génocide des Arméniens

Transcription

génocide des Arméniens
Ampin Gaétan, 6LG5
Choghari Cyril, 6SB
Makarem Dalia, 6LG5
Moschopoulos Nicolas, 6LG5
Noël Céline, 6LG5
Tabak Justine, 6LG5
Génocide des Arméniens :
Synthèse écrite
Le 10 février 2010
I). Introduction à la notion de génocide
Apparu pour la première fois en 1944, dans le contexte de la Seconde Guerre
mondiale, le terme « génocide » fut inventé par le professeur Raphaël Lemkin, spécialiste en
droit américain, lui-même d’origine juive.
L’étymologie gréco-latine de ce mot nous permet de saisir plus aisément toute la complexité
de son acception : γενος (genos), « la race » et caedere, « tuer » ou « massacrer ». Dès lors,
l’établissement d’une définition correcte nous apparaît bien plus simple, un génocide
consistant, pour parler plus vulgairement, au « massacre d’une race ». Cependant, il semble
également important de remarquer que certaines « conditions » doivent être remplies afin de
pouvoir véritablement qualifier un crime de « génocide ».
Ainsi, selon la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(CPRCG), traité de droit international adopté le 9 décembre 1948 par l’Assemblée générale
des Nations unies, le crime de génocide est défini comme tel :
« Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans
l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe;
b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique
totale ou partielle;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. »
Pour finir, il paraît encore essentiel de mentionner quelques caractéristiques propres au
crime de génocide. Tout d’abord, le génocide est le fruit d’une décision devant servir
l’épuration ethnique d’un territoire. Ensuite, on qualifie généralement le génocide de « crime
contre l’humanité », en d’autres termes les victimes d’un génocide ne sont perçues comme des
cibles qu’en vertu de leur essence, de ce qu’elles sont et pas de ce qu’elles font. Enfin, les
génocidaires, en s’attaquant aussi aux enfants, ont le souci d’éradiquer complètement et à tout
jamais l’ethnie visée.*
Ayant ainsi posé les bases du concept de génocide, nous pourrons désormais étudier et
analyser avec plus de précision celui des Arméniens.
II). Le génocide des Arméniens
A). Brève introduction historique.
D’avril 1915 à juillet 1916, dans l’Empire ottoman, eut lieu le second génocide
officiellement reconnu du XXe siècle, celui de la minorité arménienne ottomane. En seize
mois de temps, les autorités turques provoquèrent la mort d’un peu plus d’un million
d’Arméniens (le nombre exact de victimes est encore inconnu aujourd’hui), mettant en avant
différents prétextes, fondés ou non, dans le dessein de justifier cette extermination massive.
*
Les réflexions présentées dans ce paragraphe sont issues de la conférence donnée le 16 novembre 2009 à
l’Athénée des Pagodes par monsieur Joël Kotek, politologue et historien, dans le cadre du projet « Humanisme et
génocides ».
En vérité, ce massacre de grande envergure a été l’effet d’une honte générale amenée par la
décadence dans laquelle l’empire était plongé depuis déjà quelques décennies.
Pour approfondir notre raisonnement, il s’avère intéressant d’étudier les différents aspects du
génocide, en commençant par une analyse concrète de la situation socioculturelle et politique
ottomane au début du XXe siècle.
B). La situation socioculturelle et politique ottomane.
