que pense-t-on de la russie en france

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que pense-t-on de la russie en france
#6 (282), JUIN 2015
Édition réalisée en collaboration avec
LES PROJETS DES ENTREPRISES FRANÇAISES EN
RUSSIE ET LES OBSTACLES RENCONTRÉS |
QUE PENSE-T-ON DE LA RUSSIE EN FRANCE ? |
L'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE COMME OUTIL DE
RELANCE DE L'ÉCONOMIE RUSSE | EURO 2016 :
UNE ORGANISATION À LA FRANÇAISE |
LES INNOVATIONS DANS L'AÉROSPATIALE,
L'AGRICULTURE, LES BIOTECHNOLOGIES ET LA
MÉDECINE | COMMENT RÉSOUDRE LES PROBLÈMES
DES PETITES VILLES ? | DES SOLUTIONS VARIÉES À
NICE | RÉFORME DE LA POSTE
RUSSIE 2015.
REGARDS DE L’OBSERVATOIRE
FRANCO-RUSSE
Le Yearbook présente l’expertise de l’Observatoire sur des thèmes variés :
économie, politique intérieure/société, régions, politique étrangère/défense,
relations franco-russes.
Pour la troisième année consécutive, l’édition russe du Rapport annuel
est présentée au Forum économique international de Saint-Pétersbourg,
et la version française fait l’objet d’une conférence de lancement à Paris.
Plus de 50 experts français et russes de renom ont contribué
à cet ouvrage de référence.
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Édition spéciale Russie-France
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Chers amis,
L’an dernier, c’était Christophe de Margerie, coprésident du Conseil économique de la
CCI France Russie, qui signait cet éditorial. La tragédie qui l’a emporté en octobre 2014 a
été un choc pour nous tous, pour l’ensemble de la communauté d’affaires franco-russe, et
pour nos deux pays en général. Il aimait sincèrement et respectait la Russie, il partageait
avec les Russes de nombreux traits de caractère et, dès le début des sanctions, il avait souligné la nécessité pour Total de poursuivre sa coopération avec la Russie.
C’était quelqu’un de fort et de sincère dont nous nous souviendrons à jamais.
Ce jour-là, les dirigeants de la CCI France Russie avaient promis de « continuer d’œuvrer
à la défense de la cause franco-russe, pour laquelle Christophe de Margerie a tant fait. »
Le travail accompli par l’ensemble de l’équipe de la Chambre au cours de l’année écoulée a
montré que ces mots n’étaient pas vides. Délégation d'entreprises françaises dans les régions russes, Journées Russie dans les régions françaises, conférences et petits déjeuners
d'affaires sur la Russie à Paris, apport d’expertise et soutien aux investisseurs français en
Russie… et, bien sûr, la présentation du troisième rapport annuel Russie 2015, qui a tradi-
Patrick POUYANNÉ et Guennadi TIMTCHENKO
Coprésidents du Conseil économique de la CCI France Russie
tionnellement lieu « ici et maintenant », lors de ce Forum économique de Saint-Pétersbourg. Toutes nos idées sur le développement et l'évolution de la coopération franco-russe
ont trouvé leur prolongement.
Nous avons été heureux d'apprendre que le 13 mai 2015, le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie Sergueï Lavrov a remis, sur proposition du président de
l'Union russe des industriels et entrepreneurs (RSPP) Alexandre Chokhine, la médaille
du ministère des Affaires étrangères russe récompensant une « contribution à la coopération internationale », à Emmanuel Quidet, président de la CCI France Russie. Il obtient
ainsi la reconnaissance de nos deux pays pour l’œuvre qu’il a accomplie à la tête de la
Chambre : en 2012, la France l’avait élevé au grade de chevalier de la Légion d’honneur.
Le supplément France-Russie que vous tenez entre vos mains doit servir de base à de
nouveaux projets conjoints, à de nouveaux investissements français en Russie et russes
en France. Vous y apprendrez davantage sur le potentiel des différentes branches de l'économie française, sur les succès remportés par les innovations françaises dans le monde,
sur le développement de certaines régions et entreprises, ainsi que sur des projets encore
peu habituels en Russie. Si cette lecture vous donne de nouvelles idées, nous en serons
très heureux.
Pour notre part, nous voulons dire que la coopération économique franco-russe continue à se développer malgré toutes les difficultés, que les entreprises françaises ne quittent
pas la Russie, et que cet état de fait se vérifie par nos expériences de collaboration sur un
certain nombre de grands projets.
Édition réalisée en partenariat avec la CCI France Russie
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Édition spéciale Russie-France
INTERVIEW
DE L’AMBASSADEUR
DE FRANCE EN RUSSIE
– L’année qui vient de s’écouler a été difficile
pour les relations franco-russes. Comment la
situation géopolitique a-t-elle affecté votre
travail d’ambassadeur en Russie ?
– Tout au long de l’année, mes collègues
de l’ambassade et moi-même avons été
« sur le pont » 24 heures sur 24, 7 jours
sur 7. Cette crise est l’une des plus sérieuses auxquelles l’Europe ait dû faire
face depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale. Elle a mis en péril la sécurité
du continent européen.
Nous avons informé Paris « en direct » et sommes restés en contact permanent avec les autorités russes, les
médias et les membres de la société
civile russe, afin d’être en position de
conseiller Paris en temps réel au sujet
des évolutions en cours à Moscou et des
issues possibles à la crise. Nous avons
dû organiser deux visites du président
Hollande à Moscou avec seulement
quelques heures de préavis.
J’ai également dû déployer des efforts
pour expliquer au public russe la politique de l’Union européenne, qui combine dialogue et sanctions. Nous devons convaincre l’opinion en Russie que
les sanctions sont la conséquence de
l’annexion illégale de la Crimée et de la
déstabilisation de l’Ukraine, et qu’elles
ne sont pas destinées à nuire aux citoyens russes. Et que la France ne veut
pas que la Russie s’éloigne de l’Europe.
Au contraire, la France veut maintenir le dialogue avec les autorités russes,
continuer à tendre la main à la population russe et regarder au-delà des
difficultés actuelles afin de développer
autant que possible notre dialogue et
notre coopération en matière de résolution de crises internationales – la Russie
et la France sont des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU
et ont, à ce titre, des responsabilités
particulières – ainsi que nos échanges
économiques dans les deux sens. Pour
rappel, la Russie effectue la majeure
partie de ses échanges commerciaux
avec l’Union européenne : plus de 52 %
des exportations russes étaient destinées à l’UE en 2014.
L’initiative « de Normandie » a montré l’engagement de la France et de
l’Allemagne à travailler de concert avec
Kiev et Moscou afin de trouver des solutions à la crise ukrainienne.
– Le président François Hollande a été très
actif dans la négociation de l’accord de paix
de Minsk entre les dirigeants ukrainiens et
les séparatistes du Donbass. Pensez-vous que
cet accord tiendra et que les relations franco-russes pourront commencer à s’améliorer ?
– Le président Hollande a organisé la
première réunion au format « Normandie » il y a un an, le 6 juin 2014. Il a décidé d’y associer la chancelière Merkel
et s’est rendu depuis à Moscou à deux
reprises pour discuter de la crise en
Ukraine avec le président Poutine, une
fois en tête-à-tête en décembre, puis
Jean-Maurice RIPERT,
Ambassadeur de France en Russie |
AMBASSADE DE FRANCE EN RUSSIE
lors d’une visite effectuée conjointement avec la chancelière allemande. Ils
se sont également entretenus à Milan
et, plus récemment, à Erevan. François
Hollande a été en contact téléphonique
quasi quotidien avec les présidents
Porochenko et Poutine. Outre ces discussions de haut niveau, les ministres
des Affaires étrangères sont restés en
contact permanent.
Le président français et la chancelière
allemande ont déployé toute leur énergie et leurs efforts pour maintenir le
dialogue, car la restauration de la paix
en Europe, la souveraineté de l’Ukraine
et le rapprochement entre la Russie et
ses partenaires européens sont essentiels pour nous. Pour nous Français,
pour nous Européens, et aussi pour le
peuple russe.
– Cette année marque le 70e anniversaire de la
fin de la Seconde Guerre mondiale. La France
et l’Union soviétique étaient alliées pendant
cette guerre. Pensez-vous que cette histoire
commune est une bonne base pour essayer de
reconstruire la relation franco-russe ?
– Ce n’est pas dans ces termes que la
question se pose. Il y a une grave crise
de confiance entre l’Europe et la Russie
depuis l’annexion illégale de la Crimée,
mais il n’y a aucune nécessité de « reconstruire » notre relation. Coopération et dialogue ont continué tout au
long de la crise, en dépit de nos divergences.
www.lecourrierderussie.com
Cela étant dit, la France tient à marquer l’importance de célébrer les pages
d’histoire qu’elle partage avec la Russie. C’est la raison pour laquelle le président Poutine a été invité l’an dernier
en France par le président Hollande
pour les célébrations du 70e anniversaire du Débarquement sur les plages
de Normandie. C’est aussi pourquoi le
ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a participé aux
cérémonies de la Victoire à Moscou le 9
mai. Nous savons très bien ce que l’Europe doit à la population de l’Union soviétique et à l’Armée rouge, de même
que nous savons combien nous sommes
redevables aux Américains, aux Britanniques et à tous nos autres alliés de tous
les continents qui ont combattu côte à
côte pour libérer l’Europe et le monde
du nazisme.
Permettez-moi de vous parler d’un
épisode qui incarne la fraternité
d’armes franco-russe. En 1942, le général de Gaulle, qui était à l’époque chef de
file des Forces françaises libres basées à
Londres, a envoyé un groupe de pilotes
de l’armée de l’air française pour combattre aux côtés des forces soviétiques
sur le front de l’Est. Ensemble, les pilotes français et les mécaniciens soviétiques de la célèbre escadrille Normandie-Niémen ont combattu dans le cadre
de trois campagnes sous le drapeau de
l’Union soviétique, et ce jusqu’au 9 mai
1945, période pendant laquelle ils ont
détruit 273 avions ennemis et reçu de
nombreuses médailles, citations et récompenses à la fois de la France et de
l’Union soviétique.
– Lorsque nous vous avons interviewé l’an
dernier, vous étiez à Moscou depuis peu de
Édition spéciale Russie-France
temps. Au cours de l’année passée, vous
vous êtes rendu dans de nombreuses villes
russes : Rostov-sur-le-Don, Ekaterinbourg,
etc. Qu’avez-vous appris sur la Russie et ses
régions au cours de ces voyages ?
– Depuis notre rencontre l’an dernier,
j’ai effectivement voyagé dans toute la
Russie : Irkoutsk, Saint-Pétersbourg,
Ekaterinbourg, Novossibirsk, Kazan,
Samara et Togliatti. Je serai à Oufa dans
les prochaines semaines, puis je me
rendrai à l’automne en Extrême-Orient,
à Iakoutsk, pour discuter de l’impact du
changement climatique sur les régions
russes. Comme vous le savez, la France
accueillera en décembre à Paris la
conférence COP21 des Nations Unies sur
le changement climatique. À Iakoutsk,
la fonte du pergélisol (ou permafrost) a
des effets dévastateurs.
Partout où je vais en Russie, je suis
frappé par la façon dont beaucoup de
gens sont attirés par la France. Cela
a trait à la culture, aux sciences, aux
technologies et bien sûr aux affaires.
Par exemple, à Rostov et Kazan, nous
avons partagé notre expertise en matière de transports et d’infrastructures
à l’approche de l’Euro 2016 en France et
de la Coupe du Monde 2018 en Russie.
Avec les autorités locales d’Irkoutsk,
nous avons organisé l’an dernier un forum franco-russe sur les perspectives
du secteur touristique en Sibérie et en
Extrême-Orient.
– Quels sont, selon vous, les secteurs les plus
prometteurs pour la coopération franco-russe ?
– La France est l’un des principaux investisseurs en Russie. Les investissements directs sont essentiels car ils
sont des signes à la fois de la confiance
des entreprises françaises en l’avenir
de l’économie russe et de leur engagement à long terme. Malgré les difficultés actuelles, les investisseurs français
ne vont pas quitter le pays, et nous espérons même voir quelques nouveaux
investissements dans les prochains
mois. Ces investissements – qui se
font souvent dans le secteur des hautes
technologies – sont particulièrement
importants car ils contribuent à l’indispensable diversification de l’économie russe et permettent le transfert des
savoir-faire techniques.
Les entreprises françaises sont déjà
très actives dans de nombreux secteurs de l’économie russe : l’énergie,
les transports, les infrastructures,
l’aérospatiale et, bien sûr, l’industrie
agro-alimentaire, en particulier les
produits laitiers et la viande.
La France est également une destination de plus en plus attractive pour les
investisseurs russes : selon la Banque
de France, le volume des IDE russes en
France a fortement augmenté depuis
2011, passant de 150 millions d’euros en
2010 à 745 millions d’euros en 2013. Ces
chiffres comprennent les flux financiers, les fusions-acquisitions et les investissements dans des projets de création d’emplois. 43 entreprises russes
sont maintenant implantées en France.
premier lieu de cette attraction culturelle mutuelle – devrais-je dire fascination ? – qui a toujours été le moteur du
rapprochement entre nos deux peuples
et s’est montrée capable de résister à
toutes les crises, même les plus profondes. Les Français sont connus pour
leur passion du tourisme axé sur le patrimoine culturel, et ils aiment beaucoup visiter Moscou et Saint-Pétersbourg.
À cet égard, je tiens à attirer votre attention sur la décision que nous avons
prise, avec mon homologue russe à Paris, de célébrer en 2016 une « année du
tourisme et du patrimoine culturel ».
Dans ce cadre, nous allons organiser
un certain nombre de manifestations
consacrées à l’héritage fascinant que
nos deux pays possèdent.
Enfin, je tiens à réaffirmer qu’il n’y
a aucune restriction de visa pour les
citoyens russes souhaitant visiter l’Europe, bien au contraire. Au consulat de
France, seulement 1,5 % de toutes les
demandes de visa sont refusées, et 40 %
des visas délivrés sont à entrées multiples, valables jusqu’à 5 ans. Les touristes russes sont tout à fait les bienvenus en France !
Jean-Maurice RIPERT
Ambassadeur de France en Russie, mai 2015
– La Russie est devenue une destination très
accessible pour les voyageurs européens en
raison des fluctuations du taux de change
entre l’euro et le rouble. Pensez-vous qu’il soit
possible que la Russie devienne plus attractive pour les touristes français ?
– La Russie a toujours été une destination attrayante pour les touristes
français, et ce pour de nombreuses
raisons. À mon avis, cela résulte en
Mazars est une organisation internationale, indépendante et intégrée spécialisée dans l’audit, la comptabilité, la fiscalité,
le droit et le conseil. Mazars est non seulement classée parmi les meilleures sociétés d’audit par des systèmes de notation russes
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Édition spéciale Russie-France
LES NOUVELLES PRIORITÉS DE
L’ÉCONOMIE RUSSE : Y A-T-IL UNE
PLACE POUR LA FRANCE?
Emmanuel Quidet, président de la CCI France Russie,
conseille d’investir en Russie maintenant et de ne pas
avoir peur de la crise.
Propos recueillis par MARIA AFONINA
– Qu’est-ce qui a changé pour les investisseurs
étrangers l’année dernière?
– Ce qui a changé l’année dernière, ce
sont bien sûr les sanctions. Il y a trois
choses à relever : la première, c’est la
crise économique, que l’on a commencé à ressentir dès septembre 2013. La seconde, c’est la crise ukrainienne, avec
les sanctions qui en ont découlé et surtout celles de juillet 2014. La troisième,
c’est la baisse du prix du pétrole et la
dévaluation du rouble, qui ont eu un
impact important en fin d’année dernière sur les affaires en Russie. La combinaison de ces trois éléments rend la
situation économique difficile.
– À quel point les investisseurs français sont-ils
touchés ?
– Tout dépend du secteur d’activité. Il
y a des secteurs qui marchent toujours
bien quand la consommation se tient.
Bien évidemment, la récession est essentiellement liée à la baisse des revenus de la population et à la chute du prix
du baril, mais la consommation permet
malgré tout de soutenir l’activité en
Russie. Il y a cependant des secteurs
qui souffrent davantage de la situation,
tel le secteur automobile qui subit une
chute de 40 à 50 % des ventes. Le secteur
touristique est lui aussi gravement touché par la dévaluation du rouble, ce qui
entraîne des conséquences graves pour
les compagnies aériennes et les agences
de voyages.
Il y a ensuite les sanctions, qui ont un
effet très pernicieux sur l’économie. Je
parle de l’interdiction pour les banques
russes d’être financées à plus de 30 jours
par des banques étrangères. Les entreprises étrangères, en particulier, ne
peuvent plus trouver de financements
pour leurs projets en Russie auprès des
banques étrangères, et le financement
auprès des banques russes est beaucoup plus cher : avec un taux d’intérêt
de 20 %, aucun projet n’est viable. Les
sociétés françaises présentes en Russie
ont beaucoup de mal à développer leurs
projets, sauf les sociétés très riches qui
peuvent s’autofinancer comme, par
exemple, le groupe Auchan, qui continue à investir et ouvrir des magasins
en Russie. Ce problème de financement
est aujourd’hui un problème clé pour
les entreprises françaises en Russie. La
France a malgré cela beaucoup investi
en 2014, et il y a des projets pour 2015. Le
volume cumulé des IDE français en Russie s’élève à 14 milliards d’euros. Et vous
remarquez qu’aucune société française
n’a quitté la Russie depuis le début de
la crise. Pourquoi restent-elles ? Parce
qu’elles croient au futur de la Russie.
J’étais à Togliatti en mai, où j’ai
rencontré Bo Andersson, le directeur
général d’AvtoVAZ. Cette entreprise
a beaucoup souffert de la crise. Il m’a
dit : « Pour nous, il est hors de question
de quitter le pays. La Russie va devenir
l’un des dix plus gros marchés automobiles du monde ». Pourquoi ? Parce qu’il
y a aujourd’hui, je crois, 350 véhicules
pour 1 000 habitants, quand en Occident c’est entre 600 et 800 selon les
pays. Les crises économiques sont des
phénomènes récurrents, et les entreprises se sont habituées à les gérer. Les
ça, je n’y crois pas du tout. Les Russes
ne veulent pas être pieds et poings
liés avec les Chinois et je pense qu’ils
ont peur de ça, parce que la Chine est
beaucoup plus dynamique et sa population est bien plus nombreuse. De
l’autre côté, il y a des Européens qui
disent : « C’est impossible, ils n’auront
pas d’autre choix que de continuer à
faire des affaires avec nous. » Les deux
hypothèses sont fausses.
Les Russes ne vont pas se tourner à
100 % vers la Chine, mais on ne peut
pas prétendre qu’ils ne se tournent pas
vers l’Est. Cela représente un danger
pour nous, parce que de plus en plus
de commerce se fait avec l’Asie. Il y a
20 ans, l’Union européenne était le premier partenaire de la Russie, et en son
sein l’Allemagne était le premier pays
partenaire. Aujourd’hui, l’UE reste
son premier partenaire mais le pre-
INVESTIR DANS SA PROPRE
AGRICULTURE PEUT CONSTITUER UNE
VÉRITABLE OPPORTUNITÉ POUR LA
RUSSIE, ET CELA OUVRE DE NOUVELLES
PERSPECTIVES POUR LES SPÉCIALISTES
ÉTRANGERS. LA RUSSIE AURA BESOIN
DE TECHNOLOGIES, D’ÉQUIPEMENTS,
DE PARTENAIRES.
crises politiques sont plus gênantes.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la levée des sanctions économiques.
– Qu’en est-il des nouveaux investisseurs qui
veulent s’implanter en Russie ? C’est vraiment
très compliqué pour eux, n’est-ce pas ?
– Ce qui est le plus difficile pour eux,
c’est le manque de financements. C’est
là une conséquence des sanctions économiques. Le fait est que les grandes
entreprises françaises sont déjà toutes
implantées en Russie. Les nouveaux
projets sont donc portés par des PME,
qui n’ont aucune capacité d’autofinancement. Certaines parviennent malgré
tout à s’implanter ici. Auchan, Castorama et Decathlon continuent à se développer, et ils sont prêts à aider financièrement des entreprises qui souhaitent
produire ici pour pouvoir se fournir auprès d’elles en payant en roubles.
– Quelle est l’attitude des investisseurs français
à l’égard de la volte-face vers l’Est opérée par la
Russie?
– Cette volte-face vers l’Est est souvent caricaturée. D’un côté, les Russes
disent : « L’Europe ne veut pas de nous,
alors on va tout faire avec la Chine », et
mier pays, c’est la Chine. Tout ce que
la Chine gagne, c’est souvent autant de
perdu pour l’Europe. Vous ne remplacerez pas le fromage français par d’autres
fromages, c’est impossible. Mais il y a
d’autres choses que vous pourrez remplacer. Les fruits et légumes ne proviendront sans doute pas de Chine,
mais tout ce qui était acheté en Europe
peut être importé d’Afrique du Nord.
Un autre exemple - le train à grande
vitesse Moscou-Kazan, qui va être financé par les Chinois. S’ils le financent,
c’est bien évidemment pour que des
trains chinois y roulent, alors qu’Alstom
est tout de même le grand spécialiste du
TGV. Même sans la crise, il y aurait eu
une accélération du développement des
relations avec la Chine, et c’est bien
normal. La Russie veut avoir des partenaires multiples, et la crise ne fait
qu’accentuer ce phénomène.
– À votre avis, le programme russe de substitution des importations est-il réalisable?
– Ce sera une bonne chose si la Russie
profite de la crise pour développer ses
investissements en interne. Bien évidemment, on ne peut pas tout produire
en Russie mais il n’est pas normal que
la Russie importe des pommes, du pou-
let ou de la viande. Il y a beaucoup de
choses que la Russie peut produire ellemême. Investir dans sa propre agriculture peut constituer une véritable opportunité pour la Russie, et cela ouvre
de nouvelles perspectives pour les spécialistes étrangers. La Russie aura besoin de technologies, d’équipements,
de partenaires. Par exemple, la Russie
aura besoin d’importer des vaches pour
produire de la viande et du lait. Or,
les vaches françaises produisent trois
fois plus de lait que les vaches russes,
et c’est la même chose pour la viande.
Tout ceci représente des opportunités
pour la France, et nous pourrions intensifier notre partenariat pour développer l’agriculture russe.
– Y a-t-il des barrières dans les régions russes,
par exemple en termes d’accès aux appels
d’offres ?
– D’une façon générale, non. Il y a des
régions où il est plus facile d’investir.
Il existe d’ailleurs plusieurs classements des régions en termes d’attractivité. Ce sont toujours les mêmes qui
sont en tête : l’oblast de Kalouga, les
républiques du Tatarstan et de Bachkirie. D’autres régions sont plus compliquées. Mais même lorsque c’est le cas,
cela n’empêche pas les Français d’y investir, comme à Samara ou à Togliatti.
Ce sont surtout des difficultés administratives que rencontrent les entreprises
étrangères en général et françaises en
particulier.
– Quelle est la recette du succès sur le marché
russe ?
– Il faut vérifier qu’il existe un réel besoin pour le produit que vous voulez
vendre en Russie, puis il faut venir et
être présent. Il ne suffit pas de signer
un contrat puis de repartir : il faut se
développer localement et entretenir des
contacts régulièrement avec ses partenaires. Et cela correspond très bien à la
mentalité française.
