Etude sur l`utilisation du sous-titrage
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Etude sur l`utilisation du sous-titrage
ANNEXE 2 Les pratiques de traduction audiovisuelle et les obstacles à l’utilisation du soustitrage Etude sur l’utilisation du sous-titrage Le potentiel du sous-titrage pour encourager l’apprentissage et améliorer la maîtrise des langues EACEA/2009/01 Cette étude a été commandée par la Commission européenne, Direction générale Education et Culture © Commission européenne Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 1 Ce document est une annexe du Rapport final de l’« Etude sur l’utilisation du sous-titrage : le potentiel du sous-titrage pour encourager l’apprentissage et améliorer la maîtrise des langues ». Il présente les résultats de deux « work packages » de la recherche : la description des pratiques de traduction audiovisuelle dans les pays couverts par l’étude (Europe 33) et l’analyse des obstacles à la diffusion du sous-titrage. Les avis exprimés dans le présent document sont ceux des personnes y ayant collaboré, et ne reflètent pas nécessairement la position de la Commission européenne. Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 2 Sommaire 1 PRATIQUES DE TRADUCTION AUDIOVISUELLE DANS LES MEDIAS 4 1.1 La circulation des œuvres audiovisuelles 4 1.2 Cartographie des pratiques linguistiques au cinéma 8 1.3 Cartographie des pratiques linguistiques à la télévision 10 1.4 Etude de cas sur les pratiques des chaînes de télévision dans les pays où coexistent des communautés linguistiques différentes 13 2 OBSTACLES A L’UTILISATION DU SOUS-TITRAGE 17 2.1 Le cadre historique 17 2.2 Obstacles culturels 18 2.3 Obstacles physiologiques et psychologiques 18 2.4 Remarques sur la question de la qualité du sous-titrage 19 2.5 Obstacles économiques 19 2.6 Obstacles technologiques 20 2.7 Mesures législatives 20 Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 3 1 Pratiques de traduction audiovisuelle dans les médias L’objectif de ce chapitre est de décrire les pratiques de transfert linguistique au cinéma et à la télévision dans les 33 pays couverts par l’étude. Le chapitre présente : une cartographie commentée des pratiques dans la distribution cinématographique une cartographie commentée des pratiques dans la diffusion télévisuelle une étude de cas sur les expériences de traduction multilingue menées par des chaînes de télévision européennes L’étude réalisée par Media Consulting Group en 20071 sur les pratiques du doublage et du sous-titrage en Europe a été le point de départ de la recherche. Afin de mettre à jour les informations collectées lors de cette étude, des institutions nationales et transnationales ont été contactées, comme les agences nationales pour le cinéma (EFAD - European Film Agencies directors), la Fédération Internationale des Associations de Distributeurs de Films (FIAD), l’Union Européenne des Radiodiffuseurs (UER) et l’Association des Télévisions Commerciales (ACT). En ce qui concerne les pratiques dans les salles de cinéma, les institutions nationales ont été contactées dans les pays dits « de doublage » : lors de l’étude 2007 il était apparu que dans ces pays (Espagne, Italie, France, Allemagne, Autriche, Hongrie, République tchèque) les pratiques avaient évolué par rapport à la tradition. Il a été donc nécessaire d’identifier des éventuelles nouveautés par rapport aux résultats de l’étude précédente. La communication a été menée par email et par téléphone. Un questionnaire a été rédigé permettant d’avoir des données chiffrées sur le nombre de films étrangers doublés et/ou sous-titrés dans chacun des pays mentionnés ci-dessus, avec une distinction « films européens non nationaux / films américains ». Les données collectées concernent l’année 2009. En ce qui concerne les pratiques à la télévision, la recherche a ciblé d’abord les organisations européennes comme l’UER et l’ACT. Ensuite, des entretiens supplémentaires avec des chaînes de télévision européennes publiques et privées ont été menés, aussi bien pour avoir des informations générales sur les pratiques de transfert linguistique que pour des informations spécifiques dans le cadre de l’étude de cas sur le multilinguisme. 1.1 La circulation des œuvres audiovisuelles Les deux cartes présentées dans les sections suivantes montrent la répartition des pratiques de transfert linguistique selon les pays, au cinéma et à la télévision. Les données présentées dans ces cartographies doivent être mises en perspective avec la circulation « réelle » des œuvres audiovisuelles en langue étrangère dans chaque pays. Le tableau présenté ci-après, réalisé sur la base des données 2009, montre le pourcentage de films en langue étrangère (et donc le potentiel de films à traduire) dans chaque pays européen. 1 MCG, Peacefulfish, Etude des besoins et des pratiques de l’industrie audiovisuelle européenne en matière de doublage et de sous-titrage, Commission européenne, 2007. Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 4 TABLEAU CINÉMA - BESOINS EN MATIÈRE DE DOUBLAGE ET SOUS TITRAGE Sorties nationales Sorties US Sorties ENN Total (incl. autres nationalités*) % de films à doubler ou sous titrer AT 37 138 126 324 88,5 BE 28 244 318 709 96,1 BG 9 116 39 168 94,6 CH 59 117 192 410 85,6 CZ 45 109 72 234 66,5 DE 220 168 83 526 63,8 DK 32 106 64 216 85,2 EE 9 106 44 162 94,4 ES 186 218 111 556 66,5 FI 20 106 41 174 88,5 FR 268 165 96 588 54,4 GR n/a n/a n/a n/a n/a HR 18 244 61 343 94,7 HU IE ** 24 n/a 93 n/a 64 n/a 192 n/a 87,5 n/a 7 134 22 166 95,7 IT 115 159 n/a 355 67,6 LICH n/a n/a n/a n/a n/a LT 2 107 23 133 98,4 LU 8 162 230 424 98,1 LV 18 105 26 170 89,4 MT n/a n/a n/a n/a n/a NL 37 153 111 368 89,9 NO 22 109 71 223 90,1 PL 35 117 93 264 86,7 PT 22 176 65 271 91,8 RO 19 131 57 211 90,9 SE 41 121 89 269 84,5 SI 11 116 55 190 94,2 SK 11 106 68 192 94,3 TR 69 118 49 252 72,6 UK**** 113 212 82 503 35,3*** 2009 CY IS (2008) Source : MCG 2011, sur la base des tableaux de l’annuaire 2010, volume 3 « Cinéma et Vidéo » de l’OEA. * ** *** **** Total des sorties toute nationalité confondue Chiffres inclus dans calculs UK Pour calculer ce %, les titres US ont été retirés. Les chiffres incluent l'Irlande Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 5 Pour donner quelques exemples, 503 films sont sortis au cinéma au Royaume-Uni en 20092, dont 113 films nationaux et 212 films US, pour un total de 325 films en langue anglaise3. Par conséquent, seulement 