RTBF: Pour un nouveau départ

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RTBF: Pour un nouveau départ
RTBF:
Pour un nouveau départ
Un dossier de l’Association professionnelle de la création
audiovisuelle Pro Spere, développé sur base des analyses
réalisées par la SACD et la SCAM (Belgique).
Juillet 2010
RTBF: Pour un nouveau départ
2
Sommaire
Introduction ................................................................................................................ 3
Les budgets et la gestion budgétaire ......................................................... 4
Structure des programmes en télévision ................................................... 8
1/ Inflation de la diffusion............................................................................................ 8
2/ Structure des programmes par genre .................................................................. 11
Le partenariat avec la création et la production indépendantes ............... 13
Qui sont les commanditaires d’un service public de télévision ? .............. 16
Discours à géométrie variable ................................................................................... 20
Qu’en déduire ? ......................................................................................................... 21
Un cadre de relation inutilement abimé .................................................. 24
Disette budgétaire et conquête publicitaire............................................. 25
En conclusion .......................................................................................... 26
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3
Les derniers mois écoulés viennent d’apporter de nouvelles, et plutôt cruelles, leçons à ceux qui suivent
depuis une vingtaine d’années l’évolution d’un très honorable service public de radio télévision : notre
RTBF.
Un discours officiel contradictoire domine cette longue histoire, initiée à la fin des années ’80, lorsque la
Communauté française décida d’unir dans un même destin commercial, et donc programmatique, la RTBF
et RTL 1. À la réaffirmation incantatoire des missions publiques, justifiant l’existence de la RTBF, de ses
2.500 emplois 2 et de ses 200 millions d’euros de subventions annuelles, se sont mêlées, de façon de plus
en plus prégnante sur l’organisation et la politique des programmes, des positions et des décisions
contraires, invariablement justifiées par « l’insuffisance des ressources publiques » et par le
« marché hautement concurrentiel » de la télévision belge francophone.
Et, en 25 ans, de cinq ans en cinq ans 3, ce double discours se fera de plus en plus élaboré, ciblant
judicieusement toute perspective de ressources publiques, ou commerciales, bataillant pour s’approprier la
moindre reconnaissance nationale comme internationale 4, mais dénonçant en même temps, avec une
détermination croissante, la plupart des obligations prévues en matière de production, captations, de
diffusion et de publicité, contreparties toujours jugées « inutiles », « irréalistes », voire « insupportables
dans la course nécessaire à l’audience ».
Mais revenons d’abord aux faits et chiffres qui seuls permettent de comprendre les tensions qui se
manifestent régulièrement autour des missions et des responsabilités de la RTBF, bref de son contrat de
gestion.
1
« La Communauté française autorise par décret du 4 juillet 1989 la diffusion par la RTBF de publicités dont la gestion et la
commercialisation des espaces publicitaires est confiée à TVB, société commune aux chaînes publique et privée de la Communauté
française (RTBF et RTL-TVi) » Wikipédia - RTBF.
Un dispositif unique au monde permettra jusque 1996 un transfert de ressources publicitaires du secteur public au secteur privé !
2
Ce nombre diminuera progressivement. Néanmoins, il est de 2.300 environ en 2009.
3
Selon la durée décrétale accordée au contrat de gestion fixant les missions et les ressources de l’ex-institut devenu
« entreprise publique», voire moins en cas de révision précipitée comme nous venons d’en voir une fin 2009.
4
Et notamment les places aux génériques et les prix accordés dans les festivals.
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Les budgets et la gestion budgétaire
Voici, de 1990 à 2008, l’évolution des ressources et des dépenses de la RTBF, en euros courants.
On discerne de 1994 à 1999 les effets des premiers plans de restructuration (1990 et 1997) et, de 2001 à
2007, une nouvelle période où les dépenses excèdent les recettes.
4
Source : Annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
La gestion budgétaire de la RTBF aura donc été un des deux enjeux majeurs de la direction de M. JeanPaul Philippot, avec le passage au « numérique » de la production à la diffusion.
Lorsqu’il accède à la fonction d’administrateur général, la RTBF a déjà connu plusieurs restructurations
dont le fameux plan « Horizon » (1997).
Il lance son projet « Magellan » (2002) pour rétablir un équilibre budgétaire durable. C’est une priorité
absolue dans un organisme public traumatisé tant par les suppressions d’emplois que par l’affirmation
progressive de la compétition avec les chaines commerciales comme critère de la décision sur les
programmes 5.
De toute évidence, sur la durée, le pari ne semble pas encore gagné, même si un équilibrage précaire des
comptes a été réalisé en fin de premier mandat (2006-2008).
Mais il faut « désindexer les montants », les corriger de l’évolution de l’index à la consommation 6, pour
constater qu’en réalité les ressources de la RTBF ne progressent pas.
5
L’équipe dirigeante nouvelle constituée par J.-P. Philippot fera d’ailleurs une place importante à des professionnels issus du
privé commercial.
6
Sans doute inférieur à la réalité de l’index du secteur des médias.
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Source : Annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
Quelques autres tendances apparaissent sur la même période (1990-2008) : la réduction de l’emploi,
l’accroissement du salaire moyen, la stabilisation rapide du ratio publicité/recettes globales entre 20% et
25% 7.
