anesthésie loco-régi..
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THÈME FORMATION PERMANENTE ATTITUDES CLINIQUES TECHNIQUE PRODUITS VÉTÉRINAIRES Anesthésie Il est nécessaire de mieux connaître les possibilités d’anesthésie loco-régionale chez les carnivores domestiques pour mieux les exploiter. Les techniques d’anesthésie loco-régionale sont extrêmement utiles pour la qualité analgésique qu’elles procurent. Elles permettent même la réalisation d’actes chirurgicaux, sans avoir à recourir à l’anesthésie générale. Anesthésie loco-régionale chez les carnivores domestiques 2 Réalisation pratique et indications de diverses techniques d’anesthésie analgésie régionale Loco-regional anaesthesia in domestic carnivores 2- practical realisation and indication of several regional anaesthesia-analgesia techniques. E. TRONCY* , N. DISS* , P. COUPAT*, S. CUVELLIEZ**, J.-P. GENEVOIS* *Unité de Chirurgie Anesthésiologie ENVL - BP 83, 69280 MARCY-L’ETOILE **Service d’Anesthésie, 5000, SAINT-HYACINTHE, QUÉBEC, J2S 7C6, CANADA Article reçu en juin 1999 Résumé Summary Anesthésie loco-régionale chez les carnivores domestiques 2. Réalisation pratique et indications de diverses techniques d’anesthésie - analgésie régionale es arguments en faveur de l’analgésie revêtent des aspects éthiques, commerciaux et avant tout médicaux pour le vétérinaire [25]. Dans ce contexte, les auteurs proposent un tour d’horizon, appuyé par un large support visuel, des techniques d’analgésie loco-régionale utilisables chez les carnivores domestiques. Pour le contrôle de la douleur, certaines de ces techniques présentent, à l’heure actuelle, le plus haut rapport efficacité / simplicité, d’autres nécessitent simplement une habileté technique un peu plus poussée. La prévention d’une hypersensibilisation centrale du système nociceptif à l’origine d’une douleur pathologique n’est pas la seule indication des techniques d’anesthésie loco-régionale chez les carnivores domestiques. Cet article présente plusieurs procédures qui peuvent être réalisées sous anesthésie loco-régionale seule lorsque l’état de l'animal ne permet pas une anesthésie générale. L Le tableau 2 résume les modalités pratiques de réalisation et les principales données pharmacocinétiques sur les techniques d’anesthésie-analgésie locorégionale utilisées par les auteurs. Anesthésie de surface et infiltration Anesthésie de surface L’anesthésie de surface (ou anesthésie topique) consiste en une application locale sur la peau ou une muqueuse (yeux, larynx, urètre, etc.) d’un gel anesthésique tel que la pramocaïne (Tronothane® utilisé pour faciliter les intubations endotrachéales au même titre que le spray de lidocaïne sur les arythénoïdes pour diminuer les risques de laryngospasme chez le chat) ou le mélange lidocaïne-prilocaïne (Emla ® ). Ce dernier facilite particulièrement la ponction veineuse chez le chat vigile [16]. L’instillation d’anesthésiques locaux (oxybruprocaïne, tétracaïne) produit, 1 à 2 minutes après le dépôt de l’anesthésique, une anesthésie de la cornée et de la conjonctive [6] facilitant leur examen. Ils provoquent une altération de l’épithélium cornéen et ne doivent donc pas être employés comme analgésiques à moyen ou long terme. LE POINT VETERINAIRE, vol. 30, n°201, juillet-août 1999 •L’anesthésie locale de surface, par infiltration (traçante ou étendue), les blocs tronculaires de la tête (anesthésie du maxillaire, de la denture, de l’œil et de l’orbite, de la mandibule), des membres (anesthésie circulaire des extrémités, bloc du plexus brachial) ou d’une région entière (anesthésie épidurale, interpleurale continue, intercostale répétée) sont autant de techniques faciles à utiliser pour la plupart qui permettent une gestion performante de la douleur et la réalisation d’actes chirurgicaux sur des animaux à risques visà-vis d’une anesthésie générale fixe ou volatile. Mots-clés : anesthésie, douleur, chien, chat. • Topical anesthesia, infiltration anesthesia, field blocks, selected nerve blocks of the face (anesthesia of the maxilla, teeth, eye and orbit, mandible), of the foot (ring block, brachial plexus block), multiple intercostal nerve blocks, lumbosacral epidural anesthesia, continuous interpleural or epidural anesthesia are all logical techniques for providing surgical anesthesia in patients that are considered at risk for inhalant or intravenous anesthesia. Key-words : anesthesia, pain, dog, cat. Point Vét., 1999, 30 (201) 441-450 13 (441) technique aiguille anesthésique / analgésique délai d’action pic d’action durée d’action infiltration cutanée • 25 G x 5/8" • < 30 min. articulaire (0,5 x 16 mm) • toute sorte • < 4 (chat) - 6 (chien) mg/kg • 0,5-1 min. lidocaïne 2% • 2 mg/kg bupivacaïne 0,5% • 2-10 min. • < 3 mg/kg bupivacaïne • 2-10 min. 0,5%-0,1 mg/kg morphine 1% bloc du nerf infraorbitaire • 22-25 G x 11/2- 5/8" (0,7-0,5 x 4016 mm) • 1-2 ml lidocaïne 0,5-2% • 1-2 ml bupivacaïne 0,5% • 0,5-1 min. • 2-10 min. • < 30 min. • 0,5-1 h.(1-3 h. avec adrénaline) • 30-45 min. • 3,5-7 h. bloc du nerf maxillaire • 22-25 G x 11/2- 5/8" (0,7-0,5 x 40-16 mm) • 1-2 ml lidocaïne 0,5-2% • 1-2 ml bupivacaïne 0,5% • 0,5-1 min. • 2-10 min. • 30-45 min. • 0,5-1 h.(1-3 h. avec adrénaline) • < 30 min. • 3,5-7 h. bloc du nerf ophtalmique • 22-25 G x 11/2- 5/8" (0,7-0,5 x 40-16 mm) • 1-2 ml lidocaïne 0,5-2% • 1-2 ml bupivacaïne 0,5% • 0,5-1 min. • 2-10 min. • 30-45 min. • 0,5-1 h.