1 - La génèse de l`idée d`Europe
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1 - La génèse de l`idée d`Europe
CITOYENNETE, EUROPE et FRANC-MAÇONNERIE • Réflexions sur la constitution de la République et de l'Europe • Quelles sont les conditions conceptuelles et historiques qui ont permis l'émergence d'une sorte de "philosophie de la république" ou encore d'une "citoyenneté européenne" ? • Au demeurant rapprocher les notions d'Europe et de citoyenneté ne va pas de soi" • Citoyen européen" ? l'expression a-t-elle un sens? • Quelle part la F.M. (à partir du 18ème siècle) a-t-elle pris dans cette genèse ? • Quelles sont les catégories à travers desquelles s'est construite la double notion "d'Europe" et de "citoyen" 123- la source républicaine antique l'idée chrétienne de l'Europe le concept de puissance et de souveraineté 4la notion de droit 5l'idée de tolérance puis de laïcité 6les idées de peuple, de nation et de cosmopolitisme 7- l'émergence de l'idée de "citoyenneté européenne" I la source républicaine antique II L'Europe et la chrétienté Nous lui devons: 1- un héritage artistique, intellectuel, architectural, musical 2- premiers développements de la technique: le fer à cheval, le moulin à eau, la boussole, le gouvernail, le collier de cheval, l'horloge mécanique, le canon, la caravelle 3- l'idée d'un dynamisme conquérant 3.1. la conquête de la nature 3.2. la confiance en la raison humaine malgré la Révélation 3.3. la naissance (lente) de l'idée de progrès: les nains et les géants… 4- les premiers éléments du droit 4.1. l'autonomie des collectivités locales et les communes 4.2. la défense des franchises 4.3. la règle de la majorité 5- les Universités européennes 5.1. les grandes Universités européennes: Paris, Bologne, Louvain, Oxford, Cambridge, etc… 5.2. les facultés des "arts libéraux" par oppositions aux arts mécaniques 5.3. la passion pour "la dialectique": la "disputatio"… 6- Unité et diversité européenne 6.1. l'Europe se sent une 6.2. la puissance du lien religieux 7- L'éclatement de l'unité 7.1. la crise de l'Eglise 7.2. la France a perdu de son influence et de son crédit III Puissance, souveraineté et Etat (16 ème siècle) L'Etat moderne a été successivement • un état de justice • un état de finance • un état de police • un état de providence I la formation des droits d'Etat, de droit, de pouvoir et de souveraineté La théorie de l'Etat moderne se constitue entre le 16ème et le 17ème siècle (on ne saurait parler sans confusion d'Etat au Moyen-Age) Il s'agit de savoir ce que signifie le mot de "souveraineté" Débat idéologique sur la nature de l'Etat moderne dont l'enjeu est la souveraineté… La souveraineté c'est le droit de l'Etat et réciproquement. L'Etat moderne n'est • ni seigneurial La puissance n'est pas une propriété. Le droit public n'est pas une émanation du droit privé. L'homme n'est ni esclave ni chose, mais liberté, sujet, individu. • ni impérial La dimension la plus haute de l'Etat moderne n'est pas militaire mais législative. Le résultat en est l'acceptation du caractère historiquement déterminé et limité des Etats, la reconnaissance de leur finitude qui les inscrit dans le temps. Si la société politique et l'Etat n'ont plus d'origine divine, c'est qu'ils dérivent d'un événement singulier. (Obligation, pacte). Conséquence : assujettissement du pouvoir à la loi et bientôt déploiement des droits de l'homme. La loi c'est la construction de relations humaines viables dans le temps. Le problème du pouvoir en Occident est de savoir quel est le sujet du pouvoir ? (qui est le détenteur du pouvoir ?) Que signifie exercer le pouvoir quand celui-ci est défini comme pouvoir souverain? • Tous les conflits entre le Pape et l'empereur sont les conflits de deux puissances et supposent une conception théocratique du pouvoir. • Personne ne pense que la puissance soit de l'ordre du profane: il s'agit de savoir qui du pape ou de l'empereur est institué par Dieu. Au contraire, la souveraineté suppose une conception entièrement laïcisée du pouvoir comme puissance seulement profane. Le 16ème siècle commence à fournir la réponse avec la notion de souveraineté. L'obstacle qui empêchait de trouver la solution était que le pouvoir est divin. A partir du 16/17ème siècle, le prince apparaît comme étant à lui-même son propre principe: il a lui-même sa légitimité. La notion de l'Etat souverain a consisté à ramener à l'unité les deux éléments de tout pouvoir: le principe de la puissance et la forme de son exercice. La notion de souveraineté est l'élément théorique, le milieu ou principe et exercice du pouvoir sont ramenés à l'unité. La souveraineté délivre une conception entièrement laïcisée et profane du pouvoir. Dieu n'est plus appelé comme fondement et du même coup le principe du pouvoir est ramené si l'on peut dire de l'extérieur à l'intérieur. Il s'agit d'une conception immanente de la puissance qui trouve alors sa propre légitimité et sa propre justification. L'exécution du pouvoir, autrement dit, l'exercice de l'autorité, ne dépend de rien d'autre que d'elle-même; La souveraineté requiert l'absolue autonomie tant théorique que pratique: le sacré n'appartient plus à la définition du pouvoir en tant que pouvoir souverain. Le pouvoir ne dépend désormais que de lui-même. II Autonomie de la puissance profane Le droit, la politique s'occupent désormais des choses terrestres. C'est dans l'œuvre de Marsile de Padoue: ("le défenseur de la paix" 1324) que l'autonomie du politique est pensée pour la première fois : • les hommes se réunissent en communauté pour subvenir à leurs besoins. La société civile existe donc pour ellemême et par elle-même. • la société permet aux hommes de vivre à l'abri du besoin. Ce qui veut dire produire des objets nécessaires et échanger ces mêmes objets. Le principe de la société n'est pas ailleurs qu'en elle-même. • c'est l'existence de la loi qui donnera lieu à l'existence de la totalité sociale. Sans loi, pas de société. • la fonction du prince sera d'exécuter et de faire exécuter la loi pour préserver l'ordre de la totalité. • l'origine de la loi réside dans "le peuple" dit Marsile c'està-dire dans l'ensemble des membres de la société. • bref, le peuple est législateur et le prince est (simplement) le bras qui exécute la loi. III Puissance et légitimité 3.1. du Prince au Souverain Ainsi les conditions de l'Etat moderne (de droit) se précisent. La puissance c'est ce qui fait la spécificité du pouvoir d'Etat quand celui-ci se définit par la souveraineté. Qu'est ce qui caractérise cette puissance? C'est qu'elle est à elle-même son propre principe de telle sorte qu'elle est théoriquement définissable comme pouvoir "absolu". Etant admis qu’"absolu" ne signifie pas "tyrannique". La notion de puissance renvoie donc à ceci que l'Etat est légitime ou plutôt qu'il est la légitimité. Au 17ème siècle le Prince sera l'unité de puissance et de pouvoir. Dès lors que le peuple – ou encore la volonté générale comme on dira à la fin du 18ème siècle – remplacera le prince (historiquement la Révolution française dans les journées de juin/juillet 89) nous aurons la même identité: le peuple ou la Nation – ou la volonté générale – auront la puissance et le pouvoir. Ce qui signifie que le Droit émane de l'Etat mais inversement les individus ont aussi des droits (le droit naturel et les droits positifs). Il est bien évident que tout le problème, toute la difficulté sera de concilier les deux: il n'est pas excessif d'affirmer que tous les débats ( théoriques et pratiques) du 19ème et 20ème siècle porteront sur la possibilité de cette conciliation: socialisme et/ou libéralisme seront les deux concepts qui porteront ces deux exigences. Bref, la puissance de l'Etat peut donc être ainsi caractérisée: la multiplicité des pouvoirs (armée, police, justice) a pour condition et pour principe l'unicité de la puissance. C'est là la caractéristique de l'Etat souverain. Réunir en lui sous sa volonté une la sphère de la vie politique, réfléchie une fois pour toutes comme activité profane. 