Le Bulletin Freudienne n°16-17 Mars 1991 PERE REEL, INCESTE

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Le Bulletin Freudienne n°16-17 Mars 1991 PERE REEL, INCESTE
Le Bulletin Freudienne n°16-17
Mars 1991
PERE REEL, INCESTE ET DEVENIR SEXUEL DE LA FILLE
1
Patrick De Neuter
(111)Deux constations suscitèrent le travail, toujours en cours,
dont cette communication aux Journées d'Etudes sur "Le père
comme symptôme ?" constitue un moment.
D'une part, on peut aujourd'hui constater dans le champ psychomédico-social une multiplication des recherches, journées
d'études et publications concernant les transgressions de
l'interdit oedipien. On peut aussi y observer le développement
des équipes d'intervenants au service de la protection des
enfants subissant ces expériences. Enfin, se multiplient aussi
les témoignages publics de ces enfants, des femmes le plus
souvent, par le biais du livre, du magazine ou de la télévision.
1Texte
écrit à partir d'une communication aux Journées d'Etudes de l'Association
freudienne "Le Père comme symptôme ?" (Bruxelles 13 et 14 octobre 1990). Le présent
texte constitue une version revue et augmentée de la transcription de cette
communication suite aux débats et aux discussions - parfois passionnées - dont il fit
l'objet. J'en ai cependant conservé le style oral. Je remercie les participants au
groupe de travail sur l'inceste père-fille dont a bénéficié la communication
originale : P. Belot-Fourcade, Ph. Cattiez, M.Ch. Cadeau, R. Geeraert, M. LerudeFlechet, E. Pirard-Van Dieren, M.J. Segers et N. Stryckman.
(112)D'autre part, dans les écrits ou les débats
psychanalytiques apparaissent des divergences quant au rôle du
père réel dans le devenir de ses enfants et quant à l'impact
effectif de l'histoire et des traumatismes réels que l'enfant
aurait rencontrés sur la genèse des symptômes qu'il présente
devenu adulte.
Ainsi on entend dire dans nos milieux que "le père réel c'est
celui dont on ne peut rien dire" ou encore "celui qu'il faut
supposer à l'origine de notre humanité", et aussi que "le vrai
père c'est le père mort". On répète souvent que "l'essentiel du
devenir de l'enfant dépend de la structure, du langage ou de son
rapport au Symbolique", l'oedipe freudien n'étant d'ailleurs que
traduction imaginaire de ce rapport au langage. On dit aussi
quelques fois que l'inceste "père-fille n'existe pas", qu'il n'y
a d'inceste "qu'avec la mère" et que "le traumatisme réel n'a
aucune importance" : l'effet traumatique n'étant fonction que du
fantasme dans le cadre duquel ce traumatisme est vécu ou revécu.
Enfin, n'attribue-t-on souvent la forclusion du Nom-du-Père à la
seule parole de la mère ?
Ces affirmations, assurément freudiennes et lacaniennes, sont
néanmoins utilisées de telle sorte que la fonction du père réel
s'en trouve comme évidée contrairement à ce que fut la position
de Lacan à ce sujet 2. Il devient à tout le moins difficile de
décrire la fonction de ce père réel et son articulation avec
celle du père imaginaire et du père symbolique. Il est peut-être
2Voir
notamment, J. LACAN, dans La Relation d'objet : « Le père réel relaie le père
symbolique », séance du 6 mars 1957 ; et plus loin « ... Dieu est certainement un
élément essentiel... mais il ne peut suppléer à la carence du père », séance du 8 mai
1957. Dans D'une Question préliminaire : « Plus loin encore la relation du père à
cette loi doit-elle être considérée en elle-même... » (Ecrits, p. 579). Dans son
Séminaire sur Le Sinthome (1975-76), bien qu'il s'intéresse essentiellement à la
topologie nodale du sujet, LACAN ne tient pas pour rien le concret du père réel dans
le devenir de Joyce [cfr., par exemple, les passages suivants : « On ne pouvait plus
mal partir, naître à Dublin avec un père soûlographe et plus ou moins feignant c'està-dire fanatique de deux familles... » (18 novembre) ; « Son père qui se distingue
justement d'être un père indigne, un père carent...» (1 janvier) ; « Le désir d'être
un artiste comme compensatoire du fait que son père n'a jamais été pour lui un
père... » (10 février)]. Etant donnée l'ambiguïté dans l'enseignement de Lacan
concernant ce concept de père réel, on pourrait pour plus de clarté distinguer avec JP. LEBRUN le père réel qui introduit à l'impossible et le père de la réalité ou père
concret qui est chargé d'assumer les fonctions de père symbolique et de père réel.
important de préciser ici que je désigne par l'expression "père
réel" celui que certains ont appelé ici-même, le père de la
réalité et que (113)l'on appelle parfois ailleurs, le père
concret. De ce père réel, Lacan disait au début de son
enseignement qu'il était ce parlêtre de chair et d'os qui "besogne" ou "a besogné" la mère, lui a fait un enfant, a donné son
patronyme à leur rejeton et qui a pour fonction de "cristalliser
ou d'incarner" le Père Symbolique organisateur de la structure
inconsciente du sujet 3.
Je commencerai par envisager ce rôle du père réel dans son
articulation à la fonction du Père Symbolique à partir d'un cas
de cure psychanalytique.
Jeanne et les genoux de son père
L'analysante que j'appellerai Jeanne est une jeune femme
attrayante, qui n'avait pas grande difficulté à se trouver des
amants. Néanmoins, jamais elle n'arrivait à l'orgasme. A son
analyste, elle explique que lorsque le plaisir vient, elle ne
pouvait s'empêcher de le "bloquer".
Par le biais de ce dernier signifiant, une connexion put un jour
s'établir avec un souvenir d'enfance : son père chantonne une
ritournelle tout en la faisant sauter sur ses genoux. Le plaisir
monte en elle. Sa mère n'aime pas ces jeux. Le plaisir continue
de monter. Bientôt, elle doit le "bloquer".
Suite à l'établissement de cette connexion, sa frigidité s'est
atténuée mais elle n'a pas complètement disparu. Il fallut
encore élaborer, symboliser, l'amour sans fond, le désir
3J.
LACAN, Le Mythe individuel du névrosé.
voluptueux et engloutissant qui l'enchaînait à sa mère qu'elle
croyait haïr.
(114)Remarquons qu'un des moyens utilisés pour "bloquer" le
plaisir qui vient lors de ses relations sexuelles consistait
précisément à imaginer que sa mère entrait dans la chambre.
A la question de savoir ce qui aurait pu se passer si elle
s'était laissée aller à ce désir d'abord méconnu pour sa mère,
surgirent, accompagnés de fortes angoisses, des propos comme
ceux-ci : « Ce serait pis qu'une éruption volcanique, pis qu'une
tempête sans fin ».
Des rêves vinrent alors confirmer le caractère dévorant de cette
passion qui sommeillait en elle à son insu depuis quelques 36
ans, notamment celui-ci : un cheval entre tout entier dans un
autre, comme un enfant retournant dans le sein de sa mère.
Suite à cette mise en mots du désir archaïque inconscient, sa
frigidité s'atténue fortement. Les orgasmes devinrent de plus en
plus fréquents tandis qu'elle nouait une relation stable avec
l'un de ses amants et qu'un désir d'enfant, désir tout à fait
neuf disait-elle, naissait à sa conscience.
