A propos d`un enseignement de la culture religieuse

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A propos d`un enseignement de la culture religieuse
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A propos de la culture religieuse, quelques réflexions pour un essai de clarification
Par Bernard Descouleurs, conseiller scientifique à l’institut de Formation pour l’Etude et l’Enseignement des
Religions, Centre Universitaire Catholique de Bourgogne (1).
La préparation des Assises suscite un dynamisme remarquable à tous les niveaux de l'enseignement catholique. Des
confrontations d'expériences fort riches se manifestent dans les régions, mais aussi des réflexions et des analyses
qui peuvent aider à progresser dans l'organisation ou la mise en oeuvre des différents chantiers qui sont ouverts.
L'analyse et la réflexion ici proposées veulent être une contribution de clarification dans le chantier très complexe
de la « culture religieuse ». Elle est le fruit de différents travaux et expériences réalisés depuis plusieurs années
dans des équipes de recherche-action reliées aux établissements ou dans des actions de formation initiées par
l'Université Catholique de Lyon ou par le Centre Universitaire Catholique de Bourgogne*.
1) La culture religieuse : une réalité complexe
La pratique des établissements de l'Enseignement Catholique révèle des conceptions différentes de la « Culture
religieuse ». Ces différences peuvent être repérées à différents niveaux :
- Quant aux objectifs et au contenu :
Pour certains, il s'agit du prolongement d'un enseignement de type catéchétique mettant en relation « culture et
foi ». Pour d'autres, il s'agit de fournir une information sur les religions. Pour d'autres encore, ceci correspond à la
mise en place de groupes de réflexion éthique. Pour d'autres enfin, il s'agit, à l'intérieur des disciplines, de
développer la dimension religieuse de la culture ...
- Quant aux prescripteurs ou initiateurs :
Qui a la responsabilité de la culture religieuse ? De quelle instance institutionnelle relève-t-elle ?
Il n'est pas indifférent de le préciser, car les initiatives de « culture religieuse » n'ont pas la même signification pour les élèves aussi bien que pour les enseignants - selon qu'elles sont prises par un enseignant à l'intérieur de sa
discipline, en relation avec le programme, ou par l'animateur en pastorale en relation avec les activités de catéchèse
ou d'aumônerie.
- Quant aux conditions de réalisation :
S'il s'agit d'une initiative de la « Pastorale », les activités de culture religieuse ont lieu habituellement dans un temps
situé « hors emploi du temps des classes » et les intervenants sont le plus souvent « bénévoles » : animateurs catéchistes, parents ou certains enseignants.
S'il s'agit d'une initiative de la Direction des études ou d'un enseignant dans sa discipline, les activités de culture
religieuse ont lieu dans « l'emploi du temps des classes » et les intervenants sont les enseignants dans leur temps de
service (et selon le « tableau de service »). Ces activités peuvent être strictement disciplinaires ou
interdisciplinaires.
2) Nécessité d'une clarification
Un travail de clarification semble nécessaire. Pour la sérénité des esprits tout d'abord, ceux des élèves comme ceux
des enseignants, car les interprétations peuvent aller se multipliant lorsque le « religieux » est en cause. Mais aussi
pour favoriser une mobilisation professionnelle lucide, grâce à la précision des objectifs, à la définition des
compétences et au repérage des responsabilités institutionnelles.
Ce travail de clarification suppose, de mon point de vue, quelques distinctions fondamentales :
- Quant aux objectifs et aux contenus :
Vu du côté de la Pastorale, l'objectif est nécessairement confessionnel dans la mesure où ce qui est visé c'est bien la
« confession » de la foi, la mise en oeuvre de la vie chrétienne par l'exercice de la foi, de l'espérance et de la
charité. Le travail de « culture religieuse » consiste ici à développer la dimension culturelle de la foi. Il s'agit
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d'ouvrir ou d'aiguiser le regard du croyant chrétien sur le monde. Ainsi dans une visite de cathédrale ou dans la
lecture d'un tableau de Rembrandt cherchera-t-on à découvrir des expressions de la foi susceptibles de nourrir ou
d'interpeller notre recherche de foi aujourd'hui. Dans la rencontre des autres religions, il s'agira d'éduquer le regard
chrétien sur les autres cultures et les autre croyances : comment un croyant chrétien peut-il se situer dans le
dialogue avec les autres religions.