– Quels conseils pouvez-vous donner aux investisseurs français ?
– Mon conseil est de venir maintenant, en profitant de la dévaluation du
rouble. On a tendance à penser qu’investir en Russie, ce n’est pas cher. Mais
c’est faux. Investir en Russie a toujours
été cher, mais la contrepartie c’est qu’il
n’y a aucun problème pour y gagner de
l’argent. La Russie est un pays géographiquement et culturellement proche
de la France, où vivent des gens qui
ont de l’argent. Aujourd’hui, grâce à
la crise, le coût des investissements est
beaucoup moins élevé. Il ne faut donc
pas avoir peur de la crise. Celui qui remporte la mise, c’est celui qui prend un
risque. Un risque bien mesuré, mais un
risque.
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Édition spéciale Russie-France
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L’EXPÉRIENCE ÉTRANGÈRE EN AIDE AU
COMPLEXE AGRICOLE RUSSE
Le cap mis par la Russie sur la substitution aux importations
entraîne dans son sillage une modification de la politique
agraire. La construction de nouvelles serres et l’élargissement
des cultures maraîchères en sont un des aspects. Les producteurs étrangers de serres se réjouissent de ces nouvelles perspectives de coopération.
EKATERINA BOLDINA
En Union soviétique, les serres couvraient plus de 4 700 hectares de terres,
contre environ 2 000 en Russie en janvier 2015. Afin que le pays soit autosuffisant en termes de production de
légumes sous serre, le ministère russe
de l’Agriculture prévoit de doubler cette
superficie dans les années à venir.
« D’ici 2020, nous projetons de construire 1 537 hectares de nouvelles serres
et de moderniser 368 hectares de serres
déjà en service, a annoncé Piotr Tchekmarev, directeur du département
culture, chimisation et protection des
plantes lors de la Conférence panrusse
sur le développement de la culture maraîchère sous serre, qui s’est tenue à la
fin du mois d’avril. Cette surface permettra de cultiver près de 1 000 tonnes
de légumes. »
L’État a d’ores et déjà promis d’octroyer des subventions pour la réalisation de ce projet. Les autorités régio-
nales se sont également manifestées. À
titre d’exemple, la région de Moscou a
l’intention d’investir plus de 12,5 milliards de roubles dans ce programme et
de tripler la superficie des cultures sous
serre.
Les entreprises étrangères, notamment néerlandaises et françaises, sont
depuis longtemps présentes sur le marché russe des serres. Elles s’intéressent
grandement à ces nouvelles perspectives.
Si les producteurs néerlandais proposent traditionnellement des serres en
verre, les Français privilégient le plastique, bien qu’ils utilisent également
du verre. L’entreprise française Richel
Group, présente en Russie depuis 1998,
a acquis une solide expérience du marché russe.
« Nous utilisons un double film en
polyéthylène qui procure un éclairage
naturel égal, voire meilleur que dans les
serres en verre. C’est précisément pour
cette raison que nous sommes davantage
présents dans le sud de la Russie que les
Néerlandais. Nos principaux concurrents
sont les Italiens et les Espagnols, qui
utilisent aussi du plastique. Nous avons
toutefois un avantage technique sur eux.
La Russie est un marché stratégique pour
nous, et le pays est soumis à diverses
contraintes climatiques. D’où notre spécialisation dans les serres de haute technologie offrant une résistance élevée aux
conditions climatiques, notamment la
neige et le vent. Notre approche de travail
est également différente. On peut décrire celle des entreprises néerlandaises
comme étant nord-européenne, c’està-dire plus stricte. De notre côté, nous
essayons de nous adapter à la culture du
client et d’être plus flexibles si des désaccords surgissent », explique Brice Richel,
directeur des ventes de Richel Group dans
les pays de la CEI.
« Nous avons des projets à Moscou
et à Saint-Pétersbourg, au Tatarstan,
à Magnitogorsk, à Novossibirsk, en
Iakoutie, mais la majorité d’entre eux
sont mis en œuvre dans le Nord-Caucase et dans la région de Krasnodar »,
précise le représentant du groupe.
Le plus grand espoir des sociétés
étrangères repose sur la diminution
des dépenses énergétiques : « L’aide de
l’État n’est pas toujours financière, elle
peut également se manifester sous la
forme d’un accès facilité aux réseaux
de gaz et d’électricité. Ce sont des éléments stratégiques dans le secteur des
cultures sous serre. Ainsi, à Magnitogorsk, nos projets sont rentables grâce
au gaz bon marché et au prix plus élevé
des légumes dans la région », conclut
M. Richel.
AKKA TECHNOLOGIES,
ACTEUR DE L’INGÉNIERIE EN RUSSIE
AKKA Technologies occupe une position unique, avec 11 000 employés et une présence
sur les continents européen, asiatique et américain. Désormais, c’est plus de 50 % du
chiffre d’affaires du Groupe qui se réalisent en dehors de son marché historique d’origine,
la France. AKKA possède ainsi des atouts à l’échelle mondiale qui incitent ses clients
locaux et internationaux à faire appel à son expertise à forte valeur ajoutée. Sa présence
dans 20 pays, conjuguée à son organisation autour de centres d’excellence dédiés et à
son savoir-faire « solutions clés en main », confère au Groupe une capacité unique pour
réaliser des projets globaux et transnationaux.
Le Groupe AKKA, via sa filiale AKKA Rus, propose à ses clients des expertises de pointe
dans les secteurs aéronautique, automobile, ferroviaire, énergétique et pétrogazier. Impliqué dans de nombreux projets d’envergure lancés par les pouvoirs publics russes, le
Groupe AKKA Technologies travaille en étroite collaboration avec les acteurs clés de
l’ingénierie en Russie. Dans le but de relever les défis technologiques de demain d’un
pays au riche savoir-faire et qui possède les ingénieurs parmi les plus compétents du
monde, AKKA Rus capitalise sur ses expertises, ses hommes et son expérience technologique unique acquise par le Groupe depuis plus de 30 ans.
8
Édition spéciale Russie-France
Interview à la première personne
PATRICK POUYANNÉ, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE TOTAL, SUR
L’ACTIVITÉ DE L’ENTREPRISE EN RUSSIE
Propos recueillis par ELENA ANISSIMOVA
Patrick Pouyanné | TOTAL
– Depuis le moment où vous êtes entré dans
vos nouvelles fonctions, quels changements
se sont produits dans la stratégie de développement du groupe Total ?
– Je ne suis pas adepte de changements
brusques dans la stratégie. Pour le développement du business, il faut plutôt de la continuité. Notre stratégie,
élaborée du temps de Christophe de
Margerie, est réaliste. Elle a été définie
par l’ensemble du Comité Exécutif de
Total, dont je faisais moi-même partie.
Nous la poursuivons aujourd’hui.
– Que pensez-vous des sanctions américaines
et européennes contre la Russie ?
– Total respecte bien entendu toutes les
sanctions qui lui sont applicables, ainsi que l’ensemble des lois et règlements
édictés par la France, l’UE et les Nations
Unies. Certaines de ces mesures nous
touchent, directement ou indirectement.
– Pouvez-vous continuer à mener vos projets
en Russie ?
– Sur le plan technique, les sanctions
n’ont pas d’impact significatif sur
nos projets existants en Russie. Mais
puisqu’elles concernent aussi les activités « shale oil », nous avons été amenés
à suspendre notre projet de coopération
avec Loukoïl visant l’exploration et le
développement des réserves d’huile de
l’horizon Bajenov, dans le district autonome des Khantys-Mansis. Une autre
limitation, concernant le financement
Projet Yamal LNG
à long terme en dollars US, a eu des
conséquences négatives pour le projet
Yamal LNG. Les partenaires du projet
ont dû revoir le schéma de financement
initial et chercher d’autres solutions,
ce que nous sommes en train de faire.
– Quelles sont, d’après vous, les perspectives ?
Les sanctions européennes seront-elles atténuées ou, au contraire, renforcées ?
– C’est une question à poser aux
hommes politiques. En tant que chef
d’entreprise et représentant des investisseurs français, je ne voudrais pas
que la situation économique s’aggrave
à cause des sanctions. Je suis favorable
aux initiatives politiques qui contribuent au dialogue et au rapprochement
des positions. Ensuite, à nous de continuer notre travail ! Sans ignorer les difficultés présentes, mais en gardant une
stratégie à long terme, celle-là même
qui nous a conduits à créer notre partenariat avec la Russie.
– Que pensez-vous du renforcement de la coopération entre la Russie et ses partenaires
asiatiques ?
– La Russie et la Chine sont l’un, le
premier exportateur d’énergie au
monde ; l’autre, le premier consommateur ; et partagent plus de 4 000
kilomètres de frontière commune. Par
conséquent, ils sont voués à collaborer
et ce qui serait surprenant, ce serait
qu’ils ne le fassent pas.
– Que pensez-vous de la chute des prix du brut
sur le marché mondial ?
– La chute récente des prix du brut
compte parmi les phénomènes qu’aucun des analystes les plus expérimentés n’a prévus. La situation n’est pas
simple, et elle sera un « test de résistance » pour nous tous. Total est cependant une compagnie financièrement
solide, et je suis sûr que nous serons
capables de surmonter les obstacles.
– Quel impact cela pourrait-il avoir sur les
programmes d’investissement de Total ?
– En réponse à la situation, nous avons
revu notre programme d’investissement annuel en le réduisant de 10 %
environ. Mais nous avons préservé les
grands projets qui contribuent à notre
croissance.
– Beaucoup de compagnies ont annoncé des
mesures de réduction des coûts. Que fait Total ?
– Nous avons mis en place une politique interne de réduction des coûts
bien avant la chute des prix du brut.
Et l’ensemble de la compagnie est impliqué dans ce processus d’optimisation - les initiatives venant de nos collaborateurs y jouent d’ailleurs un très
grand rôle. Chacun d’eux peut proposer
des mesures pratiques et bénéficier des
expériences partagées avec ses collègues dans d’autres filiales. Pour notre
groupe, qui est présent dans 130 pays,
ces échanges revêtent une importance
capitale. Et ça marche !
– Est-ce que les prix du brut resteront bas
pendant encore longtemps ?
– Je ne sais pas et je ne me hasarderai
pas à faire des prévisions trop précises,
que la réalité se chargera de démentir.
À nous d’améliorer notre performance
afin de pouvoir résister à tous les scénarios.
– Christophe de Margerie était souvent venu
en Russie. Comment vos partenaires ont-ils
réagi à sa disparition tragique ?
– Christophe de Margerie aimait la Russie. Et au moment de sa mort, qui m’a
profondément touché, beaucoup de
Russes nous ont adressé des paroles de
compassion et de soutien très sincères.
En particulier nos partenaires, qui sont
aussi nos amis, et avec lesquels il avait
noué des relations qui allaient souvent
au-delà des affaires.
– Vous est-il difficile de commencer à travailler en Russie en tant que nouveau patron de
Total ?
– Pour développer avec succès la coopération, il faut d’abord s’imprégner de
l’esprit du pays, essayer de comprendre
ses partenaires, et savoir reconnaître
leurs points forts. C’est ainsi que les
meilleurs partenariats se forment dans
notre business. Pour ma part, j’avais
déjà visité plusieurs fois la Russie dans
le passé, tant pour affaires qu’en tou-
www.lecourrierderussie.com
riste. Et dans mes nouvelles fonctions,
c’est ma troisième visite en 8 mois, et
ma septième rencontre avec mon partenaire principal – une par mois!
– Quelle place la Russie occupe-t-elle dans la
stratégie de développement de Total ? Entendez-vous réduire votre présence dans ce pays ?
– La Russie occupe toujours une place de
choix dans notre stratégie de développement. Si vous prenez la fuite chaque fois
que vous vous heurtez à un obstacle, il
vous sera extrêmement difficile d’inspirer confiance à vos partenaires. L’année
prochaine, nous allons célébrer les 25
ans de notre présence en Russie, mais ce
n’est que le début d’une longue coopération. Nous avons des plans très ambitieux pour le futur, comme le projet Yamal LNG. Notre participation croissante
dans le capital de Novatek témoigne
aussi du sérieux de nos intentions.
– Vous avez visité récemment Sabetta, où seront basées les principales installations du
projet Yamal LNG. Quelles sont les impressions que vous ramenez de ce voyage ? Comment avance le projet ?
– Ce fut un voyage remarquable. Je suis
de près l’avancement du projet Yamal
LNG, mais il fallait absolument que
je voie de mes propres yeux le site des
travaux et les installations déjà prêtes
ou en cours de construction. Je peux
témoigner de l’efficacité de l’investissement, qui à ce jour a déjà atteint 9 milliards de dollars. Les travaux vont bon
train. Je suis très content de ce projet.
– Comment se passe le financement de ce
projet ?
– J’ai déjà souligné qu’il existait des
alternatives permettant d’agir malgré
Édition spéciale Russie-France
l’impossibilité de financer le projet en
dollars, et nous avons fait de grands
progrès dans cette direction avec nos
partenaires. Nous faisons appel à des
banques et à des établissements financiers, notamment en Europe et en
Chine. C’est un projet très prometteur,
nous avons déjà des contrats de vente
pour toute la production de gaz, et je
suis certain que nous réaliserons le projet dans les délais prévus.
– Avez-vous l’intention d’augmenter votre
participation dans le capital social de Novatek ?
– À ce jour nous avons près de 18 % du
capital de Novatek et notre accord stratégique avec Novatek permet que nous
pouvons monter jusqu’à 19 %. Par le
passé, nous n’avons jamais annoncé à
l’avance nos achats d’actions car cela
pouvait influencer le cours. Pourquoi le
changer ?
– Comment appréciez-vous la participation
de Total au PSA (Production Sharing
Agreement, en français « accord de partage
de la production ») de Kharyaga ?
– Kharyaga est un des premiers projets
de Total en Russie. Le professionnalisme
et le savoir-faire de nos collaborateurs
ont permis de mettre en valeur les réserves de ce champ, malgré de nombreux
challenges techniques. Je note plus de 15
ans de production et d’excellents résultats en matière de sécurité industrielle.
La rentabilité du projet a permis à l’État
russe de recevoir plus de 3 milliards de
dollars du PSA de Kharyaga.
– Quelle importance y attachez-vous ?
– Plus de 10 % de notre production vient
actuellement de la Russie. Certes, la
L’ANNÉE
PROCHAINE,
NOUS ALLONS
CÉLÉBRER LES
25 ANS DE NOTRE
PRÉSENCE EN
RUSSIE, MAIS
CE N’EST QUE
LE DÉBUT
D’UNE LONGUE
COOPÉRATION.
NOUS AVONS
DES PLANS TRÈS
AMBITIEUX
POUR LE FUTUR,
COMME LE
PROJET YAMAL
LNG.
contribution de Kharyaga est modeste,
mais le projet nous a permis d’améliorer notre connaissance pratique de
l’industrie russe et de construire un
partenariat solide avec notre associé
Zaroubejneft.
– Vous avez lancé un autre projet en Russie
au mois de mai. Quelle est l’importance de cet
événement pour le groupe ?
– Termokarstovoïé est notre premier
projet conjoint avec Novatek. Il est un
9
bon exemple de la synergie entre deux
grandes
compagnies
complémentaires, dont chacune apporte son savoir-faire à la réussite d’un projet commun. Résultat : le projet a été mis en
route en avance sur les prévisions et en
dessous du budget. Depuis le début de
2015, c’est le quatrième nouveau projet
de Total dans le monde.
– Il s’agit d’un autre projet de gaz qui s’ajoute
au portefeuille du groupe. Ceci veut-il dire
que le gaz joue un rôle de premier plan dans
la stratégie de Total ?
– Le gaz occupe une place importante
dans la stratégie de développement du
groupe. La part du gaz dans la production de Total a atteint 50 % en 2014. Le
GNL (gaz naturel liquéfié) représente
un segment important et prometteur
du marché de gaz. Total en est un des
trois premiers producteurs au monde et
nous sommes présents tout au long de
la chaîne industrielle. Nous avons l’intention de renforcer nos positions dans
le GNL, notamment en participant à de
grands projets comme celui de Yamal
LNG.
– Total est une compagnie verticalement intégrée. Est-il prévu de développer les activités
du groupe en Russie dans les secteurs autres
que l’exploration-production ?
– C’est déjà le cas. Notre branche marketing-services continue sa croissance
en Russie. Avec Gazpromneft, nous
avons inauguré récemment une usine
qui produit déjà des bitumes de qualité
supérieure pour les revêtements routiers. Nous envisageons de développer
d’autres activités aval.
10
Édition spéciale Russie-France
IL N’Y AURA PAS DE RETOUR
AU STATU QUO ANTE
Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire
franco-russe, s’exprime sur les relations francorusses, sur le virage de la Russie en direction de
l’Est, et répond à la question de savoir si l’économie
russe est réellement « en lambeaux » ou non.
Le président russe Vladimir Poutine
rencontre le président français François
Hollande à l’aéroport Vnoukovo, à Moscou. |
MAXIM ZMEYEV / REUTERS
– Comment évaluez-vous l’état actuel des relations franco-russes ?
– Les relations franco-russes traversent
une période difficile. Elles ne peuvent
être évaluées indépendamment de la
crise ukrainienne. Le partenariat bilatéral, qui s’était considérablement développé au cours des dernières années,
a souffert et souffre encore des conséquences de la crise dans le Donbass, des
sanctions européennes et des contre-mesures russes, et, de manière plus large,
du contexte informationnel en France
et en Russie. On observe une forte polarisation des positions exprimées par
les hommes politiques, les experts et les
journalistes de nos deux pays.
Cependant, il y a du positif : la
France, en la personne du président
de la République François Hollande,
s’est saisie du dossier ukrainien. Cela a
commencé dès le printemps 2014, avec
la création du format « Normandie »,
et ce en dépit des très fortes pressions
extérieures pour que Vladimir Poutine
ne soit pas invité le 6 juin pour les cérémonies commémoratives du 70e anniversaire du Débarquement. Chacun
se souvient aussi de l’escale que François Hollande a faite à Moscou et de sa
rencontre avec le président russe, le
6 décembre dernier, au retour de son
voyage officiel au Kazakhstan.
Le rôle clé de la France dans le processus de Minsk est de bon augure. Bien
sûr, il y a un contexte médiatique, il
y a une crise de confiance profonde, il
y a le dossier – hélas visible et hautement symbolique – du Mistral, mais il
y a aussi des signaux plus positifs qui
viennent du plus haut niveau.
– L’économie russe est-elle « en lambeaux » ?
– Non, contrairement à ce qu’a pu dire,
un peu imprudemment, le président
Obama à l’automne dernier. Les scénarios très sombres, parfois apocalyptiques, qui avaient fleuri après le « mardi noir » du rouble à la mi-décembre, ne
se confirment pas. L’économie russe ne
s’effondre pas. La monnaie nationale
s’est redressée, les cours du pétrole – si
déterminants pour les équilibres
macro-économiques et financiers du
pays – se sont stabilisés et sont même
remontés à 65 dollars le baril, et la récession devrait être légèrement inférieure à 3 %, alors que certains tablaient
sur une contraction de 5 voire 6 points.
Ceci dit, la situation n’est pas brillante.
Les revenus réels de la population sont
en baisse – pour la première fois depuis
l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir en 2000 –, l’investissement – russe
comme étranger – est à l’arrêt, l’inflation sera proche de 15 % cette année, les
Arnaud DUBIEN |
OBSERVATOIRE FRANCO-RUSSE
budgets de la plupart des régions sont
en déficit. Pour résumer, je dirais que
la Russie résiste plutôt bien au choc.
Mais les défis fondamentaux auxquels
elle doit faire face sont toujours là. Il
s’agit ni plus ni moins que d’inventer
un nouveau modèle de développement
pour les décennies à venir.
– Les investisseurs français quittent-ils la
Russie ? Où en sont les échanges commerciaux bilatéraux ?
– À ma connaissance, aucune entreprise française n’a l’intention de partir de Russie. Les gens comprennent
qu’au-delà des turbulences actuelles,
c’est un pays au potentiel et aux be-
LES SCÉNARIOS
TRÈS SOMBRES,
PARFOIS
APOCALYPTIQUES,
QUI AVAIENT
FLEURI APRÈS LE
« MARDI NOIR » DU
ROUBLE À LA MIDÉCEMBRE, NE SE
CONFIRMENT PAS.
L’ÉCONOMIE RUSSE
NE S’EFFONDRE
PAS.
www.lecourrierderussie.com
soins – notamment en termes d’infrastructures – gigantesques. Les entreprises françaises peuvent contribuer
à la modernisation de la Russie. Plusieurs centaines y sont implantées et y
œuvrent déjà, en apportant technologies et savoir-faire.
À court terme, la situation est très
différente selon les secteurs d’activité.
La distribution se porte plutôt bien,
tandis que les constructeurs automobiles enregistrent à l’inverse de très
mauvais chiffres de ventes. L’une des
conséquences de la crise du rouble fin
2014-début 2015 et du climat politique
né de la crise ukrainienne sera une localisation plus importante de la production en Russie.
Les échanges bilatéraux devraient,
hélas, encore baisser cette année. C’est
le résultat de plusieurs facteurs. Tout
d’abord, la situation économique en
Russie, dont les importations ont baissé d’environ 30 % au premier trimestre.
Les contre-sanctions décidées par le
Kremlin en août dernier en réponse aux
sanctions sectorielles occidentales ont
également privé certaines entreprises
françaises du secteur agro-alimentaire
de leurs débouchés en Russie. Enfin,
il convient de relever un véritable problème de financement de la part des
banques françaises. Des dizaines de
grosses PME nous ont dit ne pas pouvoir obtenir de prêts pour leurs projets
d’exportation en Russie. Officiellement, le problème n’existe pas, ou il
est d’ordre technique. Dans les faits,
la frilosité traditionnelle des banquiers
vis-à-vis de la Russie a été amplifiée
par les sanctions – qui ne concernent
pourtant qu’un nombre très limité de
secteurs – et par l’affaire BNP Paribas.
Édition spéciale Russie-France
Le phénomène d’overcompliance que l’on
constate aujourd’hui pénalise non pas
la Russie mais nos entreprises et, in fine,
la balance commerciale de la France.
– Assiste-t-on à un virage de la politique
étrangère de la Russie en direction de l’Asie ?
– La Russie a systématiquement revendiqué, depuis des siècles, sa double vocation – européenne et asiatique. Mais
l’empire tsariste comme l’Union soviétique étaient en réalité des puissances
européocentrées. C’est toujours le cas
aujourd’hui en termes économiques
et démographiques, mais les choses
sont en train d’évoluer. La Russie fait le
constat qu’elle ne peut se désintéresser
de la région Asie-Pacifique, où le centre
de gravité économique et politique du
monde est en train de glisser. Et qu’elle
dispose de nombreux atouts, jusqu’ici
négligés, pour y jouer un rôle.
À vrai dire, cette prise de conscience
est antérieure à la crise ukrainienne.
Le sommet de l’APEC, qui s’est tenu à
Vladivostok en septembre 2012, avait illustré cette nouvelle ambition orientale
de la Russie, 25 ans après le fameux discours prononcé par Mikhaïl Gorbatchev
dans cette ville. Il s’agit à la fois de renforcer ses échanges commerciaux avec
les pays de la région, mais aussi de développer les provinces de Sibérie orientales et d’Extrême-Orient, très vulnérables sur le plan socio-économique.
