Diagnostic et traitement des tumeurs kystiques de la
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Diagnostic et traitement des tumeurs kystiques de la
Progrès en Urologie (1996), 6, 940-943 Diagnostic et traitement des tumeurs kystiques de la surrénale. A propos de 2 observations Laurent WAGNER, Maxime ROBERT, Antoine FAIX, François IBORRA, Jacques GUITER Service d’Urologie, Hôpital Lapeyronie, Montpellier, France OBSERVATIONS RESUME Deux observations de tumeurs kystiques sont rapportées. La première concerne un pseudo kyste hémorragique de la surrénale droite découvert lors du bilan étiologi que d’une HTA rebelle au traitement médical. Les dosages p lasmatiques et urinaires ne révélaient pas d’anomalie évocatri ce d’une tum eur surrénalien ne sécrétan te. L’iconographie (échographie, TDM et IRM) étai t en faveur d’une tumeur maligne nécrosée et une scintigraphie normale (MIBG iode 131) éliminai t un phéochromocytome. La surrénalectomie, réali sée par laparotomie sous-costale, a été facile et ses suites ont été très simpl es. La seconde correspond à un kyste surrénalien droit détecté fortuitement lors d’une échographie. Le bilan biologique ne mettait en évidence qu’une discrète élévation de la métadrénaline urinaire et l’aspect iconographique (TDM et IRM) n’était pas évocateur d’une lésion maligne. Une simple surveillance tomodensitométrique annuelle a été décidée. Les différents types anatomo-pathologi ques des rares lési ons k ystiques de la surrénale sont envisagés et notamment l eurs modalités diagnostiques et thérapeutiques. Mots clés : Surrénale, tumeurs, kystes. Progrès en Urologie (1996), 6, 940-943. Les kystes de la surrénale représentent une pathologie classiquement rare dont l’incidence a cependant nettement augmenté depuis l’avènement de l’échographie et de la scannographie, régulièrement impliquées dans la découverte fortuite de lésions cliniquement asymptomatiques. Malgré des techniques d’imagerie médicale de plus en plus sophistiquées le diagnostic de ces tumeurs bénignes demeure souvent problématique et des interventions exploratrices sont fréquemment indiquées [1, 2, 3, 6, 7, 11, 13, 14, 15]. Sur la base de deux observations, nous nous sommes donc intéressés à la prise en charge actuelle des lésions kystiques de la surrénale. Cas n°l Madame VEL. Andrée, âgée de 65 ans, présentait depuis 1986 une hypertension artérielle révélée par des épisodes vertigineux et traitée par captopril puis aténolol. En septembre 1994, un échappement thérapeutique avec majoration de l’HTA, motive la réalisation d’explorations complémentaires à visée étiologique. L’examen clinique révèle un surpoids modéré (70 kg pour 1,63 m), une pression artérielle à 21/10 mm Hg et un contact lombaire droit. L’échographie n’objective pas d’anomalie rénale patente mais visualise, entre le pôle supérieur du rein droit et le foie, une masse hétérogène compatible avec une lésion surrénalienne. (Figure l). La scannographie confirme l’existence d’un processus expansif surrénalien droit, d’environ 10 cm de diamètre, de forme arrondie et de contours réguliers. Aucun signe d’extension locale ou régionale n’apparait et en particulier d’adénomégalie rétropéritonéale. Un plan de clivage net persiste, notamment avec le parenchyme hépatique. Cette lésion est hétérogène avec des calcifications de petite taille et une zone centrale évocatrice de nécrose. La veine cave inférieure est refoulée par cette formation mais demeure perméable. La surrénale controlatérale est normale de même que le parenchyme hépatique. En IRM, cette masse surrénalienne présente un signal hét érogène avec un hypersignal central sur les séquences pondérées en T2, cet aspect étant fortement évocateur d’une lésion tumorale nécrosée. Les dosages biologiques, plasmatiques et urinaires, (hormones surrénaliennes, dérivés stéroidiens et métabolites des catécholamines) n’ont pas mis en évidence d’anomalie évocatrice d’une tumeur sécrétante. La scintigraphie (MIBG Iode 131) ne visualise aucun foyer d’hyperfixation et permet d’éliminer un phéochromocytome. Manuscrit reçu : avril 1995, accepté : juin 1995. Adresse pour correspondance : Dr. M. Robert, Service d’Urologie, Hôpital Lapeyronie, 371, avenue Doyen Gaston Giraud, 34295 - Montpellier Cedex. 