35% des films sortis en salle ont eu besoin de traduction, ce qui explique pourquoi la présence du sous-titrage peut ne pas apparaître très visible dans ce pays. A l’autre extrême de l’échelle on retrouve des pays comme la Bulgarie, la Belgique, la Croatie, l’Estonie ou Islande, où le pourcentage de films à traduire dépasse 90%. Dans ces pays, les films nationaux représentent une toute petite partie des films circulant en salle. Dans les pays où les films nationaux constituent une composante importante de l’offre, le pourcentage baisse : c’est le cas de la France (environ 54%) et dans une moindre mesure de l’Italie (environ 68%). En ce qui concerne la circulation d’œuvres audiovisuelles à la télévision, le tableau présenté ci-dessous montre les besoins en termes de traduction. Les calculs ont été effectués à partir du recensement réalisé par l’Observatoire européen de l’audiovisuel, qui dans chaque pays prend en compte exclusivement les chaînes nationales diffusées sur le territoire national. Ce tableau permet de remarquer que le pourcentage d’heures à doubler ou sous-titrer est très bas au Royaume Uni (environ 23%) du total d’heures d’œuvres diffusées par les chaînes nationales, alors qu’il dépasse 90% du total d’heures diffusées dans d’autres pays, comme la Belgique flamande, le Danemark, le Luxembourg, la Norvège et la Suède. 2 Selon les données de l’Observatoire Européen de l’Audiovisuel, Annuaire 2010. Ces données incluent l’Irlande. 3 Sauf exception. Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 6 TABLEAU PROGRAMMES TV - BESOINS EN MATIÈRE DE DOUBLAGE ET DE SOUS TITRAGE No d'Heures Totales No d'Heures No d'Heures (incl. autres % d'Heures à doubler 2009 nationales No d'Heures US ENN nationalités)* ou sous-titrer AT 404 8639 4898 14807 80.8** BE FR 416 8829 8464 19730 78.6*** BE FL 2193 16942 10313 33607 93,4 BG n/a n/a n/a n/a n/a CH 174 4114 3795 8781 73,7**** CY n/a n/a n/a n/a n/a CZ n/a n/a n/a n/a n/a DE 10374 46721 17246 83049 87.5 DK 1068 15311 4228 23376 95.4 EE n/a n/a n/a n/a n/a ES 4046 9988 3115 19839 79.6 FI 1137 4491 5152 11841 90.3 FR 30686 32097 31305 103253 70.2 GR n/a n/a n/a n/a n/a HR n/a n/a n/a n/a n/a HU n/a n/a n/a n/a n/a IE 419 3877 3347 9354 35,3***** IS n/a n/a n/a n/a n/a IT 4886 12055 5141 24891 80.3 LICH n/a n/a n/a n/a n/a LT n/a n/a n/a n/a n/a LU4 2 360 1 363 99,4 LV n/a n/a n/a n/a n/a MT n/a n/a n/a n/a n/a NL 1814 7942 4729 14684 87.6 NO 654 7809 3042 12372 94.7 PL n/a n/a n/a n/a n/a PT n/a n/a n/a n/a n/a RO n/a n/a n/a n/a n/a SE 1444 20426 8912 33712 95.7 SI n/a n/a n/a n/a n/a SK n/a n/a n/a n/a n/a TR n/a n/a n/a n/a n/a UK 26304 86326 18677 146892 23.3****** Source : MCG 2011, sur la base des tableaux de l’annuaire 2010, volume 2 « Les tendances de la télévision européenne » de l’OEA. * Total des heures toute nationalité confondue **Pour calculer ce %, les heures de programmes en langue allemande diffusés sur les chaînes autrichiennes ont été retirées. 4 Chiffres 2009 Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 7 ***Pour calculer ce %, les heures de programmes en langue française diffusées sur les chaînes belges francophones ont été retirées. ****Pour calculer ce %, les volumes de programmes français, allemands et italiens ont été retirés. *****Pour calculer ce %, les volumes de programmes anglais et US ont été retirés. ******Pour calculer ce %, les volumes de programmes US ont été retirés. 1.2 Cartographie des pratiques linguistiques au cinéma Le sous-titrage est la pratique de transfert linguistique la plus répandue en Europe et concerne 28 pays (26 pays et 2 régions à l’intérieur de 2 pays): Belgique flamande, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse alémanique, Turquie. Le doublage est la pratique de transfert linguistique prédominante en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Autriche, dans la partie francophone de la Belgique et en Suisse romande et italienne, mais il est également très présent en France. Le doublage est pratiqué à niveaux différents, selon les pays. En Espagne le doublage constitue la pratique dominante, aussi bien pour les films européens que pour les films américains. Sur les 389 films européens distribués en salles en 2009, 53% est sorti exclusivement en version doublée et 29% en double version (version doublée et sous-titrée). La part de films américains sortis en version exclusivement doublée est encore plus grande et équivaut à 69% sur un total de 537 films américains. Les films américains sortis en double version représentent 25% du total. Par ailleurs, la part de films distribuée en version exclusivement sous-titrée est plus grande pour l’ensemble films européens (18%) que pour l’ensemble films américains (6%)5. Les Communautés Autonomes qui composent l’Espagne, ayant chacune une langue officielle différente du castillan, ont pour certaines des pratiques de transfert linguistique spécifiques. En Catalogne, par exemple, la loi intitulée « Ley del Ciné Catalàn » approuvée par le Parlement autonome catalan le 30 juin 2010 prévoit qu’un film étranger distribué en salles, ait le même pourcentage de copies doublé en castillan et en catalan. Cette loi, qui a fait l’objet de nombreuses discussions notamment auprès des distributeurs et des exploitants de salles, est entrée en vigueur le 1er janvier 2011. En Italie, le doublage reste dominant (environ 89% des films européens et 63% des films US), même si certains films sortent également en version sous-titrée. A la différence d’autres pays européens, ce ne sont pas les films européens mais les films américains qui sortent parfois en version doublée et sous-titrée (35% environ de films US versus 9% environ de films EU)6. En France, la pratique la plus courante est celle de la double version : les films étrangers, qu’ils soient européens ou américains, sortent pour la plupart avec un certain nombre de copies en version sous-titrée et une autre part de copies en version doublée. Les données disponibles ne permettent pas d’estimer la répartition entre copies doublées et copies soustitrées, mais il est possible de dénombrer les établissements ayant programmé chaque film dans chaque version7. Une partie très réduite d’établissements cinématographiques programme les films dans les deux versions (3,5% pour les films européens et 2,3% pour les films américains). La plupart d’entre eux programme les films en version doublée (53% 5 Source : Instituto de la Cinematografía y de las Artes Audiovisuales, Espagne. Source : Cinecittà Luce, Italie. Un certain nombre de précautions doit être pris dans la lecture des données italiennes, car le classement des films est établi par le département « censure » qui utilise des critères différents de ceux qui ont guidé notre recherche. 