Les cérémonies commémoratives des
70 ans de la victoire sur l’Allemagne
nazie ont mis en évidence le rapprochement entre la Russie et la Chine.
Des dizaines d’accords ont été conclus,
moins d’un an après la signature de
l’accord sur le gazoduc Force de la Sibérie. L’Observatoire, qui suit très at-
PUISSANCE
INQUIÈTE POUR SA
SÉCURITÉ ET SON
RANG, LA RUSSIE
CONTINUERA
D’ÉVOLUER
SANS GRANDE
STRATÉGIE, DANS
UNE LOGIQUE
RÉACTIVE ET
OPPORTUNISTE,
SEULE SANS ÊTRE
ISOLÉE.
11
tentivement ce qui se passe dans les régions de Russie, note la multiplication
de projets d’investissements chinois
dans de très nombreux secteurs. À l’évidence, un mouvement tectonique s’est
enclenché. Certes, parler d’alliance
russo-chinoise est exagéré. Mais nier,
comme le font de nombreux analystes
en Europe, qu’il se passe quelque chose
de majeur est assez incompréhensible.
Notons au passage que la politique asiatique de la Russie ne se résume pas à la
Chine. Moscou développe de façon suivie ses partenariats avec l’Inde, le Vietnam et la Corée du Sud.
– Quel sera le positionnement international
de la Russie ces prochaines années et quelle
sera la nature de ses relations avec l’Occident ?
– Le sentiment qui prévaut dans les
cercles de pouvoir à Moscou est qu’il
n’y aura pas de retour au statu quo ante.
La Russie se prépare à une coexistence
relativement indifférente avec un Occident dont elle n’attend plus grandchose de positif, qu’elle juge comme
largement responsable du désordre
international – notamment au MoyenOrient – et qui n’est plus aujourd’hui la
référence centrale. Elle privilégiera les
coopérations avec des pays (BRICS, Turquie, Égypte, Iran, etc.) qu’elle estime
capables de résister à d’éventuelles
pressions américaines. L’idée d’une
dépendance croissante vis-à-vis de la
Chine est intégrée – à défaut d’être vraiment acceptée – par les élites russes.
Puissance inquiète pour sa sécurité
et son rang, la Russie continuera d’évoluer sans grande stratégie, dans une
logique réactive et opportuniste, seule
sans être isolée.
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DENTONS,
UNE PRÉSENCE
FRANÇAISE EN RUSSIE
Mathieu FabreMagnan, associé du
cabinet Dentons au
bureau de Moscou,
responsable du
groupe de pratique
Dentons European and
Russian Luxury, Fashion
and Beauty et en charge
du Pôle France / Global
French Desk de Dentons
en Russie, se spécialise dans l’accompagnement juridique
des clients français.
Il nous présente le
cabinet Dentons en
Russie.
– Dentons a annoncé une nouvelle extension
majeure un an seulement après que les trois
principaux cabinets d’avocats internationaux – Salans, SNR Denton et Fraser Milner
Casgrain (FMC) – ont fusionné pour former
Dentons. Comment ces changements vont-ils
affecter le cabinet en Russie ?
– La fusion de Dentons et du principal
cabinet d’avocat chinois 大成 (prononcé « da chung »), annoncée en janvier
2015, forme un cabinet unique sur le
marché. La nouvelle firme aura plus
de 6 600 avocats et juristes dans 125
bureaux répartis dans plus de 50 pays.
L’année dernière, la firme a continué
à ouvrir de nouveaux bureaux, principalement en Afrique, plus précisément
dans ses régions francophones.
Nos clients russes qui souhaitent travailler à l’étranger auront accès à un
réseau d’avocats encore plus large à travers l’Europe, la CEI, les États-Unis, le
Royaume-Uni, le Canada, l’Asie-Pacifique, l’Asie centrale, le Moyen-Orient
et l’Afrique.
– Dentons a-t-il développé son Global
French Desk en Russie ?
– Le lien avec la France reste au cœur de
l’identité de Dentons en Russie. C’est
à Paris qu’est né Salans, l’un des cabinets d’avocats ayant contribué à former
Dentons. C’est la raison pour laquelle
les entreprises françaises ont toujours
constitué une part importante de notre
clientèle en Russie.
Pour assister nos clients français,
nous disposons entre autres d’une
équipe de 15 avocats francophones dans
nos bureaux de Moscou et Saint-Pétersbourg. En plus des ressortissants
russes, notre équipe rassemble plusieurs Français membres du barreau de
Paris et parlant un russe parfait après
de nombreuses années de résidence à
Moscou. Nous pouvons également faire
appel à d’autres collègues français spécialisés en droit des affaires russe et basés dans nos bureaux de Paris et Berlin.
Notre expérience nous montre
qu'au-delà des difficultés inhérentes
aux transactions parfois juridiquement
complexes, il y a souvent des barrières
interculturelles rendant plus difficiles
les contacts et faisant des négociations un véritable défi. Un conseiller
juridique parfaitement bilingue avec
une véritable compréhension des deux
cultures sera souvent d'une grande aide
dans de telles situations, et permettra un gain de temps et d'argent pour
toutes les personnes impliquées.
Que ce soit pour des multinationales ou des entreprises plus petites,
notre équipe française en Russie est
en mesure de fournir aux clients francophones une gamme complète de services juridiques pour les aider à travailler en Russie, et ce dans des secteurs
aussi variés que le luxe, les services,
l'agroalimentaire, la construction, les
sciences de la vie, les services financiers et bien d'autres.
Attentif aux besoins de nos clients
français et à leur service, je suis un
membre actif de la communauté d'affaires française à Moscou, où je vis
depuis 22 ans, et je suis très impliqué
dans la promotion des relations économiques entre la France et la Russie.
12
Édition spéciale Russie-France
TIC À L’IMPORT
ET À L’EXPORT
À l’aube des technologies de
l’information, la France avait déjà
créé le service Minitel, largement
utilisé jusqu’à l’avènement de
l’ère Internet.
En ce premier quart du 21e siècle, la
France conserve une position confortable dans la course à l'innovation.
Elle est en pointe dans la « compétition mondiale » pour l’Internet le plus
rapide et a remporté de nombreux prix
lors du dernier CES (Consumer Electronics
Show), le principal salon de l'électronique grand public qui se tient à Las Vegas, et ce bien que la concurrence avec
la Corée du Sud, la Chine, les ÉtatsUnis et l'Allemagne reste assez intense.
La part du Web dans le PIB français
est estimée à 5,5 % (contre 3 % en 2009).
Par ailleurs, le nombre de demandes
de brevets déposées en France place le
pays en deuxième position en Europe et
en sixième position mondiale. En novembre de l'année dernière, la France
est arrivée en tête du classement Technology Fast 500 EMEA.
INFRASTRUCTURE
NUMÉRIQUE
Ces indicateurs prometteurs devraient
continuer à s’améliorer grâce à plusieurs projets lancés avec le soutien du
gouvernement français.
Le programme « France numérique »,
adopté en 2012, pose les bases de ce développement. Le projet est principalement tourné vers les consommateurs
à travers l’élargissement de la sphère
des services publics numériques, l’introduction de l’Internet à haut débit
et l'amélioration de la qualité de la
connexion mobile, avec la 3G et la 4G.
Il a déjà porté ses fruits. Ainsi, selon
les statistiques de l'indice DESI (The Digital Economy and Society Index) de l'Union
européenne, les portails des services
publics sont activement utilisés en
France. Par exemple, 39 % des médecins généralistes conservent les données médicales sous forme numérique
(contre 36 % en moyenne en Union européenne), et 28 % des médecins transmettent les ordonnances aux pharmaciens par voie électronique.
La France se classe première parmi
les pays européens en matière d'achats
sur Internet ainsi que dans l’utilisation
de la télévision et des vidéos en ligne.
En revanche, en matière de communication sur les réseaux sociaux et d’appels vidéo, les Français utilisent moins
Internet que les autres Européens,
selon les données du DESI. Le rapport
UbiFrance, présenté au prestigieux salon CES à Las Vegas, indique que le débit des réseaux de télécommunications
en France atteint une vitesse moyenne
de 31 Mbits/s (78,7 Mbits/s à Paris). Les
20 milliards d'euros investis dans les
infrastructures de l'Internet à haut débit devraient permettre d’atteindre une
couverture à 100 % à l'horizon 2022.
Le marché des communications mobiles en France est le deuxième plus
grand d’Europe. Par ailleurs, de nombreux consommateurs préfèrent la 4G
pour l'accès à l'Internet. Dans ce domaine, la France est également le deuxième pays d’Europe.
En 2013, le président François Hollande a annoncé une liste de 34 projets
de hautes technologies stratégiques
pour la France (le programme est intitulé « La nouvelle France industrielle ») : un tiers de ces projets relève
des technologies de l’information (TI).
LES INVESTISSEMENTS
DANS LES START-UPS
En 2013, French Tech, un projet visant
à soutenir les start-ups à fort potentiel,
a été lancé avec le soutien du gouvernement français. Par ailleurs, le projet vise non seulement à soutenir les
entreprises françaises sur le marché
national et à travers le monde, mais
également à attirer des start-ups étrangères en France.
« Les sociétés étrangères jouent
un rôle important dans l'économie
française. Pourtant, par rapport aux
États-Unis, au Qatar, à la Chine et à
d'autres pays, la Russie y est relativement peu représentée. La Russie
compte de nombreuses entreprises
fortes dans ce domaine – Yandex, MTS
et VimpelCom, pour n'en citer que
quelques-unes – mais quand ces acteurs cherchent à s'étendre au-delà
de leur pays, ils rencontrent des difficultés. Pour les start-ups russes, c'est
encore plus difficile. Nous voulons les
aider : si ces entreprises décident de
se lancer sur le marché étranger ou
européen, nous aurons, bien sûr, tout
intérêt à les attirer en France, car cela
favorisera la croissance économique et
Futur en Seine |
JEAN-PIERRE DALBÉRA / FLICKR.COM
crédit d'impôt innovation. En outre,
les entreprises peuvent prétendre au
statut de jeune entreprise innovante,
qui permet aux start-ups de bénéficier
de réductions fiscales pendant huit
ans. « En ce qui concerne les investissements à risque, la Banque publique
d'investissement vient encourager les
investissements privés dans les industries de capital-risque. L'effet positif de
ces mesures est déjà apparent : on peut
citer l'exemple de BlaBlaCar, qui a pu
« DE NOMBREUX PROJETS
FRANÇAIS PORTENT DES NOMS
À CONSONANCE AMÉRICAINE CAR
ON CONSIDÈRE QUE CELA PERMET
DE BOOSTER LES VENTES, MAIS
ILS SONT EN RÉALITÉ FRANÇAIS. »
STÉPHANIE MORLEY
la création d'emplois », explique Stéphanie Morley, chef du pôle Nouvelles
technologies, innovation et services de
Business France en Russie.
Le climat favorable devrait encourager l’investissement. Ainsi, la France
pratique le crédit d'impôt recherche,
qui couvre jusqu'à 100 millions d'euros
d'investissement et permet de réduire
les charges fiscales, de même que le
lever 100 millions d'euros en 2014 », raconte Stéphanie Morley.
La participation au salon d'électronique grand public de Las Vegas est
une autre manière de soutenir les
start-ups françaises. Stéphanie Morley indique qu'en 2014, 120 entreprises
et start-ups françaises ont participé
au CES, faisant de la France la première délégation européenne et la cin-
quième délégation par rapport à tous
les pays participants. Par ailleurs, 25 %
de toutes les start-ups représentées
étaient françaises.
Le festival Futur en Seine, qui se tiendra en juin de cette année, devrait aider
les start-ups et PME russes à se lancer
en France. Le festival réunit quelque
20 à 25 pays et leur permet de présenter leurs innovations technologiques.
Cette année, une délégation russe est
attendue avec, notamment, la participation de RVC, qui, à son tour, invitera
les start-ups russes.
LES AVANTAGES
DE LA FRANCE
L'accès au marché russe est également
un axe important du travail de French
Tech, explique Stéphanie Morley. Les
Français occupent une position forte
dans les domaines du commerce électronique et du marketing numérique,
des technologies audiovisuelles, des
télécommunications, des logiciels, du
traitement des données de masse, de
la cyber-sécurité et de l’utilisation des
drones.
La directrice du département TIC
de Business France en Russie estime
qu'une collaboration efficace entre
les deux pays est possible dans ces domaines.
« Je crois que les Russes savent globalement où l'on peut trouver du savoir-faire et de l'expérience, et, malgré la concurrence américaine et
allemande, dans leur recherche de par-
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tenaires, ils choisiront une entreprise
française si celle-ci est réellement un
expert dans son domaine », estime Stéphanie Morley.
La société Sigfox a, par exemple, signé un contrat avec la mairie de Moscou et participe au projet d’équipement
de places de parking dans la capitale. À
l'avenir, d'autres start-ups françaises
pourraient être demandées en Russie,
notamment celles qui proposent les
technologies récompensées au salon
CES : ce sont les drones Parrot, les caméras de surveillance à identification
visuelle Netatmo et bien d'autres.
LES FRANÇAIS SUR
LE MARCHÉ RUSSE
Les acteurs des TIC (technologies de
l’information et de la communication)
français déjà présents sur le marché
russe s'accordent à dire que celui-ci est
attractif du point de vue économique.
Le directeur du département stratégie et recherche d'Oxymore Inc.,
Jean-Christophe Bonis, précise que le
lancement de l’entreprise sur le marché russe était naturel car c’est un mar-
Édition spéciale Russie-France
ché dynamique, prometteur et vaste.
En Russie, la société promeut la formation dans le domaine des innovations à travers des conférences, des
ateliers et des consultations spéciales,
mais son objectif principal est la création d'une plateforme de formation
utilisant les smart data et l'intelligence
artificielle.
Le directeur général de Teads en
Russie, Thierry Cellerin, souligne également le potentiel du marché russe,
le plus vaste d'Europe en termes d'audience avec environ 75 millions d'utilisateurs mensuels.
Pour cette société, spécialisée dans
les flux vidéo en ligne pouvant être intégrés sur n'importe quelle page web, le
lancement sur le marché russe est un
pas naturel. « Le secret du succès d'une
société technologique est d'être simplement un peu en avance sur le reste du
marché », estime M. Cellerin.
Iouri Larine, directeur des ventes
Russie et CEI d'Arkaden RUS, précise
qu'un service de qualité doit être assuré
dans la langue du pays où le bureau est
installé.
En outre, compte tenu de l'étendue
territoriale de la Russie, les technologies de connexion vidéo hybride proposées par la société sont particulièrement d'actualité. Elles permettent aux
utilisateurs de communiquer à partir
de tout type d'appareil ou presque.
« La France est l'un des premiers pays
d'Europe avec une culture riche, notamment technique, et nous sommes
heureux de proposer aux utilisateurs
russes les meilleures technologies
de travail à distance, développées en
France et testées en Europe et à travers
le monde », indique M. Larine.
Lev Samsonov, directeur général de
Fabernovel en Russie, souligne que la
Russie fait partie des cinq plus grands
marchés numériques du monde. Aussi
les opportunités apportées par la révolution numérique seront-elles de plus en
plus demandées dans les années à venir.
« Aujourd'hui, plutôt que reproduire
les produits et services réussis, les entreprises doivent en créer de nouveaux en
utilisant leurs actifs et l'expertise accumulée et en recourant aux technologies
numériques », estime M. Samsonov.
13
Thierry Cellerin partage cet avis. Il explique que de nombreuses entreprises
« ne sont pas toujours conscientes des
possibilités que peut apporter le développement des TIC à leurs activités,
réduisant à tort le rôle des TIC aux
technologies de la communication.
Les TIC peuvent apporter de nouvelles
technologies aux entreprises, créer de
nouveaux produits, modifier le modèle commercial de la société, etc. Elles
doivent devenir la composante principale de la planification stratégique. »
Cela signifie que les entreprises devront agir en utilisant des technologies
innovantes si elles veulent éviter le destin de Kodak, qui a fait faillite.
Stéphanie Morley explique que l'objectif est de faire en sorte que les startups françaises ne se contentent pas de
simplement « vendre » leurs produits
en Russie, mais qu'elles s'y installent
durablement : « Elles ont peu de ressources humaines pour y parvenir, c'est
pourquoi nous leur venons en aide, de
même que la Chambre de commerce et
d'industrie franco-russe. »
ORANGE BUSINESS SERVICES : « LA CRISE EST
LE TEMPS DES NOUVELLES OPPORTUNITÉS »
Le fournisseur
international Orange
Business Services
offre des services de
télécommunications aux
plus gros clients russes
et internationaux,
tels que Danone,
Heineken, Siemens, JTI,
L’Oréal, Otkrytie Bank,
MDM Bank, Rosbank,
Sberbank, etc. Richard
van Wageningen,
directeur général de la
filiale russe du groupe,
aborde les nouvelles
opportunités qu’ouvre
la crise en Russie.
– Quel est l’impact de la conjoncture économique
en Russie sur l'activité de votre entreprise ?
– Déjà lors de la préparation du budget
pour l'année en cours, nous prévoyions
que notre travail serait plus difficile.
Mais nous savions à l’avance où nous
pouvions travailler de manière plus
efficace. Les entreprises doivent chercher des moyens d’optimiser leurs dépenses. En cela, nous sommes aidés
par les technologies informatiques.
En investissant dans ces technologies
aujourd'hui, nous pouvons prendre
plusieurs années d'avance sur nos
concurrents. En outre, les solutions informatiques sont très utiles en temps
de crise. Je pense notamment aux solutions de cloud computing qu'on peut
exploiter en ne payant que pour les ressources utilisées – c'est important lorsqu'une société croît ou, au contraire,
réduit sa voilure.
– Pourquoi faut-il aujourd’hui investir en
Russie ?
– Travailler en Russie est crucial pour
nous comme pour tout fournisseur international de services. Il est même
plus intéressant d'investir en Russie
aujourd'hui qu'avant la crise : celui
qui achète maintenant dicte ses règles
au marché. Cela peut bien entendu
être difficile, mais il faut le faire si
l’on ne veut pas, d'ici deux ans, quand
l'économie reprendra sa croissance,
se retrouver derrière tout le monde.
De notre côté, nous investissons dans
l'infrastructure en Russie, élargissons
notre plateforme cloud et faisons tout
pour rester un partenaire fiable pour
nos clients.
– Quelles sont les nouvelles difficultés rencontrées par vos clients ?
– La majeure partie de nos clients sont
des organismes financiers, des compagnies pétrolières, gazières et minières,
et des détaillants. Chacun de ces secteurs a souffert de la crise à sa façon.
Nous cherchons à soutenir nos clients
et à leur proposer des conditions plus
favorables.
– Quelles mesures les entreprises doiventelles prendre pour rester compétitives dans
les nouvelles conditions économiques ?
– Chaque entreprise doit comprendre
pourquoi ses clients l’ont choisie elle.
Les unes misent sur la qualité, les
autres sur le prix et la flexibilité. Nous
combinons les deux approches. Notre
force, ce sont les grands clients russes
et internationaux que nous comprenons bien et à qui nous pouvons proposer les meilleures solutions.
L'état d'esprit de la direction est également très important. Un directeur
peut dire que tout va mal, un autre appréciera les résultats obtenus, même
s'ils sont minimes. Personnellement,
je suis un optimiste.
– Quelles niches avez-vous l'intention de développer sur votre marché en Russie ?
– Les entreprises recourent de plus en
plus au modèle cloud pour l'organisation
de leur travail. Par conséquent, tous
nos produits et services migrent sur le
cloud : la téléphonie, les conférences
audio, vidéo et web, et les centres de
contact. Nous proposons également
des clouds virtuels privés et hybrides à
nos clients. Les clouds hybrides allient le
confort d'utilisation d'un cloud privé et
la sécurité.
Par ailleurs, à partir du 1er septembre
doit entrer en vigueur la loi sur la conservation des données personnelles, qui
oblige les entreprises à conserver sur le
territoire russe les données des citoyens
russes. Dans le contexte actuel, les entreprises peuvent soit investir dans l'expansion et la modernisation des centres
de données afin de respecter la législation, soit migrer sur le cloud et ainsi bénéficier de davantage de flexibilité sans
devoir investir dans l’infrastructure et
sa modernisation. Nous avons constaté
une hausse de la demande pour les projets cloud de la part des grandes entreprises. Nos clients souhaitent utiliser
notre plateforme cloud, aussi nous investissons actuellement dans son expansion. Nous avons nos propres centres de
données en Russie et nous fournissons
des services sur la base des centres de
données de nos partenaires.
– Quelles sont les tendances dominantes sur
le marché ?
– La tendance principale est la mobilité. Les collaborateurs veulent avoir un
accès mobile aux mêmes applications
et systèmes qu'à partir d'un ordinateur fixe, partout et depuis tout type
d'appareil. Pour ce faire, des outils de
programmation ont été élaborés et sont
proposés sur les marchés IT international et russe. Nous proposons une solution complète pour l’utilisation sécurisée des appareils mobiles. Entre autres
avantages, celle-ci ne nécessite ni dépenses d’investissement de capital, ni
d'investissements dans l'infrastructure
informatique. Le client ne paie que
pour les appareils activement utilisés
au sein de l'entreprise.
– Comment gérez-vous les questions de sécurité dans ce cas ?
– Ce service est déjà utilisé dans le
monde, notamment par des institutions financières et des organismes
gouvernementaux, dont les exigences
sont les plus élevées en matière de gestion de l'infrastructure informatique
et de garantie de la sécurité. Parmi ces
organismes, on trouve le ministère
belge des Affaires étrangères. Les appareils mobiles des employés ont attiré
l'attention des malfaiteurs, le nombre
de ces appareils a crû et, afin d'assurer
leur sécurité, le ministère belge des Affaires étrangères a choisi le service cloud
d’Orange Business Services. Ce service
prend en charge environ 500 appareils
mobiles dans différents pays et permet
de mettre en œuvre une politique de
sécurité pour les ordinateurs fixes, les
ordinateurs portables, les smartphones
et les tablettes, y compris les appareils
personnels des employés.
– À votre avis, à quel point la Russie est-elle
attractive pour les investisseurs ?
– La Russie est un pays très vaste et très
attractif en termes d’investissements.
Il y a ici tout ce dont vous avez besoin
pour faire des affaires. Ce point de vue
est partagé par mes collègues en France
et dans le monde entier. Nous disposons de nos propres infrastructures développées, d’une équipe de spécialistes
qualifiés et nous continuons d’investir
en Russie. Le chiffre d'affaires de notre
société est en augmentation, et la crise
nous est même d'une certaine aide
dans la mesure où la demande en technologies ne faiblit pas.
publicité
– Les entreprises peuvent-elles trouver de
nouvelles opportunités ?
– Bien sûr. La crise est simplement une
autre situation, que l'on peut comparer à la conduite automobile : lorsqu'il
pleut ou neige, nous conduisons plus
prudemment. En ce qui concerne les
investissements, de grandes opportunités apparaissent.
14
Édition spéciale Russie-France
TOULOUSE : PASSÉ ROMANTIQUE
ET PRÉSENT INDUSTRIEL
Il n’est pas toujours facile de trouver
un guide touristique sur Toulouse.