3.2. la formation de l'Etat souverain: Machiavel Pour Machiavel ("le Prince") la politique sera définie comme l'institution de l'Etat. Elle consiste à instituer un ordre et elle ne vise aucun bien qui la transcende sinon la paix et l'honneur. La légitimité n'est plus un préalable à l'action historique: elle en procède. La légitimité résulte de la conquête même. La souveraineté est donc présente: il reste à la définir. On le voit c'est peu à peu la figure du Léviathan qui se dessine… Machiavel n'est pas parvenu à analyser la notion de souveraineté. Son objet est plus le Prince que l'Etat même si le Prince est fondateur de l'Etat: la question de l'Etat est simplement envisagée sous l'angle de son fondateur. 3.3. l'Etat moderne et le Léviathan 3.3.1. Bodin/Grotius C'est Bodin ("la République") qui va étudier le premier l'idée de souveraineté; pour lui, la souveraineté est bien moins ce qui caractérise l'action du Prince que ce qui définit l'Etat La souveraineté appartient au concept de l'Etat et il s'agit de bien distinguer la souveraineté de celui qui l'exerce. La puissance souveraine existe en elle-même ; c'est par elle-même que l'exercice effectif de l'autorité est possible. La puissance existe avant même de s'exercer et la notion d'obéissance est préalable aux institutions qui la rendent possibles. C'est Grotius qui va être le véritable fondateur de ce qu'on appellera le droit politique: propriété, contrat et nature humaine vont se distribuer le privilège de mettre en perspective la puissance souveraine. Il va réfléchir sur le statut du sujet de droit à l'intérieur de la souveraineté moderne. La souveraineté existe indépendamment de celui qui l'exerce. La puissance subsiste par soi. Deux éléments vont constituer le fondement de l'Etat: la nature et la loi. 3.3.2. Hobbes C'est Hobbes qui va se charger de donner corps à ces notions: le Léviathan c'est-à-dire l'Etat moderne. L'idéologie de la souveraineté comme puissance profane est une idéologie volontariste du pouvoir d'Etat. La loi et le droit deviennent les moments constitutifs de l'Etat. La nature est à la fois négation de l'Etat et le plus sûr indice de sa nécessité: elle est le mythe qui en compagnie de son corrélat – la loi – structure l'existence étatique de la puissance. Ce sera le rôle de l'Etat de restaurer ce que la nature est impuissante à garantir: le droit naturel de chacun à la vie. La vie politique c'est-à-dire la vie sous la protection du Leviathan est donc comprise comme étant la vie naturelle moins la mort. L'Etat est alors une création artificielle. 3.4. la légitimité du rapport commander/obéir Il est donc légitime de commander Mais est-il légitime d'obéir ? Ce sera la question de Rousseau… IV La notion de Droit I Le Droit Naturel L'expression "droit naturel" est certes classique. Elle remonte fort loin. (Déjà Aristote parlait de "justice naturelle" et de "justice légale" dans l'Ethique à Nicomaque). Mais son ancienneté ne saurait masquer l'ambiguïté essentielle du terme. Certes, on oppose le droit naturel au droit positif. Et, à vrai dire, le juriste ou l'historien ne connaissent que des droits positifs (dans quel code seraient écrits ces "droits naturels) (1) L'expression "droit naturel" a donc un sens essentiellement philosophique ou plus exactement elle présuppose une conception anthropologique (surtout développée au 17ème et 18ème siècle). Notre thèse consistera donc à montrer que "le droit naturel" subit un véritable retournement de sens en passant de l'antiquité aux temps modernes et que le centre de ce retournement est Hobbes ( et Locke). L'aboutissement de la notion de "droit naturel" sera la déclaration des droits de l'homme et du citoyen (2) Toute la question est de savoir si ce "et" vaut équivalent ou adjonction. Autrement dit, la Révolution (= la démocratie) réaliset-elle les droits naturels qui trouvent à s'accomplir dans l'Etat ou bien subsiste-t-il une tension entre droit naturel et droit positif (tension dont la Révolution française est le témoin voire la victime)(3) Quoiqu'il en soit de la réponse à cette question, on comprend que l'essentiel de ces remarques portera sur les 17ème et 18ème siècle ( Hobbes, Spinoza, Rousseau & la Révolution française). A) LE DROIT NATUREL CLASSIQUE Première remarque: dans la mesure où le droit est une construction c'est-à-dire qu'il n'est pas donné et qu'il s'oppose à la nature (= le fait brut). Le droit suppose que les hommes veuillent construire des rapports de droit, bref en aient la capacité et la volonté. Le droit suppose donc pour être théorisé que les hommes soient pensés en rapport avec leur essence (= leur définition): la liberté. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner si la pensée classique (grecque) ne parvient pas à penser le droit mais l'idée de Justice (ce qui n'est pas la même chose). Plus exactement, le droit politique ne prend sa signification que par rapport au Cosmos hiérarchisé et finalisé. Telle est la position des philosophes (à l'encontre de celle , plus "conventionnaliste"des Sophistes). Il serait contre-nature que les hommes soient égaux et que la démocratie soit la traduction politique de cette hiérarchie (c'est un thème commun aux philosophes que d'insister sur la différence entre égalité mathématique et égalité géométrique). Droit naturel oui! Mais droit inégalitaire à l'instar de l'ordre cosmique. Aussi la Justice sera harmonie chez Platon (harmonie dans l'homme, harmonie dans la Cité) et proportion entre les biens à distribuer et les mérites à récompenser chez Aristote. Les Pères de l'Eglise, quant à eux, ne parviennent pas à sortir de l'aporie suivante: les hommes sont métaphysiquement égaux (= fils d'une même Dieu) mais politiquement inégaux. Le recours à la notion de "bien commun" ne permettra pas de résoudre cette contradiction Ainsi donc, le droit naturel classique revêt – pour aller à l'essentiel – la signification d'une Justice humaine réplique de la hiérarchie et de l'harmonie du Grand Tout. Le droit naturel n'est pas lié à la définition de l'individu (comme agent libre) mais à celle d'une proportion à l'image de la divine proportion. B) LE DROIT NATUREL MODERNE A) son apparition suppose plusieurs conditions : 1- la rupture de la conception finaliste du Cosmos. Deux moments illustreront cette rupture: 1.1. le nominalisme d'Occam: les Universaux sont de pures fictions. N'existent que des réalités individuelles, séparées. La société n'est pas naturellement organisée. Elle suppose une (libre) volonté de "vivre ensemble": au 18ème siècle on parlera de "Contrat". 1.2. l'apparition du mécanisme de la nature. La nature ne poursuit pas de but. Elle est rapport (mécanique) de forces. Le droit est donc spécifiquement un artifice humain. On aura reconnu la thèse de Hobbes qui lie d'une manière tout à fait nécessaire le mécanisme naturel et l'artificialisation humaine. 