1991 - Accueil

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1991 - Accueil
*Titre : *Journal de l'année (Paris. 1967)
*Titre : *Journal de l'année
*Éditeur : *Larousse (Paris)
*Date d'édition : *1967-2004
*Type : *texte,publication en série imprimée
*Langue : * Français
*Format : *application/pdf
*Identifiant : * ark:/12148/cb34382722t/date </ark:/12148/cb34382722t/date>
*Identifiant : *ISSN 04494733
*Source : *Larousse, 2012-129536
*Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34382722t
*Provenance : *bnf.fr
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Cet ouvrage est paru à l’origine aux Editions Larousse en 1992 ;
sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL.
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les Editions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la
BnF pour la bibliothèque numérique Gallica.
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1
CHRONOLOGIE
1991
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
2
Janvier
Mardi 1
CEE
Le Luxembourg
Le Luxembourg assure pour six mois la présidence tournante de la Communauté.
COMECON
Monnaie
Le rouble transférable, unité des échanges
au sein du bloc communiste de l’Est, cesse
d’exister. La décision prise par les pays
membres, en janvier 1990 à Sofia, d’effectuer leurs échanges commerciaux en devises
convertibles et aux prix du marché entre en
vigueur (éd. 1991).
FRANCE
Administration
La réforme des PTT devient effective. La
Poste et France Télécom abandonnent leur
statut d’administration au profit de celui
d’établissement autonome de droit public.
Société
La SNCF applique l’interdiction de fumer
dans les trains de la banlieue parisienne.
JORDANIE
Vie politique
Les Frères musulmans font leur entrée dans
le gouvernement de M. Moudar Badran,
où ils obtiennent quatre portefeuilles. Le
mouvement islamiste intégriste constitue le
principal groupe parlementaire depuis des
élections législatives du 8 novembre 1989.
Mercredi 2
FRANCE
Sécurité
Un dispositif anti-attentats baptisé « Vigipirate » est mis en place sur tout le territoire
afin de prévenir d’éventuelles actions terroristes liées à la crise du Golfe.
S A LVA D O R
Conflit
Dans l’est du pays, la guérilla du Front
Farabundo Marti de libération nationale
(FMLN) abat un hélicoptère avec, à son
bord, trois militaires américains, conseillers
de l’armée salvadorienne. Deux d’entre eux,
blessés, sont achevés par les maquisards. Le
21, le FMLN déclare que les auteurs de ce
crime seront jugés.
Jeudi 3
FRANCE
Corse
Après l’assassinat de trois personnalités de
l’île en septembre et en décembre 1990 et
au lendemain de la première « nuit bleue »
organisée depuis la trêve décrétée le 31 mai
1988 par l’aile dure du FLNC, un Conseil
des ministres restreint décide que la police
et la justice devront « affirmer davantage
l’autorité de l’État ». Le 8, l’aile modérée
du FLNC annonce le « gel » de ses actions
« militaires » (encadré Corse, u populu
corsu).
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CHRONOLOGIE
3
TURQUIE
Conflits sociaux
Ignorant les menaces du gouvernement,
plus de un million et demi de travailleurs
répondent au premier appel à la grève générale jamais lancé par les syndicats turcs
pour protester contre la politique économique. Le 6, la marche sur la capitale des
48 000 mineurs de la ville de Zonguldak,
qui ont arrêté le travail le 30 novembre
1990, est bloquée par la police (7 février).
Vendredi 4
FRANCE
Musique
Au château de Versailles, un concert de
gala organisé par l’Association des amis de
Mozart inaugure les festivités de l’année du
bicentenaire de la mort du compositeur.
Ce dernier avait joué à Versailles, devant
Louis XV, en 1764, à l’âge de huit ans.
Dimanche 6
MALI
Troubles
Afin de mettre un terme au conflit qui
avait éclaté en 1990, le gouvernement et
les rebelles touareg signent, sous l’égide de
l’Algérie, un accord de paix qui prévoit notamment l’instauration d’un régime d’« autonomie interne » dans la région targuie de
l’Adrar.
GUATEMALA
Élection présidentielle
Après une campagne électorale marquée par des violences, et au second tour
de scrutin, le candidat du Mouvement
d’action solidaire (centre droit), M. Jorge
Serrano, est élu chef de l’État par 68,08 %
des voix contre 31,92 % à son adversaire
de l’Union du centre national (droite),
M. Jorge Carpio. C’est la première fois en
Amérique latine qu’un non-catholique,
membre d’une secte protestante fondamentaliste, est élu chef d’État. Il prend ses
fonctions le 14 et forme un gouvernement
d’union nationale.
HAÏTI
Coup d’État
À la suite de l’élection à la présidence, le
16 décembre 1990, du père Aristide, M. Roger Lafontant, ancien ministre de l’Intérieur
de Jean-Claude Duvalier et ancien chef des
« tontons macoutes », tente vainement de
prendre le pouvoir avec l’aide de quelques
militaires. Les pillages et les règlements de
compte qui s’ensuivent font une centaine de
morts (30 sept).
Lundi 7
URSS
Religion
Pour la première fois depuis 1917, le Noël
orthodoxe est jour férié dans les républiques de Russie, d’Ukraine, de Biélorussie, de Moldavie et de Géorgie, où il a été
reconnu comme fête légale.
Mardi 8
FRANCE
Sociétés
Le groupe Moulinex annonce l’achat de son
concurrent allemand Krups pour 550 millions de francs. Il devient ainsi le premier
fabricant européen de petit électroménager.
ARGENTINE
Justice
Un tribunal militaire condamne à la prison
à perpétuité sept officiers, auteurs principaux de la mutinerie du 3 décembre 1990,
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
4
parmi lesquels le colonel Ali Mohamed
Seineldin.
Mercredi 9
ENVIRONNEMENT
Recherche
Une Caravelle affrétée par des laboratoires
français et allemands de chimie de l’atmosphère, et équipée d’instruments de mesure,
entame une mission de 24 jours autour de
la planète afin d’étudier le rôle de l’ozone
dans la troposphère.
Vendredi 11
SPORT
Athlétisme
Vingt-huit mois après sa disqualification
pour dopage pendant les jeux Olympiques
de Séoul et cinq mois après la levée des
sanctions prises contre lui, le coureur canadien Ben Johnson effectue son retour à la
compétition à Hamilton, au Canada.
Samedi 12
PAY S ! B A S
Culture
L’Opéra d’Amsterdam présente la Main
heureuse, d’Arnold Schönberg, et Neither,
de Morton Feldman, dans des décors mo-
numentaux du plasticien italien d’origine
grecque Jannis Kounellis.
POLOGNE
Vie politique
La Diète investit à une très large majorité le
gouvernement de M. Jan Krzysztof Bielecki,
nommé Premier ministre le 30 décembre
1990 par le président Lech Walesa pour diriger le cabinet jusqu’aux élections législatives anticipées prévues pour le printemps.
Dimanche 13
PORTUGAL
Élection présidentielle
Le socialiste Mario Soares est réélu chef de
l’État par 70,4 % des suffrages. Le candidat
de droite obtient 14,1 % des voix, le candidat communiste 13 % et celui de l’extrême
gauche 2,6 %.
TCHÉCOSLOVAQUIE
Vie politique
Fondé le 19 novembre 1989 par le futur
président Vaclav Havel, le Forum civique
décide de se transformer en parti politique
de centre droit. Malgré la résistance de son
aile gauche composée des dirigeants historiques du mouvement, il se déclare hostile au « socialisme sous n’importe quelle
forme » et favorable au « capitalisme »
(10 février).
URSS
Nationalités
Après que des renforts militaires ont été
envoyés le 7 dans la République balte de
Lituanie pour y faire appliquer la conscription obligatoire, l’armée soviétique, qui a
déjà procédé à diverses opérations d’intimidation, donne l’assaut aux bâtiments de
la radio-télévision de Vilnious. Le bilan des
combats s’élève à 22 morts. Le président
Mikhaïl Gorbatchev rejette la responsabilité de l’opération sur la hiérarchie militaire.
PROCHE!ORIENT
Otages
Après la libération, la veille, par les autorités belges, du Palestinien Nasser Saïd,
condamné à perpétuité pour un attentat
meurtrier contre des enfants juifs à Anvers
le 27 juillet 1980, les quatre derniers occupants du bateau de plaisance le Silco, enlevés avec Mme Jacqueline Valente en MédidownloadModeText.vue.download 7 sur 490
CHRONOLOGIE
5
terranée en 1987, sont libérés en Égypte
(éd. 1991).
CAP!VERT
Élections législatives
Ancien parti unique au pouvoir depuis l’indépendance, le Parti africain de l’indépendance subit un échec face au Mouvement
pour la démocratie, qui remporte 56 des
79 sièges du Parlement (17 février).
Lundi 14
URSS
Vie politique
Sur la proposition de M. Mikhaïl Gorbatchev, le Soviet suprême élit au poste de
Premier ministre M. Valentin Pavlov, qui
était ministre des Finances depuis juillet
1989. Celui-ci remplace M. Nikolaï Ryjkov,
victime d’une crise cardiaque en décembre
1990. Le lendemain, le président accepte
officiellement la démission du ministre
des Affaires étrangères Édouard Chevardnadze présentée le 20 décembre 1990.
M. Alexandre Bessmertnykh, ambassadeur
à New York, lui succède (19 novembre).
TUNISIE
Attentat
Bras droit de M. Yasser Arafat à la direction
du Fath, Salah Khalaf, plus connu sous le
nom d’Abou Iyad, est assassiné à Carthage
avec deux autres dirigeants palestiniens. Le
meurtrier du chef des services de sécurité
et de renseignement de l’OLP est un garde
du corps palestinien au service de l’organisation dissidente du Fath-Conseil révolutionnaire dirigée par Abou Nidal et réfugiée à Bagdad.
Mardi 15
ALLEMAGNE
Vie politique
Au terme de cinq semaines de négociations, les trois partis de la coalition victorieuse aux élections du 2 décembre 1990
concluent un accord sur le programme et la
composition du nouveau gouvernement du
chancelier Helmut Kohl, qui entre en fonction le 17. Les postes clés ne changent pas de
titulaires. Le Parti libéral (FDP) et l’Union
chrétienne-démocrate (CDU) obtiennent
chacun un portefeuille supplémentaire au
détriment de l’Union chrétienne-sociale
(CSU).
COLOMBIE
Drogue
Assuré de ne pas être extradé vers les ÉtatsUnis, le numéro deux du cartel de Medellín,
Jorge Luis Ochoa, se rend aux autorités
(25).
Mercredi 16
FRANCE
Administration
Le Conseil des ministres approuve un projet de décret qui réglemente le « pantouflage », c’est-à-dire le passage des fonctionnaires dans le secteur privé. Celui-ci sera
interdit si l’intéressé a entretenu un certain
type de relations avec l’entreprise d’accueil
au cours des cinq années précédentes, ou
si sa nouvelle activité est incompatible avec
ses anciennes fonctions.
Justice
Secrétaire général de la préfecture de la
Gironde de 1942 à 1944 et ancien ministre,
M. Maurice Papon gagne son procès en diffamation contre l’hebdomadaire le Nouvel
Observateur, qui, dans un article du 21 juin
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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1990, l’avait présenté comme « complice
français du génocide ».
URSS
Vie politique
Dans les Nouvelles de Moscou, MM. Stanislav Chataline et Nikolaï Petrakov,
réformateurs et principaux conseillers
économiques de M. Mikhaïl Gorbatchev,
signent une lettre ouverte hostile à l’intervention de l’armée soviétique dans les
pays Baltes qui équivaut de leur part à
une démission.
Jeudi 17
FRANCE
Langue
Afin de clore la polémique sur la réforme
de l’orthographe, l’Académie française
propose de soumettre à l’épreuve du
temps ses « recommandations » adoptées
par le gouvernement le 19 juin 1990. Elle
déconseille de les faire appliquer de façon
impérative par circulaire ministérielle
(éd. 1991).
NORVÈGE
Souverain
Souverain régnant le plus âgé au monde, le
roi Olaf V, qui était monté sur le trône le
21 septembre 1957, meurt à 87 ans. Son fils,
le prince Harald, lui succède.
SPORT
Rallye
Endeuillé par le meurtre du pilote d’un
camion d’assistance au Mali, le 11, le ParisDakar s’achève dans l’indifférence générale
par la victoire du Finlandais Ari Vatanen
sur Citroën ZX et du motard français Stéphane Peterhansel sur Yamaha.
Golfe
La guerre éd. 1991
9 janvier À Genève, la « rencontre de la dernière
chance » entre le secrétaire d’État américain, James
Baker, et le ministre irakien des Affaires étrangères, Tarek Aziz, proposée le 3 par le président
George Bush, tourne au dialogue de sourds et
aboutit à un échec.
12 janvier Le Congrès américain autorise le président Bush à engager les forces aimées pour faire
appliquer les résolutions de l’ONU concernant l’occupation du Koweït par l’Irak. Le Parlement français
agit de même le 16. Dans l’ensemble de la France,
200 000 personnes manifestent contre la guerre à
l’appel, notamment, du Parti communiste et des
Verts. Les manifestations pacifistes et pro-irakiennes
se multiplient en Occident et dans les pays arabes.
13 janvier À Bagdad, l’ultime « mission de paix »
du secrétaire général de l’ONU, Javier Perez de
Cuellar, auprès du président Saddam Hussein
échoue.
14 janvier Le plan de paix proposé par la France
au Conseil de sécurité de l’ONU est repoussé par
les États-Unis.
17 janvier À 2 h 40, heure locale, les forces coalisées placées sous commandement américain
engagent l’opération « Tempête du désert ». Sur le
terrain, 600 000 soldats alliés – dont 400 000 Américains et 12 000 Français – font face à 550 000 Irakiens. L’offensive est essentiellement aérienne. Des
objectifs stratégiques en Irak et au Koweït sont
la cible d’intenses bombardements. Les premiers
bilans des états-majors alliés sont très positifs.
Des attentats ont lieu contre des intérêts américains dans le monde. Ce sont les premiers d’une
série de 70 commis au cours du conflit. Ils sont
sans grandes conséquences.
18 janvier L’Irak tire un missile Scud, qui est
détruit, sur l’Arabie Saoudite et plusieurs, qui
blessent quelques personnes, sur Israël. Le 20, les
États-Unis fournissent des missiles antimissiles
Patriot à l’État hébreu en échange de son engagement de ne pas riposter immédiatement. 39 Scuds
sont tirés contre Israël durant le conflit – faisant
trois victimes – et 41 contre l’Arabie Saoudite
(30 morts). Les tirs de missiles représentent quasiment la seule riposte militaire irakienne.
20 janvier Des aviateurs alliés prisonniers de
l’Irak sont exhibés à la télévision irakienne qui andownloadModeText.vue.download 9 sur 490
CHRONOLOGIE
7
nonce, le 21, qu’ils seront détenus comme « boucliers humains » sur des sites stratégiques. Révisant à la baisse le bilan des destructions subies par
l’Irak, les autorités militaires alliées déclarent que
la guerre sera longue.
22 janvier Les Alliés constatent le sabotage d’installations pétrolières koweïtiennes par les forces
irakiennes, qui provoque les semaines suivantes
une marée noire dans le Golfe.
Le président Gorbatchev, s’inquiète de « l’escalade » du conflit.
23 janvier La volonté d’éliminer le régime de
Bagdad et son armée est clairement exprimée par
l’état-major américain. Il annonce que les forces
coalisées disposent à présent de la « supériorité
aérienne ». L’aviation alliée effectue en moyenne
plus de 2 500 sorties quotidiennes afin de laminer
les positions irakiennes avant le déclenchement de
l’offensive terrestre. 36 avions alliés seront détruits
au cours du conflit.
24 janvier Les soldats américains libèrent l’îlot
koweïtien de Qurah, au large de l’émirat.
Le Japon, puis l’Arabie Saoudite et le Koweït, le 25,
et l’Allemagne, le 29, annoncent qu’ils portent leur
contribution financière à l’opération « Tempête du
désert » respectivement à 13, 13,5 et 10,2 milliards
de dollars.
26 janvier En quelques jours, une centaine d’avions civils et militaires irakiens se réfugient en Iran,
où ils sont saisis.
29 janvier Les forces irakiennes pénètrent en
Arabie Saoudite et s’emparent de la ville frontalière de Khafji, qui est reconquise le 1er février par
les troupes coalisées. Depuis le sud du Liban, les
forces de l’OLP tirent, jusqu’à la fin du mois, de
nombreuses roquettes sur Israël, qui riposte par
des bombardements.
Le ministre français de la Défense, Jean-Pierre
Chevènement, démissionne.
4 février Le président iranien, Hachemi Rafsandjani, confirme la neutralité de son pays et propose
sa médiation, qui n’aboutit pas.
6 février L’Irak rompt ses relations diplomatiques
avec les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France,
l’Italie, l’Arabie Saoudite et l’Égypte.
Le roi Hussein de Jordanie accuse les Alliés de
vouloir « la destruction de l’Irak et l’établissement
d’un nouvel ordre régional ».
11 février À la suite de la mission d’évaluation
du potentiel irakien – « la quatrième armée du
monde » – effectuée sur place par le secrétaire à la
Défense, Dick Cheney, et le chef d’état-major inte-
rarmes, le général Colin Powell, le président Bush
décide de différer l’offensive terrestre et de poursuivre les bombardements. Au total, 88 500 tonnes
de bombes seront déversées par les Alliés sur l’Irak
et le Koweït au cours de 106 000 sorties aériennes.
13 février À Bagdad, l’aviation américaine bombarde un bunker qui servait d’abri antiaérien, causant la mort de centaines de civils.
15 février Le Conseil de commandement irakien, la plus haute instance dirigeante, annonce
que l’Irak est prêt à appliquer la résolution 660 du
Conseil de sécurité de l’ONU à plusieurs conditions, qui sont déclarées inacceptables par les
Alliés. Le président Bush appelle les Irakiens à
renverser le régime de Saddam Hussein.
18 février À Moscou, Mikhaïl Gorbatchev soumet un plan de paix à Tarek Aziz, que l’Irak déclare
accepter le 22, puis le 23 dans une version plus
contraignante ; mais les Alliés le jugent insuffisant.
21 février Le président Saddam Hussein prononce un discours particulièrement intransigeant
et belliqueux aux forts accents religieux.
22 février Le président Bush laisse à l’Irak
jusqu’au 23 à midi, heure de Washington, pour
entamer son retrait du Koweït.
Au Koweït, les Irakiens détruisent systématiquement de nombreuses installations, notamment
pétrolières, se livrent au pillage et effectuent des
rafles de civils.
24 février À 6 h, heure locale, les forces coalisées,
dont la division française « Daguet », engagent l’offensive terrestre. Leur progression au Koweït et en
Irak est rapide. Les soldats irakiens résistent peu ;
60 000 sont faits prisonniers ou se rendent.
25 février Dans la base militaire saoudienne de
Dahran, des débris de Scud tombés sur un bâtiment provoquent la mort de 28 soldats américains.
26 février Le président Saddam Hussein annonce
la « victoire » de l’Irak et le retrait des troupes irakiennes du Koweït dans la journée.
27 février Koweït-Ville est libérée. À l’ouest de
Bassorah, les Alliés affrontent les chars de la garde
républicaine, formation d’élite de l’armée irakienne.
Le soir, l’Irak déclare accepter toutes les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU.
Après 42 jours de guerre et 100 heures d’offensive
terrestre, le président Bush annonce un cessez-lefeu provisoire qui prend effet à minuit, heure de
Washington, soit 8 h, heure locale, le 28.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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Le bilan s’élève à moins de 200 tués dans les rangs des
forces coalisées – dont 115 Américains et 2 Français
– contre des dizaines de milliers de morts civils et
militaires du côté irakien. Le potentiel militaire de
l’Irak est aux deux tiers anéanti. 40 des 42 divisions
irakiennes engagées sont détruites, mais 30 autres
n’ont pas participé aux combats.
Vendredi 18
FRANCE
Censure
Le préfet de la Loire interdit le concert de
raï du chanteur algérien Cheb Khaled prévu le 19 à Saint-Étienne « compte tenu du
climat psychologique inhérent au conflit
du Golfe ». Le 24, à Marseille, Marcel Maréchal, directeur du Théâtre de la Criée,
décide de reporter la présentation des Paravents de Jean Genêt en raison des « utilisations partisanes qui pourraient être faites
de la pensée de l’auteur ».
ALBANIE
Islam
À Tirana, dans la mosquée Etem Bey, se déroule la première séance de prières autorisée
depuis 1967.
ALGÉRIE
Opposition
À Alger, des dizaines de milliers de partisans du Front islamique du salut (FIS) défilent dans les rues pour soutenir l’Irak et
réclamer l’instauration d’un État islamiste
(éd. 1991).
É TAT S ! U N I S
Transports
Victime de la politique de déréglementation
et de la conjoncture économique, la compagnie aérienne Eastern Airlines, qui exploitait une flotte de 160 appareils, est mise en
liquidation.
Dimanche 20
URSS
Nationalités
À Riga, capitale de la République balte de
Lettonie, des unités spéciales des forces
de l’ordre soviétiques donnent l’assaut au
bâtiment du ministère de l’Intérieur letton
avant de se retirer. Quatre personnes sont
tuées.
Lundi 21
GROUPE DES SEPT
Les ministres des Finances
Les ministres des Finances des sept pays les
plus industrialisés, réunis à New York, décident de réduire de 40 % la dette publique
de l’Égypte et de la Pologne. Ces deux États
appartiennent à la tranche inférieure des
« pays à revenus intermédiaires ».
MALI
Troubles
À Bamako, dans un climat de revendications en faveur du multipartisme, et à la
suite de l’arrestation du secrétaire général
de l’Association des élèves et étudiants du
Mali, de jeunes manifestants et des casseurs
participent à deux jours d’émeutes meurtrières sans précédent depuis l’indépendance en 1960 (encadré Afrique, la transition malienne).
Mardi 22
É G L I S E C AT H O L I Q U E
Le pape Jean-Paul II
Le pape Jean-Paul II publie une encyclique,
la huitième de son pontificat, intitulée Redemptoris missio – « la mission du RédempdownloadModeText.vue.download 11 sur 490
CHRONOLOGIE
9
teur » − et relative à « la valeur permanente
du précepte missionnaire ».
FRANCE
Cinéma
L’attrait de l’information télévisée et la peur
des attentats ont fait chuter de 30 % la fréquentation moyenne des salles durant la
semaine du 16 au 22.
URSS
Politique économique
Un décret présidentiel interdit la circulation des grosses coupures de 50 et de
100 roubles. Les Soviétiques ont trois jours
pour les échanger dans les banques après
avoir justifié de leur provenance. Cette mesure, qui vise les trafiquants, les possesseurs
de compte à l’étranger et les thésauriseurs,
frappe aussi les petits épargnants.
Mercredi 23
FRANCE
Justice
Inculpés en 1989 d’association de malfaiteurs pour des actes de terrorisme contre
des foyers Sonacotra du Sud-Est commis en
1988, trois responsables du Parti nationaliste français et européen bénéficient d’un
non-lieu devant la cour d’appel d’Aix-enProvence (éd. 1990).
Presse
Le groupe Hersant acquiert 24 % du capital
du groupe l’Est républicain, qui édite notamment le quotidien nancéien du même
nom.
MONGOLIE
v. États-Unis
É TAT S ! U N I S
Relations internationales
Le président George Bush reçoit M. Punsalmaagiyn Otchirbat, premier chef d’État
mongol à se rendre à Washington, et décide d’octroyer à la Mongolie le bénéfice
de la clause de la nation la plus favorisée
(éd. 1991).
Jeudi 24
FRANCE
Tourisme
À Paris, le Salon mondial du tourisme
ouvre ses portes dans un climat de morosité. La forte baisse d’activités de ce secteur
est due à la peur des attentats, à la suspension des déplacements professionnels et au
réflexe de repli sur soi engendrés par la crise
du Golfe.
Bourse
Décidée le 10 mai 1989, la fusion avec Paris des six places régionales de Lyon, Lille,
Nancy, Marseille, Bordeaux et Nantes entre
en vigueur. La création d’un marché national est destinée à simplifier et à réduire le
coût des transactions, ainsi qu’à renforcer la
cohésion du marché français.
Sport
À Sofia, la Réunionnaise de dix-sept ans
Surya Bonaly devient la première Française championne d’Europe de patinage
artistique.
PA P O UA S I E !
NOUVELLE!GUINÉE
Troubles
Au terme de deux ans de rébellion, les
séparatistes de l’île de Bougainville signent
un accord de paix reconductible tous les six
mois avec le gouvernement papou.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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Vendredi 25
FRANCE
Justice
Le ministre Henri Nallet demande l’ouverture d’une enquête au sujet des propos de
l’écrivain Gilles Perrault, qui, lors d’une
conférence de presse donnée la veille, avait
appelé à la « désertion » et au « sabotage de
la machine de guerre française ».
Bandes dessinées
Le grand prix du XVIIIe Salon d’Angoulême
est attribué à Marcel Gotlib, auteur de la
Rubrique-à-brac, pour l’ensemble de son
oeuvre.
C O LO M B I E
Drogue
Dans la région de Medellín, une opération
montée par l’unité d’élite de la police pour
libérer deux otages – des journalistes enlevés en août 1990 par les narcotrafiquants –
se termine par la mort de l’un d’entre eux,
Diana Turbay, fille de l’ancien président de
la République Julio Cesar Turbay, et de cinq
ravisseurs (30).
Samedi 26
TCHÉCOSLOVAQUIE
Privatisations
Une vingtaine de magasins de Prague sont
cédés à des particuliers au cours de la première vente aux enchères de biens d’État
organisée par le gouvernement. Le 27, à
l’issue du second jour, tous les commerces
proposés avaient trouvé acquéreur.
CHINE
Justice
Après celle du 5, la deuxième série de jugements des anciens dirigeants du « printemps de Pékin » ménage les factions libérale et conservatrice chinoises ainsi que
l’opinion internationale. Connu à l’étranger,
le leader étudiant Wang Dan, qui est présumé s’être repenti et avoir dénoncé d’autres
personnes, n’est condamné qu’à quatre ans
de prison ; mais M. Ren Wanding, comptable et agitateur récidiviste, est condamné
à sept années de détention (12 février et
éd. 1990).
Dimanche 27
SPORT
Tennis
Au stade Flinders Park de Melbourne, l’Allemand Boris Becker bat le Tchécoslovaque
Ivan Lendl en finale des Internationaux
d’Australie (1-6, 64, 64, 64). La veille, la
Yougoslave Monica Seles avait remporté le
titre féminin face à la Tchécoslovaque Jana
Novotna (5-7, 6-3, 6-1).
Somalie
L’enfer
« Si je dois aller en enfer, nous irons tous ensemble ». La menace proférée par le président
Syaad Barre en décembre 1990 était un juste
présage. Après plus de dix ans de guerre civile et
près d’un mois d’offensive meurtrière, la chute de
Mogadiscio et la fuite du dictateur somalien, le
27 janvier, ne mettent pas un terme aux rivalités
ethniques et ne font pas espérer avant longtemps
le redressement du pays, où règne la famine. La
Somalie suit le chemin du Liberia.
Le général Barre, commandant en chef de l’armée,
avait pris le pouvoir le 21 octobre 1969 et engagé
son pays sur la voie du socialisme ; mais le traité
d’amitié et de coopération conclu avec l’URSS en
juillet 1974 n’avait pas pu survivre au conflit engagé en novembre 1976 contre l’Éthiopie pour la
conquête de l’Ogaden. En mars 1978, la Somalie
repliait ses troupes et opérait un renversement
d’alliance en accordant aux États-Unis, en avril
1980, des facilités militaires sur la mer Rouge.
Les difficultés du régime réactivaient les divisions
ethniques. Créé en avril 1981 par les Issaks, ethnie
nordiste, le Mouvement national somalien (MNS)
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CHRONOLOGIE
11
entamait une guérilla contre le pouvoir central. Il
était bientôt imité par le Congrès de la Somalie
unifiée (CSU), regroupant les Hawiyés au nord de
la capitale, et le Mouvement patriotique somalien
(MPS), qui rassemblait les Ogadens dans le sud.
Abandonnant ses rêves d’unification nationale, le
président, membre de l’ethnie minoritaire marehan, imposait une dictature tribale. Les États-Unis
s’écartaient de la Somalie, qui se tournait alors vers
la Libye.
De larges portions du territoire passaient aux
mains des rebelles. Les tentatives de libéralisation
du régime n’empêchaient pas l’opposition légale
de réclamer le départ du chef de l’État dans son
« Manifesta » diffusé le 15 mai 1990. En décembre
de la même année, le torpillage par le régime de
la conférence de réconciliation nationale de Rome
précipitait l’offensive finale.
Celle-ci débute le 30 décembre. Surnommé le
« maire de Mogadiscio », Syaad Barre est assiégé
dans son palais par les troupes de la CSU. Les
pays occidentaux évacuent leurs ressortissants.
Désertée par ses habitants, la capitale est livrée au
pillage. La nomination d’un gouvernement dirigé
par l’opposition, le 21 janvier, et l’offre de démission du président Barre en l’échange d’un cessezle-feu, le 25, n’arrêtent pas l’avance des rebelles. Le
27, le dictateur rejoint sa région natale du Gedo, à
la frontière kényanne.
Le 28, M. Ali Mahdi Mohamed, membre du
groupe du Manifesto, est nommé président de la
République intérimaire par le CSU. Le MNS affirme aussitôt que cette nomination est contraire
à l’accord passé le 2 octobre 1990 entre les trois
mouvements de guérilla (18 mai).
Lundi 28
FRANCE
Sport
La Commission nationale de discipline
du football suspend M. Bernard Tapie de
ses fonctions de président de l’Olympique
de Marseille pour un an et M. Jean-Pierre
Bernes, directeur général du club, pour six
mois. Ils sont accusés de « manquement
grave à la morale sportive ». M. Tapie dénonce un complot politique et annonce sa
démission, avant de revenir sur sa décision.
Mardi 29
FRANCE
Presse
Après La Cinq, TF1 est l’objet de critiques
de la part des pouvoirs publics pour avoir
diffusé, le 28, un reportage effectué en Arabie Saoudite sur un groupe de soldats français démoralisés. Il lui est reproché de ne
pas avoir soumis ces images jugées partiales
à la censure du Service d’information des
armées (SIRPA).
AFRIQUE DU SUD
Troubles
À Durban, la première rencontre entre
M. Nelson Mandela, vice-président de
l’ANC, et M. Mangosuthu Buthelezi, dirigeant du mouvement zoulou Inkatha,
s’achève par un appel conjoint à la paix, en
dépit des nombreuses divergences qui les
séparent. Les affrontements entre les deux
formations ont causé plus de 5 000 morts
depuis 1986.
CANADA
Institutions
Deux jours après le Parti québécois, principale formation de l’opposition, le Parti
libéral au pouvoir à Québec présente au
gouvernement fédéral un programme
constitutionnel similaire qui prévoit l’organisation d’un référendum sur la souveraineté de la province en 1992, à défaut de l’octroi d’une « autonomie politique complète »
au sein du pays.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
12
France
Une certaine idée... de la guerre
En 1916, le général Gallieni donnait sa démission
de ministre de la Guerre ; en 1917, le général Lyautey faisait de même. Le 29 janvier 1991, M. JeanPierre Chevènement n’est donc pas le premier
ministre français de la Défense à démissionner en
temps de guerre.
« Une certaine idée de la République m’amène à
vous demander de bien vouloir me décharger de
mes fonctions. La logique de guerre risque de
nous éloigner chaque jour des objectifs fixés par
les Nations unies. » Ces passages de la lettre de
démission de M. Chevènement résument l’homme
et la situation.
Militant à vingt ans, en pleine guerre d’Algérie, du
rapprochement franco-musulman, M. Chevènement est sollicité par l’orientaliste Jacques Berque,
en 1984, pour devenir membre fondateur des
Amitiés franco-irakiennes. Ne pense-t-il pas que
la France, pays méditerranéen, doit faire la politique de sa géographie et, pour cela, se rapprocher
de ses voisins du Sud, notamment des régimes
arabes « avancés » ? Fondateur, au sein de la SFIO,
du groupe anti-impérialiste CERES en 1964, il
estime que les intérêts de son pays ne peuvent être
les mêmes que ceux des États-Unis. Animé d’un
grand dessein pour la France, le ministre de la
Recherche et de la Technologie du gouvernement
Mauroy démissionne une première fois faute de
crédits suffisants.
L’invasion du Koweït par l’Irak, le 2 août 1990,
place M. Chevènement en porte à faux. Opposé à
l’intervention armée préconisée par les États-Unis,
il défend le principe de l’embargo contre celui
du blocus. Il tente de minimiser la « logique de
guerre » évoquée par le président François Mitterrand le 21 août, après la prise en otages des ressortissants étrangers. Il s’inquiète de l’envoi de la
division « Daguet » en Arabie Saoudite, décidée le
15 septembre après la violation de la résidence de
l’ambassadeur de France à Koweït, et qui prouve
à ses yeux l’alignement croissant de la France sur
les États-Unis. Il prédit une hécatombe en cas
de conflit et assure que celui-ci ne réglera pas
les problèmes de la région. Le 7 décembre 1990,
puis le 7 janvier 1991, il propose secrètement sa
démission ; en vain. Lors du déclenchement de
l’opération « Tempête du désert », le 17 janvier,
il défend l’application stricte de la résolution 678
en déclarant que l’intervention militaire française
se limitera au territoire koweïtien. Il est démenti
trois jours plus tard par le président Mitterrand.
Lorsqu’il constate que la volonté américaine de
détruire l’Irak est implicitement entérinée par
l’amiral Lanxade, chef d’état-major particulier de
la présidence de la République, il comprend qu’il
n’est plus qu’un otage de l’Élysée.
M. Jean-Pierre Chevènement est remplacé par
M. Pierre Joxe, qui cède son poste de ministre de
l’Intérieur à son ministre délégué, M. Philippe
Marchand.
Mercredi 30
POLOGNE
Spectacles
Le Théâtre dramatique de Varsovie présente
Métro, première comédie musicale privée de
l’ancien bloc de l’Est, produite par Wiktor
Kubiak, président d’une société financière
domiciliée aux Bahamas.
COLOMBIE
Otages
Après de nouvelles concessions faites le 29
par le président Cesar Gaviria, les extradables du cartel de Medellín déclarent
renoncer à exécuter les journalistes qu’ils
détiennent encore et à reprendre les hostilités contre les autorités (25).