(1-3 h. avec adrénaline) • < 30 min. • 3,5-7 h. bloc du nerf alvéolaire • 22-25 G x 11/2- 5/8" inférieur (0,7-0,5 x 40-16 mm) • 1-2 ml lidocaïne 0,5-2% • 1-2 ml bupivacaïne 0,5% • 0,5-1 min. • 2-10 min. • < 30 min. • 0,5-1 h. (1-3 h. avec adrénaline) • 30-45 min. • 3,5-7 h. bloc du nerf alvéolomandibulaire • 22-25 G x 11/2- 5/8" (0,7-0,5 x 40-16 mm) • 1-2 ml lidocaïne 0,5-2% • 1-2 ml bupivacaïne 0,5% • 0,5-1 min. • 0,5-1 min. • < 30 min. • 0,5-1 h. (1-3 h. avec adrénaline) • 30-45 min. • 3,5-7 h. bloc circulaire • 25 G x 5/8" (0,5 x 16 mm) • 1,5-2 mg/kg lidocaïne 2% bupivacaïne 0,5% • 2-10 min. • < 30 min. • 2-6 h. •4-6 mL lidocaïne 2% ou 4-6 ml bupivacaïne 0,5% • 6-8 ml lidocaïne 2% ou 6-8 ml bupivacaïne 0,5% • 8-10 ml lidocaïne 2% ou 8-10 ml bupivacaïne 0,5% • 4-8 min. • 6-15 min. • 4-8 min. • 6-15 min. • 4-8 min. • 6-15 min. • < 30 min. • 30-45 min. • < 30 min. • 30-45 min. • < 30 min. • 30-45 min. • 0,5-1 h. • 3,5-7 h. • 0,5-1 h. • 3,5-7 h. • 0,5-1h. • 3,5-7 h. • 5-8 ml lidocaïne 2% • 0,5-1 min. • 15 min. • 0,5-1 h. •4-17 min. • 30-45 min. • 6-8 h. • 10-60 min. • 30-80 min. • 16-24 h. bloc du plexus brachial animal de petite • spinale 22 G x 11/2" taille • (0,7 x 40 mm) animal de taille • spinale 20 G x 2" moyenne • (0,9 x 50 mm) animal de grande • spinale 20 G x 3" taille • (0,9 x 75 mm) bloc tronculaire direct • 20 G x 1" • (0,9 x 25 mm) anesthésie épidurale bloc intercostal • Tuohy 17, 18, 20 G x 4, • 1 mg/kg bupivacaïne 0,5% (1 ml par 5 kg) et/ou 0,1-0,3 mg/kg morphine 1% 31/4, 2" (1,4, 1,3, 0,9 x 100, 80, 50 mm) ± cathéter, ou aig. spinale • 23-25 G x 1-5/8" (0,6-0,5 x 25-16 mm) bloc interpleural Tuohy 17-18 G x 4-31/4" 1-2 mg/kg bupivacaïne 0,5% (1,4-1,3 x 100-80 mm) + cathéter Tableau 2. Matériel nécessaire et données pharmacocinétiques de diverses techniques d’anesthésie / analgésie loco-régionale [18, 24]. 14 (442) • 0,25 (petite taille), • 6-15 min. 0,5 (taille moyenne) 1 (grande taille) (ml) bupivacaïne 0,5% par site d’injection avec dose totale < 3 mg/kg • 6-15 min. Anesthésie par infiltration L’anesthésie par infiltration (encadré 1) consiste à déposer un volume donné d’anesthésique local dans la peau ou au contact de la zone opératoire (plèvre, périoste, membrane synoviale, etc.). Très simple de réalisation avec de la lidocaïne ou de la bupivacaïne, il convient de tenir compte des concentrations habituelles des deux molécules (respectivement 2 et 0,5 p.cent) et il convient dans le cas d’animaux de petite taille, de diluer jusqu’à 3-4 ml avec du NaCl, le ou les 2 ml d’anesthésique local prélevés afin d’optimiser l’application du bloc local. Au niveau de la peau, on peut faire un bloc linéaire suivant le futur site d’incision (infiltration traçante, directe), alors qu’au niveau du péritoine on préférera un bloc en "L" inversé plutôt qu’en ligne droite pour augmenter la surface d’action (infiltration étendue, indirecte), lors de césarienne par exemple. Une analgésie intra-articulaire particulièrement efficace peut être obtenue avec l’injec- • 0,5-1 h. (2-6 h. avec adrénaline) • 30-45 min. • 4-7 h. (5-10 h. avec adrénaline) • 30-60 min. • 8-12 h. • 30-45 min. • 3-6 h. • 30-45 min. • 3-48 h. tion de bupivacaïne (< 3 mg/kg) ± morphine sans agent de conservation (0,1 mg/kg) dans l’articulation après fermeture de la capsule articulaire [14]. Anesthésie tronculaire de la tête Les anesthésies loco-régionales de la tête sont généralement associées à une tranquillisation de l’animal. Elles peuvent également être utilisées pour induire une analgésie péri-opératoire dont la réussite se fait particulièrement sentir lors de chirurgies de l’œil, des oreilles et des dents [17, 22]. Les nerfs concernés sont le nerf infraorbitaire, le nerf maxillaire, le nerf ophtalmique, le nerf alvéolaire inférieur et le nerf alvéolo-mandibulaire. On utilise couramment 1 à 2 ml de lidocaïne avec une aiguille spinale courte (22 G x 11/2" 0,7 x 40 mm) ou une aiguille classique (23 G x 1" 0,6 x 25 mm) (tableau 2). E. TRONCY, N. DISS, P. COUPAT, S. CUVELLIEZ, J.-P. GENEVOIS Anesthésie du nerf infra-orbitaire (V) Technique de l'infiltration locale L’injection se réalise à l’émergence du nerf hors du canal infra-orbitaire (figure 1). Le positionnement de l’aiguille peut se faire par voie intra ou extra-orale. L’aiguille est insérée à 1 cm environ du rebord osseux du trou infraorbitaire. Elle est ensuite avancée dans celui-ci [13, 22]. Les indications sont relatives à l’anesthésie des zones suivantes : lèvre supérieure, toit de la cavité nasale et zone cutanée située en dessous du trou infraorbitaire. Anesthésie du nerf maxillaire (V) L’anesthésie du nerf maxillaire permet d’anesthésier les régions correspondant à l’os maxillaire, aux dents supérieures, au nez et à la lèvre supérieure [17, 22]. L’aiguille est insérée à travers la peau perpendiculairement au plan cutané, puis elle suit une direction médiale, ventralement au processus frontal de l’os zygomatique et approximativement 0,5 à 1 cm caudalement au canthus latéral de l’œil (figure 1 et photo 2a). On injecte la lidocaïne sur la portion verticale de l’os palatin entre le foramen maxillaire et le foramen rond (photo 2b). Anesthésie du nerf ophtalmique (V) L’anesthésie de l’œil, de l’orbite, de la conjonctive et des paupières est obtenue en anesthésiant les branches ophtalmiques du nerf trijumeau (nerfs lacrymal, zygomatique et ophtalmique) [17, 22]. L’aiguille est insérée ventralement à l’os zygomatique, caudalement au canthus latéral de l’œil. Elle doit se situer approximativement 0,5 cm crânialement à la branche montante de la mandibule sous laquelle elle progresse ensuite selon une direction médiodorsale et caudale (figure 1 et photo 3a). Une fois la fissure orbitaire atteinte (photo 3b), l’injection