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2 Les mouvements littéraires au XVIII
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e
siècle
Libertinage et sensualité dans la peinture du XVIIIe siècle
! page 154 du manuel
1. Le commanditaire du tableau, le Baron de Saint-Julien, receveur général des biens du
clergé, s’est fait représenter à gauche de la composition : c’est lui qui aurait demandé à
Fragonard ce sujet particulier. « Je désirerais que vous peignissiez Madame sur une escarpolette qu’un évêque mettrait en branle. Vous me placerez de façon, moi, que je sois à
portée de voir les jambes de cette belle enfant et mieux même, si vous voulez égayer
votre tableau. ». L’ecclésiastique, quant à lui, reconnaissable à son collet, reste dans
l’ombre, à droite !
Le tableau est construit sur l’opposition de deux diagonales, correspondant chacune à
deux ouvertures lumineuses, qui se rencontrent au milieu du tableau, où se détache le
blanc-rose de la robe. La pantoufle jetée en l’air ajoute au mouvement de la scène,
comme à son caractère libertin. Les statues, un Amour et deux Chérubins, renforcent le
symbolisme de la scène, tout comme le jeu de leurs regards, tournés vers la jeune
femme.
La composition traduit bien l’esprit malicieux de Fragonard et s’avère être l’incarnation,
avec Boucher, du XVIIIe siècle, léger et polisson.
2.
Couleurs chaudes au premier plan, couleurs froides à l’arrière-plan, donnant de la
profondeur au tableau, se conjuguent pour donner à cette composition une tonalité mélancolique. À l’infini du ciel et des montagnes occupant une large place dans cette toile,
s’ajoute un univers protégé par les arbres à droite formant un toit au-dessus des couples.
Nature accueillante et idéale propice aux jeux de l’amour. Dans ce décor, l’ensemble des
groupes se déploie le long d’une ligne sinueuse qui part des amours, en haut à gauche,
pour arriver aux deux amants à droite. Les trois couples de droite illustrent trois moments
successifs de l’action : la cour, le lever, la marche. Un terme fleuri de roses, à droite,
arrête symboliquement et plastiquement la longue ligne des couples d’amoureux.
Le défilé des groupes épouse les lignes douces du paysage. Le titre primitif « Pèlerinage »
avait un caractère sacré qu’il a perdu par la suite. En tout cas, il s’agit ici du départ ou
de l’arrivée à l’île d’amour et l’œuvre est emblématique d’un genre dont Watteau fut l’inventeur pour une grande part, celui des « fêtes galantes », très marqué par le théâtre, la
musique et la littérature de ce siècle. Le terme de « fêtes galantes » évoque un lyrisme
féerique et une frivolité teinte de mélancolie que l’on retrouve dans L’Embarquement
et dans d’autres toiles du peintre : Amour paisible (1718-1719), un deuxième
Embarquement pour Cythère (Berlin 1717) et Les Bergers (1716).
3. Les deux peintres cultivent ici le goût de la galanterie, du jeu, allant jusqu’au libertinage, voire pour Fragonard la représentation scabreuse.
Dans Les Hasards heureux de l’escarpolette, la robe satinée de la jeune personne sur la
balançoire fait une tache rose au milieu du feuillage et l’on voit une jambe dans un bas
argenté..., regardé avec concupiscence par le baron.
Dans Les Baigneuses, les corps se mêlent au feuillage tourbillonnant, les courbes dominent, donnant du mouvement à cette scène. Mouvement en rondeur ici, dynamisme des
obliques dans Les Hasards heureux de l’escarpolette et légèreté de la gestuelle ; notion de
trajet chez Watteau empreint d’une lenteur, d’une langueur absente chez Fragonard.
Le plaisir est partout, y compris dans le choix des titres, mais le rythme représenté est
différent.
Point commun toutefois : le paysage est théâtralisé, sans être artificiel ; il occupe une
place importante et constitue un tableau à lui seul : feuillage où la lumière joue de ses
reflets, mettant en valeur les parties d’un vert plus sombre, ciel moutonnant dans les
reproductions 2 et 4, percée bleue dans la 3. Dans Les Baigneuses, l’eau même n’est
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plus liquide, elle est mousse, buée. Plus rien n’est matériel, tout est vaporeux. La Nature
n’obéit plus aux lois de la pesanteur.
4. Les femmes n’obéissent plus non plus aux lois de la pesanteur. Elles ne sont plus
qu’élan joyeux. La représentation de la nudité féminine est une préoccupation constante
des peintres du Rococo français. Contrairement à Boucher, Fragonard ne recourt à aucun
prétexte mythologique pour peindre des jeunes femmes grasses et blondes comme des
figures de Rubens. Les corps se mêlent aux draperies et à une nature foisonnante, dans
le tourbillon d’une pâte généreuse et rapide qui donne au tableau le dynamisme d’une
esquisse. Ce tableau est presque un symbole, l’expression du bonheur de vivre, d’un
lyrisme panthéiste à la Rubens.
Crespi, lui, exprime la densité des formes, il représente cette chercheuse de puce par la
profondeur des ombres, le glissement de la lumière, les modulations tonales. La scène,
ici, est une scène rustique, peinture de genre illustrant une scène de vie quotidienne dont
le personnage est une femme anonyme, peinture de facture plus réaliste.
Renoir disait, en peignant des femmes nues, qu’il s’efforçait de les peindre comme des
fruits ; sensualité est le maître mot.
On se reportera aux reproductions suivantes du manuel pour faire quelques remarques
comparatives :
• Allégorie du triomphe de Vénus (1540) de A. Bronzino, page 77 du manuel,
• La Vieillesse et la Mort (1540) de H. B. Grien, page 42,
• Bergers d’Arcadie (1629) de N. Poussin, page 90,
• L’Inspiration du Poète (1630) de N. Poussin, page 75.
Dans ces tableaux, le corps est un prétexte à allégorie ; il est ferme, non dénué de sensualité ; il est clairement délimité à la différence de l’emportement du pinceau, du
rythme rapide de la touche chez Fragonard.
On pourrait aussi aborder le thème des Baigneuses et ses variantes antiques, Nymphes
au Bain, Bain de Diane, ... pour faire la distinction avec la fougue de Fragonard qui ne
s’encombre plus de prétexte mythologique.
5. Pinceau léger, fluide, vivacité des mouvements, tourbillon des formes et des reflets,
chairs et chevelures se transformant en une sorte de halo nacré, enchevêtrement de
corps nus et de draperies ; glissement de la lumière, primat accordé à la touche en dignes
représentants de la peinture rococo. Art du plaisir, de l’instantané, de l’amour et de la
nature, autant de thèmes et procédés abordés dans les réponses 1, 2, 3 et 4.
Quelques exemples de passages littéraires : texte 2, V. Denon, l. 10, page 143 du
manuel, texte 3, Laclos, l. 22, page 144.
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