Que nous indique cette cure quant aux effets possibles de la
relation père-fille sur la sexualité de celle-ci ?
Elle nous indique tout d'abord que cette relation de jouissance
masturbatoire dont le père était, consciemment ou non, peu
importe ici, le complice peut avoir un impact réel sur la
sexualité de sa fille : dans le cas présent, l'impossibilité de
se laisser aller à l'orgasme et la nécessité de passer d'un
amant à l'autre, forme d'attachement amoureux et sensuel,
symptomatique, au père de son enfance.
Cette courte observation nous indique aussi que cette relation
jouissive avec le père oedipien n'est pas déterminante de la
structure psychotique, névrotique ou perverse : la structure
s'était établie auparavant et cette expérience ne l'a
manifestement pas radicalement transformée.
(115)Apparaissent enfin deux processus dont Freud avaient déjà
souligné l'existence à savoir, d'une part, que cette relation au
père oedipienne vient prendre le relais d'une relation à la mère
et d'autre part, que la femme choisit son compagnon non
seulement dans le prolongement de son amour pour son père mais
aussi en tant qu'il est censé satisfaire quelque chose qui
s'origine dans sa relation archaïque à sa mère.
L'inceste effectivement réalisé
La prise en compte des effets sur la fille d'une réalisation
effective des désirs oedipiens du père et de la fille m'a semblé
utile pour élucider davantage la fonction du père réel dans le
destin sexuel de sa fille. Ce n'est évidemment qu'un abord
particulier et négatif de cette fonction du père réel, limité
sans doute, mais vu le temps qui nous est imparti, il faut bien
renoncer à être exhaustif aujourd'hui en cette matière qui
implique ces deux questions fondamentales de la psychanalyse :
qu'est-ce qu'un père et que veut une femme ?
Curieusement, de ce père réel incestueux et de son éventuel
"démérite" ou "fraude" - pour reprendre les termes de Lacan - au
regard de la fonction symbolique, les analystes parlent peu,
sauf les psychanalystes d'enfants et ceux qui écoutent les
adolescents. Et l'on sait bien les difficultés qu'ils et
qu'elles rencontrent auprès de leurs collègues psychanalystes
d'adultes lorsqu'ils ou elles s'avancent sur ce terrain. Ils ou
elles sont rapidement accusés de faire de la psychologie ou de
tomber dans le panneau de l'imaginaire.
Tout se passe comme si depuis que Freud avait renoncé à sa
théorie de la séduction traumatique, certains psychanalystes
étaient contraints de penser que les séductions incestueuses
subies et rapportées par leurs analysantes n'étaient que
constructions imaginaires dictées par leur désir infantile
inconscient. On sait pourtant aujourd'hui la relative faiblesse
(116)de l'argument de Freud : il eut fallu accepter que trop de
pères étaient pervers. Ferenczi lui s'étonnait moins de la
fréquence de ces récits de séduction étant donné « le nombre
considérable de patients (adultes) » qui, en analyse « avouent »
eux-mêmes des voies de fait sur les enfants 4.
L'orientation générale des commentaires du mythe oedipien est
d'ailleurs démonstrative d'un même parti pris. Connaissons-nous
beaucoup d'analystes adultes qui se soient interrogés sur les
désirs meurtriers de Laoïs pour son fils, sur les désirs
incestueux de Jocaste et enfin sur les désirs d'Oedipe
concernant Antigone et sur les effets de ce désir sur le destin
amoureux de celle-ci ? La plupart des commentaires du mythe se
limitent à l'analyse du désir du fils Oedipe, meurtrier de son
père et amant de sa mère 5.
De même, ne disserte-t-on pas beaucoup plus facilement sur
l'attachement d'Anna Freud à son père et au développement de son
oeuvre que sur le désir de Freud qui aurait pu induire un tel
culte chez celle qu'il appelait « son Antigone » ?
Remarquons ici aussi, que si, quant au désir incestueux de la
mère, la théorie psychanalytique est très loquace, à propos du
4S.
FERENCZI, Confusion de langue entre les adultes et l'enfant, exposé fait au XII
Congrès International de Psychanalyse, 1932, Paris, Payot, Oeuvres complètes, Tome IV.
Le titre original était Les Passions des adultes et leur influence sur le
développement du caractère et de la sexualité de l'enfant. Cette communication ne fut
pas du tout appréciée par FREUD qui se serait même opposé à sa publication (d'après M.
BALMARY, L'homme aux statues, citée par Eva THOMAS, cfr. infra, p. 214).
5Parmi les exceptions : M. BALMARY in L'Homme aux statues (Grasset, 1979) et J.
BERGERET in La violence fondamentale (Dunod, 1984).
même désir, côté père, elle est beaucoup plus discrète. Quant à
l'inceste père-fille effectivement réalisé, que la sociologie,
la criminologie et la médecine nous disent aujourd'hui assez
fréquents, les psychanalystes lacaniens restent relativement
silencieux 6.
(117)En 57, Lacan faisait remarquer que la théorie analytique
participait au voile jeté sur le coït parental par l'amnésie
infantile. N'a-t-elle pas aussi participé à l'écran de fumée
utilisé par la société pour dissimuler le désir incestueux du
père pour sa fille et les corps à corps réels induits par ce
désir ?
Ma clinique et mes lectures ne me permettant pas de penser que
l'inceste père-fille soit sans effet sur le devenir de la fille,
je me suis proposé de tenter d'éclaircir quelque peu ce versant
particulier de la relation père-fille. Je ne savais pas que
j'allais y rencontrer autant de difficultés 7.
Il est vrai que l'affabulation existe, que certaines analysantes
la reconnaissent elles-mêmes et que certaines accusations de
viol du père par leur fille sont essentiellement motivées par le
désir meurtrier et vengeur à l'égard de celui qui n'a pas
6LACAN
lui-même dans ses propos directifs pour un congrès sur la sexualité féminine
pose la question de savoir « Pourquoi le mythe analytique fait-il défaut concernant
l'interdit de l'inceste entre le père et la fille ». A notre connaissance, les seuls
articles psychanalytiques lacaniens consacrés à ce sujet sont rassemblés dans le n°7
de la revue Patio. Il s'agit de communications à un colloque qui se tint en 1985. Et
pourtant les sociologues indiquent que la transgression de cet interdit n'est pas
exceptionnel et qu'il n'est pas non plus sans effets négatifs pour le devenir de la
fille. D'après M. ROUYER et M. DROUET, 4% des femmes auraient vécu une expérience
incestueuse avec le père ou le beau-père (L'Enfant violenté, Paidos, 1986). Ce
pourcentage varie sensiblement d'une recherche à l'autre.
7Pourquoi en aurait-il été autrement puisque ce sujet fut déjà très problématique pour
FREUD lui-même et puisqu'il fut l'objet de dissensions entre lui et certains de ses
élèves, FERENCZI par exemple, comme je viens de l'évoquer. Il est probablement très
difficile d'aborder ces questions qui nous concernent tous, au plus profond de nos
refoulements, sans se laisser aveugler ou assourdir par nos désirs incestueux insus.
