SEANCE 2 : Le préjudice
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SEANCE 2 : Le préjudice
UNIVERSITE PARIS 8 Vincennes – Saint-Denis Année universitaire 2015-2016 TRAVAUX DIRIGES – 2ème année de Licence Droit DROIT DE LA RESPONSABILITE Cours de Monsieur le Professeur Christophe VERNIERES SEANCE 2 : Le préjudice Longtemps demeuré dans l’ombre des autres conditions que sont le fait générateur et la causalité, le préjudice occupe désormais le devant de la scène. La jurisprudence a joué un rôle essentiel dans cette promotion. Partisane de l’idéologie de la réparation, la Cour de cassation a, depuis une trentaine d'années, su exploiter toutes les potentialités de la notion afin d’étendre toujours plus l’indemnisation « au point que l’on peut se demander si le tout réparer ne l’emporte pas sur le bien réparer » (Ph. Brun, « Rapport introductif » in La responsabilité civile à l'aube du XXIe siècle, Bilan prospectif, Resp. civ. et assur. juin 2001, hors série, p. 4). I- Le préjudice réparable En première approche, on peut définir le préjudice comme « toute lésion d’un intérêt d’ordre patrimonial ou extrapatrimonial subie par une personne, et pouvant consister en une perte ou en un gain manqué » (Ph. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, Litec, 2e éd, 2009, n°174). Il en résulte que tout préjudice subi n’est pas nécessairement réparable. Précisément, pour être réparable, le préjudice invoqué doit être direct, certain mais également légitime. Il apparaît clairement aujourd’hui que ces trois caractères ne sont pas à mettre sur le même plan. Quand on dit que le préjudice doit être direct, cela signifie qu’il doit découler directement du fait dommageable. A dire vrai, ce n’est pas là une qualité particulière du préjudice, mais le rappel du lien de causalité qui doit exister entre le fait générateur et le préjudice (le lien de causalité fera l’objet d’une fiche de travaux dirigés). Les deux autres caractères du préjudice réparable – la certitude et la légitimité – soulèvent en revanche plusieurs difficultés qu’il convient d’analyser. 1- Le caractère certain du préjudice Sans préjudice, pas de droit à réparation. L’existence du droit à réparation ne fait pas difficulté si le dommage s’est déjà réalisé. Mais un préjudice futur peut, lui aussi, être considéré comme certain. Tous deux certains, le préjudice actuel et le préjudice futur s’opposent au préjudice éventuel, dont la réalisation n’est pas certaine et qui ne peut donner lieu à réparation, tant que l’éventualité ne s’est pas transformée en certitude. 1 La distinction du préjudice futur (réparable) et du préjudice éventuel (non réparable) n’est pas toujours aisée, comme en témoigne la jurisprudence relative à la perte d’une chance. Document n°1 : Civ. 1re, 4 juin 2007, JCP 2007. I. 185, n°2, obs. Ph. Stoffel-Munck (non reproduites). Document n°2 : Civ. 2e, 17 février 1961, Bull. civ. II, n°137. Document n°3 : Civ. 2e, 12 mai 1966, Bull. civ. II, n°564 ; Grands arrêts, t. 2, n°184 (non reproduits). Document n°4 : Civ. 1re, 2 avril 2009, JCP 2009. I. 248, n°4, obs. Ph. Stoffel-Munck (non reproduites). 2- Le caractère légitime du préjudice La jurisprudence a été confrontée à des cas où il y avait une souffrance subie par une personne, mais où elle hésitait tout de même à accorder une réparation, jugeant l’intérêt de la victime non juridiquement protégé. Si la question de l’intérêt légitime ne se pose plus aujourd’hui pour la concubine, elle a récemment été renouvelée par deux séries d’hypothèses : - Le cas de victimes en situation illicite : Document n°5 : Civ. 2e, 24 janvier 2002, D. 2002. 2559, note D. Mazeaud (non reproduite). Document n°6 : Civ. 2e, 22 février 2007, JCP 2007. I. 185, n°1, obs. Ph. Stoffel-Munck ; RTD civ. 2007. 572, obs. P. Jourdain (non reproduites). Document n°7 : Civ. 2e, 30 juin 2011, RTD civ. 2011. 770, obs. P. Jourdain (non reproduites). - Le cas des dommages non juridiquement réparables en eux-mêmes : Document n°8 : Ass. plén., 17 novembre 2000, Bull. AP, n° 9 ; D. 2001, p. 332, note D. Mazeaud et P. Jourdain ; Grands arrêts, t .II, n°187 (non reproduits). Document n°9 : Art. 1er, I, de la loi du 4 mars 2002, devenu l’art. L. 114-5 du Code de l’action sociale et des familles. Document n°10 : Civ. 1re, 24 janvier 2006, Bull. Civ. I, n°31 ; JCP.2006. II. 10062, note A. Gouttenoire et S. Porchy-Simon (non reproduite). Document n°11 : Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010. 2 II- La diversité des préjudices La poussée du besoin indemnitaire a entraîné une certaine prolifération des préjudices réparables, à telle enseigne que certains considèrent que le principe n’est plus « toute faute appelle réparation », mais « tout dommage appelle condamnation » (Ph. Le Tourneau., Responsabilité en général, Répertoire Dalloz). 1- La multiplication des préjudices individuels réparables Lorsque le préjudice subi cesse d’être corporel ou matériel et revêt un caractère extrapatrimonial, sa réparation peut susciter des objections. La jurisprudence a décidé, néanmoins, que le préjudice réparable pouvait être moral. Document n°12 : Ch. mixte 30 avril 1976, (2e espèce) D. 1977, p.185, note M. ContamineRaynaud (non reproduite). La liste des différents chefs de préjudice n’est pas limitative : la jurisprudence n’hésite pas à découvrir de nouveaux préjudices. Dans cette voie, elle a reconnu l’existence d’un « préjudice spécifique d’anxiété ». Document n°13 : Civ. 1re, 19 décembre 2006, n°06-11133. Document n°14 : Soc., 11 mai 2010, Bull. V, n°106. Document n°15 : Soc. 4 déc. 2012, n°11-26294 Document n°16 : Soc. 25 septembre 2013, n°11-20948 et n°12-20157. 2- L’apparition des préjudices collectifs Le préjudice réparable s’entend classiquement du préjudice personnel à celui qui l’invoque. On sait cependant que certaines personnes morales, et en particulier les associations, peuvent sous certaines conditions défendre en justice les intérêts d’une collectivité d’individus. Au-delà, la question de la réparation des préjudices collectifs se pose particulièrement pour le préjudice écologique. Document n°17 : Extraits du Rapport pour la réparation du préjudice écologique remis au Garde des sceaux le 17 septembre 2013. Exercice : Commentaire de Ass. plén., 17 novembre 2000 (doc 8) : - Etablir la fiche de l’arrêt Analyser la solution de la Cour de cassation : o Quels sont les arguments en faveur et en défaveur de la solution de la Cour de cassation ? o La Cour de cassation a-t-elle réaffirmé sa solution ? o Cette solution est-elle toujours de droit positif ? 