2- une réflexion sur la nature humaine. C'est la découverte d'autres civilisations qui va être à l'origine de cette réflexion. Les Indiens sont-ils des "humains" et ont-ils les mêmes droits que les Occidentaux? Les théologiens de Salamanque vont mettre ces réflexions au centre de leur interprétation: l'humanité forme un tout moral. L'aboutissement de ces recherches en sera Kant et le respect dû à chaque être moral c'està-dire libre et raisonnable. 3- la découverte de l'autonomie de l'ordre politique. 3.1. Machiavel – bien qu'il ne traite pas du droit naturel est probablement le premier à avoir pensé (sans toutefois le théoriser) la spécificité du politique. Ni fondement religieux, ni dépendance par rapport à un Bien métaphysique mais création d'un ordre tel qu'il permette de vivre en sécurité, dans la dignité et la "virtu": tel est le but du politique et c'est à cette instauration que doit concourir l'action du "Grand Caractère" ( le Prince) 3.2. progressivement, on s'achemine donc vers une laïcisation du politique dont la seule finalité est de créer les conditions d'une vie bonne entre les hommes. Marsile de Padoue puis Bodin en sont les deux moments essentiels. 3.3. enfin peu à peu se déploie l'idée du Souverain. Dès le 17ème siècle, tout est en place pour que le Souverain soit. Restera simplement (?) à remplacer la personne du Prince par la figure du Peuple: ce sera l'œuvre de 1789. B) trois thèmes vont permettre l'établissement d'une théorie du "droit naturel" 1- l'individualisme possessif : 1.1. l'homme est propriétaire de son propre corps. Cette affirmation va devenir un des fondements du droit ("habeas corpus). 1.2. mais étant maître de son corps, il est aussi maître du travail qu'il fournit avec ce corps donc maître des produits du travail. De là, la justification de la propriété (de soi & des biens). C'est Locke qui mettra au point ce système. 2- le droit naturel de communication et de société entre les hommes. Chacun a le droit d'aller chez les autres et de faire du commerce. L'aboutissement en sera la formulation du droit cosmopolite chez Kant. (4) 3- enfin, la sociabilité va jouer un double rôle: il ne s'agit plus de la sociabilité spontanée de la tradition aristotélicienne mais d'une dimension sociale fondée sur le droit subjectif. Par ailleurs il faudra rendre compatibles l'idée de communauté humaine et celle d'Etat national. C) tout est donc prêt pour Hobbes. Sans vouloir ici retracer les principaux thèmes de l'auteur du Léviathan, signalons cependant que tout pour lui part d'une analyse de l'homme naturel ( c'est-à-dire définitionnel) désigné tout à la fois par sa force, son appétit de gloire, sa capacité à envisager ( à calculer) le futur et surtout par sa peur de la mort violente. C'est cette dernière caractéristique qui va constituer la possibilité du passage à l'Etat. Somme toute, l'Etat c'est l'assurance-vie ou si l'on veut l'assurance contre la mort (violente). L'homme (au sens anthropologique) a un droit naturel à la vie et quelle que soit la forme du Souverain, celui-ci n'a en aucun cas le droit d'attenter à ce premier droit naturel de l'homme. Bien mieux, il doit le protéger. C'est dire que la grande révolution de Hobbes a consisté à mettre l'accent sur le plan jurislateur. Résumons-nous: il est vrai que l'expression "droit naturel" est ambiguë. Elle pourrait tout aussi bien signifier la loi de la nature c'est-à-dire la force, la lutte (il est "naturel" que "les gros poissons mangent les petits" comme l'écrira Spinoza). Mais, une telle loi de la nature n'est pas humainement viable. A l'horizon, il y a "la guerre de tous contre tous". C'est bien pourquoi, il y a un autre sens du « droit naturel ». La loi de nature est ce qui dans le sujet fonde sur la nature humaine les lois positives. Le droit naturel est, selon la définition qu'en donne Hobbes, la liberté de chaque homme de se servir de sa puissance à son gré pour préserver sa nature et sa vie. Si les individus n'ont pas tous les mêmes forces, ils ont tous le même droit à la vie. Et celui-ci est inaliénable. C'est dire que les droits naturels ne disparaissent pas lors de l'entrée dans l'Etat et qu'en tout cas l'Etat doit respecter la vie et les croyances privées des individus. On est donc loin des thèses qui feraient de Hobbes le fondateur du totalitarisme. On voit bien l'aboutissement de cette théorie des droits naturels. Ce seront la liberté et l'égalité, les maîtres-mots de la Révolution française. Le droit naturel est donc propre à l'individu. Il résulte d'un faisceau de forces et se présente comme un pouvoir inhérent à la nature humaine. Il appartient à l'individualité de chacun. Il définit la sphère de sa liberté et implique l'usage volontaire des forces du corps ou de l'esprit impartie à l'être humain. Mais le paradoxe de ce droit individuel de nature est qu'il n'est pas du droit. Il ne possède aucune connotation juridique. Ce droit est pouvoir, force ou liberté. A-juridique ou anté-juridique, dépourvu de juridicité, le droit naturel est une force qui va dans le sens de la vie. C'est parce qu'il y a une collision constante entre la guerre universelle et le droit naturel que ce droit naturel finit par se révéler impuissance. D'où le passage à l'état civil par la médiation du pacte. Désormais le pouvoir de légiférer est créateur de droits. L'essence de la souveraineté est de substituer à l'anomie prépolitique des règles juridiques dont le caractère obligatoire ne saurait être violé sans que des sanctions civiles ne soient encourues. Telle est la révolution juridique énoncée par Hobbes. Le droit du citoyen est médiatisé par la puissance législative du Souverain. Les droits positifs du Souverain sont l'effet de l'œuvre législative du Souverain (quelle que soit la nature de ce Souverain…) D) tout est-il dit avec Hobbes? Certes, non! Il faudrait avant lui citer Grotius et sa nouvelle définition du droit fondée sur l'individualité et surtout après lui s'arrêter sur les thèses de Rousseau. Celui-ci comprenant les ambiguïtés de la notion de "droit naturel" (cf. préface du 2ème Discours) va proposer une autre méthode pour déterminer sa nature: analyser l'homme à l'état définitionnel (de nature). Seules, la pitié et la perfectibilité caractérisent cet homme. Le droit naturel consiste donc dans la conservation de soi et la pitié qui précède toute réflexion; ce droit naturel est comme rétabli par la raison instituée par le pacte. A partir de là, le sens du Contrat se lit aisément: le Contrat est la réalisation du droit naturel par l'édification de la notion de Souveraineté. Quant aux droits naturels, ils ne sauraient être éliminés par le passage au droit positif ni par l'entrée dans le corps politique. A cet égard, la phrase du Contrat social nous semble résumer toute la pensée de Rousseau mais aussi toutes les difficultés:" Outre la personne publique, nous avons à considérer les personnes privées qui la composent et dont la vie et la liberté sont naturellement indépendantes d'elle. Il s'agit donc de bien distinguer les droits respectifs des citoyens et du Souverain et les devoirs qu'ont à remplir les premiers en qualités de sujets, du droit naturel dont ils doivent jouir en qualité d'hommes…" (C.S. III) L'idée est donc claire: il subsiste une différence entre droit naturel et droit positif; autrement dit le citoyen (et l'Etat) n'absorbent pas l'homme tout entier. Rousseau n'a rien avec voir avec le totalitarisme. Il est vrai que Rousseau ajoute tout aussitôt:" On convient que tout ce que chacun aliène par le pacte social de sa puissance, de ses biens, de sa liberté, c'est seulement la partie de tout cela dont l'usage importe à la communauté, mais il faut convenir aussi que le Souverain est seul juge de cette importance." Nous sommes au cœur du problème et c'est à partir de là qu'on pourrait tenter une comparaison entre Hobbes et Rousseau. (9) E) On comprend que l'aboutissement de la réflexion sur le droit naturel (mais il était nécessaire de passer par cette démarche anthropologique) ne puisse être que la proclamation des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Triple orientation de cette déclaration : 1- les personnes ont des droits c'est-à-dire une volonté capable de s'affirmer dans la reconnaissance d'un ordre tel que le libre arbitre de l'un puisse s'accorder avec le libre arbitre de l'autre. 