Évolution en% (base 1990 = 100%) de l’emploi, des recettes de publicité et de la dotation CF en euros courants :
Source : Annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
7
Ce plafond, remis en question de longue date par la RTBF, va exploser en 2009 et surtout en 2010 et en 2011.
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Source : Annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
Source : Annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
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L’affectation du personnel selon les pôles d’activités est également intéressante à analyser.
La radio semble perdre de plus en plus de terrain, face aux « autres départements » 8 principalement.
7
Source : Annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
8
Administration générale, services généraux, infrastructures, ressources humaines…
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Structure des programmes en télévision
1/ Inflation de la diffusion
Toujours sur la même période, la structure des programmes évolue également profondément.
Le phénomène majeur : une inflation massive des heures de diffusion pour La Une comme pour La Deux
(pour des ressources qui ne progressent pas hors inflation) :
Source : Annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
Ce doublement des heures de diffusion porte :
- davantage sur les premières diffusions que sur les rediffusions,
- et davantage (au sein de ces premières diffusions) sur les achats/échanges que sur la
production/coproduction bien que celle-ci progresse également en quantité de façon significative.
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Source : annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
Des recettes sans augmentation, du personnel en réduction de 25% et
un doublement des heures de diffusion, des premières diffusions, des
productions, des achats…
Le coût moyen global horaire de la TV chute de moitié en 15 ans !
Il s’agit certes d’une estimation globale : la division entre une estimation
du budget annuel des dépenses attribuables à la TV et le volume horaire
des diffusions TV.
Le coût réel de la grille (budget des programmes), ou mieux encore le
budget affecté par heure d’émission est évidemment beaucoup plus bas,
et varie de toute façon selon les décisions de la direction générale.
« Ce qui frappe à
l’analyse des
données, c’est que les
courbes de parts de
marché suivent de
près cette chute
drastique du coût
moyen global horaire.
Et ceci pour toutes les
catégories de
programmes. »
La diminution des moyens disponibles pour créer et programmer, conséquence des décisions prises en
matière d’extension massive des heures de diffusion malgré des ressources constantes, est inévitable.
Ce qui frappe à l’analyse des données, c’est que les courbes de parts de marché suivent de près cette
chute drastique du coût moyen global horaire. Et ceci pour toutes les catégories de programmes.
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Évolution du cout moyen global horaire (estimation) et des parts de marché de la RTBF (en%) par genre :
10
Source : Annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
Une évolution négative des parts de marché annuelle de la RTBF de 1994 à 2007, qui touche La Une
principalement.
La Deux connait un regain en 2007 et 2008, grâce à la nouvelle politique du nouveau directeur de la
télévision depuis 2007, M. François Tron.
Source : Annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
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2/ Structure des programmes par genre 9 :
Poids croissant de la fiction (d’abord américaine) et de la publicité
En heures de diffusion, la fiction et la publicité doublent, « l’éducation permanente » retombe à son
niveau de 1998, l‘information fléchit puis se redresse en 2008.
11
Source : Annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
En pourcentage du temps de diffusion, les évolutions marquent un
tassement de l’info/éducation permanente, une croissance nette de la
fiction (avec une dominance américaine en prime time), la chute
significative des autres programmes (captations, jeux, variétés, etc.), et
la croissance du temps accordé à la publicité. 10
« Le rapprochement
progressif des
volumes de diffusions
de fiction et des
volumes de diffusions
d’info/éducation
permanente indique
une forme de
banalisation de la
structure des
programmes de la
RTBF. »
9
Les données disponibles (Annuaire de l’audiovisuel) reposent sur les catégorisations définies et réalisées par la RTBF. Ces
catégorisations, notamment sur la notion « d’éducation permanente » ont suscité de nombreux débats sur lesquels il n’est pas
possible de revenir ici. Il est vraisemblable que infos et éducation permanente sont catégorisées différemment en 1994 et 1995.
10
Sans doute encore plus marquée aux heures de grandes écoutes.
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Source : Annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
Le rapprochement progressif des volumes de diffusions de fiction (massivement achetée aux américains)
et des volumes de diffusions d’info/éducation permanente (massivement produite et coproduite) indique
une forme de banalisation de la structure des programmes de la RTBF.
Une banalisation que le public ne suit pas. La RTBF perd indubitablement son identité et ses publics. Ou
pour le dire plus précisément, elle fabrique de moins en moins son identité et semble vouloir mimer
celle de ses principales concurrentes du secteur privé 11.
11
Une étude Ipsos de 2006/2007 portant sur « Le Francophone et sa TV », les comportements, valeurs et attentes des publics de
télévision de la Communauté française, confirme cette analyse.
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Le partenariat avec la création et la production indépendantes
Il est possible d’analyser également, au plan financier, l’évolution des partenariats entre la RTBF et les
professionnels « indépendants ».
En fait, malgré un apport substantiel direct de la Communauté française en 1993 (le Fonds spécial ou
« Fonds Di Rupo »), on constate que ce partenariat demeure très modeste et n’évolue guère sur la
dernière décennie. Il paraît même tendanciellement en recul, et les mesures prises fin 2009 risquent
d’assombrir encore le constat général :
Source : Annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
Alors que les chaînes de télévision françaises collaborent avec les professionnels indépendants, à raison
de plus de 10%, voire même 18% de leurs recettes, le taux RTBF stagne en dessous de 2% en
moyenne (1,86% sur les 12 années analysées) !