Vu du côté de l'enseignement des disciplines, l'objectif est culturel. Il s'agit d'ouvrir les élèves sur les productions
humaines qui expriment les différents regards que l'homme porte sur le monde et les différentes manières dont il
engage son existence, à travers les événements de l'histoire, les œuvres littéraires ou philosophiques, les langues et
civilisations. L'objectif est l'intelligibilité de ces productions.
Le travail de « culture religieuse » dans l'enseignement des disciplines consiste à prendre en compte le « fait
religieux » inscrit dans ces productions humaines. Cette approche du fait religieux est nécessairement non
confessionnelle, le « religieux » est ici saisi comme une dimension de l'être humain et comme l'une des réponses
qu’il donne aux grandes questions de son existence. Il convient de souligner ici que si cette approche est nonconfessionnelle, elle est résolument anthropologique. Le contenu est aussi plus étendu il déborde le seul
christianisme et embrasse le fait religieux dans ses différentes composantes.
L'objectif est donc la prise en compte de la dimension religieuse de la culture et l'intelligibilité du religieux. Il s'agit
de faire découvrir le sens, non de susciter une adhésion.
Comme on le voit, nous sommes en présence de deux conceptions différentes de la « culture religieuse » dont il
convient de prendre conscience non pour les opposer, mais pour les distinguer clairement dans l'intérêt des élèves
et de l'institution. La confusion dans ce domaine pouvant être pernicieuse.
- Quant aux responsabilités institutionnelles.
Le chef d'établissement, c'est bien connu, porte une double responsabilité :
- L'une relève des autorités académiques, « il assume la responsabilité de l'établissement, de la vie scolaire », il doit
veiller en conséquence à ce que « l'enseignement soit dispensé selon les règles et programmes de l'enseignement
public, »
- L'autre relève de l'autorité diocésaine. II s'agit de « La responsabilité pastorale » confiée par une « lettre de
mission » signée de l'évêque. Il en répond devant la Tutelle.
En ce qui concerne la « culture religieuse », le chef d'établissement en assume la responsabilité selon les deux
missions (pédagogique et pastorale) qui lui sont confiées et selon les objectifs qui leur incombent, tels que
précédemment définis. La clarification des objectifs relève de sa responsabilité en tout premier lieu.
- l'animateur en pastorale scolaire (APS) nommé par l'autorité diocésaine avec lettre de mission, est le collaborateur
du chef d'établissement pour l'aider à honorer le « caractère propre » de l’établissement. Sa mission se situe dans le
cadre de la responsabilité ecclésiale du chef d'établissement. Il anime auprès de lui l'équipe d'animation pastorale. Il
suscite et anime la communauté chrétienne de l'établissement.
Les initiatives de « culture religieuse » qu'il peut prendre s'inscrivent normalement dans le cadre de cette mission et
concernent le développement de la vie chrétienne des élèves.
Les enseignants
« L'enseignant sous contrat d'association conclut avec l'autorité administrative, un contrat administratif individuel
qui le Iie à l'Etat ». Il est par conséquent tenu de dispenser son enseignement « selon les règles et programmes de
l'enseignement public » concernant sa discipline.
En ce qui concerne la « culture religieuse », il s'agit pour lui, de faire apparaître et de rendre intelligible la
dimension religieuse (parfois sous-jacente) des savoirs relevant de sa discipline conformément au programme.
II est à noter que ce travail pédagogique n'est pas propre à l'enseignement catholique, il se développe au sein de
l'enseignement public depuis plusieurs années et les nouveaux programmes officiels - notamment en Histoire donnent davantage de place au « fait religieux » et aux oeuvres du patrimoine religieux.
