commémoration de la rafle du palace

Transcription

commémoration de la rafle du palace
COMMÉMORATION DE LA RAFLE DU PALACE
Rue Bodin
10 mai 2012 - 18h
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député,
Madame la Conseillère générale
représentant le Président du Conseil Général,
Madame la présidente du TGI,
Monsieur le Procureur de la République,
Monsieur le Colonel délégué militaire départemental,
Messieurs les représentants des forces armées,
Mesdames, Messieurs les élus, mes chers collègues,
Mesdames, Messieurs les représentants d'associations d'anciens combattants,
Monsieur le président du comité départemental de l'association nationale des anciens combattants de la résistance,
Mesdames, Messieurs les représentants du Comité de liaison de la Résistance et de la Déportation,
Mesdames, Messieurs,
Hôtel de Ville - BP 9063 – 24019 Périgueux cedex
Tél. 05 53 02 82 00 – Fax. 05 53 07 09 52 – [email protected]
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Le philosophe Alain écrivait, dans son Propos sur l'éducation, « Le souvenir commence avec la cicatrice »
C'est à l'endroit de cette cicatrice que nous revenons chaque année, ici devant Le Palace, pour nous
souvenir du 10 mai 1944, cette sombre journée où 211 de nos concitoyens ont été arrêtés par la Milice et les forces
dévouées au gouvernement de Vichy, puis regroupés dans l’enceinte de ce qui était alors une salle de cinéma. Ils furent
arrêtés pour l'unique raison de leurs opinions politiques, religieuses, ou de leur appartenance à des réseaux de
résistance. Certains furent transférés au camp d’internement de Saint-Paul-d’Eyjeaux, en Haute-Vienne, d’autres
déportés en Allemagne ou expédiés sur les chantiers de travail forcé du Mur de l’Atlantique.
Cette date, par l'importance et la brutalité de cette rafle, demeure une blessure dans la mémoire
collective périgourdine, et même avec le passage du temps, même la disparition des combattants de l'ombre qui se
battirent pour notre liberté, et peut-être à cause de toute cela, nous tenons à rendre hommage très régulièrement à celles
et ceux que l'arbitraire arracha à leur vie.
Nous sommes attachés - particulièrement au sein de cette municipalité - au travail de mémoire. C'est un
impératif moral autant qu'historique.
Je tiens tout d'abord à adresser mes remerciements aux associations d’anciens résistants et de déportés,
à toutes ces "mémoires" et plus largement à toutes celles et tous ceux qui œuvrent à la transmission d’un héritage
toujours infiniment douloureux.
Les collectivités, comme l'Etat, prennent toute leur part dans la transmission, par la commémoration, par
l'inscription dans l'espace public, par l'explication, du souvenir des heures sombres de notre histoire.
Cette mémoire, celle de la Rafle du Palace, nous rappelle celle du gymnase Secrestat qui l'a précédée ici
à Périgueux en février 1943 et que je souhaite associer dans le souvenir de la commémoration qui nous réunit
aujourd'hui.
Dans les instructions qui furent données à cette occasion par le gouvernement scélérat et liberticide de
Vichy et qui concernent « le contingent de Juifs étrangers prévu dans le ramassage du 24 février 1943 », il est précisé
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qu'il « faudra rafler d'abord les célibataires, puis, si nécessaire, les chefs de ménage sans enfant puis les pères de famille
», en quelque sorte tous les « indésirables ».
Cent-dix Juifs étrangers furent ainsi arrêtés en Dordogne et internés au gymnase Secrestat avant d'être envoyés
au camp de Nexon puis à celui de Gurs, puis à Drancy. Ils seront déportés à Maïdanek et Sobibor par les convois n° 50 et
51 des 4 et 6 mars 1943.
J'ai à plusieurs reprises et en diverses occasions rappelé ce mot issu du Talmud et qui figure sur la médaille
remise aux Justes parmi les nations: « Quiconque sauve une vie sauve l'humanité ». Je crois qu'ici à Périgueux cette
phrase prend particulièrement son sens et illustre bien aussi la dette que nous avons envers l'Humanité.
Le travail de mémoire doit inlassablement constituer un rempart contre le silence et l'oubli.