Ce qui peut donner par exemple, l'accusation jalouse ou, au contraire, l'idéalisation
de ceux et celles qui s'autorisent à la réalisation du désir interdit, l'agressivité
envieuse ou au contraire, la complicité par rapport à la soeur que le père a élue, le
voyeurisme sadique vis-à-vis de la soeur victime, la complicité avec la revendication
haineuse contre le père, etc... De tels processus inconscients rendent compte aussi
des dissensions, fréquentes dans les équipes psycho-médico-sociales qui ont à prendre
"en charge" des familles dans lesquelles l'enfant est victime du désir incestueux
paternel.
répondu aux tentatives de séduction. Il est vrai aussi qu'il n'y
a pas lieu de se laisser reprendre par la psychologie et par
l'imaginaire en oubliant l'apport essentiel de Lacan quant au
Père Symbolique. Il est tout à fait vrai enfin que l'inceste
père-fille est radicalement différent, quant à ses effets, de
l'inceste mère-fils. Néanmoins, je ne pense pas que le refus
d'envisager cette fonction du père réel et ses rapports avec le
père imaginaire et le père symbolique soit théoriquement et
cliniquement justifié. C'est ce que je voudrais démontrer
aujourd'hui à partir de deux (118)livres-témoignages et en
m'appuyant aussi sur quelques cas issus de la clinique
psychanalytique rapportés dans le cadre d'un groupe de travail.
Les récits d'Eva Thomas et Nathalie Schweighoffer
Eva Thomas, victime du désir fou de son père, publia en 1986 le
récit de son expérience incestueuse et de ses diverses
tentatives pour sortir de cette « prison du père » 8.
Nathalie Schweighoffer avait douze ans lorsque son père commença
à lui imposer un viol incestueux pervers qui se prolongea cinq
années durant. A dix-huit ans, elle décide de parler, porte
plainte contre son père et publie le récit de ces événements 9.
De tels récits, de tels témoignages ne sont pas analogues aux
récits qui nous sont fait dans les cures. On sait la difficulté
de situer ces récits autobiographiques par rapport à ceux qui
sont rapportés dans le cadre du transfert avec les effets
spécifiques de l'association libre. Plus spécifiquement en cas
d'inceste, la clinique psychanalytique nous enseigne que ces
récits peuvent évoluer au cours de la cure, telle fille, par
8E.
9N.
THOMAS, Le Viol du silence, Paris, Aubier, 1986.
SCHWEIGHOFFER, J'avais douze ans, Paris, Fixot, 1990.
exemple, ayant accusé son père, découvrant au fil du temps qu'il
y avait erreur sur la personne ou plus radicalement encore,
erreur sur l'événement lui-même. On sait que ce genre de
variations dans le récit fut un des éléments qui amenèrent Freud
à renoncer à croire - trop radicalement, je pense - à la réalité
des scènes de séduction qui lui étaient rapportées.
Ces sources ne sont pas équivalentes aux récits produits dans
les cures. Cependant, ce ne sera pas la première fois que des
analystes (119)s'appuieront sur des récits autobiographiques - à
commencer par celui du président Schreber - et je vous propose
de lire ces deux récits avec la même circonspection mais aussi
avec le même crédit que toute autre autobiographie. Si la
structure hystérique des auteurs se dévoile clairement dans leur
écrit, je n'ai trouvé aucune raison déterminante de mettre en
doute la réalité des événement décrits.
Que pouvons-nous donc retenir de ces récits en ce qui concerne
notre propos ?
Eva et le désir fou de son père
Eva Thomas avait 12 ans lorsque son père, très jaloux de son
premier petit ami, l'entraîna, malgré ses résistances, dans le
lit conjugal. Il se coucha sur elle et jouit probablement avant
toute pénétration : le souvenir d'Eva est incertain. Il se perd
dans l'horreur suscitée par un sentiment d'éclatement de son
moi, de son corps et de son identité. Le mot "père" lui-même lui
sembla voler en éclats dans ce contact des sexes du père et de
la fille. Je la cite plus littéralement à présent : « la chair a
nié le verbe, il m'a exilé du langage et m'a niée dans mon
existence de sujet ». Le rapport incestueux a effacé son nom.
Autant de signifiants tout à fait intéressants pour nous,
d'autant plus qu'ils viennent sous la plume d'une femme qui ne
manifeste aucune complaisance pour les psychanalystes et leur
théorie.
Culpabilité par rapport à la mère, honte d'elle-même, maux de
ventre, angoisse de porter un enfant et anorexie pour tuer ce
monstre en elle, silence pour protéger la famille et pour
garder, malgré tout, une image acceptable de son père.
Cette expérience s'inscrit aussi dans son corps : migraines,
maux multiples affectant le ventre, les dents, les jambes, le
dos, les seins et toute l'enveloppe cutanée. En effet, de
nombreuses années plus tard, un (120)eczéma généralisé se
déclencha en rapport immédiat avec l'émergence de ce souvenir.
Autre inscription dans le corps : une stérilité qui disparût
grâce aux paroles d'une gynécologue qui en avait justement saisi
le sens.
Son rapport aux hommes resta longtemps très problématique :
horreur et peur de leur sexe et de leur poids sur elle,
agressivité inaltérable même à l'égard de ceux qu'elle aimait et
de ceux qui l'aimaient vraiment. Elle restait en même temps
fascinée et terrorisée par ces mêmes hommes de telle sorte
qu'elle se serait livrée à la prostitution si elle avait
rencontré un homme qui le lui avait demandé.
Les « chaînes posées sur son corps » par son père lui semblaient
indestructibles. Le fantôme de ce père l'empêchait de se donner
à un autre homme. Quand bien même elle devint féconde dans sa
vingtième année, à quarante ans elle était toujours inaccessible
aux plaisirs de l'orgasme et ce malgré diverses tentatives
thérapeutiques qui toutes avortèrent.
Tentatives psychothérapeutiques
Bien que ceci ne concerne qu'indirectement notre sujet, il ne me
semble pas inintéressant de savoir comment et pourquoi, d'après
elle, Eva ne trouve pas d'aide adéquate du côté des psychothérapeutes et des psychanalystes consultés.
Certains psychothérapeutes crurent bon de vouloir la
déculpabiliser en lui affirmant que l'inceste père-fille n'était
aucunement interdit, d'autres tentèrent de la guérir en la
poussant à avoir des relations sexuelles multiples, soit encore
en se glissant eux-mêmes dans son lit. D'autres enfin, femmes et
psychanalystes, lui proposèrent une communauté paradisiaque d'où
les hommes étaient bannis mais dans laquelle elle se rendit vite
compte que s'établissaient entre femmes des rapports tout à fait
semblables à ceux qui lui répugnaient dans ses relations avec
les hommes.
(121)Eva et son psychanalyste
Eva consulta un autre psychanalyste mais elle ne persévéra pas
longtemps. Son récit laisse entendre que la violence du
transfert imaginaire était pour elle insoutenable : le silence
du cabinet et cette solitude avec un homme lui rappelait trop
« la nuit noire de son adolescence ». Quelle raison avait-elle
de penser que celui-ci ne « déraperait pas » comme son père ou
comme les psychothérapeutes déjà rencontrés ? D'autre part, « se
dévêtir de ses résistances » et apporter régulièrement l'argent
gagné par son labeur, lui faisait par trop penser aux rapports
de la strip-teaseuse et de la prostituée avec leur maquereau.
