Télécharger l`article au format PDF

Transcription

Télécharger l`article au format PDF
L’Encéphale (2010) 36, 9—20
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
MÉMOIRE ORIGINAL
Évaluation du devenir de l’anorexie mentale :
construction d’un autoquestionnaire basé sur la
perception des patientes (étude préliminaire)
Assessment of the outcome of anorexia nervosa: Construction of a
self-administered questionnaire based on the patients’ perception
M. Ronze a,∗, N. Mamelle b,1, C. Combe a, M. Pugeat a
a
Fédération d’endocrinologie, hôpital neurologique et neurochirurgical Pierre-Wertheimer,
59, boulevard Pinel, 69677 Bron cedex, France
b
Unité Inserm U369, équipe d’épidémiologie, faculté de médecine Lyon-RTH Laënnec,
8, rue Guillaume-Paradin, 69372 Lyon cedex 08, France
Reçu le 11 septembre 2006 ; accepté le 26 janvier 2009
Disponible sur Internet le 31 août 2009
MOTS CLÉS
Anorexie mentale ;
Autoquestionnaire ;
Perception des
patientes ;
Devenir ;
Subjectivité
∗
1
Résumé Notre hypothèse de travail est qu’une meilleure connaissance du devenir des
patientes souffrant d’anorexie mentale devrait contribuer à la prévention des rechutes et des
complications et permettrait d’évaluer l’efficacité des traitements. L’évaluation actuelle du
devenir de l’anorexie mentale s’appuie classiquement sur l’étude de la survenue d’évènements
objectifs, qui ne reflètent qu’imparfaitement la réalité du devenir des patientes en termes
de vécu subjectif. Nous proposons ici la construction d’un outil d’évaluation du devenir de
l’anorexie mentale basé essentiellement sur la perception des patientes. La méthodologie utilisée a reposé sur : (1) la conduite d’entretiens sur le mode de l’association libre auprès de
30 patientes anorexiques mentales ; (2) l’analyse de leurs contenus étayée par les hypothèses
préexistantes et les hypothèses nouvelles soulevées par l’expression du vécu des patientes
pour dégager des thèmes à inventorier ; (3) la construction d’un autoquestionnaire à partir
du développement de chaque thème en plusieurs questions reprenant les mots des patientes.
L’utilisation de ce nouvel outil est proposée dans des études épidémiologiques prospectives ultérieures pour une évaluation scientifique du devenir des patientes, afin de comparer l’efficacité
des différents traitements et de mieux prévenir les complications futures.
© L’Encéphale, Paris, 2009.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (M. Ronze).
Auteur décédé.
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2009.
doi:10.1016/j.encep.2009.01.002
10
M. Ronze et al.
KEYWORDS
Anorexia nervosa ;
Self-administered
questionnaire ;
The patients’
perception ;
Outcome ;
Subjectivity
Summary
Introduction. — Our working hypothesis is that a better insight into the outcome of patients
suffering from anorexia nervosa should contribute to preventing relapses and further complications and assessing treatment efficiency. Through anorexia nervosa, the patients express the
difficulty they have to view themselves as specific subjects.
Objective. — The current classic outcome evaluation is based on the study of objective events,
which only partially reflect the reality of the patients’ outcome at a subjective level. The objective of this study was to set up a new assessing instrument of the outcome of patients suffering
from anorexia nervosa, essentially based on the patients’ perception of their experience.
Method. — The methodology used has been based on: (1) the conduct by the main investigator of unstructured interviews using ‘‘free association’’, with the help of an interview guide.
The anorexia nervosa patients were recruited among those who were hospitalized on an isolation contract, or among outpatients under a psychiatrist/psychoanalyst’s supervision, aged
over 25 years old so that they may have started their reproductive life. The study included 30
patients; (2) the analysis of the interview contents backed by preexisting hypotheses and by
new ones suggested by the expression of the patients’ perception, so as to set up an inventory of new themes; (3) the construction of a self-administered questionnaire starting from
the development of each theme into several questions taking up the patients’ own words and
offering 4 possible answers (disagree completely, disagree, agree, quite agree).
Results. — The analysis of the interviews contents has led to the development of 11 themes. The
self-administered questionnaire includes a total of 124 items stemming from the development of
each theme into between 9 and 16 items that were mixed in the version submitted to patients.
Discussion. — This original interpretation of the outcome of the patients through their experience provides a better understanding of their relation to desire and pleasure, and consequently
of the evolution of their subjectivity. By integrating several aspects of the disease expression,
our instrument constitutes an alternative to the combination of several non-specific tools in
anorexia nervosa. It thus avoids the atomization of the pathology and respects the specificity
of its structure. The analysis of the disease function in the emergence of their subjectivity
rather than the static observation of its symptoms has led to the development of new themes.
Conclusion. — The validation of this new methodological approach of the follow-up of anorexia
nervosa based on the patients’ perception of the evolution of their disease, aside from anthropometrical or physiological parameters, will have to be tested on a new population of patients.
A quantitative score will be developed in association with the self-administered questionnaire.
Its use in further epidemiological studies will enable a scientific assessment of the patients’
outcome, and better prevent further complications and relapses, by screening patients with a
pejorative risk. The ultimate aim is to improve these patients’ care.
© L’Encéphale, Paris, 2009.
Introduction
La subjectivité représente le vécu de soi et la façon dont
on perçoit intimement son environnement, elle est donc
unique et spécifique à chacun. Par l’anorexie mentale, les
patientes expriment leurs difficultés à se penser en tant que
sujet différencié. Or, l’évaluation actuelle du devenir de ces
patientes s’appuie classiquement sur l’étude de la survenue
d’évènements objectifs, qui ne reflètent qu’indirectement
la réalité du devenir des patientes en termes de vécu
subjectif. Ainsi, la plupart des auteurs ont eu recours à
des combinaisons variables de plusieurs outils : entretiens
semi-structurés [7,11,13,18—20], autoquestionnaires [8,9],
scores globaux [2,11,13], qui n’évaluent pas la subjectivité
des patientes. Or, réussir à faire découvrir aux patientes leur
subjectivité constitue, à notre sens, l’enjeu majeur du traitement dont les bases reposent encore actuellement sur une
approche empirique [3,21].