940 Figure 1. Echographie abdominale : volumineux syndrome tumoral prolongeant le pôle supérieur du rein droit. Figure 2. Coupe anatomo-pathologique (coloration adénosineéosine, G*25) : pseudokyste surrénalien avec une coque sclérohyaline en tourant un matériel nécrotico-h émorragique et refoulant en périphérie le tissu cortico-surrénalien. La scannographie confirme la présence d’un nodule hypodense surrénalien droit, de contours réguliers et d’un diamètre maximal de 32 mm. Cette lésion ne fait l’objet d’aucun rehaussement suspect après injection de produit de contraste (Figure 3). Biologiquement les hormones surrénaliennes plasmatiques sont normales de même que leurs dérivés méthoxylés urinaires. Concernant les métabolites des catécholamines, la métadrénaline urinaire est normale mais la normétadrénaline est discrètement élevée (374 µg/l). Figure 3. Scannographie abdominale : nodule surrénalien hypodense de 32 mm de diamètre maximal. La symptomatologie clinique et iconographique étant en faveur d’une tumeur maligne nécrosée, une surrénalectomie droite réglée est décidée. Une laparotomie sous-costale permet l’exérèse facile d’une surrénale de 580 grammes correspondant essentiellement à une volumineuse tumeur arrondie et bien limitée, d’aspect nécrotico-hémorragique à la coupe. L’examen anatomo-pathologique est caractéristique d’un pseudo-kyste nécrotico-hémorragique dont l’étiologie est cependant indéterminée (Figure 2). Les suites opératoires sont simples et, avec un recul de 3 mois, la patiente présente une HTA modérée (16/9 mm Hg), bien contrôlée par un traitement bêta-bloquant (aténolol). Cas n° 2 Ce bilan étant en faveur d’un kyste simple de la surrénale, une surveillance annuelle est décidée. En juillet 93, les examens biologiques, plasmatiques et urinaires, ainsi que la tomodensitométrie n’objectivent aucun signe d’évolutivité pathologique mais la normétadrénaline urinaire demeure légèrement augmentée (381 µg/l). En novembre 94, la pression artérielle est à 15/9 et les explorations biologiques ou scannographiques sont comparables aux examens précédents. Ce bilan est cependant complété par une scintigraphie (MIBG Iode 131) et une IRM de la surrénale. En l’absence de fixation surrénalienne, la scintigraphie permet d’écarter formellement un phéochromocytome. L’IRM retrouve une lésion tumorale surrénalienne droite de 3 cm de diamètre, de signal interrnédiaire en T1 et T2. Ces explorations confirmant l’orientation diagnostique préalable, la surveillance inialement programmée est poursuivie. DISCUSSION Mme. PER. Martine, âgée de 43 ans, a des antécédents de lombalgies gauches isolées évoluant depuis plusieurs années. Anatomo-pathologie [1, 2, 3, 7, 13, 14] Une échographie rénale révèle, en 1992, un petit rein gauche de pyélonéphrite chronique ainsi qu’une lésion surrénalienne droite d’allure kystique. Les kystes de la surrénale sont le plus souvent unilatéraux sans prédominance droite ou gauche mais des séries autopsiques ont révélé jusquà 8% de formes bila- 941 térales. Leur volume est extrêmement variable et leur diamètre peut atteindre 12 cm. Sur le plan histologique, quatre types principaux sont distingués: • les kystes parasitaires (7% des cas) correspondent à une localisation de l’hydatidose qui est exceptionnellement isolée. Le diagnostic est assuré par la mise en évidence dans le kyste du parasite ou de ses constituants et notamment du scolex ou de la membrane proligère. • les kystes épithéliaux (9 % des cas) ont un revêtement de type épithélial mais leur étiopathogénie demeure controversée. Une origine embryonnaire est cependant fréquemment invoquée, les collections développées au sein des adénomes surrénaliens correspondant plutôt à des pseudo-kystes. • les pseudo-kystes (39 % des cas) se caractérisent par une paroi fibreuse sans structure épithéliale ou endothéliale. Ces lésions relèvent potenti el lement de diverses étiologies et en particulier de processus hémorragiques, ischémiques ou infectieux voire de phénomènes de dégénérescence tumorale. Leur volume et leur hétérogénéité pénalisent le diagnostic différentiel par rapport aux tumeurs malignes nécrosées. • les kystes endothéliaux (45 % des cas) ont un revêtement endothélial et un contenu chyleux ou hématique, avec des calcifications dans 15% des cas. Les lymphangiomes sont nettement plus fréquents que les angiomes. Ces lésions correspondent classiquement à des hamartomes mais peuvent aussi témoigner d’une stase lymphatique ou vasculaire. Diagnostic Présents à tous les âges de la vie et notamment chez le nouveau-né au décours d’accouchements difficiles, les kystes de la surrénale se caractérisent par un pic de fréquence entre 50 et 70 ans ainsi que par une nette prédominance féminine (2 à 3 pour 1). Actuellement, ces tumeurs sont le plus souvent asymptomatiques au moment du diagnostic mais certaines formes volumineuses ou compliquées peuvent se traduire par des douleurs abdominales, un syndrome tumoral cliniquement perceptible ou un tableau septique voire un état de collapsus. Classiquement très rare, l’association d’une HTA tend à augmenter, probablement en raison des modalités modernes d’exploration de cette pathologie. Malgré quelques cas de normalisation tensionnelle après surrénalectomie ou kystectomie, la relation pathogénique demeure discutée et les association fortuites sont vraisemblablement prédominantes [1, 2, 3, 4, 6, 7, 11, 13, 14, 15]. Le diagnostic des kystes surrénaliens peut résulter d’un faisceau d’arguments iconographiques et biologiques mais n’est souvent confirmé qu’au moment de l’examen anatomo-pathologique de la pièce opératoire. Les dosages, plasmatiques ou urinaires, d’hormones surrénaliennes et de leurs dérivés stéroïdiens ou de métabolites des catécholamines sont systématiques mais leur normalité ne permet pas d’éliminer formellement une tumeur sécrétante et en particulier un phéochromocytome [4, 14]. L’UIV n’est pas formellement indiquée mais peut mettre en évidence des calcifications, classiquement périphériques et curvilignes, ou un refoulement vers le bas des cavités pyélo-calicielles. L’échographie est un excellent examen de dépistage ou de confirmation de la nature liquidienne d’une lésion découverte en scannographie. Elle est peu contributive en cas de remaniements hémorragiques et les petits kystes sont souvent inapparents. La topographie surrénalienne de volumineuses lésions peut être difficile à préciser [2, 6]. Actuellement, la tomodensitométrie représente l’examen de référence en matière d’imagerie de la surrénale. Sa sensibilité est remarquable mais sa spécificité est relativement limitée. En l’absence de signe de dissémination patent, un volume tumoral important (diamètre ≥ 6 cm) est en effet le principal élément de présomption en faveur d’une néoplasie maligne. Les kystes simples ont un aspect hypodense caractéristique mais les formes compliquées ou atypiques sont difficiles à distinguer des tumeurs nécrosées [4, 5, 6, 8, 9, 14, 15]. En IRM, les adénomes se caractérisent par un hyposignal homogène, les phéochromocytomes par un hypersignal en T2 ou en T1 après injection de gadolinium et les kystes par un signal homogène, hypo-intense en T1 et hyper-intense en T2. L’interprétation des très fréquents signaux intermédiaires est par contre délicate [5, 6, 10]. Les performances de l’imagerie moderne et en particulier de la scannographie ont progressivement marginalisé la phlébographie ainsi que l’artériographie qui tend à être réservée aux tumeurs dont l’exérèse est problématique. La scinti graphi e à la mono-iodobenzylguanidine (MIBG) complète par contre utilement le bilan radiographique afin d’éliminer une tumeur chromaffine dont la sécrétion n’aurait pu être mise en évidence par les examens biologiques [9, 14]. La