Le contrat de collaboration libérale et son usage 10 ans après sa
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Le contrat de collaboration libérale et son usage 10 ans après sa
DGE/STCAS/SDESPL/ESPL3 Octobre 2016 Le contrat de collaboration libérale et son usage 10 ans après sa création Rappel de la définition, du contenu et des objectifs du contrat de collaboration libérale L’article 18 de la loi n°2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a étendu un dispositif qui ne s’appliquait en vertu de l’article 7 de la loi de 1971 qu’aux avocats et ainsi refondu le contrat de collaboration libérale. Cette forme de collaboration spécifique, réservée aux professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, permet à un professionnel d’exercer dans un cabinet libéral aux côtés d’un professionnel établi dans la même activité sans avoir le statut d’associé ni celui de salarié. Ce dispositif était souhaité par les ordres et organisations professionnels pour trois raisons essentielles : offrir de la souplesse dans des activités à charges irrégulières, mieux préparer et faciliter l’installation de nouveaux professionnels en exercice libéral, en particulier en constituant leur propre clientèle et in fine permettre des transitions aisées en fin d’activité libérale et . Ainsi, l’article 18 de la loi précitée précise que le collaborateur libéral exerce son activité professionnelle en toute indépendance, sans lien de subordination. Il peut compléter sa formation et se constituer une clientèle personnelle. Un contrat de collaboration libérale doit être conclu par écrit et comporter, à peine de nullité, les clauses relatives à la durée du contrat, les modalités de la rémunération du collaborateur libéral, les conditions d'exercice de l'activité, et notamment les conditions dans lesquelles le collaborateur libéral peut satisfaire les besoins de sa clientèle personnelle, les conditions et les modalités de sa rupture, dont un délai de préavis et les modalités de la suspension éventuelle du contrat. La loi précise bien que le collaborateur libéral est responsable de ses actes professionnels dans les conditions prévues par les textes régissant chacune des professions concernées par le dispositif. L’objet de l’enquête : faire un état des lieux plus de 10 ans après sa création Le dispositif est en place depuis plus de 10 ans. Cette possibilité de collaboration entre professionnels ne s’est pas traduite de manière équivalente dans toutes les professions concernées. Ainsi, le Conseil national de l’ordre des vétérinaires qui a examiné de près la situation au sein de sa profession estime que certains contrats de collaboration libérale répondent à des situations éloignées de l’esprit de la loi de 2005. Ce constat rejoint des pratiques observées chez les avocats, qui ont conduit le juge à requalifier des contrats de collaboration libérale en contrats de salarié. Il est donc apparu souhaitable d’approfondir la connaissance des pratiques relatives à ce contrat audelà des décisions juridictionnelles et des informations diffusées occasionnellement par les médias. Pour ce faire, il a été décidé de mener une enquête au travers de deux questionnaires. 13 professions ont été sollicitées, dont 8 du domaine de la santé (médecin, sage-femme, masseur-kinésithérapeute, chirurgien-dentiste, infirmier, pédicure-podologue, orthoptiste, vétérinaire), 4 du domaine technique DGE/STCAS/SDESPL/ESPL3 Octobre 2016 (architecte, expert-comptable, géomètre-expert, expert foncier, agricole et forestier) et une seule profession du domaine du droit, celle d’avocat regroupant avocats et avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation il convient en effet de rappeler que les officiers publics et ministériels ne sont pas inclus dans le champ d’application du contrat. La méthode d’enquête s’est basée sur deux questionnaires, l’un adressé par courrier aux ordres et organisations professionnels, l’autre accessible en ligne destiné à tous les professionnels 1 – Le questionnaire adressé aux ordres et aux organisations professionnelles : l’ensemble des ordres professionnels des professions concernées, ainsi qu’une trentaine d’organisations professionnelles représentant les professions visées ont été destinataires d’un questionnaire comportant des demandes qualitatives (intérêts du contrat pour la profession, freins à son usage, principales clauses des contrats, évolutions souhaitées) et quantitatives (nombre de contrats signés, durée, type de cocontractants titulaires). Tous les ordres professionnels ont répondu à l’enquête, à l’exception de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle. Des écarts sont apparus en particulier sur les éléments quantitatifs, ainsi, pour certaines professions, le nombre de contrats signés n’est pas toujours connu alors même que juridiquement ils doivent être destinataires d’une copie de ces contrats. Seules 5 organisations professionnelles ont renseigné le questionnaire. 