A l’aube du XXe siècle, l’Empire ottoman est en prise à des troubles d’ordre politique
et diplomatique divers. En 1908, le Comité Union et Progrès (CUP), un parti politique turc
récent aux tendances progressistes et nationalistes, organise un coup d’état et chasse le sultan
Abdülhamid II, jugé trop despotique, et le remplace par son jeune frère, Mehmed V, homme
faible et manipulable. Les membres du CUP, aussi appelés « Jeunes-Turcs », accèdent alors
au pouvoir et s’appliquent à restaurer la grandeur et l’unité de l’empire. C’est dans ce
contexte que naissent les notions extrêmes de « panturquisme » et de « panislamisme », qui
font référence au désir des Jeunes-Turcs d’unifier une seule « race » turque autour de la foi
musulmane, condition prétendument sine qua non pour la mise en place d’une Nation
puissante et unie. Apparaissent alors les premiers conflits entre les autorités ottomanes et les
différentes minorités de l’empire, notamment celle des Arméniens. Cette dernière avait en
effet pris l’habitude, depuis les années 1880, de clamer haut et fort les injustices dont elle
souffrait au sein du pays, s’organisant en partis politiques variés, comme le parti hentchak ou
le parti armenakan. Celui-ci, le plus véhément de tous, mettait en avant des tendances
relativement indépendantistes qui gênaient de plus en plus les Jeunes-Turcs et la Sublime
Porte*, nullement disposés à accorder une quelconque indépendance aux Arméniens. Ces
dissensions politiques menèrent à une série de massacres, véritable prodrome au génocide des
Arméniens de 1915-1916.
Les premières tueries, connues sous le nom de « massacres hamidiens », furent perpétrées
entre 1894 et 1896 contre les Arméniens, sur l’initiative du sultan Abdülhamid, afin de
« punir » cette minorité des manifestations indépendantistes qu’elle avait préalablement
organisées. Les massacres hamidiens furent suivis, en 1909, de ceux de Cilicie. Ces
événements firent à eux seuls environ deux cent trente mille victimes d’origine arménienne,
hommes, femmes et enfants.
Pour finir, afin de bien saisir le contexte politique turc à la veille du génocide des Arméniens,
il convient d’aborder le problème de la Première Guerre mondiale.
Séduit par l’opportunité d’une alliance avec la puissante Allemagne, le CUP accepte, le
premier novembre 1914, au nom de tout l’empire, un pacte d’alliance avec les puissances
centrales (Allemagne, Autriche-Hongrie et Bulgarie). Cette alliance, conclue dans le but de
redorer le blason ottoman, tourne vite au cauchemar, les troupes impériales devant se battre
simultanément sur différents fronts, craignant notamment les armées russes.
Ces conjonctures pour le moins défavorables incitent au découragement général, dans le
peuple comme dans l’armée, ces derniers tenant le CUP responsable des défaites successives
et de la misère à laquelle le pays doit faire face. Il devient donc urgent, aux yeux des JeunesTurcs, de tourner la fureur populaire contre un bouc émissaire désigné et ainsi d’éviter pour
eux-mêmes les attaques de l’ensemble de la nation.
C). Pourquoi les Arméniens ?
*
Le gouvernement ottoman.
Dès ce moment, le CUP ne fut pas bien long à trouver une cible idéale en la personne
des Arméniens de l’empire. Pour diverses raisons, cette ethnie souffrait d’une impopularité
grandissante au sein du pays. Effectivement, si sa volonté indépendantiste agaçait la Porte, sa
propre réussite sociale dut, elle aussi, contribuer fortement à attirer sur elle la jalousie, voire la
haine du peuple turc, car si de nombreux Arméniens ottomans faisaient partie de la basse
classe de la société, une élite dorée de nantis arméniens, hommes politiques et stratèges, vivait
à Constantinople dans le plus grand luxe. Ensuite, si la quasi-totalité de la nation ottomane
était de confession musulmane, les Arméniens, chrétiens orthodoxes, apparaissaient comme
une entrave importante au « panislamisme » prôné par les Jeunes-Turcs.
Enfin, en raison de cette appartenance au christianisme qui était perçue comme une trahison
aux yeux des Turcs puisque les ennemis russes partageaient cette religion avec les Arméniens,
il fut plus aisé pour les ministres Jeunes-Turcs, notamment Enver Pacha, ministre de la guerre,
d’accuser cette minorité de collaboration avec l’ennemi.