ponction sous contrôle iconographique n’est envisageable qu’après avoir formellement éliminé un kyste hydatique ou un phéochromocytome. Son rendement est extrémement variable selon les séries et seuls les recueils de liquide limpide sans anomalie cytologique permettent d’envisager une attitude abstentionniste, sous réserve cependant d’une stricte surveillance évolutive [4, 5, 6, 8, 12, 14]. Traitement Certains pseudo-kystes traduisant une dégénérescence tumorale, la bénignité des kystes de la surrénale n’est 942 que relative et leur prise en charge doit donc être particulièrement prudente. Les formes cliniquement symptomatiques, sécrétantes ou parasitaires relèvent d’une exérèse chirurgicale sous la forme d’une simple kystectomie ou, plus fréquemment, d’une surrénalectomie [1, 3, 5, 10, 13, 15]. La gestion des lésions kystiques asymptomatiques est similaire à celle des autres incidentalomes de la surrénale et dépend donc principalement de leur taille. Le diamètre seuil, au-delà duquel une attitude interventionniste est recommandée, varie de 3 à 6 cm et l’intérêt d’une ponction percutanée préalable à l’exploration chirurgicale demeure controversé. Une option attentiste impose une surveillance stricte et essentiellement basée sur la tomodensitométrie, la mise en évidence d’une évolutivité lésionnelle représentant un argument majeur en faveur d’une prise en charge plus radicale [4, 5, 6, 8, 9, 14]. La voie d’abord chirurgicale dépend essentiellement du contexte pathologique et plus accessoirement de la morphologie du sujet. Les lésions bénignes sont ainsi généralement accessibles par lombotomie, verticale postérieure ou intercostale. Les suspicions de phéochromocytome justifient par contre de larges voies d’abord et en particulier des thoracophrénolaparotomies afin d’éviter toute manipulation surrénalienne intempestive. Les lésions évocatrices d’un cortico-surrénalome nécrosé sont souvent abordées par laparotomie, notamment sous-costale, afin de faciliter l’exposition et l’exérèse tumorale. 5. DUCLOS J.M. Conduite à tenir devant un incidentalome. Prog. Urol., 1993, 3, 474-483. 6. FERRIERE J.M., PIECHAUD T., GASTON R., VALETTE J.M., GRENIER N., LE GUILLOU M. Les tumeurs de la surrénale apparemment isolées. A propos de douze cas opérés. Ann. Urol., 1988, 22, 95-97. 7. GHANDUR-MNAYMNEH L., SLIM M., MUAKASSA K. Adrenal cysts : pathogenesis and histological identification with a report of 6 cases. J. Urol., 1979, 122, 87-91. 8. KATZ R.L., SHIRLEHODA A. 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Etude échographique des tumeurs de la surrénale (à propos de 5 cas). Prog. Urol., 1993, 3, 474-483. 3. CHEEMA P., CARTAGENA R., STAUBITZ W. Adrenal cysts: diagnosis and treatment. J. Urol., 1981, 126, 396-399. Diagnosis and treatment of cystic tumours of the adrenal gland. Report of 2 cases. Two cases of cystic tumour are reported. The first consisted of a pseudohaemorrhagic cyst of the right adrenal gland discovered during aetiological assessment of HT refractory to medical treatment. Plasma and urinary assays did not reveal any abnor mality suggestive of secreting adrenal tumour. Imaging (ultraso nography, CT and MRI) was in favour of a necrotic malignant tumour and a normal isotope scan (MIBG iodine 131) elimina ted phaechromocytoma. Adrenalectomy was easily performed via a subcostal laparotomy and the postoperative course was uneventful. The second case consisted of a right adrenal cyst detected inc identally on ultrasonography. T he laboratory assessment demonstrated only a slight elevation of urinary metanephrine and imaging (CT and MRI) was not suggestive of a malignant lesion. Simple annual CT follow-up was decided in this case. The various pathological types of rare cystic lesion of the adrenal gland are described with particular emphasis on their diagnostic and therapeutic modalities. Key words : Adrenal tumours, cysts. 4. COPELAND P.M. The incidally discovered adrenal mass. Ann. Surg., 1984, 199, 116-122. 9434 ____________________