SPORT
Automobile
Toyota est la première firme japonaise à
remporter le prestigieux rallye de MonteCarlo. L’Espagnol Carlos Sáinz bénéficie
d’un incident survenu au Français François Delecour, sur Ford, dans la dernière
épreuve chronométrée.
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CHRONOLOGIE
13
Jeudi 31
FRANCE
Académie française
Lors de la séance de réception de M. Michel
Serres au fauteuil d’Edgar Faure, les académiciens décident de ne pas porter leur épée
afin de manifester leur solidarité envers les
soldats français engagés dans la guerre du
Golfe.
Musique
À l’Opéra-Bastille, à Paris, est présentée
la création française de l’opéra de Luciano
Berio, Un re in ascolto, qualifié par l’auteur
d’« action musicale ».
ALLEMAGNE
Politique financière
Dix jours après un accord conclu à New
York entre les sept pays les plus industrialisés sur la nécessité de baisser les taux d’intérêt pour éviter une récession économique
mondiale, la Bundesbank relève son taux
d’escompte de 6 % à 6,5 % afin de prévenir
l’inflation.
Le mois d’un
téléspectateur
Cette guerre n’en finit pas de commencer. On
attend le plus grand spectacle télévisé du monde.
L’embargo a déçu : un cargo intercepté, des camions bloqués sur une route du désert. Mais voici
venir les combats en direct, avec les parents sur le
divan, les enfants couchés sur le tapis. Avec une
petite angoisse, un petit suspens : et si ça tournait
mal. Les cinémas, les théâtres sont plus déserts que
lors d’une finale de la Coupe du monde de football.
Les chaînes de toute la planète ont envoyé leurs
meilleures équipes. Dans les rédactions, on s’est arraché le titre glorieux de correspondant de guerre.
On a recruté des stratèges étoiles, des spécialistes
de cet « Orient compliqué » dont parlait de Gaulle.
Le méchant, indispensable à tout drame, est là :
Saddam Hussein. On va vivre chez l’ennemi : la
CNN a conservé son antenne à Bagdad. L’écran va
montrer le sang, les larmes et la peur. Ceux des
autres.
Très décevant, en définitive, tout cela. Saddam
Hussein se montre peu ; il a la moustache faussement paterne d’un maquignon dans les foires
de naguère. Hitler, avec ses discours hystériques,
jouait cent fois mieux le rôle. Bagdad ? Des marchés croulant pour la circonstance sous les fruits
et les légumes, des nuits striées de lueurs, quelques
ruines choisies.
Dans le désert, depuis des semaines, les caméras
ont montré des soldats accroupis derrière leur mur
de sable. On s’attend à les voir bondir. L’aviation a
bien fait les choses. Lorsque les guerriers coalisés
sortent de leurs tranchées, c’est en camion. L’offensive est une promenade militaire, avec des chars
calcinés et des colonnes de prisonniers en fond de
décor.
Restent les fusées Scud. Elles ont entretenu chaque
soir un frisson d’appréhension dans les salles de
séjour, au fond des canapés. Partiront-elles ? Où
tomberont-elles ? Leur match avec les engins
antiengins Patriot maintient un intérêt que s’essoufflent à nourrir l’imagination des présentateurs
et les élucubrations des experts.
Mais les appréhensions des autres, ces Saoudiens,
ces Israéliens surtout, pour qui ce n’est pas un jeu,
sont bien monotones. Les programmes d’actualité
rétrécissent : que de temps perdu pour une publicité qui se fait rare depuis le début du conflit !
Vivement que tout cela finisse pour que les affaires
reprennent.
140 000 morts pour un feuilleton raté. La fiction,
en définitive, dépasse la réalité. La guerre est bien
plus excitante au cinéma.
UN TÉLÉSPECTATEUR
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
14
Février
Vendredi 1
FRANCE
Presse
L’assemblée générale de la société éditrice
du Monde élit M. Jacques Lesourne à la
direction du journal, en remplacement de
M. André Fontaine, qui occupait ce poste
depuis 1985.
AFRIQUE DU SUD
Apartheid
Lors de l’ouverture de la session parlementaire, le président Frederik De Klerk
annonce la prochaine abolition des trois
dernières lois qui régissent la ségrégation
raciale. Il s’agit de la loi sur l’habitat séparé, de la législation sur la terre, qui réserve
87 % du territoire aux Blancs et partage les
13 % restant en bantoustans, et de la loi sur
la classification de la population en fonction
de la race (encadré Apartheid, la nouvelle
Afrique du Sud).
É TAT S ! U N I S
Politique monétaire
Au lendemain de l’augmentation du coût du
crédit annoncée par l’Allemagne, les autorités décident d’abaisser le taux d’escompte de
6,5 % à 6 % pour lutter contre la récession
économique (31 janvier).
Dimanche 3
FRANCE
Vie politique
Le second tour des élections législatives
partielles organisées à la suite de la démission de leur siège de député de trois rénovateurs RPR en décembre 1990 aboutit
à la défaite de Mme Michèle Barzach face
à M. René Galy-Dejean (RPR), dans la
13e circonscription de Paris, et à la réélection de MM. Michel Noir et Jean-Michel Dubernard, qui étaient opposés à des
candidats du Front national dans les 2e et
3e circonscriptions de Lyon. Les taux d’abstention s’élèvent à 70 % en moyenne.
ITALIE
Partis politiques
À Rimini, le congrès du Parti communiste
italien décide sa transformation en Parti
démocratique de la gauche (PDS). Certains membres du PCI refusent d’adhérer
au PDS, qui comprend déjà plusieurs tendances (8).
ISRAËL
Vie politique
La décision du Premier ministre Itzhak
Shamir de faire entrer dans son gouvernement le chef controversé du parti d’extrême
droite Moledet, M. Rehavam Zeevi, qui est
violemment antiarabe, suscite des critiques
jusque dans la majorité.
MAROC
Manifestations
Plusieurs dizaines de milliers de personnes
défilent dans les rues de Rabat à l’appel
des partis de l’opposition en signe de solidarité avec l’Irak. Elles réclament notamdownloadModeText.vue.download 17 sur 490
CHRONOLOGIE
15
ment le retour du contingent marocain
(1 200 hommes) envoyé en Arabie Saoudite.
SPORT
Ski
À Saalbach, en Autriche, à un an des jeux
Olympiques d’Albertville, les Français ne
remportent que trois médailles – deux
d’argent et une de bronze – au cours des
championnats du monde dominés par les
Autrichiens.
Lundi 4
CEE
Les Douze
Les Douze décident de lever les sanctions
financières contre la Syrie, adoptées en
1986 à la suite d’actes terroristes.
FRANCE
Spectacles
À Paris, à l’Olympia, Guy Bedos, Smaïn et
Michel Boujenah, respectivement pied-noir,
beur, et juif, donnent un spectacle comique
unique à l’initiative de deux organisations
antiracistes.
Mardi 5
FRANCE
Défense
Entré en service en 1971, le Redoutable,
premier sous-marin nucléaire stratégique
français, rejoint sa base de l’île Longue,
dans la rade de Brest, au terme de sa 58e et
dernière patrouille au service de la dissuasion nucléaire.
Jardins
La direction du Patrimoine annonce le lancement d’une opération de restauration des
parcs de Versailles et de Trianon, qui doit
s’étendre sur vingt ans et coûter 250 millions de francs. 25 000 des 60 000 arbres
seront remplacés.
Mercredi 6
LIBAN
Troubles
Un contingent de 1 500 soldats se déploie
dans une partie du sud dur pays, restaurant
ainsi l’autorité de l’État dans cette région
chiite qui était aux mains des Palestiniens
ainsi que des milices chiites d’Amal et du
Hezbollah depuis le début de la crise libanaise, en 1975.
Jeudi 7
E S PA C E
La station soviétique Saliout-7
La station soviétique Saliout-7 se désintègre en rentrant dans l’atmosphère au-dessus des Andes. Divers débris tombent en
Argentine. Lancée le 19 avril 1982, la plus
perfectionnée des stations habitables de la
première génération avait été abandonnée
le 24 juin 1986.
FRANCE
Sécurité
À Limoges, en Haute-Vienne, 400 personnes secondées par vingt spécialistes israéliens de la lutte antiterroriste assurent la
sécurité du match de basket-ball LimogesTel Aviv, en raison du climat créé par la
guerre du Golfe.
G R A N D E ! B R E TA G N E
Terrorisme
À Londres, pendant une réunion du cabinet
de guerre au 10, Downing Street, trois obus
de mortier sont tirés depuis une camionnette en direction de la résidence du Premier ministre et de l’immeuble du Foreign
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
16
Office. L’IRA revendique l’attentat, qui fait
trois blessés.
TURQUIE
Conflits sociaux
Les 48 000 mineurs de Zonguldak, sur la
mer Noire, en grève depuis le 30 novembre
1990, reprennent le travail après la signature d’une convention collective (3 janvier).
CHINE/INDE
Relations
À l’issue de la visite du ministre indien des
Affaires étrangères à Pékin, les deux pays
décident de rétablir leur commerce bilatéral
interrompu depuis le conflit de 1962. Ce
geste concrétise le réchauffement de leurs
relations depuis la visite du Premier ministre indien, Rajiv Gandhi, dans la capitale
chinoise en décembre 1988.
INDE
Armement
Le gouvernement annonce le retour à Vladivostok du sous-marin d’attaque nucléaire
que l’URSS lui avait « loué » en janvier
1988. C’était la première fois qu’un matériel de ce type était cédé par une puissance
nucléaire à un pays tiers.
Vendredi 8
FRANCE
Équipement
Le Premier ministre choisit la ville nouvelle
de Melun-Sénart pour accueillir le grand
stade de 80 000 places dont la France doit
se doter pour prétendre à l’organisation de
la Coupe du monde de football de 1998.
ALBANIE
Propriété privée
Un décret autorise les Albanais à posséder
une voiture particulière. Toutefois, aucune
automobile n’est produite ni vendue dans le
pays.
ITALIE
Partis politiques
Après avoir échoué de dix voix le 4,
M. Achille Occhetto, ancien secrétaire général du PCI, est élu premier secrétaire du
nouveau Parti démocratique de la gauche
(PDS) [3].
Pérou
Un fléau de plus
Il existe désormais une raison supplémentaire de
mourir, au Pérou. Le 8 février, devant l’ampleur de
l’épidémie de choléra qui contamine un millier de
personnes par jour depuis la fin du mois de janvier,
le gouvernement décrète l’état d’urgence sanitaire
dans le pays et fait appel à l’aide internationale.
Après avoir ravagé l’Europe à six reprises au
XIXe siècle, le choléra, originaire d’Asie, a de nouveau quitté sa zone d’endémie traditionnelle, il
y a une trentaine d’années, pour se répandre en
Afrique. Responsable de cette septième pandémie
qui touche une centaine de pays, le vibrion El Tor
atteint à présent l’Amérique latine. La maladie, au
délai d’incubation très court, se traduit par une
infection intestinale aiguë qui entraîne une déshydratation souvent mortelle si elle n’est pas immédiatement traitée. Le seul vaccin efficace est très
cher et n’est pas actuellement disponible en grande
quantité. La qualité des infrastructures sanitaires
péruviennes, qui sont toutefois rapidement débordées, permet de maintenir le taux de mortalité de
la maladie en dessous de 1 %.
L’épidémie est partie du port de Chimbote, situé à
700 km au nord-ouest de Lima. Elle s’est rapidement répandue à l’ensemble du littoral, avant de
traverser les Andes, puis de contaminer les pays
voisins en avril. Elle aurait pour foyer le plancton
de l’océan Pacifique qui aurait contaminé la faune
marine. Or l’un des plats traditionnels péruviens
est le cebiche, à base de poisson cru et de fruits de
mer, préparé dans des conditions d’hygiène souvent contestables.
Ce n’est pas l’origine de l’épidémie qui importe,
mais la qualité du terrain de propagation. La moitié des 22 millions de Péruviens n’ont pas accès à
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CHRONOLOGIE
17
un réseau de distribution d’eau potable et les deux
tiers ne disposent pas de tout-à-l’égout. Or le choléra se complaît dans les cloaques. Par ailleurs,
les campagnes de prévention ont peu d’effets sur
des populations pauvres et incultes, à qui la mort
est familière. Au Pérou, on meurt aussi de tuberculose, de peste, de malaria, de rage, de lèpre et
de fièvre jaune. Les séismes sont fréquents. Enfin,
la guérilla est responsable de dix morts par jour
dans les campagnes – autant que la délinquance
urbaine.
Le choléra risque d’aggraver la situation économique dont les déficiences sont en partie la cause
de la propagation de la maladie. Le boycottage des
produits alimentaires exportés par le Pérou est
général, et le tourisme est réduit à néant. Aussi le
président Alberto Fujimori tente-t-il de minimiser l’étendue de l’épidémie, multipliant les dégustations publiques de poisson cru. Mais, comme le
dit M. Carlos Vidal, ministre de la Santé limogé le
18 mars en raison de la campagne trop zélée qu’il
menait contre le choléra et de son opposition à la
politique économique ultralibérale du gouvernement, « il y a le cebiche pour les riches et le cebiche
pour les pauvres ».
Samedi 9
URSS
Nationalités
84,4 % des Lituaniens participent – et
90,4 % répondent positivement – au « référendum-sondage » sur l’indépendance de la
république Balte organisé par le président
Vytautas Landsbergis et jugé « illégal » par
M. Mikhaïl Gorbatchev. Un référendum
est prévu le 17 mars dans toutes les répu-
bliques sur le traité de l’Union.
JAPON
Énergie
Un incident sérieux, quoique bien contrôlé, affecte la centrale nucléaire de 500 mégawatts de Mihama, près de Kyoto, qui
rejette une faible radioactivité dans l’atmosphère. Au cours du mois, des avaries survenues dans deux autres centrales relancent
le débat sur la sécurité de l’ambitieux programme nucléaire japonais.
AFRIQUE DU SUD
Police
Plus de 11 000 personnes sont interpellées
dans le cadre de la plus vaste opération de
« prévention du crime » jamais effectuée
dans le pays. Elle vise notamment les ghettos noirs de la banlieue de Johannesburg.
HAÏTI
Vie politique
Le président Jean-Bertrand Aristide, qui
a pris ses fonctions le 7 février, nomme
M. René Préval, agronome, au poste de Premier ministre. Ce dernier, qui cumule les
portefeuilles de l’Intérieur et de la Défense,
nomme le 19 un gouvernement composé
de proches du président.
Dimanche 10
FRANCE
Sans-abri
En raison du froid, la station de métro SaintMartin, entre République et StrasbourgSaint-Denis, désaffectée depuis 1939, est
rouverte durant la nuit pour accueillir les
déshérités.
G R A N D E ! B R E TA G N E
Institutions
Le Sunday Times s’en prend à la « décadence » et à l’ « insensibilité » de la famille
royale, la reine Élisabeth exceptée, au moment où des soldats britanniques sont engagés dans la guerre du Golfe.
TCHÉCOSLOVAQUIE
Partis politiques
Constitué en parti le 13 janvier, le Forum
civique décide de se scinder en deux formations indépendantes coiffées par un comité
de coordination. Lors du dernier congrès
exceptionnel organisé le 23, l’aile droite
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
18
majoritaire, qui reste sous la présidence du
ministre des Finances libéral Vaclav Klaus,
est rebaptisée Parti démocratique civique ;
l’aile gauche dirigée par le vice-Premier
ministre Pavel Rychetsky, qui regroupe les
dirigeants « historiques » du mouvement,
prend le nom de Mouvement civique.
CAMBODGE
Conflit
Tandis que les négociations de paix engagées par le Conseil national suprême, qui
représente les quatre factions cambodgiennes, piétinent, les Khmers rouges bombardent Battambang, deuxième ville du
pays.
Lundi 11
L’Organisation des peuples et des nations
non représentés (UNPO)
L’Organisation des peuples et des nations
non représentés (UNPO) se constitue à La
Haye. Présentée comme une « ONU alternative », elle a pour but d’aider ses membres
– au nombre de dix-huit : pays occupés,
États fédérés, minorités ethniques ou culturelles – à « exprimer leurs doléances et leurs
besoins dans les forums légitimes ».
FRANCE
Audiovisuel
Le groupe public français Thomson lance
sur le marché le Space System, premier téléviseur à adopter le format d’écran présentant un rapport de 16/9 entre la largeur et la
hauteur, compatible avec les futures images
de 1 250 lignes de la télévision à haute défi-
nition (TVHD). Son prix est fixé à 35 000 F.
ISLANDE
Politique étrangère
L’Althing est le premier Parlement occidental à reconnaître l’indépendance de
la Lituanie et à demander à son gouvernement d’établir avec elle des relations
diplomatiques.
Mardi 12
FRANCE
Environnement
L’AFNOR est autorisée à délivrer le label
« NF-Environnement » à des produits sélectionnés pour leurs qualités écologiques.
CHINE
Procès politiques
La dernière série de condamnations des
dirigeants du « printemps de Pékin » est
marquée par de plus lourdes peines que les
précédentes. Les journalistes économistes
Wang Jun tao et Chen Ziming, récidivistes,
sont ainsi condamnés à treize ans de prison
(26 janvier).
CORÉES
Relations
Pour la première fois, les deux Corées décident de présenter des équipes communes
aux championnats du monde de tennis de
table, en avril, au Japon, et de football, en
juin, au Portugal.
AFRIQUE DU SUD
Troubles
Le Congrès national africain (ANC) et
le gouvernement précisent les termes de
l’accord du 6 août 1990, qui porte notamment sur la suspension de la lutte armée
par l’ANC. Les activités militaires de l’organisation noire seront limitées, mais ses
manifestations de masse ne seront plus
réprimées (encadré Apartheid, la nouvelle
Afrique du Sud).
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CHRONOLOGIE
19
Mercredi 13
FRANCE
Consommation
Malgré l’hostilité des professionnels, le
Conseil des ministres adopte le projet de
Mme Véronique Neiertz qui autorise la publicité comparative à condition qu’elle soit
objective (18 mars).
Sociétés
L’achat
filiale
fait de
péen de
Thomson
du voyagiste Club Aquarius et de sa
Air Liberté par le Club Méditerranée
ce dernier le troisième groupe eurotourisme derrière le britannique
et l’allemand TUI.
LIBERIA
Guerre civile
À Lomé, au Togo, les parties belligérantes
signent, sous l’égide de la Communauté économique des États de l’Afrique de
l’Ouest (CEDEAO), un accord d’application du cessez-le-feu conclu le 28 novembre
1990. Celui-ci prévoit notamment le désarmement des partisans de Charles Taylor, de
Prince Johnson et des Forces armées nationales et la réunion d’une conférence nationale le 15 mars.
Jeudi 14
ROUMANIE
Politique foncière
Le Parlement adopte une loi sur la redistribution des terres collectivisées entre 1949 et
1962 à leurs anciens propriétaires. L’opposition estime que le contrôle étroit de l’État
sur cette opération en faussera les résultats
(22).
TCHÉCOSLOVAQUIE
Politique étrangère
Le gouvernement décide d’ouvrir un bureau
de représentation sans statut diplomatique
à Vilnious, en Lituanie, et d’accueillir à
Prague un organisme lituanien similaire.
PÉROU
Vie politique
Devant l’échec des mesures draconiennes
adoptées le 8 août 1990 en vue de juguler
l’inflation, le Premier ministre et ministre
des Finances Juan Carlos Hurtado présente la démission de son gouvernement. Le
15, le président Alberto Fujimori nomme
M. Carlos Torres pour lui succéder.
Vendredi 15
P O LO G N E / H O N G R I E /
TCHÉCOSLOVAQUIE
Politique étrangère
Réunis à Visegrad, en Hongrie, les dirigeants des trois pays manifestent leur volonté commune de quitter les structures
socialistes et de s’intégrer aux instances
européennes.
Samedi 16
É TAT S ! U N I S
Pacifisme
À San Francisco, où le campus de Berkeley
menait déjà le mouvement contre la guerre
du Viêt-nam dans les années 1960, plusieurs milliers de personnes participent à
une manifestation contre l’envoi de troupes
américaines dans le Golfe.
COLOMBIE
Drogue
À Medellín, un attentat à la voiture piégée
revendiqué par le cartel de la drogue de Pablo Escobar fait 23 morts. Durant le mois,
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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les massacres reprennent dans la « capitale » des narcotrafiquants.
Dimanche 17
CAP!VERT
Élection présidentielle
Après l’adoption du multipartisme en
octobre 1990, M. Antonio Mascarenhas
Monteiro est élu chef de l’État par 72 %
des voix contre 26,2 % au président sortant Aristides Pereira. C’est la première
fois en Afrique qu’un chef de l’opposition
accède au pouvoir à la suite d’une élection
(13 janvier).
Lundi 18
FRANCE
Consommation
Après la publication de la loi du 10 janvier
1991 qui interdit la publicité pour le tabac
et l’alcool, la mise en vente par l’entreprise
publique SEITA d’une cigarette blonde baptisée Chevignon, du nom d’une marque de
vêtements pour jeunes, suscite des critiques
jusqu’au sein du gouvernement.
Sociétés
Candidat malheureux depuis août 1989 à
la reprise des chantiers navals de l’ex-Normed, à La Ciotat, Lexmar-France est placé
en liquidation judiciaire.
G R A N D E ! B R E TA G N E
Terrorisme
Deux attentats à la bombe revendiqués par
l’IRA sont perpétrés dans les gares londoniennes de Paddington et de Victoria. Le
second fait un mort et 43 blessés.
Danse
La mort du cygne
À 9 ans, Peggy Hookham dansait déjà dans les
rues de Shanghai où son père était en poste. Le
20 février, Margot Fonteyn – son nom de scène –
s’éteint dans une ferme du Panama, à 71 ans. Ces
deux dates délimitent le destin singulier de la plus
grande danseuse britannique de ce siècle.
Les débuts de Margot Fonteyn sont exemplaires.
Formée par les meilleurs maîtres de ballet de
Londres, elle débute en 1934, à l’âge de 14 ans,
dans Casse-Noisette, et se distingue déjà par son
perfectionnisme. Dès l’année suivante, elle se voit
confier ses premiers grands rôles dans le Baiser
de la fée, puis dans Giselle. L’Angleterre, qui n’a
jamais applaudi d’étoile aussi jeune, est aussitôt
séduite par l’élégance, le raffinement, la fragilité et
la pudeur de cette jeune fille au visage gracieux et
au corps merveilleusement proportionné. Margot
Fonteyn préférera toujours la discrétion sensible
d’un style simplement parfait aux spectaculaires
exhibitions qu’affectionnent certaines danseuses.
Au lendemain de la guerre, en 1946, son interprétation de la Belle au bois dormant lui confère une
réputation mondiale. Dans la troupe du Sadler’s
Ballet, qui devient le Royal Ballet, elle danse dès
lors tous les grands rôles du répertoire classique,
dont elle sait aussi s’échapper pour devenir la chatte
blanche des Demoiselles de la nuit de Roland Petit,
en 1948. À l’aube de la trentaine, et à la suite d’une
blessure qui la tient momentanément éloignée de
la scène, elle décide qu’elle s’arrêtera de danser à
35 ans. Mais la vie et la carrière de Margot Fonteyn
vont être bouleversées par deux hommes dont les
caractères « exotiques » tranchent avec l’apparente
sagesse de la ballerine dont les mauvaises langues
affirment qu’elle peut danser tous les rôles « sans
renverser sa tasse de thé ».
Le premier est un des admirateurs de ses débuts,
jeune étudiant panaméen venu l’attendre dans
les coulisses. En 1953, dix-huit ans plus tard,
devenu ambassadeur, le fougueux Roberto Arias
la retrouve pour l’épouser. De trafic d’armes en
tentative de coup d’État, cet activiste politique
l’entraîne dans une chorégraphie très nouvelle
pour elle, jusqu’à l’attentat qui, en 1964, le laisse
tétraplégique. Elle continuera à danser pour payer
les dettes qu’il accumule et le soignera jusqu’à sa
mort, en 1989.
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CHRONOLOGIE
21
La poursuite de sa carrière a une autre raison. En
1961, elle rencontre le sauvage Rudolf Noureïev,
qui vient de fuir l’URSS. La fascination est réciproque. Elle l’impose et connaît grâce à lui un
second souffle. Leur différence d’âge – il a 22 ans,
elle en a 42 – ne les empêche pas d’incarner durant
plusieurs années, sur les scènes mondiales, où ils
déchaînent l’enthousiasme, le couple idéal du ballet classique dont ils révolutionnent la technique.
Margot Fonteyn met un terme à sa carrière au
début des années 1970.
Mardi 19
CEE
Politique étrangère
Constatant la « ferme volonté de M. Gorbatchev de poursuivre la perestroïka »,
les ministres des Affaires étrangères de la
Communauté invitent la Commission à
reprendre l’étude du programme d’aide à
l’URSS adopté en décembre 1990 et suspendu après l’intervention de l’armée soviétique à Vilnious en janvier (13 janvier).
URSS
Vie politique
Lors d’une intervention télévisée, M. Boris
Eltsine, président de la République de Russie, demande la « démission immédiate »
du président Mikhaïl Gorbatchev. Le lendemain, il est massivement désavoué par le
Parlement soviétique.
Mercredi 20
RELIGION
Le Conseil oecuménique des Églises
Le Conseil oecuménique des Églises (protestantes et orthodoxes) réuni depuis le
7 en assemblée générale à Canberra, en
Australie, constate l’émergence, au sein des
Églises du tiers-monde, d’un courant favorable à une théologie « contextuelle », qui
leur permet d’interpréter l’Évangile à travers leur propre contexte culturel.
FRANCE
Criminalité
À Paris, une femme gardien de la paix qui
participait à un contrôle-radar sur le boulevard périphérique en compagnie d’un collègue est tuée par balles. C’est la première
policière tuée en service (9 juin).
ALBANIE
Troubles
À Tirana, des dizaines de milliers d’étudiants, en grève depuis le 6, déboulonnent
la statue monumentale d’Enver Hodja. Le
président Ramiz Alia accepte que l’université de la capitale, qui portait le même nom,
soit débaptisée. Il annonce qu’il prend le
contrôle du gouvernement jusqu’aux élec-
tions du 31 mars et s’entoure d’une équipe
de techniciens (22).
YOUGOSLAVIE
Nationalités
Le Parlement de la Slovénie adopte à une
écrasante majorité une résolution proposant aux autres républiques la « dissociation de la République socialiste fédérée en
deux ou plusieurs États souverains et indépendants ». Le 21, le Parlement de la Croatie vote un texte identique.
Jeudi 21
CONSEIL DE L’EUROPE
La Tchécoslovaquie
La Tchécoslovaquie devient le 25e État
membre de l’organisation européenne.
ITALIE
Justice
La cour d’appel de Palerme décide la remise en liberté de Michele Greco, considéré comme le chef de la Mafia sicilienne
et condamné à la réclusion à perpétuité
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
22
en décembre 1987. À l’instar de celui des
41 autres condamnés des « maxi-procès » de
la fin des années 1980, son jugement n’avait
pas pu être confirmé en appel dans les délais
prévus. Un décret gouvernemental adopté
le 1er mars autorise leur réincarcération.
TCHÉCOSLOVAQUIE
Propriété privée
L’Assemblée fédérale adopte une loi qui
prévoit l’indemnisation, en nature ou sous
forme de titres, des anciens détenteurs de
biens ayant fait l’objet de nationalisation
après le « coup de Prague » du 25 février
1948.
Vendredi 22
FRANCE
Affaires
Député de la Charente mis en congé du
Parti socialiste le 17 octobre 1990, M. JeanMichel Boucheron est inculpé de corruption, complicité de faux et usage de faux en
écriture de commerce, recel d’abus de biens
sociaux et ingérence pour des faits relatifs
à la gestion de la ville d’Angoulême, dont il
fut maire de 1977 à 1989.
Sport
Le club de football des Girondins de Bordeaux est placé en redressement judiciaire.
Le tribunal ne juge pas « sérieux » le plan de
remboursement des 242 millions de francs
de dettes présenté par M. Jean-Pierre Derose, qui a succédé le 7 à M. Alain Afflelou
à la présidence du club.
ALBANIE
Troubles
Autour de l’École militaire de Tirana, dont
les élèves restent fidèles à la mémoire d’Enver Hodja, des affrontements armés entre
les manifestants et les forces de l’ordre font
au moins quatre morts (20).
ALLEMAGNE
Vie politique
La commission chargée d’enquêter sur le
passé de M. Lothar de Maizière, ancien
Premier ministre de RDA, blanchit celuici des accusations de collaboration avec la
Stasi, la police politique est-allemande. Ces
attaques avaient entraîné sa démission du
gouvernement du chancelier Helmut Kohl,
le 17 décembre 1990.
BULGARIE
Politique foncière
Adoptée par le Parlement, la loi sur la redistribution des terres collectivisées à leurs
anciens propriétaires est accueillie avec
satisfaction par la population (14).
URSS
Catastrophe
La commission d’État chargée du contrôle
de la sécurité dans l’industrie reconnaît
pour la première fois que la mauvaise
conception du réacteur de la centrale de
Tchernobyl est la « cause fondamentale » de
l’accident survenu le 26 avril 1986.
Samedi 23
URSS
Manifestations
À Moscou, à l’occasion de la « fête de
l’armée », des dizaines de milliers de personnes participent à un rassemblement
conservateur en faveur du communisme.
La veille et le lendemain, les partisans de
M. Boris Eltsine sont aussi nombreux à descendre dans la rue pour défendre les principes réformateurs.
THAÏLANDE
Coup d’État
Dans l’indifférence générale, l’armée renverse le gouvernement de M. Chatichai
Choonhavan, Premier ministre depuis août
1988. Le général Sunthom Kongsompong,
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CHRONOLOGIE
23
commandant en chef des forces armées,
prend la tête d’un Comité national de la
paix intérieure.
Réunion
Le chaudron
Résultat d’un complot ou réaction spontanée, les
violentes émeutes qui éclatent à Saint-Denis-dela-Réunion, le 23 février, témoignent surtout d’un
profond malaise social. Dans ce contexte, la saisie
de l’émetteur de Télé-Free-DOM a joué le rôle d’un
puissant catalyseur.
Le malaise réunionnais se confine généralement
à la sphère privée : l’alcoolisme et la violence domestique, notamment, atteignent des taux record.
Il arrive toutefois que des flambées de violence,
comme celle de 1973, viennent ternir l’image paisible d’une île qui ne connaît ni revendication autonomiste ni problème ethnique. La réalité est plus
brutale : 35 % de la population active au chômage,
50 000 bénéficiaires du RMI, 100 000 illettrés sur
une population de 525 000 habitants. Tous les
gouvernements ont privilégié l’assistance sociale
au détriment de l’incitation économique. La Réunion exporte aujourd’hui un dixième de ce qu’elle
importe.
On comprend donc que Télé-Free-DOM, « une
télé pauvre pour les pauvres », rencontre une très
large audience parmi les habitants des cités HLM
comme celles du quartier du Chaudron. Son directeur, M. Camille Sudre, est considéré par les
uns comme le héros des libertés, et par les autres
comme un dangereux mégalomane. La chaîne
émet sans autorisation depuis 1986. Saisie, la justice n’a pas encore tranché. La CNCL puis le CSA
ont refusé d’accorder une fréquence à Télé-FreeDOM, qui, de son côté, rejette tout compromis.
Enfin, le 16 novembre 1990, le CSA a demandé la
saisie de l’émetteur pirate, à laquelle les autorités
procèdent le 25 février.
Pourtant, depuis deux jours, quelques centaines de
militants mêlés de jeunes désoeuvrés et de casseurs
bravent l’interdiction préfectorale et affrontent les
forces de l’ordre dans le quartier du Chaudron,
à l’appel de M. Sudre. De nombreux magasins et
entrepôts sont pillés, certains sont incendiés. Au
moins dix personnes meurent carbonisées dans les
décombres des bâtiments au cours de trois jours
d’émeutes.
La recherche des responsabilités fait naître de
nombreuses polémiques. Le préfet accuse M. Sudre
d’avoir « orienté » les casseurs vers des « cibles
choisies ». Au terme d’une brève visite dans l’île,
M. Louis Le Pensée dénonce une « attaque préméditée » et une « casse organisée ». De son côté, le
maire socialiste de Saint-Denis, qui n’oublie pas
qu’il doit en grande partie sa victoire électorale à
Télé-Free-DOM, interprète les propos du ministre
des DOM-TOM en s’en prenant au Parti communiste réunionnais (PCR). Les chômeurs du Chaudron paraissent bien oubliés (17 mars).
Dimanche 24
GOLFE
encadré Golfe, la guerre.
Lundi 25
G R A N D E ! B R E TA G N E
Église anglicane
Mgr George Carey, nouvel archevêque de
Cantorbéry entré en fonction le 1er janvier,
se prononce en faveur de l’ordination des
femmes (éd. 1989).
MONGOLIE
Vie politique
Le Parti populaire révolutionnaire mongol
au pouvoir décide d’abandonner les principes du marxisme-léninisme et déclare
vouloir poursuivre « le but du socialisme
scientifique par des voies démocratiques ».
Pacte de Varsovie
Euthanasie
Vidé de sa substance, le « bloc de l’Est » abandonne
à présent ses structures devenues sans objet. Le
25 février, les ministres des Affaires étrangères et
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
24
de la Défense des six États membres du pacte de
Varsovie décident la dissolution de sa structure
militaire avant le 31 mars.
Le « traité d’amitié, de coopération et d’assistance
mutuelle » signé le 14 mai 1955 dans la capitale polonaise par l’URSS, la Pologne, la Tchécoslovaquie,
l’Allemagne orientale, la Hongrie, la Roumanie,
la Bulgarie et l’Albanie n’était pas exactement la
réponse à la création de l’OTAN, le 4 avril 1949. Il
sanctionnait, en fait, la fin des espoirs de l’URSS
de voir se résoudre à son avantage le problème de
l’unité allemande. Signés le 23 octobre 1954 par les
alliés occidentaux, les accords de Paris prévoyaient
en effet le rétablissement de la souveraineté de la
RFA et son adhésion à l’OTAN. En dépit des efforts
soviétiques, ces accords entraient en vigueur le
26 avril 1955. L’inéluctable réarmement allemand
était en marche. Dès l’été 1955, les premières unités allemandes étaient constituées à l’Est comme à
l’Ouest et intégrées à chaque alliance.
Par son article 4, le pacte de Varsovie engageait
chacun de ses signataires à accorder une « assistance immédiate par tous les moyens qui lui sembleraient nécessaires, y compris l’emploi de la force
armée ». Il allait bientôt devenir l’instrument de
la doctrine de « souveraineté limitée » de l’URSS.