Ainsi, il « suffit » en quelques sortes au CUP de se référer aux raisons susdites pour exciter
contre les Arméniens de l’empire l’animosité du restant du peuple. Dès lors que les victimes
étaient toutes désignées, le massacre put lui-même commencer.
D). Les débuts et le déroulement du génocide.
Quoiqu’un plan d’extermination ait été établi en février 1915 par le ministre de la
guerre, ce n’est que le 20 mai 1915 que le triumvirat jeune-turc qui gérait alors les affaires de
l’Etat (Talaat Pacha, Grand Vizir, Enver Pacha, ministre de la guerre et Djemal Pacha,
ministre de la marine) fait part officiellement de sa décision d’éloigner la population
arménienne du front russe pour leur interdire toute collaboration avec l’ennemi, et donne
l’ordre de procéder à la déportation de cette ethnie, soit un peu plus de deux millions
d’individus. Naturellement, cette déportation du peuple arménien loin des lignes de bataille
n’est qu’un prétexte pour se livrer plus facilement à leur massacre. Celui-ci peut être
décomposé en quatre phases distinctes :
- Premièrement, d’avril à mai 1915, le désarmement puis l’extermination des militaires
arméniens ainsi que de l’élite arménienne, le CUP procédant de cette manière au
« nettoyage ethnique » de l’armée et de l’administration.
- Deuxièmement, d’avril à juin 1915, le CUP torture et assassine les notables et
politiciens arméniens ainsi que tous les hommes valides, capables de se battre, même
si certains furent d’abord déportés puis tués.
- Troisièmement, durant tout l’été 1915, toute la population arménienne masculine de
sexe mâle, à l’exception des enfants et des vieillards, est déportée dans le désert et y
meurt d’épuisement.
- Quatrièmement, à partir de juillet 1915, les Jeunes-Turcs se livrent à la déportation
systématique de tous les Arméniens ottomans, vers des camps situés en SyrieMésopotamie.
Il semble encore important de spécifier que lors des trois premières étapes du génocide, les
massacres furent assurés par l’Organisation Spéciale (OS), un organisme mis sur pied par le
CUP dans l’intention de lui servir d’armée particulière.*
E). Le traitement des Arméniens.
*
L’essentiel des propos tenus dans cette partie de la synthèse sont issus du Siècle des camps, de J. Kotek et P.
Rigoulot (Lattès, 2000).
Mettre l’accent sur la particularité du traitement dont les Arméniens ottomans ont
bénéficié durant le déroulement de ce génocide est une nécessité en vue d’une élaboration
complète et précise de ce dossier. C’est pourquoi nous nous proposons, dans cette partie de la
synthèse de mentionner les conditions de vie de cette ethnie pendant et peu avant leur
déportation.
Si la loi du 20 mai 1915 promulguée par le ministre de l’Intérieur, Talaat Pacha, stipulait que
les Arméniens devraient être déportés dans les « meilleures conditions possibles », elle ne fut
que très partiellement respectée. Certes, la population arménienne ottomane (d’abord les
hommes adultes, puis les femmes, vieillards et enfants) arrivait presque toujours à destination,
mais dans quel état ? Les sévices subies par les déportés variaient en fonction de la volonté
personnelle de leurs bourreaux : travaux forcés, arrestation, torture individuelle, marche
forcée dans le désert, incarcération dans des camps rudimentaires situés au milieu du désert,
racket, viol et enfin exécution sommaire. Ainsi, après confiscation systématique de leurs
biens, les membres de l’ethnie arménienne se voyaient livrés aux mains de soldats, parfois de
simples civils armés, et envoyés, dans le meilleur des cas, vers des camps établis dans les
vastes déserts méridionaux de l’empire, à l’abri des regards, où ils étaient abandonnés à leur
souffrance.*
Enfin, la rage et l’inhumanité dont les troupes ottomanes ont fait preuve à l’égard des
Arméniens durant ce génocide reste quasi-incompréhensible pour nous, observateurs
extérieurs et postérieurs. Il est certain qu’il serait mal venu de porter un jugement trop hâtif
sur ces événements.