Notre hypothèse de travail est qu’une meilleure connaissance du devenir des patientes souffrant d’anorexie mentale
devrait contribuer à la prévention des rechutes et des
complications et permettrait d’évaluer l’efficacité des traitements.
L’objectif de cette étude était donc de construire un nouvel outil d’évaluation du devenir des patientes anorexiques
mentales, basé sur les hypothèses théoriques préexistantes
[3], mais aussi sur l’expression par les patientes de leur
vécu de l’évolution de la maladie. Il s’agissait d’obtenir
un outil à la fois spécifique de la maladie et intégratif des différents aspects du devenir, dont la construction
aurait donné la priorité à l’analyse de la fonction de la
maladie dans la découverte par les patientes de leur subjectivité.
Méthode
Dans cette optique, nous nous sommes appuyés sur une
méthodologie qui avait déjà fait ses preuves reposant sur
trois étapes successives [14,15] :
Évaluation du devenir de l’anorexie mentale : construction d’un autoquestionnaire
Tableau 1
11
Caractéristiques de la population d’étude.
Effectif (%)
Moyenne ± écart type
Mini, Maxi
Âge à la prise en charge (ans)
30
20,8 ± 5,1
Durée du contrat d’isolement (mois)
22
3,2 ± 1,9
Temps de recul (ans)
30
9,4 ± 4,9
Âge actuel (ans)
30
30,4 ± 5,7
IMC actuel (kg/m2 )
30
17, 9 ± 2,7
Mini : 16
Maxi : 35
Mini : 1
Maxi : 8
Mini : 2
Maxi : 21
Mini : 25
Maxi : 51
Mini :
15,6
Maxi : 22
Normalisation de l’IMC (IMC ≥ 20 kg/m2 )
IMC < 17,5 kg/m2
Retour des règles
Patientes mariées
Patientes vivant en couple
Patientes vivant seules ou ayant des relations
sexuelles occasionnelles
Patientes devenues mères
Patientes avec un emploi ou poursuivant des
études
Patientes encore suivies
7
12
18
10
5
15
(23,3)
(40)
(60)
(33,3)
(16,7)
(50)
13 (43.3)
23 (76.7)
9 (30)
IMC : indice de masse corporelle.
• la conduite d’entretiens sur un échantillon de taille suffisante (30 à 50 patientes), en utilisant le mode de
l’association libre afin de soulever de nouvelles hypothèses ;
• l’analyse de leurs contenus, étayée par les hypothèses
préexistantes et les hypothèses nouvellement émises,
pour dégager des thèmes à inventorier ;
• la construction d’un autoquestionnaire à partir du développement de chaque thème en plusieurs questions
reprenant les mots des patientes.
Les entretiens
Échantillonnage
Les sujets ont été recrutés parmi les patientes avec le diagnostic d’anorexie mentale hospitalisées entre 1982 et 2001
en contrat d’isolement d’une durée supérieure ou égale à un
mois, à la Fédération d’endocrinologie du centre hospitalier
et universitaire de Lyon (Pr Jacques Tourniaire, Pr Michel
Pugeat) ou suivies en ambulatoire par un psychiatre libéral formé à la psychanalyse et également coordonnateur du
soin de l’anorexie mentale à la Fédération d’endocrinologie
(Dr Colette Combe) entre 1982 et 2001. La limite inférieure d’âge pour l’inclusion dans les entretiens a été fixée
à 25 ans, au moment de l’entretien, afin que les patientes
soient susceptibles d’avoir débuté leur vie reproductive.
Un temps de recul minimal de deux ans après le début
de la première prise en charge spécialisée a été établi.
Parmi les 75 patientes hospitalisées en contrat
d’isolement d’une durée supérieure ou égale à un mois,
entre 1982 et 2001, 32 (43 %) patientes n’ont pu être
retrouvées. En ce qui concerne les patientes suivies en
ambulatoire par le psychiatre libéral, aucune n’a été
perdue de vue. Les patientes ont été contactées pour participer à l’étude par téléphone, soit directement lorsque
c’était possible, soit par l’intermédiaire de leurs parents
quand leurs coordonnées figuraient dans le dossier médical
hospitalier. Finalement, 30 patientes ont été incluses dans
l’étude. Les caractéristiques de la population d’étude sont
décrites dans le Tableau 1. À noter que la durée de recul
par rapport à la première prise en charge s’étalait de deux
à 21 ans.
Conduite des entretiens
Les entretiens ont été conduits par l’investigateur principal
à la Fédération d’endocrinologie de l’hôpital de l’Antiquaille
à Lyon à chaque fois que cela fut possible, ou par téléphone
en cas d’éloignement géographique, pour respectivement
16 (53 %) patientes et 14 (47 %) patientes. À partir de
l’expérience clinique de l’équipe soignante de la Fédération d’endocrinologie du soin aux patientes anorexiques et
de connaissances théoriques [4,21], un guide d’entretien
a été élaboré autour des thèmes à aborder avec les
patientes :
•
•
•
•
•
•
le comportement alimentaire ;
l’image du corps ;
la vie psychique ;
la féminité ;
la maternité ;
les relations familiales ;
12
• la vie sociale ;
• la vie professionnelle ;
• la définition de la guérison.
Les entretiens se sont déroulés sur le mode de
l’association libre, dont l’intérêt était de faciliter l’accès à
leur inconscient, afin de permettre l’expression de leur subjectivité. Leur durée n’était pas fixée a priori, mais comptait
en moyenne 90 minutes (minimum : 45 minutes ; maximum :
120 minutes).
L’analyse de contenu des entretiens
L’analyse de contenu des entretiens conduits auprès des
30 patientes s’est appuyée sur des bases théoriques [7].