L’Encyclopédie militaire soviétique n’indique-telle pas que le rôle du pacte est de « défendre les
conquêtes du socialisme et d’assurer la paix et la
sécurité en Europe » ? Théâtre, en 1991, de la dissolution des structures militaires du pacte de Varsovie, Budapest se rappelle 1956.
L’Albanie a quitté l’organisation du bloc de l’Est en
1968, après son rapprochement avec la Chine, et la
RDA en 1990, du fait de l’unification allemande.
Le traité de 1955 a perdu sa raison d’être depuis
les accords sur le retrait des troupes soviétiques
de Tchécoslovaquie et de Hongrie avant le 30 juin
1991, signés respectivement le 26 février et le
10 mars 1990. Le principe du retrait des troupes
soviétiques de Pologne est lui aussi acquis, même
s’il subsiste un problème de date, l’Armée rouge
désirant aligner son retrait de Pologne sur son
retrait de l’ex-RDA, qui ne devrait pas avoir lieu
avant 1994.
Quelque peu effrayés par le vide ainsi créé en Europe orientale et soucieux de ménager l’URSS, ses
anciens vassaux n’ont pourtant pas exigé la dissolution totale du pacte de Varsovie, dont les structures politiques doivent subsister encore quelque
temps.
Mardi 26
FRANCE
Musique
L’Opéra Bastille présente la première de
la Dame de pique de Tchaïkovski, mise en
scène par Andreï Konchalovski.
ALLEMAGNE
Fiscalité
Le gouvernement rend public le détail des
augmentations d’impôts et de taxes auxquelles il est contraint de procéder, malgré
ses promesses, pour assurer le financement
de la réunification, plus lourd que prévu.
Mercredi 27
GOLFE
encadré Golfe, la guerre.
BANGLADESH
Élections législatives
Lors du premier scrutin démocratique et
quasiment sans violence ni fraude depuis
l’indépendance en 1971, le Parti national
du Bangladesh (BNP) de la bégum Khaleda
Zia, veuve de l’ancien président Zia ur-Rahman assassiné en 1980, remporte 138 sièges
sur 300. Le parti de l’ex-président Hussein
Mohamed Ershad parvient à conserver
35 sièges.
AFRIQUE DU SUD
Bantoustans
Le gouvernement signe un accord avec les
autorités du Ciskeï, qui prévoit l’administration des affaires courantes par Pretoria. Cet
acte met fin de facto à l’« indépendance »
de ce territoire que seule l’Afrique du Sud
reconnaissait depuis 1981.
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CHRONOLOGIE
25
Jeudi 23
FRANCE
Cheptel
Le ministère de l’Agriculture annonce
qu’un premier cas d’encéphalite spongiforme bovine, dite maladie de la « vache
folle », est apparu en France, dans le Finistère (éd. 1991).
Justice
La cour d’assises de Meurthe-et-Moselle
condamne Simone Weber à vingt ans de
réclusion criminelle. Elle est reconnue
coupable du meurtre de son ancien amant,
Bernard Hettier ; en 1980, mais acquittée
pour l’assassinat de son prétendu mari, la
même année.
Le mois de
Pierre Dabezies
C’est évidemment la guerre du Golfe qui domine
ce mois de février, au cours duquel les autres
événements paraissent bien pâles : mise à l’écart
des dernières grandes lois sur l’apartheid à Pretoria, émeutes sociales à la Réunion à la suite de
la fermeture de « Télé-Free-DOM », naufrage de
la Somalie, reprise du pouvoir par l’armée à Bangkok, manifestations prémonitoires à Vilnious, à
Moscou même et en Albanie, enfin liquidation des
structures militaires du pacte de Varsovie. Chronique subalterne : les yeux et les oreilles sont tournés vers le Koweït.
Sous l’angle des combats, si le mois de janvier a été
marqué par l’ouverture des hostilités et par l’irruption, dans le panorama stratégique, d’une guerre
électronique toute nouvelle, bref si l’essentiel
avait été jusque-là la destruction au loin du dis-
positif irakien, la préoccupation majeure devient
désormais l’offensive terrestre. Toutes forces réunies, l’aviation, épaulée par les canons du cuirassé
« Missouri » et bientôt par des rampes mobiles de
lance-roquettes multiples, pilonne donc la forteresse censée être tenue par un demi-million d’Irakiens, en même temps qu’elle finit de démanteler,
non sans bavures parfois et non sans milliers de
victimes, la machine de guerre adverse dont les
avions, en particulier, privés d’infrastructure, s’efforcent de s’échapper en Iran.
Le problème est, cependant, de savoir si la défense
ennemie a des chances de s’effondrer brusquement, ou si l’on est condamné à un assaut meurtrier que les opinions publiques risquent de mal
accepter. À cet égard, les alliés subissent les effets
d’une double manoeuvre psychologique : la leur,
d’abord, qui, à force de diaboliser l’Irak et son chef,
supposé disposer de la « 4e armée du monde », en
arrive à lui prêter des moyens démesurés ; ensuite,
la guerre des nerfs menée par Saddam Hussein
lui-même, dont l’intransigeance, les menaces et les
initiatives inopinées – comme la marée noire – ne
manquent pas d’impressionner. Le maître de Bagdad vise, en fait, les masses arabes, qui s’enflamment à Rabat, Alger, Tunis, Amman ou Karachi,
au point que certains pays européens hésitent à
s’engager et que l’on peut être, un temps, inquiet. À
l’image des Scuds lancés sur l’Arabie et sur Israël,
la manoeuvre ne tarde pas à apparaître, pourtant,
comme un pétard mouillé. Le Conseil de sécurité,
en dépit des réticences du Yémen, de Cuba, et, à
un moindre degré, de la Chine, suit les États-Unis,
quitte à sembler inféodé. Le plan de paix soviétique avorte devant la volonté du président Bush,
dont les hésitations tactiques cachent mal la détermination d’aller jusqu’au bout.
Ainsi, sans tenir compte des dernières palinodies
de l’Irak, l’offensive finale est-elle déclenchée le
24 février, assortie d’une double surprise : d’une
part, un mouvement tournant, auquel participe la
division Daguet, enveloppe le Koweït à l’ouest au
lieu et place du débarquement des « marines » que
chacun attendait ; d’autre part, la coalition tombe
en partie dans le vide, la garde républicaine et
ses chars étant seuls en mesure de résister. Trois
jours suffisent à sceller une victoire sans appel que
Washington préfère, en définitive, circonscrire aux
rives de l’Euphrate par peur, semble-t-il, du chaos
qu’une poursuite vers Bagdad risquerait de créer.
Le 27 au matin, le drapeau national flotte à nouveau sur Koweït Ville. Le monde bipolaire a vécu.
Le triomphe de l’Amérique est sans limite. Il laisse
présager, pour le mieux ou pour le pire, l’instauration d’un nouvel ordre international, sinon d’une
hégémonie.
PIERRE DABEZIES
président de la Fondation pour les études de la
Défense nationale
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
26
Mars
Vendredi 1
FRANCE
Transports aériens
Conformément à l’accord conclu le 30 octobre 1990 avec la Commission européenne
en échange de l’acceptation par celle-ci du
rapprochement entre Air France, UTA
et Air Inter, le gouvernement autorise la
concurrence sur certaines lignes aériennes
intérieures et internationales qui sont attribuées à des compagnies privées (éd. 1991).
ALLEMAGNE
Vie sociale
Premier accord de ce type depuis la réunification, une convention entre le patronat
et le syndicat des métallurgistes du Land
de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale
prévoit que la parité des salaires entre l’Est
et l’Ouest dans ce secteur devra être atteinte
d’ici trois ans.
URSS
Conflits sociaux
Réclamant une amélioration des salaires
et des conditions de travail, les mineurs
du Kouzbass, en Sibérie, et du Donbass,
en Ukraine, entament une grève illimitée
(6 mai).
É TAT S ! U N I S
Vie de la nation
À Washington, lors de sa première conférence de presse depuis la fin de la guerre du
Golfe, le président George Bush déclare :
« Nous avons enterré une fois pour toutes
le syndrome du Viêt-nam. »
COLOMBIE
Guerre civile
Après 24 ans de lutte armée, les 2 000 combattants de la guérilla maoïste de l’Armée
populaire de libération déposent les armes
pour se transformer en parti politique.
Ceux du mouvement M-19 avaient fait de
même en mars 1990 et ceux du Parti révolutionnaire des travailleurs en janvier.
Samedi 2
GOLFE
Conflit
Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte
la résolution 686 qui fixe le cadre général
des conditions du cessez-le-feu, très contraignant pour l’Irak (5).
SRI LANKA
Attentat
Le ministre de la Défense et véritable
homme fort de l’île, M. Ranjan Wijeratne,
qui dirigeait la lutte contre la guérilla tamoule, est assassiné à Colombo.
Dimanche 3
FRANCE
Politique étrangère
Dans une allocution radiotélévisée, le président François Mitterrand tire les leçons
de la participation française à la libération
du Koweït. Il déclare que « la France a tenu
son rôle et son rang », annonce une modernisation de l’appareil de défense français
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CHRONOLOGIE
27
et propose une réunion des chefs d’État et
de gouvernement des pays membres du
Conseil de sécurité de l’ONU.
URSS
Nationalités
Après les Lituaniens le 9 février, les Estoniens et les Lettons se prononcent à leur
tour par référendum à 77 % en faveur de
l’indépendance de leur République (31).
SÂO TOMÉ ET PRÍNCIPE
Élection présidentielle
Candidat indépendant soutenu par l’opposition majoritaire à l’Assemblée, M. Miguel
Trovoada est élu chef de l’État avec plus de
80 % des voix. Il doit remplacer M. Manuel
Pinto Da Costa, président depuis l’indépendance, en 1975.
Lundi 4
IRAK
Troubles
L’hodjatoleslam Mohamed Bakr El Hakim,
chef de file des religieux chiites irakiens
réfugiés à Téhéran, annonce que les insurgés chiites, qui se sont soulevés dans le sud
du pays le 2, contrôlent Bassorah. Dans le
même temps, la rébellion kurde, qui a débuté à la fin du mois de février, s’étend dans le
Nord (11).
CHILI
Répression
Le président Patricio Aylwin rend public le
rapport de la commission « pour la vérité et
la réconciliation » formée en avril 1990 sur
son initiative pour enquêter sur les crimes
commis sous le régime du général Augusto
Pinochet de 1973 à 1989. Ce dernier en rejette les conclusions, qu’il juge « partiales ».
Mardi 5
GOLFE
Conflit
Après avoir libéré 45 prisonniers, l’Irak annonce qu’il ne reste plus aucun membre des
forces de la coalition détenu sur son territoire (7).
Mercredi 6
GOLFE
Conflit
À Damas, les six pays membres du Conseil
de coopération du Golfe (Arabie Saoudite,
Koweït, Qatar, Émirats arabes unis, Bahreïn
et Oman), l’Égypte et la Syrie concluent un
accord destiné à instaurer un système de
sécurité régional appuyé sur une force arabe
de maintien de la paix (7).
FRANCE
Vie politique
Dans un entretien accordé au Monde, M.
Michel Rocard explique comment il veut
faire passer dans les faits le « nouvel élan »
souhaité par le président Mitterrand.
SUISSE
Consommation
À Genève, la présentation par M. Zino
Davidoff de sa nouvelle ligne de cigares de
luxe fabriqués en république Dominicaine
consacre son divorce avec la Cubatabaco de
La Havane.
INDE
Vie politique
Premier ministre minoritaire depuis le
9 novembre 1990, M. Chandra Shekhar,
qui a perdu le soutien du parti du Congrès
de M. Rajiv Gandhi, annonce la démission
de son gouvernement. Le 13, le président
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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Ramaswami Venkataraman dissout le Parlement (21 mai).
É TAT S ! U N I S
Politique étrangère
Le président George Bush déclare devant le
Congrès que « le temps est venu de mettre
un terme au conflit israélo-arabe » sur la
base, notamment, de « l’échange des territoires contre la paix » (12).
France
L’affaire Boudarel
Les procès de l’Histoire peuvent-ils ne pas être
idéologiques ? Les polémiques soulevées par le Bicentenaire de la Révolution ou par l’affaire Papon
ont récemment relancé la question. Son actualité
est confirmée par la campagne lancée, à partir du
6 mars, notamment par l’hebdomadaire d’extrême
droite Minute, qui accuse de crime contre l’humanité Georges Boudarel, ancien « commissaire politique » dans un camp viêt-minh.
L’affaire est en fait publique depuis le 13 février :
au Sénat, lors d’un colloque sur le Viêt-nam, JeanJacques Beucler, secrétaire d’État sous le président
Giscard d’Estaing et ancien prisonnier du Viêtminh, fait reconnaître à M. Boudarel ses activités
au camp 113. En 1950, ce professeur de philosophie de 24 ans quittait en effet le lycée de Saigon
pour se mettre au service du Viêt‑minh. Chargé
d’inculquer la doctrine marxiste aux prisonniers
français, il nie avoir eu sur eux le pouvoir de vie
ou de mort que des anciens détenus lui prêtent et
affirme que le très fort taux de mortalité dans les
camps était dû à la malnutrition et aux maladies.
Sa responsabilité mise à part, un fait est établi :
seuls 10 754 prisonniers français sont rentrés vivants sur un total de près de 37 000.
Aujourd’hui maître de conférence à l’université
parisienne de Jussieu, le déserteur Boudarel a été
amnistié par la loi du 18 juin 1966. Il s’est depuis
lors écarté du communisme, jusqu’à devenir un
spécialiste et un défenseur de la dissidence vietnamienne. Son « choix courageux » et son « refus
de la sale guerre » – tout autant, probablement,
que son « revirement » idéologique – lui attirent
la sympathie d’intellectuels signataires d’un manifeste en sa faveur. À l’époque, ceux-ci partageaient
ses convictions anticolonialistes, sans toutefois
pousser l’inconscience – ou le « courage » –,
jusqu’à les défendre sur le terrain.
De son côté, au moment où l’affaire du « point
de détail » resurgit, l’extrême droite profite de ce
premier « crime contre l’humanité » ne faisant
pas référence à la Seconde Guerre mondiale pour
comparer la mortalité dans les camps vietminhs et
dans les camps nazis et pour exiger que le professeur Boudarel subisse le même sort que son collègue révisionniste Bernard Notin. Le 18 mars, des
manifestants clament : « Boudarel traître, Jospin
complice », et, le 27 : « Jussieu sera le Diên Biên
Phu des traîtres. »
« La complexité supplémentaire de cette affaire
tragique, qui est l’écho personnel de convulsions
historiques immenses, est, je crois, que cet homme
ancien n’est plus, affirme le ministre de l’Éducation le 17 ; le mieux est de le laisser face à sa
conscience. »
Jeudi 7
GOLFE
Conflit
Un premier contingent de soldats américains quitte l’Arabie Saoudite pour les ÉtatsUnis. L’Irak libère un millier de prisonniers
koweïtiens (5 et 8).
ALBANIE
Exode
Au lendemain d’affrontements meurtriers
entre des candidats à l’exil et les forces de
l’ordre dans le quartier des ambassades de
Tirana, le port de Durrës est placé sous
contrôle militaire afin d’endiguer l’émigration clandestine de milliers de personnes
vers l’Italie, qui s’est amplifiée au début du
mois. Devant les mauvaises conditions
d’accueil à Brindisi, de nombreux réfugiés
choisissent de regagner l’Albanie les jours
suivants (éd. 1991).
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CHRONOLOGIE
29
Vendredi 8
GOLFE
Conflit
Une quarantaine de journalistes occidentaux, dont dix-huit Français, arrêtés pour
la plupart par l’armée irakienne aux environs de Bassorah le 3, sont libérés à Bagdad (20).
FRANCE
Société
La cour d’assises de Paris condamne une
Malienne à cinq ans de prison pour avoir
pratiqué, en 1982 et 1983, l’excision des six
fillettes d’un couple malien complice.
Samedi 9
FRANCE
Éthique
Après la révélation de l’accord de principe donné par le ministère de la Justice
à toute demande de détenu souhaitant
bénéficier des techniques de la procréation médicalement assistée, le ministre
de la Santé s’oppose à l’application systématique d’une méthode qui relève de la
thérapeutique.
Cinéma
La 18e Nuit des césars consacre le succès
de Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau, qui obtient dix récompenses. La
Discrète de Christian Vincent reçoit trois
distinctions.
YOUGOSLAVIE
Troubles
À Belgrade, un adolescent et un policier
sont tués lors d’affrontements entre les
forces de l’ordre et des opposants anticommunistes. Composés en majorité d’étudiants, les manifestants réclamaient la « libération » de la télévision (13).
Dimanche 10
ISRAËL
Terrorisme
À Jérusalem, à la veille de l’arrivée du secrétaire d’État américain James Baker, un
Palestinien tue quatre Israéliennes à coups
de couteau.
BURKINA FASO
Vie politique
L’Organisation pour la démocratie
laire-Mouvement du travail, parti
sident Blaise Compaoré, abandonne
marxisme-léninisme et se prononce
veur de l’économie de marché.
popudu préle
en fa-
S A LVA D O R
Élections
L’Alliance républicaine nationaliste (ARENA, droite), parti au pouvoir, perd la majorité absolue à l’Assemblée en n’obtenant que
39 sièges sur 84. Avec 8 députés, la Conver-
gence démocratique, qui regroupe les trois
partis de la gauche non communiste, fait
son entrée au Parlement.
Lundi 11
G R A N D E ! B R E TA G N E
Société
Le quotidien The Times rapporte qu’une
jeune femme vierge de vingt ans a fait l’objet
d’une insémination artificielle dans une clinique privée de Birmingham.
IRAK
Vie politique
Réuni jusqu’au 13 à Beyrouth sous l’égide de
la Syrie, le congrès de l’opposition irakienne
(Kurdes, chiites, baasistes dissidents, natiodownloadModeText.vue.download 32 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
30
nalistes, communistes) tente d’occulter les
divergences relatives à l’instauration d’un
État islamiste ou d’un Kurdistan indépendant (16).
ISRAËL
Conflit
Six membres d’un commando proche du
mouvement islamiste Hamas sont tués par
l’armée alors qu’ils tentaient de franchir la
frontière jordano-israélienne.
Mardi 12
PROCHE!ORIENT
Diplomatie
Au cours de la tournée « exploratoire »
qu’il effectue du 8 au 16, le secrétaire d’État
américain James Baker rencontre les dirigeants israéliens auxquels il demande de
faire preuve de « souplesse » sur la question
palestinienne, ainsi qu’une délégation de
personnalités des territoires occupés (6 et
14 mars, et 26 avril).
Mercredi 13
FRANCE
Douanes
Trois hauts fonctionnaires des douanes de
Lyon et de Dijon sont inculpés d’infraction
à la législation sur les stupéfiants pour avoir
outrepassé leurs droits en vue de démanteler un réseau de trafiquants de drogue.
Pêche
M. Jacques Mellick, ministre de la Mer, présente au Conseil des ministres un plan de
restructuration de la flotte de pêche qui prévoit la réduction de 10 % de la capacité de
capture et la suppression de 1 000 bateaux.
YOUGOSLAVIE
Troubles
À Belgrade, les milliers de manifestants
anticommunistes qui occupaient depuis le
9 la place de la République, rebaptisée place
de la Liberté, quittent les lieux après que
les autorités ont annoncé la démission de
cinq responsables de la télévision, la libération du chef du Mouvement du renouveau
serbe, M. Vuk Draskovic, et la formation
d’une commission d’enquête sur les événements du 9.
Jeudi 14
F R A N C E / É TAT S ! U N I S
Diplomatie
Lors de leur rencontre à la Martinique, le
président François Mitterrand assure le
président George Bush du soutien qu’il apporte aux démarches américaines en faveur
de la paix au Proche-Orient (12).
Grande-Bretagne
Les Six de Birmingham
Il paraît difficile, en Angleterre, d’être à la fois sympathisant de la cause irlandaise et innocent. Après
les « quatre de Guilford », reconnus non coupables
en octobre 1989 après quinze ans de prison, et les
sept membres de la famille Maguire injustement
condamnés en 1976, libérés en 1985, et dont la réhabilitation est en cours, les « six de Birmingham »
sont à leur tour innocentés le 14 mars 1991. Après
plus de seize ans passés derrière les barreaux,
Richard McIlkenny, Patrick Hill, William Power,
John Walker, Gérard Hunter et Hugh Callaghan
sont libres.
Le 21 novembre 1974, des bombes explosent dans
deux pubs de Birmingham, tuant 21 personnes
et en blessant 162. C’est l’attentat le plus meurtrier jamais commis en Angleterre par l’Armée
républicaine irlandaise (IRA). Dans le climat très
tendu causé par la répétition d’actions terroristes
aveugles, les policiers vont se montrer expéditifs.
Le jour même, six Irlandais du Nord venant de
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CHRONOLOGIE
31
Birmingham sont arrêtés alors qu’ils s’apprêtaient
à prendre le bateau pour Belfast. Des « aveux »
sont extorqués par la violence, confortés par les
résultats « scientifiques » d’examens de laboratoire
révélant des traces de nitroglycérine sur les mains
des suspects. L’IRA, qui soutient habituellement
ses militants emprisonnés, ne les reconnaît pas.
En août 1975, les six hommes sont condamnés à la
réclusion perpétuelle.
Les violences policières sont reconnues lors d’un
procès distinct, sans que leurs auteurs soient inquiétés, ni le procès principal remis en question.
En 1987, un premier appel est rejeté. Des rumeurs
insistantes circulent toutefois sur la fiabilité des
tests opérés par l’expert du ministère de l’Intérieur
et sur les méthodes très particulières de la brigade
criminelle des West Midlands. Quelque temps plus
tard, l’expert est mis à la retraite d’office et la brigade dissoute. C’est l’insistance de la presse qui incite les autorités à ordonner la révision du procès
devant le tribunal londonien de l’Old Bailey et à
décider, pour la première fois depuis 1978, la création d’une Commission royale, chargée de mettre
en lumière les failles de la procédure pénale.
Hormis les brutalités policières déjà connues, le
procès en révision confirme que les « tests » appliqués à d’autres suspects avaient révélé les mêmes
traces de nitroglycérine, probablement induites
par le savon servant à nettoyer le matériel de laboratoire, et que les comptes rendus d’interrogatoire
avaient été falsifiés. C’est tout le système judiciaire
britannique qui est déclaré coupable.
KOWEÏT
Vie politique
Seize jours après la libération de son pays,
l’émir Cheikh Jaber al Ahmed al Sabah
regagne discrètement Koweït-Ville qu’il
avait quittée en août 1990. Accusés de col-
laboration avec l’Irak, les Palestiniens qui
vivent dans l’émirat font l’objet de représailles (30).
Vendredi 15
A L B A N I E / É TAT S ! U N I S
Diplomatie
Les deux pays rétablissent leurs relations
rompues en 1939.
POLOGNE
Dette
Le Club de Paris, organe informel qui regroupe des États créanciers, annonce une
réduction de 50 % de la dette publique polonaise qui atteint 33 milliards de dollars sur
un endettement total de 43 milliards. Le 20,
les États-Unis annoncent l’effacement de
70 % de leurs créances polonaises.
YOUGOSLAVIE
Vie politique
Le président de la direction collégiale de
la Fédération, le Serbe Borisav Jovic, provoque une crise institutionnelle en annonçant sa démission, justifiée par le refus de
cette instance d’autoriser l’intervention de
l’armée pour endiguer les risques de guerre
civile. Le lendemain, le président de la
Serbie, M. Slobodan Milosevic, déclare
« morte » la présidence collégiale (20).
SPORT
Patinage artistique
À Munich, les Français d’origine canadienne Isabelle et Paul Duchesnay remportent le titre de champions du monde de
danse sur glace.
Samedi 16
IRAK
Vie politique
Dans sa première conférence de presse
depuis la fin des combats, le président Saddam Hussein promet des réformes démocratiques. Il annonce l’« écrasement » de
l’insurrection chiite dans le sud du pays et
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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prédit le même sort à la rébellion kurde dans
le nord (22).
SPORT
Rugby
En battant l’équipe de France au stade de
Twickenham (21-19), l’équipe d’Angleterre
remporte le Tournoi des cinq nations et réalise son neuvième grand chelem.
Dimanche 17
FRANCE
Polynésie française et Réunion
ALBANIE
Vie politique
La libération des prisonniers politiques,
qui avait débuté en janvier, s’achève
officiellement.
FINLANDE
Élections législatives
Avec respectivement 48 (– 8), 40 (– 13) et
11 (– 1) sièges sur 200, le Parti social-démocrate, le Parti conservateur et le Parti
libéral suédois, membres de la coalition
gouvernementale, perdent la majorité parlementaire. Le Parti du centre devient la
première formation du pays avec 55 sièges
(+ 15) (26 avril).
URSS
Vie politique
Boycotté par six Républiques sur quinze
(les trois pays Baltes, la Géorgie, l’Arménie
et la Moldavie), le référendum national sur
« le maintien d’une Union rénovée », qui
mobilise 80 % d’électeurs, recueille 76 %
de « oui ». Le taux est à peine supérieur à
50 % à Moscou et Leningrad, mais dépasse
90 % dans les Républiques d’Asie centrale.
D’autre part, dans la République de Russie,
près de 70 % des votants se prononcent en
faveur de l’élection d’un président de Russie
au suffrage universel (12 juin).
ISRAËL
Justice
Le jeune Israélien qui avait tué sept Palestiniens à Rishon-le-Zion, près de Tel-Aviv,
le 20 mai 1990, est reconnu sain d’esprit et
condamné à la réclusion à perpétuité.
P O LY N É S I E F R A N Ç A I S E
Élections territoriales
Le Rassemblement pour le peuple (apparenté RPR) de M. Gaston Flosse remporte
18 (+ 8) des 41 sièges de l’Assemblée territoriale. Avec 14 députés (– 9) l’Union
polynésienne (majorité présidentielle) de
M. Alexandre Léontieff perd la majorité.
Le 21, M. Flosse est élu président du gouvernement, avec l’appui de Patrie nouvelle
(5 sièges) de M. Emile Vernaudon, en remplacement de M. Léontieff.
RÉUNION
Troubles
Après la visite du Premier ministre, M. Michel Rocard, qui a déclaré qu’il n’était pas
le « père Noël », de nouvelles violences
secouent Saint-Denis durant deux jours
(encadré Réunion, le chaudron).
Lundi 18
FRANCE
Affaires
Le ministre de l’Intérieur révoque l’inspecteur de police Antoine Gaudino pour manquement à l’obligation de réserve. Dans
l’Enquête impossible (Albin Michel), celuici relatait les détails d’une enquête sur un
réseau de fausses factures lié au financement
du Parti socialiste, dont il avait été dessaisi
en juin 1989 (éd. 1991).
Justice
La cour d’appel de Versailles aggrave les
peines prononcées en mai 1990 contre
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CHRONOLOGIE
33
M. Jean-Marie Le Pen, président du Front
national, dans l’affaire du « point de détail ».
Elle condamne celui-ci à 1,2 million de
francs de dommages et intérêts (éd. 1988).
Consommation
Plusieurs quotidiens nationaux diffusent
une publicité des Centres Leclerc qui rapproche les prix de produits vendus en
grandes surfaces et chez de petits commerçants pour conclure à la nécessité de réglementer la publicité comparative (13 février).
Finances
La Banque de France abaisse son taux directeur de 9,25 % à 9 %.
ALLEMAGNE
Manifestations
Comme à l’automne 1989, des dizaines de
milliers de personnes défilent un lundi dans
les villes de l’ex-RDA afin, cette fois, de protester contre l’aggravation du chômage et la
politique du chancelier Helmut Kohl.
G R A N D E ! B R E TA G N E
Colonies
Les dernières troupes britanniques quittent
Gibraltar où elles étaient présentes depuis
1704.
G R A N D E ! B R E TA G N E / A R G E N T I N E
Relations
Pour la première fois depuis la guerre de
1982, des Argentins sont autorisés à se
rendre sur les îles Malouines pour se recueillir sur les tombes de leurs soldats.
TOGO
Vie politique
Après une semaine de manifestations et
d’affrontements meurtriers entre étudiants
et forces de l’ordre, le président Gnassingbe
Eyadéma, au pouvoir depuis 1967, annonce
l’instauration du multipartisme et l’amnistie
des prisonniers politiques.
Mardi 19
BELGIQUE
Opéra
À Bruxelles, l’Opéra de la Monnaie présente la première de The Death of Klinghoffer, oeuvre de John Adams mise en scène par
Peter Sellars, sur le thème du détournement
de l’Achille-Lauro par un commando palestinien en 1985.
BANGLADESH
Vie politique
Le président Shahabuddin Ahmed nomme
Premier ministre la bégum Khaleda Zia,
chef de file du Parti national, qui a remporté les élections législatives du 27 février.
Mercredi 20
GOLFE
Conflit
Pour la première fois depuis la fin des combats, l’aviation américaine abat un chasseur
bombardier irakien qui avait pris l’air en
violation de l’accord de cessez-le-feu provisoire. Le 22, un second appareil est abattu
dans les mêmes circonstances (22).
YOUGOSLAVIE
Vie politique
Sous la pression du Parlement serbe, M. Borisav Jovic, qui venait de démissionner de
son poste de président de la direction collégiale, décide de reprendre ses fonctions
(15).
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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Jeudi 21
G R A N D E ! B R E TA G N E
Fiscalité
Le gouvernement conservateur de M. John
Major annonce l’abolition de la poll tax en
avril 1993. Le mécontentement populaire
suscité par cet impôt local par tête introduit
en avril 1990 avait contribué à la chute de
Mme Margaret Thatcher (éd. 1991).
Vendredi 22
GOLFE
Conflit
Le Conseil de sécurité de l’ONU décide
d’assouplir, notamment sur le plan alimentaire, l’embargo décrété contre l’Irak que la
famine menace.
FRANCE
Justice
L’ancienne présentatrice vedette de la télévision Danièle Gilbert est condamnée à six
mois de prison avec sursis et 200 000 francs
d’amende dans l’affaire d’escroquerie et de
publicité mensongère de la bague de Rê
(éd. 1990).
Mode
À Villars-de-Lans (Isère), le premier festival international du « pin’s » ouvre ses
portes aux milliers de collectionneurs de
ces broches émaillées aux thèmes les plus
variés.
IRAK
Guerre civile
Trois jours après l’annonce de la prise du
centre pétrolier de Kirkouk par les rebelles
kurdes, le chef du Parti démocratique du
Kurdistan, M. Massoud Barzani, annonce
que « 95 % du Kurdistan irakien est libéré » et invite les opposants à rentrer en Irak
pour former « un gouvernement provisoire » (28).
SOUDAN
Législation
Le code pénal islamique, la charia, qui prévoit des peines d’amputation, de lapidation,
de flagellation et de crucifixion, entre en
vigueur dans les régions musulmanes.
Samedi 23
IRAK
Vie politique
Le président Saddam Hussein nomme un
nouveau gouvernement qui ne remet pas
en cause sa position dominante à la tête
de l’État malgré la création d’un poste de
Premier ministre qu’il confie à un bassiste
modéré, M. Saadoun Hammadi (16).
France
La redistribution
Libérés du consensus imposé par la participation
française à la guerre du Golfe, les députés entament la session parlementaire extraordinaire par
l’examen d’un projet de loi « sensible ». Celui-ci
porte sur la réforme de la dotation globale de
fonctionnement (DGF), subvention de l’État qui
alimente pour près de 30 % en moyenne le budget
des communes. Elle est adoptée en première lecture le 23 mars.
Présenté par le ministre d’État chargé de la Ville,
M. Michel Delebarre, ce projet vise à réduire les
versements aux communes les plus riches – une
centaine – pour augmenter ceux destinés aux
communes les plus pauvres – quatre cents environ.
Cette redistribution doit être de 400 millions de
francs dès 1991, de 700 millions en 1992, avant
d’atteindre un montant régulier de 1 milliard de
francs à partir de l’année suivante, soit 1,5 % de
l’enveloppe totale de la DGF versée aux communes
en 1991. Cette mesure est renforcée, en Île-deFrance, par l’institution d’un fonds de solidarité
intercommunale qui prévoit de prélever quelque
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CHRONOLOGIE
35
500 millions de francs à une cinquantaine de communes disposant de ressources fiscales importantes pour les redistribuer à près de 500 communes plus démunies.
Hormis des raisons techniques qui le justifient
dans le cadre de la nouvelle politique de la ville
défendue par le gouvernement, ce projet est
l’occasion pour le Premier ministre de prouver
qu’il lui est possible de trouver au Parlement des
majorités autres que partisanes. À quelques mois
des élections cantonales et régionales, cela ne démontre-t-il pas qu’il est aisé de débaucher les élus
locaux intéressés par le projet, quelle que soit leur
appartenance ?
Dans l’opposition, les réactions sont diverses. Le
RPR, qui voit dans le projet une charge contre
Paris et son maire, estime que le système de péréquation entre communes d’Île-de-France est
inconstitutionnel, car contraire au principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques. Plus
réservée dans son jugement, l’UDF condamne toutefois la « pénalisation des communes les mieux
gérées » – M. François Léotard juge même qu’il
est « idiot de penser qu’en appauvrissant les riches
on va rendre plus riches les pauvres ». L’UDC est
prête à voter le texte sous réserve de la création
d’un système de solidarité financière entre les départements et d’une modification des critères de
la redistribution. Le Front national ne voit dans le
projet de M. Delebarre qu’un « impôt-immigrés ».
De son côté, le PC estime qu’« il est normal de faire
payer Neuilly pour Villejuif ».
L’abstention de l’UDC, des communistes et d’une
majorité de députés UDF permet l’adoption du
texte.
Dimanche 24
ROUMANIE
Justice
Après huit mois d’un procès annoncé
comme un « nouveau Nuremberg » par
les autorités, le tribunal militaire de Bucarest prononce des peines légères contre les
21 membres du comité politique exécutif
du Parti communiste poursuivis pour « génocide ». Cinq sont acquittés et les autres
sont condamnés – dont cinq avec sursis –
pour « avoir favorisé » la répression.
BÉNIN
Élection présidentielle
Au second tour de scrutin, le Premier
ministre Nicéphore Soglo obtient 67,73 %
des suffrages contre 32,27 % au président
sortant, M. Mathieu Kérékou, au pouvoir
depuis octobre 1972.
Lundi 25
É TAT S ! U N I S
Cinéma
À Hollywood, Danse avec les loups de Kevin
Costner domine la cérémonie de remise des
Oscars en remportant sept récompenses.