Bien qu’au Moyen-Âge, cette ville ait
constitué une étape pour les pèlerins en
route vers Saint-Jacques-de-Compostelle,
les touristes d’aujourd’hui, pressés de
rejoindre les stations balnéaires des côtes
méditerranéenne ou atlantique, ne s’y
arrêtent plus que brièvement.
ALEXANDRE ANITCHKINE
Ce faisant, ils ratent l’occasion de découvrir l’une des villes les plus colorées
du sud de la France, où l’ancien et le
nouveau s’entrelacent dans un mélange enchanteur, où les gens sont accueillants, où la cuisine est succulente,
et le climat – chaud. Cette ville, dont
l’université est une des plus anciennes,
regorge de lieux historiques entourés
de technologies de pointe tournées vers
l’avenir.
La particularité de Toulouse est la
brique rose qui a servi à construire tous
ses bâtiments. Les nuances du matériau varient en fonction de la position
et de l’intensité du soleil. C’est d’ailleurs de là que Toulouse tire son surnom de « ville rose ».
Toulouse se situe sur la Garonne, à
mi-chemin environ entre Montpellier,
au bord de la Méditerranée, et Biarritz, sur la côte atlantique. C’est la
quatrième plus grande ville de France
après Paris, Lyon et Marseille. Peuplée
de plus de 500 000 habitants et préfecture de Midi-Pyrénées, la plus grande
région de la France continentale, Toulouse est desservie par deux aéroports,
un réseau d’autoroutes et son propre
métro.
Mais ce qui donne sa principale renommée à Toulouse, c’est d’être devenue le centre de l’industrie aéronautique dès l’apparition de l’aviation. En
témoigne la place du Capitole, la principale de la ville. Cette place de deux
hectares est entourée par les imposants
C’est précisément à Toulouse que, durant l’entre-deux-guerres, est née l’aéropostale et qu’ont été exécutés les premiers vols du supersonique Concorde.
Aujourd’hui, les principaux secteurs
industriels de la région sont ceux de
l’aéronautique, de l’aérospatiale, de
AUJOURD’HUI, LES PRINCIPAUX
SECTEURS INDUSTRIELS
DE LA RÉGION SONT CEUX
DE L’AÉRONAUTIQUE,
DE L’AÉROSPATIALE, DE
L’ÉLECTRONIQUE, DE
L’INFORMATIQUE ET DES
BIOTECHNOLOGIES.
bâtiments de la mairie et de l’opéra,
mais surtout par l’hôtel historique du
Grand Balcon, où le légendaire écrivain
et pilote Antoine de Saint-Exupéry a rédigé l’impérissable chef-d’œuvre de la
littérature pour enfants, Le Petit Prince.
l’électronique, de l’informatique et des
biotechnologies. Siège d’Airbus Group
(ancien EADS), du GPS Galileo et du système de satellites SPOT, Toulouse est
la capitale européenne de l’industrie
aérospatiale. En outre, c’est là qu’ATR
Vue de Toulouse |
OLIVIER JAULENT / WIKIMEDIA COMMONS
produit ses célèbres avions régionaux
(de courte et moyenne distance) et
que sont installées les entreprises du
Groupe Latécoère, un des plus gros
producteurs mondiaux de composants
aéronautiques modernes – éléments de
fuselage, portes et avionique.
Les visiteurs peuvent observer de leurs
propres yeux l’assemblage d’avions de
ligne modernes dans l’usine Aerospatiale à Colomiers, dans la banlieue de
Toulouse. Un lieu encore plus apprécié
des touristes est la Cité de l’espace, un
vaste parc à thème scientifique d’une
superficie de 3,5 hectares, consacré à
l’exploration spatiale. Il comprend un
planétarium populaire et un musée
foisonnant d’innovations, notamment
un simulateur de vol à bord d’un vaisseau spatial, une réplique grandeur
nature de la station spatiale Mir ainsi
qu’une fusée Ariane 5 de 53 mètres. Les
visiteurs peuvent ainsi se mettre, le
temps d’une journée, dans la peau de
spationautes et vivre le décollage et l’atterrissage d’une navette spatiale.
La ville abrite également le centre
européen du géant technologique américain Intel et le Centre spatial de Toulouse (CST) du Centre national d’études
spatiales (CNES) – le plus grand d’Europe. Relevons également la présence
remarquée du géant spatial franco-italien Thales Alenia Space et d’Astrium
Satellites, une unité d’Airbus Group
spécialisée dans la conception et la fabrication de satellites.
Le pôle aérospatial de Toulouse est
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considéré comme le meilleur pôle d’export de l’économie française et sert
souvent à illustrer le contraste entre le
niveau de compétitivité de l’économie
nationale dans son ensemble et celui
de ce secteur pris à part.
Le pôle couvre les régions Midi-Pyrénées et Aquitaine et compte 1 500 sociétés, 100 000 travailleurs, 10 500 ingénieurs et scientifiques, ainsi que
plusieurs dizaines de fabricants d'équipement d'origine (FEO). Il représente
80 % des exportations françaises dans
l’industrie aérospatiale et plus de 9 %
de l’ensemble des exportations du
pays. Soit, par exemple, 15 fois plus, en
termes de revenus, que les exportations
de bordeaux.
La région de Toulouse est également
devenue un pôle éminent grâce à sa po-
Édition spéciale Russie-France
sition géographique stratégique et à la
politique du gouvernement, qui, déjà
lors de la Première Guerre mondiale, y
avait commandé 1 000 avions. Toulouse
avait été choisie parce qu’elle était la
zone d’industrie lourde la plus éloignée
du front allemand. De plus, les conditions atmosphériques y étaient idéales
et les massifs des Pyrénées servaient
de repères lors des vols d’entraînement
des pilotes.
Plus proche de notre époque, dans
les années 1960, la participation de la
France au projet Concorde et Airbus a
propulsé le futur développement du
secteur avec l’appui de travaux scientifiques et expérimentaux. À partir de
1965, le gouvernement a lancé une politique de décentralisation administrative, dans le cadre de laquelle plusieurs
instituts scientifiques parisiens ont été
transférés à Toulouse afin de consolider
les centres sectoriels compétitifs en dehors de la capitale. Enfin, en 2005, le
gouvernement français décide de créer
Aerospace Valley, un pôle constitué
d’entreprises aérospatiales et d’associations scientifiques et centré à Toulouse.
Le pôle aérospatial toulousain forme
un réseau d’entreprises et d’organisations publiques et privées, de fournisseurs et de maîtres d’œuvre, tous
étroitement liés entre eux. Les composants de navigation, de communication et d’électronique sont produits
séparément avant d’être expédiés pour
assemblage chez Airbus ou d’autres fabricants du produit fini. Une grande
partie des systèmes et des sous-systèmes modulaires (par exemple les
PROJETS INNOVANTS DANS LA RÉGION
AÉRONAUTIQUE, AÉROSPATIALE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES
Arcam : Création de nouveaux alliages métalliques sans plomb ni chrome afin de produire des
aciers inoxydables respectueux de l’environnement pour l’industrie aéronautique et aérospatiale.
CE-GNSS : Création de systèmes portables
(programmes) connectés au système satellite
GPS dans le but de donner aux aveugles et malvoyants une vie plus proche de la normale.
Copain : Modernisation des cockpits des avions
civils et des jets d’affaires, permettant de diminuer leur poids d’un tiers et de réduire le coût de
ce centre névralgique de l’avion moderne.
Fahrenheit : Le projet Fahrenheit fournit des matériaux de protection thermique améliorés pour
les avions et les engins spatiaux qui subissent en
vol des températures extrêmes.
Pro-CIGS : Concept de production en masse de
panneaux photovoltaïques (solaires) visant à
réduire les coûts et à encourager les investissements. Le but du projet est de réduire la dépendance des pays industrialisés et en développement à l’égard des hydrocarbures.
TECHNOLOGIES AGRICOLES
AgriDrones : Projet conjoint entre les pôles
agricole et aérospatial qui vise à développer des
drones spécialisés (véhicules aériens sans pilote)
pour accroître l’efficacité des plantations de
cultures couvrant de grandes surfaces, telles que
le blé, le maïs, le tournesol et le colza.
Roquefort’in : Recherche sur le potentiel sélectif
et génétique du fromage produit à partir de lait
de brebis (roquefort).
Ecosilo : Développement de méthodes pour protéger les cultures contre les insectes et autres parasites pendant le processus de stockage du grain.
BIOTECHNOLOGIES ET MÉDECINE
BEA : Projet commun entre les pôles aérospatial
et biotechnologique. L’objectif est de développer
un bracelet connecté à un système de recherche
et d’alerte à distance pour les personnes âgées
membres d’un EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes).
Roméo II : Création d’un robot humanoïde mesurant 180 cm et servant de compagnon et d’aide
domestique. Aldebaran est le chef du projet.
Inpac : Développement intégré d’une usine de
production d’anticancéreux en vue de réduire leur
coût et d’accroître leur compétitivité mondiale.
Réplique d’Ariane 5 à la Cité de l’espace,
à Toulouse | Poppy / WIKIMEDIA COMMONS
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16
Édition spéciale Russie-France
moteurs, les équipements avioniques
et les ailes) sont produits en dehors du
pôle mais leur intégration finale se fait
dans les lignes de montage à Toulouse.
Les ministères et les organismes gouvernementaux jouent un rôle majeur
dans la règlementation et la promotion
du pôle aérospatial. Des organisations
subventionnées par l’État ont une part
cruciale dans l’éducation et la recherche
scientifique. Toulouse abrite plusieurs
grandes écoles, y compris l’ENAC (École
nationale de l'aviation civile) et l’ISAE
(Institut supérieur de l'aéronautique
et de l’espace), qui préparent des centaines de spécialistes du domaine et
conduisent de vastes programmes de
recherche et développement.
Le pôle est également constitué des
plus grands centres de recherches : le
centre toulousain de l’ONERA (Office
national d'études et de recherches aérospatiales) et la délégation du CNRS,
le principal centre de recherche fondamentale en France et le plus grand d’Europe. Aerospace Valley sert de centre de
coordination des travaux scientifiques
et techniques du pôle.
Outre les établissements de recherches et d’études techniques et d’ingénierie, Toulouse abrite également la
Toulouse Business School (TBS), l’École
d’économie de Toulouse (TSE) et un des
campus de l’Institut supérieur européen de gestion (ISEG Group).
Toulouse compte actuellement plus
de 100 000 étudiants. Cette cité universitaire moderne est associée à la
tradition antique car c’est là que vécut
et travailla Pierre de Fermat, grand mathématicien du 17e siècle. Son dernier
théorème est resté sans démonstration
durant plusieurs siècles, avant d’être
finalement prouvé par Andrew John
Wiles en 1995.
Après Paris, Lyon et Lille, Toulouse
est le centre d’enseignement supérieur
le plus peuplé de France. L’université
de Toulouse, fondée en 1229, est l’une
des plus anciennes d’Europe. À l’instar des universités d’Oxford et de Paris, celle de Toulouse fut créée lorsque
les Européens traduisaient activement
les œuvres d’Arabes andalous et de
Grecs anciens. Leurs travaux, qui remettaient en question les conceptions
européennes
traditionnelles,
sont
à l’origine de nouvelles découvertes
scientifiques, artistiques et culturelles
et, par là même, ont transformé la société.
C’était également l’époque de la révolte des cathares, dont le foyer se situait à Toulouse. Ce mouvement religieux, qui contestait l’autorité du pape,
fut jugé hérétique. Par conséquent,
une croisade fut proclamée contre le
catharisme, la seule que la France ait
organisée contre son propre peuple. La
région, dont Toulouse elle-même, fut
dévastée et pillée en 1218.
Cette période a toutefois laissé un
riche héritage historico-culturel. La
basilique Saint-Sernin est considérée
comme la plus grande église romane
conservée en Europe. À l’instar de nombreux autres édifices de la ville, elle
est inscrite au patrimoine mondial de
l’UNESCO.
La région connut un nouvel essor au
15e siècle, lorsque Toulouse se développa en centre administratif de la région
et s’enrichit en livrant à l’Angleterre
du bordeaux, des céréales et du textile.
Plus tard, les marchands locaux ajoutèrent à leur métier principal la production, à partir de la guède, de teinture
bleue pour tissu. Les teintures furent
acheminées dans toute l’Europe avant
que l’Inde ne commence à exporter de
l’indigo. On doit aux marchands de
Airbus A380 |
SENOHRABEK / FOTOLIA.COM
Toulouse la construction des imposants
bâtiments en brique rose. L’esprit cosmopolite de cette ville où prospèrent les
arts a traversé les siècles jusqu’à notre
époque. Aujourd’hui, les jeunes et les
musées publics rivalisent de créativité
et insufflent de l’énergie à la vie culturelle toulousaine. Les rues de la ville
accueillent régulièrement des performances originales.
Au 17e siècle, plus précisément en
1662, apparut l’idée de construire une
voie de navigation entre la mer Méditerranée et l’Atlantique pour éviter un
long et périlleux voyage maritime autour de l’Espagne. Les travaux furent
entamés en 1667 et donnèrent naissance au désormais célèbre canal du
Midi, dont la construction fut achevée
en 1681. Le canal, également classé au
patrimoine mondial de l’UNESCO, est
très apprécié des touristes.
Toulouse prend soin de son patrimoine. Son histoire, sa modernité,
ainsi que ses 160 parcs et jardins d’une
superficie totale de 1 000 hectares, et,
bien entendu, la pittoresque Garonne,
TOULOUSE PREND SOIN DE SON
PATRIMOINE. SON HISTOIRE,
SA MODERNITÉ, AINSI QUE SES
160 PARCS ET JARDINS D’UNE
SUPERFICIE TOTALE DE
1 000 HECTARES, ET, BIEN
ENTENDU, LA PITTORESQUE
GARONNE, QUI TRAVERSE LA
VILLE, LUI CONFÈRENT UN
CHARME UNIQUE.
qui traverse la ville, lui confèrent un
charme unique.
La gastronomie locale est également
réputée, notamment pour ses célèbres
saucisses de porc et son cassoulet – un
ragoût épais fait de haricots blancs et
de viande d’oie ou de porc. Autre plat de
la région : le confit de canard, que l’on
TOULOUSE ET SA RÉGION :
PRINCIPAUX PROJETS,
INDUSTRIES ET ENTREPRISES
AVIATION
Au total, la région accueille 1 600 entreprises,
qui emploient 120 000 travailleurs et 10 500
scientifiques et ingénieurs. Nombre de projets : 598. Entreprises : Airbus, ATR, Latécoère,
Thales Alenia Space, Turbomeca et Snecma.
TECHNOLOGIES AÉROSPATIALES
Leader en Europe. Entreprises : Spot Image,
Astrium et Thales Alenia Space.
ÉLECTRONIQUE
Première région au niveau national pour la création de systèmes et d’équipements électroniques
embarqués. Entreprise : ACTIA Group.
TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION (IT)
Deuxième région du pays derrière celle de Paris.
Entreprises : Capgemini, Sogeti et Legrand.
BIOTECHNOLOGIES ET MÉDECINE
La recherche médicale se concentre sur les
traitements oncologiques. La région accueille
200 entreprises avec un total de 15 000
employés. Nombre de projets certifiés : 112.
Entreprises : Sanofi, DExStr, Hyphen, LifeSearch,
Omilo et RIST.
TECHNOLOGIES AGRICOLES
Technologies innovantes dans l’agriculture et
la production alimentaire. 205 entreprises, 195
chercheurs, 282 projets certifiés.
60 autres entreprises conduisent des recherches
sur les ressources en eau – eau souterraine,
purification et usage plus efficace. 19 projets
majeurs sont en cours. Entreprises : groupe SEB,
Tefal et Arterris.
prépare avec des pattes de canard cuites
lentement dans leur propre graisse. Le
roquefort, les confitures, les sucreries
à la violette et le fénétra (une tarte aux
amandes, abricots et citron) constituent autant d’autres spécialités régionales.
Du côté des boissons, il est impossible de ne pas mentionner l’armagnac, une eau-de-vie gasconne que certains connaisseurs classent au-dessus
du cognac. D’après des fouilles archéologiques, déjà dans l’Antiquité, les Romains fabriquaient une boisson similaire. L’armagnac est mentionné pour
la première fois en 1348, soit un siècle
avant le whisky et le cognac. La région
est également connue pour ses champignons frais et ses écrevisses.
Enfin, si vous désirez vous attirer immédiatement les faveurs des locaux,
il vous faudra parler des « rouges et
noirs ». Il s’agit des couleurs du Stade
toulousain, le club de rugby de la ville,
une des meilleures équipes de France
et d’Europe. De façon assez surprenante, le rugby est un sport populaire
dans cette partie du pays. Les jours de
match, la ville entière arbore les couleurs de son équipe, et seuls les plus
chanceux arrivent à se procurer des
places pour assister à la rencontre. Les
autres jours, il est possible de visiter le
stade, son musée et, bien sûr, son restaurant.
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Édition spéciale Russie-France
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TECHNOLOGIES DU PRÊT-À-PORTER
Pavel Chinsky, directeur général de la CCI France
Russie, reprend sa rubrique annuelle, dans laquelle il
évoque les technologies tricolores intéressantes qui
s’installent dans le quotidien des Français.
BOULANGER AUTOMATE
Jean-Louis Hecht, un ingénieux boulanger originaire de Moselle, a remporté l’an dernier le prix du président de la
République lors du concours d’invention Lépine, où il a présenté un automate capable de cuire une baguette en
dix secondes. Grâce à cette innovation,
les Français pourront désormais se procurer leur cher pain croquant à toute
heure du jour et de la nuit, toujours
frais de surcroît – le réfrigérateur du
distributeur pouvant contenir jusqu’à
120 produits semi-finis. L’inventeur
pourra contrôler le travail de son automate à distance au moyen d’un téléphone portable.
VALISE ROBOT
Le célèbre fabriquant français de bagages Delsey profite lui aussi des nouvelles possibilités offertes par les téléphones. Sa valise Pluggage est en
effet équipée de nombreux capteurs qui
communiquent son poids via une application et vous évitent ainsi des frais
supplémentaires à l’aéroport. Un autre
capteur vous informe du moment où
votre valise est chargée dans l’avion,
et un autre encore la protège des intentions malveillantes : seule votre empreinte digitale permet de l’ouvrir.
BLOCKBUSTER AMATEUR
Les concepteurs français de l’entreprise Squadrone System ont eu du flair
lorsqu’ils se sont dit qu’il manquait
quelque chose pour satisfaire pleinement la passion actuelle pour les films
amateurs. L’engin Hexo+, équipé d’un
GPS et d’une caméra GoPro, mémorise
le modèle 3D de son maître et filme les
aventures de celui-ci sur une distance
fixée à l’avance. Rien d’étonnant à ce
que ce projet de drone autonome ait
déjà récolté plus de 1,3 million de dollars sur la plateforme de financement
participatif Kickstarter.
CHASSE AUX MAUVAISES
ONDES
Les nouvelles technologies présentent
parfois un danger. C’est ce contre quoi
veut lutter le MétaPapier, un papier
peint qui filtre et renvoie les ondes électromagnétiques indésirables pour créer
un espace à l’abri de l’influence négative du Wi-Fi et de la téléphonie mobile. Les ondes émises par les radios et
les réveils pourront, elles, continuer de
traverser les murs. Ce papier peint peut
même servir comme revêtement décoratif ou autre. Il pourra par exemple
être utilisé dans les théâtres pour bloquer le signal des téléphones qui retentissent immanquablement au moment
le plus intense.
REPÈRES INTELLIGENTS
Des concepteurs et des inventeurs français ont imaginé de placer des repères
radios sur des tissus. À l’aide de la technologie PAC ID Textile, il sera possible de retrouver un sac volé,
de suivre le transport d’objets
et de lutter contre la contrefaçon – les sacs français originaux pourront être équipés
d’un code radio spécial. La
petite puce cousue dans
l’étiquette de l’article sera
quasiment invisible mais extrêmement utile.
CAPSULES POUR
LA DOUCHE
L’entreprise parisienne Skinjay utilise
une technique innovante pour « livrer » des ingrédients. Les spécialistes
de cette société se sont inspirés des dosettes de café pour créer des capsules
contenant différentes huiles aromatiques et qui s’intègrent à la douche.
L’huile, en sortant d’un mixeur spécial, se mélange à l’eau chaude. On
obtient ainsi un effet aromatique particulier, comme si on était au spa.
La couleur de ces dosettes faciles
à utiliser varie en fonction
des arômes et des huiles. Le
mixeur coûte 138 euros et
une capsule – 9,80 euros.
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18
Édition spéciale Russie-France
EURO 2016 : UNE LEÇON
FRANÇAISE DE MANAGEMENT
ÉVÉNEMENTIEL
Stade Allianz Riviera,
à Nice | ALLIANZ
RIVIERA STADIUM
En juin 2016, la France hébergera l’un des
événements sportifs les plus attendus du
moment : l’Euro 2016. Tout au long du mois
que durera la compétition, le monde sportif
n’aura d’yeux que pour ce pays, dont dix villes
accueilleront les 51 matchs. La France
sera-t-elle à la hauteur du défi ?
PATRICK SEWELL
Pour l’heure, à Moscou, les figures clés
du gouvernement russe et les membres
de l’association nationale de football
scrutent les préparatifs français avec
intérêt. L’Euro 2016 est en effet leur dernière chance d’être témoins d’un grand
événement de football international
avant que leur propre pays n’accueille la
Coupe du Monde en 2018. Toutes les innovations faciles à adapter qui s’avèreraient un succès en France peuvent par
conséquent intéresser les organisateurs
russes de la Coupe du Monde.
L’héritage d’un grand tournoi international ne dépend pas seulement du
succès de l’événement lui-même, mais
aussi de ce qu’il apporte comme améliorations durables à la culture sportive ou à
l’infrastructure touristique du pays hôte.
Au vu des gigantesques sommes d’argent
mises en jeu, dépenser efficacement est
également une priorité absolue.
L’histoire sportive récente foisonne
d’exemples de compétitions internationales ayant échoué dans au moins un
de ces aspects, voire tous. Ces échecs
ont laissé derrière eux des stades vides
(Afrique du Sud, 2010) ou une agitation
sociale causée par la remise en question de dépenses si massives en période
d’austérité (Brésil, 2014).
La France a déjà accumulé une certaine expérience dans l’organisation de
championnats de football avec l’Euro
1984 et la Coupe du Monde 1998. Alors
que ce dernier événement a été largement considéré comme un grand succès, de nombreux commentateurs locaux ont regretté qu’il ait finalement
très peu contribué à améliorer le football
français dans les années qui ont suivi.
C’est un objectif particulièrement important pour la France, où, selon le magazine Challenges, les revenus annuels
des billetteries pour les matchs de Ligue
1 stagnent depuis dix ans aux alentours
des 130 et 140 millions d’euros.
En outre, les efforts gouvernementaux qui visent à faire croître l’affluence en construisant de nouveaux
stades et en améliorant les anciens,
peuvent avoir une grande influence à
long terme. Les organisateurs de compétitions
internationales
espèrent
en effet déclencher une réaction en
chaîne : une affluence plus importante
augmentera les revenus publicitaires,
les clubs pourront alors engager de
meilleurs joueurs, ce qui attirera des
foules encore plus grandes dans les
stades.
Les dix emplacements sélectionnés
pour l’Euro 2016 constituent un mélange équilibré de stades neufs et d’infrastructures existantes rénovées. De
tous les stades, seul le Stade de France,
à Paris, sera utilisé sans changements
significatifs.