7 Source : Centre national du cinéma et de l’image animée, France. Données concernant les films sortis en 2009. 6 Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 8 environ des salles de cinéma pour les films européens et 82% environ pour les films américains), même si l’écart entre version originale et version doublée est plus fort pour les œuvres américaines que pour les œuvres européennes (16% environ de salles programmant les films américains en version exclusivement sous-titrée versus 44% environ de salles pour les films européens). Par ailleurs, les films américains sortent en plus grand nombre que les films européens (165 films US versus 96 films EU) et en nombre de copies beaucoup plus important (pour les films sortis en double version, on dénombre 90 films européens sur 7014 copies et 155 films US sur 35 842 copies). On peut donc estimer que la population soit exposée en large partie au doublage plutôt qu’au sous-titrage. En Allemagne, le doublage constitue la règle générale mais la sortie en double version est parfois pratiquée. Le sous-titrage semble correspondre aux exigences de certains publics, notamment pour les films d’art et essai. En Autriche, des pratiques semblables à celles allemandes ont été repérées. La Hongrie, traditionnellement un pays de doublage, utilise de plus en plus le sous-titrage, alors que le doublage reste la pratique la plus courante pour la diffusion télévisuelle. La République Tchèque s’oriente de plus en plus vers le sous-titrage : les films européens sortis en 2009 ont été tous distribués en version originale sous-titrée ; les films américains ont été distribués en majorité en version originale sous-titrée (75% environ) et en minorité en version doublée (25% environ)8. La Croatie est un pays de soustitrage, même si un petit nombre de films étrangers est distribué en version doublée ou en double version9. Les pays dits « de sous-titrage » ne constituent pas non plus un bloc uniforme. Dans certains de ces pays, le sous-titrage bilingue est pratiqué : c’est le cas de la Belgique flamande, où les films sont sous-titrés en français et en flamand ; de la Finlande (sous-titrage en finnois et suédois) ; du Luxembourg (sous-titrage en français et néerlandais ou allemand) ; de la Suisse, pour les versions sous-titrées, en Suisse francophone et alémanique (français et allemand). La Suisse constitue par ailleurs un cas particulier car alors que les Suisses romande et italienne préfèrent le doublage, la Suisse alémanique pratique davantage le sous-titrage. En outre, un certain nombre de films sont distribués dans leur version originale, leur diffusion étant limitée à leur région linguistique (films français en Romandie, films allemands ou autrichiens en Suisse alémanique, films italiens au Tessin). 8 Source : Ministère tchèque de la culture. Les données collectées ne concernent que les films en première exploitation. 9 Source : Centre Audiovisuel Croate. Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 9 Légende Sous-titrage Doublage Double version (copies sous-titrées et doublées) 1.3 Cartographie des pratiques linguistiques à la télévision Le doublage est la pratique dominante dans 11 pays : l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, la France, la Hongrie, l’Italie, la République Tchèque, la Slovaquie, la Suisse, la Turquie et la Belgique francophone. Le voice over est pratiqué dans 4 pays : la Bulgarie, la Pologne, la Lettonie et la Lituanie. Il est pratiqué dans une moindre mesure également en Estonie, où 1/ 3 des programmes est diffusé en version voice over et le reste en version sous-titrée. Le sous-titrage est pratiqué dans le reste des pays : Belgique flamande, Croatie, Chypre, Danemark, Estonie, Finlande, Grèce, Irlande, Islande, Norvège, Pays Bas, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Slovénie, Suède. Le Luxembourg et Malte doivent être classés à part. Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 10 Au Luxembourg, le paysage audiovisuel est partagé entre le groupe national RTL et les diffuseurs étrangers. En effet, 40% de la population résidente est constitué d’étrangers et la population est généralement multilingue. Les chaînes étrangères diffusent chacune dans la langue de leur pays d’origine ; les chaînes du groupe RTL diffusent soit en français, soit en allemand, soit en néerlandais, selon le public visé. Seule la chaîne RTL Lëtzeuberg diffuse en luxembourgeois. Il s’agit d’une chaîne généraliste qui diffuse principalement des news et des magazines. Si parfois elle diffuse des films, il s’agit de films luxembourgeois, ou coproductions luxembourgeoises, qui sont diffusés en version originale. A Malte, la langue de diffusion est le maltais ; les films étrangers sont diffusés directement en version anglaise (ou à la limite en version italienne sur les chaînes italiennes). La diffusion du numérique comme canal de transmission est en train de changer la donne, permettant aux téléspectateurs d’avoir accès à des versions originales sous-titrées comme alternative aux versions doublées ou à un sous-titrage dans une langue différente de la langue principale de diffusion. Cette option reste encore à l’état de possibilité dans plusieurs pays et ne concerne, pour l’instant, que certaines chaînes pour certains programmes. C’est la cas d’ARTE, qui diffuse certains de ses films en VOST sur le réseau numérique ; c’est le cas de SKY (télévision à péage) qui donne accès, en Italie, aux films étrangers en permettant de choisir entre la version doublée en italien et la version originale sous-titrée en italien, et c’est le cas de M6 en France qui permet aux téléspectateurs de choisir entre la version doublée des séries télé à la télévision et la version originale sous-titrée dans la plateforme de rattrapage de la chaîne sur internet. Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 11 Légende Sous-titrage Doublage Voice over Versions originales Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 12 1.4 Etude de cas sur les pratiques des chaînes de télévision dans les pays où coexistent des communautés linguistiques différentes Objectifs Cette étude de cas a pour objectif d’identifier et analyser des expériences d’offre multilingue proposées par des chaînes de télévision européennes, pour prendre en compte la présence sur le territoire de plusieurs communautés linguistiques. Par « offre multilingue » on entend ici la proposition du même programme étranger avec deux traductions, quelle que soit la technique utilisée (double sous-titrage, avec sous-titres présents sur l’écran en même temps ou au choix ; doublage en deux langues, au choix ; proposition de la version originale du programme avec sous-titres en plusieurs langues au choix ; autre). Méthodologie La phase d’identification des chaînes pertinentes a été particulièrement longue. Au delà des cas les plus connus, comme l’expérience du diffuseur finlandais YLE, les expériences « multilingues » ne sont pas faciles à détecter, soit parce qu’elles ne constituent que des expériences ponctuelles, soit parce que les organisations européennes qui regroupent les chaînes de chaque pays (ACT pour les chaînes commerciales, UER pour les chaînes publiques) ne sont pas nécessairement au courant du traitement de la question linguistique chez la totalité de leurs membres. Dans la phase de recherche des expériences répondant à nos critères, ACT et UER ont été sollicitées. Certains des experts médias du réseau MCG ont également été contactés pour identifier des expériences spécifiques dans certains pays (Bulgarie, Lituanie). Plusieurs chaînes de télévision ont été directement contactées dans de différents pays. Globalement, à travers des contacts directs et indirects, la recherche s’est intéressée aux pays suivants : Allemagne, Belgique, Bulgarie, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Lituanie, République tchèque, Royaume-Uni, Suède, Suisse. Les délais de réponse sont parfois longs. En termes de politique linguistique, l’échantillon de chaînes sélectionné comprend donc deux pays ayant plus d’une langue officielle - Suisse et Finlande. En termes de couverture géographique, l’échantillon comprend un pays balte - la Lituanie; deux pays scandinaves – la Suède et la Finlande; deux pays du sud – l’Italie et l’Espagne; deux pays d’Europe centrale – la République tchèque et la Bulgarie ; deux pays francophones - la France et la Suisse. Expériences d’offre multilingue Suisse Le cas de la Suisse est tout à fait particulier. Pays ayant plusieurs langues officielles, la Suisse a une offre télévisuelle qui reflète la pluralité de langues du pays. Toutefois, le multilinguisme ne se traduit pas dans la proposition de deux ou trois langues au choix pour le même programme sur la même chaîne, mais par l’utilisation d’une langue différente selon la région linguistique. La technique utilisée pour traduire les programmes étrangers est le doublage. Le sous-titrage est utilisé seulement dans sa version intralinguistique, ayant pour cible la population sourde et malentendante. Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 13 Il est rare que les films soient proposés en version originale sous-titrée même quand les sous-titres existent dans les 3 langues principales du pays (français, allemand, italien). Ce sont des raisons culturelles et économiques qui empêchent l’utilisation du sous-titrage. Deux exemples peuvent illustrer ces raisons. Le téléfilm L’inspecteur Derrick est diffusé pour la communauté italienne en italien. Les soustitres français et allemands pourraient être également proposés mais la version italienne du programme est différente des autres, à cause des coupures publicitaires. En effet, elle est plus courte d’environ 2 minutes, ce qui comporte un décalage avec les sous-titres français et allemands. Proposer ce programme avec des sous-titres dans les deux autres langues demanderait des coûts supplémentaires pour vérifier et corriger ce décalage. Un autre exemple peut être fourni par la série Desperate Housewives. Il est coutume au sein de la communauté germanophone d’échanger les sous-titres dont chaque chaîne dispose. Or, quand la télévision suisse reçoit des sous-titres en provenance d’Autriche, il est nécessaire de les vérifier car les Autrichiens coupent généralement les scènes de nu ainsi que les scènes trop violentes alors que la Suisse ne pratique pas cette censure. Comme dans le premier exemple, donc, la vérification en amont du programme demanderait des coûts supplémentaires à engager. Les raisons économiques par ailleurs sont doublées par des raisons culturelles : le public de la télévision a l’habitude du doublage ; ce n’est que parmi les cinéphiles qu’il y a des téléspectateurs préférant les versions originales sous-titrées. Par ailleurs, le projet « Le centenaire du film » mis en œuvre par la télévision suisse il y a environ 15 ans et prévoyant la diffusion en VO sous-titrée de 50 grands films de l’histoire du cinéma n’a pas eu le succès escompté. Suède En Suède, le suédois est la langue officielle du pays mais il y a deux minorités linguistiques: les Finnois et les Saami. Tous les programmes étrangers sont diffusés avec sous-titres en suédois. Toutefois, la télévision publique suédoise (groupe SVT) a mis en place différentes expériences de double sous-titrage sur deux des cinq chaînes du groupe. Sous-titrage en danois Depuis deux ans, une des chaînes de ce groupe suédois diffuse au Danemark. Par conséquent une sélection de programmes (genres : « current affairs », « culture et société »), choisis en collaboration avec une organisation danoise, est sous-titrée en danois. Dès lors au Danemark, les spectateurs peuvent choisir entre sous-titres danois et sous-titres suédois. Il convient de remarquer que le choix n’est pas possible pour la population vivant en Suède. Sous-titrage en finnois Pour fournir à la communauté finlandaise vivant en Suède des programmes dans sa propre langue sur base régulière, une sélection de programmes « société » et « current affairs » est proposée avec sous-titres finnois. Cette pratique a également l’objectif d’atteindre la population finlandaise en Finlande. Sous-titrage en finnois et saami Il s’agit d’une pratique d’assez longue date qui ne concerne que les journaux télévisés. . Sous-titrage en romani Il s’agit d’une expérience unique tentée il y a 3 ou 4 ans, pour quelques programmes. Celleci n’a pas été réitérée en raison d’une faible audience. Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 14 Finlande En Finlande, le finnois et le suédois ont le même statut de langue officielle et la loi prévoit des mesures spécifiques pour garantir la représentativité des différentes langues sur leur territoire. La pratique en vigueur prévoit le sous-titrage des programmes étrangers (avec l’exception des programmes pour enfants jusqu’à 10 ans maximum, qui sont doublés). Le diffuseur public YLE se doit, par ses statuts, de diffuser des programmes prenant en compte les besoins des minorités nationales. Ainsi, grâce au passage au numérique terrestre, la chaîne FST5 au sein du groupe YLE a une programmation en langue suédoise à 100%, avec sous-titres en finnois. Avant le passage à la TNT, la diffusion de YLE 1 et YLE 2 les lundi et mardi soirs était en suédois avec sous-titres finnois. En revanche, aucun programme n’est sous-titré en saami. La programmation en saami sur YLE se limite à un journal télévisé de dix minutes, diffusé une fois par jour du lundi au vendredi dans la région de Laponie située au nord de Rovaniemi. Ce journal est produit à Karasjoki en Norvège et est diffusé également dans les régions laponnes de Norvège et de Suède. Il n’est pas sous-titré en finnois. Les chaînes privées finlandaises ne proposent pas de choix dans des langues autres que le finnois, normalement pour des raisons commerciales, dues à la taille réduite des minorités linguistiques et au fait que ces mêmes minorités ont une bonne connaissance du finnois et/ou de l’anglais. Par ailleurs, des offres télévisuelles commerciales en suédois et en russe sont également disponibles en provenance des pays frontaliers. Lituanie En Lituanie, la télévision publique (représentée par le groupe LRT avec ses deux chaînes LTV et LTV2) diffuse dans la langue nationale. Les programmes étrangers sont traduits en lituanien avec la technique du voice over. Les minorités linguistiques du pays (Russes, Polonais, Biélorusses, Ukrainiens) constituent une partie exiguë de l’audience et pour cette raison la télévision n’ajoute pas de sous-titrage spécifique pour ces minorités. En revanche, chaque semaine LVT diffuse un programme à la destination de chaque minorité, conformément aux dispositions de la Lithuanian National Radio and Television Law de 1996 selon lesquelles le groupe publique doit produire des programmes pour les minorités linguistiques du pays. Il s’agit de programmes du genre « magazine », dont la production est généralement confiée à des sociétés ou à des auteurs appartenant au même groupe linguistique que l’audience ciblée. Chaque année les programmes sont choisis à travers un appel à projets lancé par la chaîne dont les contenus reflètent les intérêts de la population-cible. Ces programmes sont diffusés du lundi au vendredi et sont rediffusés deux fois sur la deuxième chaîne du groupe, LTV2. La seule minorité n’ayant pas de programme dans sa propre langue est la minorité juive. A l’époque soviétique, dans cette région la population juive parlait le Yiddish ; aujourd’hui elle utilise le lituanien ou le russe dans la vie de tous les jours et regarde la télévision dans une de ces deux langues. Il est possible qu’en 2012, avec le passage de la transmission analogique à la transmission numérique, la population puisse choisir de voir les programmes en langue originale, avec l’option du voice over et/ou des sous-titres. Bulgarie En Bulgarie, la pratique de traduction la plus courante, pour les programmes étrangers, est le voice over. La minorité linguistique la plus présente dans le pays est le turc mais pour des Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 15 choix politiques, il n’y a pas de traduction supplémentaire vers cette langue, à l’exception du journal télévisé qui, une fois par jour, est suivi d’un résumé de 10 minutes en langue turque. Dans les pays de doublage où le passage à la transmission numérique a déjà eu lieu, les téléspectateurs ont parfois la possibilité de choisir entre la version d’un film avec doublage dans sa propre langue et la version originale avec sous-titres. C’est le cas par exemple en France, tant sur ses chaînes gratuites que sur ses chaînes à péage. Pour la télévision à péage, cette « version multilingue » ou « VM » comme siglée sur l’écran, est offerte par Canal Plus. Pour l’offre gratuite, on peut mentionner le cas du groupe M6. Ce groupe diffuse les séries US en version française à l’antenne et en version originale anglaise sous-titrée sur la plateforme Internet du groupe (catch-up et VoD). Cette initiative s’est développée pour toucher un marché, encore impalpable et difficile à quantifier, de fans de séries américaines qui les regardent uniquement sur Internet en streaming ou en téléchargement illégal dans la mesure où les épisodes ne sont pas encore disponibles légalement en France. La diffusion de la version originale sous-titrée est tout de même confrontée à quelques obstacles : elle est disponible sur Internet, mais accessible exclusivement via PC et pas sur IPTV pour les programmes catch-up. En outre, il s’avère parfois compliqué de basculer sur la « VM » à partir des box internet car des erreurs de flux persistent. D’après les opérateurs mêmes, la technique est encore approximative. Par ailleurs, les responsables du groupe M6 admettent que la promotion de cette offre n’est pas assez mise en avant par la chaîne et qu’une grande partie du public n’est pas au courant. En Italie, autre pays de doublage, le choix de la version originale est proposé seulement par le groupe SKY. Au sein du groupe RAI, RAI Educational, malgré ses objectifs éducatifs, n’a pas recours au sous-titrage. La seule exception est constituée par la chaîne RAI SCUOLA, qui propose un programme pour l’apprentissage de l’anglais (« il divertinglese ») avec des programmes en anglais sous-titrés en anglais (par exemple, des fictions de la BBC). Conclusions La transmission numérique présente un potentiel qui n’est pas encore pleinement utilisé dans tous les pays. Elle donne en effet la possibilité de transmettre un programme en version originale avec un ou plusieurs sous-titrages. Cette possibilité technique reste tout de même confrontée à des questions économiques, relatives à la disponibilité et l’achat de plusieurs versions linguistiques déjà existantes ou à effectuer et aux différences existantes parfois entre deux versions du même programme (cf. les exemples dans la section sur la Suisse). En analysant les expériences présentées dans notre échantillon, il apparaît que la présence de plusieurs versions linguistiques est plus fréquente pour les journaux télévisés que pour d’autres