Afrique
La transition malienne
De plus en plus de pays du continent africain, Gabon et Côte-d’Ivoire en tête, adoptent le multipartisme. D’anciens opposants dirigent aujourd’hui
São Tomé et le Cap-Vert, après avoir été régulièrement élus. Alors que, la veille encore, l’ancien dictateur du Bénin s’est incliné devant le verdict des
urnes, le 25 mars, le président du Mali, le général
Moussa Traoré, est déposé par l’armée faute d’avoir
satisfait à temps les aspirations de son peuple.
Appauvris par les errances du socialisme tropical,
lassés de célébrer le culte de dirigeants corrompus et incompétents, séduits par la liquidation
des régimes communistes de l’Europe de l’Est, les
peuples de l’Afrique ont depuis quelque temps pris
l’habitude de descendre dans la rue.
Le 22, des élèves et étudiants maliens défilent dans
Bamako pour réclamer une augmentation des
bourses et la création d’une commission d’enquête
sur les événements sanglants des 21 et 22 janvier.
Suivis par des bandes de casseurs, les manifestants
s’en prennent aux édifices publics. L’armée et la police tirent dans la foule. De violents affrontements
se poursuivent les jours suivants. Émeutiers et
opposants déclarent qu’ils iront « jusqu’au bout ».
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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Le président Traoré affirme qu’il ne démissionnera pas, tout en promettant d’inscrire le multipartisme au programme du prochain congrès du
parti unique.
Trop tard. Après quatre jours d’émeutes, l’armée –
celle-là même qui vient de participer à la répression
– arrête le général au pouvoir depuis novembre
1968 et nomme le lieutenant-colonel Amadou
Touré à la présidence d’un Conseil de réconciliation nationale (CNR). La chute du dictateur donne
lieu à d’autres saccages, pillages et règlements de
compte. Le bilan total des troubles s’élève à plus de
200 morts et des milliers de blessés.
Après une période d’incertitude durant laquelle
l’opposition discute les termes des accords passés
avec l’armée, le CNR est remplacé par un Comité
de transition pour le salut du peuple composé
de civils et de militaires et présidé par le lieutenant-colonel Touré. L’armée promet de regagner
les casernes avant la fin de l’année, date à laquelle
des élections libres devront avoir été organisées.
Le 2 avril, M. Soumana Sacko, haut fonctionnaire
et ancien ministre réputé pour son intégrité, est
nommé Premier ministre.
Mardi 26
FRANCE
Banlieues
À Sartrouville (Yvelines), dans le centre
commercial de la cité des Indes, un vigile
arabe tue d’un coup de fusil à pompe un
jeune homme d’origine maghrébine lors
d’une altercation. Les trois nuits suivantes,
des affrontements opposent des jeunes de la
cité à la police.
Sociétés
Le groupe informatique public Bull annonce 6,8 milliards de francs de perte pour
1990 et 8 500 suppressions d’emplois pour
1991 et 1992.
IRAN/ARABIE SAOUDITE
Diplomatie
Les deux pays rétablissent leurs relations
rompues le 26 avril 1988.
Jeudi 28
FRANCE
Scandales
À la suite des révélations d’un serrurier au
sujet du cambriolage, en janvier, de la permanence électorale de M. Pierre Botton
(RPR), gendre et adversaire politique du
maire de Lyon, M. Michel Noir (ex-RPR), le
chef de cabinet de ce dernier, M. Bernard
Sarroca, est inculpé pour complicité de vol
avec effraction et recel.
URSS
Manifestations
À Moscou, après celui du 10, un nouveau
rassemblement réunit 200 000 partisans de
M. Boris Eltsine à l’appel du mouvement
Russie démocratique, malgré l’interdiction
du pouvoir central et la présence de nombreuses forces de l’ordre.
IRAK
Guerre civile
La reconquête de la ville pétrolière de
Kirkouk par l’armée régulière marque le
reflux de la rébellion kurde. Les jours suivants, l’exode de la population kurde vers
les frontières iranienne et turque commence (3 avril).
INDE
Démographie
Les résultats provisoires du recensement
effectué depuis le 9 février font état d’une
population de plus de 843 millions de perdownloadModeText.vue.download 39 sur 490
CHRONOLOGIE
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sonnes, en augmentation de 23,5 % par rapport à 1981.
Vendredi 29
AUTRICHE
Justice
La cour d’assises de Vienne condamne à
la réclusion à perpétuité ou à de lourdes
peines de prison les quatre infirmières
de l’hôpital de Lainz surnommées les
« anges de la mort » pour l’assassinat de
41 vieillards dont elles prétendaient abréger
les souffrances.
ITALIE
Vie politique
Premier ministre depuis juillet 1989,
M. Giulio Andreotti présente la démission
de son gouvernement de coalition (démocrates-chrétiens, socialistes, républicains,
sociaux-démocrates et libéraux), qui était
divisé sur le projet d’élection du chef de
l’État au suffrage universel défendu par les
socialistes (19 avril).
R UA N D A
Guerre civile
Le gouvernement et le Front patriotique
ruandais concluent un accord de cessez-lefeu qui met fin aux combats consécutifs à
l’offensive menée par des rebelles tutsis à
partir de l’Ouganda depuis le 1er octobre
1990 (éd. 1991).
Samedi 30
KOWEÏT
Destructions
Les experts de la compagnie de Red Adair, le
« pompier volant », parviennent à éteindre
le premier des 550 puits de pétrole (sur 950)
incendiés par les Irakiens avant leur retrait.
Dimanche 31
FRANCE
Église catholique
À Évry (Essonne), Mgr Guy Herbulot choisit le jour de Pâques pour poser la première
pierre de la cathédrale de la Résurrection
conçue par l’architecte suisse Mario Botta.
C’est le premier édifice de ce type construit
en France depuis un siècle.
ALBANIE
Élections législatives
Lors du premier tour de la première consultation libre depuis 1946, le Parti du travail
(communiste) remporte 64,5 % des suffrages contre 27 % au Parti démocratique
de M. Sali Berisha. Les campagnes votent
communiste à une forte majorité, mais
M. Ramiz Alia, chef de l’État et du Parti, est
battu à Tirana (7 avril).
URSS
Nationalités
90 % de Géorgiens participent et 98,9 %
répondent positivement au référendum sur
l’indépendance de la République jugé « illégal » par le pouvoir central (3).
A F G H A N I S TA N
Guerre civile
Proche de la frontière pakistanaise, Khost
est la première ville à tomber aux mains des
moudjahidins depuis le retrait des troupes
soviétiques, en février 1989.
Le mois de
Jean-Jacques Beucler
Le mois de mars 1991 a mérité son nom. Nous
sortions de la « guerre du Golfe » quand, curieusedownloadModeText.vue.download 40 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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ment, les médias nous ont replongés dans un vieux
conflit de quarante ans, en s’emparant de ce qui
devint « l’affaire Boudarel ».
Le 13 février, au cours d’un colloque au Sénat, je
démasque l’un des orateurs : il s’agit d’un professeur qui, pendant la guerre d’Indochine, a abandonné son poste à Saigon, proposé ses services à
l’ennemi et accepté le rôle de « commissaire politique » dans un camp de prisonniers sous prétexte
de « rééduquer » les militaires capturés par le Viêtminh. Ce camp – le 113 – détient un triste record
de mortalité avec 2 à 8 décès par jour sur un effectif d’environ 250 « pensionnaires » renouvelés.
Aujourd’hui, impuni, blanchi grâce à un amendement spécial ajouté en catimini en 1966 à une loi
d’amnistie, il est professeur à Paris !
Nous étions pourtant rentrés de captivité pleins de
philosophie et de tolérance. Nous n’avions pas idée
de poursuivre les rares Français qui avaient trahi.
La « chasse aux sorcières » ne nous tentait pas.
Si l’intéressé avait manifesté quelques remords et
si son Université avait eu un geste, nous n’aurions
pas insisté. Mais il n’en a rien été, bien au contraire.
L’opinion publique, dans sa grande majorité, est
révoltée. Nous avons donc utilisé le seul créneau
juridique encore possible car il est imprescriptible : « le crime contre l’humanité ».
Cette horrible histoire aura du moins quelques
répercussions positives :
– elle prouve que le peuple de France sait encore se
mobiliser pour manifester son indignation ;
– elle démontre que la puissance des médias est
indispensable pour soutenir une bonne cause ;
– elle confirme l’urgente nécessité de soigner
l’Éducation nationale, malade du sectarisme d’une
minorité tyrannique ;
– elle révèle la guerre d’Indochine, le sacrifice
des 90 000 « morts pour la France », la souffrance des 35 000 prisonniers, dont seulement
10 000 survécurent ;
– elle rappelle les trahisons de l’époque, le sabotage d’armements, l’attaque de trains de blessés, la
désinformation perfide ;
– elle aboutit à la conclusion qu’on ne peut pas toujours tricher impunément : tôt ou tard, la vérité
triomphe.
JEAN-JACQUES BEUCLER
ancien ministre
Météo : l’Hiver
La première décade de l’hiver est dominée par la
douceur et l’humidité. La majeure partie du pays
est traversée par des perturbations plus ou moins
actives circulant dans un flux d’O-S-O. Les températures sont de 3 à 9 °C supérieures aux normales ;
les 21,6 °C et les 19,5 °C relevés à Mont-de-Marsan et à Bordeaux le 29 constituent de nouveaux
records. Au 31 décembre, le rapport R/RU de la
réserve d’eau disponible à la réserve utile n’est inférieur à 50 % qu’en Limagne et dans les départements de l’Eure, de l’Eure-et-Loir, des PyrénéesOrientales et de l’Aude. L’enneigement est bon
dans tous les massifs : Haine 45-150 cm, les Arcs
40-185, l’Alpe-d’Huez 70-120, Serre-Chevalier
50-150, Gérardmer 80-100, Font-Romeu 50-70.
L’abondance des pluies et le redoux provoquant la
fonte des neiges entraînent la montée des eaux des
fleuves et des rivières du quart nord-est du pays.
Janvier En France comme en Europe occidentale, la première quinzaine est douce, pluvieuse et
venteuse. Les températures ont en effet dépassé les
moyennes de 4 à 11 °C et de nombreux records
ont été battus. Parmi les températures minimales
élevées, on peut citer : 9,3 °C à Châtillon-sur-Seine
et 11,9 °C à Cognac le 10 et pour les températures
maximales : 13,1 °C à Mâcon le 7, 17,5 °C à Strasbourg le 10. Les précipitations imputables aux perturbations de sud-ouest qui ont affecté la moitié
nord du pays ont été très excédentaires de la Bretagne au Luxembourg. Ces perturbations ont été
accompagnées de vents forts soufflant en rafales :
127 km/h à Cancale, le 5 à 16 h 35 ; 94 km/h à
Melun et à Orléans, le 10 à 5 h. Dans le Sud-Est et
en Corse, l’essentiel des pluies mensuelles est réalisé entre le 13 et le 15 janvier, alors que le massif
du Queyras (Hautes-Alpes) reçoit d’abondantes
chutes de neige.
Les événements les plus remarquables de cette première quinzaine ont été, en France, les crues de la
Marne, de l’Aisne, de la Seine et de la Saône du 2 au
5, la « crue du siècle » de la Meuse les 6 et 7 et, en
Angleterre comme en Irlande, la très violente tempête qui a fait 30 morts ou disparus et occasionné
d’énormes dégâts.
Les types de temps plus variés de la seconde moitié du mois s’expliquent par le passage progressif
du régime perturbé à des conditions nettement
anticycloniques. Du 15 au 22, journées fraîches et
douces alternent tandis que les températures sont
conformes aux normales saisonnières. Du 22 au
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CHRONOLOGIE
39
31, les températures sont de 3 à 7 °C inférieures
aux moyennes, notamment dans le Nord-Est et le
Centre-Est. La période allant du 15 au 31 janvier
est caractérisée par une sécheresse quasi totale.
En Iran, les pluies ininterrompues qui se sont abattues sur le Sistan-Balouchistan et sur les provinces
très arides de Kerman et du Khorassan ont provoqué, du 25 au 31, des inondations dévastatrices et
meurtrières.
Février Les deux premières semaines ont été
marquées par des températures de 11 à 13 °C inférieures aux normales dans la moitié nord du pays
et par l’abondance de la neige. Les deux vagues de
froid qui se sont succédé entre le 6 et le 16 s’expliquent par l’advection d’air froid sibérien (du 5
au 10) et d’air polaire (du 14 au 16) et par l’affrontement de ces masses d’air froid avec de l’air d’origine atlantique, plus doux et plus humide. Les températures ont atteint des valeurs records ; parmi les
minimales, on peut citer : – 14,5 °C à Chartres,
– 13,5 °C à Cognac, – 12,2 °C à Tours le 7, – 9,9 °C
à Cherbourg le 8. et parmi les maximales basses :
– 6,9 °C à Villacoublay, – 6,2 °C à Cherbourg le
7. Des chutes de neige plus ou moins importantes
se produisent dans toute la France : 20 cm de neige
dans le secteur Cannes-Grasse-Antibes le 6, 12 cm
à La Rochelle le 8, 25 cm au Touquet, 28 cm à Châteauroux le 10, 10 cm à Trappes le 15.
Ces conditions climatiques particulièrement sévères, mais normales pour la saison, ont fait plus
de 20 victimes, perturbé la circulation sur les
réseaux routier et ferroviaire et la distribution de
l’énergie électrique. Toute l’Europe, à l’exception
de la péninsule luso-ibérique, a subi ces grands
froids. Les canaux de Venise et ceux des Pays-Bas
sont gelés ; il a neigé pour la première fois depuis
56 ans sur le littoral méditerranéen de la Turquie ;
la couche de neige a atteint 35 cm dans le Kent ; le
7, dans les Grisons, la température de – 34° a été
relevée. Les chutes de grêle observées en Guadeloupe et à Saint-Martin les 6 et 7 février sont un
phénomène rarissime.
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Du 16 au 26, la sécheresse et la douceur, consécutives à l’installation de pressions légèrement anticycloniques et à l’advection d’air chaud depuis le
sud-ouest de l’Europe, se substituent à la froidure.
Les deux derniers jours de février annoncent le
retour d’un régime perturbé. Au 28 février, les réserves en eau du sol sont satisfaisantes et l’enneigement excellent dans les stations de sports d’hiver :
Flaine 60-215 cm, les Arcs 110-295, l’Alpe-d’Huez
130-280, Font-Romeu 40-95…
Mars Du 1er à l’équinoxe, le régime perturbé, la
douceur et les vents prévalent. Des pluies abondantes et localement intenses sont relevées :
50 mm en 6 h à Conques le 7 ; 228 mm à Villefort
du 6 au 8 ou 27 mm en 12 h au Bourget le 21. Les
20 °C sont atteints ou dépassés les 6 et 7 mars dans
de nombreuses stations du Sud-Ouest du CentreEst et du Sud-Est. Les 14,3 °C mesurés à Montpellier le 21 sont le nouveau record mensuel, pour
mars et avril, des températures minimales. Les
vents forts de sud-est se manifestent sur tout le territoire. Ainsi, les deux premières décades de mars
ont revêtu un caractère réellement printanier.
Hors de France, l’actualité météorologique est
marquée par les pluies diluviennes et les glissements de terrain qui, du 10 au 12, ont fait plus de
500 morts au Malawi.
PHILIPPE C. CHAMARD
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CHRONOLOGIE
41
Avril
Lundi 1
ALLEMAGNE
Terrorisme
Detlev Rohwedder, président de l’organisme officiel chargé de la privatisation
de l’économie de l’ex-RDA, est assassiné à
Düsseldorf par des membres de la Fraction
armée rouge.
YOUGOSLAVIE
Nationalités
Province autonome de la République de
Croatie, mais peuplée majoritairement de
Serbes, la Krajina proclame son rattachement à la République de Serbie par crainte
de subir la domination croate.
CHILI
Terrorisme
Le sénateur Jaime Guzman, ancien idéologue du régime du général Augusto Pinochet dont il était un très proche conseiller,
est assassiné à Santiago.
Mardi 2
ALBANIE
Troubles
À Shkoder, dans le nord du pays, après l’annonce de la victoire du Parti communiste
au premier tour des élections législatives, le
31 mars, des affrontements entre la police et
des manifestants qui tentaient d’incendier
le siège local du Parti font quatre morts (7).
URSS
Politique économique
Le décret présidentiel qui instaure une
hausse des prix de 60 % en moyenne sur
les produits de première nécessité entre en
application. Le texte prévoit une augmentation des salaires qui doit la compenser dans
une proportion de 85 %.
Mercredi 3
GOLFE
Le Conseil de sécurité de l’ONU
Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la
résolution 687 qui fixe les conditions d’un
cessez-le-feu définitif dans le Golfe. Elle est
officiellement acceptée par l’Irak le 11. Très
contraignant, le texte prévoit notamment
l’élimination des armes de destruction massive détenues par l’Irak (9).
FRANCE
Audiovisuel
Le Premier ministre décide d’accorder une
aide de 1 milliard de francs aux chaînes
publiques de télévision, A2 et FR3, qui
connaissent de graves difficultés financières. En contrepartie, ces chaînes devront
prendre des mesures d’économie et de
restructuration.
IRAK
Guerre civile
L’armée annonce la reconquête de Soulaymaniyah, dernière ville encore tenue par
les rebelles, dans le Kurdistan. Les réfugiés
kurdes continuent d’affluer aux frontières
iranienne et turque (4).
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Lettres
La puissance et la grâce
Après s’être trouvé aux principales zones de fracture de l’histoire de ce siècle, Graham Greene a
choisi d’explorer l’ultime limite des choses. L’écrivain britannique, âgé de 86 ans, est mort le 3 avril
à Vevey, en Suisse.
Dans sa préface à la Puissance et la Gloire (1940),
qui allait apporter à Graham Greene la reconnaissance mondiale, François Mauriac saluait l’homme
entré « par effraction » dans le « royaume de la
Grâce ». Il faisait allusion à la conversion de l’écrivain au catholicisme à l’âge de 23 ans. Il ne savait
pas que la remarque vaudrait pour l’ensemble de sa
vie et de son oeuvre.
Dans son autobiographie, Graham Greene évoque
son premier souvenir : « Je me revois assis dans un
landau d’enfant, en haut d’une colline, un cadavre
de chien en travers des pieds. » La colline appartient au paysage du Hertfordshire, où il est né le
2 octobre 1904. Mais, venant d’un homme qui suivit une psychanalyse à l’âge de 15 ans, il est difficile
de faire la part de la fiction et de la mémoire dans
ce souvenir où les ingrédients de ses romans – la
vie, la mort, l’angoisse – se trouvent aussi intimement mêlés. Ses réflexions sur la loyauté et la trahison, autres de ses thèmes favoris, sont alimentées
par sa vie d’écolier – son père est directeur de la
pension qu’il fréquente –, puis par sa vie d’étudiant
– en 1923, il flirte avec le Parti communiste. Estce le sentiment de la prééminence de la question
du Bien et du Mal qui le conduit à la foi, en 1927,
ou l’inverse ? La foi, en tout cas, l’amène au doute.
Journaliste au Times à partir de 1936, il découvre,
au fil de ses reportages, que la nécessité de l’action
n’a d’égale que l’absence de raison d’agir, et en tire
un désespoir tranquille. Les services de renseignement dans lesquels il sert durant la guerre font
naître chez lui une fascination pour le monde des
agents doubles. Au MI-6, son chef s’appelle Kim
Philby. Graham Greene restera en relation avec lui
bien après son passage à l’Est.
Parmi les « effractions » qui lui confèrent la
« Grâce » figurent celles qu’il commet dans son
métier de journaliste en se faisant messager pour
le rebelle Ho Chi Minh ou porteur de valises pour
le guérillero Fidel Castro, ainsi que celles qu’il
tente dans sa vie privée en cédant à une trouble
curiosité pour la roulette russe.
De ces flâneries au « bord vertigineux des choses »
résulte, à partir de Tueur à gages (1936), une oeuvre
variée au style dépouillé, principalement composée de romans d’espionnage métaphysiques et parfois burlesques inspirés de ses reportages, comme
le Troisième Homme (1950), Un Américain bien
tranquille (1955), Notre agent à La Havane (1960),
ou bien encore d’oeuvres plus sombres telles que
le Fond du problème (1948) ou le Facteur humain
(1979).
Jeudi 4
FRANCE
Culture
Une cérémonie bouddhique célébrée en
présence du ministre Jack Lang marque
l’inauguration de l’annexe restaurée du Musée national des arts asiatiques-Guimet, où
sont présentées les collections japonaises
de son fondateur, Emile Guimet.
É TAT S ! U N I S
Politique étrangère
Interrogé au sujet de la répression que
subissent les Kurdes irakiens, le président
George Bush réaffirme que son pays n’entend pas « intervenir dans les affaires intérieures de l’Irak » ni « risquer de précieuses
vies américaines ». Le 5, toutefois, il décide
d’apporter une aide humanitaire aux réfugiés (5).
Vendredi 5
ONU
Sur l’initiative de la France
Sur l’initiative de la France, le Conseil
de sécurité adopte la résolution 688, qui
condamne la répression des Kurdes en
Irak et exige que ce pays facilite l’accès des
organisations humanitaires internationales
dans le Kurdistan (8).
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CHRONOLOGIE
43
FRANCE
Politique économique
Un décret gouvernemental autorise l’ouverture minoritaire du capital des sociétés nationalisées aux fonds privés en cas d’accord
stratégique.
URSS/ROUMANIE
Relations
À Moscou, les présidents Ion Iliescu et
Mikhaïl Gorbatchev signent le premier
traité d’amitié, de coopération et de bon
voisinage conclu entre un pays de l’ancien
bloc socialiste et l’URSS depuis les bouleversements de l’automne 1989.
Samedi 6
ITALIE
Sport
La Fédération de football suspend pour
quinze mois l’Argentin Diego Maradona, capitaine de l’équipe de Naples, pour
consommation de cocaïne (26).
É TAT S ! U N I S
Environnement
À San José, en Californie, la société Browning-Ferris, spécialiste du traitement des
déchets, ouvre un musée consacré aux
ordures ménagères. Cet État détient, avec
la ville de New York, le record mondial
de production de déchets par habitant
(éd. 1989).
Dimanche 7
FRANCE
Affaires
À la suite d’une perquisition dominicale
au siège d’Urbatechnic, un bureau d’études
qui finance le Parti socialiste, M. Thierry
Jean-Pierre, juge d’instruction au tribunal du Mans, est dessaisi de son dossier à
la demande du parquet. Il instruisait une
affaire d’accident du travail concernant
une autre société qui aurait également alimenté les caisses du PS. Sa perquisition est
qualifiée de « cambriolage judiciaire » par
M. Georges Kiejman, ministre délégué auprès du Garde des sceaux (11 et 19).
ALBANIE
Élections législatives
À l’issue du second tour de la première
consultation libre depuis 1946, le Parti du
travail (communiste) remporte 168 des
250 sièges au Parlement contre 75 au Parti démocratique, formation d’opposition
(31 mars).
Lundi 8
C E E
Politique étrangère
À Luxembourg, les chefs d’État et de gouvernement des Douze approuvent la proposition britannique de créer des « zones de
protection » des populations kurdes, dans le
nord de l’Irak, sous l’égide de l’ONU (14).
FRANCE
Théâtre
La Nuit des Molières récompense Guy
Tréjan et Dominique Valadié ainsi que la
Tempête, de William Shakespeare et son
metteur en scène Peter Brook, et le Souper,
de Jean-Claude Brisville. Sophie Marceau
est consacrée révélation théâtrale pour son
rôle dans Eurydice de Jean Anouilh.
ALLEMAGNE
Xénophobie
La suppression de l’obligation de visa pour
six pays de la CEE signataires des accords
de Schengen provoque un afflux de visiteurs polonais qui exacerbe les sentiments
antipolonais chez certains Allemands.
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SÉNÉGAL
Vie politique
Le nouveau Premier ministre, M. Habib
Thiam, forme un gouvernement qui compte
pour la première fois des membres de
l’opposition, parmi lesquels Me Abdoulaye Wade, adversaire du président Abdou
Diouf lors de l’élection présidentielle de
février 1988.
PANAMA
Vie politique
Le limogeage des ministres démocrateschrétiens par le président Guillermo Endara – de plus en plus contesté – fait éclater
la coalition gouvernementale au pouvoir
depuis l’intervention armée américaine de
décembre 1989.
Mardi 9
GOLFE
Le Conseil de sécurité de l’ONU
Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la
résolution 689 relative à l’emploi d’une force
de maintien de la paix de 1 440 nommes,
baptisée UNIKOM, dans une zone démilitarisée à la frontière entre l’Irak et le Koweït.
FRANCE
Relations internationales
M. François Mitterrand et le président
polonais Lech Walesa, qui est en visite officielle à Paris, signent un traité d’amitié et de
solidarité.
Consommation
Risquant de tomber sous le coup de la loi
interdisant la publicité pour le tabac du fait
de la distribution d’une cigarette blonde
sous son nom, la marque de vêtements
pour jeunes Chevignon annonce la rupture
de son contrat avec la SEITA, qui décide
d’en arrêter la fabrication (18 février).
URSS
Nationalités
À la suite du référendum du 31 mars, le
Parlement de Géorgie est le second, après
celui de Lituanie, le 11 mars 1990, à proclamer unilatéralement l’indépendance de sa
République (16, et éd. 1991).
France
Coup de pompe
Depuis Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Michelin domine le marché mondial du pneumatique. Après un siècle de cohabitation, la firme et
la ville ne font plus qu’un. Lorsque Bibendum éternue, Clermont-Ferrand s’enrhume. On comprend
donc l’effet produit sur la capitale auvergnate, le
9 avril, par la présentation du cinquième plan social depuis 1983.
M. François Michelin, le seul gérant commandité
de l’industrie française, annonce la suppression,
d’ici fin 1992, de 16 000 emplois dans le monde
– où la firme fait travailler 120 000 salariés dans
80 pays –, dont 4 900 en France, ce qui représente
13 % des effectifs ; 2 432 Clermontois sont concernés. Ils s’ajoutent aux 8 886 salariés partis en préretraite, retournés dans leur pays d’origine ou reconvertis à l’occasion des quatre précédents plans
sociaux. Les syndicats dénoncent l’imprévoyance
des élus qui, de leur côté, se tournent vers l’État. La
situation de Clermont-Ferrand reflète par d’autres
biais celle de l’Auvergne tout entière. Le spectre de
la Lorraine et de sa sidérurgie plane.
Les chiffres annoncés le 17 précisent l’ampleur
de la crise. Michelin a enregistré un déficit de
5,27 milliards de francs en 1990, après un bénéfice de 2,65 milliards en 1989. En fait, à peine plus
d’un tiers des pertes est imputable au déficit d’exploitation proprement dit. Bibendum connaît une
diminution de ses résultats liée aux baisses de prix
qu’il est obligé de consentir dans un marché dégradé et soumis à une forte concurrence. La crise
a fait chuter les ventes d’automobiles et le progrès
technique a réduit le taux de remplacement des
pneumatiques.
Le reste du déficit, hormis le coût des plans sociaux, représente les frais de restructuration. En
dix ans, le nombre de fabricants est tombé de dix à
cinq : l’américain Goodyear, ancien leader du secdownloadModeText.vue.download 47 sur 490
CHRONOLOGIE
45
teur, le japonais Bridgestone, actuel numéro deux
après l’achat de l’américain Firestone, l’autre japonais Sumitomo, qui a acquis le britannique Dunlop, l’italien Pirelli, qui est sur le point de s’unir
à l’allemand Continental ; et Michelin, actuel
numéro un après l’achat de l’américain UniroyalGoodrich en 1989, pour 9 milliards de francs.
Cette opération, ajoutée aux investissements
nécessaires pour conserver son avance technologique, explique le fort endettement de la firme
clermontoise. Celui-ci représente le taux record de
48,8 % de son chiffre d’affaires mondial, qui s’élève
à 55 milliards de francs.
Mercredi 10
ITALIE
Catastrophe maritime
Au large de Livourne, le ferry-boat MobyPrince éperonne le pétrolier Agip-Abruzzo
à l’ancre. Les deux bateaux s’enflamment. Il
n’y a qu’un survivant parmi les 140 passagers du ferry.
TOGO
Troubles
À la suite des manifestations contre le régime du président Gnassingbe Eyadéma,
les 8 et 9, à Lomé, l’armée mène une opération de représailles qui cause la mort de dixneuf personnes. Le 11, le Parlement adopte
une loi d’amnistie et une autre autorisant la
création de partis.
Jeudi 11
FRANCE
Vie politique
L’Assemblée nationale rejette la motion de
censure déposée, après le dessaisissement
du juge Thierry Jean-Pierre, par les groupes
RPR, UDF et UDC, qui estiment que « l’indépendance de la justice est bafouée » (7).
Cour des comptes
L’hebdomadaire l’Express révèle le contenu
d’un rapport confidentiel de la Cour qui
met gravement en cause la gestion financière de l’Institut de France, établissement
public groupant les cinq académies.
ITALIE
Catastrophe maritime
Au large de Gênes, le pétrolier chypriote
Haven transportant 140 000 tonnes de brut
s’enflamme à la suite d’une explosion qui
provoque la mort de cinq marins. Durant
tout le mois, une marée noire menace les
côtes italiennes et françaises.
TURQUIE
Réformes
Sur l’initiative du président Turgut Ozal, le
Parlement lève l’interdiction de l’usage privé
de la langue kurde, abroge le délit d’opinion
et décide des remises de peine qui entraînent
la libération de 43 000 des 46 000 détenus
turcs. Ces mesures préfigurent une refonte
de tout le système judiciaire.
Vendredi 12
FRANCE
Justice
Après la cassation du jugement du 28 novembre 1989 qui condamnait Pascal Le Gac
pour un double assassinat commis en 1988,
la cour d’assises de l’Isère le condamne à
nouveau à la réclusion perpétuelle assortie d’une période de sûreté de vingt ans
(éd. 1990).
Corse
U populu corsu
Depuis le rattachement de l’île à la France, en 1769,
le pouvoir central lui a alternativement appliqué
une politique d’autonomie, chère à Pascal Paoli, et
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
46
une politique d’assimilation, inaugurée par Napoléon Bonaparte. Le statut adopté le 12 avril relève
de la première. Mais la polarisation, autour de la
notion de « peuple corse », du débat auquel il a
donné lieu risque d’accroître encore l’incompréhension qui caractérise les relations entre l’île et
la métropole.
L’article premier du projet présenté en octobre
1990 par le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe
énonce que « la République française garantit à la
communauté historique et culturelle que constitue
le peuple corse, composante du peuple français, les
droits à la préservation de son identité culturelle et
à la défense de ses intérêts économiques et sociaux
spécifiques.
Ces droits, liés à l’insularité, s’exercent dans le
respect de l’unité nationale, dans le cadre de la
Constitution, des lois de la République et du présent statut ». Le texte crée surtout une collectivité
territoriale de Corse dotée d’une assemblée et d’un
conseil exécutif élu en son sein, qui dispose d’une
quasi-autonomie de gestion.
Inventée par Gaston Defferre, artisan de la décentralisation, la formule relative au « peuple corse »
est imposée par le président François Mitterrand,
malgré l’avis contraire du Conseil d’État. Elle satisfait à peu de frais l’aspiration des Corses – et
notamment des organisations nationalistes – à la
reconnaissance de leur identité insulaire. Hostile à
la reconnaissance officielle du « peuple corse », qui
accorde à celui-ci le droit de disposer de lui-même,
ainsi qu’à d’autres dispositions du texte, l’opposition défend un statu quo.
Après l’échec des travaux de la commission mixte
paritaire, le texte est adopté par l’Assemblée grâce
à l’abstention des communistes. Mais, le 9 mai, le
Conseil constitutionnel, saisi par l’opposition, demande l’annulation de l’article premier : la Constitution ne connaît que « le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction
d’origine, de race ou de religion ». Les Corses disposent d’un statut qui les satisfait, mais ils savent
que leur peuple n’existe pas pour la République.
Dimanche 14
TURQUIE
Réfugiés
Sous la pression internationale, les autorités acceptent d’accueillir sur leur territoire
20 000 des 400 000 Kurdes qui se pressent
dans des camps à la frontière turco-irakienne et qui meurent par dizaines chaque
jour (16).
EUROPE
Finances
La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), présidée
par Jacques Attali et chargée d’accorder
des prêts aux pays de l’Est, est inaugurée à
Londres.
CEE
Les ministres des Affaires étrangères
Les ministres des Affaires étrangères des
Douze proposent, sur l’initiative de l’Allemagne, que le président irakien Saddam
Hussein soit jugé par un tribunal international pour crimes de guerre et tentative de
génocide. D’autre part, ils décident de lever
les sanctions imposées à l’Afrique du Sud,
hormis l’embargo sur les armes et le pétrole.
FRANCE
Politique étrangère
Devant le Parlement européen de Strasbourg, M. Boris Eltsine est vivement pris à
partie par M. Jean-Pierre Cot, président du
groupe socialiste. Au cours de son voyage
privé en France, le président de la Fédération de Russie rencontre brièvement, le 17,
M. François Mitterrand.
Mardi 16
POLOGNE
Économie
Installée dans l’ancien siège du Parti communiste, la Bourse de Varsovie ouvre ses
portes. C’est la seconde place financière
créée dans un pays de l’Est après celle de
Budapest.
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CHRONOLOGIE
47
URSS
Nationalités
Le président du Parlement de Géorgie, élu le
14 président de la République nouvellement
indépendante, M. Zviad Gamsakhourdia,
décrète la « désobéissance civile » à l’égard
du pouvoir central (9).
É TAT S ! U N I S
Politique étrangère
Le président George Bush accepte le principe d’une intervention de contingents
américain, français et britannique en vue
d’endiguer l’exode des Kurdes et d’établir,
dans le nord de l’Irak, des camps d’accueil
placés sous l’autorité de l’ONU. Les opérations communes débutent aussitôt, en dépit
des protestations de l’Irak.
Japon/URSS
Les îles du désaccord
Le Japon et l’URSS sont les derniers belligérants
de la Seconde Guerre mondiale à n’avoir pas signé
de traité de paix. Ils en conçoivent une méfiance
réciproque que la détente n’a pas dissipée. Du 16
au 19 avril, M. Mikhaïl Gorbatchev est le premier
dirigeant de son pays à se rendre en visite d’État au
Japon depuis le tsarévitch Nicolas Alexandrovitch,
futur Nicolas II.
L’avenir incite les deux pays à une coopération
que le passé leur interdit. Le projet de zone économique, où se conjugueraient la technologie et
les capitaux nippons et coréens, la main-d’oeuvre
chinoise et les ressources naturelles soviétiques,
aiguise bien des appétits. Mais la normalisation
préalable à tout projet commun entre Moscou
et Tokyo achoppe sur le contentieux relatif aux
quatre îles méridionales de l’archipel des Kouriles,
occupées par l’URSS depuis 1945 et devenues l’Alsace-Lorraine des Japonais sous le nom de Territoires du Nord.
