Situation des écrivains, aujourd`hui, dans le monde

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Situation des écrivains, aujourd`hui, dans le monde
Situation des écrivains, aujourd'hui, dans le monde
Table ronde et débats animés par :
Marie Vrinat-Nikolov (Inalco), Louis Chevaillier (Direction éditoriale Phébus), Alexandre
Prstojevic (Inalco), Philippe Daros (Sorbonne Nouvelle)
mardi 4 octobre 10H-12H30 ; 14H-16H30
Salons d’honneur de l’INALCO,
2 rue de Lille, 75006 Paris
Cette table ronde, organisée, par l'Inalco et la Sorbonne Nouvelle, en deux demi-journées
dans les salons de l'Inalco, donnera la parole à des écrivains venus d'horizons géographiques,
culturels les plus divers pour essayer de définir une "situation" de l'écrivain dans le monde
aujourd'hui.
Avec la participation de :
M. Louis CHEVAILLIER (poète, essayiste, France)
M. Marcos EYMAR (romancier, Espagne)
M. Vincent MESSAGE (romancier, France)
M. Pierre OUELLET (romancier, critique littéraire, essayiste, Canada)
M. Alek POPOV (romancier, Bulgarie)
M. Mokhtar SAHNOUN (romancier, critique littéraire, Tunisie)
M. Giorgio VASTA (romancier, Italie)
Mme Ornela VORPSI (romancière, Albanie, Italie, France)
Mme Claire YUAN (romancière, traductrice, Chine)
Tous ces écrivains ont reçu un questionnaire (infra), point de départ à des échanges de
points de vue proposés par les animateurs de cette table ronde et organisés librement, de
manière informelle. Les écrivains invités pourront tout aussi librement définir leur "situation" par
rapport à leur pays, à leur culture, à la langue, à l'espace et au temps historique dans lesquels ils
se trouvent, par rapport à ce qu'il est convenu aujourd’hui d'appeler la "mondialisation"...
1/ Diriez-vous que votre conception du roman s’inscrit dans un héritage critique du grand roman
européen du XIXe siècle ?
2/ Quelles significations recouvre, pour vous aujourd’hui, le concept de « représentation », de
représentation du "réel" ? Plus simplement : représenter ce que l'on appelle communément "la
réalité" est-il une préoccupation pour vous ? Vos différents textes déploient-ils tous le même type
de représentation de cette "réalité"? A quels types de distorsions (anthropologique, perceptive,
esthétique…) soumettez-vous cette "réalité" si vous estimez que votre écriture est
"représentation". ?
3/ Quelle importance ont eu, pour vous, les remises en cause « radicales » de ce concept de
"représentation de la réalité "par les mouvements littéraires dominants de l’après seconde guerre
mondiale et/ou des écrivains "modernistes" à la suite de Kafka, Borges, Joyce, Beckett (« Le
Nouveau Roman », "Il Gruppo 63" en Italie, les premières œuvres de romanciers de langue
allemande comme Peter Handke, mais aussi celles d'écrivains comme Aldelkébir Khatibi au
Maghreb, celle de Yu Hua en Chine, de Juan Benet en Espagne, etc.) dans votre conception du
roman ?
4/ Accordez-vous une signification au mot, très largement employé avec des significations aussi
variables que floues de « modernité » aujourd’hui. Ce terme implique-t-il une conception
spécifique du roman, selon vous ?
5/ L’écrivain italien Daniele Del Giudice, lors de son premier roman, Le stade de Wimbledon (1983)
définissait, rétrospectivement, ainsi son rapport à l’écriture de fiction : "J’ai tenté le parcours sur
le fil du rasoir de la probabilité, où chaque phrase permet de ressentir l’abîme qui s’ouvre sous elle
et, donc, sa nature précaire, où chaque phrase inclut en elle sa propre négation, son propre échec,
et s’efforce, à partir de cet état de fait, de raconter son propre temps. " Cette poétique vous
concerne-t-elle ? Comment l’interprétez-vous?
6/ Le statut du personnage fictionnel : les expériences radicales de « déconstruction » du roman
classique ont largement fait écho aux propos de Nathalie Sarraute dans L’ère du soupçon sur
l’obsolescence de la notion de personnage « faisant concurrence à l’état civil », tel que tentait de
le mettre en œuvre le grand roman du XIX e siècle. Quelle est l’importance du « personnage »
dans votre conception du roman ? Pensez-vous que l'on puisse parler d'un "retour du
personnage", de cet "être de papier" dénoncé comme tel par tous les écrivains évoqués
précédemment.
7/ Depuis le XIXe siècle, l’art a souvent lié la notion de renouvellement des formes esthétiques à
l’idée de renouvellement idéologique, voire à l’idée de « révolution » ou, du moins, de critique
de l’idéologie dominante. (Voir le titre d’un ouvrage de Laurent Jenny reprenant une affirmation
de Victor Hugo : « Je suis la révolution »). Comment pensez-vous, aujourd’hui, dans votre activité
créatrice, le rapport entre poétique et idéologie, ou transformation idéologique de la société ?
8/ L'existence de dispositifs de « censure », voire d’ « autocensure » (censure politique,
idéologique, économique, morale…) est-elle une composante de la réception de vos œuvres, de
vos stratégies d'écriture? Comment en percevez-vous la force ? L’action à l’œuvre dans l’œuvre ?
9/ Parler de « littérature « mondiale », « mondialisée », de « planetarity » est devenu un lieucommun, postulant la réalité de ces expressions. Ces notions ont-elles, pour vous un sens et une
incidence dans votre poétique ? De même, avez-vous l’impression de vous inscrire dans la
littérature européenne ? L’Europe est-elle une échelle d’identification ou un espace culturel
pertinent pour penser la littérature, ou le saut se fait-il du national au mondial ?
10/ Une question, suggérée par Vincent Message : elle porte sur la littérature comme "art des
petites quantités", et sur son positionnement dans le champ plus large des pratiques culturelles.
Avez-vous l’impression que les textes littéraires sont aujourd’hui dans un rapport de concurrence
avec le cinéma, la série télévisée, avec les arts d’accès plus large et de circulation plus facile ?
Faut-il repenser l’expérience de la lecture littéraire dans une économie de l’attention ?
Votre propre expérience recoupe-t-elle les positions souvent exprimées par Jonathan
Franzen en la matière. Dans le grand entretien donné à Time (à Lev Grossman) en août 2010 pour
la sortie de Freedom, il dit ainsi : "It seems all the more imperative, nowadays, to fashion books
that are compelling, because there is so much more distraction they have to resist.” Il fait de la
littérature un lieu de résistance à la distraction/diversion : "We are so distracted by and engulfed
by the technologies we've created, and by the constant barrage of so-called information that
comes our way, that more than ever to immerse yourself in an involving book seems socially
useful," Franzen says. "The place of stillness that you have to go to to write, but also to read
seriously, is the point where you can actually make responsible decisions, where you can actually
engage productively with an otherwise scary and unmanageable world."
Ces questions auxquelles, bien entendu, vous pourrez librement réfléchir, que vous avez toute
latitude de critiquer, de contester sont de simples éléments d'orientation des débats. Elles
doivent beaucoup à l'intervention de Vincent Message qui en a commenté la formulation, les a
rendues souvent plus recevables que dans leur forme originale.