En marche ! peut-il séduire en Alsace - Haut-Rhin
Transcription
En marche ! peut-il séduire en Alsace - Haut-Rhin
Région Q MARDI 12 AVRIL 2016 11 HANDICAPÉ À L’UNIVERSITÉ Q En quelques années, la proportion d’étudiants handicapés a grimpé à l'université de Strasbourg, en même temps que changeait le regard sur eux. Page 13 DÉVELOPPEMENT Accord de financement avec la Région sur le très haut débit Macron a la fibre Grand Est Au nom de l’État, le ministre de l’Industrie Emmanuel Macron a confirmé hier après-midi le soutien public accordé pour le déploiement du très haut débit dans le Grand Est. À terme, ce sont 1,5 milliard d’euros d’investissements pour 1,25 million de prises qui permettront un meilleur accès au numérique, y compris dans les territoires éloignés des grandes villes. E mmanuel Macron affirme accueillir un adhérent toutes les 30 secondes dans son tout jeune mouvement En marche ! (lire ci-dessous). Un tel rush ne serait pas possible sans une solide infrastructure numérique et l’on comprend que le ministre de l’Industrie encourage toute initiative allant dans ce sens. Il l’a encore fait hier après-midi à Strasbourg en confirmant le soutien de l’État au plan de déploiement de la fibre optique dans le Grand Est. Sans oublier de rappeler aux journalistes qu’il est bien, lui, et sans ambiguïté possible, un homme de droite, le président du conseil régional Philippe Richert a accueilli avec gratitude cet engagement qui permet d’étendre aux huit départements de Lorraine et de Champagne-Ardenne le plan de déploiement de la fibre optique imaginé en Alsace sous forme de délégation de service public. « Ce partenariat permettra d’aller plus vite et de faire plus simple » Emmanuel Macron a salué le projet de déploiement du très haut débit dans le Grand Est présenté par le président Philippe Richert. « C’est un projet unique car vous avez réussi à vous mettre ensemble en partenariat entre collectivités et avec l’État. Vous aurez à terme dans le Grand Est le plus grand réseau entièrement en fibre optique. Vous avez eu totalement raison de choisir la fibre optique jusqu’au domicile », a salué le ministre. De quoi s’agit-il ? La Région Alsace a conclu fin 2015 un accord de délégation de service public pour une durée de trente ans avec le groupement NGE/ Altitude Infrastructure pour déployer un réseau à très haut débit dans les deux départements du Rhin. En six ans, au prix d’un investissement de 450 millions d’euros, ce réseau à 100 % en fibre optique devrait déployer 377 000 prises en tranche ferme (et 100 000 de plus en option). La contribution privée au projet est de 60 %, les fonds publics totalisant 164 millions d’euros, dont la moitié prise en charge par l’État. Le reste est assumé par les fonds européens, la Région, les départements et les intercommunalités, en partie grâce à un emprunt auprès de la Banque européenne d’investissement. Les premiers travaux sont annoncés pour la fin 2018. Philippe Richert a rappelé que ce plan sera « une des actions phares du Pacte pour la ruralité adopté dès le 25 janvier ». Dans cette très vaste région dont cer- tains territoires sont très peu denses, la hantise de nombreux élus est en effet de voir s’accentuer irrémédiablement une « fracture numérique » entre les secteurs urbains déjà bien desservis par toutes les infrastructures et les territoires ruraux. Philippe Richert a d’ailleurs insisté sur le fait que les cibles prioritaires du déploiement sont justement ces territoires mais aussi les entreprises. Une stratégie industrielle pour Fessenheim L’engagement de l’État, assumé clairement par Emmanuel Macron, aboutira à étendre ce schéma à l’ensemble des départements du Grand Est : « Ce partenariat permettra d’aller plus vite et de faire plus simple », a commenté M. Macron. Il ajoute qu’au-delà d’un meilleur accès, dans les deux sens, au numérique sur tout le territoire, ce projet