3 Bibliographie spéciale : J.-L. Aubert, « Indemnisation d’une existence handicapée qui, selon le choix de la mère, n’aurait pas dû être », D. 2001. Chron. P. 489. L. Aynès, « Préjudice de l’enfant né handicapé : la plainte de Job devant la Cour de cassation », D. 2001. Chron. P. 492. A. Bénabent, La chance et le droit, thèse, Paris 1971, préf. J. Carbonnier. S. Borghetti, « Les intérêts protégés et l’étendue des préjudices réparables en droit de la responsabilité civile extra-contractuelle », in Mélanges G. Viney, LGDJ, 2008, p. 145. L. Cadiet, « Les métamorphoses du préjudice », in Les métamorphoses de la responsabilité, PUF, 1997, p. 37 et s. C. Corgas-Bernard, « Le préjudice d’angoisse consécutif à un dommage corporel : quel avenir ? », RCA, 2010. Etude 4. M. Fabre-Magnan, « L’affaire Perruche : pour une troisième voie », Revue Droits, 2002, n°35. G. Ripert, « Le prix de la douleur », D. 1948, chron. p. 1 et s. G. Viney, « Brèves remarques à propos d’un arrêt qui affecte l’image de la justice dans l’opinion », JCP 2001. I. 286. 4 Document n°1 : Civ. 1re, 4 juin 2007 Attendu que les époux X... ont assigné l'agent judiciaire du Trésor devant les juridictions judiciaires en condamnation de l'Etat en raison du fonctionnement défectueux de la commission de surendettement des Yvelines ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; Mais sur le troisième moyen : Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire devenu l'article L. 141-1 du même code ; Attendu que seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; Attendu que pour condamner l'Etat à indemniser les époux X..., au titre de la perte de chance de pouvoir vendre leur maison hors la barre du tribunal, l'arrêt retient que l'erreur de la commission l'a conduite à ne pas user de la possibilité qui lui est ouverte par l'article L. 331-5 du code de la consommation de requérir la suspension de la saisie immobilière auprès du juge ; Qu'en se déterminant ainsi, après avoir relevé que la décision d'irrecevabilité de la demande des époux X... prise par la commission le 25 juillet 1996 avait été aussi motivée par le fait que leurs ressources leur permettaient de faire face aux prêts bancaires de sorte que leur chance d'obtenir une suspension de la saisie immobilière était dépourvue de toute certitude, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 juillet 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ; Document n°2 : Civ. 2e, 17 février 1961 SUR LE MOYEN UNIQUE : VU L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL ; ATTENDU QU'AUX TERMES DE CE TEXTE, TOUT FAIT QUELCONQUE DE L'HOMME, QUI CAUSE A AUTRUI UN DOMMAGE OBLIGE CELUI, PAR LA FAUTE DUQUEL IL EST ARRIVE, A LE REPARER ; ATTENDU QUE, SELON L'ARRET ATTAQUE, PARTIELLEMENT INFIRMATIF, DEMOISELLE X... FUT BLESSEE DANS UN ACCIDENT DE LA CIRCULATION DONT LA RESPONSABILITE A ETE RECONNUE INCOMBER ENTIEREMENT AU SIEUR Z... ; ATTENDU QUE, POUR FIXER LE PREJUDICE A HUIT MILLIONS DE FRANCS, AU LIEU DE QUARANTE-SIX MILLIONS DEUX CENT MILLE FRANCS DEMANDES, LA COUR D'APPEL CONSIDERE QUE LA VICTIME N'EXERCAIT, A L'EPOQUE DE L'ACCIDENT, AUCUNE ACTIVITE SALARIEE ET QUE, SI ELLE VENAIT DE TERMINER DES ETUDES APPROPRIEES ET DE FAIRE UN SEJOUR EN ANGLETERRE, POUR AMELIORER SA CONNAISSANCE DE LA LANGUE ANGLAISE, EN VUE DE SE PREPARER A LA PROFESSION D'HOTESSE DE L'AIR, ELLE NE RAPPORTAIT PAS LA PREUVE IRREFRAGABLE QU'ELLE AURAIT ETE NECESSAIREMENT ET OBLIGATOIREMENT ENGAGEE EN CETTE QUALITE ET QUE, DES LORS, UN TEL CHEF DE PREJUDICE DEMEURAIT INCERTAIN ET NE POUVAIT PAS ETRE RETENU ; MAIS ATTENDU QU'IL RESULTE DE CES CONSTATATIONS ET ENONCIATIONS, QUE SI, EN EFFET, L'ACCIDENT N'AVAIT PAS EU POUR CONSEQUENCE CERTAINE DE PRIVER DEMOISELLE Y... D'UNE SITUATION QUI N'ETAIT QUE FUTURE ET HYPOTHETIQUE, IL NE L'AVAIT PAS MOINS EMPECHEE DE METTRE A PROFIT L'APTITUDE A POSTULER L'EMPLOI CONSIDERE, QU'ELLE S'ETAIT ACQUISE PAR LE 5 TRAVAIL SPECIALEMENT ACCOMPLI ET PAR LES DEPENSES PARTICULIERES EXPOSEES POUR S'Y PREPARER ; ATTENDU QU'EN SE REFUSANT, DES LORS, A TENIR COMPTE DE CET ELEMENT DE PREJUDICE ACTUEL ET CERTAIN, DONT IL LUI AURAIT APPARTENU D'EVALUER SOUVERAINEMENT LE MONTANT, L'ARRET A VIOLE LE TEXTE SUSVISE ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, MAIS SEULEMENT EN CE QUI CONCERNE LA FIXATION DU PREJUDICE SUBI PAR DEMOISELLE X..., L'ARRET RENDU ENTRE LES PARTIES PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS, LE 13 JUIN 1958 Document n°3 : Civ. 2e, 12 mai 1966 SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QUE LE POURVOI REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE QUI, APRES DECISION PASSEE EN FORCE DE CHOSE JUGEE DECLARANT BENNOUN ENTIEREMENT RESPONSABLE DE L'ACCIDENT DONT AVAIT ETE VICTIME DEMOISELLE X..., ACTUELLEMENT EPOUSE Z..., A FIXE L'IMPORTANCE DU PREJUDICE DONT RESTAIT ATTEINTE LA DEMANDERESSE A L'ACTION ET LE MONTANT DES DOMMAGES-INTERETS AUXQUELS ELLE ETAIT EN DROIT DE PRETENDRE, D'AVOIR REFUSE D'ACCUEILLIR LA DEMANDE DE DEMOISELLE X..., EN TANT QU'ELLE SOLLICITAIT UNE INDEMNITE POUR L'OBLIGATION DANS LAQUELLE ELLE SE SERAIT TROUVEE DE RENONCER A LA CARRIERE A LAQUELLE ELLE PRETENDAIT SE DESTINER SANS RECHERCHER SI LA VICTIME REMPLISSAIT OU NON, AVANT L'ACCIDENT, LES CONDITIONS D'APTITUDE POUR POSTULER A CETTE CARRIERE; MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL RELEVE QU'AU MOMENT DE L'ACCIDENT, DEMOISELLE X... ETAIT AGEE DE 19 ANS ET VENAIT D'ECHOUER A LA PREMIERE PARTIE DU BACCALAUREAT, QUE LA VOCATION QU'ELLE ALLEGUAIT A UNE CARRIERE DE PHARMACIENNE, QU'ELLE ETAIT TRES LOIN D'AVOIR ABORDEE, DEMEURAIT UNE PURE HYPOTHESE; ATTENDU QU'AYANT AINSI CONSTATE QUE DEMOISELLE X..., QUI N'AVAIT PAS TERMINE SES ETUDES SECONDAIRES ET VENAIT MEME D'ECHOUER AU PREMIER EXAMEN QUI DEVAIT LES SANCTIONNER, N'AVAIT ENTREPRIS AUCUNE DES ETUDES SPECIALES POUVANT LUI DONNER ACCES A LA PROFESSION ENVISAGEE, LES JUGES DU FOND ONT PU ADMETTRE QU'ELLE NE POUVAIT SE PLAINDRE D'AVOIR ETE PRIVEE DES AVANTAGES D'UNE CARRIERE, QUI N'ETAIENT QUE PUREMENT HYPOTHETIQUE ET QU'ELLE INVOQUAIT AINSI UN PREJUDICE INCERTAIN, NON SUSCEPTIBLE DE REPARATION; D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE; Document n°4 : Civ. 2e, 2 avril 2009 Sur les moyens uniques des pourvois principal et incident : Vu l'article 1147 du code civil ; Attendu que M. X..., qui avait confié à M. Y..., avocat, la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à