De nouvelles installations ont été
prévues dans les villes de Lyon, Lille,
Bordeaux et Nice. Parmi les différents
stades, seul celui des Lumières, à Lyon,
est toujours en cours de construction.
Selon les règles de l’UEFA, tous les
stades utilisés pendant un Euro doivent
correspondre aux stades de catégorie 3
ou 4 du classement UEFA. Les critères
pris en compte sont le nombre de places
assises, l’éclairage, la sécurité et l’infrastructure disponible pour les médias.
Au-delà de ces exigences standards,
les stades possèdent des caractéristiques et des innovations supplémentaires, qui, selon un récent communiqué de presse de l’entreprise de
construction Vinci, garantiront qu’ils
restent « d’avant-garde » pour « les décennies à venir ». Le stade Pierre-Mauroy à Lille, par exemple, est le premier
stade français équipé d’un toit rétractable, et il dispose aussi d’un terrain adaptable, permettant au stade
d’accueillir également des matchs de
basketball et de tennis ainsi que des
concerts.
Le stade Allianz Riviera de Nice est
également une première pour la France.
Issu d’un partenariat public-privé et
construit par Vinci, ce stade est l’un des
plus écologiques du monde, et le premier à « énergie positive » en France.
Avec 7 000 mètres carrés de panneaux
solaires recouvrant son toit, l’Allianz
Riviera produit trois fois plus d’énergie
qu’il n’en consomme, et alimente 600
foyers niçois de ses surplus.
En ce qui concerne les modernisations des stades existants, bien que
l’accent soit mis sur l’augmentation de
leur capacité, toutes les occasions d’en
améliorer l’infrastructure générale ont
été saisies. La rénovation la plus ambitieuse a eu lieu au stade Vélodrome
de Marseille, une entreprise « comparable à la construction d’un nouveau
stade » si l’on en croit le communiqué
de presse de l’UEFA. En plus d’améliorer les installations pour la presse, les
travaux ont donné au stade un nouveau
toit, ce qui satisfera les supporteurs de
l’Olympique de Marseille, qui se plaignaient depuis longtemps que le stade
était trop exposé au mistral.
Le projet initial prévoyait que la majeure partie du coût gigantesque (273
millions d’euros) de ces améliorations
soit supportée par le club. Or, pendant
plusieurs semaines de tension en juillet
dernier, il a semblé que le club ne pourrait plus se permettre de jouer dans le
stade qu’il anime depuis des décennies.
Heureusement, un accord de dernière
minute avec les investisseurs a débouché sur ce que la propriétaire de l’Olympique, Margarita Louis-Dreyfus, a défini comme « un compromis acceptable
pour le club et la ville de Marseille ».
Au total, 1,6 milliard d’euros ont
été investis dans la construction des
stades, via une série de partenariats
public-privé et d’initiatives exclusivement privées. D’après l’UEFA, ce
montant représente la totalité des investissements dans les infrastructures
prévues pour la compétition, la France
pouvant s’appuyer sur l’infrastructure
exceptionnelle dont elle dispose déjà
en matière de transport et d’hébergement.
L’UEFA profite de la réputation inégalée de la France comme destination
touristique pour offrir des tickets VIP et
des packs d’entreprise offrant la possibilité de découvrir la gastronomie et la
culture qui font la renommée du pays.
Selon son kit de presse pour l’événement, l’UEFA prévoit de « déployer le
plus grand programme d’hospitalité
jamais réalisé en France » ; une sorte de
Congrès de Paris de 1815, d’Exposition
universelle de 1889 et de Conférence de
Versailles de 1919 combinés en un méga-événement exceptionnel. Mais en
mieux, évidemment, parce qu’il y aura
du football.
Les services d’hospitalité profiteront
également de la numérisation. Kuoni, le groupe hôtelier nommé agence
de voyage officielle de la compétition,
a déjà mis en place un site Internet re-
www.lecourrierderussie.com
groupant des services permettant aux
voyageurs individuels et aux groupes
de trouver un hôtel. Pour la première
fois lors d’une compétition sportive
internationale, le catalogue des camps
de base, qui recense les hôtels et terrains d’entraînement potentiels pour
les équipes nationales, a été édité sous
forme de site Internet.
Les bénéfices de cet ambitieux programme de vente de billets et de packs
d’hospitalité, que l’UEFA estime à 500
millions d’euros, devraient probablement dépasser très largement les revenus de l’édition 2012 en Ukraine et en
Pologne, qui avaient enregistré une
bonne affluence mais, surtout, vendu
des billets à des Européens de l’Est aux
revenus moindres.
Néanmoins, l’UEFA ne se concentre
pas uniquement sur les spectateurs les
plus riches et met un accent considérable sur l’accessibilité dans son système de billetterie. L’UEFA offrira ainsi
20 000 billets à des enfants défavorisés
en France dans le cadre du programme
« 20 000 sourires pour l’Euro ». Les
billets garantis à 25 euros pour 43 des
51 matchs sont également bienvenus.
En outre, un certain nombre de billets
sont prévus pour les fans en situation
de handicap.
La prévente des billets, qui a démarré
le 12 mai dernier et s’achèvera en juillet, sera « pratique et transparente »
aux dires de Jacques Lambert, président du Comité de pilotage de l’Euro
2016. L’UEFA affirme également que la
numérisation complète de la billetterie
« supprimera le risque de recevoir des
billets invalides ou frauduleux ».
Enfin, chaque ville hôte installera
une grande fan-zone en extérieur pour
Édition spéciale Russie-France
Supporteurs français |
ALEX DE CARVALHO / FLICKR.COM
que ceux n’ayant pas pu entrer dans le
stade puissent regarder les matchs sur
des écrans géants. Les fan-zones, élément devenu récurrent dans ce genre de
tournoi, sont certes démocratiques mais
sont aussi une chasse gardée corporative. Si les événements précédents sont
d’un quelconque enseignement, les vendeurs de nourriture délicieuse et de bon
vin français seront soumis à la concurrence des sponsors du tournoi que sont
Carlsberg, Coca-Cola et McDonald’s, sur
l’énorme marché des fan-zones.
Tous ces préparatifs sont suivis avec
attention par Moscou. Contrairement
à la France, la Russie doit investir lourdement dans l’infrastructure hôtelière
et de transport. Cependant, si certaines
des innovations mentionnées s’avéraient fructueuses, la Russie pourrait
19
réduire ses coûts avec la numérisation
et attirer davantage de touristes grâce à
un marketing efficace.
La Russie examinera également
avec grand intérêt l’impact de l’Euro
2016 sur le football français. Les clubs
russes connaissent des problèmes de
financement. L’idée est que les nouveaux stades permettent soit d’aider les
grands clubs, comme le Zenit Saint-Pétersbourg, à attirer de plus grandes
foules, soit de donner une impulsion,
qui, assortie d’un financement ciblé,
aidera des clubs à l’agonie, comme le
Rotor Volgograd, à se refaire une santé.
Quoi qu’il arrive, il ne fait pratiquement aucun doute que garantir le succès
du tournoi et un impact positif durable
sera bien plus difficile pour la Russie
en 2018 que pour la France en 2016. Le
contraste entre les deux nations en
termes de préparation de l’infrastructure pour des événements de cette ampleur est énorme. En ce qui concerne
les conséquences à long terme, le projet
français d’augmenter l’affluence lors
des matchs semble bien plus réaliste
au vu de la richesse personnelle de ses
habitants. Beaucoup de stades russes
sont déjà pratiquement vides les jours
de matchs et, sans augmentation du
niveau de vie, il est difficile d’imaginer
un moyen de les remplir.
Bien que l’expérience française
puisse s’avérer utile pour le tournoi luimême en termes d’innovations organisationnelles facilement adaptables, la
Russie aura également besoin d’idées
neuves et d’importants financements
afin d’organiser une Coupe du Monde
qui laissera au football et au tourisme
nationaux un héritage justifiant le
coût pharaonique du championnat.
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INVESTISSEMENTS RUSSES EN FRANCE :
MISER SUR LES GAGNANTS
Jérôme Clausen, directeur des investissements
au bureau moscovite de Business France
La France intéresse de
plus en plus les investisseurs russes : selon
la Banque de France,
le volume des investissements russes dans
l’Hexagone a fortement
augmenté, passant de
342 millions d’euros en
2011 à 745 millions
d’euros en 2014.
Comment la situation
évolue-t-elle dans le
contexte actuel ? Les
projets d’investissements doivent-ils être
repensés ?
RUSINA SHIKHATOVA
Selon le rapport annuel de Business
France sur l’état des investissements
étrangers en France, une quarantaine
d’entreprises russes sont actuellement
présentes dans l’Hexagone. Huit projets
d’investissements russes ont été décidés
en 2014 et, depuis le début de l’année
2015, une dizaine sont en cours d’examen
par Business France, opérateur public national au service de l’internationalisation
de l’économie française.
Ces chiffres témoignent de l’intérêt
constant des investisseurs russes pour la
France. Outre un attrait affectif, leur motivation est tout à fait pragmatique : la
possibilité de s’ouvrir au marché européen. « Le but des investisseurs russes en
France est de trouver de nouveaux clients
et de se faire connaître en Europe pour
ensuite importer en Russie la production
fabriquée en France », explique Jérôme
Clausen.
Selon lui, le secteur privé contribue
largement à l’intensification et à la diversification des investissements russes en
France : le tourisme et l’hôtellerie de luxe
restent le domaine de prédilection des investisseurs.
Un nombre croissant de projets
concernent l’agroalimentaire, le transport, les équipements mécaniques et les
hautes technologies. Ainsi, parmi les sociétés russes leaders en matière de sécurité informatique, le groupe Doctor Web
a établi son siège européen à Strasbourg,
et un des bureaux de représentation de
Kaspersky Lab se situe dans la région parisienne. Des secteurs à éviter pour les
investisseurs russes ? Certains domaines
stratégiques pour l’État français, mais
cela vaut également pour les autres pays
qui souhaitent investir en France.
L’État russe, de son côté, contribue à
renforcer la collaboration internationale
au travers, par exemple, du rachat de Gefco, entreprise française de logistique et
de transport, par la compagnie des chemins de fer russes (RJD) pour 800 millions
d’euros en 2012. En mai 2014, l’achat de
l’usine de métallurgie française Sodetal
par le groupe industriel russe privé AWT a
permis de conserver la moitié des emplois
de l’entreprise déficitaire.
« Les investissements russes en France
sont aujourd’hui considérés comme une
opportunité, et non comme une menace », assure Jérôme Clausen. Selon ses
observations, l’implantation d’une entreprise russe en France ne nécessite désormais plus que trois semaines. Par ailleurs, le nombre d’ouvertures de filiales
de sociétés russes dans l’Hexagone se rapproche aujourd’hui du nombre de rachats
de sociétés françaises par des Russes.
Un des exemples d’implantation les
plus récents est Le Confetti Gourmand,
une PME russe spécialisée dans l’importation et la commercialisation de
produits alimentaires (viennoiseries et
confiseries), qui a ouvert sa première filiale européenne à Brest, en décembre
2014. L’entreprise se rapproche ainsi de
son réseau de fournisseurs et optimise
ses flux logistiques et de distribution en
Europe. Le Confetti Gourmand prévoit de
créer dix emplois en trois ans.
Cependant, certains investisseurs
russes connaissent un retournement de
situation économique défavorable : c’est
le cas du géant métallurgique Uralvagonzavod, contraint de modifier ses projets
pour son aciérie Sambre et Meuse, dans
le nord de la France. La production de
l’aciérie étant destinée principalement
au marché russe, son importation a cessé d’être rentable avec l’affaiblissement
du rouble.
Nombre d’entrepreneurs russes ont
temporairement suspendu leurs décisions d’investissements en Europe,
oubliant souvent qu’investir dans une
économie étrangère permet également
d’investir dans son propre pays. « Si une
entreprise russe achète une entreprise
française, elle va acquérir le savoir-faire
français et pourra, par la suite, créer
une filiale en Russie – c’est un réinvestissement de qualité », insiste Jérôme
Clausen. Les investissements russes en
France ont permis d’exporter pour une
valeur de six milliards d’euros à l’international en 2014.
Malgré le climat politique actuel, la
France continue à faciliter et à encourager la venue d’investisseurs étrangers
sur son territoire. Ainsi, une carte de résident d’une durée de 10 ans et portant
la mention « contribution économique
exceptionnelle », est remise aux ressortissants étrangers qui s’engagent à effectuer sur le territoire français un investissement d’au moins 10 millions d’euros et
à créer ou sauvegarder au moins 50 emplois.
20
Édition spéciale Russie-France
ARCHITECTURE DE FRANCE
Les gens ordinaires se
demandent rarement combien
l’organisation de leur
environnement confortable
a exigé de labeur et d’énergie
créatrice. Car le sentiment
de confort ne naît pas de luimême, il est le fruit du long
travail et des efforts des
architectes et des urbanistes.
ALEXANDRE ANITCHKINE
L'image architecturale particulière de
la France s’est établie au fil des siècles,
et a connu au cours des dernières décennies un nouvel essor, grâce à la combinaison d’une politique étatique cohérente, de la participation des citoyens
et de la pensée novatrice des architectes
du pays. Et cela concerne autant les régions que Paris.
DÉCENTRALISATION
Le général de Gaulle a un jour déclaré : « Comment voulez-vous gouverner
un pays où il existe 246 variétés de fromage ? » On se souvient souvent de ces
mots avec humour – regardez ces Français, ils sont décidément ingérables,
ils ne peuvent même pas s’entendre
sur un fromage « unique ». Mais le général savait de quoi il parlait. Dans sa
phrase, le mot le plus important n’est
pas « fromage », mais « gouverner ». Le
programme de décentralisation a commencé à réellement prendre forme à
partir des années 1980.
Le développement de l’architecture
et de l’urbanisme y est directement
lié : les impôts locaux sont allés directement au budget des autorités territoriales, et ont pu servir à des projets
locaux – routes, écoles, gymnases, piscines et parcs. Le renouvellement urbain fait aujourd’hui partie intégrante
de l’activité des pouvoirs locaux.
FINANCEMENT
Comme l’explique l’architecte Christian Devillers, directeur du bureau
Devillers & Associés, jusqu’à la décentralisation réelle, en France, la respon-
sabilité des projets d’urbanisme était
assumée exclusivement par l’État,
c’est-à-dire Paris. « Mais, depuis 30
ans, les capitales régionales, les municipalités et les agglomérations jouent
un rôle de plus en plus important, remarque-t-il. Les villes décident ellesmêmes quoi construire et comment. »
Le financement des projets de développement urbain se fait généralement
en commun – par les autorités publiques (territoriales) et des promoteurs
privés. On trouve relativement peu de
projets strictement privés. Les structures publiques ne répartissent pas les
commandes directement mais sous la
forme d’appels d’offres (concours).
NANTES
ET SA RÉGION
L’histoire de Nantes, capitale du Grand
Ouest français, est un brillant exemple
de réussite d’un programme à long terme
de renouvellement du vieux centre industriel. Dans les années 1960, Nantes
et sa région ont subi un déclin suite à
la crise des secteurs de la construction
navale et de la pêche. Pourtant, la combinaison du financement étatique, de la
décentralisation, de l’activisme citoyen
et de la planification urbaniste à long
terme a permis la renaissance progressive d’une des plus grandes agglomérations urbaines de France.
Au début de notre siècle, Nantes
est redevenue un centre de construction navale (les chantiers navals de
Saint-Nazaire, où sont construits des
navires civils et militaires) et d’aéronautique. La revue américaine Time a
Quartier des docks, au Havre | SYBER76600 / FLICKR.COM
Vue de Nantes |
JEAN-PIERRE DALBÉRA
/ FLICKR.COM
L’IMAGE
ARCHITECTURALE
PARTICULIÈRE DE
LA FRANCE S’EST
ÉTABLIE AU FIL
DES SIÈCLES, ET A
CONNU AU COURS
DES DERNIÈRES
DÉCENNIES UN
NOUVEL ESSOR,
GRÂCE À LA
COMBINAISON
D’UNE POLITIQUE
ÉTATIQUE
SUIVIE, DE LA
PARTICIPATION
DES CITOYENS
ET DE LA PENSÉE
NOVATRICE DES
ARCHITECTES DU
PAYS.
qualifié Nantes de « ville européenne la
plus agréable à vivre », et la Commission européenne a remis à la ville, en
2013, le « prix de la Capitale verte ».
Au centre de la ville se dresse depuis
des siècles le château des ducs de Bretagne, avec ses tours, son pont-levis
et ses douves, construit à l’époque où
Nantes était la capitale de la Bretagne.
Mais l’une des principales clés du développement de la ville et des zones
industrielles qui l’entourent fut la
création d’un système de transport en
commun à grande vitesse, avec notamment la remise en service du tramway
en 1985, et le « tramway sans rails » – le
busway de Nantes.
Cette solution logistique a pu garantir aux travailleurs des trajets rapides
et sans stress vers les usines déplacées
hors des limites de la ville, et une réduction de la pollution atmosphérique
dans Nantes elle-même. Le fait de décharger la ville a permis d’offrir plus
d’espace aux parcs et squares, notamment au célèbre Jardin botanique du
boulevard Stalingrad (1,5 million de
visiteurs par an).
LE HAVRE
Le Havre, deuxième port le plus important de France après Marseille et plus
gros nœud de transport de containers
du pays, constitue un exemple quelque
peu différent de réorganisation d’une
ancienne ville industrielle.
Le quartier des docks du Havre a
longtemps été un désert industriel à
moitié abandonné. Jusqu’à ce que soit
prise la décision d’y créer un grand
aquacentre. Ce projet a été conçu et
réalisé par l’atelier de l’architecte mondialement célèbre Jean Nouvel, lauréat
du prix Pritzker, l’équivalent architectural du Nobel. Le centre a ouvert ses
portes en 2008. Il a donné une image
www.lecourrierderussie.com
totalement nouvelle, fraîche, du Havre
depuis le fleuve, depuis l’endroit, à peu
de choses près, où, en 1872, un des plus
célèbres enfants de la ville, Claude Monet, a peint son Impression, soleil levant.
Après cinq ans d’exploitation, le complexe a été rénové : il a été fermé pour
travaux en janvier 2013 et de nouveau
rendu aux citadins pour le pic de la saison touristique cette même année.
GRENOBLE
Jusqu’à une période relativement récente, la planification urbaine était dominée par l’idée d’introduire de grands
quartiers résidentiels à la périphérie
des villes.
Pourtant, cette approche a aussi entraîné des problèmes de plus en plus
manifestes. Les villes ont commencé à étouffer sous les difficultés de
transport. En outre, on a vu se former
des quartiers riches et des quartiers
pauvres. Quand, en 2005, des émeutes
ont éclaté dans des dizaines de villes
françaises, il est devenu évident que le
problème était aussi lié à l’urbanisme.
On s’est alors mis à chercher de nouvelles solutions.
Le célèbre architecte et urbaniste Philippe Panerai (bureau Panerai & Associés), expliquant sa nouvelle approche,
souligne : « Un des aspects négatifs de
cette forme de construction résidentielle est la présence d’immenses espaces vacants abandonnés. Ces déserts
ne sont pas investis, vu qu’il n’y a rien
à y faire, et, en l’absence de ce que l’on
nomme le contrôle social, la criminalité
y prospère. » Pour l’architecte français,
le modernisme de la seconde moitié du
XXe siècle a conduit à la disparition de
la rue comme moyen d’organisation de
la vie urbaine – d’un système de promenades et de squares, remplis de cafés
et de magasins, toujours accessibles à
pied. « Une de nos missions, des missions de notre génération d’architectes,
souligne Panerai, est donc, selon moi,
de réhabiliter la rue, de ressusciter les
règles sur lesquelles a toujours reposé le
milieu urbain. »
Grenoble est devenue l’un des premiers sites d’expérimentation de ces
nouvelles idées. De taille moyenne
(avec une population de 155 000 habitants), la ville a pourtant connu les
mêmes problèmes que n’importe quel
centre historique et industriel. « Nous
nous sommes efforcés de remédier à
la situation, dit Panerai. Pour cela, il
était primordial d’isoler les territoires
attenants aux immeubles des espaces
d’utilité publique. »
Grenoble a aussi été le terrain d’introduction et de vérification d’un autre
principe : la prise en compte de l’opinion
des habitants. Philippe Panerai explique
que des consultations ont ainsi été organisées avec les habitants au cours du
travail de planification et, qu’en cas de
divergences, des rencontres avec la municipalité ont permis de délimiter les
parcelles et d’atteindre un compromis.
Le projet grenoblois a duré douze
mois. Aujourd’hui, les principes testés
à Grenoble sont adoptés dans d’autres
régions.
CENTRE HISTORIQUE
ET ÉPOQUE
CONTEMPORAINE
La préservation de l’image historique
des villes françaises, dont beaucoup
ont une histoire séculaire, voire, souvent, millénaire, est une mission particulière des architectes et planificateurs
urbains. Les solutions varient, dictées
autant par les exigences du développement urbain que par des circonstances
historiques.
Édition spéciale Russie-France
La ville médiévale de Carcassonne,
au sud du pays, avec ses murs de pierre
blanche et ses petites rues étroites, est
soigneusement préservée et restaurée,
pratiquement dans son aspect originel.
En Bretagne, la vieille partie littorale
de Saint-Malo, avec son « kremlin »,
a grandement souffert des bombardements de la Seconde Guerre mondiale
mais a été scrupuleusement restaurée
dans les années d’après-guerre, et un
centre de conférences international
dernier cri, qui confère à la ville une
renommée mondiale, a été construit à
l’écart du centre.
La ville de Caen, dans le nord-ouest
du pays, a aussi été fortement détruite en 1944 ; mais, ici, l’ironie du
sort a voulu que les destructions dans
le centre de la ville touchent un espace
occupé par des bâtiments vétustes, réservant un sort moins funeste à la forteresse de Guillaume le Conquérant.
Désormais, ce château s’est transformé
en un centre culturel urbain important, et des bâtiments modernes sont
apparus autour, notamment le campus
d’une grande université et un port de
plaisance entouré d’immeubles résidentiels de luxe.
RENNES, CENTRE
RÉGIONAL DE
DÉVELOPPEMENT
Un autre centre régional, Rennes
(300 000 habitants et 680 000 avec l’agglomération urbaine), met en place,
depuis de nombreuses années, un programme de développement durable,
qui inclut un « chargement » plus dense
des quartiers centraux de la ville couplé
à un processus de « déchargement » en
termes de transport. Rennes s’est forgé
une réputation de ville verte, agréable
à vivre et possédant une vie sociale et
culturelle dynamique, des universités
et centres de recherche faisant autorité,
une industrie de hautes technologies et
un système de transport en commun développé, notamment un métro automatisé (sans chauffeur !) et des stations de
location de vélos avec un réseau ramifié
de pistes cyclables dans toute la ville.
Les planificateurs urbanistes ont mis
un accent particulier sur le respect de
l’environnement. Comme le confie le
concepteur Christian Devillers (bureau
d’architectes Devillers & Associés), ce
projet, s’il n’est pas « tape-à-l’œil »,
fait en revanche la part belle aux expérimentations et aux innovations.
« Nous avons réalisé un projet
d’éco-quartier à Rennes, explique Devillers. Il s’agit d’une ville à faible
densité de construction, et nous avons
donc décidé d’« intensifier » son centre.
