Financement classiques et alternatifs

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Financement classiques et alternatifs
Financement classiques et alternatifs: Me. Julien Moiroux – Simmons & Simmons
A quels types de financements classiques les collectivités ne pensent-elles pas toujours
systématiquement ?
Les Collectivités territoriales connaissent généralement bien les différents types de financement qui
s’offrent à elles dans le cadre de la réalisation d’un projet public. De façon classique, on opposera
donc, d’une part, le financement qui repose exclusivement sur des fonds publics, qu’ils soient
exclusivement apportés par la collectivité qui « porte » le projet ou en association avec l’État,
d’autres collectivités territoriales, voire d’autres parties prenantes (ex. Union Européenne via le
fonds FEDER, etc.) et, d’autre part, le financement bancaire supporté par la collectivité elle-même.
La réponse à la question posée réside alors davantage dans l’identification des termes conduisant le
choix du financement. Ce choix est en premier lieu fondé sur l’identification ou non du besoin de
faire appel à un financement afin de compléter le financement public (deniers publics) dont dispose
la collectivité territoriale.
Aujourd’hui, à de très rares exceptions près, il n’existe plus d’emprunts bonifiés accordés aux
collectivités territoriales à des taux inférieurs aux taux du marché. Les emprunts classiques sont
identiques à ceux consentis à d’autres opérateurs économiques. Vous voulez mobiliser les fonds à la
signature du contrat, vous avez choisi entre taux fixes et taux indexés, alors le profil d’amortissement
que vous avez retenu est classique (annuité constante, amortissement constant ou amortissement in
fine…), vous pouvez ainsi souscrire un emprunt classique.
Une fois les sommes versées, vous rembourserez intérêts et le capital selon le rythme convenu. Si le
contrat le permet, vous remboursez par anticipation en tout ou partie l’emprunt ainsi mobilisé, ce
remboursement ne vous autorisera pas à remobiliser les sommes ultérieurement dans le cadre du
même contrat.
Dans ce cadre, et c’est peut-être ce qui est susceptible de générer des difficultés dans le recours à
une variante de financement bancaire plutôt qu’à une autre, les produits de financement offerts aux
collectivités se complexifient considérablement. Il est donc impératif d’identifier les différents types
de produits offerts et les utilisations qu’ils permettent, ainsi que les risques qui y sont associés (cf.
emprunts dits « toxiques »).
En effet, cette sophistication procure aux collectivités des produits très souples susceptibles de
répondre à toutes leurs préoccupations et à tous leurs objectifs mais pouvant également exposer les
collectivités à un risque plus important.
En outre, la souplesse engendre nécessairement un coût en temps et/ou en argent qu’il convient de
bien appréhender.
Connaître les différents produits existants et évaluer précisément ses besoins en termes de
financement doit donc permettre à la collectivité territoriale de choisir ceux qui répondent le mieux
aux enjeux d’un projet donné.
Précisons que les collectivités territoriales bénéficient aujourd’hui d’outils dédiés à leur financement
(banque publique d’investissement, Agence France Locale de financement des collectivités
territoriales, fonds de soutien aux collectivités locales ayant contracté des emprunts structurés à
risque) qui offrent un accompagnement utile dans la recherche et/ou l’assainissement du
financement de ces collectivités.
Quel est l’intérêt des modes de financement alternatifs pour les collectivités territoriales; sont-ils
d’ailleurs toujours seulement alternatifs ?
Au-delà des modes de financements classiques, tels que l’emprunt bancaire, les collectivités locales
sont libres de recourir à d’autres moyens de financements. Citons, à titre d’exemple, le cas de
l’emprunt obligataire, ou encore le cas du « crowdfunding ».
En premier lieu, les collectivités locales sont libres de recourir à l’emprunt obligataire, sous réserve
d’obtenir une notation financière et de pouvoir émettre un volume minimal. Dans ce cadre, et si le
besoin de financement est récurrent et/ou étalé dans le temps, il est alors judicieux de recourir à un
programme Euro Medium Term Note (EMTN).
Ce programme génère une réduction des coûts récurrents d’émission tout en apportant plus de
souplesse et de rapidité dans les opérations de financement, en ce qu’il est composé d’une
documentation-cadre :
• un prospectus de base, comportant des rubriques relatives à la description de l’émetteur et à ses
facteurs de risque ;
• d’un contrat de placement, et ;
• un contrat de service financier qui décrit les obligations de l’émetteur et des agents chargés du
service financier des titres émis pendant la durée de l’émission.
En second lieu, les collectivités locales pourraient envisager de recourir au financement participatif,
dit « crowdfunding », dont le cadre légal – très récent – est prévu par l’ordonnance n°2014-559 du 30
mai 2014 et le décret n°2014-1053 du 16 septembre 2014. Cette technique de financement consiste
à mettre en relation directe, via une plateforme internet dédiée, des porteurs de projet en recherche
de financements avec des personnes souhaitant participer au financement par exemple d’initiatives
locales. On distingue, à ce titre, le financement participatif sous forme de titres financiers et le
financement participatif sous forme de prêts ou de dons.
• La mise en œuvre d’un tel mode de financement participatif permettrait assurément une forme de
« démocratisation » du financement des projets publics.
Ces modes de financements ne sont pas seulement des alternatifs aux emprunts bancaires des
collectivités locales ou à la mobilisation des fonds publics, mais peuvent également leur être
complémentaires. Ils peuvent donc être utilisés en parallèle d’un emprunt bancaire. Dans certains
cas, ces modes de financements peuvent, à titre d’exemple, refinancer le prêt bancaire initial afin
d'optimiser les conditions de financement.