la société de crédit Cetelem, a recherché la responsabilité de ce professionnel en lui reprochant de n'avoir pas assigné en garantie la société d'assurance Cardif ; Attendu qu'après avoir confirmé le manquement fautif de cet avocat à son devoir de diligence, l'arrêt attaqué, pour élever à la somme de 10 000 euros le montant des dommages-intérêts auquel il condamne M. Y..., retient que M. X... ne démontre pas que l'appel en garantie de la société Cardif aurait été couronné d'un succès judiciaire complet, que ses prétentions quant à une garantie intégrale, par la société précitée, sont purement hypothétiques, et qu'en réalité, 6 celui-ci a perdu une chance de voir ses prétentions soumises à un débat judiciaire et à un examen par la juridiction saisie de la demande de remboursement présentée par la société Cetelem ; Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, pour évaluer le préjudice pouvant résulter de la faute de l'avocat, s'il existait une chance sérieuse de succès de l'action en garantie qu'il avait été chargé d'engager contre la société Cardif, en reconstituant fictivement, au vu des conclusions des parties et des pièces produites aux débats, la discussion qui aurait pu s'instaurer devant le juge entre M. X..., la société Cetelem et la société Cardif si cette dernière avait été appelée en garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; PAR CES MOTIFS :CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a jugé que M. Y... avait commis un manquement à son devoir de diligence, l'arrêt rendu le 7 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ; Document n°5 : Civ. 2e, 24 janvier 2002 bulletins de salaires, il résultait d'attestations que Mlle X... percevait aussi des rémunérations non déclarées ; Qu'en statuant ainsi alors que de telles rémunérations, provenant d'un travail dissimulé, n'ouvrent pas droit à indemnisation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 avril 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence Attendu selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 29 avril 1999) que Mlle X... a été victime d'un accident de la circulation dont la société Mutuelle assurance artisanale de France (MAAF) a été déclarée tenue de réparer les conséquences dommageables ; […] Mais sur le deuxième moyen : Vu l'article 1382 du Code civil ; Attendu qu'une victime ne peut obtenir la réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites ; Attendu que pour évaluer comme elle l'a fait les pertes de salaire subies par Mlle X... durant la période de son incapacité temporaire totale de travail la cour d'appel a relevé qu'outre les rémunérations justifiées par la production de Document n°6 : Civ. 2e, 22 février 2007 mer (la société) en paiement d'une certaine somme ; que la juridiction de proximité a, par jugement du 1er juillet 2005, ordonné la réouverture des débats pour que les parties produisent toutes pièces pouvant attester de la présence de M. X... au casino de Trouville-surMer dans le courant des années 2002 à 2005 ; que M. X... a versé aux débats des notes d'hôtels qui établissaient sa présence à Trouville-sur-Mer en 2002, 2004 et 2005 ; Attendu que, pour condamner la société à payer à M. X... une somme à titre de dommagesintérêts, le jugement retient qu'il est établi par diverses pièces au dossier que M. X... avait séjourné plusieurs fois à Trouville-sur-Mer durant ces dernières années ; que sa présence dans la salle des machines à sous et le fait qu'il ait pu jouer sont révélateurs d'une faute de la Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche : Vu l'article 1382 du code civil ; Attendu qu'une victime ne peut obtenir la réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites ; Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X... interdit de jeux à sa demande, depuis 1991, a continué à fréquenter le casino de Trouville-surMer, malgré cette interdiction dont il n'a jamais demandé la levée ; que, le 12 avril 2005, il a gagné une somme de 4 000 euros en jouant aux machines à sous ; qu'alors qu'il tentait d'encaisser cette somme par l'intermédiaire d'une tierce personne, le casino, s'apercevant de cette manoeuvre, a refusé de lui payer ses gains ; qu'il a assigné la société du Casino de Trouville-sur- 7 société, celle-ci ayant enfreint l'obligation d'interdiction de jeux de certaines personnes qui pesait sur lui ; Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que le contrat de jeu liant M. X... à la société étant nul, celui-ci devait être débouté de sa demande de paiement de son gain, la juridiction de proximité, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 novembre 2005, entre les parties, par la juridiction de proximité de Pont-l'Evêque ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Caen ; Condamne M. X... aux dépens ; Document n°7 : Civ. 2e, 30 juin 2011 2°/ que ne commet aucune faute l'établissement de jeux qui exploite ses machines à sous dans une pièce qui y est spécialement dédiée et dont aucune prescription légale ou réglementaire ne soumet l'accès à une vérification d'identité ; qu'en considérant qu'elle avait commis une faute engageant sa responsabilité en n'instaurant pas de pratiques propres à interdire l'accès à cette salle aux personnes figurant sur la liste nationale des personnes exclues des salles de jeux, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 14 du décret du 22 décembre 1959 dans sa rédaction antérieure au décret du 13 décembre 2006 et l'article 22 de l'arrêté du 23 décembre 1959 ; Mais attendu que l'arrêt retient que Mme X... ne demande pas le règlement de sommes gagnées au jeu; que la société n'a pris aucune disposition pour assurer l'efficacité de la mesure d'exclusion des salles de jeux concernant Mme X... en raison de son addiction au jeu ; Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que Mme X... n'était pas privée d'un intérêt légitime à agir et qu'était caractérisée une abstention fautive de la société, génératrice d'un préjudice réparable ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 mai 2010), que Mme X... a été interdite de jeux à sa demande par l'autorité administrative à compter du 8 janvier 2001, pour une durée de cinq ans ; qu'ayant cependant continué à fréquenter les salles de jeux de la société du Casino de La Baule (la société) jusqu'en 2004, en y accumulant des pertes, Mme X..., a assigné la société en dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle ; Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de Mme X... et de la condamner à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°/ qu'une victime ne peut obtenir la réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites ; qu'en indemnisant le préjudice allégué par Mme X... résultant des pertes de jeux qu'elle avait subies, quand elle constatait que le contrat de jeu la liant à Mme X... était nul comme reposant sur une cause illicite du fait de l'inscription de cette personne sur la liste nationale des personnes exclues des salles de jeux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les dispositions de l'article 1382 du code civil ; 8 Document n°8 : Ass. plén., 17 novembre 2000 Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche du pourvoi principal formé par les époux X..., et le deuxième moyen du pourvoi provoqué, réunis, formé par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne : Vu les articles 1165 et 1382 du Code civil ; Attendu qu'un arrêt rendu le 17 décembre 1993 par la cour d'appel de Paris a jugé, de première part, que M. Y..., médecin, et le Laboratoire de biologie médicale de Yerres, aux droits duquel est M. A..., avaient commis des fautes contractuelles à l'occasion de recherches d'anticorps de la rubéole chez Mme X... alors qu'elle était enceinte, de deuxième part, que le préjudice de cette dernière, dont l'enfant avait développé de graves séquelles consécutives à une atteinte in utero par la rubéole, devait être réparé dès lors qu'elle avait décidé de recourir à une interruption volontaire de grossesse en cas d'atteinte rubéolique et que les fautes commises lui avaient fait croire à tort qu'elle était immunisée contre cette maladie, de troisième part, que le préjudice de l'enfant n'était pas en relation de causalité avec ces fautes ; que cet arrêt ayant été cassé en sa seule disposition relative au préjudice de l'enfant, l'arrêt attaqué de la Cour de renvoi dit que " l'enfant Nicolas X... ne subit pas un préjudice indemnisable en relation de causalité avec les fautes commises " par des motifs tirés de la circonstance que les séquelles dont il était atteint avaient pour seule cause la rubéole transmise par sa mère et non ces fautes et qu'il ne pouvait se prévaloir de la décision de ses parents quant à une interruption de grossesse ; Attendu, cependant, que dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l'exécution des contrats formés avec Mme X... avaient empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs de l'un et l'autre des pourvois : CASSE ET ANNULE, en son entier, l'arrêt rendu le 5 février 1999, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée que lors de l'audience du 17 décembre 1993. 9 Document n°9 : Art. 1er, I, de la loi du 4 mars 2002, devenu l’art. L. 114-5 du Code de l’action sociale et des familles. « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer. Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. » Document n°11 : Civ. 1re, 24 janvier 2006 Sur le moyen unique : Vu l'article Ier du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble l'article Ier I de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, devenu l'article L. 114-5 du Code de l'action sociale et des familles, les articles 1165 et 1382 du Code civil ; Attendu que Mme X... a donné naissance, le 11 janvier 1996, à une enfant présentant de graves malformations de la colonne vertébrale ; que Mme X... et M. Y..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fille ont recherché la responsabilité de M. Z..., gynécologueobstétricien qui avait pratiqué sept échographies ainsi que la réparation de leur préjudice moral et du préjudice subi par l'enfant du fait de son handicap, en faisant valoir que les échographies réalisées par ce praticien auraient dû permettre de diagnostiquer les malformations et d'envisager une interruption de la grossesse ; Attendu que pour décider que M. Z... n'avait pas engagé sa responsabilité à l'égard de l'enfant, l'arrêt attaqué relève que les fautes retenues à l'encontre de ce praticien ne sont pas à l'origine des malformations dont est atteinte l'enfant et qu'il n'existe donc pas de lien de causalité entre ces fautes et le préjudice de cette dernière ; Attendu, cependant, que dès lors que les fautes commises par le médecin dans l'exécution de son contrat avec Mme X... avaient empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap, ce dernier pouvait, avant l'entrée en vigueur de la loi susvisée, demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ; Attendu que l'article 1er I de ladite loi, déclarée applicable aux instances en cours, énonce que "nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance, que lorsque la responsabilité d'un professionnel de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice, que ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap et que la compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale" ; Attendu, toutefois, que si une personne peut être privée d'un droit de créance en responsabilité, c'est à la condition, selon l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que soit respecté le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que la loi susvisée, en prohibant l'action de l'enfant et en excluant du préjudice des parents les charges particulières découlant du handicap de l'enfant tout au long de la vie, a institué un mécanisme de compensation forfaitaire du handicap, sans rapport raisonnable avec une créance de réparation intégrale, quand Mme X... et M. Y... pouvaient en l'état de la jurisprudence, applicable avant l'entrée en vigueur de cette loi, légitimement espérer que leur fille serait indemnisée au titre du préjudice résultant de son handicap ; D'où il suit que, ladite loi n'étant pas applicable au présent litige, la cassation est encourue ; 10 PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... et M. Y... de leur demande en réparation du préjudice subi par l'enfant, l'arrêt rendu le 11 avril 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Document n°12 : Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 avril 2010 par le Conseil d’État (décision n° 329290 du 14 avril 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Viviane L. et portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit : – des premier et troisième alinéas de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles, – du 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, […] 1. Considérant qu’aux termes