En conclusion, après avoir examiné la situation socioculturelle et politique de la période et du
lieu concernés, après avoir étudié et résolu les questions du « qui », du « pourquoi » et du
« comment », il apparaît judicieux et même logique de nous pencher maintenant sur la fin et
les suites du génocide des Arméniens.
F). Fin et événements postérieurs au génocide des Arméniens.
Les faits, rapportés en Europe et aux Etats-Unis dès mai 1915 via le rapport de
diplomates étrangers alors en poste dans l’empire, provoquent un véritable scandale,
principalement en Amérique (Etats-Unis et Canada), les puissances européennes ayant alors
d’autres soucis.
En octobre 1918, le CUP, accusé (à tort ?) d’être responsable des conséquences désastreuses
de la Première Guerre mondiale sur l’Empire ottoman, désormais vaincu, doit affronter la
haine populaire. La nation se soulève et les Jeunes-Turcs sont contraints d’abandonner leurs
fonctions politiques le 13 octobre pour faire place à un gouvernement démocratique qui signe,
le 30 du même mois, l’armistice de Moudros, consacrant la soumission de l’empire aux Alliés
de la Première Guerre mondiale (France, Russie, Royaume-Uni, Italie et Etats-Unis). En sus,
ce nouveau gouvernement reconnaît officiellement l’existence d’un génocide des Arméniens
et la responsabilité du CUP dans ce massacre.
En 1919 se tient, à Constantinople, le procès des responsables du génocide. Nombre d’entre
eux sont condamnés à mort, notamment les « triumvirs » jeunes-turcs : Djemal, Enver et
Talaat Pacha.
Le 10 août 1920, le sultan et son gouvernement acceptent le Traité de Sèvres qui garantit le
démantèlement de l’Empire ottoman entre les Alliés, ainsi que la création d’une « République
indépendante d’Arménie », sorte de « dédommagement » pour les survivants du génocide.
*
Voir note supra.
Le pays est ridiculement affaibli et rétréci. Il n’est plus guère constitué que de 120 000
kilomètres carrés de terres inexploitables. C’est dans ce contexte d’opprobre générale que naît
le mouvement révolutionnaire de Mustafa Kemal ainsi que la volonté négationniste turque.
G). Le négationnisme turc.
Dès que le sultan Mehmed VI eut signé le Traité de Sèvres, Mustafa Kemal, grand
militaire ottoman, refuse de se plier à la décision impériale, garante de la décadence et de la
chute de l’empire, et met sur pied, à Ankara, un gouvernement révolutionnaire qui combat
avec acharnement l’occupation alliée. C’est ainsi que l’armée de Mustafa Kemal défait
successivement les occupants grecs, anglais, français et italiens.
Impressionnés par ces exploits, les Britanniques décident de signer avec lui un nouvel
armistice et quittent aussitôt le pays.
L’empire est très vite libéré de l’occupation étrangère et Kemal en profite pour réformer
entièrement et laïciser son pays. Il organise, en 1922, un coup d’état et met en fuite le sultan
dont il prend la place de chef d’état, devenant le premier président de la « République de
Turquie ».
Enfin, le président de la République incite les puissances européennes à signer, le 24 juillet
1923, le Traité de Lausanne, dernier accord résultant de la Première Guerre mondiale, et
rendant caduc celui de Sèvres de 1920. Le Traité de Lausanne stipule, outre la reconnaissance
officielle du régime kémaliste, l’autonomie complète de la Turquie, quant à l’indépendance
arménienne auparavant garantie par le Traité de Sèvres, elle est tout simplement oubliée.