Ce travail de « culture religieuse » à l'intérieur des disciplines relève de la compétence et de la responsabilité de
tous les enseignants et non des seuls volontaires.
Quant aux activités spécifiques de « culture religieuse »
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La « culture religieuse » est donc une réalité complexe et polysémique : cette expression peut renvoyer à des
objectifs différents, à des contenus différents, à des démarches différentes et, par conséquent, à une didactique et à
une épistémologie différentes.
La spécificité des activités de « culture religieuse » se trouve de fait déterminée par l'autorité institutionnelle qui les
initie et par les objectifs et finalités qui leur sont propres.
- Ainsi les cours de culture religieuse initiés par la Pastorale ont-ils une finalité confessionnelle chrétienne. Les
intervenants travaillent à l'initiative et sous la responsabilité de l'animateur en pastorale. Les enseignants qui y
participent apportant leur compétence au titre de leur engagement personnel.
Il en va de même pour les groupes de réflexion éthique, s'ils sont initiés par la Pastorale.
La démarche de ces cours est « confessante », en ce sens qu'elle va « de la foi à la foi » : la foi de la communauté
croyante, de l'Eglise, - qui reconnaît l'antécédence de Dieu qui appelle et se révèle - précède et conduit ce travail
d'intelligence de la foi.
- Quant aux interventions de « culture religieuse » dispensées dans l'enseignement disciplinaire, elles ont une
finalité culturelle, puisqu'elles s'inscrivent dans le programme d'enseignement. Ici un changement d'appellation
serait bienvenu et favoriserait le travail de clarification. Plutôt que de « culture religieuse », il serait sans doute plus
pertinent de parler d' « approche culturelle du fait religieux ». Mais le langage ne peut changer que si la réalité qu'il
désigne évolue aussi. ..
La démarche est ici de type scientifique. Les religions y sont abordées comme des faits de culture avec les outils
d'analyse des disciplines scientifiques, et les exigences de la rationalité critique.
Des séquences interdisciplinaires de « culture religieuse » peuvent être organisées à l'initiative du chef
d'établissement, du Directeur des études ou de plusieurs enseignants. Il s'agit alors d'aborder l'étude d'un
événement, d'un thème anthropologique ou d'une oeuvre pour en dégager la signification religieuse en utilisant les
approches complémentaires de différentes disciplines. Chaque enseignant participe à ce travail au titre de la
responsabilité de sa discipline et, normalement, dans son temps de service.
L'animateur en pastorale peut s'associer à un travail de ce type. Sa présence peut se justifier au nom de sa
compétence « en religion » et il apporte sa contribution à ce titre, en tant « qu'enseignant en religion », et non au
titre de sa mission.
L'objectif, ici aussi, est culturel.
Ces distinctions me semblent nécessaires pour que le fonctionnement institutionnel perde de son opacité. Savoir qui
fait quoi, dans quel but, au nom de quelle responsabilité et avec quelle délégation, sont des informations
indispensables pour toute institution respectueuse des droits de la personne humaine.
3) Les enjeux d'une approche culturelle du fait religieux
L'une des spécificités du « caractère propre » est le respect des consciences. Comme le précise le Statut de
l'Enseignement Catholique, l'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement
dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants, sans distinction, d'opinions ou de croyance y ont
accès. (1)
Respecter l'autonomie des disciplines
Ce pluralisme du recrutement de nos établissements renforce la nécessité d'effectuer les distinctions que nous
venons de signaler, en évitant par conséquent la confusion du « tout pastoral ».