du paragraphe I de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 susvisée : « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance. « La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer. « Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. « Les dispositions du présent paragraphe I sont applicables aux instances en cours, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation » ; 2. Considérant que les trois premiers alinéas du paragraphe I de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 précité ont été codifiés à l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles par le 1 du paragraphe II de l’article 2 de la loi du 11 février 2005 susvisée ; que le 2 de ce même paragraphe II a repris le dernier alinéa du paragraphe I précité en adaptant sa rédaction ; - SUR LE PREMIER ALINÉA DE L’ARTICLE L. 114 5 DU CODE DE L’ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES : 3. Considérant que, selon la requérante, l’interdiction faite à l’enfant de réclamer la réparation d’un préjudice du fait de sa naissance porterait atteinte au principe selon lequel nul n’ayant le droit de nuire à autrui, un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que cette interdiction, qui prive du droit d’agir en responsabilité l’enfant né handicapé à la suite d’une erreur de diagnostic prénatal, alors que ce droit peut être exercé par un enfant dont le handicap a été directement causé par la faute médicale, entraînerait une différence de traitement contraire à la Constitution ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales » ; qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; que l’article 61-1 de la Constitution, à l’instar de l’article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que cet article lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité d’une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit ; 5. Considérant que l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne 11 s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; 6. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des termes des deux premiers alinéas de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles qu’il n’est fait obstacle au droit de l’enfant de demander réparation aux professionnels et établissements de santé que lorsque la faute invoquée a eu pour seul effet de priver sa mère de la faculté d’exercer, en toute connaissance de cause, la liberté d’interrompre sa grossesse ; que ces professionnels et établissements demeurent tenus des conséquences de leur acte fautif dans tous les autres cas ; que, par suite, le premier alinéa de l’article L. 114-5 n’exonère pas les professionnels et établissements de santé de toute responsabilité ; 7. Considérant, en deuxième lieu, qu’après l’arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2000 susvisé, le législateur a estimé que, lorsque la faute d’un professionnel ou d’un établissement de santé a eu pour seul effet de priver la mère de la faculté d’exercer, en toute connaissance de cause, la liberté d’interrompre sa grossesse, l’enfant n’a pas d’intérêt légitime à demander la réparation des conséquences de cette faute ; que, ce faisant, le législateur n’a fait qu’exercer la compétence que lui reconnaît la Constitution sans porter atteinte au principe de responsabilité ou au droit à un recours juridictionnel ; 8. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions contestées ne font obstacle au droit de l’enfant né avec un handicap d’en demander la réparation que dans le cas où la faute invoquée n’est pas à l’origine de ce handicap ; que, dès lors, la différence de traitement instituée ne méconnaît pas le principe d’égalité ; 9. Considérant, par suite, que les griefs dirigés contre le premier alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles doivent être écartés ; - SUR LE TROISIÈME ALINÉA DE L’ARTICLE L. 114 5 DU CODE DE L’ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES : 10. Considérant que, selon la requérante, l’exigence d’une faute caractérisée pour que la responsabilité des professionnels et établissements de santé puisse être engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse, ainsi que l’exclusion, pour ces parents, du droit de réclamer la réparation du préjudice correspondant aux charges particulières découlant de ce handicap tout au long de la vie porteraient également atteinte au principe de responsabilité ainsi qu’au « droit à réparation intégrale du préjudice » et méconnaîtraient le principe d’égalité ; 11. Considérant qu’aux termes de l’article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’en principe, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la faculté d’agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle ; que, toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d’intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée ; qu’il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu’il n’en résulte pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d’actes fautifs ainsi qu’au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; . En ce qui concerne l’exigence d’une faute caractérisée : 12. Considérant qu’en subordonnant à l’existence d’une faute caractérisée la mise en œuvre de la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse, le législateur a entendu prendre en considération, en l’état des connaissances et des techniques, les difficultés inhérentes au diagnostic médical prénatal ; qu’à cette fin, il a exclu que cette faute puisse être présumée ou déduite de simples présomptions ; que la notion de « faute caractérisée » ne se confond pas avec celle de faute lourde ; que, par suite, eu égard à l’objectif poursuivi, l’atténuation apportée aux conditions dans lesquelles la responsabilité de ces professionnels et établissements peut être engagée n’est pas disproportionnée ; . En ce qui concerne l’exclusion de certains préjudices : 13. Considérant, en premier lieu, que les professionnels et établissements de santé demeurent tenus d’indemniser les parents des préjudices autres que ceux incluant les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de son handicap ; que, dès lors, le troisième alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles n’exonère pas les professionnels et établissements de santé de toute responsabilité ; 12 14. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte des travaux parlementaires de la loi du 4 mars 2002 susvisée que les dispositions critiquées tendent à soumettre la prise en charge de toutes les personnes atteintes d’un handicap à un régime qui n’institue de distinction ni en fonction des conditions techniques dans lesquelles le handicap peut être décelé avant la naissance, ni en fonction du choix que la mère aurait pu faire à la suite de ce diagnostic ; qu’en décidant, ainsi, que les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de son handicap, ne peuvent constituer un préjudice indemnisable lorsque la faute invoquée n’est pas à l’origine du handicap, le législateur a pris en compte des considérations éthiques et sociales qui relèvent de sa seule appréciation ; 15. Considérant que les dispositions critiquées tendent à répondre aux difficultés rencontrées par les professionnels et établissements de santé pour souscrire une assurance dans des conditions économiques acceptables compte tenu du montant des dommages-intérêts alloués pour réparer intégralement les conséquences du handicap ; qu’en outre, le législateur a notamment pris en compte les conséquences sur les dépenses d’assurance maladie de l’évolution du régime de responsabilité médicale ; que ces dispositions tendent ainsi à garantir l’équilibre financier et la bonne organisation du système de santé ; 16. Considérant, en troisième lieu, que les parents peuvent obtenir l’indemnisation des charges particulières résultant, tout au long de la vie de l’enfant, de son handicap lorsque la faute a provoqué directement ce handicap, l’a aggravé ou a empêché de l’atténuer ; qu’ils ne peuvent obtenir une telle indemnisation lorsque le handicap n’a pas été décelé avant la naissance par suite d’une erreur de diagnostic ; que, dès lors, la différence instituée entre les régimes de réparation correspond à une différence tenant à l’origine du handicap; 17. Considérant, en quatrième lieu, que le troisième alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles prévoit que la compensation des charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de son handicap relève de la solidarité nationale ; qu’à cette fin, en adoptant la loi du 11 février 2005 susvisée, le législateur a entendu assurer l’effectivité du droit à la compensation des conséquences du handicap quelle que soit son origine ; qu’ainsi, il a notamment instauré la prestation de compensation qui complète le régime d’aide sociale, composé d’allocations forfaitaires, par un dispositif de compensation au moyen d’aides allouées en fonction des besoins de la personne handicapée ; 18. Considérant que, dans ces conditions, la limitation du préjudice indemnisable décidée par le législateur ne revêt pas un caractère disproportionné au regard des buts poursuivis ; qu’elle n’est contraire ni au principe de responsabilité, ni au principe d’égalité, ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; - SUR LE 2 DU PARAGRAPHE II DE L’ARTICLE 2 DE LA LOI DU 11 FEVRIER 2005 SUSVISÉE 19. Considérant qu’aux termes du 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi du 11 février 2005 susvisée : « Les dispositions de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles tel qu’il résulte du 1 du présent II sont applicables aux instances en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 précitée, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation » ; 20. Considérant que, selon la requérante, l’application immédiate de ce dispositif « aux instances en cours et par voie de conséquence aux faits générateurs antérieurs à son entrée en vigueur » porte atteinte à la sécurité juridique et à la séparation des pouvoirs ; 21. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; 22. Considérant en conséquence que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de nonrétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ; 23. Considérant que le paragraphe I de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 susvisée est entré en vigueur le 7 mars 2002 ; que le législateur l’a rendu applicable aux instances non jugées de manière irrévocable à cette date ; que ces dispositions sont relatives au droit d’agir en justice de l’enfant né atteint d’un handicap, aux conditions d’engagement de la responsabilité des professionnels et établissements de santé à l’égard des parents, ainsi qu’aux préjudices indemnisables lorsque cette responsabilité est engagée ; que, si les motifs d’intérêt général précités pouvaient justifier que les nouvelles règles fussent rendues applicables aux 13 instances à venir relatives aux situations juridiques nées antérieurement, ils ne pouvaient justifier des modifications aussi importantes aux droits des personnes qui avaient, antérieurement à cette date, engagé une procédure en vue d’obtenir la réparation de leur préjudice ; que, dès lors, le 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi du 11 février 2005 susvisée doit être déclaré contraire à la Constitution, DÉCIDE: Article 1er.- Les premier et troisième alinéas de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles sont conformes à la Constitution. Article 2.- Le 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est contraire à la Constitution. Document n°13 : Ch. mixte 30 avril 1976 VU L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL, ENSEMBLE LES ARTICLES 2, 3 ET 10 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET LES ARTICLES 731 ET 732 DU CODE CIVIL; ATTENDU QU'IL RESULTE DE CES TEXTES QUE TOUTE PERSONNE VICTIME D'UN DOMMAGE, QUELLE QU'EN SOIT LA NATURE, A DROIT D'EN OBTENIR L'INDEMNISATION DE CELUI QUI L'A CAUSE PAR SA FAUTE; QUE LE DROIT A REPARATION DU DOMMAGE RESULTANT DE LA SOUFFRANCE MORALE EPROUVEE PAR DES PARENTS EN RAISON DE LA MORT DE LEUR FILS, VICTIME D'UN ACCIDENT, DONT LA RESPONSABILITE INCOMBE A UN TIERS, ETANT NE DANS LEUR PATRIMOINE, SE TRANSMET A LEUR DECES, A LEURS HERITIERS; ATTENDU QU'ALIZAN A ETE DECLARE COUPABLE D'UN HOMICIDE INVOLONTAIRE COMMIS LE 17 JANVIER 1971 SUR LA PERSONNE DE PATRICK X... PAR LA JURIDICTION PENALE; QUE LE PERE DE CE DERNIER EST DECEDE LE 12 JUILLET 1972; QUE POUR DECLARER IRRECEVABLE LA DEMANDE DES HERITIERS DU PERE DE PATRICK X... EN CE QU'ELLE TENDAIT A OBTENIR L'INDEMNISATION DE LA SOUFFRANCE MORALE QU'IL AVAIT SUBIE DU FAIT DE LA MORT ACCIDENTELLE DE SON FILS, L'ARRET ENONCE QUE X... PERE N'AVAIT INTRODUIT AUCUNE ACTION A CETTE FIN AVANT SON DECES; ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, LA COUR D'APPEL A VIOLE LES TEXTES SUSVISES; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET RENDU LE 26 OCTOBRE 1973 