La mémoire est parfois traître. Elle peut être "anesthésiante" et son manteau de silence peut estomper, au risque
de les effacer si l'on n'y prend garde, les souvenirs de ceux qui, dans leur chair et dans leur âme, ont éprouvé directement
l'horreur. Ceux qui ont l'insigne chance - comme la majorité d'entre nous ici - de n’avoir connu que la liberté doivent en
mesurer le prix.
Alors souvenons-nous, aujourd'hui, en 2012, de cette année charnière – l’année 1942 - et dont nous
commémorons les 70 ans.
Une année terrible, puisque c'est en 1942 que s'est enclenchée « la solution finale » et ses camps de la mort. 1942, c'est
aussi la Rafle du Vel d'Hiv, touchant plus de 12.000 Juifs. Mais c'est aussi, presque paradoxalement, une année pleine
d'espoir avec la structuration des maquis, le débarquement des alliés en Afrique du Nord et les premiers coups portés à la
toute puissance nazie, comme la bataille de Bir Hakeim, entre mai et juin 1942.
La France et la République ont une dette, et un devoir : celui de procurer à nos enfants les clés pour comprendre
le passé et faire d'eux des citoyens éclairés, construisant leur jugement, contre les préjugés, contre les déclarations
condamnables des uns et des autres, contre la folie sans limites des hommes, malheureusement toujours présentes dans
notre monde d'aujourd'hui.
Il est en effet essentiel que notre jeunesse déchiffre « ce monde d'hier » pour mieux vivre aujourd’hui, qu’elle
développe aussi son goût de l’Histoire qui doit être enseignée dans toutes les classes, qu'elle construise son libre arbitre,
pour qu'elle soit en capacité, comme le furent ses aînés, de combattre l'inacceptable et l'arbitraire.
C'est pourquoi je suis très touché et très fier aussi de voir les membres du Conseil local de la Jeunesse, que mon
équipe a créé en 2009, travailler, d'eux mêmes, sur les questions de mémoire. Ils étaient avec nous lors d'un déplacement
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à Strasbourg, notamment sur la tombe de Charles Mangold, ce grand résistant, et nous les accompagneront d'ailleurs lors
d'un déplacement que nous organiserons prochainement à Oradour sur Glane, haut lieu de mémoire s'il en est.
Soixante dix ans après le début des gazages massifs dans le camp de Sobibor et la volonté d'exterminer
systématiquement toute population juive, la recherche des historiens doit continuer pour que l'on puisse comprendre
comment l'impensable, l'indicible, peut se produire.
Il ne faut en effet pas cesser d’essayer de comprendre cette effroyable « banalité du mal » qui fut au centre de
l'oeuvre de la philosophe allemande Annah Arendt, selon laquelle l’inhumain est tapi en chacun de nous.
Chacune et chacun peut être - si l'éducation est défaillante - tenté par la séduction d'idées simples, exprimées avec force,
qui constituent autant de "repères" pour ceux qui n'en ont pas ou qui n'en ont plus. C'est cette tentation là, qui resurgit
régulièrement dans notre histoire, ce sentiment, complaisamment entretenu, de "menaces" qui pèseraient sur la
communauté nationale, qu'il faut combattre.
Soixante dix ans après le tournant de la Seconde Guerre mondiale, au prix des souffrances de millions de
victimes, au prix des luttes de la Résistance, nous avons la chance d'avoir une Europe en paix. Mais les tentations dont je
parlais à l'instant sont toujours là et la paix doit faire l’objet de toutes les attentions.
C'est ainsi qu'il faut attacher du prix aux relations, nombreuses dans notre ville, entre les établissements scolaires
de différents pays européens. C'est dans l'échange que la fraternité et donc la paix se construisent, par des discours de
vérité sur le passé de notre pays, par l’entretien de la mémoire collective et par l’éveil des consciences, jeunes et moins
jeunes.
Victor Hugo écrivait : « Le souvenir, c'est la présence invisible. » Cette présence, nous la ressentons aujourd'hui
et nous voulons en garder à jamais le souvenir.
Je vous remercie pour votre attention.
Michel Moyrand
Maire de Périgueux
Vice-président du Conseil régional d’Aquitaine
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