Progressivement, les similitudes entre les témoignages des
patientes ont été repérées, de grands axes de lecture dégagés, pour aboutir après des regroupements successifs à un
nombre définitif de thèmes recouvrant les différents aspects
du devenir des patientes. Cette approche, qui privilégie la
perception des patientes et l’étude de la fonction de la
maladie dans la recherche de leur subjectivité, a permis de
développer de nouveaux thèmes (les problèmes de dosage,
l’écoute du corps et des désirs, la culpabilité versus le plaisir
libre, le vécu de la féminité, le désir de grossesse et le vécu
de la maternité, le déclic de guérison, le virage boulimique
et les séquelles).
La construction de l’autoquestionnaire
La construction de l’autoquestionnaire était basée sur la
reprise de chaque thème, en un certain nombre de questions. Les phrases les plus représentatives des témoignages
des patientes, c’est-à-dire les plus souvent exprimées d’une
façon similaire, et les plus spécifiques du thème concerné
ont été choisies, reproduisant fidèlement les mots prononcés afin qu’elles puissent s’y reconnaître. Chaque thème
devait comporter neuf à 15 questions offrant quatre possibilités de réponse (pas du tout d’accord, pas d’accord,
d’accord, tout à fait d’accord). Les règles de construction
des autoquestionnaires psychologiques ont été respectées
[10] :
• le choix d’un nombre équilibré de phrases positives et
négatives pour chaque thème ;
• l’absence de phrases interronégatives, logique des
réponses non apparente ;
• les phrases les moins stressantes placées en début
de l’autoquestionnaire pour mettre les patientes en
confiance ;
• les phrases les plus délicates et incisives étant mises à la
fin pour ne pas irradier le sentiment.
Résultats
Analyse de contenu et présentation des thèmes
L’analyse du contenu des entretiens a abouti au développement des 11 thèmes suivants.
M. Ronze et al.
Le problème des quantités, des dimensions et des
dosages : le tout ou rien versus la nuance et
l’acceptation du compromis (items
no 1-9-27-28-30-41-67-73-87-103-101)
Les difficultés concernant les quantités d’aliments sont
liées à une intellectualisation de l’alimentation qui n’est
plus vécue à travers la sensorialité. La détermination des
quantités d’aliments repose alors sur l’intervention de solutions extérieures : « je regarde dans l’assiette des autres
pour savoir combien il faut en mettre dans mon assiette ».
L’intégration de leur schéma corporel peut rester longtemps
perturbée, témoignant de la persistance de leur clivage
interne. Le même mécanisme opère concernant leur appréhension de la réalité extérieure : « je focalise sur un détail
sans voir la globalité du problème » et l’adaptation de la
distance relationnelle avec les autres : « avec les autres,
je suis trop effacée ou trop excitée ». Néanmoins, lorsque
l’évolution est favorable, cette vision en tout ou rien peut
laisser la place à la nuance et à l’acceptation d’un compromis.
Le contrôle de l’alimentation et de l’image corporelle
(items no 3-6-20-49-55-63-71-83-93-98-100)
Habituellement, le contrôle alimentaire s’assouplit avec le
temps, mais peut persister de façon plus insidieuse : « si je
m’autorise un extra alimentaire, c’est toujours planifié ».
Cependant, une meilleure gestion de l’envie et du désir
leur permet de retrouver de la spontanéité dans l’acte de
manger : « quand je ressens une envie de nourriture, je ne
panique plus ».
Le contrôle des émotions, des événements et de la
temporalité versus la spontanéité (items
no 2-18-36-37-39-43-51-56-74-53)
L’imprévu et les changements dans leur environnement
peuvent être vécus comme des éléments déstabilisants.
Dans leur fonctionnement sur le mode de l’oralité, elles
présentent souvent une grande intolérance à l’attente : « je
suis très impatiente, je n’aime pas attendre, je voudrais
tout et tout de suite ». Il leur est par ailleurs particulièrement difficile de se situer dans le temps au présent. Ainsi,
leur état émotionnel au moment de la réalisation du désir
est soit celui qui lui est immédiatement antérieur et qui
correspond à l’envie, soit celui qui le suit juste après et
qui est le remords. Lorsque progressivement la subjectivité
des patientes se dessine, la gestion des émotions est facilitée, car elles ne sont plus source de désorganisation et
d’angoisse. Elles ressentent alors une plus grande liberté
dans l’expression et le vécu de leurs sentiments et de leurs
émotions : « maintenant, j’éprouve moins de retenue ».
La culpabilité versus le plaisir et l’abandon de
l’identification mélancolique (items
no 4-11-16-32-47-58-66-96-119)
La relation des patientes au plaisir est souvent empreinte
de culpabilité. Son déterminisme peut être lié à une identification à une mélancolie familiale, lorsque leur existence
est associée à un évènement tragique, tel que la mort d’un
enfant précédant leur naissance, et dont elles ressentent
consciemment ou non avoir à payer une part de responsabilité : « le plaisir gratuit est moins accessible ». Lorsque les
Évaluation du devenir de l’anorexie mentale : construction d’un autoquestionnaire
patientes parviennent à se libérer de cet héritage familial,
elles réussissent à s’autoriser le droit à ressentir du plaisir
pour elles-mêmes : « je ne lutte plus contre tout ce dont j’ai
envie ».
La dépendance aux autres versus l’autonomie (items
no 5-7-10-34-45-52-69-81-85-95-107-109)
Le vide intérieur secondaire à la faillite de la solution
de développement en conformité par rapport à la mère
entraîne une grande dépendance au regard des autres
qu’elles utilisent comme un miroir : « je fais ce que les
autres attendent de moi ». Elles développent un mode de
fonctionnement en contamination, « je me sens multiple,
différente en fonction de chaque personne que je rencontre », qui correspond à la juxtaposition de la copie de
plusieurs modèles sans aucune transformation, ni réelle
appropriation. Le renoncement à la solution de conformité de l’enfance va leur permettre de constituer un tiers
intérieur et de s’affranchir ainsi de cette dépendance extérieure : « j’ai renoncé à plaire à tout le monde », pour
affirmer leur individualité : « je veux qu’on respecte ma différence ».