Dans la ligne du Concile Vatican Il, il convient de respecter les domaines de compétence, notamment « la juste
autonomie des réalités terrestres » et donc l'autonomie des sciences. Une telle attitude ne signifie pas une démission
de la part de l'Eglise mais au contraire une plus juste perception de ce qu'engage une authentique théologie de la
création. Car, reconnaît le Concile, « c'est en vertu de la création même que toutes choses sont établies selon leur
consistance, leur vérité et leur excellence propres, avec leur ordonnance et leurs lois spécifiques. L'homme doit
respecter tout cela et reconnaître les méthodes particulières à chacune des sciences et techniques. » (2)
Cette reconnaissance de l’autonomie des sciences doit nous obliger comme le déclarait Mgr Albert Rouet, évêque
de Poitiers, « à mettre la foi à sa juste place… ». On ne peut plus reprendre naïvement la formule « mettre toute la
foi dans toute la vie » car toute une part de la vie échappe à la foi. Vous n'avez pas plus de psychanalyse catholique
que de mathématiques chrétiennes ... Il faudra bien que la foi reconnaisse l'altérité de ces sciences, leur réelle et
juste autonomie, et ne cherche pas à les convertir. Car si les sciences humaines n'ont pas compétence pour juger de
la foi (ce jugement relève du Christ), elles jouissent d'une pleine autonomie pour analyser les rapports à la Foi » (3)
Dans une telle perspective, if serait abusif de vouloir faire entrer les disciplines dans l'orbite de la Pastorale.
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Pour autant, il ne s'agit pas de renvoyer la Pastorale à la sacristie ! Respecter les domaines de compétence,
identifier clairement les responsabilités, n'équivaut pas à opposer ni à éliminer. Il s'agit plutôt de situer chacun à sa
place afin de favoriser les articulations d'éléments qui, tout en demeurant distincts et autonomes les uns par rapport
aux autres, sont appelés à la coopération ainsi qu'à la communication. Ceci implique, me semble-t-il, que l'on passe
d'une conception totalisante à une conception systémique.
Respecter les identités et les cheminements
Le respect des consciences implique le respect des identités et des cheminements.
Par conséquent, il ne me semblerait pas normal, ni honnête, d'accueillir de façon habituelle des élèves musulmans
dans des cours de « culture religieuse » à finalité confessionnelle chrétienne. Il n'est pas rare en effet que certains
parmi ces élèves demandent à « venir voir » et qu'ils se disent ensuite intéressés. Outre l'indispensable travail
d'interprétation du sens de cette demande, il est non moins indispensable d'aider ces jeunes à évaluer la rupture
qu'ils risquent d'engager de fait avec leur héritage religieux, culturel et familial, en entreprenant ce type de
démarche. Sans doute convient-il alors de revaloriser cet héritage à leurs propres yeux et de les aider à affermir leur
propre identité. Le respect des consciences passe aussi par là. Une certaine attitude d'accueil, remplie de bonnes
intentions, peut en fait développer un impérialisme culturel et religieux et une sorte de néo-colonialisme. Nous
avons la responsabilité d'inventer les formes d'un authentique dialogue interreligieux au sein de nos établissements.
Mais il nous faut être conscients que ce type de dialogue ne pourra exister que dans la mesure où chacun des
partenaires sera au clair avec sa propre foi et acceptera d'en témoigner honnêtement. Nous n'en sommes qu'aux
premiers balbutiements.
On mesure bien, à partir de cet exemple, que la revalorisation de l'Islam aux yeux des élèves musulmans et aux
yeux de leurs camarades passe par d'autres voies que celle de la « culture religieuse » initiée par la Pastorale.
Il en va de même pour tes jeunes « agnostiques » qui entendent prendre leurs distances par rapport aux propositions
de la Pastorale et qui ne sont pas prêts à « faire croire cette créature nouvelle qu'ils sont devenus par le baptême »
comme l'indique par ailleurs ce même texte du Statut précédemment cité. Ici encore, le respect des consciences
demande que l'on respecte des cheminements qui n'emprunteront pas, au moins pour un temps, ceux de la
confession de foi chrétienne. Une telle attitude n'est pas de la neutralité, ce peut être une forme de l'engagement
croyant qui respecte l'Altérité et se laisse instruire par elle. Cette attitude de réserve qui respecte les consciences
peut être inspirée par l'Evangile, une approche de la béatitude du « coeur pur » qui va à la rencontre de l'autre avec
humilité et sans arrière-pensée manipulatrice.