2- chacun est au même titre que les autres sujets de droit. En d'autres termes, chaque homme vaut tout homme. C'est la notion de valeur ou de dignité (cf. Kant) 3- la loi est là pour protéger les droits. Elle est elle-même une expression du droit. Conclusion Certes, tout n'a pas été dit. Il faudrait comparer - voire opposer- bel exercice d'école – les inspirations philosophiques qui sont à l'origine des révolutions américaines et françaises. Insister sur la dialectique entre droit positif et droit naturel. Et surtout s'interroger sur l'antinomie qui est au cœur de 1789; d'une part l'Etat est la source du droit effectif et d'autre part l'homme a des droits naturels que l'Etat doit respecter, protéger .…ou que l'homme doit protéger contre l'Etat. Toute la suite (libéralisme et/ou socialisme) est contenue dans ces difficultés Mais ceci – comme dit le narrateur – est une autre histoire. II les droits du citoyen (fin 18 èm e siècle) : a) la notion de droit : On comprend que la Révolution française ait inscrite au premier plan de ses préoccupations l'énoncé des droits (et non pas comme certains constituants le posaient des droits et des devoirs) de l'homme. L'homme a des droits: voila la bonne nouvelle que l'assemblée annonce au monde – de même que Saint Just s'écriera "le bonheur est une idée neuve en Europe…" Toute énonciation des droits suppose une conception de l'homme et celle de 89 s'articule essentiellement autour de la liberté et de l'égalité (en dignité et en valeur). La liberté est l'expression du libre arbitre fondamental de l'homme (on ne s'étonnera pas que Kant soit dans le même temps le premier à analyser philosophiquement et la liberté et le droit et aussi à réfléchir sur la R.F.). Par ailleurs tous les hommes sont égaux en droit. Le seul fait d'être homme est ce qui est commun à tous. Chacun est donc au même titre que tous les autres, sujet de droit. Si je dis que l'homme est libre en droit, je donne à toutes les fonctions de son être un caractère de droit. Il a des droits en tant qu'homme. La loi est là pour protéger les droits. Elle est en même temps une expression du droit. Avant de se demander si une action est bonne ou utile, il s'agit de savoir si elle est légitime? C'est en cela que consiste le caractère universel du droit. b) les droits de l'homme et les droits du citoyen : Les droits : origine et généralités: • égalité: origine: Las Casas: les Indiens ont des "droits" donc..: les hommes sont égaux. • sécurité: importance de Hobbes. • liberté: Spinoza et toute la tradition hollandaise. Puis Rousseau. • la propriété : Locke. • aboutissement: la déclaration des droits de l'H. • la révolution: Hobbes + Locke + Spinoza + Rousseau. La liberté des sujets va de pair avec la citoyenneté. Le droit du citoyen est médiatisé par la puissance législative du Souverain. Les droits du citoyen sont l'effet substantiel de l'œuvre législatrice du citoyen. On comprend que le premier acte révolutionnaire ait été de déclarer l'existence de droits. C'est par le recours à un principe juridique que liberté et égalité sont dites constitutives. L'homme est un citoyen comme le dit fortement le texte de 89. Certes, la liberté et l'égalité existent par nature; elles sont le fait de l'homme en tant qu'homme – mais c'est aussi dans la vie politique que ces caractéristiques intrinsèques sont garanties, étendues et sauvegardées. Ce qui est en vertu de mon droit naturel ne peut prendre corps et exister pleinement que dans le cadre d'un droit politique. L'homme n'est homme que s'il est citoyen (c'est là l'option démocratique). L'homme est un sujet naturel de droit: il existe donc des droits de l'homme. La force de ce droit tient dans ma liberté absolue. D'où conséquence "le droit de résistance". L'aboutissement de ce droit naturel à la liberté sera naturel selon la formule attribuée à Saint Just: « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Le règne du droit est le signe de la démocratie. L'avènement de la liberté est corrélativement l'avènement de l'homme. L'humanité apparaît donc comme une fin à réaliser (Kant). Quant au peuple, il est le mode d'existence de l'humanité. Un homme vaut un autre homme; et c'est cela qui fait son droit. J'ai le droit d'échanger avec un autre; j'ai le droit de m'engager dans des contrats. Je suis libre à condition que mon voisin, mon "proche" le soit aussi. L'égalité suppose la liberté. C'est le thème de la reconnaissance qui va être au centre de la politique hégélienne c) la représentation Critique de la représentation chez Rousseau: démocratie directe… La naissance de l'idée de représentation: - les anglais - le libéralisme: la lente progression de la démocratie représentative au 19ème siècle d) la volonté générale : les difficultés de la notion de "volonté générale" chez Rousseau Volonté générale et volonté de tous… Passage des "droits de l'homme" et des "droits du citoyen" à l'idée de nation… V la tolérance La tolérance concerne d'abord la relation entre religions On peut avancer trois propositions (cf. C. Kintlzer) 1- personne n’est tenu d’avoir une religion plutôt qu’une autre 2- personne n’est tenu d’avoir une religion plutôt qu’une autre plutôt que pas du tout 3- personne n’est tenu de n’avoir aucune religion Pour garantir ces 3 propositions, il faut qu’un Droit commun règle la coexistence des libertés et il est préférable, il est même nécessaire, que les choses relatives à la croyance restent privées et qu’elles jouissent des simples libertés civiles. Il n’y a pas de discours direct de la loi sur les questions religieuses sauf lorsqu’il y a interférence avec le droit commun (ex. excisions) Cela veut dire que la loi n’a pas tous les droits et ne peut parler de tout. Le magistrat ne peut ordonner de croire ou de ne pas croire. La tolérance renvoie tantôt • au respect et à la dignité de la personne humaine • tantôt aux rapports politique à l’intérieur de l’état de droit • mais elle concerne aussi les rapports entre les civilisations Elle se situe entre l’intolérance et l’intolérable (cf. P.Ricoeur) Quelques problèmes soulevés…. - sur quoi porte la tolérance » ? les idées, les hommes ? - majorité et minorité - tolérance, respect, reconnaissance et amour - la tolérance, le tolérable et l’intolérable - « pas de liberté pour les ennemis de la liberté » - penser la tolérance implique qu’on en mesure les limites et qu’on en évalue les obstacles - soutenir une tolérance sans limite aboutit à détruire la tolérance - on respecte la loi, on ne la tolère pas - on tolère les opinions d’autrui mais on respecte les personnes - la tolérance se fonde sur des dispositifs institutionnels et/ou moraux - le pluralisme: valeur démocratique liée à l'idée de tolérance Prologue : les conditions de possibilité de la notion 1- penser l’idée d’humanité ce qu’il s’agit de traiter symboliquement par la tolérance c’est la vérité de la scission, de la division, de la différence. Que l’harmonie ne soit ni un âge d’or, ni le résultat à venir de quelque processus