Enfin la règle du tout dire, la disposition des lieux qui fait
que l'on est vu et que l'on ne peut voir, la dissymétrie de la
relation : tous ces éléments du cadre de la cure répétaient trop
précisément et trop immédiatement l'insupportable infériorité
vécue par rapport au père incestueux, infériorité redoublée par
celle qui l'avait unie au Dieu de son enfance, violeur de ses
pensées
10
.
Tout ceci sont des imageries transférentielles qui ne sont pas
du tout spécifiques des femmes qui furent violées par leur père.
On y entend bien la structure qui organise ce discours.
Néanmoins ne peut-on pas penser que cette expérience de corps à
corps incestueux et surtout cette expérience de transgression
d'un interdit par celui-là même qui est censé l'incarner soit à
l'origine d'une intensité de transfert imaginaire, d'une
consistance et d'une fixité de celui-ci plus difficilement
maniable par le psychanalyste et supportable par l'analysant ?
Cette fixation au traumatisme a d'ailleurs déjà été remarquée
par Freud et confirmée par d'autres qui se sont intéressés à la
névrose traumatique
11
.
(122)Le transfert étant en lui-même appel au père dans l'Autre,
on peut concevoir les difficultés spécifiques qui se posent en
cas de cure psychanalytique dans les cures de ces analysantes.
Eva et la théorie psychanalytique
Quant à la théorie freudienne qu'elle avait appris à connaître,
que lui disait-elle ? Tout d'abord que toute petite fille désire
faire l'amour avec son père et que c'est donc elle la
séductrice. D'autre part, qu'il est fort probable que rien ne se
soit passé sinon dans son fantasme : Freud n'a-t-il pas renoncé
à la théorie de la séduction par le père. Eva n'a évidemment
10Les
choses se seraient-elles passées différemment avec une psychanalyste femme ?
Peut-être, mais il ne faut pas négliger que les ressentiments par rapport à la mère
peuvent eux aussi dans ces cas d'inceste être très puissants. Quoiqu'il en soit, Eva
s'était d'abord adressée à une psychanalyste. Sa réponse, l'offre du paradis sans
homme, n'a pas dû la rassurer quant à ce qu'elle pouvait attendre des femmes...
11Par exemple in S. FREUD, Au delà du Principe de plaisir (1920) et H. EY dans son
Manuel de psychiatrie (Masson, 1978).
retenu de ses lectures que ce qu'elle a bien voulu en retenir.
Mais il est évident que de tels propos circulent parmi les
psychanalystes, certains largement diffusés de surcroît
12
.
Découvrant donc cette théorie psychanalytique après s'être
heurtée à l'incrédulité générale ambiante sur la réalité des
faits, ainsi qu'aux accusations diffuses de séduction et de
plaisir pris dans l'expérience subie, elle trouva manifestement
dans ces théories un renforcement du refoulement de son désir
incestueux inconscient que ce moment d'amour incestueux aurait
pu satisfaire. Et je pourrais dire "désir incestueux qui a été
satisfait", tant celui-ci transparaît à peine voilé dans
certains passages de son récit.
Elle tentera donc de sortir toute seule de cette "prison du
père", toute seule avec des mots, les mots d'un livretémoignage.
(123)Cette rupture d'avec son psychanalyste ne l'empêchera pas
cependant de devenir une familière de la littérature psychanalytique
13
. Si elle accuse les psychanalystes de vouloir cacher la
faute du père (Freud voilant les fautes du père et les
psychanalystes camouflant à leur tour les erreurs de Freud),
elle le fait avec une certaine sérénité. Elle sait bien de quoi
elle parle, elle qui a voulu longtemps méconnaître la faute de
son père. Ne pouvoir reconnaître les errances paternelles
serait, écrit-elle, un symptôme typique des fils de Freud et les
12Cfr.,
par exemple, l'interview de F. DOLTO dans Choisir en novembre 79 au cours de
laquelle elle affirme qu'il n'y a jamais de viol parce que les filles sont toujours
consentantes et que, père pervers ou non, il suffirait que la fille refuse pour qu'il
la laisse tranquille. Ces propos peuvent-ils entraîner autre chose qu'un nouveau
malentendu entre psychanalystes qui parlent du désir inconscient et la journaliste et
ses lecteurs qui ne peuvent l'entendre qu'au niveau du désir conscient et qui ne
peuvent donc que protester. Cette interview est citée non seulement par Eva THOMAS
(ibidem) mais aussi par Christiane ROCHEFORT en annexe de son roman La porte du fond
(Grasset, 1988). A lire aussi chez cette dernière, le récit du premier rendez-vous,
qui fut aussi le dernier, de l'héroïne avec un psychanalyste. Remarquons que F. DOLTO
n'est pas la seule psychanalyste à tenir de tels propos dans les médias.
13Recherche d'appuis dans sa contestation du Père incarné ici par FREUD ? Quête de
reconnaissance d'un désir qui n'a pu se faire entendre dans la cure ? Conjonction
d'une résistance à l'analyse et d'une demande insue ? Nul ne peut le dire ici, à sa
place.
faits qu'elle rapporte, citations de Freud, de Dolto et de
quelques autres pour appuyer sa thèse sont pour le moins très
questionnants. Elle apprécie cependant plusieurs auteurs
consultés. Parmi ceux-ci, S. Ferenczi, sans doute parce qu'il
avait soutenu la réalité des agressions sexuelles commises sur
de jeunes enfants et pointé le malentendu entre l'enfant et
l'adulte quant au désir incestueux, mais elle apprécie aussi
beaucoup sa théorie du moi divisé et celle qui concerne
l'identification à l'agresseur qui l'ont aidée à comprendre ses
propres réactions et notamment son obéissance aux injonctions
paternelles et son silence protecteur du père
14
. Elle apprécie
aussi, évidemment, les ouvrages "briseurs de statues" de M.
Balmary et J. Masson qui la confirment dans son sentiment que S.
Freud a vraiment commis une erreur en n'accordant plus aucun
crédit à la (124)séduction par le père
15
et qu'il existe
effectivement chez les psychanalystes une tendance à nier,
voiler ou dissimuler la faute des pères et celles de S. Freud.
Lacan considérant que la formation du psychanalyste commençait
par le repérage des erreurs et des impasses du Maître afin de
pouvoir prolonger son élaboration en reprenant son travail là où
14«
...cette peur, quand elle atteint son point culminant, les oblige à se soumettre
automatiquement à la volonté de l'agresseur, à deviner le moindre de ses désirs, à
obéir en s'oubliant complètement, et à s'identifier totalement à l'agresseur. Par
l'identification, disons par l'introjection de l'agresseur, celui-ci disparaît, en
tant que réalité extérieure et devient intra-psychique », S. FERENCZI, ibidem p. 130.