Le vécu de la féminité (items
no 8-14-17-26-33-35-38-42-59-60-70-75-106-123)
Le retour des règles est vécu comme la possibilité de se
réapproprier leur corps : « les règles sont un rapport intime
avec le corps » et de renouer avec leur féminité. Mais il est
aussi fortement associé à la guérison. Le plaisir des formes
nouvelles apparaît et à travers la sensorialité retrouvée, la
patiente va s’ouvrir à la sensualité et au désir de l’autre :
« ça me fait plaisir d’être désirable ». Mais l’état fusionnel
physique et psychique de l’acte amoureux peut être ressenti
comme une menace d’engloutissement, ravivant le souvenir inconscient de l’envahissement maternel au moment des
liens précoces. Dans ce cas, elles peuvent encore éprouver
de la retenue : « dans les relations sexuelles, j’éprouve une
sorte de frein ».
Le désir de maternité (items
no 12-23-29-64-72-79-90-99-105)
Le désir de maternité est souvent très présent, mais parfois
ambigu en raison d’appréhensions de la grossesse : doutes
sur leurs capacités à gérer leurs émotions : « la grossesse
me fait peur, car porter un enfant est un sentiment trop
fort », peur des modifications du corps, et également interrogations sur leurs aptitudes à exercer leur rôle de mère.
Mais pour beaucoup de patientes la grossesse est perçue
comme la possibilité de s’affranchir du regard des autres
et de leurs contraintes internes : « une femme enceinte est
naturellement grosse et elle est autorisée à manger parce
qu’on ne va pas la juger ». L’influence du désir de maternité sur la féminité et leur vie de femme est variable, car
pour certaines « la grossesse autorise le refus des rapports
sexuels ».
Le vécu de la grossesse et de la maternité (items
no 31-40-50-54-68-84-86-94-104-108-114)
Les sensations de manque ou de vide habituelles laissent
place à un sentiment de complétude : « quand on est
enceinte on est complète, on n’a pas besoin de l’autre ». En
13
déniant le besoin d’un objet différencié, elles résolvent le
problème de la dépendance dans la relation au partenaire.
Ce vécu de la grossesse pourrait être considéré comme un
analogue de la conduite anorexique qui s’accompagnerait
d’un sentiment de toute puissance lié à l’impression
d’autosuffisance. Les difficultés alimentaires résiduelles
s’améliorent car la nécessité de nourrir l’enfant vient
s’interposer entre leurs désirs et leurs interdits pour en atténuer le conflit. Les formes du corps qui s’arrondissent aident
les patientes à découvrir leur féminité : « j’ai pris pleinement conscience de ma féminité quand j’ai été enceinte ».
La maternité permet de réaliser la séparation d’avec les
parents par le déplacement de l’investissement de l’amour
de l’objet maternel vers un nouvel objet : « je me sens
plus mère de mes enfants que fille de ma mère », les obligeant à un mouvement de projection d’elles-mêmes vers
l’extérieur : « devenir mère m’a centrée sur autre chose que
moi-même » favorable à leur ouverture aux autres.
Les remaniements des relations familiales et le double
renoncement à l’idéal (items
no 19-24-46-48-57-62-92-97-120-89)
Les relations familiales sont transformées par la survenue
de la maladie, à travers laquelle les patientes cherchent
le moyen d’affirmer leur existence de façon différenciée
au sein de la famille : « j’ai retrouvé ma place dans ma
famille ». Quand les patientes réussissent à se confronter
au principe de réalité en renonçant à devenir l’enfant imaginaire et idéalisé des parents : « j’ai renoncé à satisfaire
ma mère », et en abandonnant l’idéal qu’elles entretenaient
vis-à-vis de leurs propres parents : « j’accepte mieux ma
mère telle qu’elle est », leur différenciation devient possible. Mais lorsque la constitution du tiers intérieur ne se
fait pas, la projection dans l’avenir reste impossible : « je
regrette mon enfance, je pouvais vivre au jour le jour en
toute insouciance sans responsabilité ».
L’apprentissage de l’écoute du corps et des désirs pour
se découvrir soi, constitution d’un tiers intérieur (items
no 13-15-21-22-25-44-76-77-78-80-88-91-110-113-116)
La maladie leur avait rendu difficile la perception de leurs
sensations intérieures nécessitant la mise en place de
repères externes en particulier pour la nourriture. Grâce
aux expériences successives qu’elles osent tenter, elles font
l’épreuve de la fiabilité de l’écoute de leurs sensations
internes pour guider leur comportement et se libèrent du
contrôle extérieur devenu caduque : « je sais que je n’ai pas
besoin de me priver pour maintenir un poids normal ». Le
vide intérieur laissé par leur construction selon un modèle de
conformité ne leur permettait aucune autonomie de pensée
ou de jugement : « quand je fais quelque chose, je ne sais
jamais si c’est normal ou pas ». En ne recherchant plus la
solution à l’extérieur mais au contraire à l’intérieur d’ellesmêmes, elles s’autorisent l’écoute de leurs propres désirs
et découvrent leur subjectivité : « je suis devenue l’auteur
de ce que je vis ». Progressivement, elles vont construire
un tiers intérieur garant de leur indépendance : « je ressens comme un soutien à l’intérieur de moi ». À mesure
que leur individualité s’affirme, leur existence prend corps
et devient légitime : « j’ai pris conscience que je valais la
peine ».
14
Le déclic, la guérison, les séquelles et le risque de
rechute (items
no 61-65-82-102-111-112-115-117-118-121-122)
L’expression de leur désir propre de guérison : « un jour,
j’ai décidé de guérir », la prise de conscience de l’échec
de la maladie dans leur recherche de différenciation : « j’ai
compris que les autres faisaient attention à moi comme à
une malade, mais pas pour les bonnes raisons » et de ses
conséquences négatives sont déterminantes dans l’évolution
ultérieure. Néanmoins, lorsque la guérison n’est que superficielle et que seuls les symptômes ont été abrasés, le vide
intérieur qui persiste fait le lit des virages boulimiques : « je
me demande par quoi je pourrais remplacer l’anorexie ».