2 – l’enquête en ligne auprès des professionnels en exercice : 11 professions ont participé à l’enquête mise en ligne du 29 mars 2016 au 20 mai 2016 sur le site du ministère de l’économie. Le nombre total de réponse est de 2637 auxquelles s’ajoutent les 1436 réponses via la mise en ligne du questionnaire sur le site de l’ordre des médecins. Ce nombre plutôt élevé au regard d’autres enquêtes de même type est apparu satisfaisant, la population des professions libérales étant difficile à atteindre compte tenu de son éparpillement et de sa diversité. Toutefois, ce taux de participation cache de gros écarts entre les professions sollicitées, allant de 4 répondants géomètres-experts, 25 infirmiers à 735 avocats et 1496 médecins. Aucun conseil en propriété industrielle, ni expert foncier, agricole et forestier n’a répondu au questionnaire en ligne. Par ailleurs, si des éléments de profil du répondant étaient demandés dans le questionnaire, l’enquête ne s’appuie pas sur un échantillon représentatif des professions visées. L’exploitation et la formalisation des résultats s’est effectuée au travers d’un jeu de 10 documents : résultats globaux, résultats établis pour les professions de sage-femme, de chirurgien-dentiste, de masseur-kinésithérapeute, de vétérinaire, d’avocat, d’expert-comptable, de médecin (sur la base de l’échantillon consulté par l’Ordre des médecins), résultats regroupés pour les professions d’architecte et de géomètre-expert ainsi que pour les professions de médecin, d’infirmier et de pédicure-podologue en raison d’un nombre de répondants trop faibles par profession. Les résultats issus des deux questionnaires : Trois sous-ensembles peuvent être identifiés en fonction de l’importance du recours à ce type de contrat : un premier sous-ensemble de professions où le contrat est un outil de collaboration entre professionnels largement utilisé : avocat, chirurgien-dentiste, masseurs kinésithérapeutes, médecin, DGE/STCAS/SDESPL/ESPL3 Octobre 2016 vétérinaire ; un second sous-ensemble de professions où le contrat est utilisé sans constituer l’outil prioritaire de collaboration : sage-femme, infirmier, pédicure-podologue, géomètre-expert ; et enfin un troisième sous-ensemble composé des professions qui ne se sont pas véritablement emparées du dispositif dans leurs pratiques de collaboration professionnelle : architecte, expert-comptable. Pour l’ensemble des répondants (ordres professionnels, organisations professionnelles, professionnels en exercice), les trois objectifs assignés au contrat de collaboration libérale lors de sa création (répondre à des charges d’activités irrégulières, faciliter la transition activité-fin d’activité, insertion de jeunes professionnels dans l’exercice libéral avec constitution de clientèle) sont globalement remplis. Toutefois, l’équilibre entre l’intérêt d’un tel contrat pour les professionnels titulaires d’un cabinet et celui attendu par le professionnel qui exerce en tant que collaborateur libéral est souvent délicat à trouver. Malgré tout l’intérêt porté à ce dispositif spécifique, des limites à son usage et des freins à son extension sont soulignés par l’ensemble des répondants : Freins et limites spécifiques à une ou deux professions : Une méconnaissance du dispositif : la profession d’architecte et celle d’expert-comptable admettent ne pas connaitre suffisamment le contrat de collaboration libérale pour l’intégrer dans leurs démarches de collaboration professionnelle. Cette méconnaissance entraîne naturellement une absence de promotion et de soutien pour ce dispositif ; Outre le contrat de travail, l’existence pour certaines professions de contrats de collaboration ad hoc tel que le contrat de remplacement pour les médecins, le contrat d’assistant libéral pour les masseurs kinésithérapeutes, mieux ancrés dans les pratiques de la profession et semblant présenter un degré moindre de complexité administrative ; Un nombre de professionnels en exercice insuffisant pour satisfaire les demandes de collaboration exprimées par des titulaires de cabinet (masseur-kinésithérapeute, médecins) ; une réactivité insuffisante des instances ordinales lors de demandes d’information ou de déclaration d’un contrat de collaboration libérale qui contribue à ternir l’image de ce contrat (médecins) ; La limite, pour certaines professions, d’un seul collaborateur simultanément par titulaire (chirurgiens-dentistes) ; Une prévention négative à l’égard de ce contrat diffusée