Ouvrir à la connaissance de ta condition humaine...
L'approche culturelle du fait religieux, nécessairement non-confessionnelle, concerne tous les élèves puisqu'elle se
réalise à travers l'enseignement des disciplines.
Comme nous l'avons souligné précédemment, cette approche est résolument anthropologique. Il s'agit en effet
d'accueillir tout l'humain dans la diversité de ses expressions et de le rendre intelligible. Cette exigence
d'intelligibilité, cette recherche de ce qui fait sens dans les différents phénomènes religieux, peut faire entrevoir la
dimension transcendante de l'homme. Ceci impose toutefois que l'enseignant sache dépasser la simple information
pour aller jusqu'à la compréhension de l'attitude religieuse.
Cette question est essentielle pour une véritable intelligibilité du fait religieux, car il n'y a pas de fait religieux sans
homme religieux. Aborder le fait religieux de l'extérieur, en en restant à la description des bâtiments, des rites, des
fêtes religieuses ou au catalogue des textes sacrés, c'est finalement ne rien découvrir et ne rien comprendre de la
religion. Car la religion est d'abord une expérience humaine ; même si elle est instituée, elle est un vécu : tous les
sentiments de l'âme humaine y participent et l'être personnel s'y trouve engagé dans des choix existentiels décisifs.
L'approche du fait religieux exige donc un travail herméneutique. Il s'agit de chercher à comprendre ce que
l'homme religieux dit de ses expériences. Cette compréhension est d'abord écoute, accueil de cet autre qui se
montre différent dans ses pratiques, ses comportements, ses représentations, afin d'en découvrir le sens profond.
Nous ne pouvons pas partager son expérience, mais seulement ce qu'il en dit ; ceci passe par la médiation du
langage et le plus souvent par la médiation d'un texte, d'une écriture, laquelle est nécessairement tout à la fois
traduction dans le langage et interprétation de l'expérience.
Cet effort de compréhension implique et la sympathie et la distance. Comprendre la religion de l'autre n'entraîne
pas l'identification au sujet croyant. La sympathie fera que, d'une certaine façon, pour comprendre il faudra « se
laisser prendre » par la production de sens que réalise la religion, mais il importe tout autant de garder la distance
qui permet d'interroger et de dialoguer. Faute de conserver cette nécessaire distance, il n'y aura pas connaissance
mais fusion.
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L'objectif étant de « chercher à comprendre en raison ce qu'est la croyance et ce qu'il en est de la réalité à laquelle
la croyance se rapporte et cela sans entrer soi-même dans la dimension de la croyance... La croyance peut
parfaitement être reconnue dans son originalité et sa signification sans pour autant être partagée. » (6)
La réalisation de ce travail d'herméneutique religieuse requiert que soit pris en compte la diversité des expressions.
Très concrètement, il importe de travailler sur les textes : récits mythiques, récits historiques, textes homilétiques,
récits biographiques, textes de sagesse, textes mystiques... mais aussi textes liturgiques : hymnes, psaumes, prières
diverses de louange, d'action de grâces, de supplication. C'est à travers ces textes que l'on peut le mieux percevoir
les vibrations de l'âme religieuse, ce « rapport des hommes au divin » dont parlent les orientations du programme
d'histoire de la classe de 6e.
... et à la transcendance
Il est essentiel, que cette approche culturelle aille jusqu'au bout de son chemin pour déchiffrer dans la démarche
religieuse la quête humaine de l'au-delà de l'homme, de l'Absolu, de l'illimité, de l'invisible. Tout en laissant chacun
libre de ses options, le déchiffrage du patrimoine culturel, la recherche d'intelligibilité de ses oeuvres religieuses et
spirituelles doivent conduire jusqu'à ce seuil où l'homme commence d'entrevoir l'autre rive comme appel ou comme
interrogation. L'Ecole, au service de l'humanité des élèves, a cette responsabilité de leur offrir la médiation des
grandes oeuvres du patrimoine artistique, littéraire et philosophique pour gérer leur propre angoisse existentielle,
leur permettant ainsi de l'identifier et de lui donner sens.