Dans tous les cas, l’expérience de la maladie, voire ses
séquelles marquent souvent durablement leur futur au point
que pour certaines la guérison ne peut être envisagée :
« cette maladie ne sortira jamais de ma vie ».
Présentation de l’autoquestionnaire
Notre outil d’évaluation du devenir des patientes anorexiques mentales se présente sous la forme d’un
autoquestionnaire, comportant au total 123 items, issus du
développement de chaque thème en neuf à 15 items qui ont
été mixés dans la version à soumettre aux patientes.
Discussion
Les entretiens basés sur le mode de l’association libre
ont permis, en cherchant à faire parler l’inconscient des
patientes, de s’affranchir des réponses stéréotypées habituellement dispensées par les patientes et d’obtenir ainsi
une information plus en profondeur. En ne cherchant pas
à évaluer leur devenir individuel, mais en s’intéressant
aux expressions qu’elles ont employées pour parler de leur
devenir, leur spontanéité n’a pas été altérée par un enjeu
pronostique.
Notre outil s’intéresse à la vision de l’évolution de la
maladie par les patientes, en privilégiant l’expression de
leur vécu, plutôt que l’évaluation des symptômes par le
médecin ou l’étude de la survenue d’évènements (normalisation du poids ou du comportement alimentaire, retour
spontané des règles, statut professionnel, mariage, maternité). En effet, découvrir leur subjectivité représente une
étape essentielle de la vie psychique de ces patientes et
l’appréciation de leur devenir sur des données purement
objectives semblait donc insuffisante. Cette lecture originale du devenir de ces patientes permet de mieux
appréhender leur relation au désir et au plaisir, et donc
l’évolution de leur subjectivité.
En intégrant plusieurs domaines d’expression de la maladie (alimentation, environnement, relations aux autres,
plaisir et désir, écoute du corps, féminité, maternité,
relations familiales, guérison), notre outil propose un
complément à l’utilisation d’une combinaison de plusieurs
outils (Leyton obsessional inventory [LOI] [5], Hopkins symptom checklist [HSCL] [6], Beck depression inventory [BDI]
[17]. . .), initialement destinés à l’évaluation d’autres pathologies psychiatriques, pour apprécier le devenir de ces
patientes. En ne cherchant pas à faire entrer l’anorexie
mentale dans une entité psychiatrique déjà connue ou à la
M. Ronze et al.
résumer à un trouble du comportement alimentaire, il respecte la spécificité de sa structure telle qu’elle a été décrite
par Jeammet [12].
En donnant la priorité à l’analyse de la dynamique de la
différenciation de l’individu et de la découverte de sa subjectivité, plutôt qu’à l’évaluation du devenir sur la présence
ou l’absence de symptômes diagnostiques qui pourraient
être transformés par l’évolution de la maladie, notre outil
permet de reconnaître la persistance éventuelle de la pathologie à distance de la phase aiguë.
Cette appréhension nouvelle du devenir de l’anorexie
mentale a permis le développement de nouveaux thèmes.
Les problèmes de dosage
Les difficultés de dosage de l’alimentation, d’appréhension
globale de leur image corporelle, d’adaptation de la
distance relationnelle, de construction d’un jugement intégratif et de détermination du niveau de leurs exigences
constituent une entité basée sur un mode de fonctionnement en tout ou rien et confirment que l’anorexie ne se
résume pas à un trouble du comportement alimentaire.
L’écoute du corps et des désirs
En retrouvant la persistance des difficultés d’appréhension
des sensations intéroceptives (faim, fatigue, satiété. . .) malgré la disparition de la toxicomanie de jeûne et la correction
de la dénutrition, notre étude appuie les hypothèses de
Bruch sur l’origine précoce, au cours des premiers apprentissages, des perturbations de la reconnaissance des besoins
et des sensations du corps [1]. Connaître le rapport des
patientes anorexiques mentales au désir est essentiel, car il
conditionne leur accès au plaisir et permet de comprendre
leur peur de perdre le contrôle, quand l’envie non satisfaite
s’emballe.
La culpabilité versus le plaisir libre
Il est important d’établir les fondements de la culpabilité
qui empêche les patientes anorexiques mentales d’accéder
au plaisir libre et gratuit, car en s’opposant à l’émergence
du désir qui suppose une dynamique et donc une transformation, en ne leur permettant pas d’individualiser leur
existence par rapport à l’histoire familiale en raison de
la persistance de l’identification mélancolique et en les
empêchant d’adopter une attitude bienveillante envers
elles-mêmes, cette culpabilité constitue un frein majeur à
la survenue de la guérison.
Le vécu de la féminité
En ce qui concerne la féminité, elle n’est abordée par le
Structured interview for anorexic and bulimic disorders
(SIAB) [7] que sous l’angle de la sexualité étudiée en temps
que comportement social. Notre autoquestionnaire considère la féminité des patientes anorexiques mentales dans sa
globalité en intégrant leur vécu des règles et de la sexualité,
leur relation au corps et leur relation de couple. Cette étude
de la féminité permet d’apprécier le degré de découverte
de leur subjectivité, car elle renseigne sur leurs capacités
Évaluation du devenir de l’anorexie mentale : construction d’un autoquestionnaire
à créer une relation avec le sexe opposé dans laquelle elles
devront renoncer à vouloir être semblables à l’autre.
Le désir de grossesse et le vécu de la maternité
Si l’on conçoit que la survenue des symptômes tels que
l’anorexie et l’aménorrhée corresponde à l’expression, sous
une forme de refus, des désirs refoulés de manger et de se
reproduire [3], on comprend que leur étude soit indispensable dans l’évaluation du devenir des patientes anorexiques
mentales. Les appréhensions de la grossesse peuvent révéler
la persistance de difficultés dans la gestion des émotions.