En ce qui concerne la reconnaissance du génocide des Arméniens, elle est rejetée avec
véhémence par le père fondateur de la Turquie moderne. Dès lors, l’Etat turc refuse encore
aujourd’hui les termes de « génocide » et même de « déportations ». Pour celui-ci, les
arrestations arméniennes étaient justifiées, les Arméniens étant accusés de terrorisme et de
collaboration avec l’ennemi. Dans les rapports officiels turcs, il n’est fait mention nulle part
d’un massacre de masse. Même le nombre de victimes (estimé par les historiens entre 850 000
et 1 500 000) est abaissé par l’Etat turc à 275 000, permettant ainsi de comparer la proportion
d’Arméniens tués pendant la guerre à celle des autres Ottomans et empêchant par la même
occasion de faire référence à un génocide.
De nos jours, même si l’idée d’une éventuelle discussion avec l’Arménie progresse en
Turquie, il semble toujours hors de question pour celle-ci de reconnaître l’existence d’un
génocide des Arméniens. En outre, la reconnaissance d’une telle catastrophe par la Turquie
entrainerait certaines réparations faites par elle pour le peuple arménien, notamment une
indemnisation financière très importante.
Il faut également savoir que le pouvoir constitutionnel turc protège cette prise de position,
notamment via l’article 301 de la constitution turque, punissant d’une peine
d’emprisonnement tout « dénigrement public » de l’identité turque, ou encore via un
important travail diplomatique à l’étranger où les dignitaires turcs ont l’ordre de défendre la
position officielle de l’Etat turc.
Pour ce qui est de la position arménienne actuelle, elle s’avère fort controversée. Si l’essentiel
de la diaspora arménienne est résolument contre tout accord avec la Turquie, la République
d’Arménie, elle, n’y apparaît pas véritablement opposée.
H). Conclusion.
Pour achever ce travail, il s’avère nécessaire et utile d’élaborer une conclusion
générale sur la thèse et le récit historique relatés ci-dessus. Avec la plus grande neutralité et
objectivité et en prenant pour base des sources fiables et vérifiées, nous avons tentés dans
cette synthèse de présenter l’entièreté du génocide des Arméniens de 1915-1916. En abordant
les différents aspects de ces événements, nous avons essayé d’expliquer et non de simplement
exposer des faits historiques.
Il est désormais permis au lecteur de comprendre que l’un des quatre génocides du XXe siècle
ne fut, somme toute, qu’un très malheureux concours de circonstances causé par un
enchaînement d’incidents susceptibles de mener un pays à sa ruine. Peut-on blâmer les Turcs
d’avoir voulu protéger la grandeur de leur pays ? Certainement pas. En revanche, fut-il
vraiment nécessaire, pour cela, de sacrifier plusieurs centaines de milliers d’Arméniens,
innocents ou non de ce dont ils étaient accusés ?
Il faut percevoir, pour bien saisir la complexité du problème, la détresse et le découragement
général du peuple ottoman à la veille du XXe siècle : empire oublié, qualifié par le Tsar
Nicolas Ier de « grand homme malade de l’Europe », appauvri et affaibli par une monarchie
totalitaire et une politique et diplomatie décadentes et inutiles, coincé, enfin, dans une guerre
catastrophique. Accablé de tous côtés, l’empire se tourna naturellement vers ceux qui
semblaient ne pas se laisser atteindre par les soucis nationaux, ceux qui incarnaient, tant d’un
point de vue religieux que social, l’ennemi du peuple. En se déchainant littéralement contre
l’ethnie arménienne ottomane, les Turcs trouvèrent une façon, horrible certes, de se détourner
de leurs problèmes initiaux, de punir un pseudo-responsable du malheur général, tout en ayant
pleine conscience de l’atrocité de leurs actes, puisque le CUP prit la peine d’élaborer un
prétexte à leur extermination. Et si aujourd’hui encore les Turcs refusent d’aborder avec
sincérité cette période noire de leur histoire, n’est-ce pas parce qu’ils sont entièrement au fait
du côté honteux de cette histoire ? La Turquie actuelle ne préfère-t-elle pas l’oubli à la honte
de se savoir criminelle et meurtrière ?