En classe de lettres par exemple, la prise en compte du fait religieux dans la lecture des oeuvres littéraires permet
de l'aborder non seulement comme savoir mais aussi comme expérience. A travers l'énoncé d'une oeuvre c'est aussi
le sujet de l'énonciation, l'auteur, qui se trouve rejoint, c'est à dire un homme concret et sa parole prenant positron
sur la condition humaine. Dès lors l'élève se trouve concerné. « Certains auteurs, à travers leurs écrits, témoignent
de cette dimension spécifique de la religion que constituent le « vécu », l'intériorité, la présence, le combat
spirituel... expériences de la vie de l'âme, du sacré, du mystère, de l'au-delà de l'homme. La lecture de textes où de
telles expériences sont inscrites peut susciter un certain écho chez le jeune lecteur, et leur réception devenir à son
tour expérience, provoquant émotion, enthousiasme ou répulsion, réflexion et débat intérieur, voire ouverture sur
les dimensions les plus profondes de la condition humaine ». (7)
Dans ce genre d'expérience que peut favoriser la lecture de textes, l'enseignant est appelé à jouer un rôle essentiel
pour aider les élèves à situer, canaliser et identifier leurs émotions, s'en distancer et mettre aussi de l'ordre dans
leurs idées. C'est ainsi que se construit l'acte de penser mais aussi que se réalise l'apprentissage de la condition
humaine.
Dans la mesure où l'approche culturelle du fait religieux conserve sa visée anthropologique, elle contribue au
développement d'une connaissance approfondie de l'humanité, en permettant aux élèves de mieux entendre ses
questions fondamentales, d'apprendre à travers la lecture des oeuvres du patrimoine une « grammaire de la
transcendance », selon l'expression de Jean-Pierre Jossua, et de commencer d'entrevoir les profondeurs de l'homme.
Ce cheminement devrait les conduire à entendre autrement les propositions de la catéchèse ou d'une aumônerie
parce que les questions existentielles seront pour eux chargées de sens et qu'une attente aura pu se creuser. C'est à
ce niveau que je situe une possible articulation entre approche culturelle du fait religieux et pastorale.
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* Ces différents travaux ont donné lieu à plusieurs publications notamment :
Voir Bulletin de l'Institut Catholique de Lyon octobre 1997 mars 1998 n° 119 - 120
Les Cahiers de l'Institut Catholique de Lyon « Enseignement et fait religieux » n° 28
René Nouailhat - Jean Joncheray « Enseigner les religions au collège et au lycée » Editions de L'Atelier - CRDP de FrancheComté 1999
René Nouailhat « Le fait religieux dans l'enseignement » Magnard 2000
Collection « Cultures et Religions » dirigée par Bernard Descouleurs et René Nouailhat, Desclée de Brouwer et CRDP de
Franche-Comté
(1) Statut de l'Enseignement Catholique, Préambule et 3. ECO 210. avril 1996
(2) Concile Vatican Il, Constitution pastorale sur l'Eglise dans le monde de ce temps, n° 36
(3) Albert Rouet, évêque de Poitiers, « Le dialogue de la foi et des sciences humaines » in « Sciences humaines et foi.
Psychologie et sociologie » Centre théologique, 10, rue de la Trinité, 86034 Poitiers Cedex.
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(5) C'est la raison pour laquelle je demeure très réservé quant à l'utilisation du témoignage dans l'approche des religions. La
séduction qu'exerce le témoin risque de favoriser l'identification plus que la nécessaire distance critique. De plus cette
présentation subjective n'est pas la meilleure condition d'accès à la connaissance précise d'une religion.
(6) Jean Ladrière « Rationalité et croyance » in « Où va Dieu ? » Revue de l'Université de Bruxelles, éditions Complexe 1999,
p. 289
(7) « Enseignement, littérature et religion » Introduction p. 9, Desclée de Brouwer et CRDP de Franche-Comté 2000
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