Certes, les ressources globales des unes et de l’autre ne sont pas de même niveau, mais cela justifie-t-il un
tel différentiel ?
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Neutraliser le budget radio ne modifie guère l’analyse…
La moyenne 1998-2008 (hors 2000) des apports ne dépasse pas 3% ! :
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Voici l’évolution de la ventilation par genre des partenariats (en %) :
15
Source : Annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
L’impact de l’unique série TV « majoritaire » belge commandée
annuellement par la RTBF se marque positivement dans les années
récentes, au sein d’un budget global lisse.
La négociation, ardue, du contrat de gestion actuel avait pour enjeu de
modifier cet état des choses et de « lancer » la RTBF dans davantage de
collaborations externes.
Ce résultat est loin d’être acquis.
« Le taux de
collaboration de la
RTBF avec les
professionnels
indépendants stagne
en dessous de 2%,
alors que les chaînes
de télévision
françaises
collaborent, à raison
de plus de 10%, voire
même 18% de leurs
recettes, en
moyenne ! »
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Qui sont les commanditaires d’un service public de télévision ?
L’analyse n’est pas très complexe à faire : la RTBF a deux catégories principales de commanditaires.
La première catégorie est politique, il s’agit des partis politiques (majoritaires) qui scrutent le contenu et
la performance d’audience des émissions d’information générale et d’actualités politiques spécialisées
(JT, Questions à la Une, etc.).
La seconde catégorie est commerciale, il s’agit des annonceurs qui détaillent la performance des écrans
publicitaires qui leur sont réservés, et leur positionnement plus ou moins adéquat en regard des contenus
de la grille 12. La fiction grand public est désormais LA catégorie de programme chargée de créer la part de
marché de 25%, et si possible de 30% 13, indispensable à la valorisation maximale des écrans publicitaires.
On pourrait ajouter une troisième catégorie de commanditaires qui fut très importante dans les années
du monopole de service public (des années ‘60 aux années ‘80) et même encore au début des années ‘90 :
les professionnels, réalisateurs, journalistes, animateurs, producteurs, techniciens, mus par de multiples
motivations personnelles ou collectives, mais soucieux d’abord de la qualité de leur travail et de son
accueil par les téléspectateurs, nombreux ou non. Disons, pour faire image, les Mordant et autres
Jespers, le Paige, Wolff, Dartevelle, les Mercier et autres Corbiau, Jabon, Joassin, Bonmariage, Michel,
Lamensch-Libon… Une catégorie qui s’est vue progressivement minorisée, marginalisée, depuis cette
cassure définitive qu’à représenté le départ de Robert Stéphane et l’arrivée de Jean-Louis Stalport à
l’Administration générale.
Si de la satisfaction des politiques dépendent les subsides, de la
satisfaction des annonceurs dépendent aujourd’hui quelques 50 millions
d’euros de recettes, soit plus de 25% des ressources (des rentrées très
volatiles, et certainement transférables vers d’autres médias).
Finalement, la course aux parts de marché a semblé faire un lien tacite
entre les attentes des politiques et celles des annonceurs…
Quant à la satisfaction de la troisième catégorie, les professionnels
internes et externes, responsables de la fabrication des programmes
produits et coproduits, elle ne semble plus réalisée 14 car leur légitimité
même est contestée.
Si le « mépris de la pensée », caractéristique d’une mercantilisation à
outrance des médias grand public 15, n’est heureusement pas admis à la
RTBF (même si certains n’hésitent pas à l’affirmer dans des termes sans
« La fiction grand
public est désormais
la catégorie de
programme chargée
de créer la part de
marché de 25%, et si
possible de 30%,
indispensable à la
valorisation
maximale des écrans
publicitaires »
12
Voir à ce sujet le débat très tendu sur la publicité dans les cinq minutes avant et après les émissions pour la jeunesse.
Selon des déclarations récentes de la direction des programmes TV.
14
Quelque 80 journalistes et techniciens de la RTBF dénoncent dans une pétition le « malaise de plus en plus grand » au sein de la
chaîne publique. Les signataires dénoncent notamment le « fossé » qui s’est creusé selon eux entre « ceux qui produisent » du
contenu et « ceux qui dirigent l’institution. Voir l’article Profond malaise à la RTBF dans Le soir en ligne du 5/10/2009. Voir aussi
les nombreuses réactions du public dans le forum.
15
Voir le rôle des télévisions de R. Murdoch dans les pays anglo-saxons, et notamment celui de la FOX dans le débat politique
américain : http://mediamatters.org/mobile/columns/200910130008.
13
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16
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doute excessifs 16), la dévalorisation de la création audiovisuelle (du documentaire au cinéma, en
passant par les séries télévisées) paraît désormais prête à être cautionnée par certains 17.
La plupart des professionnels, internes comme externes, y ont été certes confrontés à un moment ou à un
autre dans leur pratique ces dernières années mais jamais sans doute depuis la fameuse « Note culture »
de Jean-Louis Stalport, il ne leur avait été donné de lire un tel dédain de leur travail et de leur apport au
service public, que celui qui s’est exprimé, à la stupéfaction des autres intervenants, par la voix
d’Emmanuel Tourpe lors du colloque organisé par le CSA en décembre 2009 18 .