Nous avons observé que le vécu de la grossesse pouvait
dans certaines conditions représenter un analogue de la
conduite anorexique et témoigner de la défaillance des
objets internes à assurer le sentiment de continuité de
l’être, telle qu’elle a pu être décrite par Jeammet [12]. La
maternité interroge les patientes sur la construction de leur
mère intérieure et donc de leur subjectivité. Elle représente
par ailleurs un moment privilégié pour évaluer la solidité de
la guérison car elle va les remettre en contact avec la zone
d’agonie psychique de la petite enfance où elles ont renoncé
à leur subjectivité pour maintenir le lien d’amour maternel.
Le déclic de guérison, le virage boulimique et les
séquelles
À notre connaissance aucun outil ne s’est intéressé à la
guérison vue par les patientes et non par les médecins. Ce
thème permet de savoir si la découverte par les patientes
de leur subjectivité a comblé le vide initial lié à l’absence
de connaissance de soi ou si au contraire il persiste, constituant alors un facteur de risque de passage à la boulimie ou
à une autre forme de toxicomanie. Jeammet avait déjà rattaché l’anorexie mentale aux conduites d’addiction, « par
lesquelles ces sujets tentent de négocier une séparation
non par l’introduction d’un tiers, mais par la substitution
d’un besoin, dont l’objet est contrôlable, à un désir, dont
la représentation implique nécessairement l’acceptation de
la séparation » [12]. Le SIAB-EX [16] avait également souligné le lien entre la boulimie et d’autres toxicomanies en les
regroupant sous le même thème : « mesures pour contrer la
prise de poids et l’abus de substances (tels que les laxatifs, l’alcool ou la drogue) », mais sans remonter à leur
origine commune qui est le vide intérieur. Ce thème évalue
15
également comment les patientes se situent par rapport à la
maladie, et notamment si elles ont pu prendre suffisamment
de recul pour en réaliser les aspects négatifs. Enfin, il fait
le point sur l’importance du traumatisme lié à la maladie et
la possibilité de guérison sans séquelle.
Notre travail comporte certaines limites. Il s’agit d’un
travail préliminaire, dont les dimensions devront être confirmées par des études de validation.
Une autre limite concerne la sélection des patients :
l’étude porte sur les sujets non perdus de vus, c’est-à-dire
ceux ayant été retrouvés et ceux ayant accepté de participer, ce qui peut contribuer à sélectionner des sujets
particulièrement dans l’alliance thérapeutique et ayant de
ce fait un discours particulier, les sujets les plus graves
auraient peut-être un autre discours.
Par ailleurs, la moitié des entretiens a été menée
par téléphone : on ne peut exclure que les interactions
avec l’investigateur principal — et donc les associations — ne
soient pas de même nature, bien que la qualité des informations recueillies n’ait pas été altérée.
En outre, la variabilité des âges, des durées d’évolution
et de l’état nutritionnel a certainement influencé le discours des patientes, mais l’intérêt était de sélectionner
une population de patientes la plus diversifiée possible afin
d’accéder à une plus grande variété de devenirs, balayant
ainsi l’ensemble de l’évolution de la symptomatologie et de
la personnalité des patientes.
Enfin, notre étude s’est appuyée sur les travaux de
Mamelle et al. qui comportaient des échantillons de taille
plus importante (643 puis 1500 sujets) que celle de notre
échantillon (30 sujets) [14].
Ce travail préliminaire propose l’ébauche d’un nouvel
outil d’évaluation du devenir des patientes anorexiques
mentales basé sur l’étude de l’évolution de leur subjectivité. Son originalité repose sur sa construction privilégiant
la perception des patientes. Il représente un outil complémentaire aux outils préexistant qui évaluent le devenir des
patientes à partir de l’étude de la survenue d’évènements
objectifs. Sa sensibilité et sa spécificité devront être testées par des études sur de larges échantillons de patientes
souffrant de troubles du comportement alimentaire et éventuellement en population générale. Un score quantitatif
associé à l’autoquestionnaire pourrait être développé. Une
meilleure connaissance du devenir de ces patientes est susceptible d’améliorer leur prise en charge pour optimiser les
chances de guérison.