d’anesthésique local engendre également la paralysie du globe oculaire en raison de la proximité des nerfs abducens, oculomoteur et trochléaire. Par ailleurs, il existe d’autres méthodes d’anesthésie du globe oculaire (anesthésies rétrobulbaire et péribulbaire) pour lesquelles le risque d’injection sous-arachnoïdienne ou intravasculaire directe ainsi que d’hémorragie par traversée des gros vaisseaux ophtalmiques ou ciliaires est plus important [6]. Photo 2a. Bloc maxillaire réalisé sur un chat anesthésié pour extraction dentaire. ▼ Carte d'identité de l'animal Nom : Mickette ; sexe : Femelle ; espèce : Féline ; race : Européen croisé Chartreux ; âge : 16 ans ; poids : 3,5 kg. pyrrolate sont injectés simultanément par voie intramusculaire. Dix minutes plus tard un cathéter IV est posé et la zone de prélèvement est préparée chirurgicalement. L’anesthésie locale est réalisée dans un premier temps par une technique d’infiltration intradermique traçante aux quatre points ▼ Cet animal cardinaux entouest arrivé en chirant le ganglion rurgie le (formation de 04/05/99 suite à "boutons derune suspicion de miques" à l’aide lymphome d’1 ml de lidonécessitant une caïne 1p. cent, exérèse du ganphoto 1). Par la glion poplité suite, on comdroit. plète par une Après un bilan Photo 1. Infiltration superficielle et profonde. infiltration prob i o c h i m i q u e Première étape, infiltration intradermique, fonde "en évenpréopératoire, traçante (l’aiguille est enfoncée tangentiellement tail" selon les une forte diminu- dans le derme) provoquant un bouton dermique. quatre points tion d’activité du système d’élimination est mise en évi- précédemment anesthésiés (on pique la dence (urémie à 38 mmol/l et créatiné- peau une fois et on injecte en sousmie à 243 µmol/l fortement augmen- cutanée, 3 à 4 fois en éventail lors de tées) confortant l’utilisation d’une chaque retrait de l’aiguille, 2 ml de lidosimple tranquillisation et d’une anesthé- caïne 1%). L’acte chirurgical a débuté dix sie locale réalisée par infiltration traminutes après cette infiltration et a duré çante. ▼ Pour la prémédication, 30 µg/kg de environ vingt minutes. Aucun signe de médétomidine et 0,01 mg/kg de glyco- douleur n’a été observé. Encadré 1. processus frontal de l'os zygomatique trou infra-orbitaire arcade zygomatique nerf maxillaire nerf ophtalmique nerf alvéolaire inférieur nerf alvéolomandibulaire foramen mentonnier branche montante de la mandibule nerf infra-orbitaire Figure 1. Anesthésie loco-régionale de la tête : placement des aiguilles pour la réalisation des blocs. Photo 2b. Visualisation sur un crâne du trajet de l’aiguille spinale aboutissant entre le trou maxillaire et le trou rond. LE POINT VETERINAIRE, vol. 30, n°201, juillet-août 1999 15 (443) Anesthésie tronculaire des membres Les blocs locaux ou régionaux des membres sont particulièrement utiles pour la réalisation d’actes isolés sur animal tranquillisé (si nécessaire) tels que le retrait d’épillet ou la suture de plaies. Ils sont aussi largement employés pour l’analgésie per et postopératoire qu’ils procurent. oto 3a. Bloc ophtalmique réalisé sur un chat anesthésié pour ucléation de l’œil droit. Bloc circulaire des extrémités Photo 3b. Visualisation sur un crâne du trajet de l’aiguille spinale aboutissant au niveau de la fissure orbitaire. Anesthésie loco-régionale de la lèvre inférieure L’anesthésie loco-régionale de la lèvre inférieure est obtenue en réalisant un bloc du nerf alvéolaire inférieur dont l’émergence (foramen mentonnier) se situe au niveau de la seconde prémolaire, sa localisation percutanée étant aisée (figure 1) [13, 17, 22]. Anesthésie loco-régionale de la mandibule oto 4. Bloc alvéolo-mandibulaire. sualisation sur un crâne du trajet de iguille spinale avec identification du u mandibulaire. Il est possible d’anesthésier la mandibule, en incluant toutes les dents ipsilatérales au site d’injection, la peau, la muqueuse gingivale et la lèvre inférieure [13, 17, 22]. L’injection se réalise à l’entrée de la branche alvéolaire inférieure du nerf alvéolomandibulaire dans le foramen mandibulaire (photo 4) dont on peut généralement palper le rebord. L’aiguille est insérée à l’angle inférieur de la mandibule 0,5 cm rostralement à son processus angulaire, on la fait ensuite progresser de 1 à 2 cm dorsalement le long de la face médiale de la branche mandibulaire (figure 1). Encadré 2. Anesthésie du bloc du plexus brachial ▼ Carte d'identité Nom : Jordy ; sexe : Mâle ; espèce : Canine ; race : Bouvier Bernois ; âge : 5 ans ; Poids : 43 kg. ▼Ce chien a été hospitalisé le 26/02/99 suite à un épanchement pleural. Après cytologie, l’origine tumorale a été confirmée, c’est une histiocytose maligne. ▼ Le 05/03/99 entre 13H15 et 13h30, l’animal a reçu une injection périveineuse d’adriamycine nécessitant un 16 (444) parage chirurgical immédiat de la zone sur l’antérieur droit. L'animal étant dans un état d’apathie important, aucune prémédication a été nécessaire, seul un bloc du plexus brachial a été réalisé. ▼ Cette anesthésie loco-régionale est effectuée à 13h50 à l’aide de 10 ml de bupivacaïne 0,5 p. cent. Vingt minutes plus tard aucun signe de douleur n’est observé lors de stimulation mécanique. Le parage proprement dit peut alors débuter et se terminera à 15H15 sans qu’il ne soit nécessaire de rajouter d’anesthésique. Les blocs circulaires du carpe et du tarse sont faciles à réaliser et assurent une bonne analgésie pendant 6 heures, lors d’onychectomie par exemple [14]. Il suffit d’effectuer une désinfection avec de la chlorexidine ou de la povidone iodée