Extraits choisis 19 :
Remplaçant François Tron, M. Tourpe est intervenu dans l’atelier consacré au thème « quotas et politique
de production ». Disons qu’il n’y est pas allé de main morte… Lisons plutôt : traitant de la « question un
peu oubliée de savoir, non pas comment est protégée la production européenne et locale (sic) mais
comment celle-ci protège l’éditeur et lui offre du potentiel », le Directeur de la programmation du service
public commence par noter qu’ « il n’y a pas un avantage décisif à ce qu’un contenu ait un gène local ou
non. De point de vue exclusif de l’antenne, seule compte la capacité d’un programme à capter l’attention
du public et à la conserver »…
« Dira-t-on par exemple, dans un geste un peu hautain, que la
production locale permet plus aisément l’identification du public qui se
reconnaît d’avantage dans des paysages, des milieux, un cadre qu’il
connaît ? Cela est faux : la structure narrative et dramatique de certains
produits américains est précisément développée pour permettre une
identification immédiate de tous les téléspectateurs. Certes, à la
différence du mythe, l’universalité que proposent ces produits n’a
aucune profondeur et repose souvent sur des schémas émotionnels
simplifiés ; mais cela fonctionne, et en particulier sur le public belge qui
consomme intensément les formes standardisées comme les séries
américaines »…
« Tant que la
production locale
n’aura pas comblé
l’abîme qui la sépare
trop souvent des
normes de qualité
US, le désintérêt du
public ira
grandissant. »
Emmanuel Tourpe
16
Voir notamment les critique de www.consoloisir.be (RTBF 2004-2009 : une législature « anti-service public ») ou de
l’association http://www.respire-asbl.be/-RTBF17
Voir ci-après l’analyse du texte d’E. Tourpe
18
« La directive sur les Services de médias audiovisuels : le nouveau cadre juridique de l’audiovisuel européen », CSA LLN,
11/12/2009 http://www.csa.be/colloque2009/show/91
19
Le texte intégral est en ligne : www.bela.be (rubrique Débats, enquêtes, rencontres).
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Origines en % des séries diffusées par la RTBF :
18
Source : Annuaire de l’audiovisuel 2009
« Il faut ensuite bien avouer quelque chose qu’il est difficile d’entendre, mais que l’effondrement de
l’intérêt du public pour la fiction française en général souligne douloureusement : la production
européenne souffre souvent d’un véritable déficit et d’un retard de réalisation sur les productions
américaines. Pardon d’appuyer là où cela fait mal, mais tant que la production locale n’aura pas comblé
l’abîme qui la sépare trop souvent des normes de qualité US, le désintérêt du public ira grandissant. II y a
là véritablement urgence, et je suis pour ma part assez inquiet du peu de conscience que démontre en
particulier le téléfilm français de cette situation qui devient préoccupante. »
Origines en % des téléfilms diffusées par la RTBF :
Source : Annuaire de l’audiovisuel 2009
« Du point de vue de l’antenne, une fois de plus et sans vouloir généraliser, on ne peut que regretter des
défauts essentiels de notre fiction 20 par rapport à la production américaine : sujets trop répétitifs,
scénarios souvent lourds et verbeux, écriture narrative lente, montage conventionnel, classicisme des
lumières et de la photo, mauvaise direction des acteurs, etc. Tant que la production européenne ne
prendra pas à bras le corps ce problème de qualité, elle restera un sous-produit par rapport aux normes
évoluées de la fiction US. »
20
Pour connaitre la production et coproduction de la RTBF voir le bilan du Centre du cinéma et de l’audiovisuel de la
Communauté française sur www.cfwb-av.be/db/aig/streamfile.asp?imageid=767.
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Origines en % des films diffusées par la RTBF :
Source : Annuaire de l’audiovisuel 2009
« La notion de quota
entraîne
régulièrement, et
c’est un problème
grave, qu’un éditeur
doive coproduire ou
acheter des contenus
locaux qui ne
constituent que des
seconds choix dans le
marché audiovisuel.»