16
M. Ronze et al.
Annexe A. Présentation de l’autoquestionnaire d’évaluation du devenir des patientes
anorexiques mentales (123 items)
Pas du
tout
d’accord
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
Je sais que je ne peux pas être parfaite et que je ferai
des erreurs, mais ce n’est pas grave
Je suis moins spontanée que j’aimerais l’être
J’aime manger de la viande rouge même un peu
saignante
Quand un plaisir s’offre à moi, je le prends
J’ai du mal à dire aux gens ce que je ressens parce que
j’ai peur de leur réaction
C’est important de savoir ce que l’on ingurgite, alors je
préfère faire la cuisine moi-même plutôt que d’acheter
des plats cuisinés
Quand je prends une décision ou que je fais un choix j’ai
peur de le regretter
Ça me fait plaisir d’être désirable
Quand je choisis des vêtements, ils sont souvent trop
grands pour moi
J’ai renoncé à plaire à tout le monde
Je m’autorise à me faire plaisir que si je sens que je l’ai
mérité
La maternité, c’est l’aboutissement de la féminité
Quand je baille, je ne sais pas si j’ai faim ou si j’ai
sommeil
J’ai plaisir à m’habiller de façon féminine
Si je maigris, je sais augmenter les quantités pour
retrouver mon poids d’équilibre
Le plaisir gratuit est moins accessible
Les règles sont un rapport intime avec le corps
Je suis très impatiente, je n’aime pas attendre, je
voudrais tout et tout de suite
Mes relations avec ma famille sont plus authentiques
Manger avec des gens autour de moi qui me regardent
ne me dérange plus
J’aime bien regarder des photos de moi, car j’ai du mal
à savoir à quoi je ressemble
Je sais que je n’ai pas besoin de me priver pour
maintenir un poids normal
La grossesse, c’est un moment que j’attends depuis
toujours
Perdre quelqu’un ou quelque chose n’est pas se perdre
Quand j’ai mal au ventre, je ne sais pas si j’ai faim ou si
je suis angoissée
J’ai réappris à m’occuper de moi, à prendre soin de mon
corps
Je suis plus tolérante, plus souple de caractère
Quand je me sers d’un plat, j’ai toujours peur d’en
prendre trop ou pas assez
Une femme enceinte est naturellement grosse et elle
est autorisée à manger parce qu’on ne va pas la juger
Je focalise sur un détail sans voir la globalité du
problème
Quand on est enceinte on est complète, on n’a pas
besoin de l’autre
Je profite des plaisirs de la vie sans avoir l’impression
d’avoir à le payer après
Pas
d’accord
D’accord
Tout à
fait
d’accord
Évaluation du devenir de l’anorexie mentale : construction d’un autoquestionnaire
17
Annexe A (Suite)
Pas du
tout
d’accord
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
67
Maintenant que j’ai plus de formes, je me sens
beaucoup plus jolie
Je veux qu’on respecte ma différence
J’étais fière de retrouver mes règles parce que ça
signifiait pour moi que je pourrai être mère
Maintenant, j’éprouve moins de retenue
Je peux facilement recevoir quelqu’un à l’improviste ou
aller déjeuner à l’extérieur même si ce n’était pas
prévu à l’avance
J’ai du mal à ressentir du plaisir physique dans les
rapports sexuels
J’arrive à extérioriser mes problèmes ou mes émotions
Je me sens plus mère de mes enfants que fille de ma
mère
Je regarde dans l’assiette des autres pour savoir
combien il faut en mettre dans mon assiette
Quand on n’a pas ses règles on n’est pas femme
J’ai du mal à profiter du moment présent
Le lendemain d’un bon repas, je n’ai pas besoin de me
restreindre, car je sais que spontanément je mangerai
moins
Je fais ce que les autres attendent de moi
Je me sens riche de mon enfance, de mon passé
J’ai du mal à m’offrir des choses qui me fassent plaisir
Ma mère c’est ma meilleure amie, ma confidente
Le repas se déroule selon un rituel, j’ai besoin de
concentration pour manger
Jamais je ne me suis sentie aussi bien que pendant la
grossesse
Mon visage a du mal à exprimer ce que je ressens
Je fais ce que j’ai envie de faire même si ça dérange les
autres
Je prends le temps de faire les choses à mon rythme
Je fais attention quand ma mère s’occupe de mes
enfants, je pose des limites pour qu’elle respecte mon
rôle de mère
Je refuse d’avoir une balance chez moi, car j’aurais
peur de recommencer à me peser tout le temps
J’ai du mal à m’adapter aux changements
Je regrette mon enfance, je pouvais vivre au jour le en
toute insouciance sans responsabilité
Je ne lutte plus contre tout ce dont j’ai envie
Dans ma relation de couple, je cherche surtout à être
protégée
Je me sens féminine quand je suis sensuelle
J’ai compris que les autres faisaient attention à moi
mais pas pour les bonnes raisons
J’accepte mieux ma mère telle qu’elle est
Mon envie de nourriture est tellement grande, que si je
l’écoutais, j’aurais peur de ne plus m’arrêter
La grossesse autorise le refus des rapports sexuels
Je me suis rendue compte que l’anorexie n’était pas le
bon moyen pour appeler au secours
J’ai plaisir à recevoir les cadeaux qu’on m’offre
Je ne prends pas le risque d’acheter un gâteau en entier
de peur de le manger tout d’un coup
Pas
d’accord
D’accord
Tout à
fait
d’accord
18
M. Ronze et al.
Annexe A (Suite)
Pas du
tout
d’accord
68
69
70
71
72
73
74
75
76
77
78
79
80
81
82
83
84
85
86
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
100
101
102
Devenir mère m’a centré sur autre chose que moi-même
Je me sens multiple, différente en fonction de chaque
personne que je rencontre
Dans les relations sexuelles, j’éprouve une sorte de frein
Les idées de nourriture sont toujours présentes dans ma
tête
J’aurais peur de ne pas supporter les changements de
mon corps pendant la grossesse même si c’est transitoire
Je coupe les aliments que j’ai du mal à manger en petits
morceaux, comme ça, ils me font moins peur
Je n’ai pas beaucoup d’amis car j’ai souvent peur d’être
déçue par les autres et d’en souffrir
Quand j’ai retrouvé mes règles, j’étais heureuse car je
savais que ça voulait dire que j’étais guérie
J’ai du mal à avoir mes propres opinions, à penser par
moi-même
Je ne ressens la satiété que lors d’une crise de boulimie,
où je mange jusqu’à écœurement
J’ai appris à me ménager, à faire plus attention à moi
La grossesse me fait peur, car porter un enfant est un
