Un exemple simple d`application des méthodes d`optimisation

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Un exemple simple d`application des méthodes d`optimisation
Un exemple simple d’application des méthodes d’optimisation
mathématique à la protection de la biodiversité
Alain Billionnet
Laboratoire CEDRIC
Ecole Nationale Supérieure d’Informatique pour l’industrie et l’Entreprise
1, square de la résistance 91025, Evry, cedex, France
1. Introduction
Le but de cet article est d’illustrer par un exemple l’aide que peuvent apporter les méthodes
d’optimisation mathématique aux décideurs en matière de protection de la biodiversité. L’exemple
(volontairement simplifié) que nous avons choisi concerne la sélection de réserves naturelles. De
nombreux pays se sont engagés à stopper la perte de biodiversité dans un avenir proche et ont
adopté pour cela différentes stratégies dont la protection d’aires terrestres et maritimes. Ces aires
protégées – ou réserves naturelles – contribuent de façon décisive au maintien de la biodiversité car
elles visent directement la protection des éléments dont le risque de disparition est le plus fort
[http://www.developpement-durable.gouv.fr/La-politique-des-reserves.html].
Ces
éléments
concernent la faune, la flore, les roches, minéraux et fossiles, ou encore de grands sites
géomorphologiques. L’objectif est d’assurer à chaque espèce ou site menacé un espace où son
avenir est garanti. Ainsi, de nombreux programmes gouvernementaux et non gouvernementaux
cherchent à restaurer et protéger des habitats dans le but de préserver des espèces. Lors de la 10ème
conférence de la CDB qui s’est tenue à Nagoya en octobre 2010 un plan de protection de la
biodiversité pour 2020 a été adopté. Ce plan comporte 20 objectifs dont la restauration d’habitats
dégradés et la définition d’aires protégées (terrestres, marines et côtières). Commentant ce plan, le
président de l’organisation environnementale Conservatoire International, souligne que le problème
n’est pas seulement quantitatif mais aussi qualitatif et qu’il faut donc protéger les zones les plus
riches et les plus importantes en termes de biodiversité. Les ressources disponibles pour cette
protection étant évidemment limitées, il est important de les utiliser de façon efficace. Nous
présentons ci-dessous deux modèles visant à la sélection « optimale » de réserves naturelles. Ces
modèles sont très simplifiés par rapport à la réalité. Ils sont seulement destinés à illustrer l’intérêt de
l’approche « optimisation mathématique » dans ce domaine.
1
2. Le problème
On s’intéresse à un ensemble d’espèces à protéger, E={e1, e2,…, ep}, vivant sur un ensemble de
parcelles – ou sites –, S={s1, s2,…, sn}, répartis sur un territoire. Pour chaque parcelle, on connaît
toutes les espèces qui y vivent et l’on suppose que ces espèces survivront dans cette parcelle si
celle-ci est protégée. Le problème de base consiste à déterminer le plus petit sous-ensemble de
parcelles permettant de protéger toutes les espèces considérées. Associons à chaque parcelle si une
variable booléenne xi qui vaut 1 si cette parcelle est retenue pour être protégée et 0 sinon. La
détermination d’une réserve optimale peut se formuler par le programme mathématique (P1) :
n
⎧
min
⎪
∑ xi
i =1
⎪⎪
(P1) : ⎨
x ≥ 1 k = 1,..., p
⎪s.c. ∑ i
i∈S k
⎪
xi ∈ {0,1} i = 1,..., n
⎪⎩
où S k désigne l’ensemble des indices des parcelles où l’espèce ek est présente. Ce programme
consiste à minimiser la fonction objectif
respectant les p contraintes d’inégalité
∑i =1 xi
n
∑i∈S
k
(qui mesure le nombre de parcelles retenues) en
xi ≥ 1 (k = 1,..., p ) qui expriment que, pour chaque
espèce considérée, on doit retenir au moins une parcelle où vit cette espèce. Il existe de nombreuses
variantes de (P1). On peut chercher, par exemple, à minimiser l’aire totale de la réserve ou encore
son coût total lorsqu’un coût est attribué à chaque parcelle, plutôt que le nombre de parcelles. La
fonction économique à minimiser devient alors
∑i =1 ai xi
n
où ai désigne l’aire ou le coût de la
parcelle si. La définition d’une réserve optimale peut aussi être abordée de façon un peu différente
en cherchant à déterminer un sous-ensemble de parcelles qui maximise le nombre d’espèces
protégées Dans ce cas, le nombre de parcelles de la réserve ou son aire ou encore son coût est
limité. En associant à chaque espèce ek une variable booléenne yk qui vaut 1 si l’espèce ek est
protégée et 0 sinon, on obtient alors le programme mathématique (P2) :
p
⎧
⎪min ∑ yk
⎪
k =1
⎪
yk ≤ ∑ xi k = 1,..., p
⎪
⎪
i∈S k
(P2) : ⎨
n
⎪
ax ≤B
⎪s.c. ∑ i i
i =1
⎪
xi ∈ {0,1}
i = 1,..., n
⎪
⎪⎩
yk ∈ {0,1}
k = 1,..., p
2
Dans une solution optimale de (P2), le fait que l’on cherche à minimiser la fonction économique
∑k =1 yk
p
et la contrainte yk ≤ ∑i∈S xi font que la variable booléenne yk prendra la valeur 1 si et
k
seulement si l’espèce ek est présente dans au moins une des parcelles retenues. La contrainte
∑i=1 ai xi ≤ B
n
est la contrainte budgétaire qui exprime le fait que la somme des coûts de protection
des parcelles retenues doit être inférieure ou égale au budget disponible B. Les contraintes de (P1)
et (P2) peuvent être ajustées de façon à imposer que chaque espèce soit représentée dans au moins r
parcelles plutôt que dans une seule. Dans (P1), le second membre des contraintes devient r et dans
(P2) les contraintes yk ≤ ∑i∈S xi deviennent r yk ≤ ∑i∈S xi . Les problèmes (P1) et (P2) sont des
k
k
programmes linéaires en variables bivalentes ; ils peuvent être résolus facilement en utilisant des
« solveurs » classiques comme CPLEX, XPRESS, GLPK, etc.