Emmanuel Tourpe
« Autant dire que pour l’antenne, il est impératif que les quotas de production locale s’accompagnent d’un
véritable examen de conscience de celle-ci. Elle reste trop souvent d’un niveau moyen, et cette médiocrité
se paye de plus en plus par des audiences déficitaires qui entraînent les services publics dans de graves
difficultés. Il ne suffit pas d’être vertueux dans ce domaine et de se payer de mots, comme si le seul fait
d’être de production locale était un avantage pour la télévision. C’est et ce sera le cas, quand et lorsque
cette production sera au niveau de prestation de la production non-européenne, ce qui est encore trop
rarement le cas. »
Évolution des parts de marché de la RTBF par genre de programmes :
Source : Annuaire de l’audiovisuel
« La notion de quota entraîne régulièrement, et c’est un problème grave, qu’un éditeur doive coproduire
ou acheter des contenus locaux qui ne constituent que des seconds choix dans le marché audiovisuel, mais
vers lesquels elle doit se tourner pour atteindre ses objectifs. Sans vouloir là non plus généraliser, on ne
peut manquer de regretter que certaines productions ne sont acquises que du fait qu’elles sont locales,
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19
RTBF: Pour un nouveau départ
sans qu’aucune conviction ou détermination n’accompagne cette acquisition. Bien des sociétés de
production bénéficient de cette contrainte, et produisent sans grand souci du débouché antennes,
sachant que de toute manière l’éditeur de service public devra, pour atteindre ses quotas, acquérir le
volume fixé de productions. Trop souvent de ce fait, l’éditeur est confronté à de la production locale de
valeur faible, qui n’existe que du seul fait des quotas et des obligations du service public. (…) La faible
valeur télévisuelle de certaines [productions] laisse parfois l’éditeur perplexe dans le rôle de celui qui doit
se battre dans un ring concurrentiel avec les mains attachées dans le dos. »
20
Les meilleures audiences de la RTBF dans le Top100 2009 :
5
JOURNAL TELEVISE
Information/Journal national
La Une
20/12/2009
19:30:00
18
LE BETISIER
Divertissement/Autre
La Une
22/12/2009
20:18:22
22
EDITION SPECIALE
Information/Ev. exceptionnel
La Une
7/06/2009
19:29:59
29
APOCALYPSE, LA 2E GUERRE
MONDIALE (6/6)
Connaissance
général/Documentaires
La Une
3/09/2009
21:15:51
50
HUIS CLOS
Information/Emission politique
La Une
27/05/2009
19:56:04
71
MON MEILLEUR AMI
Fiction/Film
La Une
5/01/2009
20:22:18
75
TOUT CA (NE NOUS RENDRA PAS LE
CONGO)
Connaissance général/Magazines
La Une
5/03/2009
20:19:37
76
LES XII TRAVAUX DE MICHEL
DAERDEN
Divertissement/Autre
La Une
8/12/2009
20:19:44
80
FOOT. C3 UEFA
1/16F:BRAGA/STANDARD
Sport/Retransmissions
La Une
18/02/2009
21:47:10
83
CASINO ROYALE.
Fiction/Film
La Une
4/05/2009
20:20:02
86
THE MENTALIST
Fiction/Séries
La Une
19/11/2009
20:28:52
91
JOSEPHINE, ANGE GARDIEN
Fiction/Séries
La Une
25/10/2009
20:50:42
92
QUESTIONS A LA UNE
Information/Magazine d'actualité
La Une
18/02/2009
20:21:41
93
94
DEVOIR D'ENQUETE
Connaissance général/Magazines
La Une
23/09/2009
20:23:00
JULIE LESCAUT
JOURNAL TELEVISE DE LA MIJOURNEE
Fiction/Séries
La Une
12/02/2009
20:20:01
Information/Journal national
La Une
20/12/2009
13:00:28
Connaissance général/Magazines
La Une
20/12/2009
20:16:03
95
96
LE JARDIN EXTRAORDINAIRE
Source : CIM 21
Discours à géométrie variable
Cette lourde charge contre la création « locale » n’empêche absolument pas le même conférencier de la
mettre néanmoins en valeur dans d’autres circonstances : « par contre, la télévision peut y trouver un réel
21
http://www.cim.be/tele/fr/d/da.html
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RTBF: Pour un nouveau départ
intérêt si, quittant le terrain de l’identification basique du téléspectateur à ce qu’il regarde, la production
locale met en œuvre les registres de reconnaissance qui permettent au téléspectateur individuel de devenir
membre d’un public, d’une communauté de mémoire. La télévision a dans ce cadre tout à gagner. » Et de
donner en exemple la série belge Melting Pot Café.
On notera aussi que M. Tourpe varie son discours selon son auditoire, ou selon son objectif.
Face au grand public, dans l’émission Intermédias 22 du 27 novembre 2009, son appréciation des séries
américaines était fort différente : « il y a comme une compulsion dans le paysage audiovisuel avec ces
séries américaines extrêmement répétitives, qui peuvent appauvrir l’offre télévisuelle… ». Et répondant à
la question d’un spectateur, « bien sur, moi aussi je voudrais un rendez-vous Séries hebdomadaires mais il
faut disposer de plusieurs majors, de plusieurs catalogues pour y arriver. Or nous n’en avons qu’un seul,
celui de la Warner, les télévisions privées ont les 4 autres ». Et puis « Nous avons diffusé des séries de
grande qualité, Mad Men, Weeds… Mais elles ne rencontrent pas l’intérêt du grand public, ne font pas
d’audience… ».
Par contre M. Tourpe se dit « très content des scores de Plus belle la vie… Nous pouvons être extrêmement
fier de ce que nous diffusonss».
Soucieux à sa façon des missions de service public, il indique que « nous mettons par exemple Millefeuille
à 23h30 pour la préserver de la concurrence des séries et films américains de RTL ou de TF1 ».
Qu’en déduire ?
L’attaque portée par M. Tourpe contre la production européenne et
belge n’est pas qu’émotionnelle ou privée. Et cette apparente confusion
des discours (dire une chose et son contraire) s’explique par d’autres
facteurs, peut-être plus cyniques. Le problème du local, ce n’est pas qu’il
serait ontologiquement médiocre en tant que production limitée, nonuniverselle, fermée sur elle-même, c’est surtout que le local est
intrinsèquement lié aux quotas, à l’obligation de diffuser, en certaine
quantité, ce type de productions.
Or, l’analyse des données disponibles révèle que l’évolution des
diffusions de fiction entre ou va entrer en contradiction avec son contrat
de gestion 23 et le cadre décrétal 24 qui le fonde.