PAR LA COUR D'APPEL DE POITIERS (CHAMBRE CORRECTIONNELLE), MAIS SEULEMENT EN CE QU'IL A DECLARE IRRECEVABLE LA DEMANDE DE DOMMAGES-INTERETS FORMEE PAR LES CONSORTS X..., EN REPARATION DU PREJUDICE MORAL CAUSE A LEUR PERE A RAISON DU DECES DE PATRICK X...; REMET, EN CONSEQUENCE, QUANT A CE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL D'ANGERS. Document n°14 : Civ. 1re, 19 décembre 2006 Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche : Vu l'article 455 du nouveau code de procédure civile ; Attendu que le 23 mars 1992, un stimulateur cardiaque équipé d'une sonde auriculaire de marque Accufix fabriquée par la société Telectronics pacing system (TPLC) a été implanté à Mme X... souffrant d'une insuffisance cardiaque ; que le 1er février 1995, cette sonde, mal positionnée, a été remplacée par une sonde de marque Encor également fabriquée par la société TPLC ; qu'à la suite de ruptures sur certaines sondes de marque Accufix du fil de rétention susceptibles, en cas de sortie de la gaine de protection, d'entraîner des blessures et 14 parfois un décès et après un retrait du marché de ce type de sonde, Mme X... a sollicité une expertise en référé et recherché la responsabilité de la société TPLC ; Attendu que la cour d'appel a débouté Mme X... de sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral, sans répondre à ses conclusions invoquant l'existence d'un dommage lié à sa crainte de subir d'autres atteintes graves et à l'impossibilité d'être libérée du risque de rupture présenté également par la sonde de marque Encor et d'envisager ainsi sereinement son existence et son avenir, méconnaissant ainsi les exigences du texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen : CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions concernant l'article 700 du nouveau code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 novembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Document n°15 : Soc., 11 mai 2010 Vu leur connexité, joint les pourvois n° A 0942.241 à T 09-42.257 ; Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et seize autres salariés de la société Ahlstrom ont cessé leur activité professionnelle et présenté leur démission pour prétendre au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) en application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale pour qu'il soit jugé que la rupture du contrat de travail était la conséquence de leur exposition fautive par l'employeur à l'amiante et pour demander la condamnation de la société à leur payer des sommes correspondant à la différence de revenus entre leur salaire et le montant de l'ACAATA ainsi qu'une somme au titre du préjudice d'anxiété ; Sur le troisième moyen : Attendu que la société Ahlstrom fait grief aux arrêts de l'avoir condamnée à verser aux salariés une somme à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété, alors, selon le moyen : 1°/ que l'existence d'un risque non réalisé se confond avec l'anxiété que ce risque peut générer de sorte qu'en allouant une réparation distincte de ce chef, la cour d'appel qui assimile à tort le bénéfice d'une surveillance médicale postprofessionnelle facultative à une prétendue «obligation de se plier à des contrôles» et qui ne caractérise pas ainsi l'existence d'un élément objectif distinct de l'angoisse, ne justifie pas légalement sa décision tant au regard de l'article 1147 du code civil que de l'article 81 de la loi du 19 décembre 2005 sur le financement de la sécurité sociale ; 2°/ que si l'anxiété suscitée par l'exposition au risque constituait un trouble psychologique suffisamment caractérisé pour appeler une «réparation spécifique», il ne saurait être pris en charge que dans les conditions prévues par les articles 451-1 et 461-1 et 461-2 du code de la sécurité sociale ; qu'à défaut de la moindre demande formulée par le demandeur au titre d'une quelconque maladie professionnelle, la cour d'appel ne pouvait transférer l'indemnisation d'un tel trouble sur l'entreprise et qu'en statuant comme elle l'a fait, elle a violé les textes susvisés ; Mais attendu que, sans méconnaître les dispositions du code de la sécurité sociale visées dans la seconde branche du moyen, la cour d'appel a relevé que les salariés, qui avaient travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ; qu'elle a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété et légalement justifié sa décision ; 15 Document n°16 : Soc. 4 déc. 2012 Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 9 septembre 2011), qu'engagée le 23 décembre 1968 en qualité d'ouvrier spécialisé par la société Moulinex, Mme X... a exercé des activités syndicales à compter de 1971 ; que, suite à l'ouverture le 7 septembre 2001 d'une procédure de redressement judiciaire de la société puis à l'adoption d'un plan de cession, elle a été licenciée le 27 décembre 2002 ; qu'elle a été admise au régime de l'Allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; […] Et sur le quatrième moyen : Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de fixer la créance de la salariée sur le passif de la liquidation judiciaire de la société Moulinex à une certaine somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'anxiété subi alors, selon le moyen, que si les salariés, qui ont travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante peuvent se trouver par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et subir de ce fait un préjudice spécifique d'anxiété qu'il appartient à l'employeur d'indemniser, encore faut-il qu'ils aient été amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ; qu'en l'espèce, en ayant jugé que Mme X... avait subi un préjudice spécifique d'anxiété en raison de son exposition à l'amiante qu'il appartenait à son employeur d'indemniser sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si cette salariée avait été amenée à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, ensemble le texte précité ; Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la salariée, qui avait travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvait, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'elle se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété et légalement justifié sa décision ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Document n°17 : Soc. 25 septembre 2013, n°11-20948 et n°12-20157 Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par une lettre du 13 avril 2004, M. X..., salarié de la société ZF