P. LEGENDRE souligne à propos du Crime du caporal Lortie. Traité sur le Père (Fayard,
1989) que l'identification au père concret est incontournable, aussi criminel et
incestueux qu'il soit. Il s'agit là d'un processus forcé, lié à la vie auquel aucun
fils et aucune fille ne saurait échapper. D'où l'acte meurtrier du fils par
identification au père hors la loi. Cette identification forcée pourrait à elle seule
rendre compte de cette impossibilité de dire non, affirmée par la plupart des
"victimes" de l'inceste. Mais on peut aussi ici faire appel au concept lacanien de
Désir en tant qu'il est désir originairement désir de l'autre (petit a). Dans Le Désir
et son interprétation, LACAN précise même que le sujet « ne peut situer son désir
ailleurs que dans l'espace du désir de l'autre » (leçon du 12 novembre 58). Ces
processus inconscients peuvent aussi rendre compte de l'acte du père. Il paraîtrait en
effet que, dans un certain nombre de cas, le père du père ou son grand-père avaient
eux-mêmes été des pères violeurs. Ne pas être à son tour père violeur, impliquerait la
possibilité de se situer hors du champ du désir paternel, mais sur quoi ou sur qui
prendre appui dans une telle généalogie ? Ne pas l'être à son tour constitue en outre
une contestation insupportable de l'idéal paternel ou grand-paternel.
15D'après LAPLANCHE et PONTALIS, Freud lui-même n'a jamais tout à fait abandonné le
point de vue traumatique (Vocabulaire de la psychanalyse, p. 502). Il est en tout cas
exact que dans son Introduction à la psychanalyse on trouve des affirmations comme
celle-ci : « Le point de vue traumatique ne doit pas être abandonné comme étant
erroné : il occupera seulement une autre place et sera soumis à d'autres conditions »
(Payot, p. 299).
il l'avait laissé, il ne me semble pas inutile d'accorder une
certaine attention à ces textes indiquant certaines erreurs de
Freud ou relevant certains de ses silences. Ce n'est pas notre
projet pour aujourd'hui, mais ne serait-ce pas une manière
d'éviter que Freud ne fonctionne pour nous comme Père-Symptôme ?
Mais poursuivons l'examen de cette question qui me sert de fil
conducteur : quelle est la fonction du père réel dans le devenir
sexuel de sa fille ? Question qui peut partiellement se
réarticuler comme suit : à quelles conditions du côté père le
devenir sexuel d'une fille ne sera-t-il pas parasité par un
attachement symptomatique au père de son enfance et de son
adolescence ?
Nathalie et la perversion du père
Nathalie choisit elle aussi la voie du livre-témoignage pour
tenter de sortir de son impasse incestueuse. Elle écrit ce livre
après un long silence et après avoir intenté un procès à son
père. Son récit laisse entrevoir un père très différent de celui
d'Eva et une expérience vécue très différente aussi : plusieurs
années de soumission progressive aux scénarii de plus en
(125)plus pervers, les coups pleuvant lorsque la rébellion
éclatait. Ce que le père n'obtint pas, malgré l'alcool et malgré
la drogue imposée, c'est que sa fille participe à ces scénarii
en y éprouvant du plaisir.
A 18 ans Nathalie qui a parlé, qui a gagné le procès, qui a
publié son livre, n'a toujours pas connu le plaisir sexuel quand
bien même elle peut avoir des relations sexuelles avec des
hommes qui l'aiment. Même avec ces derniers, les relations
restent fort difficiles. Le fantôme de son père ne la quitte
pas. Son image vient se superposer à celle des rares hommes qui
échappent à sa haine meurtrière. Son père s'était comporté avec
elle comme un vrai mari. Elle rêve d'un mari qui ne la
toucherait pas, d'un mari qui serait un vrai père. Le jour elle
rêve d'un mari-fantôme, tandis que la nuit c'est le fantôme de
son père qui hante ses cauchemars et ses rêves sadiques. Elle ne
peut dormir qu'habillée comme en plein jour. Son père fait
l'objet d'une haine et d'un désir de meurtre irrépressibles.
D'ailleurs, écrit-elle, elle n'a plus de père. Par ses actes, il
s'est lui-même destitué. Et l'on retrouve ce clivage entre le
père d'avant et le "mec, le "salaud", "l'étranger" d'après.
Comme pour Eva, le sentiment premier est celui d'avoir été
cassée en mille morceaux, d'avoir été tuée, d'avoir perdu son
nom. Comme chez Eva, on constate une mise en question de
l'identité corrélative d'une auto-destitution du père réel.
Angoisse et honte, impulsions meurtrières et envie de se
suicider, compulsions à se laver, envie de vomir, l'accompagnent
de longues années durant. Pour elle non plus qui a dû se battre
pour faire reconnaître les faits et la culpabilité du père,
impossible de reconnaître en quoi son désir inconscient a pu y
être pour quelque chose dans l'établissement et dans la
prolongation de son enfer.
On retrouve ici un tableau "clinique" fort proche de celui que
nous fit Freud de la névrose traumatique, ce qui ne veut pas
dire évidemment que le trauma rend compte exhaustivement de la
névrose. Je viens de le dire : Freud expliquait ces névroses par
une action conjuguée du traumatisme et du désir inconscient
préexistant.
(126)Examinons à présent quelques devenirs de filles ayant vécu
le corps à corps incestueux tel que ce devenir apparaît dans le
cadre de cures entreprises avec des psychanalystes.
Jacqueline et le non-savoir
Toutes les filles ayant vécu de telles expériences incestueuses
ne les ont pas éprouvées aussi dramatiquement que Nathalie et
Eva. Certains d'entre vous ont peut-être eu l'occasion
d'entendre des femmes qui, comme cette analysante que
j'appellerai Jacqueline, ont même éprouvé du plaisir en faisant
l'amour avec leur père.
Remarquons cependant que Jacqueline affirme qu'à cette époque,
elle ne savait pas que cela ne se faisait pas. Curieux nonsavoir d'une adolescente lorsqu'on sait combien précocement un
enfant peut avoir l'impression au moins confuse que ça ne se
fait pas avec un papa mais bien avec un chéri pour reprendre
l'expression d'Aline, âgée de 7 ans. Ce non-savoir de Jacqueline
ne serait-il pas une subtile ruse de l'inconscient pour jouir de
ces moments d'amour avec le père car, c'est bien d'amour qu'il
s'agissait entre eux. Chéri et papa tout à la fois, jusqu'à ce
que le papa demande à sa chérie de ne rien dire à maman. C'est
alors que Jacqueline devina qu'il y avait là quelque chose comme
une transgression. Elle s'informa et peu après refusa de céder
aux avances paternelles.
L'expérience de Jacqueline fut donc beaucoup moins traumatisante
que celles d'Eva et de Nathalie, probablement parce qu'existait
ce non-savoir - soit encore parce que le savoir de l'interdit
était efficacement refoulé. Cette hypothèse rejoint
l'affirmation de certains selon lesquels le dévoilement de
l'interdit (ou encore la rupture de la relation incestueuse)
serait bien plus pathogène que l'inceste lui-même - nouvelle
confirmation de (127)l'importance du symbolique et de la théorie
de l'après-coup
16
. Mais un autre déterminant est peut-être
intervenu ici : l'amour du père pour sa fille. L'amour tempère
16J.
BIGRAS, cité par Eva Thomas, ibidem, p. 219 et M. BLEVIS, Un Inceste peut en
cacher un autre, Patio 7, p. 29.
en effet la réduction de la fille à l'état d'objet du fantasme,
cause du désir incestueux paternel.