Ce nouveau quartier est comme une petite ville. Il est basé sur des principes de
développement durable – avec un métro
et des autobus plus rapides même que
le métro. »
NICE, DIVERSITÉ DES
SOLUTIONS
Nice et toute la Côte d’Azur française
étaient autant populaires parmi les
Français que les Russes dès avant la
Révolution. La région est connue pour
être le lieu de repos et de distraction favori des riches du monde entier.
Dans les lieux les plus prestigieux
de la région, par exemple la principauté de Monaco, qui bénéficie de la
protection de la France, on manque de
terre – et l’architecture ici aussi, dès
les années 1980, s’est élevée vers les
cieux. On a construit à Monte-Carlo
l’un des plus hauts immeubles de la
côte méditerranéenne – la tour Odéon,
cette double tour de 170 mètres de haut
(œuvre de l’architecte Alexandre Giral-
21
LES ARCHITECTES FRANÇAIS EN RUSSIE
LES PROJETS ET LES RÉALISATIONS
DE CES DERNIÈRES ANNÉES
Jean Pistre (agence Valode & Pistre) est l'auteur du projet d'hôtel Hyatt et de la tour Iset dans
le nouveau quartier d'affaires d'Ekaterinbourg.
Philippe Panerai (agence Panerai & Associés) est le chef de file de la conception du Centre
financier international à Roublevo-Arkhangelsk.
Christian Devillers (agence Devillers & Associés) a réalisé le projet de développement et de
reconstruction de Kaliningrad. Au concours « Le Cœur de la ville», il est arrivé en deuxième
position.
Michel Péna a conçu un plan de développement des espaces publics urbains à Krasnodar.
La Fédération française du paysage (FFP) a lancé une page en langue russe sur le réseau
social Facebook, où elle présente les réalisations des architectes dans le domaine du développement urbain et propose une collaboration avec des collègues russes.
Récemment, il a été annoncé que des architectes paysagistes français travaillaient sur le projet
de reconstruction d'un parc dans le centre d'Ekaterinbourg. Il s’agit de l’architecte paysagiste
Jérôme Verguin et de l’urbaniste Bruno Cremet.
À Voronej, la zone verte du parc Dynamo est en cours de réaménagement, ce qui a valu à cet
espace d’être rebaptisé Parc central de Voronej. Les travaux permettront de le diviser en trois
zones dédiées à la promenade, au sport et au repos en famille. Le parc sera agrémenté d'aires de
jeux, de pistes cyclables, de terrains de basket et de volley, ainsi que de sentiers piétons et de
bancs confortables. Le projet de reconstruction a été conçu par le Français Olivier Damet.
En 2012, l'appel d'offres pour le projet de développement de l'agglomération de la capitale
russe et du Grand Moscou a permis de recueillir 67 propositions. 10 collectifs ont été sélectionnés
et ont décroché des contrats, dont 3 équipes françaises ou à participation française : le bureau
d'architectes Ostojenka (avec la participation d'Yves Lion Associés), le cabinet Wilmotte-Grumbach et AUC. Le projet de l'architecte Antoine Grumbach et de l'urbaniste Jean-Michel Wilmotte
a été reconnu comme étant le meilleur dans les parties projet de développement de l'agglomération de Moscou et développement du Grand Moscou, c’est-à-dire la zone qui comprend le
Moscou ancien (dans les limites du périphérique MKAD) et les territoires au sud de la ville qui lui
ont été rattachés le 1er juillet 2012.
di). L’immeuble possède 82 appartements de luxe, coûtant entre 50 000 et
70 000 euros le mètre carré. Il est intéressant de noter que parmi les premiers
acheteurs, il y avait aussi des Français !
La perle de la tour Odéon est l’« appartement » qui en occupe les cinq derniers étages. Entre autres avantages,
celui-ci dispose de sa propre piscine.
Une des chambres possède une sortie
sur la montagne, par laquelle on peut
rejoindre la piscine directement « au
saut du lit ». Selon les estimations, le
coût de ce logement atteint les 300 millions d’euros, ce qui en fait l’« appartement » le plus cher du monde.
Et parallèlement, sur cette même
Côte d’Azur, on réalise à Nice le projet
d’« éco-cité » Nice Méridia. La première
phase de ce projet prévoit la mise en valeur de 24 hectares : un espace situé au
cœur de la future Éco-cité de Nice, non
loin du Grand Arénas (qui deviendra le
Métro de Rennes | PLINE / WIKIMEDIA COMMONS
plus grand centre d’affaires d’Europe
du Sud). On doit y construire 2 100 logements, destinés en priorité aux étudiants et aux employés d’entreprises
de recherche scientifique. Philippe Panerai, en réponse à ceux qui doutent
encore de la rentabilité des éco-projets,
explique : « Vous dites que de tels projets coûtent plus cher ? Pas du tout. Au
contraire, cette approche permet bien
souvent de faire des économies. Et pas
seulement après, mais même avant le
début de la construction. Le promoteur
dépense par exemple moins pour la
mise en valeur de l’espace. Quand vous
construisez un éco-quartier, vous y projetez moins de routes automobiles, de
stations-service et de chaînes. Ce qui
réduit les coûts du projet. »
Ainsi, les solutions françaises de planification urbaine sont variées et intéressantes en qualité d’expérience.
22
Édition spéciale Russie-France
LES SOINS AUX PERSONNES ÂGÉES EN FRANCE
Traditionnellement, on considère naturel en France que la
famille des personnes âgées
s’occupe de celles-ci. Mais ces
dernières décennies, un système d’établissements pour
personnes âgées a été mis en
place dans le pays.
Maison de retraite (EHPAD) Mont Le Roux, bâtiment principal |
MOREAU.HENRI / WIKIMEDIA COMMONS
Outre la tradition, la loi oblige les enfants à prendre soin de leurs parents
vieillissants. Cela s’explique notamment par le fait que les maisons pour
personnes âgées, ou maisons de retraite (pensions, foyers spécialement
équipés, établissements de soins médicaux), sont relativement moins répandus en France que dans d’autres
pays occidentaux, même si la situation change peu à peu depuis quelque
temps.
Une étude menée par l’institut de
sondage IPSOS confirme que 90 % des
personnes âgées de 50 ans et plus préfèreraient continuer de vivre chez elles
le plus longtemps possible. Mais celles
qui ont plus de 85 ans sont déjà un quart,
soit 450 000 personnes, à vivre dans tel
ou tel type de logement organisé pour
les personnes âgées. Il faut savoir que
ce chiffre de « 85 » n'est pas chimérique
pour les réalités de la France, qui a
toujours figuré parmi les pays à l'espérance de vie la plus longue. Cela s'explique par le fait que le pays dépense
bien plus pour la santé que les autres
pays européens, ce qui a une influence
favorable sur le bien-être des personnes
âgées. En outre, l'OMS a estimé que
le système de santé français était le
meilleur du monde. Celui-ci reste fondé sur un principe simple : payer plus
pour recevoir davantage. « D'habitude,
les gens viennent nous voir lorsqu’ils
commencent à avoir besoin de l'aide de
quelqu'un en permanence », explique
Thierry Morosolli, directeur général
chargé des affaires immobilières du
groupe GDP Vendôme, leader français
des services aux retraités âgés.
À l’heure actuelle, les personnes
âgées de plus de 60 ans représentent
tout de même plus d'un quart de la population totale de la France, qui s’élève
à 65,3 millions de personnes. Selon les
estimations, le pays comptera près de
20 millions d’habitants âgés de plus de
60 ans à l’horizon 2030. C'est pour le
groupe des 75 ans et plus que l'on attend
la croissance la plus importante : ils seront trois fois plus nombreux. Parmi
eux, les personnes de plus de 85 ans se-
ront quatre fois plus nombreuses.
Cette évolution entraînera naturellement une augmentation de la demande d'établissements de soins aux
personnes âgées.
Aujourd’hui, en France, les gens qui
doivent choisir un type de séjour proposant une aide complémentaire ont le
choix entre différentes options.
On trouve d’abord les maisons de retraite (ou maisons de repos) ordinaires,
qui peuvent être publiques ou privées.
Elles se divisent entre les établissements
proposant une aide spécialisée et les établissement sans aide, de type commun.
Les maisons proposant une aide médicale spécialisée s’appellent des EHPAD
(établissements d’hébergement pour
personnes âgées dépendantes). Leurs
charges de fonctionnement sont divi-
Mais il y a également d’autres types
d’établissements de séjour pour personnes âgées, qui se distinguent par
leur format, leur taille, leur palette de
services ou encore leur degré « d’intervention » dans la vie de chaque résident.
Les appartements pour personnes
âgées à faible niveau de revenus se présentent sous différentes formes. Habituellement, les appartements de type
« foyer logement » sont entièrement
occupés par des personnes âgées, tandis que ceux de type « foyer soleil » sont
situés dans des immeubles collectifs,
habités par des gens de différents âges.
L’aménagement des appartements
et leur organisation spatiale offrent
aux personnes âgées la possibilité de
conserver, si elles le souhaitent, un
degré déterminé d’autonomie, assor-
EN ADOPTANT
L’EXPÉRIENCE FRANÇAISE,
LA RUSSIE GAGNERA
20 ANS, PARCE QUE
DURANT TOUT CE TEMPS,
NOUS AVONS APPRIS DE
NOS ERREURS.
lement être loués, mais aussi achetés.
Ils peuvent être meublés ou non.
Les villages séparés pour personnes
âgées (« villages retraite »), enfin, demeurent assez rares en France – on en
trouve principalement dans le sud du
pays. Ce type d’organisation de la vie
des personnes âgées consiste en un
bloc résidentiel avec son propre service
de sécurité, ses services et aménagements. Le village peut disposer d’une
piscine, d’une salle de réception, d’une
bibliothèque, d’une salle d’exercice et/
ou de musique, d’un restaurant (café)
commun. Les services peuvent inclure
des soins aux résidents, le ménage, de
l’aide pour les tâches administratives,
les soins aux animaux domestiques, la
livraison de repas, des services de coiffure et de physiothérapie, ainsi que
l’organisation d’excursions, de conférences, de jeux de société, la mise à disposition ou la projection de films.
Un village de ce type se compose habituellement de 50 maisons individuelles
(pavillons) avec une ou deux chambre(s)
à coucher. On peut les louer pour un
coût moyen de 300 à 600 euros par mois,
ou bien les acheter. Le coût d’une maison avec deux chambres est d’environ
120 000 euros. Ce à quoi il faut ajouter
les frais de chauffage et de climatisation, l’approvisionnement en eau, y
compris en eau chaude, l’abonnement
à la télévision satellite et d’autres dépenses similaires.
FINANCEMENT
sées en trois sections tarifaires : hébergement, dépendance et soins. « Dans
les EHPAD, l’hébergement et la dépendance sont à la charge des personnes
accueillies, poursuit Thierry Morosolli, mais celles-ci peuvent dans certains
cas bénéficier d’une prise en charge par
le département de résidence. Dans ce
cas, le Conseil départemental récupère
la plupart des revenus de la personne
âgée et peut exercer un recours sur succession. Le tarif soins est, quant à lui,
entièrement pris en charge par l’assurance maladie ».
tie d’une certaine surveillance et d’un
niveau d’implication des services sociaux. Ces appartements sont loués et
meublés par les résidents eux-mêmes,
qui y emménagent avec leurs propres
affaires, tandis que certains services,
comme la lessive et la restauration,
sont communs.
Il existe également des appartements
avec services complémentaires (résidence avec services pour personnes
âgées, ou « résidence services »). Ils se
distinguent du type précédent en ce
que les appartements peuvent non seu-
L’année 2002 a marqué la création d’une
subvention pour les personnes âgées nécessitant des soins, appelée APA (Allocation personnalisée d’autonomie). Les
fonds destinés à cette subvention sont
fournis par les conseils régionaux et par
une agence créée à cet effet, la CNSA
(Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie). La CNSA est financée non par
les impôts généraux, mais sur le compte
d’une journée de travail supplémentaire
pour les employés et d’un impôt complémentaire de 0,3 % pour les employeurs,
ainsi que par le budget de l’assurance
maladie. La subvention est destinée en
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premier lieu aux soins directs aux personnes âgées, mais a également pour
objectif d’offrir à ces dernières la possibilité de conserver leur indépendance le
plus longtemps possible.
Plus d’un million de personnes perçoivent cette aide. 61 % des bénéficiaires
continuent à vivre chez eux, recevant
le soutien régulier de professionnels
et de services d’aide, ainsi que de leurs
parents, proches et amis. Cette catégorie de soins aux personnes âgées inclut également l’installation d’alarmes
dans leur domicile, l’inscription à des
clubs du troisième âge et à des centres
de soins (ou de loisirs) et, évidemment,
le soutien d’associations de bénévoles.
Les services sociaux intègrent souvent
le travail d’infirmières, de physiothérapeutes et de psychologues. Ainsi, la
personne âgée physiquement faible est
entourée d’un système de soutien, dont
la charge est répartie entre des professionnels et des organisations sociales et
bénévoles semi-professionnelles.
Si la majorité des personnes âgées
voudraient continuer à vivre chez
elles, il peut arriver un moment où la
résidence en établissement de soins
devient une nécessité. La probabilité d’une perte de la capacité à vivre
en autonomie n’est jamais à exclure,
pas plus que le risque, comme c’est
de plus en plus souvent le cas dans les
conditions actuelles, que les membres
de la famille ne soient pas en mesure
de prendre soin de leurs parents âgés.
« Aujourd’hui, les enfants ne sont
souvent pas en capacité de prendre en
tutelle leurs parents sous leur toit, explique Thierry Morosolli, directeur général chargé des affaires immobilières
de GDP Vendôme. Ça leur coûterait extrêmement cher. Dans ce contexte, le
système EHPAD peut être une solution
possible. Sachant que nous ne sommes
pas un hôpital, un endroit où l’on se
contente de soigner. Nous sommes un
établissement à la fois médical et social. Notre but n’est pas de guérir des
maladies, mais de proposer un refuge,
des conditions de vie, des soins médicaux pour des gens vulnérables en
raison de leur âge. Nous prenons soin
d’eux sur une base régulière, quotidienne, ce qui serait impossible à faire
dans un hôpital. »
Le système EHPAD a commencé à être
mis en place il y a 15 à 20 ans. « Ce que
nous avons construit il y a 20 ans est
radicalement différent de ce que nous
possédons aujourd’hui. Aujourd’hui,
nous accueillons des gens avec des maladies neurologiques ou cognitives, ou
atteints de la maladie d’Alzheimer – ces
derniers représentent une grande partie de notre travail : ils sont 63 % à en
souffrir. En d’autres termes, comme
vous pouvez le voir, nous nous occupons de choses assez complexes. En
adoptant l’expérience française, la
Russie gagnera 20 ans, parce que durant tout ce temps, nous avons appris
de nos erreurs. » Cette expérience, souligne M. Morosolli, inclut aussi bien
le système de financement, l’équipement de l’établissement, la formation
des employés et les statistiques sur les
achats de médicaments que, naturellement, les soins eux-mêmes.
La France dispose de plus de 680 000
places en établissements de soins aux
personnes âgées, tous types confondus, depuis ceux possédant des équipements complémentaires destinés
à faciliter la vie des personnes âgées
jusqu’aux établissements médicaux de
soins de long terme. Il s’agit des établissements publics et privés déjà mentionnés, mais il existe aussi un type
mixte, public-privé. Le séjour dans de
Édition spéciale Russie-France
tels établissements a trois sources principales de financement : les dépenses
communes sont payées par l’APA, les
dépenses directement médicales par
l’assurance maladie, et la nourriture
et le séjour sont payés par le client luimême et/ou sa famille.
Il est difficile d’établir un coût
« moyen » des soins aux personnes
âgées vu qu’évidemment, celui-ci peut
sérieusement varier en fonction des besoins du résident. Plus les services indispensables sont nombreux, plus leur
coût et leur gamme (nourriture, TV,
coiffeur, etc.), tout comme la qualité
du service dans les différents établissements, varient. Pourtant, selon les
estimations de l’Inspection générale
des affaires sociales (IGAS), la partie
que doivent payer les résidents est en
moyenne de 2 200 euros par mois – alors
que la retraite s’élève en moyenne à
1 200 euros mensuels. La différence est
assumée par les membres de la famille,
pour qui cette somme demeure significativement plus faible que le coût d’une
infirmière libérale et de tout ce que nécessite l’organisation de soins à domicile à part entière.
interview
REGARD SUR L’AVENIR
– Quels stéréotypes trouve-t-on en Russie à
l'égard des générations plus âgées ?
– Le premier stéréotype est de considérer les personnes âgées comme des dépendants, des individus inutiles à la société. Nous, nous voulons montrer que
la vie ne s'arrête pas à la vieillesse, qu'à
chaque âge, on peut se rendre utile et
être nécessaire. Mais d'un autre côté, il
y aura toujours des gens d’un âge avancé ayant besoin de soins et de charité,
et ceux-là aussi méritent un traitement
digne, respectueux. Cette conviction
détermine le principe fondamental du
programme « Ancienne génération »
de la fondation Timtchenko : le droit
de chaque individu à la réalisation de
soi et à une existence digne – le soin
et le respect de la société à tout âge.
Les réalités démographiques et économiques doivent aussi nous rappeler à
tous que les représentants des générations plus âgées peuvent être une ressource importante du développement
de la société : en tant que garants d’une
saine continuité des traditions, des savoir-faire professionnels et des valeurs.
Le principal événement que nous
soutenons est la conférence annuelle « D’une société vieillissante à
une société pour tous les âges », qui se
tiendra cette année à Moscou, les 8 et 9
octobre, pour la troisième édition consécutive. Les participants y débattent des
possibilités concrètes de soutien aux
personnes âgées et des évolutions du
rapport de la société à cet âge.
Nous travaillons beaucoup avec la
communauté professionnelle, nous
faisons venir à cette fin les meilleurs
experts du secteur du travail social, des
sociologues et des gérontologues, nous
soutenons des projets professionnels
et des recherches. Nous travaillons activement à l’intégration des personnes
âgées dans les processus sociaux et au
développement du volontariat. La fondation organise depuis cinq ans déjà le
concours « Génération active », dirigé
vers le développement des initiatives
des personnes âgées dans le district
fédéral du Nord-Ouest. Et nous soutenons aussi, pour la troisième année
consécutive, le projet de hotline nationale de soutien aux personnes âgées.
Ce dernier a déjà permis de mettre en
place une base de volontaires dans tout
le pays.
On constate, en France, un scepticisme
assez général de la société quant à l’idée
des maisons pour les personnes âgées,
ainsi qu’un désir naturel de la majorité des citoyens âgés de rester indépendants d’une quelconque tutelle le plus
longtemps possible. Pour cette raison,
parallèlement au développement de ce
système, on expérimente dans le pays
des modèles innovants d’offre de logement pour personnes âgées.
Parmi ces nouveaux modèles, on
trouve l’« intergénérationnel » : quand
des gens âgés et des jeunes s’entendent
pour vivre ensemble, notamment sur la
base d’un contrat, tout à fait formel et
documenté, qui formule la façon dont
ils s’aideront les uns les autres. Cette
solution novatrice prend ses racines au
Moyen-Âge dans le système des « béguinages », répandu dans les monastères
de l’actuel nord de la France et de la Belgique. Les moines âgés vivaient avec les
jeunes, et tous prenaient soin les uns
des autres.
Ce genre de contrats revête pour
l’heure un caractère expérimental.
Cette organisation nécessite la résolution de nombreuses questions, liées
au fait de savoir qui, concrètement,
participe, et de quelle façon, à la gestion de l’« économie domestique »,
comment se partagent les devoirs et les
privilèges. Dans ce genre de rapports, il
n’est pas toujours possible de tout envisager et formuler sur papier.
La petite ville de Saint-Apollinaire
(Côte-d’Or) s’est engagée dans le projet
« Générations » en juin 2002. Celui-ci
prévoit l’établissement de relations
mutuellement avantageuses entre des
gens de différents âges, dans le cadre
d’une vie en commun. Le programme
visait à construire environ 600 logements. Dans le projet originel, la moitié d’entre eux devait être louée à de
jeunes couples avec enfants de moins
de cinq ans, et l’autre moitié, à des
gens âgés avec différents diagnostics
et degrés d’insuffisance physique. Les
participants au projet ont signé des accords selon lesquels les retraités s’engagent à surveiller les enfants, et les
jeunes couples, à rendre des services
aux personnes âgées. Sur place, le
concept semble avoir bien pris.
Toujours est-il que les gens vivent
plus longtemps, et qu’il faut donc chercher de plus en plus de nouvelles solutions.
23
LES PERSONNES ÂGÉES
DOIVENT AVOIR LE CHOIX
Maria Morozova,
présidente de la
fondation Elena et
Guennadi Timtchenko, aborde la question des pratiques
alternatives de
soins aux personnes
âgées.
– À quel point le système des maisons pour les
personnes âgées est-il développé en Russie ?
Et sur quelles innovations en matière de soins
aux personnes âgées la fondation Timtchenko travaille-t-elle ?
– Ce thème est largement débattu en
ce moment. D’un côté, le système étatique de protection sociale commence à
s’orienter vers des formes de soins aux
personnes âgées à domicile et de substitution aux hôpitaux. Car pour n’importe qui, se retrouver dans un foyer-internat, même le plus agréable à vivre,
signifie un arrachement vis-à-vis de
son milieu habituel. Pour cette raison,
nous soulevons activement la question
de la nécessité de soutenir les soins familiaux, de développer les centres de
séjour journalier, de créer des services
mobiles d’aide médicale à domicile, etc.
Mais, malheureusement, il existera toujours des gens qui, arrivés à cet
âge, ont besoin d’être soignés dans des
établissements spécialisés. Et évidemment, ces établissements doivent offrir
des services professionnels de qualité,
ils doivent garantir une existence digne
et une approche individuelle. C’est pour
cela qu’il est si important que se développe un segment civilisé de ce genre
d’établissements, avec l’accroissement
du rôle du secteur non étatique.
En ce moment, nous étudions activement les bonnes pratiques en œuvre
dans les autres pays, par exemple en
Europe occidentale et en Israël. Nous
soutenons des projets pilotes en Russie,
sachant, dans le même temps, qu’il
est aussi très important pour nous de
transmettre cette expérience aux institutions publiques, pour que celles-ci
puissent améliorer leurs approches. Car
les représentants de l’État craignent
très souvent que tout changement n’entraîne une augmentation des dépenses.
Notre mission est donc de montrer
qu’au contraire, les évolutions contribuent à dépenser les fonds disponibles
de façon plus efficace. Mais évidemment, l’isolement des départements et
l’absence de coordination entre les services sociaux et médicaux demeurent
un problème majeur.
La fondation Timtchenko soutient
activement l’élaboration de la Stratégie
nationale d’efforts conjugués pour défendre les intérêts des personnes âgées,
qui doit voir le jour en 2015. Nous
sommes très heureux que la Russie se
dote elle aussi d’un document de ce
type, qui reflètera le consensus social
en matière d’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens âgés.
24
Édition spéciale Russie-France
LA RUSSIE, UN MARCHÉ PRIORITAIRE
POUR PERNOD RICARD
Le ralentissement économique modifiera certes le comportement des consommateurs de boissons alcoolisées mais
n’aura pas d’impact sur l’attractivité à
long terme du marché russe en matière
d’investissements, affirme Philippe
Coutin, directeur général de Pernod
Ricard en Russie et Europe de l’Est.
