Explications sur le texte de l`initiative

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Explications sur le texte de l`initiative
Factsheet V | 1
Explications sur le texte de l’initiative
La Constitution fédérale est modifiée
comme suit :
Art. 101a | Responsabilité des
entreprises
1 | La Confédération prend des mesures pour
que l’économie respecte davantage les
droits de l’homme et l’environnement.
Il s’agit du principe général de l’initiative. Cette disposition ne donne pas seulement
une compétence à la Confédération, mais l’oblige à prendre des mesures pour que
les entreprises suisses respectent davantage les droits humains et l’environnement.
Elle doit en tenir compte dans tous les domaines du droit, avec des mesures qui
peuvent aller au-delà des exigences de l’initiative.
2 | La loi règle les obligations des entreprises
qui ont leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur établissement principal en Suisse, conformément aux principes
suivants :
Cette disposition définit le champ d’application de l’initiative et détermine quelles
«entreprises suisses» sont concernées. Elle repose en premier lieu sur les règles de
droit international privé contenues dans la Convention de Lugano.
– Le siège statutaire découle des statuts de la société.
– L’administration centrale est le lieu où les décisions se prennent et où la société
est dirigée. Ce lieu peut différer du siège statutaire, notamment dans le cas de
sociétés boîtes aux lettres.
– Par principal établissement, on entend un centre d’activités effectif et reconnaissable ou un lieu qui regroupe des ressources matérielles et en personnel
importantes. Il est donc possible qu’une entreprise ait plusieurs établissements
principaux.
a. les entreprises doivent respecter également à l’étranger les droits de l’homme
internationalement reconnus et les
normes environnementales internationales; elles doivent veiller à ce que ces
droits et ces normes soient également
respectés par les entreprises qu’elles
contrôlent ; les rapports effectifs déterminent si une entreprise en contrôle
une autre ; un contrôle peut de fait également être exercé par le biais d’un
pouvoir économique
Le texte constitutionnel vise en premier lieu les activités à l’étranger des entreprises
suisses. C’est pourquoi il est placé immédiatement après l’art. 101 de la Constitution
fédérale (Politique économique extérieure).
Les droits de l’homme sont des droits qui servent à la protection des dimensions
fondamentales de la personne et de la dignité humaine. Selon le droit international
public contraignant, l’Etat doit également protéger ses citoyens et ses citoyennes
contre les atteintes par des personnes privées. Celles-ci comprennent également les
entreprises.
Selon les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des
Nations Unies (principe 12), les droits de l’homme internationalement reconnus
englobent au minimum la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi que
ses instruments de mise en œuvre les plus importants:
– Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte de l’ONU II)
– Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte
de l’ONU I).
– Les huit conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail
(OIT).
Par normes environnementales internationales, on entend les normes qui ont été
élaborées en-dehors des processus législatifs nationaux, entre autres dans le
cadre du droit international public (par exemple, le protocole de Montréal sur la
protection de la couche d’ozone), des organisations internationales (par exemple, les
valeurs maximales d’émissions de l’Organisation mondiale de la santé) ainsi
que des standards privés (par exemple, les normes ISO). Il reviendra au législateur
de déterminer ce qui a valeur de norme environnementale internationale.
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Les entreprises contrôlées sont, par exemple, les filiales de multinationales (d’où le
fait que nous parlons d’initiative pour des multinationales responsables), mais
aussi des constellations où un contrôle de fait est exercé, comme des joint -ventures,
des contrats de fournisseurs, distributeurs ou sous-traitants. Lors d’une plainte,
les tribunaux détermineront de cas en cas si et pour quelle raison un tel rapport de
contrôle existe.
b. les entreprises sont tenues de faire preuve
d’une diligence raisonnable ; elles doivent
notamment examiner quelles sont les
répercussions effectives et potentielles
sur les droits de l’homme internationalement reconnus et sur l’environnement,
prendre des mesures appropriées en vue
de prévenir toute violation des droits de
l’homme internationalement reconnus
et des normes environnementales internationales, mettre fin aux violations
existantes et rendre compte des mesures
prises ; ces obligations s’appliquent aux
entreprises contrôlées ainsi qu’à l’ensemble
des relations d’affaires ; l’étendue de cette
diligence raisonnable est fonction des
risques s’agissant des droits de l’homme
et de l’environnement ; lorsqu’il règle
l’obligation de diligence raisonnable, le
législateur tient compte des besoins des
petites et moyennes entreprises qui ne
présentent de tels risques que dans une
moindre mesure ;
L’introduction d’un devoir de diligence raisonnable constitue le cœur de l’initiative.