associée à un rinçage à l’alcool. La tonte n’est pas techniquement nécessaire, mais elle facilite dans les premiers temps la reconnaissance des repères. • L’efficacité (rapidité et durée d’action) est maximale avec un mélange de lidocaïne (1,5 à 2 mg/kg) et de bupivacaïne (1,5 à 2 mg/kg) [14, 19]. Le volume total de liquide est divisé par le nombre de doigts à dégriffer. On commence par effectuer une infiltration souscutanée à l’aide d’une aiguille 25 G x 5/8" (0,5 x 16 mm). Pour le membre antérieur, il est nécessaire de bloquer les branches des nerfs radial, médian et ulnaire. Pour cela, le mélange anesthésique est dispersé en 4 à 6 injections traçantes sur la face dorsale du membre dans une direction médiolatérale le long d’une ligne juste proximale au carpe. Il faut ensuite disperser une plus faible quantité d’anesthésique sur la face palmaire entre les coussinets carpiens et métacarpiens. Une technique similaire est utilisée pour le membre postérieur. Bloc du plexus brachial Indications Cette technique d’anesthésie loco-régionale est d’une réalisation extrêmement simple (encadré 2). Ses indications sont essentiellement chirurgicales et concernent toute intervention distale à l’épaule avec une efficacité maximale pour les régions distales au coude [17, 22]. Technique La zone correspondant à l’articulation scapulohumérale est soigneusement tondue. La localisation du site d’injection est facilitée par les repères osseux suivants (photo 5a) : • l’épine scapulaire et l’acromion (en bleu), • le tubercule majeur de l’humérus (en rouge) et • le tubercule supraglénoïdal de la scapula (en vert). La ponction est réalisée avec une aiguille spinale (tableau 2). Elle s’effectue médialement à la jonction scapulo-humérale et à hauteur du tubercule supraglénoïdal. Elle doit être réalisée dans la petite E. TRONCY, N. DISS, P. COUPAT, S. CUVELLIEZ, J.-P. GENEVOIS Photo 5a. Bloc du plexus brachial. Repères osseux : • l’épine scapulaire et l’acromion (en bleu), • le tubercule majeur de l’humérus (en rouge) et • le tubercule supraglénoïdal de la scapula (en vert). dépression créée lors de la manipulation de la tête de l’animal en direction de l’épaule opposée (photo 5b). L’opérateur introduit l’aiguille spinale dans un plan parasagittal, médialement au muscle subscapulaire, dans une direction parallèle à l’axe de la colonne vertébrale, en visant la jonction costochondrale des vertèbres thoraciques (photo 5c). Cette insertion doit se faire sans résistance, l’aiguille ne doit rencontrer aucun obstacle osseux. Une fois l’aiguille suffisamment introduite, c’est-àdire jusqu’à la hauteur de l’épine scapulaire, une aspiration effectuée à l’aide d’une seringue ne contenant pas d’anesthésique permet de contrôler l’absence de ponction vasculaire. Cette vérification effectuée, l’injection peut débuter. Elle doit être réalisée lentement et de façon rétrograde sur le trajet de retrait de l’aiguille avec des aspirations régulières. Par ailleurs, il est également possible de réaliser une anesthésie tronculaire par infiltration directe du (des) nerf(s) rencontré(s) lors du temps chirurgical comme dans les amputations de membre par exemple. Cette manœuvre est particulièrement appréciable et d’ailleurs préconisée depuis plus de 40 ans dans le cadre de la chirurgie atraumatique. Anesthésie épidurale lombosacrée La plupart des études pharmacologiques indiquent une augmentation liée à la dose dans l’efficacité et la durée d’action de produits mais aussi une hausse parallèle de leurs effets secondaires. Lors d’administration par voie épidurale, l’analgésie est obtenue avec de plus faibles doses (donc moindre risque d’effets secondaires). La qualité de l’analgésie après injection épidurale est meilleure, plus longue et à un moindre coût si on la compare aux autres voies parentérales. C’est ici que se situe les centres d’intérêt majeurs de l’analgésie épidurale (tableau 1). L’anesthésie-analgésie épidurale requiert une certaine pratique du manipulateur ainsi que l’utilisation d’un matériel adéquat [3, 24, 25]. L’injection épidurale au niveau de la charnière lombosacrée chez le chien est détaillée par la suite. Photo 5b. Bloc du plexus brachial. Insertion de l’aiguille spinale dans la petite dépression . Rappels anatomiques Le canal rachidien est délimité par les arcs vertébraux et par la face dorsale des corps vertébraux, chacune des vertèbres étant reliées à la précédente par les ligaments vertébraux et par le disque intervertébral. Trois compartiments distincts sont reconnus dans le canal rachidien (photo 6a) [17, 22] : ❶ L’espace sous-arachnoïdien, compris entre la pie-mère (elle-même accolée à la mœlle épinière) et l’arachnoïde. Il renferme le liquide céphalorachidien. ❷ L’espace sous-dural, situé entre l’arachnoïde et la dure-mère. Il est virtuel puisque les deux enveloppes sont solidaires et contient de la lymphe. ❸ L’espace péridural est la partie du canal rachidien située à l’extérieur de la dure-mère. Il renferme du tissu conjonctif qui tapisse intérieurement, sur les côtés les arcs vertébraux, dorsalement le ligament jaune et ventralement les corps vertébraux, ainsi que du tissu graisseux. A la température du corps, la graisse est à l’état semi-liquide. L’espace péridural contient par ailleurs un réseau veineux complexe et particulièrement développé. Dans les zones latérales, l’espace péridural est limité en raison de l’adhérence de la dure-mère au tissu conjonctif, ce qui constitue un compartiment relativement clos. Photo 5c. Visualisation sur un squelette du trajet de l’aiguille spinale et de sa