Quel est le cadre juridique adapté afin de sécurisation?
Plusieurs points doivent être pris en considération, de la répartition des compétences au sein de la
collectivité - par le truchement des délégations de compétences et de signature- aux obligations
légales, récentes, en matière de couverture des risques de taux et de change, sans oublier la question
des marchés publics ayant cependant connu une clarification bienvenue avec l’adoption des
nouvelles directives européennes sur les marchés publics.
• Le champ des compétences au sein de la collectivité
Le droit applicable en matière de répartition et de délégation de compétences au sein des
collectivités territoriales résulte de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de
proximité codifiée au CGCT et dont l'application a été précisée par le circulaire interministériel n°
NOR/ IOCB 1015077C du 25 juin 2010 relative aux produits financiers offerts aux collectivités locales
et à leurs établissements publics.
Si la compétence en matière d'emprunts, bancaires ou obligataires, relève de l'assemblée
délibérante, la loi « démocratie de proximité » précitée a élargi le champ des délégations de
compétence pouvant être accordées à l'exécutif local en matière d'emprunts et d'opérations
financières afférentes (article L. 3211-2 du CGCT pour le président du CG).
Selon la circulaire de 2010, les principales limites à ces délégations de compétences portent sur la
durée de la délégation, sur son étendue et sur l'obligation d'information à laquelle l'exécutif
délégataire est assujetti envers les élus.
Toutefois, la position de la circulaire sur la durée de la délégation doit être relativisée par la
jurisprudence, aux termes de laquelle : la délégation de pouvoirs « n'est pas affectée par les
changements survenant dans la personne du délégant ou celle du délégataire, et subsiste tant qu'une
décision du délégant ne l'a pas abrogée ».
• Le cadre comptable
La liberté d’emprunt est strictement encadrée par deux principes fondamentaux dont le non-respect
constitue une cause d’annulation du budget de la collectivité :
• l’emprunt ne peut financer que des dépenses d’investissement ;
• le remboursement en capital doit être intégralement couvert par des ressources propres
constituées par le prélèvement sur les recettes de fonctionnement (c’est-à-dire l’épargne brute)
augmenté des recettes définitives d’investissement, autres que l’emprunt.
Par ailleurs, le recours à l’emprunt (bancaire ou obligataire) est subordonné au vote du budget
primitif de la collectivité, qui constitue un acte de prévision autorisant les dépenses et les recettes de
l’exercice à venir et qui fixe une enveloppe annuelle d’emprunt venant ainsi limiter les montants
pouvant faire l’objet d’une émission dans le cadre d’un programme EMTN (articles L .1612-1 à
L.1612-20 du CGCT).
La loi de séparation et de régulation des activités bancaires a renforcé l'encadrement de la liberté
contractuelle des collectivités territoriales, de leurs groupements et des services départementaux
d'incendie et de secours (SDIS) en matière d'emprunt à trois égards :
- en ce qui concerne la couverture du risque de taux de change en cas d'emprunt en devises
étrangères : l’article L. 1611-3-1 inséré dans le CGCT par la loi de séparation et de régulation des
activités bancaires prévoit que la souscription par une collectivité territoriale d'un emprunt libellé en
devises étrangères est soumise à l'obligation de conclure, lors de la souscription de l'emprunt, un
contrat d'échange de devises contre euros pour le montant total et la durée totale de l'emprunt.
L’objectif est que les collectivités ne soient plus exposées au risque d'évolution des taux de change
puisque ce dernier sera intégralement couvert dès la souscription de l'emprunt.
- en ce qui concerne le recours aux autres produits dérivés : L'article 32-II de la loi de séparation et de
régulation des activités bancaires prévoit qu'« un contrat financier adossé à un emprunt auprès d'un
établissement de crédit ne peut avoir pour conséquence de déroger aux principes précités encadrant
la couverture des risques d'évolution des taux et de change. Les « contrats financiers » visés par cette
disposition renvoient aux instruments financiers à terme encore qualifiés de produits dérivés tels que
swaps, caps, tunnels, etc. souvent conclus en même temps que la souscription d'un emprunt
bancaire.
- en ce qui concerne la couverture du risque d'évolution des taux et les formules d'indexation des
taux variables : S'agissant du risque de taux, la loi de séparation et de régulation des activités
bancaires prévoit que, dans l'hypothèse où le taux d'intérêt d'un emprunt souscrit par une
collectivité territoriale est variable, les indices et les écarts d'indices des clauses d'indexation doivent
respecter des valeurs maximales qui seront fixées par décret en Conseil d'État et les formules
d'indexation doivent répondre « à des critères de simplicité ou de prévisibilité des charges
financières » qui pèsent sur la collectivité contractante dans le cadre de l'emprunt, lesquels critères
seront également précisés par un décret en Conseil d'État.
• Le cadre contractuel
En vertu de la directive n°2014/24/UE du 2014, et du projet d’ordonnance pour un nouveau code de
la commande publique, le contrat d’emprunt n'est pas soumis aux règles encadrant les marchés
publics. Il en va de même des lignes de trésorerie et des émissions obligataires.
Ce faisant, le contrat d’emprunt n’est pas soumis à une obligation de mise en concurrence et de
publicité. Toutefois, en application de la loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de
régulation des activités bancaires, et de la circulaire précitée, il est recommandé aux collectivités de
respecter le principe de la transparence lors de la passation de contrats d’emprunts.