrait
de permettre au nouvel acquéreur de procéder uniquement à une information sur cette
transmission, entraînant le prolongement de plein droit de l’autorisation.
PROPOSITION N° 6
Créer des droits à indemnisation via la reconnaissance d’un fonds de commerce sur le domaine
public
Les dépendances du domaine public sont insusceptibles de faire l’objet d’un bail commercial. Cette
impossibilité est affirmée de façon claire et régulière par les juges, civils comme administratifs 23 . S’en
déduit l’exclusion de la réglementation sur les fonds de commerce 24 : « [l’occupante] n’est pas fondée à
réclamer la valeur d’un fonds de commerce dont la nature administrative du contrat exclut qu’il ait pu être
créé sur le domaine public » 25 ainsi que le refus pour le commerçant évincé du domaine public (les
autorisations étant précaires et discrétionnaires) de demander l’application du statut des baux
commerciaux en sollicitant ainsi l’indemnité d’éviction. De plus, comme on l’a vu, l’acquéreur d’un
établissement possédant une terrasse n’a aucun droit systématique à obtenir l’autorisation de maintien de
celle-ci.
Pourtant, sans remettre en cause le principe de l’interdiction du bail commercial sur le domaine
public, il est fortement souhaitable de prendre en compte les investissements éventuellement
réalisés par le commerçant, la valorisation de son établissement… Aussi, une réflexion quant aux
possibilités d’indemnisation du commerçant évincé doit-elle être réalisée avec, en particulier, la
reconnaissance d’un fonds de commerce sur le domaine public.
En effet, en droit commercial, rien n’empêche de dissocier l’existence d’un bail commercial et celle d’un
fonds de commerce. Cette solution devrait être étendue au droit public. D’autant plus que la jurisprudence
récente tend à aller en ce sens. Ainsi la CAA de Bordeaux a estimé que « la nature précaire et révocable
de toute autorisation d’occupation du domaine public rend inapplicable […] la législation sur les baux
commerciaux » toutefois, « cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l’activité, qui s’exerce en vertu
« Faut-il mettre fin à l’exclusion de l’exercice de la propriété commerciale sur le domaine public ? », Odile de David
Beauregard-Berthier, AJDI 2005, p. 633. Voir également CAA Marseille, 4 février 2008, « SARL La Joliette »,
n° 05MA00895 : « les parcelles en cause continuent à constituer une dépendance dudit domaine public communal ; que
par voie de conséquence, le bail […] conclu sur une dépendance du domaine public, ne peut être regardé que comme une
convention précaire et révocable […] que la SARL La Joliette n'a jamais été légalement titulaire d'un bail commercial à cet
emplacement ».
24 « La société Le P’tit crème, qui n’a jamais été légalement titulaire d’un bail commercial à cet emplacement, n’est pas en
droit de demander une indemnité correspondant à la valeur de son fonds de commerce », CAA Versailles, 28 décembre
2006, « Société Le P’tit crème c/ Agence foncière et technique de la région parisienne », n° 05VE02175.
25 CAA Lyon, 17 décembre 1990, « Centre hospitalier de Bourg-en-Bresse », n° 89LY00799.
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d’une telle autorisation, soit regardée comme l’exploitation d’un fonds de commerce, dont la perte
constitue, dès lors, un préjudice ouvrant droit à réparation » 26 .
Dans la ligne de ce mouvement jurisprudentiel, une juste indemnisation de l’occupant évincé doit
aujourd’hui être consacrée par les textes.
Reconnaître l’exploitation d’un fonds de commerce sur le domaine public entraînerait la possible
détermination de droits indemnitaires en cas de résiliation de l’autorisation pour des motifs
d’intérêt général 27 .
Cette solution aurait également pour avantage de valoriser le domaine public en renforçant son
attractivité et en stabilisant les ressources provenant de son exploitation.
CAA Bordeaux, 6 novembre 2008, « Ville de Limoges », n° 08BX00575. Citons également, CAA Paris, 5 avril 2007,
« Société civile Le Galion », n° 05PA01068 : « Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que le
bénéficiaire d’une autorisation d’occupation privative du domaine public ne puisse être que le titulaire du fonds de
commerce et non le propriétaire du bien, siège de l’activité commerciale exercée sur le domaine public ».
27 « L’instabilité jurisprudentielle en matière d’occupation privative du domaine public », Philippe Hansen, AJDA, 8 juin 2009,
pp. 1078s.
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