types de programmes (Bulgarie, Suède, Finlande, Lituanie). Ces versions linguistiques s’adressent tout particulièrement aux minorités qui composent le pays. Dans certains pays, comme la Finlande et la Suède (mais aussi en Lettonie) la loi impose un nombre d’heures destinées aux minorités linguistiques. Cette disposition de loi donne lieu à des pratiques différentes : en Finlande, une chaîne est entièrement en langue suédoise ; en Suède, en revanche, seul un certain nombre de programmes est sous-titré en finnois. Il faut remarquer que la différence entre les deux choix pourrait être liée au différent statut de chaque langue dans les deux pays : le suédois a le statut de langue officielle en Finlande alors que le finnois n’a pas ce même statut en Suède. Dans des pays avec une seule langue officielle mais plusieurs minorités linguistiques, comme la Lituanie, la solution adoptée consiste à proposer des programmes ad hoc dans les langues des minorités. Dans ce cas, donc, il ne s’agit pas de proposer deux versions linguistiques du même programme mais de concevoir la production dans la langue de l’audience-cible très en amont. Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 16 2 Obstacles à l’utilisation du sous-titrage 2.1 Le cadre historique Dans les 33 pays européens analysés les méthodes de traduction audiovisuelle les plus adoptées sont le doublage, le sous-titrage et le voice over. Les raisons historiques de ces choix sont d’ordre politique, économique, social et culturel10 et ont influé de manière différente selon les pays. En général la pratique audiovisuelle adoptée pour le cinéma a été ensuite adoptée pour la télévision, quoiqu’au fil du temps les deux aient connu des évolutions indépendantes l’une de l’autre. Du point de vue économique, le volume de la demande a été à la base du choix du doublage de la part de l’Allemagne, l’Espagne, la France et l’Italie à l’époque du passage du film muet au film parlant. Comme les marchés de ces pays constituaient un volume d’entrées potentiellement important, le recours à une technique chère telle que le doublage pouvait être amortie par la popularité des films.11 Un autre facteur qui a porté à l’adoption du doublage dans ces pays est la politique linguistique et culturelle des années 30 essentielle à leur nationalisme et à la normalisation de leur langue. Dans les trois pays aux régimes nationalistes (Italie, Espagne et Allemagne), cette politique, s’appuyant également sur des moyens tels que la censure et les quotas sur l’importation de films étrangers,12 favorisait l’unité nationale, mais également la propagande. Cependant la politique en la matière a connu des variations et des moments de relâchement, notamment en Espagne13. Pour autant, on ne peut associer de manière systématique régime nationaliste et imposition du doublage, le cas du Portugal, pays de sous-titrage en est la preuve. Par ailleurs, en France, la défense et la promotion de l’unité linguistique remonte à une démarche historique de centralisation politique et culturelle datant du 16ème siècle. Le doublage a été également adopté par ces petits pays ou régions qui parlent la langue nationale de pays voisins plus vastes ayant adopté le doublage : c’est le cas de l’Autriche, par exemple, et de la Wallonie (Belgique). Par ailleurs, il ne faut pas négliger non plus le niveau significatif d’analphabétisme de l’époque qui rendait l’option du sous-titrage moins pratique et accessible pour la population. La censure, le protectionnisme linguistique et l’analphabétisme sont également à la base du choix pour le voice over, essentiellement dans les pays qui étaient sous l’influence politique de l’Union Soviétique. Dans ces pays, comme l’importation de produits audiovisuels provenant des pays capitalistes était plus ou moins efficacement interdite à la population dans son ensemble, le recours au voice over permettait d’avoir accès à ces films à des prix accessibles dans des contextes intellectuellement plus élevés et quantitativement moins importants. Quant aux pays qui ont choisi le sous-titrage, les raisons historiques sont les mêmes mais d’ordre inverse par rapport à celles qui ont conduit au choix du doublage, à savoir l’absence d’une politique linguistique nationaliste, de censure vis-à-vis des produits audiovisuels 10 Cf. Martine Danan, « Dubbing as an Expression of Nationalism », Meta : journal des traducteurs / Meta: Translators' Journal, Vol. 36, n° 4, 1991, p. 606-614, http://id.erudit.org/iderudit/002446ar 11 V. De Grazia, (1989) «Mass Culture and Sovereignty: The American Challenge to European Cinemas, 1920-1960», The Journal of Modern History, Vol. 61, No. 1, pp. 53-87, The University of Chicago Press. 12 Chris Rundle, K. Sturge (eds), Translation Under Fascism, 2010, Basingstoke, Palgrave Macmillan. 13 Gutiérrez Lanza, Camino (1999) «El poder del doblaje censurado en la España franquista: Esmeralda la Zíngara o El Jorobado de Nuestra Señora de París», Actas I. VI Simposio Internacional de Comunicación Social, Centro de Lingüística Aplicada, Santiago de Cuba, pp. 222-228. Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 17 capitalistes ou des langues étrangères, de marchés cinématographiques importants et, quoique de manière différente selon les pays, d’analphabétisme. Le Royaume-Uni a une histoire différente : le fait de partager la même langue que les Etats Unis a créé une situation dans laquelle les films en langue étrangère étaient sensiblement moins nombreux que les films en langue anglaise. Dès le début des années 30, ces films en langue étrangère, pour la plupart européens, ont été traités comme un produit d’exception par rapport au produit hollywoodien. Rarement distribués dans les circuits d’exploitation mainstream, ils ont été très vite associés à l’idée d’un cinéma artistique ciblant une population éduquée, de classe moyenne. Cette dichotomie a été développée et soutenue par les cinéclubs, les magazines cinéphiles et les salles de cinéma d’art et d’essai. Encore aujourd’hui, les films en langue étrangère constituent une partie très faible de l’offre cinématographique au Royaume-Uni. 2.2 Obstacles culturels Les études et les sondages existants montrent que dans tous les pays, les spectateurs aiment le mode de traduction audiovisuelle auquel ils sont le plus habitués14. La préférence pour le doublage, le sous-titrage ou le voice over dépend de la tradition ancrée dans le pays. Toutefois, la population de chaque