par l’ordre professionnel concernant le risque de requalification en contrat de travail (expert-comptable). Freins et limites partagés par l’ensemble des professions sollicitées : Une image défavorable liée à une démarche de contractualisation estimée complexe due en grande partie aux modalités de déclarations et de cotisations fiscales et sociales, aux modalités de calcul de la TVA sur la part de revenu rétrocédée par le collaborateur libéral au titulaire ; DGE/STCAS/SDESPL/ESPL3 Octobre 2016 Des conditions d’exercice jugées trop proches du salariat faisant craindre d’une part un risque juridique de requalification et conduisant d’autre part à une comparaison défavorable avec le contrat de travail ; Des difficultés pratiques de constitution d’une clientèle personnelle. Une séparation insuffisante entre la clientèle appartenant au cabinet du titulaire et celle prise en charge par le collaborateur libéral, la difficulté de disposer de critères clairs permettant d’apprécier les parts respectives de clientèle, et en conséquence de fixer, si nécessaire ou souhaité, un prix de rachat de clientèle constituent, selon les retours de l’enquête, le cœur des difficultés rencontrées par les professionnels en exercice ayant conclu un contrat de collaboration libérale. Selon les résultats de l’enquête, la profession qui soulève le plus de réserves quant à l’usage du contrat est celle des avocats. Une part élevée des avocats collaborateurs libéraux estiment que le contrat ne permet pas de se constituer une clientèle personnelle dans des conditions acceptables et que l’usage qui en est fait par les titulaires s’apparente à un salariat aux conditions de travail dégradées. A contrario, les médecins libéraux titulaires estiment que le contrat est déséquilibré en faveur des collaborateurs libéraux qui n’ont pas à supporter les coûts de gestion d’un cabinet médical. Appréciation global du dispositif et perspectives pour l’avenir Malgré un niveau d’adhésion à ce dispositif contractuel spécifique variable selon les professions interrogées, l’enquête montre que le contrat de collaboration libérale bénéficie globalement d’une reconnaissance positive de la part des professionnels en exercice, et de manière encore plus large par les professionnels qui y recourent. A l’exception du syndicat national autonome des orthoptistes (SNAO), aucun ordre professionnel, ni aucune organisation professionnelle ayant répondu au questionnaire ne souhaite la suppression du contrat de collaboration libérale. Parmi les professionnels en exercice, titulaires et collaborateurs libéraux, le maintien de cet outil est largement souhaité, seule la profession d’avocat demande sa suppression (19 %), à tout le moins une refonte importante (42 %). Sans lancer une refonte du contrat de collaboration libérale, quelques pistes d’amélioration peuvent être envisagées : - L’introduction de sanctions judiciaires en cas de non-respect de clauses au contrat est demandée par 3 ordres professionnels (sur 12) et 4 syndicats professionnels (sur 5). Cependant, une telle évolution nécessite une modification législative et est loin de faire consensus ; - Une majorité d’ordres professionnels (7/12) ainsi que la totalité des syndicats professionnels souhaitent que le statut de collaborateur libéral soit précisé : les ordres professionnels et les syndicats professionnels pourraient être invités à expliquer de manière plus fine chacune des clauses du contrat (modalités concrètes, conséquences pendant la vie du contrat, conséquences à la fin du contrat) ; DGE/STCAS/SDESPL/ESPL3 Octobre 2016 - Un encadrement de la durée du contrat est une proposition qui recueille une moitié d’avis favorables. A noter que le code de la santé publique prévoit une renégociation au terme d’un délai de 4 ans pour les pédicures-podologues (code de déontologie) ; - Pour les clauses sensibles du contrat telles que le développement d’une clientèle propre, l’introduction dans le code de déontologie de dispositions rappelant aux professions leurs obligations pourrait être encouragée ; - Inciter les ordres à mieux s’impliquer dans la diffusion de ce contrat en insistant sur la nécessaire confiance entre les co-contractants ; - Sensibiliser les URSAFF à ce type de contrat afin d’éviter les contrôles avec menaces de requalification ; - Un dialogue plus spécifique pourrait être engagé auprès du Conseil national des barreaux afin de mieux analyser les raisons du fort mécontentement exprimé par les avocats collaborateurs libéraux et, le cas échéant, produire des recommandations à l’attention des cabinets d’avocats, ceux-ci ayant recours de manière assez systématique à ce type de contrat pour insérer un nouveau professionnel dans leurs équipes.