« La faible valeur
télévisuelle de
certaines productions
laisse parfois
l’éditeur perplexe
dans le rôle de celui
qui doit se battre
dans un ring
concurrentiel avec les
mains attachées dans
le dos.»
Emmanuel Tourpe
La RTBF peine de plus en plus à concilier ses quotas et sa politique
commerciale. En effet, en vertu de son contrat de gestion la RTBF doit diffuser 55% d’œuvres
européennes, 35% d’œuvres francophones et 10% d’œuvres de production indépendante récentes (- de 5
ans). Elle voudrait donc s’en délivrer et M. Tourpe se charge de ce travail.
22
http://www.intermedias.be/page/ecouter-les-emissions
23
Article 15 du Contrat de gestion - http://www.fadilalaanan.net/downloads/pdf/ContratdeGestionRTBF2007_2011.pdf.
http://www.csa.be/documents/show/502 .
24
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21
RTBF: Pour un nouveau départ
22
Source : Annuaire de l’audiovisuel de la Communauté française
Cette contradiction avait d’ailleurs été immédiatement identifiée par les experts du CSA dans le débat qui
avait suivi l’intervention de M. Tourpe lors du colloque.
Mais au-delà, ce qui ne manque pas de frapper dans la prise de position de M. Tourpe, c’est la violence,
tout à fait incompréhensible de son propos, sauf à se demander si ce dernier ne cherche pas déjà un bouc
émissaire lui permettant de justifier un échec plus dangereux qui s’annonce.
La lecture de l’article La RTBF est en train de gagner 25 ouvre une piste de réflexion à ce sujet :
Que retenez-vous des audiences de La Une depuis le début de l'année, période marquée par la mise à
l'antenne de plusieurs nouveautés (JT, « C'est la vie », « 18h30 », « 60 secondes », « Actuel »...) ?
E.T. : « Je le dis de la manière la plus sincère : nos deux chaînes sont en train de reprendre du poil de la
bête. C'est très clair depuis l'automne dernier. Nous sommes parvenus à inverser une tendance négative à
l'œuvre depuis 1999. Depuis six mois, ce redressement est constant et s'est même accéléré dans les
derniers mois. Pour la deux, soyons honnêtes, le redressement s'opère grâce au sport.
Se redresser, cela signifie gagner des parts de marché ?
E.T. : Tout à fait. Sur pratiquement tous les créneaux horaires de la journée, le directeur de La Une [Eric
Poivre - NdlR] a réussi à reconsolider de façon spectaculaire sa chaîne. (…) La grille de contrôle des parts
de marché [NdlR : un objectif de part de marché a été assigné à chaque émission de la grille] est un outil
très volontariste mis en place depuis le mois de septembre. Mais les objectifs retenus sont des ambitions à
atteindre à l'horizon de 2007 !
Donc, nous sommes très heureux de constater qu'un paquet d'émissions satisfait, après seulement deux
mois, 75% des objectifs. C'est ce qui me fait dire, sans aucun esprit de marketing, que la RTBF est en train
de gagner, même s'il reste des faiblesses. Mais je le répète, nous sommes engagés dans une course de
fond. Rien de grand ne s'est fait sans patience, surtout quand on vise des programmes de qualité.
La réalité est que fin 2008, La Une reste bloquée sous la barre des 15% et que La Deux se retrouve à 5%,
en légère progression. Bref, loin des 30% de parts de marché promises à la Direction générale.
25
Interview d’E. Tourpe par Pierre-François Lovens, la Libre Belgique, 19/04/2004.
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RTBF: Pour un nouveau départ
23
Parts de marché annuelle RTBF - Source : CSA 2009
Fin 2009, les choses n’étaient guère différentes.
La faute à qui… À ces mauvais programmes européens que le Directeur de la programmation est bien
obligé de programmer !
Espérons que le travail de M. François Tron soit le signe d’un redressement professionnel et intellectuel.
Sa communication, ses engagements tranchent déjà avec le passé récent. Mais n’est-il pas trop isolé ?
L’ancien Président du CA de la RTBF s’inquiétait déjà fin 2004 d’une certaine dérive.
Édouard Descampe se montre plus critique à l'égard de la télévision : On a mis en place une équipe de
jeunes iconoclastes (sic) qui a voulu faire table rase du passé. C'est une erreur. Ils ont travaillé de façon
trop brutale. On a pu le constater avec le magazine « Actuel » où la direction de la télé a cassé des
marques connues comme « Au nom de la loi ». Résultat: la RTBF a perdu pied sur différents créneaux
horaires face à la concurrence 26.
26
Il faut remettre Magellan à plat, Pierre-François Lovens, la Libre Belgique, 22/10/2004.
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RTBF: Pour un nouveau départ
Un cadre de relation inutilement abimé
Il est certain que tous ces champs d’opérations contradictoires ne facilitent pas le cadre des relations
sectorielles. Les négociations relatives aux coproductions entre les associations professionnelles et la
RTBF, menées sous l’égide du Centre du Cinéma et de l’audiovisuel la Communauté française, en ont été
le symptôme.