Le développement vers l’Asie et le Pacifique constitue l’un des axes de la politique étrangère du président soviétique exposée dans son discours de
Vladivostok du 28 juillet 1986. Devant la Diète japonaise, le 17, il montre la même détermination en
présentant le projet d’un système de défense régional qui serait élaboré entre l’URSS, le Japon et les
États-Unis avant d’être élargi à la Chine et à l’Inde.
Mais, depuis 1986, l’URSS est passée du statut de
superpuissance gagnée aux réformes, qui lui conférait une forte capacité de négociation, à celui de
pays sous-développé, en quête d’aide économique
et miné par les nationalismes. Le poids des conservateurs, qui sont hostiles à toute évolution favorable à la perestroïka, et de l’Armée rouge, qui est
en mesure d’imposer le maintien de 10 000 soldats
sur les îles litigieuses, s’ajoute à la menace d’explo-
sion de l’empire sous la pression des nationalités à
la première concession de frontières.
La mariée apparaît d’autant moins belle aux Japonais qu’ils n’ont jamais vraiment goûté ses charmes
et qu’ils ne se sentent pas eux-mêmes dans leur
meilleure forme. Le communiqué final signé par
M. Gorbatchev et le Premier ministre Toshiki
Kaifu témoigne du peu de progrès enregistré
dans les négociations sur les îles Kouriles. Certes,
l’URSS admet pour la première fois l’existence d’un
contentieux territorial entre les deux pays. Mais
elle refuse de considérer comme base de discussion le communiqué commun de 1956 qui envisageait la restitution des deux îles de Sikotan et de
Habomai contre la signature d’un traité de paix.
M. Gorbatchev rentre à Moscou avec ses îles, mais
sans dollars.
Mercredi 17
FRANCE
Outre-mer
Au terme d’une rencontre de travail avec les
élus de la Réunion, le ministre des DOMTOM annonce une série de soixante mesures économiques et sociales qui établissent
un « pacte de solidarité » entre la métropole
et l’île, après les émeutes de février (encadré
Réunion, le chaudron).
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
48
Jeudi 18
FRANCE
RELATIONS INTERNATIONALES
Roumanie
Police
À Lyon, quatre gardiens de la paix en service et en tenue, un sapeur-pompier et les
épouses de deux d’entre eux sont arrêtés en
flagrant délit de cambriolage d’un magasin.
Finances locales
Le Parlement adopte définitivement le projet de loi qui instaure une solidarité financière entre les communes (encadré France,
la redistribution).
ROUMANIE
Relations internationales
Malgré son intervention en faveur d’une
démocratisation du pays, la visite officielle
de M. François Mitterrand à Bucarest, la
première d’un dirigeant occidental depuis
la chute de Nicolae Ceaucescu, est considérée par l’opposition roumaine comme une
« caution » au régime de M. Ion Iliescu.
Vendredi 19
FRANCE
Affaires
La chambre d’accusation de la cour d’appel
d’Angers déclare conforme au droit l’ouverture de la procédure menée par le juge
d’instruction Thierry Jean-Pierre contre la
société Urbatechnic. L’opposition réclame la
démission du garde des Sceaux, M. Henri
Nallet, et du ministre délégué à la Justice,
M. Georges Kiejman (7).
GRÈCE
Terrorisme
À Patras, l’explosion accidentelle de la
bombe que transportait un Palestinien
cause la mort de sept personnes.
ITALIE
Vie politique
Le Parlement accorde son investiture au
septième cabinet formé par M. Giulio Andreotti, démissionnaire depuis le 29 mars.
Il s’agit du cinquantième gouvernement
en quarante-cinq ans de république. Après
le retrait des républicains, la coalition au
pouvoir depuis 1983 comprend encore les
démocrates-chrétiens, les socialistes, les
sociaux-démocrates et les libéraux.
KOWEÏT
Droits de l’homme
Dans un rapport sévère, Amnesty International dénonce les « arrestations arbitraires,
tortures et meurtres » commis dans le pays
depuis la fin des combats, principalement à
l’encontre de Palestiniens.
Samedi 20
FRANCE
Presse
De nombreux médias participent à la première Journée internationale de la liberté
de la presse, organisée par l’association Reporters sans frontières. Dans son rapport
annuel, celle-ci relève que 40 journalistes
ont été tués en 1990 dans l’exercice de leurs
fonctions ou du fait de leurs opinions, et
que 1,5 milliard de personnes vivent dans
des régimes de censure.
Accident
À Pompignan, dans le Tarn-et-Garonne,
sept personnes, qui assistaient à un concert
dans l’église du XIXe siècle, sont tuées par
l’effondrement de la voûte.
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CHRONOLOGIE
49
ISLANDE
Élections législatives
Le Parti de l’indépendance (conservateur)
remporte 26 sièges (+ 8) sur 63 à l’Althing
contre 32 à la coalition de centre-gauche
(sociaux-démocrates, agrariens et socialistes de gauche) au pouvoir depuis septembre 1988. Le 29, le leader conservateur,
M. David Oddsson, forme un gouvernement de coalition avec les sociaux-démocrates (10 sièges).
KOWEÏT
Vie politique
Démissionnaire depuis le 20 mars, le prince
héritier Saad al Abdallah al Sabah forme un
nouveau gouvernement qui est contrôlé,
comme le précédent, par la famille des Al
Sabah.
A F G H A N I S TA N
Conflit
Le tir de missiles Scud par les forces gouvernementales sur Asadabad, ville proche
de la frontière pakistanaise et contrôlée par
la résistance, fait des centaines de victimes.
É TAT S ! U N I S / V I Ê T ! N A M
Relations
Les deux gouvernements annoncent l’ouverture prochaine à Hanoi d’un bureau
américain chargé d’enquêter sur les soldats
portés disparus pendant la guerre du Viêtnam. Ce sera la première représentation
officielle américaine dans le pays depuis
1975.
Dimanche 21
FRANCE
Viticulture
Après un début de printemps chaud, le retour du gel provoque de sérieux dégâts dans
les vignobles, de la Loire jusqu’au Bordelais.
ALLEMAGNE
Vie politique
Après avoir perdu le pouvoir dans le Land
de Hesse en janvier, le Parti chrétien-démocrate (CDU) du chancelier Helmut Kohl
subit un nouveau revers électoral lors des
élections en Rhénanie-Palatinat, fief de la
CDU depuis 45 ans.
Lundi 22
FRANCE
Sociétés
À l’usine Peugeot-Citroën de Poissy (Yvélines), de nouveaux horaires entrent en
vigueur : ils portent à près de dix heures
la durée quotidienne de travail et à trois le
nombre de jours de repos hebdomadaire.
Cette nouvelle organisation doit permettre
d’allonger la durée d’utilisation des matériels, d’augmenter les rendements et de
créer des emplois.
CAMEROUN
Vie politique
Alors que de violentes émeutes secouent le
pays depuis le début du mois, le Parlement
vote l’amnistie des prisonniers et des exilés
politiques et le rétablissement de la fonction
de Premier ministre. Le 25, le président Paul
Biya nomme à ce poste M. Sadou Hayatou.
CENTRAFRIQUE
Vie politique
Le président André Kolingba se prononce
en faveur de l’instauration prochaine du
multipartisme.
Mardi 23
FRANCE
Politique étrangère
En dépit des réserves occidentales suscitées
par le soutien de l’OLP à l’Irak dans le conflit
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
50
du Golfe, le ministre des Affaires étrangères
Roland Dumas rencontre M. Yasser Arafat
lors d’une visite en Libye.
ALLEMAGNE
Propriété privée
La Cour constitutionnelle fédérale décide
que les expropriations agricoles effectuées
entre 1945 et 1949 dans la partie du pays
sous occupation soviétique ne seront pas
remises en cause. Mais les anciens propriétaires pourront être indemnisés.
TCHÉCOSLOVAQUIE
Nationalités
Le Parlement de Bratislava démet de ses
fonctions le Premier ministre slovaque, le
nationaliste Vladimir Meciar. Dissident du
Parti public contre la violence (VPN) – version slovaque du Forum démocratique – et
très populaire, celui-ci s’opposait de plus en
plus au pouvoir fédéral.
URSS
Vie politique
Les dirigeants de la Russie et de huit autres
républiques favorables au traité de l’Union
signent avec M. Mikhaïl Gorbatchev une
déclaration commune qui vise à apaiser les
tensions politiques. Ils acceptent le plan
anticrise présenté le 9 par le président
soviétique, qui prévoit notamment l’arrêt
des grèves et l’instauration d’un « régime
de travail spécial dans les industries de
base ».
NIGERIA
Troubles
Le couvre-feu est imposé dans le Nord où
les fondamentalistes chiites favorables à
l’instauration de la charia provoquent des
émeutes qui durent plusieurs jours et font
plus de deux cents morts.
SPORT
Tennis
Revenant à la compétition après huit ans
d’absence, le Suédois Björn Borg, âgé de
34 ans, est battu au premier tour du tournoi
de Monte-Carlo par le jeune Espagnol Jordi
Arrese.
Mercredi 24
FRANCE
Politique sociale
Le Premier ministre et le ministre des Affaires sociales présentent au Conseil des
ministres le Livre blanc sur l’avenir des retraites. Le document propose d’augmenter
la durée de cotisation nécessaire pour obtenir des droits à taux plein, et de favoriser un
système de capitalisation à côté du système
actuel de répartition.
HONGRIE
Propriété privée
Le Parlement adopte la loi sur l’indemnisation des petits propriétaires expropriés par
le régime communiste en 1949.
Jeudi 25
CEE
Éthique
La commission de la santé publique du Parlement de Strasbourg adopte une proposition de résolution qui admet le principe
de l’euthanasie. C’est la première prise de
position d’une instance internationale sur
ce sujet délicat.
FRANCE
Justice
La cour d’assises de la Haute-Garonne
condamne à la réclusion criminelle à perpétuité quatre parachutistes de la base de
Francaval reconnus coupables de quatre
assassinats et de viols. Les peines de deux
d’entre eux sont assorties de la période de
sûreté maximale de trente ans.
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CHRONOLOGIE
51
Art
À Paris, le Centre Georges-Pompidou
présente une exposition consacrée à André Breton et l’art, intitulée La beauté sera
convulsive.
Vendredi 26
FINLANDE
Vie politique
À la suite des élections législatives du
17 mars, M. Esko Aho, chef du Parti du
centre, forme un gouvernement de coalition
majoritaire (centristes, conservateurs, libéraux-suédois, chrétiens). C’est la première
équipe dirigeante ne comprenant pas de
parti de gauche depuis 1975.
ISRAËL
Diplomatie
La troisième visite à Jérusalem en trois
semaines du secrétaire d’État américain
James Baker ne permet pas de rapprocher
les positions des deux pays sur l’organisation de la conférence de paix au ProcheOrient (30 octobre).
ARGENTINE
Drogue
De retour dans son pays, le footballeur
Diego Maradona, interpellé en flagrant
délit, est accusé de « détention et distribution » de cocaïne (6).
Samedi 27
SALVADOR
Guerre civile
Les négociations entre le gouvernement et
la guérilla du Front Farabundo-Marti de
libération nationale (FMLN) aboutissent
à de premiers accords. Ceux-ci prévoient
l’établissement d’une commission d’enquête
sur les crimes commis par les militaires, et
l’adoption de réformes constitutionnelles
destinées à renforcer le pouvoir civil.
Lundi 29
A N TA R C T I Q U E
Environnement
Réunis à Madrid, les 26 parties consultatives et les 13 États simples adhérents au
traité de Washington du 1er décembre 1959
adoptent un moratoire de 50 ans sur l’exploitation minière du « sixième continent »
(éd. 1991).
FRANCE
Chine et Nouvelle-Zélande
ITALIE
Sociétés
Entamée en mai 1988, la bataille juridicopolitico-financière pour le contrôle de
Mondadori aboutit à un accord entre
MM. Carlo De Benedetti et Silvio Berlusconi, qui se partagent les avoirs du premier
groupe de communication italien.
CHINE
Relations internationales
Deux ans après les événements de la place
Tiananmen, à Pékin, et la condamnation
du régime par la communauté internationale, la visite du ministre français Roland
Dumas scelle la normalisation des relations
entre les deux pays.
NOUVELLE!ZÉLANDE
Relations internationales
La visite du Premier ministre français Mi-
chel Rocard met fin à l’affaire du RainbowWarrior qui pesait sur les relations entre les
deux pays depuis 1985.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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Mardi 30
FRANCE/ALLEMAGNE
Relations culturelles
À Strasbourg, la chaîne de télévision française La Sept et la chaîne de télévision
allemande ARTE créent un groupement
européen d’intérêt économique (GEIE) qui
institue une chaîne culturelle franco-allemande destinée à devenir européenne.
ISRAËL
Terrorisme
À Bethléem, un Palestinien tue à coups de
couteau une touriste française qu’il avait
prise pour une Américaine.
LIBAN
Guerre civile
À la date prévue par le décret du 28 mars
adopté en application des accords de Taëf,
les milices libanaises, palestiniennes et proiraniennes rendent aux autorités ou transfèrent en d’autres lieux leurs armes lourdes
et moyennes.
BANGLADESH
Catastrophe naturelle
Le littoral oriental, autour de la ville de
Chittagong, est dévasté par un cyclone. La
violence du vent et la montée des eaux provoquent la mort de dizaines de milliers de
personnes.
TAIWAN
Conflit
Le président Lee Teng-hui annonce l’abrogation de l’état d’urgence, justifié par la
menace de « rébellion communiste » et instauré en 1948 par Tchang Kaïchek.
LESOTHO
Coup d’État
Le président du Conseil militaire, le général Justin Metsing Lekhanya, qui avait pris le
pouvoir le 19 janvier 1986, est renversé sans
effusion de sang par l’armée. Il est remplacé
par l’un de ses proches, le colonel Elias Pishona Ramaema.
É TAT S ! U N I S
Politique financière
Après la réunion des ministres des Finances
des sept pays les plus industrialisés, le 28 à
Washington, au cours de laquelle ceux-ci
ne sont pas parvenus à s’accorder sur une
politique des taux d’intérêt, la Réserve fédérale baisse son taux d’escompte de 6 % à
5,5 % afin de tenter de contenir la récession
économique.
Le mois de Guy Tréjan
N’y voyez ni vanité, ni modestie ! mais avril 1991
est surtout pour moi la nuit du 8, au Théâtre des
Champs-Élysées, lorsque Vittorio Gassmann a lu :
« Le Molière du meilleur comédien 1991 est attribué à Guy Tréjan dans Heldenplatz. »
J’avais déjà joué Thomas Bernhard dix ans auparavant : la pièce s’intitulait le Président ; elle était
mise en scène par Roger Blin et l’auteur était pratiquement inconnu en France. Je dois à Jorge Lavelli
et au Théâtre de la Colline d’avoir joué le rôle du
professeur Schuster, un de ceux qui m’ont le plus
comblé. On me demande parfois où j’ai placé mon
« Molière » chez moi. Sur ma cheminée ? Mais oui,
bien sûr ! Je n’en ai pas honte !
Mon mois d’avril est tout entier consacré à des
activités théâtrales fort différentes. À Lille, en ce
mois ensoleillé, presque estival, je flâne pendant
la journée dans une ville méconnaissable depuis
ma dernière visite, il y a quelques années. Ses immeubles ravalés, mis en valeur, ses rues piétonnes
animées, ses terrasses de cafés, de restaurants bondées, ses magasins avenants, son superbe musée,
sa jeunesse, et l’accueil d’un public, qui, une fois
encore, se montre plus enthousiaste que celui du
Midi. Étrange barrière qui rend plus réceptifs les
gens du Nord que ceux du Sud, l’inverse se produisant dans l’art lyrique. Et, dès mon retour à Paris,
les répétitions de Volpone de Ben Jonson, superbement adapté par Jules Romains. Univers totalement différent. Devoir passer de la rigueur, de l’an-
goisse, de la peur, de l’agressivité de Heldenplatz à
l’indolence, la volupté, mais aussi la duplicité et la
cruauté de Volpone ! Deux expériences en ce mois
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CHRONOLOGIE
53
d’avril, qui me comblent, m’exaltent ! Un mois
parmi les autres : merveille de notre métier, ils se
suivent mais ne se ressemblent jamais.
À Lille, je vais au cinéma, ce qui m’arrive rarement
à Paris, et vois Cyrano de Bergerac. Magnifique
Depardieu, magnifique réalisation et, ne l’oublions
pas, magnifique Edmond Rostand ! Et je me rattrape ! Je vois presque chaque jour un nouveau
film, à l’heure où les salles sont presque vides et
me permettent de croire que le film n’est projeté
que pour moi. J’ai horreur des commentaires de
mes voisins pendant la séance. Tout à l’heure, un
nouveau public, chaque soir différent, réagissant
d’une autre façon, attentif à d’autres propos. Public
inattendu. Public à conquérir. Le Bonheur !
GUY TRÉJAN
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
54
Mai
Mercredi 1
G R A N D E ! B R E TA G N E
Législation
La Chambre des communes passe outre à
l’opposition de la Chambre des lords et approuve une loi qui rend imprescriptibles les
crimes contre l’humanité et permet de juger
les anciens nazis réfugiés dans le pays.
URSS
Célébration
Pour la première fois depuis la Révolution,
le 1er mai ne donne pas lieu au traditionnel
défilé sur la place Rouge, à Moscou, mais à
un simple meeting organisé par les syndicats officiels.
ANGOLA
Conflit
Après seize ans d’une guerre civile qui a fait
plus de 100 000 morts, et au terme de douze
mois de discussions sous l’égide de l’ONU,
le gouvernement du président Eduardo Dos
Santos et les rebelles de l’UNITA (Union
nationale pour l’indépendance totale de
l’Angola), dirigée par M. Jonas Savimbi,
concluent un accord de paix à Estoril, au
Portugal. Ce traité, ratifié le 31 mai, stipule
l’arrêt des hostilités dès le 15, la fusion des
troupes belligérantes en une seule armée et
des élections pluralistes à la fin de 1992.
Jeudi 2
YOUGOSLAVIE
Troubles
À Borovo-Selo, agglomération à majorité
serbe de la république de Croatie, une quinzaine de personnes, dont douze policiers,
sont tuées lors d’affrontements entre les
forces de l’ordre croates et des commandos
venus de Serbie (15).
Eglise catholique
Cent ans après
Le 15 mai 1891, la publication par Léon XIII de
l’encyclique Rerum novarum sur la question sociale faisait entrer la papauté dans le siècle. Cent
ans après, Jean-Paul II poursuit, avec l’encyclique
Centesimus annus rendue publique le 2 mai, le
dialogue entre l’Eglise et la société, entretenu à
diverses dates anniversaires par Pie XI, Jean XXIII
et Paul VI.
La doctrine sociale de l’Église énoncée dans Rerum novarum défend les principes de la justice des
salaires, de la dignité des conditions de travail, de
la propriété privée conçue comme un élément du
bien commun, et de la nécessité des corps intermédiaires pour tempérer les excès de l’initiative
privée et publique. Cette révolution morale, qui
consistait à rappeler que l’esprit évangélique ne
devait pas être absent des relations d’échanges,
éclatait en pleine révolution industrielle. Elle allait
entretenir pendant un siècle l’image d’une Église
partisane d’une troisième voie, entre libéralisme
et socialisme, mais muette sur la capacité effective
d’un « système économique » en tant que tel à servir les fins de la société. L’encyclique Sollicitudo rei
socialis de mars 1988, qui adoptait « une attitude
critique vis-à-vis du capitalisme libéral aussi bien
que du collectivisme marxiste », défendait encore
cette position.
Depuis lors, l’effondrement du communisme
d’État sous la pression même des « foules oudownloadModeText.vue.download 57 sur 490
CHRONOLOGIE
55
vrières » est venu bouleverser les données de l’analyse. Jean-Paul II lui consacre tout un chapitre de
son texte. Désormais, la stérilisante comparaison
ne s’impose plus et le bilan des tares et des bienfaits du capitalisme peut être dressé. « Peut-on dire
qu’après l’échec du communisme, le capitalisme est
le système social qui l’emporte et que c’est vers lui
que s’orientent les efforts des pays [de l’Est comme
du tiers monde] qui cherchent à reconstruire leur
économie et leur société ? » demande le souverain pontife. Oui, si « capitalisme » est synonyme
d’« économie libre » ; non, si la liberté économique
« n’est pas encadrée par un contexte juridique
ferme ».
Explorant ce dernier thème, le saint-père affirme
qu’une « démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme sournois ou déclaré »,
et dénonce la « déviation des moeurs politiques »
au profit des « intérêts particuliers ou à des fins
idéologiques » et aux dépens de la « primauté de
l’homme ».
Encyclique qui veut faire des vérités du christianisme la vérité de l’État, Centesimus annus reçoit
un accueil favorable étrangement unanime, des
ultralibéraux aux communistes.
Vendredi 3
PAYS!BAS/JAPON
Sociétés
Au terme d’un accord, le groupe suédois
Volvo, le japonais Mitsubishi et l’État néerlandais se partagent à égalité le capital de la
filiale hollandaise du constructeur automobile partenaire de Renault.
SUISSE
Banques
Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de l’argent, la Commission fédérale
des banques émet une circulaire qui inter-
dit l’usage des prête-noms. Cette pratique
permettait aux gérants de fortunes de ne
pas dévoiler le nom de leurs clients. Le texte
doit entrer en vigueur le 1er juillet.
É TAT S ! U N I S
Télévision
La chaîne CBS présente le 356e et dernier
épisode du feuilleton Dallas, dont la diffusion avait commencé le 2 avril 1978.
Samedi 4
HONGRIE
Funérailles
La dépouille du cardinal Jozsef Mindszenty,
opposant au régime communiste, mort en
exil à Vienne en 1975, est ramenée dans son
pays natal et inhumée dans la crypte des
primats hongrois, à Esztergom, en présence
du Premier ministre Joszef Antall.
É TAT S ! U N I S
Présidence
M. George Bush est hospitalisé pour deux
jours à la suite de troubles du rythme cardiaque dus à une hyperthyroïdie.
Dimanche 5
INDE
Nationalités
Dans l’État de Jammu-et-Cachemire, 70 séparatistes musulmans sont tués par l’armée
lors d’un accrochage survenu à la frontière
avec le Pakistan.
Lundi 6
URSS
Nationalités
Le président Mikhaïl Gorbatchev justifie
par la nécessité de désarmer les milices
l’intervention de l’armée soviétique contre
des villages arméniens du Haut-Karabakh,
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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qui a causé plusieurs dizaines de morts en
une semaine.
Décentralisation
Les gouvernements soviétique et russe
signent l’accord sur le transfert de l’administration des mines de charbon de Sibérie à la Fédération de Russie. Les mineurs
du Kouzbass, qui s’étaient mis en grève le
1er mars pour obtenir cette réforme, reprennent alors le travail.
É TAT S ! U N I S
Émeutes
Après deux jours de violences raciales,
déclenchées par un incident entre un policier noir et un Salvadorien, le maire de
Washington instaure le couvre-feu dans le
quartier hispanique et noir de Mount Pleasant. Celui-ci est levé le 9.
Sociétés
Au terme d’une OPA lancée en décembre
1990, le géant des télécommunications
American Telephon Telegraph (ATT) achète
la firme informatique National Cash Register (NCR) pour 7,4 milliards de dollars.
Mardi 7
FRANCE
Violences
Lors d’une perquisition opérée à la suite
d’une rixe survenue le 4 dans le centre
commercial d’Ermont (Val d’Oise), un adolescent suspecté se tue en se jetant par la
fenêtre.
BANGLADESH
Catastrophe naturelle
Alors que le bilan provisoire du cyclone du
30 avril s’élève à plus de 130 000 morts, le
pays est de nouveau éprouvé par des tornades, qui font des centaines de victimes
dans la région de Dacca.
Mercredi 8
FRANCE
Sociétés
Le groupe pétrolier Elf achète pour 8 milliards de francs le domaine minier exploité
en mer du Nord par la compagnie américaine Occidental.
TUNISIE
Troubles
Deux étudiants sont tués lors d’affrontements avec les forces de l’ordre dans plusieurs facultés de Tunis gagnées par l’agitation islamiste (18).
Jeudi 9
FRANCE
encadré Corse, u populu corsu.
G R A N D E ! B R E TA G N E
Recherche
La revue Nature rend compte des travaux de
deux chercheurs britanniques, MM. Robin
Lovell-Badge et Peter Goodfellow, qui, les
premiers, sont parvenus à obtenir un changement génétique de sexe chez un mammifère, en l’occurrence une souris. L’animal est
toutefois stérile.
CHINE/URSS
Relations
Au lendemain de la première visite en
Chine d’un ministre soviétique de la Défense, l’ambassade d’URSS à Pékin publie
un communiqué affirmant que les deux
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CHRONOLOGIE
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pays ne représentent plus une « menace »
l’un pour l’autre (16).
Vendredi 10
ONU
Le secrétaire général
Le secrétaire général Javier Perez de Cuellar
lance un appel à la communauté internatio-
nale en faveur de l’Afrique, dont 30 millions
d’habitants seront menacés par la famine au
cours de l’année 1991.
BELGIQUE
Violences
À Bruxelles, dans les quartiers de SaintGilles et de Forest, des jeunes Maghrébins
affrontent violemment la police durant
trois nuits. Ils protestent contre la multiplication des contrôles d’identité.
ROUMANIE
Opposition
À Bucarest et dans d’autres grandes villes,
le jour de l’ancienne fête nationale, des milliers de personnes, dont la dissidente Doina
Cornea, réunies à l’appel d’organisations
monarchistes, réclament le retour du roi
Michel.
SUISSE
Politique étrangère
Abandonnant sa position traditionnelle,
le gouvernement déclare que l’adhésion
à la CEE « devient l’option à étudier en
priorité ».
ISRAËL
Relations internationales
M. Alexandre Bessmertnykh effectue la
première visite d’un ministre des Affaires
étrangères de l’URSS à Jérusalem depuis la
fondation de l’État hébreu. Les deux pays,
qui n’ont pas encore pleinement rétabli
leurs relations diplomatiques, décident de
maintenir le dialogue au plus haut niveau.
Dimanche 12
FRANCE
Fête nationale
À Paris, la police réprime brutalement le
défilé monarchiste traditionnel en l’honneur de Jeanne d’Arc, place des Pyramides,
qui était interdit pour la deuxième année
consécutive.
ALBANIE
Vie politique
Le Parlement approuve la composition
du gouvernement que M. Fatos Nano a
constitué après les élections du 31 mars et
du 7 avril remportées par le parti du travail (communiste). L’opposition refuse d’y
participer.
POLOGNE
Vie politique
L’ancien Premier ministre polonais, candidat à l’élection présidentielle, M. Tadeusz
Mazowiecki, est élu président de l’Union démocratique, nouveau parti regroupant trois
formations issues de Solidarité.
URSS
Désarmement
Le dernier des missiles SS-20, dont le traité
sur les forces nucléaires intermédiaires
(FNI) du 8 décembre 1987 prévoyait l’élimination, est détruit près de la mer Caspienne.
NÉPAL
Élections législatives
Lors du premier scrutin depuis l’établissement d’une monarchie constitutionnelle
et l’autorisation du multipartisme en avril
1990, le parti du Congrès, principale fordownloadModeText.vue.download 60 sur 490
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mation de l’opposition, remporte 110 des
205 sièges du Parlement (29).
Lundi 13
MONDE
Démographie
Dans son rapport annuel, le Fonds des Nations unies pour les activités en matière de
population (FNUAP) estime à 9 milliards
de dollars le coût de la planification familiale nécessaire pour limiter le chiffre de la
population mondiale à 6,4 milliards d’individus en l’an 2000.
É G L I S E C AT H O L I Q U E
Doctrine
À Fatima, dernière étape de sa visite entamée le 10 au Portugal, le pape Jean-Paul II
dénonce la nouvelle forme d’athéisme et de
matérialisme qui menace selon lui de se
substituer au marxisme.
FRANCE
Sociétés
Après plus de deux mois de bataille procédurière, le fabricant américain de matériel électrique Square D accepte l’OPA de
2,23 milliards de dollars lancée sur son
capital par le groupe Schneider. Ce dernier
accède ainsi au premier rang mondial des
appareils de distribution électrique de basse
et moyenne tension.
URSS
Audiovisuel
Un mois avant l’élection du président de la
Fédération de Russie au suffrage universel,
la Radio-télévision russe diffuse sa première
émission, mettant ainsi fin au monopole
des ondes dans le pays (12 juin).
É TAT S ! U N I S
Désarmement
Le président George Bush déclare que son
pays renonce à toute utilisation de l’arme
chimique, même en riposte à une attaque de
ce type, et propose de détruire l’ensemble
des stocks américains en dix ans. Ce revirement doit faciliter l’adoption de la convention internationale en discussion à Genève.
Mardi 14
FRANCE
Partis politiques
L’Assemblée nationale approuve la création
de la commission d’enquête sur le financement des formations politiques, proposée
en avril par M. Pierre Mauroy, premier secrétaire du Parti socialiste, en réponse aux
accusations portées contre le PS.
Transports
Le gouvernement approuve le schéma directeur du développement du réseau ferré à
grande vitesse, qui prévoit la mise en service
de 4 700 km de lignes d’ici 2015-2025, pour
un coût estimé à 210 milliards de francs.
CORÉE DU SUD
Émeutes
À Séoul, à l’occasion des obsèques d’un étudiant tué par la police le 26 avril, de violents affrontements opposent des dizaines
de milliers de jeunes aux forces de l’ordre.
Entre cette date et la démission du gouvernement, le 22, huit étudiants hostiles au
régime s’immolent par le feu.
AFRIQUE DU SUD
Justice
La Cour suprême de Johannesburg
condamne à six ans de prison Mme Winnie
Mandela, épouse du leader noir, reconnue
coupable d’enlèvement et de complicité
de coups et blessures sur la personne d’un
jeune noir assassiné par son garde du corps
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CHRONOLOGIE
59
en janvier 1990. Mme Mandela, qui fait appel, est laissée en liberté (éd. 1991).
Mercredi 15
FRANCE
Vie politique
En poste depuis le 10 mai 1988, M. Michel
Rocard présente la démission de son gouvernement à la demande du président François
Mitterrand. Désignée pour lui succéder,
Mme Édith Cresson est la première femme
à occuper le poste de Premier ministre en
France. Son gouvernement formé le 16
est marqué par la constitution d’un grand
ministère de l’Économie, des Finances et du
Budget, qui exerce sa tutelle sur l’Industrie,
le Commerce extérieur, les PTT, le Commerce et l’Artisanat. M. Mitterrand confie à
Mme Cresson la tâche d’oeuvrer à l’établissement d’« une France plus forte en Europe »
à l’horizon 1993.
YOUGOSLAVIE
Institutions
La Serbie et ses alliés (Kosovo, Voïvodine
et Monténégro) empêchent le Croate Stipe
Mesic, qui n’est pas communiste, d’assumer la présidence collégiale tournante de
la Fédération. C’est la première fois depuis
son entrée en vigueur, en 1974, que ce processus institutionnel automatique ne fonctionne pas (2 et 19).
SPORT
Football
À Rotterdam (Pays-Bas), l’équipe britannique de Manchester United remporte la
Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe en
battant l’équipe espagnole du FC Barcelone
(2-1).
Jeudi 16
URSS
Relations internationales
Au cours de la visite de cinq jours de
M. Jiang Zemin à Moscou, la première d’un
secrétaire général du Parti communiste
chinois depuis celle de Mao Zedong en
1957, les deux pays signent un accord sur le
tracé de la partie orientale de leur frontière
commune (9).
ISRAËL
Diplomatie
À l’issue de sa quatrième navette au ProcheOrient depuis la fin de la guerre du Golfe,
le secrétaire d’État américain James Baker
constate que de nombreuses divergences
subsistent entre les États-Unis et Israël au
sujet de l’organisation d’une conférence internationale de paix (30 octobre).
ZAÏRE
Justice
La Cour suprême de Kinshasa condamne
à des peines allant jusqu’à la réclusion perpétuelle les auteurs du massacre d’étudiants
sur le campus de Lumumbashi, le 12 mai
1990. L’ancien gouverneur de la province
du Shaba et le chef de la garde civile figurent
parmi les condamnés (éd. 1991).
Vendredi 17
FRANCE
Transports
Une panne du logiciel informatique des
services de la navigation aérienne paralyse le trafic de l’aéroport d’Orly et oblige
1 700 passagers à passer la nuit dans
l’aérogare.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
60
ROUMANIE
Minorités
Dans deux villages proches de Bucarest, des
Roumains détruisent une trentaine de maisons appartenant à des Tsiganes Ursars.
MEXIQUE
Violences
Dans la prison de Matamores, l’affrontement de deux bandes rivales de trafiquants
de drogue fait 18 morts et une cinquantaine
de blessés.
Samedi 18
U R S S / G R A N D E ! B R E TA G N E
Coopération scientifique
Premier cosmonaute britannique, Mlle Helen Sharman s’envole de la base de Baïkonour (Kazakhstan) à bord du vaisseau
spatial Soyouz TM-12, à destination de la
station orbitale Mir, pour une mission de
huit jours.
TUNISIE
Opposition
Le quotidien gouvernemental la Presse
annonce la découverte d’un « complot » fomenté par le mouvement clandestin Ennahdha dans le but d’établir un État islamiste.
Des centaines de suspects, dont de nom-
breux militaires, sont arrêtés (8).
SOMALIE
Sécession
Implantée dans le Nord, la guérilla du Mouvement national somalien (MNS) décide de
fonder une république du Somaliland dans
l’ancien protectorat britannique du même
nom. Le MNS rompt ainsi avec le Congrès
somalien unifié qui contrôle la capitale depuis la chute du président Syaad Barre, le
27 janvier (encadré Somalie, l’enfer).
Dimanche 19
FRANCE
Armement
Sur la base d’Istres (Bouches-du-Rhône),
le prototype de l’avion de combat Rafale
équipé de réacteurs SNECMA effectue son
premier vol.
CHYPRE
Élections législatives
Avec 20 sièges sur 56, le Rassemblement démocratique (conservateur) renforce sa première place. Avec 18 sièges, le Parti communiste enregistre une forte progression.
YOUGOSLAVIE
Nationalités
Les habitants de la république de Croatie
se prononcent par référendum à 94,17 %
en faveur de sa transformation en un État
« souverain et indépendant » libre de s’associer aux autres républiques yougoslaves,
mais la minorité serbe boycotte le scrutin
(15).