pays ne constitue pas un ensemble homogène. Des différences d’appréciation des modes de traduction linguistiques peuvent être identifiées entre les habitants des grandes villes et les habitants des villes de province, entre les étudiants et les personnes n’ayant pas suivi de cursus universitaire, ou encore entre les personnes parlant plus d’une langue étrangère et les personnes maîtrisant seulement leur langue maternelle. Dans les pays où les pratiques du sous-titrage et du doublage coexistent pour la distribution en salles, les versions sous-titrées, qui répondent aux besoins d’un public spécifique (multilingue et/ou cinéphile) sont exploitées surtout dans les grandes villes alors que les plus petites villes accordent leur préférence au doublage. L’enquête menée auprès des étudiants universitaires montre aussi que cette catégorie a des préférences différentes de celles des autres catégories de concitoyens. Dans une perspective culturelle, la question des genres doit également être abordée. Globalement, dans tous les pays deux genres font exception au mode de traduction audiovisuelle dominant : le documentaire et l’animation. Pour le genre documentaire plusieurs techniques peuvent être utilisées : le voice over, le sous-titrage, ou bien une technique mixte utilisant l’un et l’autre. L’animation et les programmes pour enfants sont diffusés en version doublée, au cinéma comme à la télévision, dans presque tous les pays européens pour permettre aux enfants en âge préscolaire d’avoir accès aux œuvres audiovisuelles qui leur sont spécifiquement consacrées. 2.3 Obstacles physiologiques et psychologiques La compréhension du sous-titrage exige un certain nombre de pré requis15, tels que la capacité de lire ainsi que des compétences spécifiques liées à la vitesse de déroulement des 14 Pour une vision d’ensemble, cf. Yves Gambier, « Orientations de la recherche en traduction audiovisuelle », Target n. 18 (2), 2006, pp. 261-293 ; Jan Baetens, Atom Egoyan et Ian Balfour (eds), Subtitles. On the foreignness of film, eds, Montreal: Alphabetic City and Cambridge, Mass., and London, Engl.: MIT, 2004. 15 Cf. Yves Gambier, « Sous-titrage et apprentissage des langues », Linguistica antverpiensia, Vol. 6, 2007 ; Géry d’Ydewalle et I. Gielen, « Attention allocation with overlapping sound, image and text », K. Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 18 sous-titres16. Si ces pré requis ne sont pas remplis, l’utilisation du sous-titrage peut s’avérer un obstacle pour la compréhension d’un film pour certaines catégories de la population comme les enfants, les personnes âgées, les personnes immigrées ne maîtrisant pas la langue du pays d’accueil et tout individu malentendant ou malvoyant17. 2.4 Remarques sur la question de la qualité du sous-titrage La question de la traduction des œuvres audiovisuelles a été posée, dès la fin du cinéma muet, comme problème. Aujourd’hui, qu’il s’agisse de doublage ou de sous-titrage, des questions relatives à la « qualité » de la traduction et aux aspects techniques sont souvent soulevées. Des doutes sur la qualité peuvent avoir un impact sur la l’appréciation de l’une ou l’autre des techniques. En ce qui concerne le sous-titrage, les questions de qualité concernent aussi bien la traduction que les normes techniques. En matière de traduction, le sous-titrage présente des contraintes liées à l’espace disponible et à la vitesse de défilement des sous-titres. Pour ces raisons, la traduction est obligée à des raccourcis et à des choix (qu’est-ce qu’on traduit et qu’est-ce qu’on omet ?). La traduction peut aussi être réductrice par rapport aux dialectes ou jargons utilisés dans les dialogues en langue originale. Des problèmes de traduction émergent également quand les pratiques ne respectent pas les critères de qualité défendus par les associations professionnelles. Par exemple, quand les traductions ne sont pas effectuées à partir de la langue originale de l’œuvre mais à partir d’une langue-pivot (l’anglais, par exemple) ; quand les traductions sont réalisées à l’aide de logiciels de traduction automatique sans relecture de la part de traducteurs professionnels ; quand les traductions sont effectuées par des non professionnels, sans formation, ou bien par des professionnels obligés de travailler dans de sévères contraintes de temps et d’argent. 2.5 Obstacles économiques Le choix de la technique de transfert linguistique des œuvres étrangères est fait avant tout en fonction des traditions culturelles de chaque pays. En fait, le choix ne se pose même pas, sauf dans les pays où plusieurs pratiques coexistent. Dans ce cas, les professionnels (distributeurs ou diffuseurs) peuvent se poser la question de la version linguistique à utiliser, notamment pour les films de fiction18. Rayner (ed.), Eye movements and visual cognition : Scene perception and reading, New York, Springer Verlag, pp. 415-427 ; Espen Seip Blystad, Arnt Maaso (eds), The invisible Text - Subtitling on Norwegian Television Rapport d’IMK Services, Department of Media and Communication, University of Oslo, Mars 2004. 16 Henrik Gottlieb, « Teksstning et polysemiotisk puslespil », s. i Frandsen, Finn (red.), Medierne og sproget, Aalborg, Aalborg University Press ; Arnt Maasø, “Se-hva-som-skjer!”: En studie av lyd som kommunikativt virkemiddel i TV, Oslo, Faculty of Humanities, University of Oslo, Unipub, 2002. 17 Cf. G. d’Ydewalle et M. Van de Poel (eds), “Incidental Foreign- Language Acquisition by Watching Subtitled Television Programs, Journal of psycholinguistic research, Springer, Vol. 28 n° 2, 1999 ; Joselia Neves, Audiovisual Translation: Subtitling for the Dead and Hard-of-Hearing, PhD; School of Arts, Roehampton University, 2005. 18 Cf. MCG/Peacefulfish, Etude des besoins et pratiques de l’industrie audiovisuelle européenne en matière de doublage et de sous-titrage, Commission européenne, 2007. Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 19 Concernant la distribution en salles, on identifie deux cas de figure : soit le distributeur choisit entre doublage et sous-titrage, soit il distribue le film avec des copies doublées et des copies sous-titrées19. Dans le premier cas, le choix est fait en fonction du potentiel commercial du film : si le film est susceptible d’attirer exclusivement un public spécialisé et peu nombreux, le distributeur optera pour le sous-titrage, pour ne pas encourir dans des frais de sortie trop onéreux. En matière de diffusion télévisuelle, dans les pays où le doublage et le sous-titrage coexistent, les cases horaires, au même titre que les genres de programme auxquelles elles sont associées, peuvent déterminer le choix de la version linguistique. Les plages horaires où l’attention du public est réputée d’avantage flottante (12h-13h, access prime time 18h3020h) sont ainsi moins propices au sous-titrage, qui nécessite la continuité de l’attention des téléspectateurs. En cas de diffusion de programmes en langue étrangère, le doublage ou le voice over sont donc plus souvent utilisés. Le paysage télévisuel est en train de changer avec le passage au numérique, qui permet de proposer plusieurs versions linguistiques au choix. Toutefois, les versions multilingues ne sont pas encore pleinement exploitées, à cause d’obstacles technologiques (cfr.cidessous)20. 2.6 Obstacles technologiques21 Dans la diffusion télévisuelle, plusieurs obstacles entravent une utilisation efficace du soustitrage : il s’agit de différences de normes entre les set-top boxes ; de formats d’image utilisés (4/3, 16/9), qui ont une influence sur le positionnement des sous-titres ; et de problèmes de conversion des codes utilisés (au niveau des couleurs, de la police, de la taille des sous-titres) au moment de la transmission aux décodeurs. Des obstacles technologiques se retrouvent également lorsqu’on souhaite utiliser le même sous-titrage d’une œuvre pour de différents média (cinéma, télévision, DVD, vidéo à la demande, téléphones mobiles). Les écrans mentionnés ont des tailles différentes et les supports présentent des spécificités qui rendent difficile l’utilisation des sous-titres déjà effectués pour un de ces médias, sur tous les autres. 2.7 Mesures législatives Dans le cadre de l’étude des obstacles à l’utilisation du sous-titrage, une recherche a été menée pour vérifier s’il existe des contraintes législatives concernant cette technique de traduction. De nombreux pays ont une politique linguistique avec un volet audiovisuel prévoyant la traduction en langue nationale des programmes télévisuels sous réserve d’exception (version originale à des fins éducatives, spécificités de la chaîne, chaînes étrangères). Toutefois, il convient de souligner que ces législations, généralement des lois relatives aux radiodiffuseurs publics qui ont pour objectif de défendre et promouvoir la langue nationale dans chaque pays, n’interviennent pas sur le choix de la technique à utiliser pour opérer la traduction. La directive européenne « Services des Médias Audiovisuels » ne fournit pas non plus d’indication à cet égard. 19 Cf. la carte de l’Europe du cinéma. Cf. étude de cas sur les chaînes de télévision. 21 Pour cette partie, cf. MCG/Peacefulfish cit. 20 Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 20 Par exemple, en Slovaquie, la loi sur la langue slovaque n°270/1995 du 15 novembre 1995 dispose (paragraphe 5) que la diffusion radio et télévisuelle doit se faire en slovaque ou en langue compréhensive du point de vue de la langue slovaque (référence implicite au tchèque compris par les Slovaques - mais ce n’est pas réciproque - d’où la possibilité pour les radiodiffuseurs de diffuser les films étrangers doublés en tchèque). La Slovénie dispose également d'une loi (n° 86/2004) sur l’usage public de la langue slovène. Cette loi (article 22) prévoit que les programmes de radio et de télévision soient enregistrés en slovène sur le territoire de Slovénie. Par ailleurs, elle stipule que les programmes diffusés dans une autre langue par des radiodiffuseurs slovènes doivent être traduits en slovène, sans mentionner donc la technique à utiliser. Similairement, en Estonie, la loi de radiodiffusion (1994) pose la préservation et le développement de la langue estonienne comme une des fonctions des radiodiffuseurs publics. Une loi sur la langue (1995) prévoit également (article 25) que les films et programmes diffusés en langue étrangère soient accompagnés d’une traduction en estonien sans mentionner la technique à utiliser. Et encore, la législation bulgare oblige la télévision nationale bulgare à diffuser en bulgare (loi sur la radio et la télévision de 1998) sans indiquer le mode de transfert linguistique requis. Peu d’exceptions peuvent être citées concernant l’imposition du sous-titrage par le biais de l’une de ces lois. On soulignera le cas de la Lituanie qui impose des quotas de sous-titrage. En effet, l’article 34 de la loi sur les mesures d’information au public (n°VIII-1905) de 2000 oblige les radiodiffuseurs publics à doubler ou sous-titrer en lituanien les émissions de radio et de télévision transmises dans une autre langue que le lituanien. Il appartient au Conseil du radiodiffuseur de service public de déterminer la proportion des œuvres audio et vidéo qu'il convient de sous-titrer. La situation espagnole est singulière dans la mesure où certaines communautés autonomes ont adopté des lois audiovisuelles. Par ce biais, ces dernières cherchent à promouvoir l’industrie cinématographique de la communauté concernée et la langue régionale dans les œuvres audiovisuelles et cinématographiques22. Le cas de l’Islande est également à souligner. En effet, sa loi de radiodiffusion n° 53/2000 du 17 mai 2000, chapitre IV, article 8, impose aux films étrangers le sous-titrage ou le voice over en islandais. Similairement, au niveau du cinéma, on peut observer des lois, comme la loi intitulée « Ley del Ciné Catalàn » approuvée par le Parlement autonome catalan le 30 juin 2010 prévoit qu’un film étranger distribué en salles, ait le même pourcentage de copies traduit en castillan et en catalan. Cette loi, qui a fait l’objet de nombreuses discussions notamment auprès des distributeurs et des exploitants de salles, est entrée en vigueur au 1er janvier 2011. Encore une fois, cette législation, si elle impose la traduction en catalan des films distribués, n’impose pas la technique de transfert linguistique. Les mesures législatives décrites ci-dessus montrent qu’il n’y a pas d’obstacle législatif à l’utilisation du sous-titrage. Les différentes législations ont pour objectif de défendre et promouvoir la langue nationale dans chaque pays, sans pour autant imposer une technique de traduction par rapport à d’autres. 22 er Loi 6/1999 du 1 septembre 1999 sur la promotion de l’industrie cinématographique galicienne et de la langue galicienne dans les œuvres audiovisuelles. Annexe 2 - JUIN 2011 Media Consulting Group -- page 21