direction vers la jonction costochondrale. L’aiguille doit traverser le ligament jaune sur la ligne médiane pour éviter la ponction des veines péridurales latéro-dorsales. Chez le chien, la mœlle épinière se termine aux alentours de L5-L7 et le cône dural au niveau de L7-S2. La variation des limites selon les auteurs [2, 5] est certainement liée à la variabilité allométrique raciale. Par ailleurs, les dimensions du cône dural au niveau de l’espace lombosacré sont si petites qu’une injection réalisée à cet endroit est toujours extradurale [5]. Techniques d’administration épidurale chez le chien Matériel Pour effectuer une administration épidurale, une dizaine d’aiguilles différentes sont utilisables. Un choix unanime s’est néanmoins fixé sur l’aiguille de Tuohy (taille 17, 18 ou 20 G x 4", 31/2" ou 2" soit 1,4, 1,3 ou 0,9 x 100, 80 ou 50 mm) [3, 15, 24, 26, 29, 30]. LE POINT VETERINAIRE, vol. 30, n°201, juillet-août 1999 17 (445) Photo 6a. Anesthésie épidurale chez le chien. Coupe transversale du canal vertébral. Photo 6c. Anesthésie épidurale chez le chien. Repères osseux Son extrémité distale courbe et émoussée réduit le risque d’une ponction de la dure-mère (photo 6b). Elle est équipée d’un mandrin plus long et affûté qui coulisse facilement, afin de permettre le passage à travers la peau et le tissu souscutané, tout en empêchant l’obstruction de la lumière de l’aiguille par des fragments tissulaires. Ceux-ci risqueraient d’être à l’origine d’une contamination microbienne des zones sousjacentes, voire de l’espace péridural. Photo 6d. Anesthésie épidurale chez le chien. Insertion de l’aiguille de Tuohy 17 G x 4" (1,4 x 100 mm) au niveau de la charnière lombosacrée. Photo 6b. Anesthésie épidurale hez le chien. Matériel nécessaire pour ne injection épidurale unique, avec de gauche à droite et du haut vers le bas : désinfectants, compresses et gants stériles, seringue et aiguille stériles, deuse, solution de NaCl (0,9%) stérile, rphine 1% sans agent de conservation boîte et ampoule isolée), lidocaïne 2% et bupivacaïne 0,5%, seringue à faible résistance, aiguille spinale 22 G x 11/2" 7 x 40 mm) pour les animaux de petite taille et aiguille de Tuohy 18 G x 31/4" (1,3 x 80 mm) avec son stylet partiellement sorti. Une autre repose sur la résistance élastique opposée à l’avancée de l’aiguille de ponction par le ligament jaune et la perte brutale de résistance à la traversée de ce même ligament : c’est la technique de la perte de résistance utilisant soit un mandrin liquide, soit un mandrin gazeux [11]. un contrôle moteur parfait des deux mains de l’opérateur qui assurent l’avancée de l’aiguille et l’identification de l’espace. Il convient d'éviter les mouvements saccadés qui augmentent les risques de ponction duremérienne [11]. Pour l’anesthésiste droitier, le maintien de l’aiguille est réalisé par la main droite. L’aiguille de Tuohy est enfoncée au milieu de l’espace lombosacré perpendiculairement à la ligne médiane du rachis, et dans un plan strictement sagittal, en se servant de l’index gauche comme guide (photos 6d et 6e). La peau ne doit pas bouger afin d’éviter que l’aiguille soit introduite trop loin latéralement et ponctionne un sinus veineux [2, 15]. Après passage des tissus superficiels, l’aiguille de Tuohy est enfoncée par la main droite à une profondeur de 1 à 1,5 cm. Correctement positionnée, elle est fermement maintenue par les ligaments supra et inter-épineux. Le stylet est retiré par la main gauche et une seringue de 7 ml à faible résistance remplie de liquide physiologique isotonique stérile (NaCl 0,9 p.cent) est fixée sur l’aiguille et tenue par la main gauche (photo 6f). Le chien est placé en décubitus latéral et une ventroflexion ouvre l’espace lombosacré. Le repérage constitue le temps crucial de la manipulation et explique, entre autres, les difficultés rencontrées avec les animaux obèses (photo 6c) [2, 30]. On palpe les épines iliaques crâniodorsales (en bleu), le processus épineux dorsal de L7 (trait rouge) et la crête sacrale médiane (ligne rouge). L’asepsie suit les règles de toute procédure chirurgicale, mais la pose d’un champ n’est pas recommandée, car elle nuit aux repères. Cette technique nécessite L’avant-bras droit est en supination, tandis que le poignet est légèrement fléchi, ce qui permet au dos de la main de prendre un solide appui contre le dos de l’animal. L’avancée de l’aiguille est réalisée par de petits mouvements d’extension du carpe et du poignet droit. La seringue est maintenue entre l’index et les trois derniers doigts de la main gauche, pendant que le pouce exerce une pression continue sur le piston, ce qui permet une appréciation tactile de la résistance rencontrée lors de la progression de l’aiguille (photo 6f). Méthode d'injection to 6e. Visualisation sur un squelette rajet de l’aiguille de Tuohy. 18 (446) A la diversité du matériel utilisable s’ajoute celle des méthodes d’identification de l’espace péridural. Une première technique est fondée sur l’existence d’une pression péridurale négative : c’est la technique dite de la goutte pendante où une goutte perlante à l’extrémité proximale de l’aiguille est "aspirée" lors de la pénétration dans l’espace épidural. E. TRONCY, N. DISS, P. COUPAT, S. CUVELLIEZ, J.