– Le marché russe des spiritueux est dynamique mais reste quelque peu traditionnel,
notamment avec la domination de la vodka
et du cognac. Comment tentez-vous d’élargir
l’horizon gustatif des Russes ?
– La vodka et le cognac représentent
effectivement toujours la part majoritaire (95 %) du marché des spiritueux en
Russie. Cependant, les consommateurs
boivent moins, tout en étant prêts à découvrir de nouvelles boissons.
S’il est plus difficile pour nous de promouvoir nos produits en Russie, du fait
des restrictions en termes de communication, nous mettons toutefois en place
des initiatives pour faire découvrir nos
marques et faire goûter nos produits
aux consommateurs en interagissant
directement avec eux, que ce soit en
ligne ou hors ligne.
– La vodka russe bénéficie – à tort ou à raison – de la perception selon laquelle le produit russe non aromatisé est plus pur et sain.
Dans de nombreux marchés occidentaux, les
spiritueux sont vendus comme des produits
tendances, mystérieux et exotiques. Comment gérez-vous ces différentes perceptions ?
– Il est vrai que la vodka évoque de nombreuses images en Russie, étroitement
associées à la tradition et à la nature.
De leur côté, les spiritueux occidentaux sont moteurs d’aspirations fortes.
Bien entendu du fait qu’ils ne sont
disponibles en Russie que depuis très
peu de temps. Mais aussi grâce à leur
goût attrayant et au patrimoine, aux légendes et à l’artisanat qu’ils incarnent.
– La conjoncture économique a-t-elle modifié les habitudes des consommateurs ? Quel
impact a-t-elle sur la demande en spiritueux
haut de gamme ?
– Il est un peu trop tôt pour pouvoir répondre avec précision, mais il va sans
dire qu’avec le ralentissement de l’économie et la hausse de l’inflation, les
consommateurs deviennent plus avertis et font attention à leurs dépenses.
Cela pourrait avoir un effet positif
considérable sur la vodka et le cognac,
qui sont bien plus accessibles. Cependant, en ce qui concerne les spiritueux
occidentaux, nous ne prévoyons pas de
chute massive du marché étant donné
leur faible part actuelle.
Les tendances pourraient évidemment évoluer. Ainsi, nous nous attendons à ce que la demande soit tirée vers
le haut par la consommation à domicile
(contre celle hors domicile). En outre,
les consommateurs pourraient être
amenés à faire un choix entre deux segments (passer de la qualité premium à
celle standard) et ils réagiront à toute
diminution des prix, particulièrement
de leurs marques préférées.
– Quel est le défi principal posé par le marché
russe ? S’agit-il du dédouanement, du système d’étiquetage automatisé EGAIS ou de la
distribution ?
– Le principal défi des entreprises de
vins et spiritueux sur le marché russe
est le système d’étiquetage EGAIS.
Dans la pratique, ce système de gestion et de contrôle des timbres d’accise
est bien plus complexe que tout système existant en Europe occidentale.
Une grande précision est de rigueur
à toutes les étapes du processus, de la
commande à l’impression, sans oublier
le suivi de tous les statuts et emplacements des timbres d’accise, qui doivent
être collés sur les bouteilles avant que
celles-ci ne franchissent la frontière
russe.
Heureusement, ce système est rendu possible grâce à nos collaborateurs
hautement qualifiés qui appliquent
des mesures internes spécifiques de
contrôle afin de s’assurer du respect de
la législation russe.
– Quel est la part de la consommation d’alcool
dans les bars et les cafés ?
– Nous estimons cette part à 14 % du
marché total, en ce qui concerne la
vodka, le cognac et le vermouth. Dans
notre cas, ce pourcentage est plus élevé (près de 20 %) étant donné que notre
portefeuille se compose majoritairement de marques premium. Nous pen-
Quelle est l’importance, pour Pernod Ricard,
du marché de la vente au détail dans les aéroports russes ?
– La vente au détail dans les aéroports
russes est de toute évidence un marché
important dans la mesure où elle nous
permet non seulement de mettre en valeur nos marques mais aussi de toucher
les consommateurs lorsqu’ils voyagent
et qu’ils sont ouverts à l’exploration.
– Parlez-nous des efforts de Pernod Ricard en
matière d’innovation et d’interaction avec les
consommateurs.
– En Russie, Pernod Ricard a déjà un
portefeuille remarquable de marques
premium dans un certain nombre de
catégories, ce qui lui permet de répondre aux besoins de ses clients. Nous
continuerons à enrichir notre portefeuille avec les innovations développées
LES MARCHÉS ÉMERGENTS
RESTERONT INSTABLES À
L’AVENIR, SANS TOUTEFOIS
PERDRE LEUR ATTRACTIVITÉ.
sons en effet qu’il s’agit d’un segment
crucial où les consommateurs peuvent
goûter et expérimenter nos marques.
– Les marchés émergents sont en forte
croissance mais également instables. Devons-nous nous attendre à davantage d’instabilité sur ces marchés ?
– Les marchés émergents resteront instables à l’avenir, sans toutefois perdre
leur attractivité. La Russie demeure en
tout cas un marché prioritaire pour Pernod Ricard. Le ralentissement actuel
ne nous empêchera pas de continuer à
investir sur le long terme dans ce marché, où nous voyons de grandes opportunités pour nos marques.
– Des opérateurs internationaux de duty
free ont signé des accords pour ouvrir des
magasins dans plusieurs aéroports russes.
par nos équipes à travers le monde. Il
s’agit en effet d’un axe clé pour l’entreprise, comme le démontre notre
position dans le classement Forbes
des entreprises les plus innovantes du
monde.
– Que pouvez-vous nous dire sur la Digital
Acceleration Roadmap ? Cette innovation s’applique-t-elle à la Russie ?
– Avec la disparition progressive de la
frontière entre le « en ligne » et le « hors
ligne », il est crucial de s’adapter aux
nouveaux comportement et mode de
vie des consommateurs. C’est ce vers
quoi nous tendons chez Pernod Ricard
avec notre Digital Acceleration Roadmap,
qui vise à atteindre l’excellence en matière d’interaction numérique. Bien
entendu, nous relayons ce défi à nos
équipes présentes en Russie.
INVESTISSEMENTS EN BOUTEILLES
La France est le leader mondial
incontestable de la viniculture.
La production annuelle de vin
dans le pays dépasse celle de ses
voisins italiens et espagnols, et
le prestige et la popularité des
marques haut de gamme font du
vin français l’un des investissements les plus rentables.
Ce sont précisément les grands
crus français qui décrochent
le plus souvent le titre de vins
les plus chers du monde lors
de ventes aux enchères à la
réputation internationale.
Le dernier record en date a
été établi l’année passée lors
d’une vente organisée par
Sotheby’s à Hong Kong. Un
lot de 114 bouteilles de Romanée Conti a été adjugé pour
1,6 million de dollars. Le prix
à la bouteille s’élevait ainsi à
près de 14 100 dollars, et celui
au verre – à 1 700 dollars.
Cette transaction a battu le
record précédent, qui datait de
2006. À l’époque, 50 caisses de
Château Mouton Rothschild
1982 avaient été vendues pour
1,05 million de dollars.
En ce qui concerne les vins
rares et ceux à l’histoire aty-
pique, les chiffres sont encore
plus incroyables.
Au cours d’une des dernières
ventes de Sotheby’s, une
bouteille de Château Mouton
Rothschild 1945 a été acquise
pour 310 700 dollars. Ce millésime symbolise la victoire des
Alliés lors de la Seconde Guerre
mondiale, et la lettre V est gravée sur chaque bouteille.
Pour ce qui est des ventes
www.lecourrierderussie.com
Édition spéciale Russie-France
25
IGOR SERDIOUK, CRITIQUE VINICOLE ET CHRONIQUEUR
LE CLIMAT NE FAIT PAS LE VIN
Igor Serdiouk, critique vinicole et chroniqueur
Lors d'une dégustation qui présentait à l'attention d’un public exigeant
une sélection de vins californiens, le
discours d’ouverture est revenu au représentant officiel d’une organisation
américaine. D’un ton assuré, il a expliqué que les vins californiens étaient
de qualité remarquable parce que la
Californie possède un climat idéal. Si
les vins n’étaient effectivement pas
mauvais, j’ai commencé, précisément
après cette dégustation, à soupçonner
quelque chose de pas clair dans les relations de cause à effet œnologiques.
J’ai eu un doute parce que, dans
les cas de fabrication de vin classique
que je connais, je n’ai jamais observé de rapport direct entre la qualité
aux enchères françaises,
l’une des transactions les plus
rentables a été la vente d’une
caisse de 12 bouteilles du très
recherché Château Cheval
Blanc 1947. Celle-ci est revenue
pour plus de 181 000 dollars
à un collectionneur français
ayant souhaité rester anonyme. Le coût d’une bouteille
s’élevait à près de 15 000 dollars.
À propos, le « breuvage » le
plus cher à la bouteille est le
champagne Hеidsieck & Co.
Monopole 1907. Les experts estiment le coût d’une bouteille
à environ 257 000 dollars. Ce
d’un vin et la « perfection du climat ».
Au contraire, presque toutes les rencontres que j’ai pu faire de vins célèbres
et des terroirs qui les produisent m’ont
fait supposer une dépendance inverse.
On trouve pratiquement à chaque fois
une circonstance naturelle – sol ou climat – que le viticulteur, dans ses tentatives d’améliorer son produit, doit surmonter, avec plus ou moins d’efforts,
de résignation ou de passion.
Ô combien inattendue m’était un
jour apparue la découverte que le climat du Bordelais, avec son influence
atlantique directe et sa menace permanente de précipitations atmosphériques, convenait bien plus aux vins
blancs qu’aux vins rouges ! Mais, après
prix mirobolant est dû à l’histoire unique du vin. Durant la
Première Guerre mondiale, un
sous-marin allemand coula le
navire suédois qui transportait
le lot de bouteilles (destiné à
la cour du tsar Nicolas II), et
le vin lui-même n’a pu être
remonté du fond de la mer
Baltique qu’en 1998.
À titre de comparaison, un
vin jaune 1773, également
rare, est parti pour la « modique » somme de 77 000
dollars en 2011 à Arbois. Pierre
Chevrier, acquéreur du lot, a
déclaré qu’il avait l’intention
de boire le millésime.
avoir compris cela, il avait fallu reconnaître le fait, aussi paradoxal qu’il
puisse être, que ce sont précisément
les vins rouges qui ont fait la renommée de la région. Bien que, jusqu’à la
seconde moitié du XXe siècle, on y ait
produit davantage de vins blancs que
de vins rouges. En d’autres termes, les
meilleurs vins rouges de Bordeaux, devenus pour la viticulture mondiale un
classique archétypal, ont vu le jour non
pas grâce aux conditions climatiques
favorables mais en dépit des conditions
climatiques défavorables de la région.
Les deux cents meilleurs vignerons se
partageant officiellement ou officieusement l’appellation Grand Cru sont
devenus le symbole du Bordelais et un
exemple universel en dépit du fait que
leur part dans le nombre total des producteurs de vin de la région dépasse à
peine les 2 %. On a cru dans les meilleurs en dépit du fait qu’ils représentaient une minorité critique.
Je n’avais pas été moins surpris en
comprenant que le proverbe Qui ne risque
rien ne boit pas de champagne concerne, en
premier lieu, les producteurs de Champagne eux-mêmes. Il se trouve que le
champagne – avec son image de fête
insouciante et éternelle – naît dans
la région viticole peut-être la plus risquée. Mais le culte fervent que les producteurs de champagne vouent au vin
et une technologie génialement adaptée ont transformé un vin qui n’était
pas particulièrement remarquable
en termes organoleptiques en source
d’inspiration poétique. Voilà bientôt 300 ans que les œnologues comme
les amateurs de vin, tels des pèlerins,
se rendent dans la région vinicole la
plus septentrionale de France en dépit
du fait qu’au printemps, les vignes de
champagne sont régulièrement menacées par les gelées et qu’à l’automne,
leur raisin peine parfois à arriver à maturation.
Les générations successives de viticulteurs de Bourgogne ont pris soin
pendant des siècles des mêmes pieds
de vigne, se courbant sans relâche sur
les mêmes collines, et se sont partagé
des parcelles de plus en plus étroites et
morcelées au fil des héritages. Ils ont
travaillé et continuent de travailler la
terre en dépit d’une fertilité du sol allant inévitablement en s’amenuisant
Il existe plusieurs anecdotes
liées aux vins de la collection
de Thomas Jefferson produits
en 1787. Une bouteille de
Château Lafite 1787, initialement achetée en France par
le futur président américain
lors de cette même année, fut
vendue en 1985 à Christopher
Forbes pour 160 000 dollars.
Une autre bouteille de Thomas
Jefferson (cette fois un Château Margaux 1787) fut exposée
en 1989 dans le restaurant
Four Seasons de New York. À
la fin de la soirée, un serveur
cogna une table et renversa,
en même temps que celle-ci, le
et malgré une marge de manœuvre de
plus en plus réduite à la micro-exploitation. Mais la connaissance approfondie de chaque mètre carré de leurs
vignes leur permet, d’année en année,
de maintenir une qualité enviable – à
nouveau, en dépit de cette vérité élémentaire que, plus il y a d’espace, plus
le niveau est stable.
Les viticulteurs des vallées du Rhône
et de la Loire, d’Alsace et du Languedoc,
de Savoie et de Gascogne – ils ont tous
leurs « en dépit ». La pluie, qui rend le
vin aqueux, et la grêle, qui vous ruine
simplement la moitié d’une récolte,
les gelées printanières, qui menacent
fleurs et pousses, et les brumes automnales, grosses de développement de
AIMER NON
POUR LES
MÉRITES,
APPRÉCIER
NON POUR LA
JUSTESSE, ET
NE PAS PARLER
DE CLIMAT
IDÉAL – POUR
QUE LA VIE
RESSEMBLE
DAVANTAGE À
UN MIRACLE.
moisissures… Plus nous en apprenions
sur la France du vin qui, à un moment,
au début du chemin, nous apparaissait comme un paradis vinicole sans
nuages, plus elle nous faisait penser à
une arène de gladiateurs.
Et plus elle nous passionnait par ses
mystères, plus elle nous forçait à aimer
ses vins.
Visiblement, c’est cette leçon qui
s’est avérée la plus importante de celles
que la France a enseignées au monde
vinicole. Aimer non pour les mérites,
apprécier non pour la justesse, et ne
pas parler de climat idéal – pour que la
vie ressemble davantage à un miracle.
précieux vin. La bouteille était
assurée à hauteur de 225 000
dollars.
L’un des meilleurs et des
plus chers vins blancs doux
est le Château d'Yquem 1811,
année qui jouit d’une météo
exceptionnelle et du passage
d’une comète, laquelle aurait,
dit-on, amélioré la qualité du
vin.
Néanmoins, pour pouvoir goûter les vins les plus
prestigieux, il ne faut pas
obligatoirement les acheter
aux enchères. Ainsi, le célèbre
collectionneur Michel-Jack
Chasseuil vend dix places pour
un dîner qui aura lieu en décembre, lors duquel il s’engage
à déboucher huit bouteilles
issues de sa collection unique,
qui inclut des vins de Napoléon Bonaparte.
Le prix des billets avoisine
les 10 000 euros. Michel-Jack
Chasseuil a l’intention d’utiliser l’argent récolté pour ouvrir
un musée consacré aux vins
de sa collection – un véritable
« Louvre du vin » !
26
Édition spéciale Russie-France
BIEN PLUS QU’UNE POSTE !
Dès le XVe
siècle, les
premiers ancêtres de La
Poste sont
apparus en
France. On
aurait pu
penser qu’en
600 ans, le
mécanisme
aurait inévitablement
atteint le pic
de son développement
avant de
commencer
à s’éteindre,
le passage à
l’ère numérique ne faisant qu’accélérer ce
processus.
ELENA ANISSIMOVA
L'exemple de la poste française montre
que l'arrivée de l'ère numérique n'est
pas synonyme de mort programmée,
mais plutôt un défi qui peut et doit être
relevé par les entreprises postales en le
retournant à leur propre avantage.
Le cas de la poste française est également intéressant car la société appartient à 100 % à l’État, comme c’est le
cas en Russie. Toutefois, les différences
sont notables, tant au niveau de la
forme juridique que de l'organisation.
Le groupe La Poste est une société par
actions (depuis 2010), tandis que La
Poste de Russie est une société d’État.
Du point de vue de l'économie marchande, une entreprise unitaire fédérale d'État n'est pas la forme juridique
la plus flexible et la plus avancée.
Le groupe La Poste est le deuxième
plus gros employeur du pays derrière
le gouvernement français. La holding
compte 268 000 collaborateurs, ce qui
permet d'expédier 25 milliards de courriers (lettres, imprimés publicitaires et
colis) par an dans le monde entier.
L’étendue des infrastructures du
groupe facilite cette tâche. La Poste a
des bureaux aux six coins de l’Hexagone et a ouvert des agences dans 40
pays, sur quatre continents. Sur le sol
Bâtiment de La Poste |
FRÉDÉRIC BISSON / FLICKR.COM
français, les colis sont livrés en un ou
deux jours ; et les colis internationaux,
en six jours.
À titre de comparaison, en Russie,
territoire 30 fois plus important que la
France, la poste emploie 350 000 personnes pour ne recevoir, traiter et livrer
que quelque 4 milliards de courriers
par an. Actuellement, La Poste de Russie ne compte qu'une filiale internationale, à Berlin.
En Russie, le facteur est parfois le
seul lien entre les habitants des lieux
reculés et peu peuplés et le monde extérieur, un peu comme le protagoniste
du film Les Nuits blanches du facteur Alexeï
Triapitsyne, réalisé par Andreï Kontchalovski et grand succès du festival de Venise.
Il ressemble peu à son homologue
français, qui livre le courrier sur le dernier modèle de scooter électrique. Mais
le rôle et l'importance du facteur pour
les gens sont les mêmes dans les deux
pays.
C'est effectivement une esthétique
propre très originale, mais le monde
ne reste pas immobile, et le jour viendra où il sera tout simplement impossible de ne pas répondre aux défis de
l'époque.
LA CONQUÊTE
DE L'AVENIR
Dans le cas du groupe La Poste, les succès viennent de son propre désir d’évoluer. L'année dernière, la holding a
approuvé le plan stratégique « La Poste
2020 : Conquérir l'avenir ».
Ce plan est arrivé après quelques années difficiles pour la société, qui avait
vu ses bénéfices se transformer en déficit. La direction a décidé de ne pas
imputer cette situation à la crise financière mondiale.
Le groupe La Poste a entamé sa guérison économique par l'approbation
d'une nouvelle structure articulée autour de cinq axes : Courrier-Colis-Ser-
LE FACTEUR
RUSSE
RESSEMBLE
PEU À SON
HOMOLOGUE
FRANÇAIS,
QUI LIVRE LE
COURRIER SUR
LE DERNIER
MODÈLE DE
SCOOTER
ÉLECTRIQUE.
MAIS LE RÔLE ET
L’IMPORTANCE
DU FACTEUR
POUR LES GENS
SONT LES MÊMES
DANS LES DEUX
PAYS.
vices au domicile, La Banque Postale,
Réseau La Poste, GeoPost (pour les envois urgents) et Numérique.
L'accent a été mis aussi bien sur le
développement des activités existantes
que sur la conquête de nouveaux secteurs en pleine expansion, principalement à travers la modernisation des
services proposés.
Ainsi, la poste française n'est pas
uniquement dédiée aux courriers et
colis traditionnels. C'est également
un organisme bancaire proposant, notamment, des crédits immobiliers et
des services d'assurances, un opérateur
mobile et un développeur de solutions
technologiques.
RÉVOLUTION
NUMÉRIQUE
La branche numérique, la plus ambitieuse, assure la gestion de La Poste
dans son ensemble, ainsi que des trois
filiales du groupe : Docapost (spécialisée dans la transformation numérique
des organisations), MediaPost (contrôle
des médias numériques et traitement
des datas) et Start'inPost (consacrée aux
start-ups).
Actuellement, La Poste propose de
nombreux services numériques, allant du désormais traditionnel « portefeuille électronique » pour payer, par
exemple, l'eau, le gaz et l'électricité, à
des solutions plus complexes.
Ainsi, le groupe envisage prochainement une intégration avec des bases de
données publiques, ce qui faciliterait
l'accès aux services publics pour les habitants des lieux éloignés et difficilement accessibles.
Parmi les projets « numériques » les
plus ambitieux du groupe, on trouve le
programme French IoT (« Internet des
objets français »), qui soutiendra les
start-ups existantes et en développera
d'autres.
Lors du salon CES (Consumer Electronics Show) 2015 à Las Vegas, La Poste
www.lecourrierderussie.com
a présenté son hub numérique, une
plateforme universelle qui permet de
connecter et gérer des objets associés
via une interface unique.
Cette formule complexe cache une
idée assez simple. La Poste a lancé son
application mobile Digiposte Pass, qui
permet de regrouper, trier et classer
différents documents : pièce d'identité, permis de conduire, requêtes, factures, etc.
L'application permet de remplir rapidement et facilement une demande de
crédit bancaire en y joignant tous les
documents nécessaires ou encore de retrouver une garantie pour contacter un
service après-vente afin de faire réparer
un appareil cassé.
L'application
permet
également
d'échanger des documents sensibles ou
confidentiels.
DRONES, VOITURES
ÉLECTRIQUES ET
FACTEUR HUMAIN
La poste française introduit également
des innovations dans des domaines
plus traditionnels. Ainsi, récemment,
dans le sud de la France, le groupe a testé les drones comme moyen potentiel
de distribution du courrier.
Cette technologie sera probablement
adoptée par le groupe, de même que les
camions roulant à l'hydrogène. Soucieuse de l'environnement et désirant
faire des économies, La Poste emploie
un parc de voitures électriques assez
important.
Cependant, malgré l'introduction active de nouvelles technologies, La Poste
connaît des cas curieux. En cause,
comme souvent, le facteur humain.
Il y a quelques années, une lettre expédiée par la mairie d’une commune de
Normandie a fait un détour par Moscou. Le destinataire du courrier habitait dans un village français appelé
Russ. Cette similitude a valu à ce pli un
voyage inattendu en Russie.
Dans le segment traditionnel, La
Poste obtient invariablement un retour rapide sur ses efforts publicitaires.
L'édition de nouveaux timbres reste l'un
des moyens les plus populaires d'attirer
l'attention de la presse et des clients.
Par exemple, cette année, le célèbre
couturier Jean-Charles de Castelbajac
a dessiné un timbre pour la Saint-Valentin. Au fil des ans, les timbres de
la Saint-Valentin ont notamment été
créés par les maisons de couture Yves
Saint Laurent, Chanel et Lanvin.
Il fut un temps où Ferdinand Cheval, l'un des plus célèbres facteurs
de France, figurait également sur un
timbre. Cheval édifia un palais, le Palais idéal, avec des pierres qu'il ramassait en distribuant le courrier.
L'AVENIR
Selon les analystes de La Poste, la dynamique positive du groupe devrait se
poursuivre et apporter des résultats significatifs d'ici 2020.
La poste française fonde de grands
espoirs dans le segment numérique.
La société espère que, grâce aux efforts
des 5 500 personnes qui y travaillent, le
chiffre d'affaires du groupe dépassera le
milliard d’euros d'ici cinq ans.