Lundi 20
POLOGNE
Israël
URSS
Législation
Le Soviet suprême ratifie le projet de loi
autorisant l’émigration, qui doit entrer en
vigueur en janvier 1993.
GOLFE
Conflit
Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la
résolution 692 qui crée un Fonds alimenté
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CHRONOLOGIE
61
par l’Irak et destiné à réparer les dommages
de guerre causés notamment au Koweït.
ISRAËL
Relations internationales
Devant la Knesset, le président polonais
Lech Walesa « demande pardon » aux juifs
pour la collaboration de certains de ses
compatriotes à l’holocauste perpétré par les
nazis durant la Seconde Guerre mondiale,
notamment en Pologne.
LESOTHO
Violences
À Maseru, des émeutes raciales dirigées
contre des ressortissants indiens et chinois
de Taïwan font 34 morts en une semaine.
Mardi 21
FRANCE
Cinéma
Le film des Américains Joel et Ethan Coen,
Barton Fink, remporte la Palme d’or du
44e festival de Cannes ainsi que deux autres
prix.
MAROC
Justice
La cour d’appel de Rabat condamne à la
réclusion à perpétuité Mahmoud Belfikh,
reconnu coupable d’avoir violé et assassiné
Cécile Roussel, onze ans, enlevée le 7 mars
1990 à Montpellier (Hérault) [éd. 1991].
Inde
La malédiction des Gandhi
Le retour à la stabilité constituait le thème de
la campagne du parti du Congrès pour les élections législatives. L’assassinat de Rajiv Gandhi,
le 21 mai, lors d’une réunion électorale près de
Madras, risque d’approfondir encore la crise que
connaît l’Inde depuis la mort de sa mère Indira,
tuée par ses gardes du corps sikhs le 31 octobre
1984. Cet attentat met peut-être définitivement
fin au règne d’une dynastie qui a dirigé le pays
durant la plupart des 44 années de son indépendance. Le 23, Sonia Gandhi refuse en effet
d’assurer la succession de son mari, comme le lui
demandaient les caciques du parti.
Rajiv Gandhi avait succédé à sa mère à la tête du
gouvernement et du parti du Congrès qui avait
remporté un immense succès aux élections anticipées de décembre 1984. Ancien étudiant de
Cambridge marié à une Italienne, devenu « dauphin » après la mort accidentelle de son frère
Sanjay le 23 juin 1980, l’ancien pilote de ligne
s’était brillamment converti à la politique. Pendant cinq ans, le petit-fils de Nehru avait tenté de
sortir son pays de l’isolement économique et de le
conduire sur la voie du progrès en s’appuyant sur
une middle-class naissante qui lui devait son existence. Mais, mal entouré et trop peu conscient
de l’inertie d’un pays aux multiples spécificités,
il était de plus discrédité par une série de scandales. Aux élections de novembre 1989, le parti
du Congrès perdait plus de la moitié de ses sièges.
M. V. P. Singh, chef du Janata Dal, devenait Premier ministre, avant d’être remplacé en novembre
1990 par M. Chandra Shekhar, dissident du
même parti.
La mort de Rajiv Gandhi survient alors que le
pays est déchiré comme jamais, et que l’ancien
Premier ministre passait pour l’un des rares dirigeants capables de garantir l’unité nationale. Le
terrorisme sikh ensanglante le Pendjab et au-delà. Les séparatismes du Cachemire et de l’Assam
se sont mués en luttes armées. La vaine intervention du corps expéditionnaire indien contre les
indépendantistes tamouls du Sri Lanka a laissé
des traces chez leurs « cousins » du Tamil Nadu.
La volonté de M. Singh d’augmenter les quotas d’emplois publics réservés aux membres des
castes inférieures a ravivé un conflit latent.
Devant ces dangers, le Bharatiya Janata Party
mène avec succès une croisade fondamentaliste et
nationaliste en faveur du renouveau hindouiste.
Lors des élections, qui sont repoussées au mois
de juin, les Indiens devront choisir entre le refuge
dans un passé quelque peu obscur et le pari sur
un avenir conduit par un parti usé et à présent
décapité (15 juin).
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
62
Afrique
L’imbroglio abyssin
Il déclarait en juin 1990 que son pays était « au
bord de l’effondrement ». Son offre de démission,
en avril, suivie de l’acceptation du multipartisme
et de la nomination d’une nouvelle équipe, dont
un vice-président d’origine tigréenne, n’aura servi
à rien. Le 21 mai, le président Mengistu Haïlé Mariam quitte son pays pour le Kenya, puis le Zimbabwe, sans que l’on sache s’il s’agit d’une fuite ou
du résultat d’un complot.
Ce militaire ambitieux, intelligent et sans scrupules a dirigé dans l’ombre la révolution qui a
conduit à la destitution du négus Haïlé Selassié en
septembre 1974. En trois ans, il élimine ses adversaires et monopolise le pouvoir. En mars 1978, il
reconquiert l’Ogaden envahi par la Somalie, mais
se heurte bientôt au Front populaire de libération
de l’Érythrée (FPLE), en lutte depuis l’annexion de
leur province en 1962, puis au Front populaire de
libération du Tigré (FPLT), fondé en 1975. En septembre 1984, le « négus rouge » s’allie avec l’URSS
et érige son pays en république populaire. La défection de nombreux membres de son équipe, la
grogne de son armée et le désengagement soviétique l’isolent peu à peu.
L’avance des rebelles n’est pas interrompue par le
départ du chef de l’État, qui est remplacé par son
vice-président, le général Tesfaye Kidane. Alors
que l’armée se débande, les rebelles encerclent
Addis-Abeba. Les 24 et 25, Israël évacue par voie
aérienne 14 400 falachas (juifs éthiopiens), comme
cela avait été déjà fait en 1984 pour quelque 12 000
d’entre eux.
Le 27, à Londres, un accord de cessez-le-feu est
conclu entre le gouvernement et les mouvements
de guérilla regroupés au sein du Front révolutionnaire démocratique du peuple éthiopien (FRDPE)
de M. Mêles Zenawi. Les États-Unis, qui dirigent
les négociations, invitent alors les troupes du FRDPE, dominé par le très stalinien FPLT, à prendre
le contrôle d’Addis-Abeba, afin de ne pas retarder
inutilement l’inévitable. La capitale est investie le
28 sans résistance. L’installation d’un gouvernement de transition, auquel le FPLE ne souhaite
pas participer, et l’organisation d’élections libres
ainsi que d’un référendum d’autodétermination en
Érythrée sont prévues. Mais, le 29, à Addis-Abeba,
des manifestations en faveur de l’unité nationale
sont violemment réprimées.
Mercredi 22
FRANCE
Vie politique
Le discours de politique générale du Premier
ministre Édith Cresson devant l’Assemblée nationale est jugé sans relief et dénué
de propositions concrètes par la classe
politique.
IRAK
Réfugiés
Le gouvernement et les forces alliées de
l’opération Provide Comfort concluent un
accord sur l’évacuation des soldats et des
policiers irakiens de la ville de Dohouk
(350 000 habitants avant l’exode), située à
la limite de la zone de sécurité, en vue de
favoriser le retour chez eux des Kurdes.
É TAT S ! U N I S
Politique étrangère
Le secrétaire d’État James Baker affirme que
la poursuite des implantations juives dans
les territoires occupés par Israël constitue le
« principal obstacle à la paix » au ProcheOrient. Le 24, les États-Unis inspirent
une déclaration du Conseil de sécurité de
l’ONU qui condamne l’expulsion de quatre
Palestiniens vers le Liban.
Liban/Syrie
Le chemin de Damas
« Fraternité, coopération et coordination » selon
les uns, « vassalisation », « tutelle » ou « annexion »
d’après les autres, le traité signé par les présidents
syrien Hafez el-Assad et libanais Elias Hraoui,
le 22 mai à Damas, est diversement apprécié. Le
texte entériné le 27 par les Parlements libanais et
syrien requiert des deux pays « le plus haut degré
de coordination dans tous les domaines », notamment ceux de la défense et de la politique étrangère. Un Conseil suprême composé des principaux
dirigeants des deux pays mène cette coopération.
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CHRONOLOGIE
63
Ces relations privilégiées entre le Liban et la Syrie
étaient déjà inscrites dans le document d’« entente
nationale » adopté à Taëf (Arabie Saoudite) le
22 octobre 1989, et accepté par l’ensemble de la
classe politique libanaise, hormis le général chrétien Michel Aoun. Toutefois, les ministres maronites Georges Saade, président du parti kataeb
(Phalanges), et Roger Dib, représentant de la
milice des Forces libanaises, émettent des réserves
sur le texte alors que le colonel Kadhafi, chef de
l’État libyen, lance un « appel pressant à l’union
immédiate entre la Syrie et le Liban », qui constituent, selon lui, « une province unique que l’impérialisme avait divisée ». Mais le président Assad
sait trop bien jouer de la guerre civile entre les
Libanais pour écouter ce conseil. Consacré par le
traité, le protectorat syrien sur le Liban existe dans
les faits depuis longtemps. Les crises libanaises
sont toutes nées de divergences entre Beyrouth
et Damas. Une partie de la population libanaise
en est consciente qui, après seize ans de guerre,
trouve que ce traité est un moindre mal.
Dans le cadre de leur nouvelle politique procheorientale issue de la guerre du Golfe, les États-Unis
ont donné leur aval au traité syro-libanais, huit ans
après avoir inspiré le traité israélo-libanais jamais
signé par l’ancien président Aminé Gemayel. Mais
l’État hébreu n’est pas disposé à laisser son principal ennemi contrôler un peu plus son espace
frontalier. Dans les jours qui ont précédé la signature du texte, l’aviation israélienne a effectué des
raids dans le sud du Liban, tandis que l’ALS, milice
pro-israélienne, se livrait à des démonstrations de
force dans la zone de sécurité qu’elle occupe à la
frontière sud du Liban, région où l’armée libanaise
tente de se déployer.
Jeudi 23
COCOM
La réunion à Paris
La réunion à Paris de l’organisme occidental de surveillance des exportations vers les
pays de l’Est aboutit à la réduction de moitié de la liste des produits de haute technologie soumis à son contrôle.
Vendredi 24
FRANCE
Réfugiés
Trois jours après la nomination d’un conciliateur, le gouvernement accorde une au-
torisation provisoire de séjour à quelque
200 étrangers déboutés de leur demande
d’asile, qui observaient une grève de la faim
dans plusieurs villes (23 juillet).
ITALIE
Société
La chaîne privée Cinque diffuse un clip
appelant à dénoncer à la police les agissements de la mafia.
URSS
Catastrophe nucléaire
À Vienne, les représentants des républiques d’Ukraine et de Biélorussie dénoncent l’« optimisme » du rapport officiel de
l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur les conséquences sanitaires de l’explosion, le 26 avril 1986, de la
centrale de Tchernobyl.
AFRIQUE DU SUD
Vie politique
L’absence du Congrès national africain
(ANC) affaiblit l’impact du « sommet sur la
violence et l’intimidation » organisé à Pretoria sur l’initiative du président Frederik
De Klerk, en vue de résoudre le problème
des troubles interethniques qui déchirent
les ghettos noirs.
CAMEROUN
Troubles
Confronté à une vague d’agitation organisée
par l’opposition qui réclame la convocation
d’une Conférence nationale, le président
Paul Biya place sept des dix provinces du
pays sous administration militaire.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
64
Samedi 25
IRAN
Politique étrangère
Organisée à Ispahan par la République
islamique, la conférence sur la coopération
pétrolière dans les années 1990 témoigne de
la volonté d’ouverture politique du pays en
direction de l’Occident, de l’Arabie Saoudite et des monarchies du Golfe.
SURINAM
Élections législatives
Hostile aux militaires, qui ont repris le
pouvoir en décembre 1990, le Front nouveau pour la démocratie remporte 30 des
51 sièges de l’Assemblée. Avec 12 sièges,
le Parti national démocratique du colonel
Desi Bouterse, ancien président, progresse.
Dimanche 26
URSS
Nationalités
Président en exercice de la république
de Géorgie, M. Zviad Gamsakhourdia est
confirmé à son poste, au suffrage universel,
par 87 % des voix.
THAÏLANDE
Catastrophe aérienne
Un Boeing-767 de la compagnie autrichienne Lauda Air explose en vol après
avoir décollé de Bangkok. Il n’y a pas de
survivants parmi les 223 passagers. L’enquête conclut à une erreur de commande
des réacteurs.
ALGÉRIE
Opposition
À Alger, devant l’échec de la grève générale
à laquelle il avait appelé à partir du 25, le
Front islamique du salut organise des défilés
quotidiens pour réclamer la modification
de la loi électorale et une élection présidentielle anticipée.
Lundi 27
FRANCE
Banlieues
Interpellé à la suite des violences survenues
durant le week-end dans la cité HLM du
Val-Fourré, un jeune homme d’origine ma-
rocaine âgé de 18 ans, Aïssa Ihich, meurt
durant sa garde à vue au commissariat de
Mantes-la-Jolie (Yvelines). Asthmatique, il
n’avait pas été autorisé à recevoir les médicaments que lui avait apportés sa famille.
Commerce extérieur
Pour la première fois dans les relations
entre les deux pays, la publication des résultats du mois d’avril fait apparaître un
excédent dans les échanges entre la France
et l’Allemagne.
Sociétés
Le groupe Pinault achète la chaîne de distribution de meubles Conforama à LVMH
pour 4,4 milliards de francs.
Mardi 28
CORÉE DU NORD
Politique étrangère
Devant le risque de l’admission de la seule
Corée du Sud aux Nations unies, le régime
de Pyongyang déclare abandonner sa position hostile à la participation simultanée des
deux pays à l’organisation internationale.
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CHRONOLOGIE
65
É TAT S ! U N I S
Transports
L’État du Texas choisit le TGV français pour
assurer la liaison à grande vitesse entre les
villes de Houston, Dallas et San Antonio.
Mercredi 29
OTA N
Les ministres de la Défense
Les ministres de la Défense des quinze
États membres du commandement intégré
approuvent une réorganisation de l’alliance
atlantique qui prévoit notamment la création d’une « force de réaction rapide » à
laquelle la France se déclare opposée.
FRANCE
Économie
Le ministre Pierre Bérégovoy présente au
Conseil des ministres une série de mesures
destinées à enrayer l’aggravation du déficit
de l’État. Des augmentations de recettes et
des diminutions de dépenses doivent permettre d’économiser 17 milliards de francs
en 1991.
Exposition
Cocher de fiacre, un dessin de Georges Seurat, est volé lors de la rétrospective présentée depuis le 13 avril au Grand Palais, à
Paris, à l’occasion du centenaire de la mort
du peintre.
ALLEMAGNE
Transports
À Kassel est inauguré le train à grande vitesse allemand, Intercity Express (ICE), qui
doit circuler entre Hambourg et Munich.
ESPAGNE
Terrorisme
À Vic, près de Barcelone, l’explosion d’une
voiture piégée devant le bâtiment abritant
les logements des gardes civils provoque
la mort de neuf personnes. Le 31, la police
démantèle le « commando Barcelone » de
l’ETA militaire présumé responsable de
l’attentat.
NÉPAL
Vie politique
Dirigeant du parti du Congrès qui a remporté les élections législatives du 12, M. Girija Prasad Koirala est nommé Premier
ministre et forme le premier gouvernement
démocratique depuis 1960 (12).
É TAT S ! U N I S
Désarmement
Le président George Bush présente un plan
de contrôle des armements nucléaires,
chimiques, biologiques et balistiques au
Proche-Orient qui exhorte les pays fournisseurs à la « réserve ».
SPORT
Football
À Bari (Italie), l’Étoile rouge de Belgrade
remporte la Coupe d’Europe des clubs champions en battant l’Olympique de Marseille à
l’issue de l’épreuve des tirs au but (5-3).
Vendredi 31
FRANCE
Société
La Cour de cassation déclare illicite la
pratique des « mères porteuses », jugée
contraire au principe de l’indisponibilité du
corps humain.
Sport
La chaîne de télévision Canal + prend le
contrôle financier du Paris-Saint-Germain
dans le cadre du plan de relance du football
à Paris.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
66
Juin
Samedi 1
FRANCE
Scandale
Le Dr Michel Garetta, directeur du Centre
national de transfusion sanguine (CNTS),
présente sa démission. Il était accusé par
l’hebdomadaire l’Événement du Jeudi
d’avoir continué, en 1985, à distribuer des
produits sanguins qu’il savait contaminés
par le virus du sida.
Dimanche 2
ALLEMAGNE
Vie politique
Lors des élections régionales dans la villeÉtat de Hambourg, le Parti chrétien-démocrate (CDU) du chancelier Helmut Kohl
enregistre un net recul au profit du Parti
social-démocrate (SPD).
Lundi 3
FRANCE
Désarmement
La présidence de la République publie un
« plan de maîtrise des armements et de
désarmement » qui prévoit notamment
l’adhésion de la France au traité de nonprolifération nucléaire (TNP) signé par les
États-Unis, l’URSS et la Grande-Bretagne le
1er juillet 1968.
URSS
Nationalités
Le jour de la publication du rapport officiel
qui décharge l’armée de toute responsabilité dans les événements meurtriers survenus le 13 janvier à Vilnious, en Lituanie,
des troupes soviétiques se livrent à des
manoeuvres d’intimidation autour du Parlement de la République balte.
LIBAN
Conflit
Durant trois jours, l’aviation israélienne
lance des raids meurtriers sur les positions
palestiniennes situées dans le sud du pays,
alors que l’ALS, milice pro-israélienne,
effectue des manoeuvres de blindés dans la
« zone de sécurité » frontalière.
JAPON
Catastrophe naturelle
Dans l’île de Kyushu, l’éruption du volcan
Unzen provoque la mort de 40 personnes,
dont les volcanologues français Maurice et
Katia Krafft.
Mardi 4
É G L I S E C AT H O L I Q U E
Voyage pontifical
Au cours de sa quatrième visite dans son
pays natal depuis le début de son pontificat,
Jean-Paul II condamne fermement la légalité de l’avortement, dont la Diète polonaise
doit prochainement débattre. La comparaison que le pape établit entre les « cimetières
des enfants non nés » et ceux des victimes
des camps de concentration suscite de vives
protestations.
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CHRONOLOGIE
67
ALBANIE
Vie politique
Confronté à une grève générale depuis trois
semaines, M. Fatos Nano présente la démission du gouvernement communiste qu’il
avait formé le 12 mai (11 et 12).
ALGÉRIE
Troubles
À Alger, les forces de l’ordre évacuent les
places publiques occupées depuis le 26 mai
par les militants du Front islamique du salut
(FIS). Le bilan officiel des violents affrontements qui s’ensuivent s’élève à 17 morts (5).
É TAT S ! U N I S
Éthique
À l’hôpital de Duarte, en Californie, une
jeune fille leucémique de 19 ans reçoit
une greffe de moelle osseuse prélevée sur sa
petite soeur de 13 mois. Celle-ci avait été
conçue dans ce but, en l’absence de donneur compatible.
Mercredi 5
URSS
Aide économique
À Oslo où il est venu recevoir le prix Nobel
de la paix, M. Mikhaïl Gorbatchev lance un
appel à un « soutien massif » de l’Occident à
la perestroïka dont « le monde a tout autant
besoin que l’Union soviétique » (13).
ALGÉRIE
Troubles
Dans un communiqué télévisé, le président
Chadli Bendjedid annonce l’instauration
de l’état de siège, le report sine die des élections législatives prévues pour le 27 juin et
le renvoi de M. Mouloud Hamrouche, Premier ministre depuis septembre 1989, qui
est remplacé par M. Sid Ahmed Ghozali. Le
6, le couvre-feu est instauré dans la capitale
et les départements limitrophes (4 et 7).
Apartheid
La nouvelle Afrique du Sud
Le président Frederik De Klerk l’avait promis le
1er février : le 5 juin, le Parlement abroge deux des
dernières lois discriminatoires, qui portaient sur
la propriété foncière (Land Act) et l’habitat séparé
(Group Areas Act). Le 17, il fait de même avec l’ultime législation raciale relative à la classification
de la population selon la couleur de la peau (Population Registration Act). Ces mesures d’abolition,
qui font suite à celle, le 15 octobre 1990, de la loi
régissant l’accès aux lieux publics (Separate Amenities Act), entrent en vigueur à la fin du mois. Le
système institutionnel de l’apartheid a vécu.
Dès 1911, des textes législatifs sud-africains faisaient référence aux différents groupes raciaux. En
1913, le Land Act attribuait 87 % des terres à la
minorité blanche contre 13 % aux Noirs (les Blancs
constituent aujourd’hui 13,5 % de la population,
les Noirs, 75,2 %) ; mais c’est le Parti national, formation afrikaner parvenue au pouvoir en 1948,
qui institutionnalisait le principe du « développement séparé ». Dès 1950 était adoptée la classification par races de la population, pierre angulaire de
la ségrégation. La loi sur le logement, qui confinait
les Noirs dans des ghettos situés hors des villes,
date aussi de 1950. En 1953 était voté le Separate
Amenities Act, qui définissait les règles de l’« apartheid mesquin ». À partir de 1959, le programme
qui consistait à transformer les réserves instituées
par le Land Act en États indépendants entrait en
application. Entre 1960 et 1989, 3,5 millions de
Noirs étaient déplacés vers dix « bantoustans » ou
« homelands » décrétés « autonomes » entre 1963
et 1984, puis « indépendants », pour quatre d’entre
eux, entre 1976 et 1981.
Malgré l’opposition du Parti conservateur, M. De
Klerk, élu le 20 septembre 1989, a commencé à
bâtir la « nouvelle Afrique du Sud », annoncée
dans son discours « historique » du 2 février 1990.
De nombreuses inégalités demeurent toutefois, à
commencer par celles inscrites dans la Constitution de 1983. Le principe « un homme, une voix »,
notamment, n’a pas été encore formellement
accepté. De flagrantes disparités économiques et
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
68
sociales subsistent également. C’est sur ce terrain
que M. De Klerk gagnera ou perdra son pari.
La libération de tous les prisonniers politiques et
l’adoption de mesures contre les violences interethniques demeurent pour l’ANC des préalables
à la levée de l’embargo décrété par la communauté
mondiale contre le régime de Pretoria. De leur
côté, les hommes d’affaires ont hâte que cesse cette
ségrégation… commerciale (éd. 1991).
Jeudi 6
FRANCE
Transports
Le groupe Bolloré prend le contrôle de l’armateur Delmas-Viel-jeux et devient ainsi
le numéro deux français du transport de
marchandises derrière la SCETA, filiale de
la SNCF.
LIBAN
Vie politique
Le gouvernement nomme 40 députés au
Parlement élu en 1972, dont 31 pour occuper des postes vacants. Le nombre total des
députés s’établit ainsi à 108, répartis à égalité entre chrétiens et musulmans, conformément aux accords de Taëf du 22 octobre
1989.
France
Monsieur Jadis
La littérature, l’amitié, l’alcool sont les quelques
rares choses auxquelles il s’appliquait vraiment.
Le reste n’était pour lui que prétexte à exercer son
esprit désinvolte et joyeusement pessimiste. Ce
monde, qui ne roulait pas dans le bon sens à ses
yeux, s’est pour lui arrêté de tourner le 6 juin. Antoine Blondin est mort. Vive Monsieur Jadis.
Né à Paris en 1922, le fils de la poétesse Germaine
Blondin effectue de brillantes études. Pendant
la guerre, il part travailler en Allemagne au titre
du STO. À son retour, il se lance dans le journalisme sportif et dans la littérature. Les deux disciplines n’en forment qu’une pour cet amoureux de
l’épique. Le succès littéraire venu, il continuera de
pratiquer l’une et l’autre. Ainsi, il couvrira longtemps le Tour de France pour le journal l’Équipe.
Et tous les piliers de rugby deviendront ses amis.
Le succès vient tôt. En 1949, il obtient le prix
des Deux-Magots pour son premier roman, l’Europe buissonnière. Les maîtres penseurs du Paris
d’après-guerre l’étiquettent de droite, pour la jouissance gratuite qui émane de sa prose, lui qui ne
songe pas à sauver les masses par la littérature. Regroupés autour de Roger Nimier sous l’appellation
de « hussards », Antoine Blondin, Jacques Laurent, Michel Déon, Félicien Marceau et quelques
autres partagent ce même ghetto. Les Enfants du
Bon Dieu en 1952 et l’Humeur vagabonde en 1955
confirment la rupture de Blondin avec l’« engagement » de l’époque.
Le succès populaire prend les traits de Gabin et
de Belmondo qui incarnent magnifiquement, à
l’écran, les personnages d’Un singe en hiver, prix
Interallié 1959. Il y est question d’amitié, d’alcool
et de littérature. La disparition de Nimier en 1962
marque profondément Blondin. Avec Monsieur Jadis (1970), il se réfugie dans sa mémoire, entouré
des habitués du Bar-Bac. Quat’Saisons (1970) raccourcit sa prose aux dimensions de la nouvelle.
De plus en plus, Blondin boit sa vie qu’il ne parvient toujours pas à accommoder à l’état des
choses. Ses traits se chiffonnent et bientôt, la barbe
envahit un visage d’où émergera jusqu’au bout un
regard d’enfant malicieux.
Vendredi 7
OTAN
Les ministres des Affaires étrangères
Les ministres des Affaires étrangères des
pays membres, réunis à Copenhague,
reconnaissent pour la première fois l’existence d’une compétence européenne en matière de sécurité et de défense, qu’ils jugent
complémentaire de celle de l’Alliance
atlantique.
ALGÉRIE
Vie politique
Après avoir obtenu du Premier ministre
Sid Ahmed Ghozali l’assurance de l’organisation d’élections législatives et présidentielle
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CHRONOLOGIE
69
avant la fin de l’année, le Front islamique du
salut (FIS) met un terme à la grève générale
déclenchée le 25 mai (5 et 18).
Samedi 8
FRANCE
Sport
À Paris, l’équipe de l’AS Monaco bat l’Olympique de Marseille (1-0) en finale de la
Coupe de France de football.
CONGO
Institutions
À Brazzaville, la conférence nationale réunie depuis près de trois mois élit M. André
Milongo Premier ministre à titre provisoire
et le dote de la plupart des pouvoirs jusquelà détenus par le président Denis Sassou
Nguesso.
C O LO M B I E
Vie politique
Sur la demande de l’Assemblée constituante, autorité suprême élue en décembre
1990, le président Cesar Gaviria annonce la
dissolution du Parlement et l’organisation
d’élections anticipées pour le mois d’octobre
(27 octobre).
Dimanche 9
FRANCE
Violences
À Mantes-la-Jolie (Yvelines), une femme
gardien de la paix et un jeune Algérien
sont tués lors d’une intervention policière
contre des voleurs de voitures. Les syndicats de policiers dénoncent l’absence de
« consignes claires » pour maintenir l’ordre
dans les quartiers difficiles (20 février et
12 juin).
JORDANIE
Institutions
Un congrès de personnalités représentant
toutes les tendances politiques adopte une
charte nationale qui reconnaît notamment
le multipartisme (18).
SPORT
Tennis
À Roland-Garros, l’Américain Jim Courier bat son compatriote André Agassi en
finale des Internationaux de France (3-6,
6-4, 2-6, 6-1, 6-4). La veille, la Yougoslave
Monica Seles l’avait emporté sur l’Espagnole
Arantxa Sanchez (6-3, 6-2).
Lundi 10
ALLEMAGNE
Commerce extérieur
Pour la première fois depuis dix ans, le pays
enregistre un déficit commercial de 1,4 milliard de Deutsche Mark principalement dû
au processus de réunification.
MADAGASCAR
Manifestations
À Antananarivo, des dizaines de milliers
de personnes se rassemblent sur la place
du 13 mai-1972 pour réclamer l’abrogation
de la Constitution socialiste mise en place
en 1975 par le président Didier Ratsiraka,
et l’organisation d’une conférence nationale.
Ce mouvement se poursuit les jours suivants (20).
É TAT S ! U N I S
Cérémonie
Les soldats de l’opération « Tempête du
désert » dans le Golfe participent à une
gigantesque parade sur Broadway, à New
York (65).
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
70
Mardi 11
FRANCE
Environnement
M. Raymond Lévy, P-DG de Renault, présente un programme de collecte et de recyclage des déchets générés par l’automobile.
Le 18, M. Jacques Calvet, P-DG de PSA, fait
visiter au ministre Brice Lalonde un centre
expérimental de retraitement des épaves de
voitures.
ALBANIE
Vie politique
Nommé le 5, M. Ylli Bufi forme un gouvernement de coalition chargé de préparer les
élections générales prévues en 1992 (4).
É TAT S ! U N I S
Aide internationale
La Maison-Blanche annonce l’octroi à
l’Union soviétique d’une garantie de crédit
de 1,5 milliard de dollars pour l’achat de
produits alimentaires américains.
France
Action santé
Augmenter les recettes et réduire les dépenses sont
les moyens, peu originaux mais éprouvés, choisis
par le gouvernement pour tenter une fois de plus
de « boucher le trou de la Sécu ». Estimé à 23 milliards de francs pour 1991, ce « trou » s’explique en
partie par le freinage de la croissance économique
et la dégradation de l’emploi. Le 12 juin, le Conseil
des ministres adopte un relèvement de la cotisation salariale d’assurance-maladie de 0,9 % ainsi
que diverses mesures d’économie. Il s’agit autant,
pour le Premier ministre Édith Cresson, d’éviter
une rupture de trésorerie d’ici à la fin de l’année
que de prévenir une réapparition du dossier avant
les élections législatives de 1993.
L’augmentation de la cotisation doit rapporter
8 milliards de francs en 1991 et 23 en 1992. Les
mesures d’économie, qui ne sont pas encore toutes
arrêtées mais qui doivent comprendre une augmentation du forfait hospitalier et des limitations
tarifaires, sont évaluées à 2 milliards de francs en
1991 et à 7 en 1992.
Ces mesures d’urgence n’empêchent pas le ministre des Affaires sociales Jean-Louis Bianco de
promouvoir les réformes structurelles du financement de la Sécurité sociale engagées par le gouvernement Rocard. En attendant le développement de
mesures de prévention à grande échelle, très onéreuses, des accords garantissant un certain montant d’honoraires en échange d’une limitation du
volume d’activité ont déjà été signés avec certains
représentants des laboratoires d’analyses médicales et des cliniques privées.
Les professions de santé sont opposées à ce principe de l’« enveloppe globale », qui équivaut à une
« étatisation » des soins, ainsi qu’au projet d’abonnement entre les médecins généralistes et leurs
patients, qui menacerait le libre choix du malade.
Elles sont aussi hostiles aux mesures d’économies
du plan de redressement de la « Sécu », dont elles
feront en partie les frais. Leur coordination, Action Santé, avait appelé à une manifestation à Paris
le 11 juin, au cours de laquelle près d’une centaine
de milliers de membres des professions médicales
ont posé à l’État et aux Français la question : quelle
médecine, et à quel prix ?
Mercredi 12
FRANCE
Audiovisuel
M. Hervé Bourges, P-DG commun d’A2
et de FR3, présente un « Plan stratégique
pour les télévisions publiques » qui prévoit
de fortes réductions d’effectifs.
Banlieues
Le gouvernement adopte une série de mesures d’urgence destinées à calmer la grogne
des policiers et à prévenir l’agitation des
jeunes. Des activités d’été sont proposées à
ces derniers (9).
ALBANIE
Vie politique
Lors de son congrès, le Parti du travail
(communiste) est rebaptisé Parti socialiste.
Une « rénovation totale » de ses structures
est annoncée par son nouveau président, le
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CHRONOLOGIE
71
réformateur Fatos Nano. L’héritage d’Enver
Hodja est remis en cause (4).
BELGIQUE
Monarchie
Le Sénat entérine la révision constitutionnelle qui permet à une femme d’accéder au
trône.
URSS
Vie politique
Le président en exercice de la Fédération de
Russie, M. Boris Eltsine, est confirmé dans
ses fonctions par le suffrage universel. Il est
élu au premier tour de scrutin, avec 57,3 %
des voix. Les réformateurs Gavriil Popov et
Anatoli Sobtchak sont également consacrés
à leurs postes respectifs de maire de Moscou et de Leningrad.
Toponymie
Les habitants de Leningrad se déclarent
à 54 % favorables à ce que leur ville retrouve son nom de Saint-Pétersbourg (6
septembre).
SRI LANKA
Guerre civile
À Kokkidicholai, sur la côte
massacre au moins 150 civils
guise de représailles contre
séparatistes du LTTE (Tigres
l’Eelam tamoul) [21].
est, l’armée
tamouls en
les actions des
libérateurs de
TOGO
Troubles
Après deux jours de violents affrontements
entre des opposants, en grève générale depuis le 6, et les forces de l’ordre, le gouvernement promet l’organisation d’une conférence nationale.
Jeudi 13
GROUPE DES SEPT
Diplomatie
Les sept pays les plus industrialisés (G7) invitent M. Mikhaïl Gorbatchev à les rejoindre
« immédiatement après » leur sommet de
Londres, le 17 juillet (encadré Groupe des
sept, la table des grandes).
CANADA
Catastrophe naturelle
Les incendies qui éclatent dans le nordest de la province du Québec ravagent
250 000 hectares de forêts au cours du mois.
Vendredi 14
ITALIE
Réfugiés
Après avoir accueilli 24 000 fugitifs albanais en mars, le gouvernement déclare que
les candidats à l’exil qui tentent encore de
traverser l’Adriatique seront désormais
considérés comme des clandestins. Le 15,
quelque 800 Albanais sont refoulés (encadré Italie, la nouvelle vague).
SUÈDE
Politique étrangère
Après le revirement de son parti sur la
question de la neutralité du pays, le Premier
ministre social-démocrate Ingvar Carlsson
annonce devant le Parlement qu’il présentera officiellement la candidature de son
pays à la CEE le 1er juillet.
SUISSE
Société
À l’occasion du 700e anniversaire de la
Confédération, les femmes se mettent en
grève afin de protester contre la discrimination dont elles sont encore l’objet, dix ans
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
72
après l’introduction dans la Constitution
d’un article reconnaissant l’égalité des sexes.
TCHÉCOSLOVAQUIE
Construction européenne
À Prague, dans son discours de clôture des
Assises de la confédération européenne organisées sur son initiative, le président François Mitterrand prend acte des réserves du
président Vaclav Havel. Ce dernier critique
une institution qui inclurait l’URSS mais
pas les États-Unis, et qui apparaît comme
un substitut à l’intégration des pays de l’Est
dans la CEE (18).