-P. GENEVOIS Photo 6g. Insertion du cathéter en téflon 20 G x 29" (0,9 x 750 mm) au sein de l’aiguille de Tuohy dans l’espace épidural. Photo 6f. Détermination de l’espace épidural par la technique de la perte de résistance avec mandrin liquide. La résistance est augmentée subitement lorsque l’aiguille pénètre le ligament jaune. Après une avancée de quelques millimètres supplémentaires, une perte de résistance soudaine indique la pénétration dans l’espace épidural. Si du sang ou du liquide céphalo-rachidien (LCR) sort par l’extrémité proximale de l’aiguille, il est nécessaire de stopper la procédure et de la recommencer complètement. Si un peu de sang apparaît dans la seringue lors de l’avancée de l’aiguille, ceci est dû à une position parasagittale de l’aiguille. On peut alors reculer un peu et repositionner correctement l’aiguille avant de poursuivre. Lors de la deuxième situation (apparition de LCR), on peut aussi administrer 50 p.cent de la dose originale dans l’espace sous-arachnoïdien pour réaliser une rachianesthésie [24]. Si un cathéter entré par l’aiguille pénètre sans difficulté dans l’espace, la détermination de l’espace épidural est assurée. De plus, l’avancée du cathéter précise le lieu d’injection en prenant soin de mesurer la longueur du cathéter rentrée (photo 6g). Le cathéter prévient aussi le passage intraveineux accidentel du médicament et facilite la gouverne de l’analgésie, puisque celle-ci peut être prolongée par des réinjections. De taille 20 G x 29" (0,9 x 750 mm), le cathéter ne peut être mis en place que si la localisation première s’est faite à l’aide d’une aiguille de Tuohy 17 ou 18 G. L’injection dans le site épidural se déroule lentement en 20 à 30 secondes. Complications Les complications de cette technique sont rares chez le chien. Les limites anatomiques réduisent le risque de perforation de la dure-mère, d’injection sous-durale accidentelle et de lésions nerveuses. Un risque minime d’infection à long terme avec les cathéters épiduraux a été démontré. La première raison est que l’espace épidural est richement vascularisé, aussi les éventuelles bactéries sont donc tuées très promptement par les leucocytes. En second, les filtres placés sur certains cathéters (Perifix ® , B.Braun) retiennent presque tous les microbes (photo 6h). Enfin, il est possible que certains produits injectés aient une activité bactériostatique. Toutefois, en raison d’une réaction fibrotique importante en réponse à la présence de ce corps étranger, il n’est pas conseillé de conserver le cathéter épidural installé plus de 3 à 4 jours [4]. Photo 6h. Système d’injection pour une analgésie épidurale continue visualisant de gauche à droite : seringue remplie de morphine et de bupivacaïne, filtre antimicrobien, connecteur à cathéter, cathéter en téflon. Particularités chez le chat Chez le chat, la moelle épinière se termine entre L7 et S3. A la différence du chien pour cette localisation, il existe donc un risque réel de perforation de la dure-mère et d’administration sousarachnoïdienne [9, 10]. En cas de positionnement sous-arachnoïdien , il convient de diviser par deux la dose de produit(s) à injecter pour effectuer une rachianesthésie sans risque d’arrêt cardiorespiratoire accidentel. Encadré 3. Anesthésie épidurale chez le chat ▼ Carte d'identité Nom : Arthur ; sexe : Mâle ; espèce : Féline ; race : Européen ; âge : 2 ans ; poids : 4 kg. ▼Ce chat est arrivé en chirurgie le 09/03/99 en état de choc septique provoqué par un phlegmon en région périnéale. ▼ L’injection épidurale de morphine à 0,25 mg/kg (soit 0,1 ml) combinée à un anesthésique local, la bupivacaïne à 0,5% à raison de 1 mg/kg (soit 0,8 ml), permit d’obtenir une anesthésie suffisante pour effectuer ce débridement d’abcès en diminuant la concentration d’halothane (et donc les risques de dépression cardiorespiratoire) à 0,5 à 0,75 p. cent. Suite à une prémédication au diazépam ▼ L’acte opéra(0,3 mg/kg en IV), et toire a duré 1 heure une induction au thioet demi et l’analgépental (5 mg/kg en sie obtenue par IV), l’animal est l’administration épiintubé et l’entretien de l’anesthésie est Photo 7. Phlegmon en zone périnéale durale a été efficace pendant toute la réalisé par de l’halo- en voie de régression sur un chat journée, le relais a thane à la dose de analgésié par une injection épidurale été pris par la suite 1 p. cent. Une injec- lombosacrée et un dispositif par un dispositif tion épidurale est transdermique de fentanyl. transdermique de réalisée vingt minutes après l’induction à l’aide fentanyl mis en place pour dix jours. La d’une aiguille spinale (22 G x 11/2" 0,7 récupération postopératoire a été fortex 40 mm) introduite entre les ver- ment facilitée par la thérapie analgésique optimale (photo 7). tèbres L7 et S1. LE POINT VETERINAIRE, vol. 30, n°201, juillet-août 1999 19 (447) Anesthésie épidurale chez le chien duite entre L7 et S1, ▼ Carte d'identité un cathéter épidural a Nom : Pinkie ; été mis en place sexe : Femelle ; (photo 8) pour injecespèce : Canine ; ter 0,1 mg/kg de morrace : Croisé ; phine. Huit heures âge : 13 ans ; après, une injection poids : 6 kg. de bupivacaïne à 1 Cette chienne a été mg/kg et de morhospitalisée pour phine à 0,2 mg/kg a effectuer une ovarioété effectuée, la chihystérectomie suite à rurgie étant prévue un diagnostic de pyodans un délai de 60 mètre. L’animal est minutes. Le bloc arrivé en chirurgie moteur des membres dans un état d’abattepostérieurs était ment très important effectif, mais la sensi(apathie, hypothermie, bilité abdominale toudéshydratation de 8 à jours présente nous a 10%). De plus, le bilan obligés à suivre un biochimique préopéPhoto 8. Mise en place d’un dispositif protocole d’anesthératoire a mis en évi- d’analgésie épidurale continue sur sie classique à doses dence une augmenta- une chienne consciente. diminuées : prémédition des valeurs des concentrations sanguines des enzymes