Masson, a présenté sa démission pour prétendre au bénéfice de l'Allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) en application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; qu'il a ultérieurement saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de son ancien employeur à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts ; que par un jugement du 7 juin 2005, la société ZF Masson a été placée en redressement judiciaire, M. Y... étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan puis, par ordonnance du 11 avril 2007, M. Z... étant désigné en qualité de mandataire ad hoc ; […] Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'AGS et le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur, réunis : Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de fixer au passif de la société ZF Masson, une somme à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice d'anxiété, alors, selon le moyen, que le salarié exposé au risque de contamination à l'amiante du fait de son employeur ne peut obtenir la réparation de son préjudice d'anxiété que s'il est amené à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ; que la cour d'appel a, au cas d'espèce, réparé le préjudice d'anxiété du salarié, tout en constatant qu'il ne justifiait pas d'un suivi médical ou psychologique particulier ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, ensemble l'article 1382 du code civil ; Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié, qui avait travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi 16 n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvait, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété ; que le moyen n'est pas fondé ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et quatre autres salariés de la société Babcock Wanson (la société) ont présenté leur démission pour prétendre au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) en application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de la société à leur verser diverses sommes à titre de dommagesintérêts réparant leur préjudice économique, ainsi qu'un préjudice d'anxiété résultant de leur exposition à l'amiante ; […] Mais sur le troisième moyen, pris en sa cinquième branche : Vu l'article 1147 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice ; Attendu que pour condamner leur ancien employeur à leur verser diverses sommes en réparation du préjudice résultant du bouleversement de leurs conditions d'existence, la cour d'appel énonce que les salariés exposés à l'amiante subissent un risque de diminution de leur espérance de vie et de développer une maladie grave les empêchant d'envisager sereinement leur avenir ; qu'ils peuvent être amenés à modifier, en raison de ce risque, les orientations de leur vie quotidienne et leurs projets de vie ; Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ; Document n°18 : Extraits du Rapport pour la réparation du préjudice écologique remis au Garde des sceaux le 17 septembre 2013 LA DEFINITION DU PREJUDICE ECOLOGIQUE Certains juges acceptent d’indemniser directement le préjudice écologique pur. En jurisprudence, la réparation du dommage écologique a été « plus ou moins admise dans quelques espèces isolées : à propos des boues rouges en Corse1 ou de la pollution de la baie de Seine2 ». Mais la fixation « d’une indemnité en cas de dommage écologique est toujours très délicate pour le juge. [...]. Désormais les juges n’hésitent plus à reconnaître l’existence d’un préjudice écologique3 distinct de tout préjudice matériel ou moral ». Dans l’arrêt ERIKA du 25 septembre 2012, la Cour de cassation reconnaît de manière explicite la notion de préjudice écologique, dans l’acception qui en a été retenue par la cour d’appel (cette dernière ayant reconnu le préjudice écologique pur) : « Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et a ainsi justifié l’allocation des indemnités propres à réparer le préjudice écologique, consistant en l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement et découlant de l’infraction ». Il est précisé que la cour d’appel de Paris avait explicitement qualifié le préjudice écologique de préjudice objectif et l’avait défini précisément en ces termes : « toute atteinte non négligeable à l’environnement naturel, à savoir, notamment, l’air, l’atmosphère, l’eau, les sols, les terres, les paysages, les sites naturels, la biodiversité et l’interaction entre ces éléments qui est sans répercussions sur un intérêt humain particulier mais qui affecte un intérêt collectif légitime ». 17 Cependant, comme l’indique le rapport précité du sénateur Alain ANZIANI « en droit, plusieurs personnes entendues ont souligné que l’arrêt de la Cour de cassation méritait une consolidation législative qui, seule, permettrait d’éviter d’éventuels errements ou contradictions de la jurisprudence ». En effet, la Cour de cassation n’a pas tiré toutes les conséquences de cette décision, en ordonnant en quelque sorte la réparation d’un préjudice moral « second » des associations de protection de l’environnement et des collectivités territoriales, évalué de manière identique à leurs préjudices propres alors que le préjudice écologique pur présente un caractère objectif. A partir de ces données et de ces réflexions, plusieurs options étaient offertes au groupe de travail. La première, retenue par la proposition de loi du sénateur Bruno RETAILLEAU, conduisait à ne pas définir le préjudice écologique pur, en se limitant à en consacrer le caractère réparable. La seconde consistait à reprendre les termes de la LRE mais cela aboutissait à une définition inopportune, dès lors qu’elle était destinée à être intégrée dans le Code civil. Le groupe de travail a donc considéré qu’il était nécessaire à la fois de préciser dans la loi le contenu du préjudice écologique (1) et de mentionner une possible référence à la nomenclature écologique (2). 1. PROPOSITION D’UNE DEFINITION GENERALE DU PREJUDICE ECOLOGIQUE Le groupe de travail propose donc de définir le préjudice écologique comme celui qui résulte d’une atteinte aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu’aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement et en excluant explicitement les préjudices individuels et certains préjudices collectifs qui sont réparés selon les modalités du droit commun. La notion d’écosystème est ici privilégiée car elle est, selon les écologues et les économistes, plus pertinente que celle de milieu naturel. 18