[1r° : 1] Madrid F. Séville – La Florida – Chère Madame, Je reçois à l

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[1r° : 1] Madrid F. Séville – La Florida – Chère Madame, Je reçois à l
Lettre de Félicien Rops à [Claire] [Donnéa de]. Séville,
1880/03/00. Province de Namur, musée Félicien Rops, LEpr/199
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[1r° : 1]
Madrid
F.
Séville – La Florida –
Chère Madame,
Je reçois à l’instant ici au fond du nid de fleurs où m’ont jeté mes destinées errantes, une lettre
de vous, bien charmante & dans laquelle vous me faites le plaisir de me demander un « exlibris » pour un de vos amis. Cette lettre adressée à Paris, rue Mosnier 17 ou je n’habitais
plus, lorsque la lettre est arrivée, a été adressée par la portière à mon atelier rue Labie où je
n’habitais pas encore ! Comme il n’y a pas de concierge rue Labie, le facteur du quartier l’a
retournée au bureau Central. Lorsque je suis parti pour l’Espagne j’ai écrit au bureau Central
de Paris de me faire adresser toutes mes lettres à Lérida chez un ami à moi où elle est arrivée
un beau jour. Suivant ma louable habitude & fort agréable d’ailleurs, de faire toujours le
contraire de ce que je projette, je ne suis pas allé à Lérida. – Mon ami Barado ne me voyant
pas arriver à Lérida a envoyé la lettre à Valence où j’étais. Elle a couru après moi de Valence
à Cartagène de Murcie à Madrid de Madrid à Grenade de Grenade à Malaga, de Malaga à
Séville, elle a été ouverte deux fois ! Comme très malheureusement elle ne renfermait pas de
secrets cela n’a pas d’importance.
– Je ferai à mon retour à Paris ( : 13 rue Labie Porte Maillot) tout ce qui peut vous être
agréable & l’éventail que je vous dois – ô honte – depuis si longtemps ! mais
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ici je n’ai rien de mon horrible matériel de graveur. On ne fait pas d’eau-forte ici, Chère
Madame, on caresse le sein des guitares & l’on baise la main aux dames, ce qui vous autorise
à m’appeler : Don César De Baisant ! –
Séville est un de ces coins de terre où l’on voudrait ne pas mourir. Si vous croyez que je vous
oublie, détrompez vous Chère Madame & amie, je n’oublie jamais les vraies femmes que
j’ai eu le bonheur de rencontrer dans la Vie. Bien souvent votre fine silhouette de Parisienne
exilée est venue, à l’heure douce que l’on appelle ici : « Chiquita Noche » & chez nous «
chien chien & loup » se profiler dans les roses qui grimpent jusqu’au plafond de l’atelier.
C’est une heure délicieuse à Séville, l’air frais du Guadalquivir entre par les miradores & le
soleil se couche la bàs dérobant dans le pourpre & dans l’or les baisers qu’il donne à la Terre.
– Le modèle, la Gitana, ou la Maja qui a posé de la journée, redevenue libre, a décroché la
Guitare & vous joue une de ces malagueñas rêveuses que les Arabes ont laissé à l’Andalousie
comme ces voyageurs des Contes qui sèment les diamants sur leurs routes. – Vraiment, l’on
sent alors la vie forte, grande, libre que j’ai toujours cherchée, vous battre aux artères. – L’on
vit.
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Lettre de Félicien Rops à [Claire] [Donnéa de]. Séville,
1880/03/00. Province de Namur, musée Félicien Rops, LEpr/199
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Vous êtes musicienne, je vous rapporterai à Bruxelles un de ces cahiers de malagueñas qui
se vendent ici & vous comprendrez non pas la musique Espagnole mais la vraie musique
Andalouse, ce qui vaut mieux. – Vous n’avez pas Séville ni les palmiers ni les rosiers fous,
ni le Soleil d’Afrique mais vous avez le bonheur & cela remplace tout. Avec la permission
de Léon je baise en Sévillan que je suis, & en artiste, & en amoureux de jolies choses, vos
fines mains de marquise qui feraient ici s’envoler les Sonnets dans le ciel bleu, & (rien qu’en
se montrant) vibrer tous les cœurs & toutes les guitares de Séville à Alicante. Et il y en a
formidablement des cœurs & des guitares ! lés uns chatouillant les autres !
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Rappelez moi Chère Madame & amie au gracieux souvenir de Madame votre Sœur, & à
Léon, ce gros heureux, et jalousé ! une bonne vieille poignée de main de son ami, – & du
vôtre n’est ce pas ?
Félicien Rops
chez M Araujo, artiste peintre À la Florida – Puerta de Carmona
Séville. (Espagne.)
P.S. J’ai loué ici avec un de mes amis un atelier & je crois bien que je vais habiter Paris &
Séville alternativement à moins que le diable, mon ange gardien n’en décide autrement. Que
voulez vous mes défauts m’empêchent de vieillir.
« Tant que l’on espère, on ne vieillit pas » et j’espère toujours ! Quoi ? Je n’en sais rien. Si
vous le savez vous me le direz, vrai ?
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Lettre de Félicien Rops à [Claire] [Donnéa de]. Séville,
1880/03/00. Province de Namur, musée Félicien Rops, LEpr/199
Nom - expéditeur:
Nom - destinataire:
Lieu - de rédaction:
Date:
Rops Félicien
[Donnéa de] [Claire]
Séville
entre [1880/03]/00 et [1880/04]/00
Type de document:
Lieu de conservation:
Collection / Département:
N° d'inventaire:
Mesures:
Datation:
Lettre
musée Félicien Rops
Province de Namur
LEpr/199
201mm x 249mm
Rops voyage en Espagne entre mars et avril 1880.
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