PHILIPPINES
Catastrophe naturelle
Réveillé depuis la fin du mois de mai, le
volcan Pinatubo, situé au nord-ouest de
Manille, fait ses premières victimes. Au
cours du mois, 300 personnes au moins
sont tuées par des explosions et des coulées
de boue.
Samedi 15
ALLEMAGNE
Manifestations
Lors des obsèques de leur chef Rainer Sonntag, assassiné le 31 mai, 1 200 militants néonazis défilent dans les rues de Dresde.
INDE
Élections législatives
Les résultats du scrutin sont favorables au
parti du Congrès de Rajiv Gandhi – assassiné le 21 mai – qui remporte 223 sièges
(+ 30) sur 511, et au Bharatiya Janata Party
(droite hindouiste), qui obtient 119 sièges
(+ 31). Au Pendjab, l’attaque de deux trains
par des terroristes sikhs cause la mort de
76 passagers hindous (21, et encadré Inde,
la malédiction des Gandhi).
Lundi 17
ONU
Le Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité adopte la résolution 700 qui laisse à la charge de l’Irak le
coût de l’élimination de ses armes de destruction massive (28).
A L L E MA G N E / P O LO G N E
Relations
À Bonn, le chancelier allemand Helmut Kohl et le Premier ministre polonais
Krzysztof Bielecki signent un traité « de bon
voisinage et de coopération » qui consacre
les nouveaux rapports établis entre les deux
pays (éd. 1991).
AFRIQUE DU SUD
encadré Apartheid, la nouvelle Afrique du
Sud.
Mardi 18
JORDANIE
Vie politique
Le roi Hussein nomme Premier ministre
M. Taher Masri, d’origine palestinienne, en
remplacement de M. Moudar Badrane. Premier groupe à l’Assemblée, les Frères musulmans ne participent pas au gouvernement.
ALGÉRIE
Vie politique
M. Sid Ahmed Ghozali forme un gouvernement de techniciens qui ne comprend aucun
dignitaire du FLN. Un ministre des Droits
de l’homme est nommé (5 et 25).
É TATS!UNIS/EUROPE
Relations
À Berlin, le secrétaire d’État américain
James Baker prône la création d’une « comdownloadModeText.vue.download 75 sur 490
CHRONOLOGIE
73
munauté euro-atlantique de Vancouver à
Vladivostok ».
Mercredi 19
FRANCE
Immigration
Une vive polémique est provoquée par le
discours prononcé à Orléans par M. Jacques
Chirac, qui évoque « l’overdose » d’étrangers
dont souffre le pays et qui plaint le « travailleur français » indisposé par « le bruit et
l’odeur » de ses voisins immigrés.
HONGRIE
URSS
TCHÉCOSLOVAQUIE
URSS
URSS
Politique étrangère
Les derniers soldats soviétiques quittent
la Hongrie et la Tchécoslovaquie, avec une
dizaine de jours d’avance sur le calendrier
prévu.
Colombie
Reddition conditionnelle
En justifiant la « guerre totale » décrétée en août
1989, puis la politique de main tendue adoptée en
septembre 1990, la reddition de Pablo Escobar, le
19 juin, constitue une victoire pour le président
Cesar Gaviria.
Chef du cartel de Medellín qui contrôle 80 % du
trafic de cocaïne à destination des États-Unis et
qui affiche des revenus annuels de 4 milliards de
dollars, Pablo Escobar est devenu, selon la revue
américaine Forbes, l’une des dix personnes les plus
riches au monde ; il était aussi l’homme le plus recherché de Colombie. À la fois aimé et craint, généreux et psychopathe, « Don Pablo » a une égale
réputation de Robin des Bois et d’Al Capone. Outre
le trafic de cocaïne et l’élimination du ministre de
la Justice Lara Bonilla en avril 1984, il serait impliqué dans l’assassinat d’un directeur de journal,
d’un procureur de la nation et de trois candidats à
la présidence. Celui du libéral Luis Carlos Galan,
en août 1989, déclenchait les foudres du pouvoir,
qui autorisait l’extradition des « barons » de la
drogue vers les États-Unis.
Annoncé en septembre 1990, l’abandon de cette
mesure était l’une des conditions posées par Escobar pour sa reddition. Ses autres exigences,
relatives à sa sécurité, ont aussi été satisfaites. Une
luxueuse prison dominant Medellín a été installée sur mesure. Plus que la police, Pablo Escobar
craint en effet ses rivaux des cartels de Cali ou de
Llanos. Quant à la justice, il s’y soumet en « bouc
émissaire » animé d’un souci de « transparence et
de clarté ».
La police et l’armée colombiennes ainsi que la
justice américaine se disent « flouées » par cette
reddition conditionnelle qui leur paraît mal augurer des suites judiciaires de l’affaire. Le président
Gaviria a beaucoup cédé pour obtenir ce succès,
qui lui permet de faire face aux critiques relatives
aux négociations de Caracas avec la guérilla et à
l’opposition d’une partie de la classe politique à ses
projets de modernisation du régime.
D’autre part, il est avéré que l’arrestation de ses
« barons » n’affecte pas le trafic international de
la drogue : le cas Noriega l’a suffisamment prouvé
(éd. 1990).
Jeudi 20
CSCE
Le Conseil des ministres
Le Conseil des ministres des Affaires étrangères, réuni pour la première fois à Berlin, décide d’admettre l’Albanie comme
35e membre et de créer une procédure de
« consultation et de coopération » pour les
« situations d’urgence ».
FRANCE
Ordre public
Réfugié politique depuis juin 1974, M. Abdelmoumen Diouri est expulsé vers le Gabon selon la procédure de l’urgence absolue. Il est l’auteur d’un ouvrage intitulé À
qui appartient le Maroc ?, très critique endownloadModeText.vue.download 76 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
74
vers le roi Hassan II, qui devrait paraître à
l’automne (10 juillet).
Musées
Entièrement réaménagée en vue d’accueillir
des expositions d’art contemporain, la galerie nationale du Jeu de paume rouvre ses
portes au public avec une présentation des
dernières oeuvres de Jean Dubuffet.
Académie française
Accueilli sous la Coupole par Jacques de
Bourbon-Busset, José Cabanis, élu le 21 juin
1990, prononce l’éloge de Thierry Maulnier.
ALLEMAGNE
Institutions
Par 336 voix contre 321, les députés du
Bundestag choisissent Berlin comme capitale du pays unifié. Le Bundesrat, seconde
chambre du Parlement, doit toutefois rester
à Bonn.
MADAGASCAR
Vie politique
Le Comité des forces vives qui regroupe
les mouvements d’opposition favorables à
la démission du président Didier Ratsiraka
annonce son intention de former un « gouvernement provisoire » chargé de réformer
les institutions et d’organiser des élections
(10).
Vendredi 21
KOWEÏT
Économie
L’émirat produit de nouveau plus de pétrole
qu’il n’en consomme et reprend ses exportations, alors que seuls 170 des 600 puits
qui avaient été enflammés par les Irakiens avant leur retrait ont pu être éteints
(5 novembre).
INDE
Vie politique
Président du parti du Congrès désigné au
poste de Premier ministre, M. P. V. Narasimha Rao prête serment. Le 23, il forme
un gouvernement minoritaire composé de
membres de son parti (15).
SRI LANKA
Guerre civile
À Colombo, un attentat à la voiture piégée,
dirigé contre le principal quartier général de l’armée, est attribué à la guérilla tamoule ; il fait près de 70 morts (12).
Samedi 22
FRANCE
Aéronautique
Au Salon du Bourget, le Premier ministre
Édith Cresson annonce le lancement du
Programme de recherche sur la propulsion
hypersonique avancée (PREPHA). Doté
d’un budget de 500 millions de francs sur
quatre ans, il doit permettre la mise en
place des moyens nécessaires à l’élaboration, en 2010-2015, de moteurs capables
de propulser des avions, des missiles ou
des engins spatiaux à des vitesses pouvant
atteindre Mach 25.
ALBANIE
Relations internationales
À Tirana, des centaines de milliers de personnes acclament M. James Baker qui effectue la première visite d’un secrétaire d’État
américain dans le pays.
É TAT S ! U N I S
v. Albanie
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CHRONOLOGIE
75
Dimanche 23 Mardi 25
FRANCE
Violences
À Narbonne (Aude), dans la cité HLM des
Oliviers, des enfants d’anciens harkis, qui
commettent des dépradations depuis le 20
dans le but d’attirer l’attention sur leur sort,
affrontent violemment les forces de l’ordre.
SPORT
Automobile
Présente aux 24 Heures du Mans depuis
13 ans, Mazda est la première voiture japonaise à remporter l’épreuve.
Lundi 24
CEE
Les ministres des Finances
Les ministres des Finances parviennent
à un accord sur l’unification des taux de
TVA. Le taux minimum – qui est en France
de 18,6 % – est fixé à 15 %.
FRANCE
Sociétés
Le groupe Carrefour achète la société Euromarché pour 5,2 milliards de francs et
devient le numéro un français de la grande
distribution, devant Leclerc.
JAPON
Scandale
Les présidents de Nomura, première société
de courtage du monde, et de Nikko, troisième maison de titres japonaise, présentent leur démission. Ils avouent avoir illégalement compensé les pertes boursières de
leurs gros clients et accordé leurs services à
l’un des chefs de la mafia nippone.
YOUGOSLAVIE
Nationalités
Les Parlements de Zagreb et de Ljubljana
proclament la « souveraineté et l’indépendance » des Républiques de Croatie et de
Slovénie. Cette « dissociation », qui n’est
pas une « sécession », est condamnée par le
pouvoir central comme par les États occidentaux (27).
ALGÉRIE
Troubles
Des affrontements meurtriers opposent
durant deux jours les islamistes aux forces
de l’ordre qui enlevaient les panneaux
« commune islamiste » accrochés par le FIS
au fronton des mairies qu’il contrôle depuis
les élections de juin 1990 (18 et 30).
Mercredi 26
FRANCE
Administration
Le rapport annuel de la Cour des comptes
dénonce notamment la gestion de Thomson-CSF, des ASSEDIC de la région parisienne, des parcs nationaux, de la Météorologie nationale, le fonctionnement du
plan câble de France-Télécom, le coût de la
Tête Défense et du ministère des Finances
de Bercy et les carences de l’hospitalisation
publique et privée. Il souligne d’autre part
l’action de ses cours régionales.
G R A N D E ! B R E TA G N E
Justice
La cour d’appel de Londres innocente les
sept membres de la famille Maguire, d’origine irlandaise, condamnés en 1976 pour
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
76
avoir prétendument fabriqué des bombes
pour l’IRA.
Assurances
Numéro un mondial, la compagnie Lloyd’s
annonce, pour la première fois depuis 1967,
un déficit de plus de 500 millions de livres
pour l’exercice 1988 et se montre pessimiste quant aux résultats des trois années
suivantes.
KOWEÏT
Justice
Alors que la loi martiale en vigueur depuis
la libération de l’émirat en février est levée,
les autorités décident, sous la pression
internationale, de commuer en peines de
prison à vie les 29 condamnations à mort
de « collaborateurs » prononcées depuis le
19 mai par les tribunaux d’exception.
CAMBODGE
Conflit
À Pattaya, en Thaïlande, la réunion du
Conseil national suprême qui rassemble les
quatre factions khmères aboutit à un accord sur le cessez-le-feu permanent, l’arrêt
des aides militaires étrangères et l’installation du CNS à Phnom-Penh (17 juillet).
CHINE
Drogue
Devant le développement du trafic et de la
consommation de stupéfiants dans le pays,
les autorités annoncent le lancement d’une
« guerre populaire antinarcotique ».
Jeudi 27
FRANCE
Législation
Le Parlement adopte définitivement le projet de loi autorisant la ratification de l’accord de Schengen du 14 juin 1985, qui prévoit la suppression graduelle des contrôles
aux frontières communes entre la France,
l’Allemagne et le Benelux.
Conflits sociaux
Après avoir paralysé durant 26 jours le trafic de la gare Saint-Charles, à Marseille, les
agents de manoeuvre de la SNCF reprennent
le travail après avoir obtenu certains avantages, mais pas la prime-repas quotidienne
de 25 francs qu’ils réclamaient.
Justice
La cour d’assises de Haute-Saône condamne
à la réclusion perpétuelle Xavier Curtet, le
jeune marginal auteur de l’incendie d’un
immeuble de Belfort, le 8 mars 1989, dans
lequel 15 personnes avaient trouvé la mort.
Musique
Plusieurs groupes de rap, la musique favorite des jeunes révoltés des banlieues, animent la traditionnelle garden-party organisée à l’hôtel Matignon à l’occasion de la fin
de la session ordinaire du Parlement.
Ventes
À l’hôtel Drouot, une tête fang originaire
du Gabon est adjugée à un collectionneur
suisse au prix record de 2,5 millions de
francs.
YOUGOSLAVIE
Troubles
Dans la République de Slovénie, des combats
opposent l’armée fédérale venue prendre le
contrôle des postes frontières avec l’Italie,
l’Autriche et la Hongrie, et les milices Slovènes. Une quarantaine de personnes sont
tuées avant la fin du mois (28).
VIÊT!NAM
Vie politique
Le VIIe Congrès du Parti communiste au
pouvoir est marqué par un rajeunissement
de l’équipe dirigeante et par un encouragement aux réformes économiques engagées.
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CHRONOLOGIE
77
Vendredi 28
ONU
Le Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité adopte une déclaration demandant à l’Irak de cesser d’entraver la mission des experts internationaux
chargés d’inspecter les sites nucléaires (17 et
12 juillet).
COMECON
Les neuf pays membres
Les neuf pays membres du marché commun socialiste (URSS, Hongrie, Pologne,
Tchécoslovaquie, Bulgarie, Roumanie,
Mongolie, Viêt-nam, Cuba), réunis à Budapest, entérinent un état de fait en prononçant la dissolution de la structure créée en
1949.
MANCHE
Tunnel
Sur le chantier, les équipes française et britannique achèvent le percement de la troisième et dernière galerie.
FRANCE
Vie privée
Le Parlement adopte définitivement le projet de loi sur la réglementation des écoutes
téléphoniques.
YOUGOSLAVIE
Troubles
Sous la pression des trois ministres délégués
par la CEE, les Républiques de Slovénie et
de Croatie décident la suspension pour trois
mois de leur déclaration d’indépendance du
25 (25, 30).
Dimanche 30
YOUGOSLAVIE
Nationalités
La direction collégiale de la Fédération
nomme à sa présidence le Croate Stipe
Mesic dont elle avait refusé la désignation le
15 mai (2 juillet).
ALGÉRIE
Troubles
Après une nouvelle nuit d’émeutes à Alger, l’armée investit le quartier général du
Front islamique du salut (FIS) et procède à
l’arrestation des deux dirigeants du mouvement intégriste, MM. Abassi Madani et Ali
Benhadj, qui sont accusés de « conspiration
armée contre la sécurité de l’État ». Les
jours suivants, des centaines de militants
du FIS sont interpellés (25).
Le mois de Hervé Bourges
Notre système audiovisuel boite bas depuis l’arrivée des chaînes commerciales en 1985. Et surtout
depuis la privatisation de TF1 en 1987. La première chaîne de télévision, la plus ancienne, la plus
populaire ; celle d’Intervilles et de Cinq Colonnes
à la une, du Théâtre de la Jeunesse et de la Caméra
explore le temps…
Antenne 2 et FR3 sont restées dans le secteur
public, mais ces deux grandes chaînes, auxquelles
chaque téléspectateur consacre une heure par jour
en moyenne, semblent vouées à aller de crise en
crise, et à naviguer sans boussole : quatre présidents se sont succédé à leur tête depuis 1986. L’opinion a été témoin de ce désordre. Elle y a même assisté en direct. Au programme : des professionnels
désorientés, des émissions annulées, un dernier
trimestre 1990 marqué par des conflits insolubles.
À l’ordre du jour de la conférence de presse commune Antenne 2-FR3, ce mardi matin 12 juin à
11 h 30 : la présentation des programmes d’été.
Mais ce n’est pas pour cette raison que les journalistes et les professionnels du petit écran se
pressent dans les salons de l’hôtel George V : ils
attendent des diagnostics, et des propositions.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
78
Les pertes d’Antenne 2 pour 1990 s’élèvent à
744,2 millions de francs ; celles de FR3 à 178,8 millions. Les budgets de l’exercice 1991 sont adoptés
en déficit… La crise n’est pas seulement financière, mais il faut bien commencer par là : assainir
la situation, et vite. Un débat plutôt vif a lieu au
sein du gouvernement ; mais, finalement, celuici accordera les aides indispensables : cinq cents
millions tout de suite pour reconstituer le capital
d’Antenne 2, et un milliard supplémentaire pour
A2 et FR3, inscrit au budget de 1992, afin de re-
mettre les compteurs à zéro. En contrepartie, les
deux chaînes du service public doivent procéder
à une réorganisation en profondeur, et dresser un
Plan stratégique pour les trois années à venir.
Pourquoi un Plan stratégique ? Parce qu’on ne ressuscitera pas la télévision de papa. Aujourd’hui, les
téléspectateurs disposent d’un choix élargi. Il y a
six chaînes ; bientôt, le câble et le satellite. La télévision n’est plus un monopole d’État ; il faut donc
mieux définir le rôle du service public. Apporter
de vraies garanties de pluralisme et d’indépendance, dans le domaine de l’information, en particulier ; offrir la palette la plus large d’émissions ;
proposer le meilleur service. Mais pas question
de spécialiser une chaîne ; de la transformer en
chaîne thématique… Antenne 2 et FR3 appartiennent à la collectivité nationale et doivent par
conséquent proposer tous les types d’émissions à
toutes les catégories de téléspectateurs. Chacune
selon sa personnalité, son histoire… Antenne 2,
plus sensible à la mode, mais populaire et de qualité ; FR3, régionale, différente, innovante.
La télévision publique dispose d’une chance
unique : ses deux réseaux. Deux chaînes bien coordonnées offrent la certitude de pouvoir proposer
un choix véritable, entre des programmes de distraction et des émissions de découverte. Au cours
des années qui viennent, afin d’accentuer la coordination et la cohérence des programmes, le Plan
stratégique Antenne 2-FR3 prévoit de rapprocher
davantage les équipes d’Antenne 2 et celles de FR3,
notamment dans les domaines de l’information,
des sports et des émissions pour la jeunesse.
Ce projet est ambitieux ; nous l’avons baptisé : la
Télévision pour tous.
HERVÉ BOURGES
Météo : le Printemps
La première décade du printemps (21-31 mars)
se caractérise par un temps maussade. L’arrivée
d’air sec et frais depuis le NE entraîne la baisse
des températures puis l’apparition de gelées matinales dans la moitié nord du pays entre le 28 et
le 31. Dans les régions méditerranéennes, une
dépression progressant depuis le sud de l’Espagne
vers le golfe de Gênes est à l’origine des fortes
pluies qui s’abattent sur l’Aude du 21 au 25 mars
(107 mm à Lézignan et 101 mm à Carcassonne en
72 heures) et d’abondantes chutes de neige sur la
chaîne des Pyrénées.
Avril Ce mois peut paraître normal à celui qui
compare les températures moyennes mensuelles
aux moyennes trentenales. En réalité, avril 1991 a
été marqué par le contraste thermique saisissant
entre la chaleur quasi estivale de la période allant
du 7 au 16 et le froid hivernal qui a régné sur tout
le pays tout au long de la deuxième quinzaine.
Les températures maximales les plus élevées et les
températures minimales les plus basses ont ainsi
atteint des niveaux records. Parmi les premières,
on retiendra : 27 °C à Dax le 10, 23,2 °C à Villacoublay, 24,6 °C à Orléans le 11, 25,8 °C à ParisMontsouris le 12 (ancien record : 24,9 °C en 1939)
et, parmi les secondes : – 3,2 °C à Vannes, – 5 °C
à Poitiers, – 3,5 C à Châteauroux, – 5,8 °C à Aurillac... le 21, – 3,4 °C à Agen et à Dijon ou – 5,2 °C
à Mende le 22...
Les gelées du 21 – point culminant de la vague
de froid, survenant après une période chaude qui
avait été favorable à la floraison des arbres fruitiers,
de la vigne et du colza – ont provoqué des dégâts
considérables dans les vignobles du Bordelais et de
la Champagne, dans les vergers de la Garonne et
de la Loire, de l’Aquitaine et de la Lorraine.
Les précipitations mal réparties dans le temps et
dans l’espace sont le fait de perturbations relativement peu actives circulant dans des flux de sudouest les 4 et 5, de nord du 18 au 20 et de nordouest les 24 et 25. Les abats pluviométriques sont
excédentaires dans l’Ouest et en Corse, normaux
dans le Nord et le Sud-Ouest et déficitaires dans
les autres régions ; dans le Centre-Est le déficit
est de l’ordre de 40 %. Des chutes de neige plus
ou moins importantes ont été observées du 18 au
20 en Île-de-France, en Lorraine, dans le Limousin, en Haute-Corse, en Normandie et sur la Côte
d’Azur.
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CHRONOLOGIE
79
Au 30 avril, le bilan hydrique des sols est meilleur
qu’au 30 avril 1990. Le rapport R/RU est inférieur
à 70 % dans le quart sud-est du pays et en Alsace, à
50 % dans les Pyrénées orientales, dans les Alpesde-Haute-Provence, dans le Var et en Limagne.
Hors de France, l’actualité est dominée par les tornades meurtrières qui, le 26, balaient sept États du
Middle West (32 morts dont 22 dans la seule bourgade d’Andover au Kansas) et surtout par le cyclone et l’onde de tempête associée qui, le 30 avril,
ravagent le sud-est du Bangladesh. Les régions de
Chittagong et de Cox’s Bazar, celle de Chukoria
ainsi que les îles de Maheskhali, Kutubdia, Sandwip, Hatiya ont été les plus touchées. Le bilan est
extrêmement lourd : 139 000 morts, 1 000 km de
digues détruits… des dégâts estimes à 17 milliards
de F.
Mai Avec des températures mensuelles de 0,1 à
2,2 °C inférieures aux normales, mai est un mois
plutôt frais. Peu de records de températures ont
été battus, sauf dans les stations de l’île de beauté :
à Ajaccio, par exemple, 18,3 °C et 8,7 °C sont les
nouvelles moyennes mensuelles des températures
maximales et minimales. Concernant la pluviométrie, l’essentiel des pluies est enregistré pendant
la première quinzaine, caractérisée par une succession ininterrompue de perturbations circulant
dans un flux de nord. Des pluies abondantes et
parfois intenses sont ainsi observées dans les Pyrénées-Atlantiques (55 mm à Accous et à Lescun le
1er mai, 86 mm à Laruns-Hourcat le 9), dans l’Aude
(71 mm à Lézignan et 91 mm à Mouthoumet les 8
et 9) et en Corse (40 mm à Bastia, 67 mm à Oletta
et 51 mm à Cap Sagro en 12 h le 3). D’importantes
chutes de neige se produisent sur les Pyrénées les
2 et 9 mai.
La persistance de hautes pressions pendant la deuxième quinzaine explique l’absence quasi totale de
pluie sur l’ensemble du territoire. Des records de
sécheresse ont été battus dans certaines régions ;
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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à Quimper, Vichy et Châtillon-sur-Seine, il n’est
tombé que 7, 18 et 11 mm de pluie. Au 31 mai, le
rapport R/RU de la réserve en eau disponible à la
réserve utile n’est supérieur à 60 % qu’au nord de la
ligne Brest-Rennes-Charleville, ainsi qu’en Aquitaine et Midi-Pyrénées et dans les départements
de la Haute-Vienne et de la Corrèze.
Juin La période allant du 1er au solstice d’été a vu
se succéder épisodes de douceur (du 1er au 3 et du
9 au 15) et épisodes de fraîcheur (du 4 au 8 et du
16 au 21). C’est au cours de ces derniers que les
températures minimales ont atteint des valeurs records : 1,1 °C au Bourget le 4, –0,1 °C à Châtillonsur-Seine, 1,2 °C à Beauvais et 0,2 °C à Nevers le
5. Le régime perturbé, qui n’a connu aucune réelle
interruption, explique la faiblesse de l’insolation,
la fréquence des jours de pluie et le léger déficit
thermique. Les précipitations ont été relativement
importantes sur la moitié nord du pays (51 mm
en 48 h à Quimper les 5 et 6 juin, 52 mm en 24 h
à Lyon-Satolas les 15 et 16). Signalons le violent
orage accompagné de grêle qui s’est abattu le
21 juin sur la commune de Rebenacq (les grêlons,
gros comme des balles de tennis, ont endommagé
150 maisons).
Au terme de ce printemps 1991, les spécialistes
estiment que la recharge des nappes d’eau souterraines est insuffisante et que le Poitou-Charentes,
le Nord-Pas-de-Calais, la basse Normandie et la
Bourgogne risquent de connaître une pénurie
pendant l’été.
PHILIPPE C. CHAMARD
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CHRONOLOGIE
81
Juillet
Lundi 1
ECONOMIE MONDIALE
Pétrole
Le premier sommet qui instaure un dialogue entre 25 pays producteurs et consommateurs et neuf organisations économiques
internationales est organisé à Paris sur l’initiative de la France et du Venezuela.
CEE
Les Pays-Bas
Les Pays-Bas assurent pour six mois la présidence tournante de la Communauté.
PACTE DE VARSOVIE
Les six pays membres
Les six pays membres (Bulgarie, Hongrie,
Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie et
URSS), réunis à Prague, décident la dissolution des dernières structures encore existantes de l’alliance du bloc socialiste (encadré Pacte de Varsovie, euthanasie).
ALLEMAGNE
Politique économique
Les plus fortes hausses d’impôts de l’histoire
du pays entrent en vigueur. (L’impôt sur le
revenu, notamment, est augmenté d’une
« contribution de solidarité » de 7,5 %.)
Leur effet est compensé par des hausses de
salaire.
URSS
Vie politique
Après avoir renoncé à créer un parti
d’opposition, neuf réformateurs, dont
MM. Édouard Chevardnadze et Alexandre
Iakovlev, annoncent la création d’un
« mouvement pour les réformes démocratiques » (4).
LIBAN
Conflit
Le déploiement de l’armée régulière dans
le sud du pays se heurte à la résistance des
combattants de l’OLP qui défendent leur
bastion de Saïda. Le 4, après de violents
combats, les Palestiniens acceptent de se
regrouper dans leurs camps et de restituer
ou de transférer leurs armes.
JAPON
Politique financière
Pour la première fois depuis février 1987,
le gouvernement décide une baisse du taux
d’escompte de 6 à 5,5 %, afin de relancer
l’économie et de satisfaire les besoins de
financement mondiaux.
É TAT S ! U N I S
Cour suprême
Le président George Bush nomme un autre
Noir, M. Clarence Thomas, conservateur,
pour succéder à M. Thurgood Marshall,
libéral, qui avait démissionné le 27 juin
(15 octobre).
Mardi 2
FRANCE
Jeux de mots
La cour d’appel de Versailles relaxe M. JeanMarie Le Pen qui était poursuivi pour injures publiques envers un ministre après
avoir utilisé l’expression « Durafour-crédownloadModeText.vue.download 84 sur 490
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82
matoire » devant l’université d’été du Front
national à Cap d’Agde, le 2 septembre 1988.
YOUGOSLAVIE
Guerre civile
Dans la République de Slovénie, les combats
reprennent entre l’armée fédérale et les unités de défense territoriales (5).
BURKINA FASO
Institutions
Une nouvelle Constitution qui consacre le
multipartisme est adoptée par référendum.
Des élections générales sont prévues pour les
mois de novembre et de décembre. Le 25,
le président Blaise Compaoré décrète une
amnistie pour tous les détenus politiques.
Mercredi 3
FRANCE
Législation
Le Parlement adopte les projets de loi
d’orientation sur la ville et de réforme
hospitalière.
Banditisme
À Paris, une intervention de la brigade
des stupéfiants au siège du Hell’s Angels
Moto Club permet de saisir de nombreuses
armes et de la drogue. Neuf personnes sont
interpellées.
IRLANDE DU NORD
Conflit
Les premières négociations depuis 1974
entre unionistes protestants et nationalistes
catholiques, menées depuis le 17 juin sous
l’égide des autorités britanniques, aboutissent à un échec.
É TAT S ! U N I S
Industrie informatique
Le numéro un mondial IBM signe avec son
concurrent Apple un accord technologique
qui prévoit notamment de rendre leurs systèmes compatibles.
Jeudi 4
FRANCE
Immigration
L’ancien ministre de l’Intérieur Charles Pasqua (RPR) dépose une proposition de loi
qui prévoit l’instauration de quotas d’étrangers « par nationalité et par profession » (8).
URSS
Vie politique
L’ancien ministre réformateur des Affaires
étrangères Édouard Chevardnadze quitte le
Parti communiste (1er).
COLOMBIE
Institutions
L’Assemblée constituante élue en décembre
1990 achève ses travaux. La nouvelle
Constitution libérale réforme le fonctionnement de tous les corps de l’État, autorise le divorce et interdit l’extradition des
Colombiens.
SPORT
Alpinisme
Après dix jours d’ascension en solo, la
Française Catherine Destivelle ouvre une
nouvelle voie dans la face ouest de l’aiguille
des Drus (3 754 m), dans le massif du
Mont-Blanc.
Vendredi 5
CSCE
Le comité d’urgence
Le comité d’urgence installé à Prague
charge la CEE d’une mission de dialogue en
Yougoslavie.
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CHRONOLOGIE
83
CEE
Les ministres des Affaires étrangères
Les ministres des Affaires étrangères déci-
dent le gel des aides à la Yougoslavie et
l’embargo sur les matériels militaires. Ils
menacent de revenir sur leur position favorable au maintien de la Fédération en cas de
nouvelle offensive de l’armée fédérale.
FRANCE
Vie politique
Le Parlement adopte une proposition de loi
qui autorise la publicité des auditions des
commissions d’enquête parlementaire.
Sport
La Ligue nationale de football décide la
descente en deuxième division des clubs de
Brest, Nice et Bordeaux en raison de leurs
graves difficultés financières.
YOUGOSLAVIE
Guerre civile
Deux jours après l’arrêt des combats, qui
ont fait 74 morts depuis le 27 juin, les autorités de la République de Slovénie acceptent
de libérer les soldats de l’armée fédérale
faits prisonniers et de lever le blocus des
casernes, mais refusent d’abandonner le
contrôle des frontières (CSCE et CEE, et 8).
ÉTHIOPIE
Vie politique
À Addis-Abeba, la conférence nationale
confirme les anciens rebelles tigréens dans
leurs fonctions dirigeantes transitoires.
Elle prévoit des élections générales en 1993
et l’organisation, d’ici là, d’un référendum
d’autodétermination en Érythrée (encadré
Afrique, l’imbroglio abyssin).
Finances mondiales
La banque saute
Créée en 1972 par un banquier pakistanais dans le
but de financer les activités des hommes d’affaires
musulmans, la Bank of Credit and Commerce
International (BCCI), basée au Luxembourg, était
devenue l’une des plus grosses banques privées
au monde, avec 20 milliards de dollars d’actifs.
Le 5 juillet, les autorités financières de sept pays,
Grande-Bretagne en tête, prennent la décision
sans précédent de suspendre ses activités et de
geler ses avoirs pour « fausse comptabilité et dissi-
mulation de pertes ». Autrement dit, pour blanchiment d’argent. La fraude pourrait atteindre – voire
dépasser – les 10 milliards de dollars. Les jours
suivants, la plupart des 69 pays où la BCCI était
implantée prennent des dispositions identiques.
En 1988 déjà, la filiale de Tampa (Floride) de la
BCCI avait été condamnée à 15 millions de dollars d’amende pour avoir recyclé les narcodollars
de l’homme fort du Panama, Manuel Noriega. En
1990, son fondateur cédait 77 % du capital de la
banque à l’émir d’Abou Dhabi cheikh Zayed alNahyane. Le nouveau scandale est révélé au grand
jour par un audit comptable commandé par la
Banque d’Angleterre à la suite des dénonciations
d’un employé de la BCCI. Mais la banque faisait
l’objet d’une surveillance de certaines banques centrales depuis 18 mois. Pourquoi avoir tant attendu
pour agir, se demandent les milieux financiers ?
Le Financial Times avance des réponses qui font
sortir l’affaire de son cadre strictement financier. La Banque d’Angleterre aurait connu depuis
plusieurs mois l’étendue des malversations de la
BCCI. Mais, outre que certains clients de la banque
possédaient de gros intérêts en Grande-Bretagne,
le cheikh Zayed est un allié de la Couronne. La
contribution de l’émir au financement de l’opération « Tempête du désert » pourrait expliquer le
ménagement dont il aurait fait l’objet. Il aurait cependant été le premier informé des activités de sa
banque. Le quotidien financier britannique révèle
également que la CIA aurait utilisé la BCCI pour
financer des opérations clandestines à l’étranger.
L’« Irangate » et l’aide à la rébellion afghane sont
évoqués. D’autre part, selon le Sunday Times, le
terroriste Abou Nidal et les intégristes chiites du
Djihad islamique auraient été de fidèles clients de
la BCCI. Les retombées du scandale n’épargnent ni
l’Afrique, ni l’Amérique latine, ni l’Asie. Le commerce des armes et le trafic de drogue sont au
centre de toutes les fraudes.
Le Premier ministre britannique John Major et le
président américain George Bush apparaissent en
première ligne ; M. Major parce que ses anciennes
fonctions de chancelier de l’Échiquier auraient dû
ne rien lui laisser ignorer des enquêtes en cours
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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sur la BCCI ; M. Bush parce que son candidat au
poste de directeur de la CIA, M. Robert Gates, qui
est aussi son conseiller diplomatique, ne serait pas
étranger à certaines opérations réalisées sous le
couvert de la BCCI.
Dimanche 7
FRANCE
Sport
Le Grand Prix de France de formule 1 se
dispute pour la première fois sur le nouveau
circuit de Nevers-Magny-Cours (Nièvre).
JORDANIE
Défense
Un décret royal abroge la loi martiale en
vigueur depuis 1967.
SPORT
Tennis
À Wimbledon, l’Allemand Michael Stich
remporte les Internationaux de GrandeBretagne en battant son compatriote Boris
Becker (6-4, 7-6, 6-4). La veille, l’Allemande
Steffi Graf s’était imposée face à l’Argentine
Gabriela Sabatini (6-4, 3-6, 8-6).
Lundi 8
FRANCE
Immigration
Lors d’un entretien télévisé, le Premier ministre Édith Cresson évoque le recours à des
charters pour renvoyer chez eux les étrangers en situation irrégulière (4 et 10).