nécessaire et encore moins l’effet d’une concurrence libérale. Que l’autre ne soit ni le mort potentiel, ni l’esclave qui acquiesce aux valeurs de son maître, que la société enfin ne soit pas la belle totalité…mais il y a de l’hétérogène, de la différence, de l’incompréhensible : voilà ce qui suscité l’attitude de rejet, de peur, d’exclusion…La tolérance est l’effet secondaire d’une conscience qui échoue à reconnaître l’altérité. C’est l’idée même d’humanité que la tolérance exige de penser… Il y a un différences. « monde commun » où coexistent des 2- relativisme Admettre, respecter…A–ton vu un vaincu « tolérer » son vainqueur ? Pour le faible, il ne s’agit pas de tolérer mais d’obéir… Tolérer une opinion n’a jamais été un principe philosophique ni épistémologique…Le droit à l’erreur est une imposture… Même choses pour le relativisme moral : au nom de quelle éthique faudrait-il respecter une conduite qu’on sait être mauvaise…Tolérer les opinions au nom d’une prétendue morale permissive revient bien souvent à l’aveu d’un indifférentisme réel. Si toutes les opinions se valent, elles se rejoignent dans la nullité normative… 3- diversité culturelle : le dehors, le dedans : Autre problème concernant les groupes humains de cultures différentes. L’aspiration d’une communauté déterminée à être reconnue dans sa différence procède souvent d’une oppression subie dans le passé. Mais le refus de l’assimilation aux normes de la société dominante produit également un effet d’intolérance à l’intérieur d’un groupe dominé qui serre les rangs autour d’une identité réelle ou fantasmée. Expression d’un fanatisme plus ou moins explicite : rejet de l’autre extérieur, terrorisme envers l’autre intérieur… Les grands moments de l’histoire de la tolérance : C’est une idée moderne (n’apparaît pas dans l’Antiquité quoiqu’en dise Voltaire…) 1- la tolérance entre les religions comme garant de la paix civile 2- la tolérance comme conséquence de l’impossibilité métaphysique 3- la tolérance et les droits de l’homme 4- la tolérance et la laïcité républicaine 5- la tolérance et la coexistence entre les communautés culturelles On est passé d’une première phase de la tolérance (celle de la constitution de la modernité) avec l’affirmation de la souveraineté de l’Etat, l’exigence d’autonomie de l’autorité politique sur toute autorité ecclésiastique à une seconde phase marquée par l’affaiblissement de l’Etat national, le retour du religieux, le développement d’une économie mondialisée. Mais un problème demeure cependant : celui de la coexistence entre les hommes. - la tolérance est un problème à résoudre dès lors qu’il y a pluralité. I la réforme et l'humanisme - de l’Occident chrétien à l’Occident libéral. - depuis Constantin le christianisme est religion d’Etat : un roi, une loi, une foi. - le développement de la tolérance en Occident a eu plusieurs causes: a) le mercantilisme : circulation des biens mais aussi des idées. cf. Max Weber : capitalisme et protestantisme. b) le Pape et l’Empereur qui détient la véritable souveraineté ? c) les Guelfes et les Gibelins d) Florence et Machiavel Traiter les affaires humaines avec des yeux humains - le protestantisme a) la révolte contre le papisme : pour la première fois une « hérésie » dure et s’établit…de là le problème de la tolérance entre religions b) la diversité religieuse apparaît à l’intérieur même de la chrétienté et non plus à l’extérieur… c) les guerres religieuses d) les lectures plurielles de la Bible e) les communautés religieuses - - - f) comment l’Etat va-t-il pouvoir organiser une pluralité en matière religieuse ? « nous et les autres » b) la découverte de l’Amérique (1492) un « autre » monde… « qui » sont-ils ? c) le problème de la colonisation 1- les Indiens ont-ils une âme (la controverse de Valladolid) ? 2- Las Casas Contre l’exploitation « inhumaine » des Indiens d) universalisme et tolérance 1- Montaigne (« les cannibales ») 2- Juxtaposer des relativismes ou passer à l’universel ? « l’édit de Nantes » a) signé en 1598. déclaré « irrévocable et perpétuel » b) la raison d’Etat c) révoqué en 1685 les traités de Westphalie : « cujus regio, ejus religio » les premières réflexions sur la souveraineté : a) La Boétie : De la Servitude volontaire. b) Dans l’Utopie, les sujets ont une liberté de culte parce que les divisions religieuses affaiblissent le pays. La tolérance sert l’intérêt national. c) c'est dans l'oeuvre de Marsile de Padoue ("le défenseur de la paix. 1324) que l'autonomie du politique est pensée pour la première fois: 1les hommes se réunissent en communauté pour subvenir à besoins. La société civile existe donc pour elle-même. Elle n'existe plus comme communauté ordonnée vue d'un bien qui lui serait supérieur. La cité est de part en part terrestre (réfutation de la théorie augustinienne de deux cités). 2- la société permet aux hommes de vivre à l'abri du besoin qui veut dire produire des objets nécessaires et échanger ces mêmes objets. Le principe de la société n'est pas ailleurs qu'en elle-même. 3- c'est l'existence de la loi qui donnera lieu à l'existé de la totalité sociale. Sans loi, pas de société. 4- la fonction du prince sera d'exécuter et de faire exécuter: la loi pour préserver l'ordre de la totalité. 5l'origine de la Loi réside dans "le peuple" dit Marsile c.a.d dans l'ensemble des membres de la cité. 6- bref, le peuple est législateur et le prince est (simplement) le bras qui exécute la loi. La loi est donc d'origine purement profane. L'application de la loi n'est rien d'autre que la justice: élimination de tout caractère Sacré. II Le siècle des Lumières A) la crise de conscience européenne - la libre Hollande (multiplicité des églises [les sectes]) - liberté des opinions et liberté du commerce : la « libre » Amsterdam. Le commerce des biens et le commerce des idées… - Spinoza : le Traité Théologico-politique (1670) « Dans une libre République, chacun est autorisé à penser ce qu’il veut et à dire ce qu’il pense » a) le double salut : atteindre le même but que les religions (« le salut », « la libération ») mais avec d’autres moyens (purement rationnels) b) la lecture herméneutique de la Bible - B) le - c) la critique des mystères et de la superstition d) l’origine « affective de la superstition » : crainte, peur, connaissance du 1er genre e) la double illusion théologique et politique Bayle Toute conviction est l’expression d’une liberté et non d’un entêtement. La conscience erronée a les mêmes droits que la conscience vraie…Et, du reste, qui peut dire que telle conscience est erronée ? modèle anglais « la glorieuse révolution » Locke (1632-1704) « La lettre sur la Tolérance » (1689). Locke étudie les rapports entre Etat et Eglises, rapports qui se réduisent à la séparation réciproque. L’Etat a en vue la vie terrestre, l’Eglise, la vie céleste. Nous appartenons par notre naissance à une patrie ; nous entrons dans une Eglise par une association volontaire. Il convient que l’Etat tolère tous les cultes. L’Etat n’a pas à punir les péchés. L’Etat est une association politique, les Eglises, une association religieuse. L’Etat ne se préoccupe point du salut des âmes (et l’idée d’une contrainte est contraire au salut de l’âme). Mais Locke exclue l’incroyance (comme dans la Religion civile de Rousseau). L’incroyance est la seule opinion qu’on ne puisse pas tolérer dans une société tolérante. Parce qu’ils défont à travers leur incroyance ce qui peut faire lien dans la société… Il faudra donc passer de la simple tolérance à la laïcité. - L’influence anglaise C) les « Lumières » - L'admiration pour le "modèle anglais" : " un anglais homme libre - va au ciel par le chemin qui lui plaît" (Voltaire) - « Traité sur la tolérance » (Voltaire après l’affaire Calas) - l’ambivalence des « Lumières » - « qu’est ce que « Les Lumières » (Kant) ? la sortie de l’homme hors de sa minorité - penser par soi-même - l’autonomie et la raison - le progrès de la raison humaine - la fin du statut des juifs…l’abbé Grégoire D) le rôle de la F.M. - le milieu anglais - les communautés protestantes - la religion naturelle • influence de Newton • pour une religion sans dogme, sans mystère, sans révélation et sans clergé…Est-ce possible ? - la Mac. rationaliste et la mac. Mystique - « rassembler ce qui est épars » E) Kant - La critique de l’ontologie et la loi morale universelle. - « l’Eglise invisible » F) les expériences de la « tolérance » à la veille de la Révolution 1- l’abbé Grégoire 2- la lutte contre l’esclavage G) la révolution et les tentatives de première séparation H) jacobinisme et impérialisme - la vertu et la terreur - la naissance des impérialismes - la formation des nationalismes III Positivisme et historicisme A) Hegel Hegel n'a pas crée ni voulu créer un système athée (cf. Kojève). Pour lui, le contenu de la philosophie et du christianisme sont identiques. Mais les deux formes de ce contenu identique différent. Seule la philosophie peut déterminer le vrai contenu aux deux. C'est l'Etat moderne qui est raisonnable. La religion moderne, elle, n'est que conviction subjective. Ce serait, cependant, une erreur de conclure que l'Etat posséderait un droit absolu sur la religion. Un tel droit ne pourrait exister que là où un conflit insoluble exigerait une décision par autorité. Or, l'Etat moderne est tout entier raisonnable, le christianisme est la religion de la liberté et de la raison. Toute différence ou divergence est rendue impossible quant à l'essentiel et sur les points essentiels. Sans doute, il y a eu des époques pendant lesquelles l'Eglise était contre l'Etat le refuge de toute spiritualité et où l'Etat n'était qu'un régime mondain de violence. Mais, ce qui caractérise l'Etat moderne c'est précisément qu'en lui, qui est raisonnable, le sacré ne se superpose plus au réel. Le spirituel a cessé d'être le tout autre. Le monde est devenu raisonnable quoiqu'il ne le soit pas entièrement. Mais la foi en tant qu'intérieure ne tombe pas sous les lois de l'Etat et l'Etat ne peut pas s'en occuper. La religion est affaire privée: la liberté intérieure de l'individu est intangible aussi longtemps qu'elle reste intérieure. Les possibles conflits entre religion et politique 1-le christianisme comme religion populaire: le motif antichrétien un peuple chrétien peut-il fonder un état bon ? Pour Machiavel et Rousseau, la réponse est non. Le bon état doit protéger l'indépendance et la particularité du peuple et le christianisme y est inadapté parce qu'il est religion de la souffrance et de la renonciation et qu'en tant que religion du salut transcendant, il détourne les citoyens des affaires de l'Etat. Il ne s'agit pas d'une critique de toute religion mais du christianisme comme facteur antipolitique. 2- la critique du christianisme en tant qu'Eglise C'est l'Eglise qui est anti-nationale Gallicanisme, querelle des investitures… 3- la critique de la religion en tant que telle Vie politique et vie religieuse n'auraient aucun rapport essentiel. C'est la conception totalement "athée" de la politique plus tard la laïcité. VI Le peuple, la nation et le cosmopolitisme Le Peuple, la nation et la loi. Le passage est ambigu. La naissance de l'idée de nation pendant la révolution française..; Universalisme et nationalisme…. C'est en confondant peuple et nation que s'est affirmée et consolidée la puissance de l'Etat moderne. Le peuple n'est pas une population, c'est un principe. Naissance de l'idéologie démocratique. Pour Hobbes, le peuple est un corps structuré, homogène. Pour Rousseau, le peuple est distinct de la multitude: il est le Souverain. Le peuple est le fondement de la souveraineté moderne. Il est l'âme du modèle étatique. Chacun obéissant à tous n'obéit à personne: c'est la grande leçon de Rousseau. C'est la nation qui va permettre le passage du prince-souverain au peuple-souverain. Ce fût le moment de la révolution française – en particulier à travers la guerre. Dans ce vocable est proclamée la lutte des peuples contre les tyrans. Le peuple devenant prince, la puissance se perpétue donc la souveraineté se conserve. La nation est un corps – indépendamment du corps du roi. Le peuple fait un (c'est la thèse du peuple en corps) pour luimême mais il fait un avec la souveraineté qu'il exerce. Quand le prince-peuple accède à la souveraineté, c'est le droit qui succède au pouvoir. La loi civile et politique prime dès lors sur la loi de nature. La loi devient la volonté du peuple et le peuple souverain est législateur. Le citoyen se soumet à la loi qu'il se donne à lui-même et du coup il obéit à l'Etat puisque le Leviathan est dans et par le peuple et que le peuple c'est lui. A) l'idée de cosmopolitisme et la naissance de l'idée d'Europe : Somme toute, l'Europe moderne c'est Spinoza plus Hobbes/Locke plus Rousseau plus Kant. Car, c'est avec ce dernier auteur que la réflexion sur l'Europe comme fédération d'Etats va être poussée le plus loin et probablement le plus proche de nos propres préoccupations En effet, la pensée des Lumières connaît ici avec le cosmopolitisme kantien - sa plus belle réussite mais aussi laisse pressentir son crépuscule flamboyant - comme si l’Europe, pour l'instant, ne pouvait ne savait choisir entre un Etat fort et un Etat libre, entre la nation et le cosmopolitisme européen. Quoiqu'il en soit, le XVIIIème siècle va voir la (re)naissance du cosmopolitisme. La définition kantienne constitue l’européanité par le cosmopolitisme La réflexion kantienne est développée dans deux textes brefs mais denses. Dans le premier, "Idée d'une Histoire universelle au point de vie cosmopolite" (1784), Kant s'interroge sur deux notions essentielles. 1- Tout d'abord, peut-on lire à travers la multiplicité chaotique des événements un ordre tel que l’histoire puisse avoir une signification ? Autrement dit audelà des violences, des guerres et des maux dont a souffert l'humanité, peut-on cependant discerner une espérance historique qui serait comme un "fil directeur" pour la pensée et l'action humaine. L’histoire n’est-elle que «bruit et fureur » ou est-elle dotée de quelque signification voire orientation ? Cette question dans la prudence de sa formulation - exclut toute théodicée à la manière de Bossuet ou de Leibniz. A cette question Kant répond en montrant que malgré (peut-être même " à cause" ) de la violence l'histoire est la lente réalisation du droit et que l'humanité est à la veille d'un droit valable pour tous au-delà des droits particuliers (= privilèges), signe de l'égale dignité de chaque homme qui ne saurait être réduit à un simple moyen. Il s’agit de ce que Kant nomme «l’insociable sociabilité ». Sans elle, l’homme fût resté dans un état de berger d’Arcadie. 