Cela étant, Jacqueline, devenue femme, s'est elle aussi trouvée
dans l'impossibilité d'entretenir des relations durables avec un
homme et si, au contraire de Nathalie et de Eva, elle ne
rencontra aucun problème de frigidité, il lui est encore
impossible d'accepter l'idée de faire un enfant avec un autre
homme, par fidélité à son père, dit-elle à son analyste.
Remarquons cette petite différence d'avec la clinique
habituelle : une femme conçoit fréquemment un de ses enfants,
souvent le premier, imaginairement avec son père. Dans certains
cas d'incestes réels, tout se passe comme si concevoir un enfant
réel devenait impossible : soit que la pensée s'y oppose, soit
que le réel du corps, lieu de l'Autre disait Lacan, s'y refuse,
fausse couche ou stérilité venant dire cette opposition.
La pseudo-débilité de Anne
Pour Anne aussi, au niveau conscient en tout cas, l'inceste ne
fut pas une expérience très traumatique. Néanmoins, il ne fut
pas sans effet : une profonde pseudo-débilité amena ses
éducateurs à consulter la psychanalyste d'enfant.
(128)Edwidge et l'aveu du père
"Edwidge", qui fut violée avec brutalité par son père, semble
cependant n'en avoir pas trop souffert. Son analyste pense que
si elle est sortie sans trop de difficultés du carcan dans
lequel sont restées enfermées plus d'une autre, c'est qu'un
dialogue a pu s'établir avec son père qui reconnut lui-même sa
faute. On peut concevoir que la Loi fondamentale était ainsi
redite et l'inter-dit par là réinstallé entre le père et sa
fille, par son représentant privilégié, sans que ne doivent
intervenir les policiers, les juges et les lois de la cité avec
les conséquences parfois positives
17
mais dans plus d'un cas
négatives impliquées dans la condamnation du père réel au nom du
Père Symbolique, conséquences négatives bien repérables dans le
récit de Nathalie. Malgré le procès par elle gagné et malgré la
publication de son témoignage, cette dernière est en effet
restée "enchaînée", dans la haine, à son père incestueux.
Geneviève, son père, ses frères et sa soeur
De par sa profession, le père de "Geneviève" est représentant de
la Loi
18
. Il n'a pas eu de relations sexuelles avec sa fille mais
bien une série de comportements, gestes et attouchements, où se
mêlaient violence (129)et sensualité. Les scènes de déshabillage
pour la fessée se poursuivirent jusqu'à l'âge de 18 ans.
Geneviève eut, par contre, de fréquentes relations sexuelles
avec ses deux frères tandis que durant l'adolescence, elle fut
régulièrement masturbée par sa soeur aînée.
17Sur
l'importance de ce repositionnement du Père dans la famille et dans la cité par
le biais d'une décision juridique, on lira les Leçons VII de P. LEGENDRE. Mais les
psychanalystes sont loin d'être tous d'accord sur le bénéfice d'un appel à la justice
pour condamner le père réel. Une des difficultés de cet appel au juridique, me semble
être l'induction d'une confusion entre la théorie psychanalytique et la moralité de la
cité, ce qui la mettrait dans l'impossibilité de poursuivre son éthique spécifique :
permettre au sujet la reconnaissance de son désir inconscient.
18Cas décrit par M. DESCAMPS dans son mémoire de licence en criminologie L'Interdit de
l'inceste fondateur de l'humain (Université Catholique de Louvain, janvier 1989, pp.
107-116). Quant à la profession du père de cette patiente, on se rappellera ici la
remarque de LACAN sur les effets particulièrement ravageants de la "figure" paternelle
dans les cas où le père a réellement la fonction de législateur, fonction qui lui
offre « trop d'occasions d'être en posture de démérite, d'insuffisance voire de
fraude, et pour tout dire d'exclure le Nom-du-Père de sa position dans le signifiant »
(Ecrit, Seuil, p. 579).
Elle s'est adressée à un service de psychopathologie afin de
mettre « mettre de l'ordre dans sa vie chaotique et de trouver
un statut ». Elle essaie en vain d'obtenir un diplôme de fin
d'études secondaires : ses stratégies d'échecs sont évidentes et
efficaces. Depuis le départ de son père, de sa soeur et de ses
frères, elle se retrouve seule avec sa mère. Elle partage son
lit mais seulement pour y dormir : c'est la seule relation
familiale qui échappe à la pratique sexuelle incestueuse. Elle
est amoureuse d'un voisin, mais se découvre incapable d'avoir
des relations sexuelles satisfaisantes : ses inhibitions et sa
frigidité ont amené son amant à mettre un terme définitif à leur
relation. A ces symptômes s'en ajoutent bien d'autres, tout
aussi importants comme un énorme besoin de reconnaissance, une
intense culpabilité, une grande fragilité de son identité.
Une cure psychothérapeutique en face à face est en cours depuis
3 ans. Elle a déjà rendu possible un détachement progressif mais
difficile du lien à la mère.
Essai de synthèse concernant les effets de la réalisation de
l'inceste
On le voit donc, les effets symptomatiques de l'inceste sont
très variés. Il faut aussi constater des variations importantes
dans les circonstances intrapsychiques et relationnelles de ces
traumatismes.
J'ai laissé entendre que, du côté des filles, ces expériences
peuvent survenir sur fond de structures différentes. Etre
réduite au statut d'objet du fantasme paternel doit
nécessairement entraîner des conséquences très différentes sur
la fille hystérique, obsessionnelle, phobique, perverse ou
(130)psychotique. De même, être élevée par son père à la dignité
de l'Objet d'Amour, peut avoir des conséquences différentes
selon la structure psychique de la fille élue. Dans son texte
sur la névrose traumatique, Freud a bien précisé que les effets
du traumatisme étaient très variables, indéterminés et fonction
de la névrose préexistante ainsi que de l'intensité de ses
fixations et des refoulements antérieurs au traumatisme.
J'ai insisté aussi sur la différence de structure chez les pères
réels, autrement dit, sur leur propre rapport à l'Autre maternel
archaïque et au Père Symbolique ainsi que sur les places
respectives de leur amour et de leur désir pour leur fille dans
le corps à corps incestueux. Il est très différent de se
retrouver "victime" une nuit du désir fou de son père ou d'être
des années durant l'objet du sadisme d'un père pervers ou de la
tyrannie d'un père paranoïaque.
Ces Journées étant consacrées au père comme symptôme, j'ai
laissé dans l'ombre l'importance pathogène des réactions de la
mère telles que sa complicité plus ou moins active avec le père,
son refus de reconnaître les faits et le silence qu'elle impose
à sa fille. Ceci ne veut pas dire que la mère n'ait pas une
incidence directe sur l'issue plus ou moins pathogène de cette
expérience. Tout au contraire, bien que moins apparente, cette
dimension de l'expérience me semble tout à fait importante pour
le devenir sexuel de la fille. Ce serait encore un aspect de
cette problématique à développer.
De plus, la nature des relations familiales au sein desquelles
s'inscrivent ces relations incestueuses aura quelques effets sur
ce devenir de la fille. Evoquons simplement les difficultés
supplémentaires de celle-ci lorsque la femme ou les femmes du
père, celles donc auxquelles la fille s'identifie de façon
privilégiée, sont elles aussi réduites à l'état d'objet, soit
encore haïes ou simplement ignorées par le père. Ce qui fut le
cas de la mère de Nathalie.