cation IV avec glycopyrrolate (0,0025 hépatiques (PAL = 1604 UI/l) ainsi que mg/kg) et midazolam (0,25 mg/kg), de l’urémie (43 mmol/l) et de la créati- induction IV avec propofol (2,6 mg/kg) et entretien de l’anesthésie à l’halonémie (232 µmol/l). thane (0,75 -1,25%). Le lendemain, l’anesthésiste a répété ▼ Dans le protocole de stabilisation pré-opératoire, il a été décidé d’asso- l’injection épidurale de morphine (0,2 cier à la fluidothérapie une analgésie mg/kg) diluée dans 4 ml de NaCl stépar voie épidurale. Sans prémédication, rile (0,9%), puis a retiré le cathéter épià l’aide d’une aiguille de Tuohy intro- dural. De façon indirecte, elle réduit les soins postopératoires à apporter à l'animal en matériel et en main d’œuvre et constitue une alternative séduisante pour limiter les manipulations des animaux extrêmement agressifs. Inconvénients Les effets secondaires sont possibles (tableau 1) mais n’ont été que très rarement rencontrés dans notre expérience clinique [28]. De plus, ils sont contrôlables par l’utilisation : • d’antagonistes : naloxone 40 microg/kg IV, • de support cardiovasculaire : anticholinergiques, fluides, cardiotoniques, vasopresseurs, etc., • de support respiratoire : intubation et ventilation mécanique • de support urinaire : cathéter. Si un cathéter épidural est utilisé, un soin particulier doit aussi être apporté à sa protection. Encadré 4. De plus, il est difficile pour les animaux de petite taille d’apprécier le passage à travers le ligament jaune qui constitue le plafond du canal vertébral [25]. Il convient d’utiliser pour le repérage de l’espace péridural soit une aiguille spinale (22 G x 1 1/2" 0,7 x 40 mm) qui permettra une injection unique, soit une aiguille de Tuohy (20 G x 2" 0,9 x 50 mm) qui permet le passage d’un cathéter péridural (24 G x 29" 0,6 x 750 mm) et l’instauration d’une anesthésie-analgésie épidurale continue. Pour ce faire, on peut utiliser un set pédiatrique (Perifix Paed®, B. Braun) qui contient tous les éléments nécessaires à sa réalisation (encadré 3). Choix de la molécule En raison de leur durée d’action, nous privilégions l’utilisation de chlorhydrate de morphine (Morphine Lavoisier ® 1 p.cent) sans agent de conservation, à 0,1 à 0,3 mg/kg dilué dans 0,2 ml/kg de liquide physiologique isotonique ou mélangé à un anesthésique local, préférentiellement la bupivacaïne (1 mg/kg), pour un volume total maximal de 6 ml. Avantages de l’anesthésie-analgésie épidurale Les avantages de l’anesthésie-analgésie épidurale effectuée en période préopératoire sont : • l’injection épidurale permet l’installation d’une analgésie préventive particulièrement importante 20 (448) pour les animaux susceptibles de développer une hypersensibilisation centrale, source de réponses hyperalgésiques, et qu’un traitement antalgique postopératoire ne peut contrer seul [31] ; • elle réduit de 40 à 70 p.cent les besoins en agents anesthésiques : effet synergique, potentialisateur [19] ; • elle apporte, outre une analgésie de longue durée (entre 10 et 24 heures), une excellente myorésolution • elle accélère la phase de récupération [27] ; • elle est relativement peu onéreuse et la technique est rapidement maîtrisée. Les autres inconvénients potentiels liés à la technique sont : • les risques de dommages aux méninges, aux racines nerveuses, voire à la moelle épinière (si manipulation traumatique) [21] ; • les risques d’inflammation, facilités par l’emploi d’agents de conservation associés aux analgésiques, et d’infection (si manipulation non stérile) [21] ; • les problèmes reliés à tout cathéter (pliure, déplacement, blocage par la fibrine) ; • une repousse du poil parfois lente en zone dorsolombaire et dont il convient de prévenir le propriétaire [24, 28]. Indications et contre-indications Les indications de l’épidurale lombosacrée sont des animaux en dépression sévère, en état de choc, ou qui nécessitent une chirurgie immédiate des régions postérieures (encadrés 3 et 4) ; les animaux à haut risque, âgés, ou pour qui l’utilisation d’autres analgésiques ou agents anesthésiques est contre-indiquée. Les procédures spécifiques regroupent l’amputation de la queue, l’ablation du sac anal ou une chirurgie périanale, les lacérations, fractures (fémur, tibia), corrections orthopédiques (ligament croisé, luxation de la rotule, luxation coxofémorale, arthroplastie, arthrotomie, triple ostéotomie du bassin, prothèse totale de hanche, etc.) en région posté- E. TRONCY, N. DISS, P. COUPAT, S. CUVELLIEZ, J.-P. GENEVOIS peau tissu sous-cutané muscles intercostaux côte espace sous-costal artère, nerf et veine intercostaux poumon plèvre pariétale aiguille de Tuohy cathéter espace interpleural plèvre viscérale rieure, le traitement d’urolithiases, toute chirurgie abdominale, l’hystérotomie et autres manipulations obstétricales, ainsi que les procédures chirurgicales de la queue, du périnée, de la vulve, du vagin, du rectum, du système urinaire [28]. Les contre-indications sont limitées à la présence de choc hypovolémique, septicémie, coagulopathie, traumatisme dans la zone lombosacrée et d’infection des tissus environnants cette zone. Anesthésie loco-régionale du tronc Des analgésies péridurales hautes sont réalisables chez le chien et chez le chat où l’on utilise uniquement des morphinomimétiques en raison du risque important de dépression respiratoire par paralysie des muscles respiratoires induite par les anesthésiques locaux. Le passage intervertébral est plus difficile en raison du chevauchement des processus articulaires. Cette technique n'est pas détaillée dans cet