2- Mais, seconde question, ce droit national (contrat social) peut-il se dépasser en un droit universel ? Autrement dit, le temps est-il venu de sortir de l'état de guerre entre les états afin de créer les conditions de structures trans-étatiques Kant répond d’abord en évoquant la possibilité d'une "Société des nations" dont, certes, il ne développe pas le contenu mais qui, seule, lui semble capable de dépasser les antagonismes nationaux. Plus de dix ans après, ayant traversé l'épreuve de la Révolution française et des premières guerres européennes, Kant, dans le Projet de Paix perpétuelle (1795), va être amené à revenir sur les deux questions qui lui semblent essentielles. D'une part, peut-il y avoir un droit international ? Et d'autre part, peut-il y avoir (pour réaliser ce droit) une fédération ou confédération d’Etats républicains ? Kant est donc passé de l'idée quelque peu "utopique" d’une "Société des Nations" à l'idée d'une "fédération des états républicains». Utopique parce que le rapport entre le bénéfice supposé d'une société mondiale et le coût pour l'obtenir lui paraît trop élevé. Faute d'atteindre rapidement un tel Etat mondial (qui doit, cependant, rester, une "Idée heuristique"), il convient avec prudence de se consacrer à l'organisation d'une fédération européenne des Etats républicains (rappelons qu'un régime "républicain" pour Kant est celui qui fonctionne selon la séparation des pouvoirs - ce qui implique le refus de tout despotisme même "éclairé"). Cette réflexion nous semble constituer l'apogée de la réflexion classique sur l'Europe et le sommet pour l'époque de l'idée de droit. Aucune pensée sur l'Europe contemporaine ne saurait faire l'économie d'un "retour à la lecture kantienne". Le rôle de la Franc-Maçonnerie : Encore faudrait-il signaler l'influence de la Franc-maçonnerie au 18ème Siècle qui, en favorisant l'échange de la sociabilité, la circulation des idées, les voyages des Frères a permis l'ébauche de la constitution d'une véritable république universelle de la pensée libre. Le mouvement des Lumières et, à sa tête la Francmaçonnerie, a véritablement tenté d'élaborer une Europe cosmopolite de la civilisation, de la tolérance, de la manière de vivre (le bon goût) et de penser (le rationalisme). Serait-ce trop dire que la Franc-maçonnerie a institué en matière de communication ce qu'avaient été pour les Grecs les Jeux Olympiques. Du maçon anonyme jusqu’aux textes de Fichte, Wieland, Schiller ou Lessing, la profession de foi cosmopolite est un «topos » de la réflexion maçonnique. Le Temple que les francsmaçons élèvent à la gloire du Grand Architecte de l’Univers est conçu comme l’anti-Babel, fruit de la démesure des hommes. La communication est au cœur du projet maçonnique. Déjà dans son «Discours » Ramsay écrivait : " Le monde entier n’est qu’une grande République, dont chaque nation est une famille. Nous voulons réunir tous les hommes, d’un esprit éclairé, de mœurs douces non seulement par l’amour des beaux-arts, mais par les grands principes de vertu, de science et de religion afin de favoriser l’intérêt du genre humain tout entier. » Et quel plus bel exemple de cosmopolitisme que celui de "Don Giovanni" de Mozart un opéra inspiré d'une histoire francoespagnole, avec un livret italien, écrit par un autrichien et représenté pour la première fois sur une scène de Prague. C'est l'Europe c'est-à-dire l'Universel. B) l'apparition des nationalismes Mais tout change avec la Révolution française qui va engendrer les Etats-Nations et produire paradoxalement une Europe des nationalités qui vont s'opposer jusqu'à la destruction mutuelle. Si bien que par une étrange "ruse de la raison", la Révolution française constitue à la fois le triomphe du droit universel (par la déclaration universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen) mais aussi sa perte par la volonté hégémonique qu’elle engendre et les réactions nationalistes qu’elle va susciter (Fichte/ Hegel). Des droits de l'homme/citoyen aux droits du peuple /nation. L'idée de former un peuple par contrat avec pour seul fondement les droits de l'homme était irréalisable…La Révolution française en a fourni l'exemple paradoxal. Car au moment même où elle montait à l'assaut du ciel, c'était au nom de la nation et du droit des peuples. Le 19ème siècle sera le siècle de la naissance des nationalistes. Les nations vont se former dans l'Europe de l'Ouest et aussi en Europe de l'Est avec le morcellement de l'empire russe et celui des Habsbourg. Premier moment: formation de "l'Assemblée nationale" Deuxième moment: la constitution de l'an I qui établit "les droits du peuple" (et non plus les seuls droits de l'homme). Conséquence: les droits des peuples risquent de s'opposer aux droits de l'homme (toute l'histoire des 19ème et 20ème siècles est là en germe). Vont se former au cours des guerres révolutionnaires du début du 19ème siècle des nations et des unités nationales. Telle est la conséquence paradoxale de la Révolution Française et de l'empire napoléonien. On reprendrait ici, volontiers, le mot de Hegel : « Bien creusé, vieille taupe ». C'est, du reste, ce dernier qui va élaborer la théorie de l'Etat national moderne en montrant que seul l'Etat peut assurer la libre satisfaction des désirs et des volontés individuelles - et que surtout, pour un délai inappréciable, toute tentative de "dépasser" l'Etat dans une structure inter-étatique (du genre de celle de Kant avec son projet de "Société des Nations" ) était impossible. Certes, l'Etat de paix "doit" être respecté, mais en cas de conflit qui mettrait en cause l'existence même des Etats, la guerre est l'ultime recours. Sans se faire l’apologiste de la guerre, Hegel, comme son contemporain Clausewitz, (6) voit en elle «la continuation de la politique par d’autres moyens». Dans cette perspective, le XIXème siècle voit se développer les nationalismes allemands et italiens d'abord puis ceux d'Europe centrale, qui vont, certes, revendiquer la formation/développement des Etats-Nations mais aussi qui, dans l’affirmation de leur identité, en vont venir à se penser différents voire hostiles et ennemis. L'Europe entre, alors, en lutte contre elle-même. D'abord par l'exténuation de sa volonté de conquête qui avait commencé avec les grandes découvertes autour des années 1492. D'un universel d'expansion, on en vient au mauvais infini de la colonisation. Ce faux universalisme est celui de l'occidentalocentrisme, de l'Europe autrefois fière d'elle-même. Le rêve impérial est comme la somptueuse agonie de l’Europe. Ce rêve se perd dans l’Afrique mais aussi dans l’Amérique du Sud colonisée (Pérou, Mexique, Brésil). Car l’empire universel n’est pas l’universel concret. Mais la conséquence - paradoxale- du rêve européen de la fin du XVIIIème siècle que la Révolution française puis Napoléon avaient voulu réaliser est la formation des nationalismes antagonistes ; l’Europe en vient - étrange "lutte à mort" hégélienne - à s'affronter elle-même en produisant les trois totalitarismes du XXème siècle : le fascisme, le nazisme et le stalinisme. C'est la mort du droit dans les autodafés de Berlin et dans les camps avec - pour reprendre l'analyse d'Hannah Arendt - la triple destruction de la personnalité juridique, de la personne morale et pour finir l'assassinat de l'individu. Illustration effrayante du "mal radical" kantien. Cette autodestruction de l'idée européenne est exprimée exemplairement - par l'Allemagne - qui est prise entre deux pulsions : la conquête de l’autre ou le ressaisissement de soi. Aussi la Nation allemande du XIX siècle rate l’Europe. Il faudra attendre «l’année zéro » de Berlin pour que l’Allemagne fasse de l’Europe son grand projet (négociation - contrat - équilibre). VI citoyens européens ? (20 et 21 ème siècles) Pour hâter cette construction d’une Europe de la citoyenneté, quelles sont les conditions d’action et les principes essentiels ? Autrement dit, de quoi faut-il partir pour construire l’Europe ? Pendant les dix premières années (1950-60), le