Enfin, nous ne pouvons pas oublier de prendre en compte cette
relation de la fille au premier objet d'amour, la Mère
archaïque, relation que la fille revit au travers de la relation
au père, et à laquelle elle risque de se retrouver renvoyée et
fixée du fait même de cet inceste paternel.
(131)Si, comme le disait déjà Freud, la relation au premier
objet d'amour constitue pour toute fille la matrice des
relations qu'elle établira avec son conjoint, on perçoit les
dangers qui guettent cette relation conjugale lorsque la fille
se trouve entraînée par un inceste paternel dans une régression
et une fixation à cette relation originaire à la mère.
L'ensemble de ces observations cliniques montre que si les
effets du corps à corps avec le père, de la rencontre de sa
jouissance de corps et de la transgression impliquée sont très
divers, un ensemble commun semble néanmoins se dégager : un
certain nombre de troubles concernant l'identité, une
fragilisation plus ou moins grande de la métaphore paternelle et
donc de l'accès du sujet au symbolique, un attachement amoureux
ou haineux à l'un des parents ou aux deux, une grande difficulté
de toutes ces filles à quitter le giron familial, à s'épanouir
dans de nouvelles relations satisfaisantes ou à devenir mère à
leur tour
19
.
Revenons un instant sur cette affirmation selon laquelle il n'y
aurait d'inceste qu'entre le fils et sa mère.
Ces quelques pas me semblent démontrer le contraire. Néanmoins,
puisqu'aucune de ces filles ne devient psychotiques, ces
quelques destins démontrent aussi que cet inceste père-fille
n'est pas du tout identique à l'inceste archaïque avec la mère
19Le
nombre de cas évoqués ici est encore trop restreint que pour que nous puissions
tirer des conclusions définitives. Par ailleurs, suite à cette communication des
collègues m'ont fait part de cures de femme qui, bien qu'ayant quelques raisons
d'entreprendre une psychanalyse, n'ont pas témoigné des mêmes difficultés dans leur
vie sexuelle, ni dans l'assomption de leur désir incestueux inconscient. De tels cures
devront être examinées avec attention ce qui nous permettra certainement de nuancer
les présentes conclusions et de préciser les mécanismes en jeu.
entraînant chez le fils une forclusion du Nom-du-Père. Cet
inceste archaïque avec la mère n'a d'ailleurs pas besoin d'être
réellement agi pour avoir les effets ravageant que l'on sait.
Dans ce sens, mais dans ce sens seulement, on peut dire qu'il
n'y a d'inceste qu'entre la mère et son fils.
Resterait à clarifier ce qu'il en est de l'inceste mère-fils et
mère-fille à l'adolescence, c'est-à-dire lorsque la structure de
base du sujet (132)est déjà relativement établie. Il me semble
indicatif de la crainte et de l'horreur plus grande qu'il
suscite et de la prévention spontanée qu'il induit que les
recherches sociologiques les considèrent comme extrêmement
rares
20
. D'autre part, l'histoire de Geneviève, déjà évoquée, qui
a transgressé l'interdit incestueux avec son père, ses frères et
sa soeur mais pas avec sa mère, bien qu'elle se retrouve seule
sous son toit, peut-être considéré comme un autre indice de
l'interdit plus catégorique qui affecte l'inceste avec la mère.
Structure du désir, transferts et échec de l'accès à la
castration
Les symptômes présentés par ces analysantes sont donc très
différents. De plus, ils ne sont pas spécifiques des filles
ayant eu des relations sexuelles avec leur père. Ils peuvent,
par exemple, survenir lorsque le père est simplement trop
désirant de sa fille, sans qu'il y ait pour autant passage à
l'acte sexuel. Bien plus, certains de ces symptômes (horreur des
hommes et du sexe masculin, impossibilité d'entreprendre une
relation amoureuse, stérilité... ) peuvent apparaître lorsque le
père s'est montré très distant ou rejetant pour sa fille.
20M.
MOISSEEFF, ethnologue - s'appuyant sur les recherches de MAISCH (1970), STRAUS
(1984) et SCHERRER (1984) - les dit rarissimes (Patio, n°7, p. 139).
Ceci nous oblige à revenir sur la nature du traumatisme
incestueux. Comme je l'ai déjà souligné plus haut, ce n'est pas
l'acte en lui-même qui fait trauma mais plutôt les conditions
dans lesquelles il se déroule : le savoir de l'interdit, la
violence de l'imposition, la présence d'un lien amoureux, le
silence imposé sur l'expérience subie et la structure intrapsychique et intra-familiale préexistante à l'événement.
La première objection m'amène à préciser que l'effet spécifique
du corps à corps semble être la fixation plus grande au désir
(133)paternel, la force plus grande du refoulement du désir, une
violence moins supportable des transferts paternels et maternels
qui s'en suivront, notamment dans les cas où une cure
psychanalytique serait entreprise et surtout un transfert
particulier amenant parfois le psychanalyste, on l'a constaté, à
abandonner la position clinique ou théorique qui devrait être la
sienne.
La seconde objection nous oblige à relativiser encore la nature
du traumatisme et à renouer avec la théorie freudienne
énergétique du trauma. Ce qui fait trauma c'est l'excès de
stimulation accompagné d'une impossibilité de symbolisation.
Ceci permet de comprendre pourquoi le rejet d'une fille par son
père peut être aussi traumatisant que son trop grand désir
réalisé.
Reste encore à élaborer en termes lacaniens les effets d'un tel
traumatisme à propos duquel Charles Melman indiquait brièvement
dans une récente séance de son Séminaire que « si la séduction a
été réelle, elle annule la dimension proprement symbolique (...)
propre à la castration (...). Elle (cette séduction réelle) se
trouve mettre en échec l'accès à la castration en tant que la
castration est le mode d'accès à la jouissance sexuelle »
21C.
21
.
MELMAN, Séminaire 1990-1991, La Nature du symptôme, inédit, Paris, Hôpital Henri
Rousselle, Leçon du 10 janvier 1991.
Que désire une fille quant à son père ?
Essayons à présent de reprendre la question de savoir ce que
désire une fille quant à son père ? Freud disait : elle veut en
obtenir le pénis et, à défaut, elle se satisfait d'un enfant.
Lacan reformule cette réponse en en modifiant assez radicalement
les termes : la fille désire obtenir le phallus du père et un
enfant de celui-ci comme signe de son amour.
(134)La clinique de l'inceste réalisé nous amène à apporter
quelques précisions importantes quant à la compréhension de ces
formules, sur la complexité desquelles nous passons parfois un
peu trop vite. Elles se trouvent, de ce fait, ravalées et
répétées à contresens, sinon dans nos débats, en tout cas dans
le grand public avec certains effets de renforcement du refoulement que je signalais en commençant.
Dans La Relation d'objet Lacan insiste : « Le désir n'est pas un
désir d'objet : il est désir du manque qui dans l'autre désigne
un autre désir ». Il ajoute que « lorsqu'il intervient,
l'analyste substitue un objet à ce "personne" auquel le symptôme
est adressé »
22
. Ne pourrait-on pas dire que le père qui séduit
sa fille ou qui répond à ses entreprises de séduction se méprend
sur la nature même du désir de sa fille ? Ce désir s'adresse la
plupart du temps à un père au-delà du père réel, autrement dit à
un père de rêve, un père imaginaire, un père fantasmatique ou
encore, si vous me permettez d'équivoquer sur les mots, ce désir
s'adresse à un "personne" : un "no-body". Il se trompe aussi le
psychanalyste qui soutiendrait que faire réellement l'amour avec
son père, c'est bien cela que la fille espérait réellement.