article. Bloc nerveux intercostal Cette technique est indiquée pour la réalisation d’analgésie per- et post thoracotomie, lors de drainage pleural et de fractures de côtes [17, 22]. Ce type de bloc est contre-indiqué pour les animaux atteints de troubles pulmonaires, et ceux ne pouvant rester sous surveillance pendant les heures suivant sa réalisation, en raison des risques de pneumothorax. On le réalise sur deux espaces intercostaux adjacents au minimum, centrés sur le site d’incision ou de trauma en raison du chevauchement des innervations. L’aiguille est positionnée caudalement au bord de la côte à proximité du foramen intervertébral. Figure 2. Réalisation d’une analgésie interpleurale régionale (d'après [17]). La douleur post-thoracotomie est généralement controlée pendant 3 à 6 heures [23]. On utilise de la bupivacaïne dont la dose totale utilisée ne doit pas dépasser 3 mg/kg car cette technique provoque des concentrations sanguines d’anesthésiques importantes [22]. Les avantages de cette technique résident dans la précision de la zone anesthésiée (d’autant plus que les nerfs intercostaux peuvent être visualisés à travers la plèvre pariétale lors de la thoracotomie), dans l’analgésie et l’absence d’effets dépresseurs respiratoires. Analgésie interpleurale régionale Les indications de cette technique sont nombreuses bien que son mécanisme d’action ne soit pas clairement élucidé. On l’utilise lors de thoracotomie, fractures de côtes, mastectomie, pancréatite chronique, cholecystectomie, chirurgie du rein, tumeur abdominale, de la paroi thoracique, de la plèvre et du médiastin. Plusieurs hypothèses quiconcernent son mode d’action ont été proposées : diffusion rétrograde de l’anesthésique à travers la plèvre pariétale, ce qui provoque un bloc intercostal, bloc unilatéral de la chaîne thoracique sympathique et des nerfs splanchniques, diffusion de l’anesthésique au plexus brachial ipsilatéral [17, 22]. Le cathéter est placé dans l’espace interpleural avant la fermeture de la thoracotomie ou à travers la peau (figure 2). Sur un animal tranquillisé, on réalise préalablement une anesthésie locale (1 à 2 ml de lidocaïne 2%, aiguille 20-22 G x 1-2" soit 0,90,7 x 25-50 mm) de la peau, du tissu sous cutané, du périoste, sur le bord caudal de la côte. On utilise une aiguille de Tuohy 18 G x 31/4" (1,3 x 80 mm) pour identifier l’espace interpleural à l’aide de la technique de la goutte pendante ou de la perte de résistance, et placer le cathéter dans l’espace interpleural. On fait progresser le cathéter jusqu’à la zone désirée et l’on retire l’aiguille de Tuohy. Lors de thoracotomie, le cathéter est placé de la même manière en insérant l’aiguille de Tuohy deux LE POINT VETERINAIRE, vol. 30, n°201, juillet-août 1999 21 (449) Points forts à retenir ◆ Les anesthésies tronculaires de la tête, associées à une tranquilisation de l'animal, permettent d'obtenir une analgésie périopératoire puissante, en faveur de la complète réussite de l'intervention. ◆ Le bloc du plexus brachial est indiqué pour toute chirurgie du membre distale à l'épaule, et en particulier au coude. ◆ La réalisation d'une anesthésie épidurale lombo-sacrée per opératoire instaure une analgésie préventive très importante, réduit les besoins en anesthésique général et accélère la phase de récupération. espaces intercostaux caudalement à la plaie et en rétractant le poumon. La mise en place du cathéter se réalise alors sous contrôle direct de la vision. Dans ce cas, l’anesthésique local est injecté 1 à 2 minutes avant de recréer le vide pleural. Un drain thoracique pour l’évacuation de l’air peut être aussi utilisé comme cathéter interpleural. Les avantages de cette technique sont sa simplicité, l’utilisation d’une seule voie (par rapport à plusieurs bloc intercostaux), la durée de l’analgésie provoquée (3 à 12 heures [23], voire 48 heures chez l’Homme [18]) et la possibilité d’utiliser un cathéter sur plusieurs semaines. Les complications possibles concernent les risques d’infection, les parésies et paralysies du nerf phrénique, les risques de concentration sanguine de l’anesthésique et les défauts de placement du cathéter (pneumothorax, analgésie de mauvaise qualité, saignements intrapleuraux), mais ne se rencontrent pas lors de mise en place correcte du cathéter. Conclusion Dans ce manuscrit, nous avons tenu à présenter au vétérinaire exerçant dans le domaine des animaux de compagnie un inventaire de Références 1 - BLASS CE, SHIRES PK. Respiratory paralysis secondary to epidural anesthesia in a dog, J. Am. Vet. Med. 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En effet, à cause des risques associés, elles requièrent un manipulateur expérimenté ou un environnement hospitalier important. En raison du manque de docilité de ses animaux, le vétérinaire praticien est habitué à recourir classiquement à l’anesthésie générale. Nous espérons lui avoir précisé les nombreuses indications des techniques exposées, en ce qui concerne l’analgésie périopératoire ou l’anesthésie loco-régionale quipermet des actes sur des animaux conscients ou simplement tranquillisés. Finalement, à en constater la facilité avec laquelle nos collègues ont adopté ces techniques au sein de notre institution, il ne nous reste qu’à souhaiter qu’il en soit de même au sein de vos structures privées. ■ l’anesthésie épidurale. Dans : Précis d’anesthésie loco-régionale. Paris, Masson. 1988:213-223. 12 - GROSS ME. Recent developments in epidural anesthesia/analgesia for dogs and cats. Proc. Am. Anim. Hosp. 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