point de départ fut incontestablement économique. Il s’agissait au lendemain de la guerre de favoriser l’union et la coopération des pouvoirs économiques dans un « marché commun ». C’est l’œuvre des pionniers - en particulier J. Monnet, R. Schumann et K. Adenauer. Puis les institutions communes juridiques et politiques se mirent lentement en place. C’est bien évidemment là que se situe le problème puisqu’il semble que faute de volonté politique, les responsables hésitent à franchir un pas supplémentaire vers l’établissement de « la République européenne ». Peut-être conviendrait-il de prendre quelques mesures essentielles : ainsi il faudrait repenser les rapports respectifs du conseil des ministres européens, de la commission et du parlement afin que le rôle des groupes de pression soit réduit au minimum. De même, on pourrait imaginer qu’un parlement pour être vraiment européen devrait être élu par tous les citoyens et non pas nationalement. On pourrait aussi envisager une délégation spécifique à chaque ministre. De même, l’idée d’un Président élu de l’Europe ne saurait être exclue même si les difficultés d’application peuvent paraître nombreuses. De même une réflexion sur les conditions de formation d’un Etat de droit avec le rôle accru de la Cour européenne de droits de l’homme afin d’assurer une bonne coordination des droits des états, des droits du « citoyen européen » et des droits de l’homme. Et surtout, le projet européen doit susciter un supplément de participation démocratique, car plus les institutions centrales sont centralisées, plus l’exigence d’une démocratie associative doit prise en compte afin de pallier un « déficit démocratique ». Enfin, la culture, une fois encore, est le « lien » véritable qui, seul, peut et doit unir les Européens puisqu’il s’agit de lier cultures nationales et civilisation européenne. Nous sommes devant la nécessité d’une « longue marche » de la citoyenneté européenne. En effet nous appartenons tous à des « communautés de destin » de différentes échelles c’est à dire à des communautés de fait dans lesquelles se rencontrent des individus qui n’ont pas choisi de « vivre ensemble » mais qui ne peuvent pour autant abolir leur relation d’interdépendance…Il faut bien comme disait Kant se supporter mutuellement. L’alternative est donc simple : ou en faire une relation de civilité réciproque ou entrer dans la spirale de la destruction mutuelle. La citoyenneté ne peut être qu’une citoyenneté imparfaite c’est-àdire une citoyenneté en cours de «refondation » permanente. Il faut construire des modalités d’accès aux droits. Nous avons le droit d’avoir des droits. Pour tout individu, il doit y avoir au moins un lieu sur la terre où il bénéficie des droits du citoyen c’est à dire où il est homme. Ce lieu ne peut être que celui où il se trouve, où il a été jeté par l’histoire. Hier son Etat/Nation. Aujourd’hui l’Europe ? NOTRE ROLE Quel peut-être à ce point de notre analyse le rôle des humanistes en général et des francs-maçons en particulier ? Loin de nous la tentation de vouloir jouer le rôle de quelque groupe de pression. Mais il est assez évident que seule l’action des hommes ayant une claire conscience de ce que devraient être « les nouvelles lumières d’aujourd’hui » peut permettre de faire avancer l’histoire. Bref, à quelles conditions un « nouvel archipel de la conscience européenne » pourrait-il se produire ? D’abord par la mise en évidence de « nouveaux chantiers » que je désignerai sous forme interrogative. 1- Peut-on élaborer une constitution européenne spécifique ? 2- A quelles conditions peut-il exister une souveraineté européenne ? Comment permettre un accès universel de tous les citoyens européens à la justice ? Le problème de « la langue » est-il définitivement clos et l’Europe estelle vouée à « la traduction » ? Et accessoirement que signifie une « charte des langues régionales » ? 3- Enfin, et c’est probablement un élément les plus polémiques, peut-il y avoir un droit universel de résidence et de circulation ? Rappelons, à cet égard, ce qu’écrivait Kant dans « le Projet de Paix perpétuelle » en invoquant les conditions de l’hospitalité universelle « l’étranger peut invoquer un droit de visite, le droit qu’a tout homme de proposer comme membre de la société ». La dernière question concerne le problème des immigrés : quelle citoyenneté leur accorder ? Sur ce point, J. Derrida (10) - dans un hommage à E. Levinas a écrit quelques lignes très proches de notre propre réflexion : « trois concepts permettraient d’aborder le problème « cosmopolitique » : les concepts de fraternité, d’humanité et d’hospitalité » En quoi consiste donc, l’hospitalité universelle ? Ce qui pose, au demeurant, le problème de « l’étranger ». Qui est étranger et qu’est-ce que l’errance, l’asile et l’hôte ? Et pourtant, nous savons bien que l’accomplissement de ce droit naturel à l’hospitalité universelle renvoie à une constitution cosmopolitique dont le genre humain ne peut que s’approcher indéfiniment. Car jamais un Etat-Nation, quel que soit son régime, fut-il le plus démocratique, ne s’ouvrira à une hospitalité inconditionnelle ou à un droit d’asile sans réserve. Il ne serait pas réaliste de l’exiger des Etats actuels. En d’autres termes concilier la paix hospitalière et le nécessaire droit à la sécurité ? 4- Enfin, l’Europe est une communauté tout à la fois économique, politique et également morale. Elle se doit de respecter une communauté de valeurs partagées qui sont notre héritage et qui expriment des idées auxquelles nous sommes attachés : valeurs d’intégrité (droits civils, relations entre les peuples), valeurs de participation, valeurs de solidarité, valeurs de personnalité. Cette communauté éthique, suppose une mémoire historique commune un patrimoine spirituel de l’Europe. Les constitutions maçonniques des différentes Obédiences l’affirment : nous respectons les lois et les coutumes du pays. Mais en même temps nous sommes fils de la Terre et nous habitons un « monde commun ». Car personne d’entre nous n’est « possesseur » du Cosmos. Kant, déjà remarquait dans le « projet de Paix perpétuelle » que « tout homme a un droit de commune possession de la surface de la terre sur laquelle, en tant que sphérique, ils peuvent se disperser à l’infini…Il faut donc qu’ils se supportent les uns à côté des autres, personne n’ayant originairement le droit de se trouver à un endroit de la terre plutôt qu’à un autre »…Seul «Dieu » (GADLU) est l’architecte d’un monde dont nous ne sommes que les intendants. En ce sens les hommes sont bien malgré le paradoxe de la formule des «citoyens du monde » comme la tradition cosmopolitique des Stoïciens à Kant l’a toujours affirmée. Pouvons faire de notre Europe une Europe solaire…et non plus seulement lunaire. Tel est probablement le défi qui se pose aux européens d’aujourd’hui et parmi eux, en particulier, à ceux qui se réclament d’un idéal humaniste et spiritualiste. Conclusion : « Français, encore un vraiment… européens » effort si vous voulez être Ce n'est qu'au début du crépuscule que l'oiseau de Minerve prend son vol. Dans notre lumière incertaine qui succède au coucher du soleil, peut-être la chouette du savoir et de l'esprit va-t-elle de nouveau s'envoler. Nous savons que la voie philosophique et de la rationalité est liée à l'idée d'Europe. N'est-ce pas une même gestation qui au 21ème siècle, s'accomplira ? Celle de la pensée et de l'action nouvelles, celle d'une Europe enfin réalisée à travers Mozart, Goethe, Thomas Mann, Emmanuel Levinas et Hannah Arendt?