D'autre part, Lacan nous a aussi montré que le désir n'était pas
22J.
LACAN, La Relation d'objet, inédit.
appétit de satisfaction, bien plus, que sa satisfaction
entraînait la disparition du sujet du désir. Il nous a de même
sensibilisés au fait que la demande n'était pas demande d'un
objet mais demande d'une présence ou d'une reconnaissance
23
. Ne
peut-on penser qu'il en va de même à fortiori pour la demande et
le désir incestueux ? Il n'exige pas satisfaction réelle et
directe. La satisfaction n'est pas attendue de celui qui a
charge de tenir noué ce désir à l'interdit ni non plus par
l'obtention d'un enfant ou d'un pénis réel, qui n'est dans le
fantasme qu'une représentation imaginaire du phallus, symbole du
manque.
(135)Malgré ses comportements séducteurs qui constituent une
demande de reconnaissance de son existence, de sa désirabilité,
de sa féminité, ce que la fille demande à son père, c'est qu'il
incarne l'inter-dit. Si cet interdit concerne principalement la
relation mère-fille, il concerne aussi dans notre culture les
pratiques sexuelles conjoignant le père et la fille.
Ainsi peut-on comprendre, me semble-t-il, l'horreur suscitée
chez la fille par le contact du sexe du père et l'angoisse
envahissante induite par la survenue des signes indiquant la
conception d'un enfant incestueux. Ainsi peut-on aussi mieux
comprendre, me semble-t-il, la révolte de ces femmes vis-à-vis
de celles qui tentent de les emmener dans leur paradis féminin
ou encore de ceux qui veulent les persuader que c'est bien cela
qu'inconsciemment elles désiraient. Ainsi peut-on enfin
comprendre la contradiction soulignée par plus d'une analysante
entre leurs rêves, voire leurs rêveries incestueuses, et
l'horreur qui les surprend à la lecture de témoignages comme
ceux de Nathalie et d'Eva.
23J.
LACAN, Le Désir et son interprétation, inédit, voir notamment la leçon du 13 mai
59 ; Les Ecrits, Seuil, notamment pp. 690-691.
Pour conclure
Dans la mesure où, comme le disait M. Czermak, nous sommes tous
responsables de notre inconscient, la tâche de se détacher du
père, quel qu'il fût avec elle, incombe à la fille. Elle n'est
pas sans être responsable du choix de poursuivre cette
célébration du père qui constitue le ressort de nombreuses
frigidités, échecs amoureux, homosexualités, haines
revendicatrices et meurtrières contre le père incestueux ou
contre les hommes qui héritent de sa place. C'est à la fille que
revient de décider si oui ou non elle reste attachée
amoureusement ou sensuellement à ce père-symptôme.
Néanmoins les pères réels ne sont pas sans responsabilité dans
le devenir de leur fille, puisque leurs paroles, leurs silences,
leur désir inconscient comme leurs actes ne restent pas sans
effet sur ce devenir. S'il n'est pas le seul à incarner le Père
Symbolique, il en est un des représentants (136)privilégiés. Que
celui qui a pour fonction "d'incarner" la loi oedipienne et de
maintenir le Nom-du-Père "dans sa position dans le signifiant"
se laisse submerger par son désir pour sa fille ou le refoule
névrotiquement ne sera pas sans effet d'emprisonnement, pour
reprendre la métaphore d'Eva Thomas, du désir sexuel de sa
fille. Ces effets sont assurément moins ravageants que l'inceste
mère-fille mais on ne peut cependant les tenir pour inexistants.
Bien plus, une transgression de cet interdit peut rejeter la
fille sans plus de protection dans les bras d'un inceste
maternel tout à fait destructeur.
Les effets pathogènes d'un refoulement névrotique par le père de
son désir pour sa fille, nous incitent à souligner que la
manière la plus efficace d'interdire à la mère « de réintégrer
son produit »
24
consiste à attiser et attirer son désir et à la
faire jouir. De même, la clinique nous enseigne que la meilleure
24J.
LACAN, La Relation d'objet, inédit.
façon de s'interdire sa fille est de désirer une autre femme et
de jouir avec elle, la mère de sa fille par exemple, ou toute
autre femme à laquelle la fille aura, de ce fait, quelques
bonnes raisons de s'identifier et qu'elle pourra de ce fait
idéaliser dans son cheminement vers la sexualité de femme
adulte. Ainsi compris, l'interdit oedipien est donc tout
l'envers d'une invitation policière au refoulement du désir
sexuel paternel
25
.
D'autre part, n'incombe-t-il pas aux psychanalystes de mieux
théoriser ce qui du côté des pères réels, ayant à incarner la
fonction paternelle, peut rendre aux filles cette tâche plus ou
moins difficile voire impossible ? Nous pourrions aussi mieux
théoriser, me semble-t-il, ce qui différencie le fantasme
oedipien et le corps à corps sexuel incestueux. Du côté de ces
pères réels, nous devrions aussi mieux théoriser ce qui peut
amener ces "fils" à ne pas pouvoir ou à ne pas vouloir assumer
cet "office" de père", travail, il est vrai, difficile puisque
peu de père incestueux semblent désireux d'entreprendre une
psychanalyse. Nous devrions aussi, me (137)semble-t-il,
davantage élaborer la remarque de Lacan comme quoi la jouissance
phallique est de peu de poids à côté de la jouissance des corps.
Nous devrions reprendre enfin, je viens de le dire, la théorie
freudienne du trauma dans une perspective lacanienne.
Enfin, l'échec de la cure d'Eva Thomas, ne devrait-elle pas nous
inciter à élaborer davantage les particularités de la direction
de la cure en cas d'inceste réel : difficultés spécifiques quant
au maniement du transfert, particularités des transferts et
"contre"-transferts fréquemment suscités par ses analysantes,
fonctions et effets du silence, moment du passage au divan,
place de la mise en question des faits ou au contraire de la
reconnaissance explicite des faits. Autant de questions que se
25Les
psychanalystes n'ont pas à se faire les policiers du père. Ni policiers, ni
moralistes, ni non plus les complices des pères dans l'abandon de leur fonction ou
dans leur perversion. Leur éthique soulignait LACAN n'est ni la morale bourgeoise, ni
le précepte religieux, ni l'éthique de Sade : c'est à cette condition qu'ils pourront
fonctionner comme psychanalystes (cfr. Le Séminaire, Livre VII).
pose le psychanalyste qui souhaite ne pas en rester à un support
de la revendication souvent associée à ce traumatisme et rendre
possible pour la fille une effective analyse de son désir
incestueux refoulé et l'abandon de son rapport névrotique à la
castration.
Comme quoi la réalisation de l'inceste père-fille rend non
seulement le devenir sexuel de la fille plus problématique : il
nous amène aussi à repenser et à clarifier plus d'un aspect de
la théorie et de la clinique psychanalytique.

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