sentiment trop fort
Quand je fais quelque chose, je ne sais jamais si c’est
normal ou pas
J’arrive à me sentir bien quand je suis seule
Un jour, j’ai décidé de guérir
En résistant à la tentation de manger, je me sens plus
forte que les autres qui n’y résistent pas
Enceinte, j’étais épanouie, j’appréciais mes formes
Je suis très affectée par les réflexions qu’on me fait
Je suis mère de façon très naturelle et spontanée
J’accepte mon corps dans son ensemble avec ses défauts
Je mange jusqu’à ce que j’ai mal au ventre parce que je
ne sais pas quand je suis rassasiée
J’ai toujours peur d’être abandonnée
J’aimerais mes seins pour nourrir un enfant, mais pas
quand ils sont l’objet de désir
Je me sens libérée d’avoir trouvé ma propre identité
Je privilégie ma relation de couple à ma relation avec
mes parents
Si je m’autorise un extra alimentaire, c’est toujours
planifié
Je sais que je ne suis pas une mère parfaite, mais je ne
me mets pas trop de pression
Je mets des vêtements amples pour qu’on ne me voie
pas à l’intérieur
Je n’éprouve pas de plaisir car on ne me l’a jamais
appris
J’ai retrouvé ma place dans ma famille
Quand je ressens une envie de nourriture, je ne panique
plus
Si j’avais un enfant, j’aurais peur de ne pas savoir être
mère
J’ai retrouvé le goût des aliments et le plaisir de manger
Avec les autres, je suis trop effacée ou trop excitée
Penser à la nourriture occupe beaucoup de place et je
me demande ce que je ferai quand je n’aurai plus faim
Pas
d’accord
D’accord
Tout à
fait
d’accord
Évaluation du devenir de l’anorexie mentale : construction d’un autoquestionnaire
19
Annexe A (Suite)
Pas du
tout
d’accord
103
104
105
106
107
108
109
110
111
112
113
114
115
116
117
118
129
120
121
122
123
Pas
d’accord
D’accord
Tout à
fait
d’accord
Je sais mettre une distance entre moi et les autres
quand c’est nécessaire pour me préserver
J’ai parfois l’impression que je reproduis avec mes
enfants ce que j’ai reproché à ma mère d’avoir fait avec
moi
Je serais prête à manger tout ce qu’il faudrait pour que
mon bébé grandisse bien
Je pourrais presque me passer de relations sexuelles
dans mon couple
J’arrive à me sentir bien quand je suis seule
J’ai pris pleinement conscience de ma féminité quand
j’ai été enceinte
Avant une crise de boulimie, je ressens un grand vide à
l’intérieur de moi
J’ai l’impression d’avoir perdu la carapace qui
m’empêchait d’être moi
Un jour, j’ai saturé de toutes ces souffrances
Je me demande par quoi je pourrais remplacer
l’anorexie
Je suis devenue l’auteur de ce que je vis
Je voulais bien que le bébé puise dans mes réserves,
mais moi je ne voulais pas manger plus
Cette maladie ne sortira jamais de ma vie
Je ressens comme un soutien à l’intérieur de moi
Je suis mère de façon très naturelle et spontanée
Un jour, j’ai réalisé tout ce que je ratais à cause de la
maladie
Je n’ai pas le droit d’éprouver du plaisir
J’ai renoncé à satisfaire ma mère
J’ai l’impression qu’il ne faudrait pas grand-chose pour
que je dérape et que je retombe dans la maladie
J’ai pris conscience que je valais la peine
J’étais fière de ne plus avoir mes règles et les retrouver
a été pour moi un échec
Références
[1] Bruch H. L’énigme de l’anorexie. Paris: PUF ed; 1979.
[2] Bulik CM, Sullivan PF, Fear JL, et al. Outcome of anorexia nervosa: eating attitudes, personality, and parental bonding. Int J
Eat Disord 2000;28:139—47.
[3] Combe C. Soigner l’anorexie. Paris: Dunod ed; 2002.
[4] Combe C. Comprendre et soigner la boulimie. Paris: Dunod ed;
2004.
[5] Cooper J. The Leyton obsessional inventory. Psychol Med
1970;1:48—64.
[6] Derogatis LR, Liberman RS, Rickels K, et al. The Hopkins symptom checklist (HSCL). A self-report symptom inventory. Behav
Sci 1974;19:1—4.
[7] Fichter MM, Herpertz S, Quadflieg N, et al. Structured interview for anorexic and bulimic disorders for DSM-IV and ICD-10:
updated (third) revision. Int J Eat Disord 1998;24:227—49.
[8] Garner DM, Garfinkel PE. The eating attitudes test: an index of
symptoms of anorexia nervosa. Psychol Med 1979;9:273—9.
[9] Garner DM, Olmsted MP, Polivy J. Development and validation
of a multidimensional eating disorder inventory for anorexia
nervosa and bulimia. Int J Eat Disord 1983;2:15—34.
[10] Ghiglione R, Beauvais JL, Chabrol C, et al. Manuel d’analyse
de contenu. Paris: Armand Colin ed; 1990.
[11] Herzog DB, Sacks NR, Keller MB, et al. Patterns and predictors
of recovery in anorexia nervosa and bulimia nervosa. J Am Acad
Child Psychiatry 1993;32:835—42.
[12] Jeammet P. L’anorexie mentale. Paris: Doin ed; 1985.
[13] Löwe B, Zipfel S, Buchholz C, et al. Long-term outcome of anorexia nervosa in a prospective study 21-year follow-up study.
Psychol Med 2001;31:881—90.
[14] Mamelle N, Measson A, Munoz F, et al. Development and use of a
self-administered questionnaire for assessment of psychologic
attitudes toward pregnancy and their relation to a subsquent
premature birth. Am J Epidemiol 1989;130:989—98.
[15] Mamelle N, Gerin P, Measson A, et al. Construction de questionnaire pour la recherche de composantes psychologiques
dans l’étiologie des maladies somatiques. Acta Psychiatr Belg
1986;86:594—9.
[16] Morgan HG, Hayward AE. Clinic assessment of anorexia nervosa. The Morgan-Russell outcome schedule. Br J Psychiatry
1988;152:367—71.
[17] Parker G, Tupling H, Brown L. A parental bonding instrument.
Br J Med Psychol 1979;52:1—10.
20
[18] Rathner G, Rainer B. The factor structure of the anorexia nervosa inventory for self-rating in a population-based sample
and derivation of a shortened form. Eur Arch Psychiatry Clin
Neurosci 1998;248:171—9.
[19] Robins LN, Wing JK. The composite international diagnostic
interview: an epidemiologic instrument suitable for use in
M. Ronze et al.
conjonction with different diagnostic systems and different
cultures. Arch Gen Psychiatry 1988;45:1069—77.
[20] Spitzer RL, Endicott J, Robins E. Research diagnostic criteria:
rationale and reliability. Arch Gen Psychiatry 1978;39:549—55.
[21] Vincent T. La jeune fille et la mort. Soigner les anorexies
graves. Paris: Erès Arcanes ed; 2002.