soutiendra également l’emploi. Le ministre estime à 200 le nombre d’emplois directs créés : « Nous avons des leaders en France dans le domaine de la fibre optique. Plus de 90 % de la valeur ajoutée de ce réseau sera créée en France ». En dehors du service après-vente normal des mesures du gouvernement (CICE, suramortissement prorogé d’un an, maintien du crédit d’impôt recher- MARC ROLLMANN DNA che…), Emmanuel Macron n’a rien annoncé de neuf en matière d’industrie. Se contentant de signaler qu’il sera vigilant sur le sort de l’industrie automobile, très importante dans le Grand Est, et de la construction ferroviaire – sans grande précision à ce sujet, le ministre se réservant peut-être pour la prochaine rencontre qu’il a annoncée aux salariés d’Alstom Reichshoffen. S’agissant de Fessenheim et du centre de production nucléaire, il a indiqué que le projet de fermeture devait s’accompagner d’une stratégie industrielle en faveur du site. Mais, là encore, en demeurant finalement assez vague. ANTOINE LATHAM R En marche ! peut-il séduire en Alsace ? Emmanuel Macron était à Strasbourg en tant que ministre de l’Économie ce lundi. Mais c’est aussi le fondateur d’un nouveau mouvement politique qui cherche à convaincre dans la région. tropole à majorité d’union entre droite et gauche, en est un plus récent. Tiraillements réguliers LE 4 SEPTEMBRE DERNIER, le sémillant ministre de l’Économie avait inauguré la 83e Foire européenne de Strasbourg. Si l’opération avait ravi Robert Herrmann, président (PS) de l’Eurométropole, et le maire (PS) de Strasbourg Roland Ries, elle n’avait pas déplu à plusieurs élus des Républicains. « Emmanuel Macron ? Remarquable ! Il aurait pu être des nôtres… », avait même noté un parlementaire d’opposition. Atypique à l’évidence, paradoxal diront même ses détracteurs qui voient dans le social-libéralisme un oxymore, qui Emmanuel Macron peut-il convaincre en Alsace ? Frondeurs et légitimistes À gauche, on l’a déjà constaté, les élus ne manquent pas pour nouer des liens avec le ministre de l’Économie. Encore faut-il faire la part du « professionnel » – plaider la cause de sa collectivité ou de sa circonscription auprès de Bercy – et celle du plus « personnel ». Emmanuel Macron, le 4 septembre 2015, pour l’inauguration de la Foire européenne de Strasbourg. PHOTO ARCHIVES DNA. Le parti socialiste en Alsace connaît, comme ailleurs, les tensions entre frondeurs et légitimistes. Emmanuel Macron irritera les premiers, agacera peut-être une partie des seconds. Mais il peut tabler ici sur la « porosité » qui existe au centre gauche. L’expérience d’un Jean-Marie Bockel, passé du PS à la Gauche moderne, aujourd’hui composante de l’UDI, en est un exemple ancien. L’œcuménisme d’un Robert Herrmann, président d’une Euromé- À droite, à l’enseigne commune des Républicains, le monde des élus est agité par les premiers soubresauts de la primaire. Beaucoup d’élus alsaciens, « orphelins » d’un François Fillon qui ne décolle pas dans les sondages, se sont reportés sur Alain Juppé ou Bruno Le Maire. En même temps, Nicolas Sarkozy conserve un potentiel certain. L’ancienne déchirure entre gaullistes et centristes, qui a traversé l’histoire politique récente de l’Alsace, peut-elle se rouvrir avant la présidentielle de 2017 ? Les tiraillements réguliers entre les deux familles, même diplomatiquement atténués, sont parfois perceptibles. Ils se sont compliqués ici du feuilleton du référendum sur le Conseil d’Alsace, puis de la fusion des régions et des élections qui ont suivi. Mais on imagine mal des élus en vue dire publiquement du bien d’En marche !, dont le fondateur affirme l’ancrage à gauche, ou le rejoindre avec armes et bagage. Plus que l’appui d’élus, c’est celui de citoyens que recherche Macron. Et là, entre le MoDeM, l’UDI, l’aile gauche des Républicains et l’aile droite du PS, il y a peut-être une place à prendre. JACQUES FORTIER R