Ainsi, la confection d’un nouveau contrat-type a non seulement montré toute l’ambigüité d’une RTBF
jouant à la fois sur le tableau du service public et, dans le même mouvement, sur le tableau d’intérêts
strictement pécuniaires, comme n’importe quelle chaine privée. De plus, comment défendre l’idée que
les demandes de la RTBF puissent être légitimes (obtenir davantage de responsabilités et de droits de
diffusion – notamment 7 jours de « Catch up TV » – et de commercialisation – notamment la VOD illimitée
après la diffusion sur antenne) alors que le directeur de la programmation estime que les œuvres
produites en Communauté française sont « de valeur faible », fabriquées « pour se faire plaisir »,
uniquement pour remplir les quotas, et tout cela avec des auteurs et producteurs « locaux », « si peu
soucieux de la qualité et surtout de la réalité de l’antenne… » ?
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24
RTBF: Pour un nouveau départ
Disette budgétaire et conquête publicitaire
Comme si tout cela ne suffisait pas, la disette budgétaire de la Communauté française a contraint la
nouvelle majorité PS-Ecolo-CDH à négocier une révision 27 de l’évolution de la dotation contre une série de
mesures, souhaitées de longue date par la RTBF (ou par sa régie), mais qui avaient été refusées – après
d’homériques disputes – lors de l’adoption du dernier contrat de gestion.
Les mesures les plus symboliques sont l’introduction de coupures publicitaires dans les films de cinéma
(finalement tous les films ne seront pas concernés), la révision de la politique de coupure dans les
documentaires et les émissions d’information (les grandes enquêtes notamment) et l’ouverture de la
publicité pour les médicaments de comptoir 28.
Mais d’autres mesures ont été adoptées dans la plus grande discrétion :
- 3 captations de spectacle au lieu de 4,
- 3 captations de théâtre au lieu de 4,
- 120 concerts au lieu de 150 à capter.
Qui s’étonnera, après une telle série de décisions et de prises de position, que le dossier de la RTBF
revienne fréquemment sur le bureau de la Ministre Fadila Laanan ? Avec de nombreuses questions
toujours sans réponses :
-
Comment accepter le développement des coupures publicitaires des
œuvres diffusées par un service public ?
-
Commet accepter le gel unilatéral et sans concertation des paliers
d’investissements dans la coproduction, si difficilement négociés
dans le cadre du contrat de gestion ?
-
Comment accepter des modifications au contrat de gestion
unilatérales et sans concertation aussi symboliques que la
suppression de 25% des maigres engagements de captation ?
-
Comment accepter une telle remise en cause des quotas par un
directeur, sans réaction de la part du CA, des Commissaires du
gouvernement et de la Direction générale de la RTBF ?
« Commet accepter le
gel unilatéral et sans
concertation des
paliers
d’investissements
dans la coproduction,
si difficilement
négociés dans le
cadre du contrat de
gestion ? »
27
La décision de révision : http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/35004_000.pdf.
Mesure considérée comme un réel succès par l’Union belge des annonceurs et les firmes pharmaceutiques qui militaient pour
faire sauter cette interdiction motivée par des considérations de santé publique. Cf.
http://www.ubabelgium.be/uba/view/fr/actualites/levee_de_l_interdiction_de_la_publicite_pour_les_medicaments_otc_a_la_rt
bf voir aussi Bachi, regroupement de l’industrie : http://www.bachi.be/all/fr/index.cfm.
28
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RTBF: Pour un nouveau départ
En conclusion
Le moment est venu de reconstruire un dialogue entre les responsables de la Communauté française,
ceux de la RTBF et les associations professionnelles.
L’analyse des données de recettes, de dépenses, de structure des programmes, de parts de marché,
montre que le service public doit multiplier non seulement ses heures diffusions mais aussi ses modes de
diffusion, avec des moyens limités. Et des marges d’investissement plus qu’étroites.
M. Philippot a raison de faire du passage au numérique le grand enjeu de son second mandat, mais quel
sens aurait cette transformation complexe sans l’implication des auteurs, des scénaristes, des
réalisateurs, des producteurs, des journalistes, des artistes et des techniciens de la création audiovisuelle
internes et externes à la RTBF ? Il s’agit bien de retisser un lien structurel et pérenne entre la direction et
les créateurs. À l’intérieur même de la RTBF, de nombreuses personnalités recèlent d’énormes
potentialités dont il n’est plus assez tiré parti. Où sont les personnalités véritablement culturelles, celles
dont c’est la fonction principale, au CA ? Les créateurs doivent y avoir leur place.
De plus, en laissant l’un de ses directeurs créer un fossé dangereux qui isole la RTBF, M. Philippot la
marginalise dans un rôle qui n’est pas fait pour elle, celle de « Poulidor » des chaines commerciales (10
points d’écart), bataillant pour des catalogues américains ou sportifs de plus en plus onéreux, et pas
nécessairement rentables.
Cette course poursuite, par mimétisme des chaines privées, est aussi
irrévocablement vouée à l’échec pour une autre raison : de par son
histoire (celle de ses créations, de ses productions), la RTBF a initié un
certain nombre de conduites de téléspectateurs. Des conduites
d’interrogations, de découvertes, d’impertinences (une partie du monde
politique s’en est suffisamment ému dans le passé). Ce type de
conduites suppose ce que les sociologues contemporains appellent des
méta-scénarisations : une stratégie d’engagements créatifs,
événementiels concrets (et pas seulement un discours formel comme le
révèle la Charte de l’identité et des valeurs de la RTBF, qui parie
magnifiquement sur « l’intelligence », « l’enrichissement » des publics,
sur « l’excellence » et « l’audace » des programmes).