Ces chiffres bruts cachent l'essentiel : la confiance que le public place
dans la société. Le capital publicitaire
croît quand les attentes des clients
trouvent une réponse stable et inscrite
dans la durée.
Les modes de livraison peuvent évoluer et l'objet distribué peut être remplacé par une solution numérique, mais
le désir d'apporter des services prompts
et efficaces doit rester inchangé.
Édition spéciale Russie-France
27
L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE COMME CLÉ
POUR UNE NOUVELLE CROISSANCE
La Russie est un leader mondial de la production et de la consommation de ressources
énergétiques, et possède un gros potentiel pour l’économie d’énergie. Alexander
Nekrassov, directeur exécutif de l’Union des
entreprises pour le développement de l’efficacité énergétique et la sécurité écologique
(U4E), aborde la façon dont l’efficacité énergétique pourrait contribuer à relancer la
croissance de l’économie russe.
– En quoi consiste la mission de votre organisation ? Êtes-vous un maillon entre la France
et la Russie en matière d’efficacité énergétique ?
– U4E est une association de grosses entreprises industrielles européennes, en
premier lieu françaises, travaillant en
Russie, qui se sont réunies autour de la
thématique de l’efficacité énergétique,
de l’écologie et du climat. En Russie,
l’efficacité énergétique est considérée comme un but primordial, mais
les questions de l’écologie et du climat
ne sont pas encore aussi élaborées. En
Europe, les circonstances ont fait que
l’écologie et le climat sont placés en
premier, et l’efficacité énergétique est
vue comme un des outils pratiques permettant d’obtenir des résultats en matière d’équilibre écologique.
Mais nous sommes effectivement
un maillon entre les expériences française et russe et entre les entreprises.
Selon nos calculs, les contrats de services énergétiques prévoient, pour les
entreprises européennes, la possibilité
d’utiliser jusqu’à 80 % de l’équipement
produit en Russie de façon « traditionnelle » par des fabricants russes. Dans
le même temps, les fournisseurs russes
de services énergétiques peuvent utiliser de l’équipement français, notamment fabriqué en Russie – sachant que
certaines compagnies russes possèdent
une expérience unique de travail dans
des zones climatiques où l’amplitude
des variations de températures saisonnières peut atteindre 100 degrés
(la France ne possède pas une telle expérience, en revanche, elle possède
l’équipement).
– C’est-à-dire que pour les compagnies françaises, la Russie est un marché d’écoulement,
mais aussi d’acquisition d’expérience ?
– Il s’agit autant d’acquérir de l’expérience que de développer un marché
nouveau et prometteur. Si la Russie se
dote d’une nouvelle « niche » business
rentable, tout le monde y gagnera.
– Quelle a été l’influence de la crise et des
phénomènes « désagréables » que l’on observe
actuellement dans l’économie sur la volonté
des entreprises russes de s’occuper d’efficacité
énergétique ?
– À mon sens, l’intérêt pour cette thématique n’est pas tombé. Nous avons
organisé récemment un séminaire sur
l’efficacité énergétique basé sur l’analyse de projets réalisés avec succès, des
nouvelles exigences et du cadre normatif. Il y avait de très nombreuses
grandes entreprises russes. L’intérêt
est présent, il n’a pas disparu.
Le problème est moins lié à la crise
actuelle qu’au fait que les initiatives
étatiques importantes pour l’économie
d’énergie et des ressources ne sont pas
assez renforcées, aujourd’hui, par des
outils législatifs et financiers qui permettraient de donner une impulsion rapide à de nombreux projets. Toutefois,
des contrats de services énergétiques,
notamment avec des entreprises françaises, sont réalisés dans une série de
grandes entreprises russes. La compagnie Fenice, un des leaders mondiaux
du service énergétique, qui fait partie
du groupe Électricité de France, réalise
notamment un contrat de service énergétique dans le groupe d’entreprises
AvtoVAZ. Et tous les acteurs sont satisfaits de cette collaboration et prévoient
de l’élargir.
– Il est aujourd’hui évident que l’accroissement de l’efficacité est, de façon générale, un
des principaux moyens de relancer la croissance de l’économie russe. L’efficacité énergétique peut-elle devenir un terrain d’expérimentation en la matière ? Les contrats de
services énergétiques peuvent-ils devenir un
modèle pour y parvenir ?
– Je pense que oui. Les experts disent
que la réalisation d’un projet dans le
bâtiment implique la participation,
au minimum, de 200 mini-secteurs (il
s’agit des fournisseurs de divers services et de matériel, des entreprises de
certification, etc.) ; et en Russie, aujourd’hui, le pari est fait précisément
sur de tels projets à l’effet multiplicateur. L’efficacité énergétique possède
une ampleur non moins importante en
termes d’étendue horizontale des possibilités qu’elle engendre.
C’est indubitablement un des éléments permettant de lutter contre la
crise, et personne ne doit l’oublier : ni
les économistes, ni les financiers, ni
les industriels, ni les autorités.
Pour revenir au début de notre
conversation, il faut savoir, à propos
des contrats de services énergétiques,
que les outils, autant normatifs que financiers – et les deux sont absolument
liés –, ne sont pas encore totalement
élaborés. Il faudrait optimiser cette
base afin de développer le potentiel économique pour les deux côtés. Les questions de comptabilité, par exemple.
Comment montrer, dans la comptabilité fiscale, que l’introduction de technologies d’efficacité énergétique est de
l’investissement, et non du bénéfice ?
Et la liste de ces questions peut être prolongée à l’infini.
Les contrats de services énergétiques
sont habituellement conclus pour cinq
ans (afin d’en ressentir un effet réel),
même si nous travaillons actuellement
à la formation d’un pool de projets,
qui pourraient démontrer leur efficacité dès une période de trois ans. Nous
espérons que la réalisation réussie de
projets brefs permettra aux acteurs du
marché d’avoir confiance dans cet ins-
trument et de lancer des projets à long
terme, ainsi que d’accomplir les progrès nécessaires dans la base administrative et normative.
– Combien de temps a pris le processus de
développement de l’efficacité énergétique en
France ?
– La France a connu des chocs pétroliers
en 1973 et en 1979 et, dans les années
1980, on a pris la décision de garantir
la sécurité énergétique du pays. On a
fait le pari du développement de l’énergie nucléaire et de l’optimisation de la
consommation. Mais on ne peut pas
parler d’efficacité énergétique dans le
sens actuel, il s’agissait plutôt de sécurité énergétique. C’est certainement
à la fin des années 1990 que la France
a commencé de s’occuper d’efficacité
énergétique au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Et aujourd’hui, c’est
le seul pays ayant adopté une charte
écologique comme annexe à sa constitution (en 2004). Quant à la notion
même d’efficacité énergétique, c’est à
partir de la présidence de Jacques Chirac qu’elle est entrée dans l’usage commun, autant pour tous les organes étatiques qu’au sein du business privé et
parmi les simples citoyens.
– La France a d’une certaine façon été
contrainte de se soucier d’efficacité énergétique. Qu’est-ce qui pourrait y pousser la
Russie, avec ses immenses réserves de gaz et
de pétrole ?
– Les stimulants peuvent être nombreux. Nous savons qu’en Russie, la
consommation intérieure n’est pas aussi rentable que l’export de ressources
énergétiques. Et ce qui est économisé
sur le marché intérieur pourrait, dans
certaines conditions, être écoulé sur
le marché extérieur. Ceci si l’on parle
à l’échelle du pays. Pour ce qui est des
entreprises, les ressources économisées
sur le coût de l’électricité peuvent être
des moyens complémentaires à investir
dans la modernisation, l’élargissement
de l’entreprise ou simplement le paiement des dividendes.
– Pouvez-vous citer, parmi les entreprises
russes, certaines sociétés éminentes qui s’occupent de cette question ?
– Il y a des projets réussis dans toute
une série d’entreprises. En Russie, les
compagnies françaises travaillent avec
AvtoVAZ, Severstal, Transmashholding
et d’autres. Il faut remarquer également les initiatives de développement
de l’efficacité énergétique qui ont été
réalisées par beaucoup de compagnies
métallurgiques, mais aussi par des
groupes énergétiques, notamment Lukoil et Gazprom.
28
Édition spéciale Russie-France
LE CHIC FRANÇAIS
On associe traditionnellement la France à la haute couture, à un design original, à la gastronomie et à des vins et cognacs de prestige. Si le segment du luxe
subit comme tous les autres l’influence des facteurs économiques, les producteurs d’articles prestigieux se sentent encore, pour l’heure, très à l’aise : le
plus gros acteur mondial de ce marché, LVMH, a affiché pour le premier trimestre 2015 une croissance de 16 %. Maria Afonina passe en revue les innovations
« extraordinaires » du monde du luxe français.
DES TIMBRES AVEC DES VŒUX D'AMOUR
JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC
Le styliste français Jean-Charles de Castelbajac a créé une série
de timbres pour la poste française avec des vœux d'amour. Les
timbres ornés du dessin « baiser esquimau », c'est-à-dire nez
contre nez, ont été créés spécialement pour la Saint-Valentin
mais continuent de se vendre. Le fond blanc de ce timbre est
décoré de petits cœurs (pour les lettres de moins
de 20 g) ou de petites
étoiles (pour les envois
jusqu'à 50 g) de couleur.
Ce n'est pas la première
expérience de travail de
La Poste, qui occupe une
place importante dans la
vie de tous les Français,
avec des dessinateurs de
mode : le service postal
français a déjà collaboré
avec Yves Saint Laurent,
Chanel et Lanvin.
L'ART DU BIKINI
ERES
Le 5 juillet, on célèbre officieusement, dans le monde, la Journée du bikini : ce maillot de bain dénudé constitué de deux
pièces. C'est l'ingénieur français Louis Réard qui présenta le
premier un mini-maillot de bain, en 1946. Et depuis lors, cet
élément de la garde-robe féminine n'a cessé d'émouvoir les
stylistes et la gent masculine. La marque française Eres crée
des maillots de bain de luxe depuis plus de 40 ans déjà.
LE CHAT QUI VALAIT UN MILLION
KARL LAGERFELD
Comment, vous n'avez pas encore pensé à gagner de
l'argent grâce à votre chat ou à votre poisson rouge ?! Si
l'on en croit Karl Lagerfeld, directeur artistique de la maison Chanel, sa chatte Choupette a gagné, en 2014, près de
trois millions d'euros. Choupette a fait des photos pour
le calendrier d'une marque automobile et lancé sa propre
ligne de cosmétiques avec la maison japonaise Shu Uemura. Des portraits de Karl Lagerfeld avec sa chatte ornent
aussi les vêtements et accessoires de la collection capsule
Tiffany Cooper for Karl Lagerfeld.
Une biographie a même déjà été écrite sur la petite
protégée de Karl Lagerfeld : « Choupette : la vie enchantée
d'un chat fashion ». Patrick Mauriès et Jean-Christophe
Napias y dévoilent les détails du quotidien de la beauté
birmane : vêtements exclusifs, haute cuisine, avion privé, domestiques et jouets électroniques.
www.lecourrierderussie.com
Édition spéciale Russie-France
29
UN BISTROT SUR ROUES
PEUGEOT
Les spécialistes du Peugeot Design Lab ont
présenté le restaurant sur roues Le Bistrot
du Lion : un semi-remorque qui se transforme en véritable bistrot avec cuisine parfaitement équipée. Pour les visiteurs, des
tables pliantes avec parasols sont prévues.
Le fourgon est en outre équipé d'un système
audio et d'un écran 46 pouces.
Le premier chef cuisinier du Bistrot du
Lion est le talentueux Sven Chartier, du
Saturne et du Clown Bar. On pourra admirer
le food truck du chef parisien à l’Expo 2015,
jusqu'au 31 octobre.
UNE SUITE DE LUXE DANS
L'AVION
AIR FRANCE
Depuis fin 2014, Air France propose à ses
clients aisés une nouvelle suite de luxe à bord
des avions desservant les aéroports de Paris,
Dubaï, Jakarta, New York et Singapour.
Les avions B777-300 sont équipés du salon
La Première, constitué de quatre chambres
séparées.
Dans chaque salon, un confortable fauteuil se déplie en lit de deux mètres de long
et 77 cm de large avec un matelas futon, un
oreiller et une grande couverture Sofitel My
Bed. L'appuie-tête de cuir est orné de l'hippocampe ailé – emblème d'Air France.
Le salon est équipé d'un système de divertissements de dernière génération, et le
menu pour les passagers est élaboré par un
chef cuisinier Michelin.
DES PETITES VALISES,
ET PAS QUE
LOUIS VUITTON
Louis Vuitton continue de conquérir le cœur de
ses fans avec des projets extraordinaires. Les
designers de l'entreprise ont d'abord présenté la
« valise de la ballerine » de tournée pour Diana
Vichneva et un case pour le trophée de la Coupe
du Monde de football au Brésil. Ensuite, ce fut
l'annonce de l'ouverture du premier bar à parfums
à Berlin, où le goût des cocktails s'accorde avec les
arômes des plus célèbres parfums. Puis, l'un des
projets les plus ambitieux de Bernard Arnault fut
l'ouverture de l'espace artistique Fondation Louis
Vuitton à Paris. C'est là que, le 2 juin, en complément de l'exposition Les clefs d’une passion, fut
inaugurée la deuxième partie de l'exposition de
la fondation, Musique/Son, dans laquelle on peut
admirer des travaux de Philippe Parreno, John
Cage et Marina Abramovitch.
DES MONTRES POUR
LES PATRIOTES
CVSTOS
UNE BD DE MODE
DIOR
La maison de couture Dior a publié une
bande dessinée intitulée « Jeune fille en
Dior » (en anglais, le livre est sorti sous
le titre Girl in Dior). La dessinatrice, Anna
Goetzinger, y illustre le personnage d'une
critique de mode, Clara. À travers l'histoire de la rencontre entre la journaliste
et Christian Dior, l'auteur revient sur le
premier défilé du couturier en 1947, l'apparition de la silhouette new look, la fureur
des jupes bouffantes serrées à la taille et
des vestes Bar.
Anna Goetzinger explique qu'elle aurait
pu raconter toute l'histoire de Christian
Dior, de sa naissance à sa mort, mais
qu'elle était particulièrement intéressée
par la mode et l'univers de Dior entre les
années 1947 et 1957.
DU THÉ DE COUTURIER
KUSMI
À l'occasion de son exposition personnelle au Grand Palais,
Jean-Paul Gautier a dessiné l'emballage de deux thés noirs de
la société Kusmi : Prince Wladimir, au mélange d'agrumes, de
vanille et d'épices, et Anastasia, à la bergamote, au citron et à
la fleur d'oranger. Les boîtes de thé signées Jean-Paul Gautier
sont décorées de lignes blanches et bleues et de dessins
rappelant des tatouages. Fabriquées en édition
limitée, elles sont disponibles au Grand Palais
pendant toute la durée de l'exposition du couturier – jusqu'au 3 août. À propos, Kusmi
a des origines russes : la maison de thé a
été fondée en 1867 par le marchand Pavel Kouzmitchoff à Saint-Pétersbourg,
avant de déménager à Paris après la
révolution d'Octobre 1917.
Fin 2014, l'acteur Gérard Depardieu a présenté au public
une montre dont le design a été conçu sous sa direction
directe par la maison Cvstos. La série a été baptisée « Sois
fier d'être russe ». Et malgré la controverse autour de
Depardieu lui-même, les montres continuent d'avoir du
succès auprès de la clientèle, à en juger par les chiffres
de ventes. Il s'agit de montres haut de gamme, en acier,
titane et or rose. La série, en édition limitée, est déjà
en vente, notamment en Russie. Certes, ce sont des
montres que tout le monde ne peut pas se permettre : le
modèle le moins cher coûte plus d'un million de roubles.
Les montres au nom patriotique sont pour l'instant
destinées aux hommes, mais une série spéciale pour les
femmes est également prévue.
DE LA VAISSELLE AU
DESSIN EN 3D
HERMÈS
Lors de l'exposition de design Maison & Objet à Paris, la maison Hermès a présenté une nouvelle collection de vaisselle
baptisée Voyage en Ikat. Le service français est orné de dessins orientaux à l'effet tridimensionnel. C'est ce qu'on appelle
l’« ikat » : une technique de tissage traditionnelle complexe,
répandue en Asie.
Toute la vaisselle de la collection Voyage en Ikat a été fabriquée et peinte à la main à Limoges.
30
Édition spéciale Russie-France
NOUVEAUX TRAMS À SAINT-PÉTERSBOURG
Le tramway est probablement
le moyen de transport le plus
poétique. En sautant, par une
belle journée printanière,
dans le flambant neuf tram 56
à Saint-Pétersbourg, on ne peut
s’empêcher de se dire que, même
si l’apparence du véhicule a
profondément changé durant
toutes ces années, ce dernier
a su garder cette essence
intangible qui le relie
à différentes époques.
TEXTE : ELENA ANISSIMOVA, PHOTOS : ALIA BALAÏEVA
Le tramway est le seul moyen de transport en commun à avoir continué à rouler durant le blocus de Léningrad. On
le retrouve par ailleurs dans des œuvres
littéraires comme Un tramway nommé Désir,
de Tennessee Williams, et Le Tramway,
dernier roman de Claude Simon.
Ce n’est d’ailleurs pas sans raison que
le tram 56 rappelle l’écrivain français.
Ce sont en effet ses compatriotes de chez
Alstom qui, en partenariat avec Transmashholding, ont livré ces tramways à
Saint-Pétersbourg en décembre dernier.
Derrière la formule technique « plancher bas 100 % » se cache le confort des
passagers. Désormais, les enfants, les
personnes âgées et celles à mobilité réduite peuvent facilement monter dans
le wagon.
Cette innovation technique est pour
l’instant réservée aux habitants des
quartiers sud. Les quatre nouveaux
trams achetés par la ville au producteur
TramRus, coentreprise fondée par Alstom et Transmashholding, circulent
sur l’itinéraire 56 – de l’usine Severnaïa
Verf jusqu’à la rue du Maréchal Kazakov
(« oulitsa Marchala Kazakova »), n°12.
Ce court itinéraire n’est peut-être pas
le plus attirant d’un point de vue touristique – il traverse en effet des sites
industriels post-soviétiques –, mais il
transmet ainsi bien mieux l’esprit authentique de la ville que le centre-ville et
son exubérance pompeuse.
Nous commencerons à observer les
transformations sans apparat du milieu social urbain dès le premier arrêt –
à l’usine Severnaïa
Verf. C’est ici que
monte la receveuse de
tram, Galina.
Cette jeune femme aimable explique que les nouveaux
trams sont très populaires auprès des
passagers. Ces derniers se prennent
souvent en photo dans les wagons, et
certains viennent même expressément
dans le sud de la ville pour le tram 56.
La preuve ne se fait pas attendre : à
l’arrêt suivant, un Moscovite, Alexeï,
entre dans le wagon. Ce retraité reconnaît n’avoir jamais vu de trams aussi
modernes dans la capitale russe.
Après avoir promis de parler à sa
famille des innovations techniques de la ville sur la Neva,
Alexeï prend quelques photos
souvenirs, dont un selfie.
Pendant ce temps, de
l’autre côté de la fenêtre défilent des bâtiments dont
le style est une réinterprétation du constructivisme soviétique – une véritable poésie des
paysages urbanistiques sous forme
concentrée.
Le tram s’approche de la station
de métro Avtovo. Un groupe
d’élèves du secondaire y
monte alors. Ceux-ci sont
déjà habitués aux nouveaux
trams et ne réagissent
plus avec autant d’enthousiasme qu’au début.
Cependant, un des étudiants, Sacha, explique qu’ils
n’ont pas choisi cet itinéraire au
hasard. Alors que différents chemins
permettent d’accéder au centre commercial Kontinent, où ils vont voir le dernier
blockbuster en date pour profiter de la fin
des cours, les écoliers ont pris celui qui
leur permet de faire de nouveau un tour
dans le tout jeune tram.
Directrices du projet
Maria Trigubets,
Natalia Petrova
Rédactrice en chef
Inna Doulkina
[email protected]
Rédacteurs /
Traducteurs /
Correcteurs
Manon Masset,
Thomas Gras, Rusina
Shikhatova, Julia
Breen, Maïlis Destrée
Directrice artistique
Galina Kouznetsova
Directrice de
la maison d’édition
Alina Reshetova
Directeur de
la publication
Jean-Félix de La Ville
Baugé
Rédactrice en chef
du site Internet
Nina Fasciaux
[email protected]
Directeur commercial
Thomas Kerhuel
Webmaster
Marc Dobler
[email protected]
Responsable
communication
et partenariats
Tatiana Chveikina
tatiana.chveikina@
lcdr.ru
L’équipe du
Moscow Times :
Mark Gay (rédacteur
en chef), Ekaterina
Movsoumova, Lioudmila Medvedeva,
D’ailleurs, on peut déjà commencer
son expérience cinématographique en
s’y installant. Les wagons sont en effet
équipés de trois télévisions. Les passagers ont de la chance : ce trajet-ci est
accompagné par une rediffusion d’un
chef-d’œuvre de l’animation russe et
mondiale – Le Hérisson dans le brouillard, dessin animé réalisé par Iouri Norstein.
Ce dessin animé a non seulement vu
grandir plusieurs générations de Russes,
mais il a également inspiré le réalisateur
oscarisé Hayao Miyazaki pour Le vent se
lève, son dernier film d’animation.
Pendant ce temps, le tram atteint la
rue du Maréchal Kazakov et son terminus, bouclant la boucle. Se présente alors
l’occasion de discuter avec le conducteur,
Iouri. Il est le premier de la ville à avoir
appris à conduire les trams de nouvelle
génération, et désormais tous les novices
sont envoyés chez lui.
Iouri parle avec enthousiasme des caractéristiques techniques des trams, en
ponctuant sa description d’une anecdote
amusante. Un jour, alors qu’il apprenait
encore à conduire ce dernier modèle, une
caméra de la police routière l’a filmé en
train de rouler à du 98 km/h sur un tronçon spécial.
Les policiers n’en ont pas cru leurs
yeux quand ils ont vu sur la vidéo un
tram atteindre une telle vitesse.
Iouri ne voit pas encore de défauts aux
nouveaux trams et espère que le parc des
transports en commun, non seulement
à Saint-Pétersbourg mais également
dans d’autres villes russes, va s’enrichir
de ces véhicules modernes.
Galina, la receveuse, partage ses impressions sur l’influence de ces innovations sur les passagers : ces derniers
commencent réellement à changer de
comportement.
Le terme soviétique « politesse
de tramway » prend un nouveau sens dans ces nouveaux
trams. Les Russes, qui
n’ont pas pour habitude
de sourire aux inconnus,
deviennent plus sociables
et ouverts.
La beauté est évidemment
toujours dans l’œil de celui qui
regarde, mais l’environnement
a également son rôle à jouer dans les
transformations sociales. L’apparition
d’un transport en commun innovant
dans une cité-dortoir typique ne peut
pas ne pas avoir d’impact positif sur ses
habitants.
Maria Gueorguievskaïa,
Sofia Selivanova, Irina
Pereverzeva, Ioulia
Bytchenkova, Maria
Alekseïeva
Adresse de
la rédaction
10, Milioutinski
pereoulok, bât. 1,
3e étage, 101 000
Moscou
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5 juin 2015
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