3. Application
Considérons dix espèces et une centaine de parcelles rectangulaires représentées par le Tableau 1 cidessous. Dans chaque parcelle, les espèces présentes sont indiquées en vert et l’on suppose que ces
espèces persisteront dans ces parcelles si celles-ci sont protégées. Le coût de protection de chaque
parcelle est indiqué en rouge. Par exemple, les espèces e4, e5 et e8 sont présentes dans la parcelle qui
se trouve à l’intersection de la ligne 7 et de la colonne 9 et le coût de protection de cette parcelle est
égal à 7 unités.
e1, e4
6
e6
6
e5
6
e4, e6
4
e2, e3
4
e4, e7
6
e3, e4
5
e1, e4
5
e2, e9
5
e6, e8
4
e6
4
e3, e5
4
e1, e4
5
e1, e4
5
e4, e5
5
e6, e7
4
e3
4
e5, e6
4
e6
4
e2, e3
4
e2, e3
4
e2, e3
3
e6, e8
8
e4, e6
3
e5, e10
3
e5, e8
4
e4, e6
4
e5, e10
6
e1, e5
6
e2, e3
7
e5, e7
3
e4, e5
3
e1, e10
6
e1, e2
6
e6
8
e6
8
e2, e6, e9
7
e2, e3
7
e5
8
e5
8
e6
8
e1, e4
6
e2, e4
6
e4, e5, e8
7
e4, e5
5
e3, e10
5
Tableau 1. Espèces présentes dans chaque parcelle et
coût associé à la protection de chaque parcelle
3
La résolution du problème (P1) indique qu’il faut au minimum 5 parcelles pour protéger toutes les
espèces, par exemple les 5 parcelles grisées dans le Tableau 2. Autrement dit, il n’est pas possible
de protéger les dix espèces en retenant moins de 5 parcelles.
e1, e4
6
e6
6
e5
6
e4, e6
4
e2, e3
4
e4, e7
6
e3, e4
5
e1, e4
5
e2, e9
5
e6, e8
4
e6
4
e3, e5
4
e1, e4
5
e1, e4
5
e4, e5
5
e6, e7
4
e3
4
e5, e6
4
e6
4
e2, e3
4
e2, e3
4
e2, e3
3
e6, e8
8
e6
8
e6
8
e2, e6, e9
7
e2, e3
7
e4, e6
3
e5, e10
3
e5, e8
4
e4, e6
4
e5, e10
6
e1, e5
6
e2, e3
7
e5, e7
3
e4, e5
3
e1, e10
6
e1, e2
6
e5
8
e5
8
e6
8
e4, e5, e8
7
e4, e5
5
e1, e4
6
e2, e4
6
e3, e10
5
Tableau 2. Il faut protéger les 5 parcelles grisées pour protéger
les 10 espèces e1, e2, e3, e4, e5, e6, e7, e8, e9, e10.
La résolution du problème (P2), lorsque le budget B est fixé à 15 unités, indique que, compte tenu
du budget disponible, on ne peut protéger que 8 espèces. Une façon de faire consiste à protéger les 4
parcelles grisées dans le tableau 3. Le coût de cette protection est égal à 15 et les espèces e1, e2, e3,
e4, e5, e6, e7, e8 sont protégées. Un autre solution consiste à protéger les parcelles (1,6), (4,7), (6,2),
(6,6). Le coût de cette protection est égal à 15 et les 8 espèces e1, e2, e3, e4, e5, e6, e7, e10 sont alors
protégées.
e1, e4
6
e6
6
e5
6
e4, e6
4
e2, e3
4
e4, e7
6
e3, e4
5
e1, e4
5
e2, e9
5
e6, e8
4
e6
4
e3, e5
4
e1, e4
5
e1, e4
5
e4, e5
5
e6, e7
4
e3
4
e5, e6
4
e6
4
e2, e3
4
e2, e3
4
e2, e3
3
e4, e6
3
e5, e10
3
e5, e8
4
e4, e6
4
e5, e10
6
e1, e5
6
e6
8
e6
8
e2, e6, e9
7
e2, e3
7
e5
8
e5
8
e6
8
e2, e3
7
e5, e7
3
e4, e5
3
e1, e10
6
e1, e2
6
e6, e8
8
e1, e4
6
e2, e4
6
e4, e5, e8
7
e4, e5
5
e3, e10
5
Tableau 3. En protégeant les 4 parcelles grisées, ce qui coûte 15 unités de coût,
les 8 espèces e1, e2, e3, e4, e5, e6, e7, e8 sont protégées.
Il n’est pas possible, avec ce budget, de protéger plus de 8 espèces.
4