« La Charte de
l’identité et des
valeurs de la RTBF
parie
magnifiquement sur
« l’intelligence »,
« l’enrichissement »
des publics, sur
« l’excellence » et
« l’audace » des
programmes. »
Ces méta-scénarisations tangibles, qui ouvrent à des conduites d’émancipation des téléspectateurs par le
biais de l’information, du documentaire, de la fiction, du divertissement, entrent évidemment en
contradiction frontale avec une ligne éditoriale principalement axée sur une stratégie commerciale où
c’est l’annonceur qui fait, en dernière instance, la loi ; où ce qui compte, c’est de séduire un maximum de
consommateurs en leur proposant des programmes formatés (des séries américaines, des
divertissements basiques, du sport).
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RTBF: Pour un nouveau départ
Avec une telle stratégie, le secret espoir est toujours de réussir sur les deux tableaux : les consommateurs
en début de soirée, les téléspectateurs « cultivés » en fin de soirée (ou de nuit). Sauf que cette stratégie
contradictoire, de double conduite, a complètement « troublé » l’identité de la chaine de « service
public » décevant ses téléspectateurs fidèles, sans compenser ce désintérêt par l’arrivée massive de
consommateurs (qu’ils soient jeunes ou vieux n’est pas l’enjeu principal) qui continuent à préférer de loin
l’original (les chaînes privées) à la copie.
Face à cette situation, la voie qui semble pour l’instant choisie est celle de renforcer encore plus la
stratégie commerciale en début de soirée (augmentation de la publicité et du nombre de coupures à
chaque fois que c’est possible), et en développant aux heures de grandes écoutes des émissions de plus
en plus mainstream cherchant à séduire tous les publics (style « Y a pas pire Conducteur » ou …
« Animal »). Cette voie d’un si large éventail d’émissions, passant de créations hyper bas de gamme à des
fins de soirée hyper culturelles sur la même chaine est pourtant en train de clairement échouer. Les
résultats le montrent dans tous nos tableaux : pas de redressement fondamental de parts de marché, pas
de nouveaux publics, pas de nouveaux budgets pour la RTBF.
L’heure est venue de réinvestir globalement dans les professions de l’audiovisuel (des journalistes aux
artistes, des réalisateurs aux webdesigners, des auteurs aux producteurs), de leur demander d’innover
audacieusement pour les différents publics de notre Communauté culturelle.
Et pour le développement technique et économique de nos régions, pourquoi pas autour d’un Pôle
audiovisuel numérique résolument créatif et entièrement original ?
Voilà pourquoi nous continuons à appeler de nos vœux la mise en place d’un véritable partenariat encore
bien trop rare entre la RTBF et les professionnels. À chaque fois qu’il a eu lieu (par exemple, à l’occasion
de la mise en place de la série documentaire « To be or not to.be »), ce fut bénéfique pour la RTBF,
principal commanditaire, comme pour les auteurs et les producteurs.
Indépendamment du problème vital de la diffusion et de la promotion des œuvres, un vrai partenariat, en
amont, a deux vertus :
La première est d’envisager positivement, au contraire de ce que fait M. Tourpe, la notion de quotas. En
retrouvant le goût, l’envie de produire et de coproduire. Valoriser les obligations, c’est sortir à la fois d’un
objectif stérile (chercher à baisser les quotas en les dénigrant) et c’est permettre d’unir les forces
créatrices internes et externes à la RTBF. C’est revenir à une idée simple et fondamentale : créer suppose
toujours de croire d’abord en nos propres forces inventives. Sans désir, tout projet, qu’il soit de fiction, de
documentaire, de divertissement, s’écroule très vite.
La seconde vertu du partenariat, c’est qu’il peut satisfaire et la chaîne et
la création indépendante. Grâce aux rencontres de brainstorming, aux
espaces pérennes de discussion ou d’atelier, la chaîne et la création sont
« en phase », au lieu de se regarder comme c’est encore trop souvent le
cas en chiens de faïence.
Enfin, encore confidentielle pour l’instant, la troisième chaîne de la RTBF
offre de nouvelles et réelles opportunités pour retrouver et développer
l’esprit d’un opérateur du service public moderne et inventif. À
« Voilà pourquoi
nous continuons à
appeler de nos vœux
la mise en place d’un
véritable partenariat
encore bien trop rare
entre la RTBF et les
professionnels. »
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RTBF: Pour un nouveau départ
condition que cette chaine dispose des moyens nécessaires pour réellement exister et qu’elle ne serve
pas seulement de canal de rediffusions multiples ou de chaine ghetto-alibi.
Le moment est venu d’inviter la RTBF et la Communauté française à une large concertation avec les
professionnels pour préparer notre futur commun, ainsi que le prochain contrat de gestion qui devra
réparer les dégâts de la crise financière.
Quel meilleur espace que le Comité de concertation du Centre du cinéma et de l’audiovisuel pour
rassembler toutes les forces nécessaires à cette réflexion ?
« L’heure est venue
de réinvestir
globalement dans les
professions de
l’audiovisuel (des
journalistes aux
artistes, des
réalisateurs aux
webdesigners, des
auteurs aux
producteurs), de leur
demander d’innover
audacieusement pour
les différents publics
de notre
Communauté
culturelle. »
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