Sur la base des Principes directeurs de l’ONU et des Principes directeurs de
l’OCDE, une procédure de diligence raisonnable est composée des trois éléments
suivants: identifier les risques, agir en conséquence, rendre compte des analyses
et des mesures adoptées.
c. les entreprises sont également responsables du dommage causé par les entreprises qu’elles contrôlent lorsque celles-ci
violent des droits de l’homme internationalement reconnus ou des normes environnementales internationales dans
l’accomplissement de leur activité ; elles ne le sont pas au sens de la présente
disposition si elles prouvent qu’elles
ont fait preuve de toute la diligence
prévue à la let. b pour prévenir le dommage ou que leur diligence n’eût pas
empêché le dommage de se produire ;
Une entité qui contrôle une entreprise doit aussi utiliser ce pouvoir pour empêcher
des violations de droits humains internationalement reconnus ou de l’environnement.
Une entité qui tire un avantage économique d’une autre entité doit assumer les
risques qui y sont liés. Lorsqu’une entreprise suisse contrôle un acteur économique
à l’étranger, l’Etat helvétique a le devoir de protéger les personnes contre des
atteintes aux droits humains et à l’environnement à l’étranger. Le texte de l’initiative
se réfère à la responsabilité de l’employeur (art. 55 CO) qui est la disposition
juridique la plus proche dans le droit suisse existant.
Le devoir de diligence raisonnable en matière de droits humains est fondé sur les
risques (principe 17b). Il devrait s’étendre à toutes les incidences négatives sur
les droits de l’homme auxquelles une entreprise peut ou pourrait contribuer par le
biais de ses propres activités, ou qui peuvent découler directement de ses activités,
produits ou services ainsi que de ses relations d’affaires (principe 17a).
Afin de prévenir, atténuer et mettre un terme aux incidences négatives – potentielles et effectives – de leurs activités sur les droits humains, les entreprises devraient
intégrer de manière efficace les résultats de leurs études d’impact dans l’ensemble
des fonctions et processus internes pertinents et prendre les mesures qui s’imposent.
Il convient également de réparer les dommages liés à des incidences déjà effectives
(principe 19 et commentaire du principe 22). Les entreprises devraient rendre
compte formellement et publiquement de la manière dont elles font face à leurs
incidences sur les droits humains (principe 21).
La taille d’une entreprise n’est pas un critère suffisant pour juger de son profil de
risque. En pratique, la majorité des petites et moyennes entreprises (PME)
présentent de faibles risques en matière de droits humains, en particulier lorsque
leurs activités se limitent à la Suisse. Pour ces sociétés, le législateur devra établir
une procédure très simplifiée. Il n’est cependant pas adéquat de libérer complètement l’ensemble des PME du devoir de diligence, puisqu’un certain nombre d’entre
elles présentent des risques élevés de violations de droits humains (par exemple,
le commerce de diamants).
La relativisation de la responsabilité civile s’inspire également de cette responsa­
bilité de l’employeur: les sociétés sont libérées de leur responsabilité si elles peuvent
prouver qu’elles ont rempli correctement leur devoir de diligence. Le fardeau de
la preuve est donc renversé: ce n’est pas à la victime de prouver la culpabilité de la
société mère (une telle preuve est souvent très difficile à apporter), mais à la
société mère d’établir son innocence, ce qu’elle peut faire en montrant qu’elle a bien
rempli son devoir de diligence. Cela améliore également la sécurité juridique
pour l’économie: si une entreprise peut démontrer de manière crédible qu’elle a mis
en œuvre toutes les mesures nécessaires pour prévenir le dommage en question,
elle n’aura pas à craindre le verdict des tribunaux.
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d. les dispositions édictées sur la base des
principes définis aux let. a à c valent indépendamment du droit désigné par le
droit international privé.
Dans les procédures judiciaires internationales, les tribunaux suisses appliquent
souvent le droit étranger, c’est-à-dire le droit du pays où le dommage s’est produit.
C’est pourquoi ce paragraphe indique au législateur qu’il doit donner à la loi
d’exécution la valeur d’une disposition impérative. Le propre d’une disposition
impérative est que, dans des cas internationaux, elle doit être appliquée quel que
soit le droit en vigueur selon le droit international privé. Il s’agit en général de
normes qui sont considérées par la Suisse et la communauté des juristes comme
revêtant une importance fondamentale, notamment parce qu’elles servent à la
protection de la dignité humaine. Pour le dire simplement: ce paragraphe garantit
que les dispositions prévues par l’initiative doivent dans tous les cas être prises
en compte par les tribunaux suisses.
Plus d’informations : www.initiative-multinationales.ch