YOUGOSLAVIE
Guerre civile
Dans l’île de Brioni, les autorités slovènes,
croates et fédérales adoptent, sous l’égide
de la « troïka » européenne, une déclaration
commune qui prévoit un cessez-le-feu, le
retour de l’armée fédérale dans les casernes,
la suspension des déclarations d’indépendance slovène et croate, et la reprise des
négociations sur l’avenir du pays (5 et 18).
Mardi 9
Les cinq membres du Conseil de sécurité de
l’ONU
Les cinq membres du Conseil de sécurité
de l’ONU, qui réalisent 80 % du commerce
mondial des armements, s’entendent sur
la nécessité de limiter la dissémination des
armes de destruction massive, notamment
en direction du Proche-Orient. Cette région
compte neuf des dix plus gros acheteurs
d’armes du monde.
FRANCE
Politique industrielle
Le gouvernement annonce qu’il autorise le
groupe informatique japonais NEC à acquérir 4,7 % du capital de la firme publique
Bull.
Théâtre
En ouverture du 44e festival d’Avignon, Jorge
Lavelli met en scène la pièce Comédies barbares de Ramon del Valle-Inclan, dans la
Cour d’honneur du palais des Papes.
AFRIQUE DU SUD
Relations internationales
Le pays obtient sa réintégration dans le mouvement olympique dont il avait été exclu en
1970 en raison de sa politique d’apartheid
(encadré Apartheid, la nouvelle Afrique du
Sud).
Mercredi 10
FRANCE
Immigration
Le Conseil des ministres approuve le dispositif visant à renforcer la lutte contre les
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CHRONOLOGIE
85
clandestins, que présente Mme Édith Cresson (8).
Raison d’État
Le tribunal administratif de Paris juge que
le recours à la procédure d’urgence absolue
lors de l’expulsion de Abdelmoumen Diouri,
le 20 juin, vers le Gabon, constituait un excès de pouvoir. L’opposant marocain rentre
en France le 16.
CHINE
Esclavage
Dans la province du Shanxi, 11 personnes
sont condamnées à mort et exécutées pour
avoir enlevé 90 femmes et les avoir vendues
en Mongolie intérieure.
É TAT S ! U N I S
Relations internationales
Le président George Bush annonce la levée
partielle des sanctions économiques contre
l’Afrique du Sud adoptées en décembre
1986 (encadré Apartheid, la nouvelle
Afrique du Sud).
Jeudi 11
Une éclipse de soleil
Une éclipse spectaculaire de 3 h 25 min
balaie l’hémisphère Sud entre Hawaï et
Brasilia.
FRANCE
Collaboration
La cour d’appel de Paris décide la mise en
liberté de Paul Touvier jusqu’à son procès.
Arrêté en mai 1989, l’ancien chef de la
Milice de Lyon en 1943-1944 est accusé de
crime contre l’humanité.
ARABIE SAOUDITE
Catastrophe aérienne
Un DC-8 de la compagnie Nigérian
Airways s’écrase peu après son décollage
de l’aéroport de Djedda. On dénombre
261 victimes.
CHINE
Catastrophe naturelle
À la suite des inondations qui ont dévasté le
centre et l’est du pays, faisant des milliers de
morts et des millions de sans abri, les autorités lancent un appel à l’aide internationale.
Vendredi 12
ONU
Les cinq membres permanents
Les cinq membres permanents du Conseil
de sécurité mettent sévèrement en garde
l’Irak contre le non-respect des obligations
relatives à la destruction de son potentiel
nucléaire (5 août).
FRANCE
Armement
Le gouvernement annonce l’abandon du
projet de missile nucléaire stratégique mobile
S45 qui devait remplacer les engins fixes de
type S3 enterrés dans le plateau d’Albion.
TURQUIE
Répression
Le lendemain de l’assassinat à Paris d’un
opposant turc membre de l’organisation
clandestine d’extrême gauche Dev Sol, dix
militants de la même formation sont tués
par la police à Istanbul. Les jours suivants,
dans le sud-est du pays, des affrontements
entre l’armée et les séparatistes kurdes du
PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan)
font 18 morts.
JAPON
Assassinat
Le traducteur des Versets sataniques, l’ouvrage de Salman Rushdie condamné par les
intégristes islamistes, est retrouvé assassiné.
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Le traducteur italien du même livre avait
été agressé à Milan le 3 (éd. 1990).
MAURITANIE
Institutions
La nouvelle Constitution, qui prévoit
notamment l’instauration du multipartisme, est approuvée massivement par
référendum.
France
Fils de qui ?
Sauvés en 1962 des représailles du FLN grâce au
sens de l’honneur de certains officiers français plus
que par volonté politique, parqués dans des camps
à leur arrivée en France, considérés comme des
« traîtres » en Algérie et comme des « Arabes » en
France, refoulés dans les consciences à l’instar des
événements dont ils sont issus, « oubliés de l’histoire » depuis trente ans, ils seraient aujourd’hui
près de un demi-million, ces Français musulmans,
anciens supplétifs de l’armée française en Algérie,
et leurs familles, que l’on appelle les « harkis ».
Depuis 1975, leur colère éclate régulièrement. Le
12 juillet, à la suite d’une de ces révoltes, le gouvernement annonce un énième plan en leur faveur.
Depuis le 20 juin, les enfants de harkis entretiennent l’agitation dans les cités du midi de la
France. Moins soumis, moins résignés ou honteux
que leurs pères, ces jeunes de vingt ans, dont 80 %
sont au chômage, réclament du travail, des logements décents et plus de considération. Après les
affrontements avec la police survenus à Narbonne,
plusieurs d’entre eux ont été arrêtés. Mais des
barrages continuent d’être dressés sur les routes
de la région. Le festival d’Avignon est menacé. Le
28 juin, le Premier ministre Édith Cresson a reçu
le rapport de la « mission de réflexion » nommée
par son prédécesseur en décembre 1990. Ses propositions vont de l’érection d’un monument aux
musulmans morts pour la France à la promotion
d’un « islam français », en passant par la lutte
contre l’échec scolaire, le versement d’un revenu
minimum aux anciens harkis et la résorption des
derniers camps.
Les enfants de harkis réclament « des actes, du
concret ». Ils ne sont pas entendus. Modestes et
manquant d’originalité, les mesures annoncées le
12 par le Premier ministre ne reprennent qu’un
tiers des propositions avancées par le rapport du
28 juin. L’enveloppe budgétaire de 100 millions
pour 1991 est toutefois rétablie. « Le droit, pas la
charité », proclament les banderoles de la manifestation du 13 juillet à Paris. Le 17, le ministre
des Affaires sociales Jean-Louis Bianco trouve
des mots plus justes en annonçant des initiatives
locales concrètes, mais surtout en reconnaissant
les responsabilités de la gauche et en évoquant la
« volonté politique » du gouvernement qui « ne
manque pas de coeur ».
Un moment calmés par la libération de certains de
leurs camarades incarcérés, les enfants de harkis
reprennent pourtant dès la fin du mois leurs actions, que le gouvernement juge désormais « injustifiées ». Ils réclament notamment la création d’un
secrétariat d’État spécifique et s’organisent de leur
côté en coordination nationale.
Les conclusions de la « mission de réflexion »
étaient claires : « Si le gouvernement trouvait que
nos propositions coûtent trop cher, il prendrait le
risque d’avoir ensuite à payer encore davantage. »
C’est ce que certains, qui ne furent pas écoutés,
affirmaient déjà en 1954, à propos de l’Algérie.
Samedi 13
FRANCE
Squatters
À Paris, quai de la Gare (XIIIe arr.), des
dizaines de familles africaines et françaises
sans abri, soutenues notamment par l’Association droit au logement et l’abbé Pierre,
occupent un terrain appartenant à la Ville
et jouxtant le chantier de la Bibliothèque de
France.
Dimanche 14
FRANCE
Cérémonies
Le traditionnel défilé militaire sur les
Champs-Élysées met à l’honneur les
3 000 homes du dispositif « Daguet » qui
ont participé à l’opération « Tempête du
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CHRONOLOGIE
87
désert » dans le Golfe entre septembre 1990
et mars 1991.
SYRIE
Relations internationales
Le président Hafez el Assad donne
une réponse favorable aux propositions
américaines de conférence de paix au
Proche-Orient.
Lundi 15
FRANCE
Politique économique
Une opération financière entre l’État, Usinor-Sacilor et le Crédit Lyonnais permet
à la banque publique de contrôler 20 %
(2,5 milliards de francs) du capital du
groupe sidérurgique national. Le 17, la
Banque nationale de Paris annonce une
prise de participation de 10 % (1 milliard
de francs) dans le capital de la compagnie
aérienne publique Air France.
IRAK
Intervention étrangère
Les forces alliées stationnées depuis le mois
d’avril dans le nord du pays pour assurer la
protection des populations kurdes achèvent
leur retrait. Elles sont remplacées par des
« casques bleus » de l’ONU. Une force multinationale de dissuasion est installée en
Turquie, près de la frontière irakienne.
É TAT S ! U N I S
Banques
La Chemical Bank et Manufacturers Hanover annoncent leur fusion. Le nouvel établissement sera le numéro deux du secteur
bancaire américain. Le 25, NCNB et C&S/
Sovran font de même, donnant ainsi naissance au troisième groupe bancaire du pays
(12 août).
Mardi 16
E S PA C E
La fusée Ariane
La fusée Ariane place sur orbite le satellite
européen ERS-1 chargé d’étudier l’environnement de la planète.
Madagascar
Forces vives
L’opposition malgache réunie au sein du Comité
des forces vives tire sa légitimité des centaines
de milliers de manifestants qui, depuis le 10 juin,
répondent quotidiennement à son appel. Le
16 juillet, elle nomme un président-bis et un gouvernement-bis plus étoffé que l’équipe désignée le
20 juin.
Gagnés à leur tour par le vent de révolte qui balaie
l’Afrique, les Malgaches sont nombreux à exiger la
fin du régime socialiste du président Didier Ratsiraka, au pouvoir depuis 1975, à qui ils reprochent
d’avoir conduit le pays à la misère. Ses timides
ouvertures libérales, en 1989, n’ont convaincu personne. Ses propositions d’amendements constitutionnels, le 13 mai, arrivent trop tard. C’est bien
l’avènement d’une « troisième République malgache » qui est à présent réclamé.
Le 8 juillet, le Comité des forces vives décrète une
grève illimitée. Ce jour-là, 400 000 personnes – un
tiers de la population d’Antananarivo – défilent
dans les rues de la capitale. Le 9, le pouvoir et
l’opposition, qui dialoguent depuis le 25 juin sous
l’égide du Conseil des Églises chrétiennes de Madagascar, s’entendent pour organiser une « concertation nationale ». Mais le 15, le président Ratsiraka
oppose une fin de non-recevoir aux demandes de
démission préalable. Le lendemain, sous la pression de ses partisans, le Comité des forces vives
nomme le général à la retraite Jean Rakotoarison,
ancien chef d’état major de l’armée, et le professeur
Albert Zafy, ministre avant 1975, aux fonctions
respectives de président et de Premier ministre de
transition.
Le 22, le gouvernement-bis nomme ses premiers membres dont certains, portés par la foule,
prennent possession de leur ministère attitré.
L’armée ne résiste pas. Mais, le 23, l’état d’urgence
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
88
est décrété. Il n’est pas respecté, ni imposé par la
force. Toutefois, le 27, après trois de ses ministres,
M. Zafy est à son tour enlevé par des militaires.
Le 28, le président Ratsiraka se résout à sortir du
silence qu’il observait depuis le début de la crise
pour annoncer la dissolution du gouvernement,
l’ouverture d’une concertation sur la révision de
la Constitution, l’organisation d’un référendum
et d’élections législatives, enfin, la libération des
ministres-bis enlevés ; mais l’opposition rejette
ses concessions. La victoire totale n’est-elle pas
proche ? (10 août).
Mercredi 17
CAMBODGE
Institutions
À Pékin, à la suite d’un accord entre les
communistes prochinois et provietnamiens, les quatre factions khmères réunies
au sein du Conseil national suprême (CNS),
organe provisoire chargé d’instaurer un
régime démocratique, élisent à leur tête le
prince Norodom Sihanouk (26 juin, et encadré Cambodge, les Khmers bougent).
É TAT S ! U N I S
Défense
Un accord conclu avec les Philippines prévoit la fermeture en 1992 de la base aérienne
de Clark, première implantation militaire
américaine à l’étranger, qui a été endommagée par l’éruption du volcan Pinatubo en
juin. Malgré le maintien de la base navale
de Subic-Bay, cette décision accentue l’allégement du dispositif militaire américain en
Extrême-Orient.
Groupe des Sept
La table des grands
Quelle plus haute tribune que celle du sommet des
sept pays les plus industrialisés (G7 : Allemagne,
Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon) pour plaider l’intégration de son pays
dans l’économie mondiale et, par là-même, dans le
« concert des nations » ? M. Mikhaïl Gorbatchev
ne s’y est pas trompé en s’invitant à Londres, où les
Sept l’ont finalement convié à une séance de travail, le 17 juillet, à l’issue de leur réunion annuelle.
Les arguments du président soviétique sont
connus. Fort de son extrême faiblesse, il affirme
que le succès de la perestroïka et finalement de
la détente internationale dépend de l’aide économique de l’Occident, qui achèterait ainsi sa propre
tranquillité en subventionnant l’économie soviétique. Proches voisins de l’ex-puissant ennemi, les
Européens, Allemagne en tête, abondent dans son
sens, mais réclament un « partage du fardeau ».
Plus circonspects, les Américains du Nord et les
Japonais exigent des preuves. Or, M. Gorbatchev
n’a toujours pas de plan concret à présenter. Simple
liste de bonnes intentions, la lettre qu’il envoie le
12 à ses hôtes reprend des éléments du « plan anticrise » du Premier ministre Valentin Pavlov, entravé par les bouleversements que connaît l’Union,
et du programme de son conseiller Grigory Iavlinsky, que son libéralisme radical rend tout aussi
inapplicable.
La déclaration publiée à l’issue du sommet de
Londres réaffirme le soutien de l’Occident à
l’URSS, mais confirme que son aide sera liée à
la mise en oeuvre des réformes. Le résultat de la
rencontre entre M. Gorbatchev et les Sept est tout
aussi riche d’opportunités, et tout aussi pauvre
en contributions financières. L’accord traduit
surtout une volonté « d’aider l’URSS à mobiliser
ses ressources substantielles », autrement dit, à
s’aider elle-même. Il lui est proposé un statut de
« membre associé » au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale (BIRD), sans
pour autant qu’elle puisse en obtenir des prêts, ainsi qu’une coopération permanente avec l’OCDE et
la BERD ; une intensification de l’assistance technique occidentale ; une aide au rétablissement de
ses échanges avec ses voisins d’Europe centrale et
un développement de son commerce avec l’Occident ; un suivi de la rencontre assuré par le président en titre du G7 – M. Helmut Kohl en 1992 – ;
enfin, une visite prochaine des ministres des Finances et des responsables de la petite et moyenne
industrie des Sept.
Mais le principal, pour M. Gorbatchev, n’est-il pas
que le G7 soit de facto devenu le G8 ?
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CHRONOLOGIE
89
Jeudi 18
FRANCE
Relations internationales
Dans un entretien accordé à la chaîne
américaine de télévision ABC, le Premier
ministre Édith Cresson évoque « l’homosexualité » qui existe « dans la tradition
anglo-saxonne » (24) ainsi que la vie de
« fourmis » que mèneraient les Japonais.
Ces propos suscitent de vives réactions en
France et à l’étranger.
Industrie
Les pouvoirs publics donnent leur accord
au plan de reprise de VEV-Prouvost, troisième groupe français du textile, mis au
point par les banques créancières afin d’éviter le dépôt de bilan de la société.
F R A N C E / É TAT S ! U N I S
Assurances
Le groupe privé AXA annonce une prise de
participation de 40 % dans le capital d’Equitable Life, quatrième assureur américain,
pour un montant de 1 milliard de dollars.
YOUGOSLAVIE
Guerre civile
La présidence collégiale de la Fédération
annonce le retrait de l’armée de Slovénie
dans les trois mois. Elle reconnaît ainsi
implicitement la souveraineté Slovène (22).
IRAK
Guerre civile
Après de violents combats avec l’armée, les
peshmergas reprennent le contrôle de la
ville de Souleymanieh, dans le Kurdistan.
ISRAËL
Violences
Le rapport judiciaire sur la fusillade de
l’esplanade des Mosquées, qui avait fait
22 morts palestiniens le 8 octobre 1990,
condamne l’attitude des policiers mais ne
préconise pas de poursuites contre eux
(éd. 1991).
ALGÉRIE
Politique économique
Lors d’une conférence de presse, le Premier ministre Sid Ahmed Ghozali défend
le projet de vente d’une partie des réserves
pétrolières algériennes à des compagnies
étrangères pour résoudre le problème de
l’endettement du pays.
MEXIQUE
Relations internationales
À Guadalajara, le premier sommet latinoibérique, qui réunit 19 pays d’Amérique
latine, l’Espagne et le Portugal, consacre les
retrouvailles entre les anciennes colonies et
leurs anciennes métropoles.
Vendredi 19
AFRIQUE DU SUD
Vie politique
L’hebdomadaire de gauche Weekly Mail
révèle que le gouvernement a remis des
fonds au mouvement zoulou Inkatha afin
de financer sa propagande dirigée contre
l’ANC dans le Natal.
Samedi 20
URSS
Politique intérieure
Un décret du président de Russie, M. Boris
Eltsine, interdit l’activité des partis politiques sur les lieux de travail.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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Lundi 22
ALLEMAGNE
Scandale
Devant l’émoi provoqué dans le pays et
à l’étranger par la mise en chantier d’un
supermarché dans le périmètre de l’ancien
camp de concentration de Ravensbrück, à
600 mètres du mémorial, les autorités et
les promoteurs conviennent de mettre un
terme au projet.
ROUMANIE
Justice
Au terme de près de neuf mois de procès,
la Cour suprême militaire de Bucarest
condamne le général Iulian Vlad, ancien
chef de la Securitate, à neuf ans de prison
pour « incitation au génocide », en raison
de son rôle dans la répression des manifestations anticommunistes de décembre
1989.
YOUGOSLAVIE
Guerre civile
Dans la République de Croatie où vivent
12 % de Serbes, les incidents entre les deux
communautés s’intensifient. Les combats
entre l’armée fédérale et les forces croates,
qui se déroulent principalement dans la région de la Slavonie, font environ 150 morts
durant le mois (18).
Mardi 23
FRANCE
Immigration
Le gouvernement publie une circulaire sur
la régularisation du statut des demandeurs
d’asile déboutés, qui propose d’« apporter
une solution exceptionnelle à des situations
anciennes ». Elle ne bénéficie qu’à 15 % des
100 000 personnes concernées.
FRANCE/ALLEMAGNE
Sociétés
Un accord industriel et financier entre
Daimler-Benz et Sogeti est rendu public. Il
prévoit l’acquisition par la firme allemande
de 34 % du capital de la société mère de
Cap Gemini, numéro un européen pour les
services informatiques, et permet sa prise de
contrôle majoritaire en 1995.
Mercredi 24
FRANCE
Justice
Le tribunal correctionnel de Carcassonne
condamne à des peines de prison avec sursis
et à la privation des droits civiques 17 soldats parachutistes du 3e RPIMa, qui avaient
effectué une « expédition punitive » dans la
ville, le 18 novembre 1990 (éd. 1991).
G R A N D E ! B R E TA G N E
Société
Le Premier ministre John Major annonce
que les homosexuels seront désormais autorisés à occuper des postes dans la haute
fonction publique (18).
INDE
Politique économique
Confronté à une grave crise financière, le
gouvernement autorise les prises de participation étrangère majoritaire dans la plupart
des secteurs industriels.
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CHRONOLOGIE
91
Jeudi 25
É TAT S ! U N I S
Espace
Les autorités annoncent l’arrêt de la
construction des navettes spatiales et le re-
tour à l’utilisation de lanceurs traditionnels.
Vendredi 26
CEE/JAPON
Relations économiques
Au terme d’un an et demi de négociations,
les Douze adoptent un compromis sur les
importations d’automobiles japonaises. Il
prévoit la suppression totale des quotas en
l’an 2000 et leur limitation à 16 % du marché – contre 11,2 % actuellement – d’ici là.
URSS
Vie politique
Le plénum du PCUS adopte le projet de programme social-démocrate du Parti présenté
par M. Mikhaïl Gorbatchev, qui rompt avec
les dogmes du marxisme-léninisme. Il doit
être soumis au congrès du PCUS prévu en
novembre.
Samedi 27
URSS
Vie politique
Principal inspirateur de la perestroïka,
M. Alexandre Iakovlev annonce sa démission de son poste de premier conseiller de
M. Mikhaïl Gorbatchev.
Dimanche 28
SPORT
Cyclisme
L’Espagnol Miguel Indurain remporte le
Tour de France.
Lundi 29
FRANCE
Prospective
Une étude de l’INSEE affirme que, dans la
première décennie du XXIe siècle, la baisse
de la population active pourrait exiger le
recours à une main-d’oeuvre immigrée pour
maintenir la croissance économique.
Industrie navale
La société marseillaise Sud-Marine étant
mise en liquidation judiciaire, les salariés du
groupe décident d’occuper le site (13 août).
URSS
Nationalités
À Moscou, MM. Boris Eltsine et Vytautas
Landsbergis signent un traité bilatéral qui
consacre la reconnaissance par la Fédération de Russie de la souveraineté de la Lituanie, après celle de l’Estonie et de la Lettonie
en janvier.
Mardi 30
FRANCE
Société
À Amiens, pour la première fois, trois
responsables de messageries roses sont
condamnés par la cour d’appel à verser
1 franc de dommages et intérêts aux associations familiales qui les poursuivaient pour
outrage aux bonnes moeurs et incitation à
la débauche.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
92
URSS
Nationalités
Sept gardes-frontières lituaniens sont tués à
la frontière entre la Lituanie et la Biélorussie. Les autorités de Vilnious soupçonnent
le KGB.
A F G H A N I S TA N
Conflit
À Islamabad, les divers mouvements de
résistance, le Pakistan et l’Iran acceptent le
plan de paix des Nations unies comme base
de règlement.
É TAT S ! U N I S / U R S S
Sommet
À Moscou, la sixième rencontre entre
MM. Mikhaïl Gorbatchev et George Bush
inaugure « des relations fondées non sur
la confrontation militaire mais sur la coopération économique et en matière de sécurité ». Le président américain annonce
l’octroi à l’Union soviétique de la clause de
la nation la plus favorisée (31).
HAÏTI
Justice
Auteur d’un coup d’État manqué en janvier,
Roger Lafontant, ancien chef des « tontonsmacoutes » sous la dictature des Duvalier,
est condamné à la prison à perpétuité.
Mercredi 31
FRANCE
Environnement
Gelés par le gouvernement Rocard sous la
pression de l’association écologiste Loire vivante, les projets de barrages de Serre-de-laFare, sur la Loire, et de Chambonchard, sur
le Cher, sont définitivement abandonnés.
Audiovisuel
À la suite des plaintes déposées notamment par TF1 et M6, le gouvernement et
la Commission de Bruxelles parviennent à
un accord qui réduit de 50 à 40 % le quota
d’oeuvres françaises imposé aux chaînes de
télévision.
É TAT S ! U N I S / U R S S
Sommet
Réunis à Moscou, MM. Mikhaïl Gorbatchev et George Bush signent le traité
START qui prévoit la réduction de 25 à
30 % des armements stratégiques de leurs
deux pays. Alors qu’Israël n’a toujours pas
donné sa réponse aux propositions de paix
américaines, ils annoncent la convocation
en octobre, sous leur parrainage, d’une
conférence sur le Proche-Orient (encadré
Proche-Orient, l’auberge espagnole).
Le mois de
Catherine Destivelle
La voie ouverte par Catherine Destivelle dans
les Drus, entre celle tracée par Bonatti et l’Absolu
de Grenier et Camison, a demandé dix jours pour
aboutir dans la nuit du 4 au 5 juillet. Mille mètres
de parois encore inviolées : au siècle de la précipitation et de la vitesse comme étalon, une performance de cette dimension exige du temps et des
moyens, mais aussi une force de caractère hors du
commun.
– Catherine Destivelle, la montagne a-t-elle toujours été votre objectif ?
Toute petite, mes parents m’emmenaient en forêt
de Fontainebleau à l’assaut des rochers et l’escalade était donc pour moi un jeu naturel. À 14 ans,
quand il a fallu choisir un sport, j’ai choisi évidemment l’escalade. Mais la montagne n’est venue que
plus tard, après la compétition en salle et la kinésithérapie, un métier que je ne voulais pas faire éternellement. Et puis, je devais courir après l’image
que l’on donnait de moi.
– Y a-t-il une différence énorme entre la montagne
et l’escalade en salle ?
Tout est différent. L’escalade en salle est aseptisée, presque un spectacle organisé. Il n’y a guère
de risques. Tout est prévu et, finalement, ce n’est
pas plus dangereux que le football. Dans la compétition, il faut simplement arriver en haut, le plus
loin possible par le chemin le plus difficile. La
montagne c’est tout autre chose : un univers exidownloadModeText.vue.download 95 sur 490
CHRONOLOGIE
93
geant ; pour le vaincre, il faut de la patience et de
l’obstination. Il ne faut jamais s’arrêter de penser.
Là-haut, où l’ordre est fondamental, où tout objet,
tout outil, est précieux, il ne faut rien égarer. J’ai eu
autrefois une fracture de la colonne vertébrale due
peut-être à une négligence.
– Cet exploit d’une femme, comment les hommes
l’ont-ils accueilli ?
Certains se sont étonnés ; d’autres ont cherché à
minimiser ma victoire ; les « grands » m’ont félicitée. Une querelle d’éthique et de territoire sans
doute ; mais je ne sens pas tellement une concurrence masculine qui pourrait me gêner. Et puis,
d’ailleurs, après ma victoire en montagne, je me
suis rapidement aperçue que la Terre continuait de
tourner et que, pour moi, les Drus, c’était fini. Il
fallait déjà penser à la suite. On me dit que j’ai fait
des émules et que j’étais un bon exemple pour la
jeunesse. Tant mieux si cela a été utile pour cela
aussi.
– Et en dehors de l’escalade ?
Autrefois, il y a longtemps..., le poker. Aujourd’hui,
l’écriture, un livre. C’est le deuxième. Il y a eu un
film, aussi. Mais la musique a été une passion.
Jusqu’à 20 ans, j’ai joué de la flûte. J’ai même fait
partie d’un orchestre classique. Dans une île déserte, je prendrais avec moi Bach et Mozart, bien
que j’aime écouter aussi le rock ou le jazz. La
musique « classique » contemporaine m’échappe.
Vous savez, l’escalade n’est pas mon obsession*.
*Propos recueillis par Laurent Leblond.
CATHERINE DESTIVELLE
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
94
Août
Jeudi 1
FRANCE
Transports
La suppression de la première classe dans
le métro parisien entre en vigueur. Celuici était le dernier au monde à conserver
ce privilège, qui n’était déjà plus accordé
qu’entre 9 h et 17 h depuis 1982.
Politique économique
Le ministre de l’Economie et des Finances,
M. Pierre Bérégovoy, annonce l’introduction en Bourse de 22 % du capital du Crédit
local de France, établissement public voué
au financement des collectivités locales.
Pour la première fois, la cession d’actifs
publics ne renforcera pas le capital de l’entreprise concernée, mais viendra alimenter
les caisses de l’État. Le 29, le gouvernement
se déclare favorable à la vente de participations minoritaires dans certaines entreprises publiques.
Musique
Le Corum de Montpellier présente, en
version de concert, la première française
d’Ivan IV le Terrible, un opéra méconnu de
Georges Bizet composé en 1865.
URSS
Relations internationales
À l’issue du sommet de Moscou, le président américain George Bush se rend à Kiev,
capitale de l’Ukraine, où il met en garde les
Républiques soviétiques contre « la voie
sans espoir de l’isolement ».
PROCHE!ORIENT
Diplomatie
Recevant le secrétaire d’État américain
James Baker, qui effectue sa sixième tournée dans la région depuis la fin de la guerre
du Golfe, le Premier ministre israélien
Itzhak Shamir lui donne son accord conditionnel à la convocation de la conférence
de paix. Le 2, l’OLP fait de même (encadré
Proche-Orient, l’auberge espagnole).
AUSTRALIE
Société
Une mère est condamnée à verser des
dommages et intérêts à sa fille pour « négligences » pendant sa grossesse. L’enfant est
née handicapée à la suite d’un accident de
la circulation survenu à sa mère enceinte.
Celle-ci ne portait pas de ceinture de
sécurité.
É TAT S ! U N I S
Défense
Le gouvernement annonce que le coût de
l’opération « Tempête du désert » a été de
61 milliards de dollars et que les contributions étrangères se sont élevées à 54 milliards de dollars.
Vendredi 2
ARGENTINE/CHILI
Relations
Lors de la visite officielle à Buenos Aires du
président chilien Patricio Aylwin, les deux
pays signent un accord sur le tracé de leur
frontière commune, longue de 5 400 kilomètres, qui était l’objet de querelles depuis
plus d’un siècle.
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CHRONOLOGIE
95
Dimanche 4
AFRIQUE DU SUD
Naufrage
Le paquebot grec Océanos sombre entre
les ports d’East-London et de Durban. Les
580 passagers et hommes d’équipage sont
sauvés.
Lundi 5
IRAK
Armement
Le Conseil de sécurité de l’ONU indique
que l’Irak a reconnu avoir fabriqué du
plutonium et mené des recherches sur les
armes bactériologiques.
TURQUIE
Intervention armée
Après l’enlèvement de dix touristes allemands dans l’est du pays, le 1er, et l’attaque
d’un poste de gendarmerie à la frontière
irakienne, le 4, l’armée lance une opération
d’envergure contre les bases arrière du Parti
des travailleurs du Kurdistan (PKK) situées
en Irak.
É TAT S ! U N I S
Crimes
Après l’arrestation du « tueur de Milwaukee » (Wisconsin), le 22 juillet, auteur
présumé de dix-sept assassinats en dix ans,
un homme, interpellé dans le Mississippi,
avoue avoir tué soixante personnes depuis
1974.
Mardi 6
FRANCE
Crime
Les corps des cinq membres d’une famille
française habitant Valenciennes (Nord)
sont retrouvés près de Tournai, en Belgique.
Accompagnés de trois enfants, Frédéric et
Anne-Marie Roucoult étaient venus récla-
mer le remboursement d’une voiture d’occasion qui s’était révélée gagée. Le 9, l’ancien
propriétaire du véhicule avoue le quintuple
assassinat.
URSS
Vie politique
Le secrétaire général du Parti communiste
de Russie (PCR), le conservateur Ivan Polozkov, est acculé à la démission pour n’avoir
pas su faire face à la progression de M. Boris
Eltsine. Le réformateur Alexandre Routskoï, qui avait appelé à la formation d’un
Parti rénové, est exclu des rangs du PCR.
France
La vengeance des mollahs
Il avait échappé à une première tentative d’assassinat, le 18 juillet 1980, à Neuilly-sur-Seine (Hautsde-Seine), au cours de laquelle le commando
dirigé par le Libanais pro-iranien Anis Naccache –
gracié le 27 juillet 1990 – avait tué deux personnes.
Le 6 août, les tueurs sont plus chanceux et plus
discrets. Les corps de Chapour Bakhtiar et de son
secrétaire, tués à l’arme blanche, ne sont découverts que le 8, dans la villa de Suresnes qu’occupait
le dernier chef de gouvernement du chah d’Iran,
exilé en France depuis 1979. Une faille dans le
système de protection de Chapour Bakhtiar, que
dirigeait son propre fils Guy, inspecteur des Renseignements généraux, laisse 36 heures d’avance
aux assassins.
Cet attentat survient alors que M. François Mitterrand n’attend plus que le règlement du contentieux lié au financement du programme Eurodif
par le régime du chah en 1974 pour aller sceller les
retrouvailles franco-iraniennes à Téhéran. Il place
en première ligne le président « libéral » Hachemi
Rafsandjani, contesté par l’aile dure du régime iranien pour sa politique d’ouverture sur l’extérieur.
Enfin, cet acte terroriste intervient au moment
où se négocie la libération des derniers otages des
intégristes chiites pro-iraniens au Liban, contre
celle, notamment, des terroristes musulmans emprisonnés en Occident.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
96
Les soupçons de la police s’orientent vers les derniers visiteurs reçus par la victime. Le soir du
double crime, Ali Rad Vakili et Mohammad Azadi,
tous deux munis de passeports iraniens, accompagnaient chez l’ancien Premier ministre l’un de ses
proches, Farqdoun Boyer Ahmadi. La diffusion
par la police de leurs photographies, le 10, suscite
des témoignages. Un chauffeur de taxi se rappelle
les avoir chargés en Haute-Savoie le 7. Le même
jour, porteurs de passeports turcs munis de faux
visas, ils sont refoulés à la frontière suisse. Les enquêteurs suivent la trace des suspects dans le sudest de la France durant plusieurs jours, grâce aux
indices grossiers qu’ils laissent derrière eux. Les 14
et 15, ils sont localisés à Genève, où ils échappent
de peu à la police.
Le 21, Ali Rad Vakili est arrêté de façon fortuite à
Genève. Le 27, la Suisse accepte de l’extrader vers
la France.
Mercredi 7
FRANCE
Assurances
Le ministre de l’Economie et des Finances,
M. Pierre Bérégovoy, annonce une série de
mesures destinées à simplifier le système du
bonus-malus et à le rendre plus équitable.
MAROC
Répression
L’organisation Amnesty International réclame au roi Hassan II la libération des militaires condamnés pour complot contre le
chef de l’État en août 1973. Les prisonniers
sont internés au fort de Tazmamart, dans le
massif de l’Atlas.
Jeudi 8
FRANCE
Spectacles
Après l’interdiction par le maire de Puteaux (Hauts-de-Seine) des spectacles de
La Mano Negra pour menace de troubles
à l’ordre public et de Royal de Luxe pour
des raisons de sécurité, le groupe rock et la
troupe de rue se produisent sans incident
sur l’esplanade de la Défense, en présence
de nombreuses forces de police.
LIBAN
Otages
Le mouvement chiite intégriste pro-iranien
du Djihad islamique libère le journaliste
John McCarthy, enlevé le 17 avril 1986 à
Beyrouth. Ce dernier est porteur d’un message destiné au secrétaire général de l’ONU,
qui propose l’échange des otages occidentaux et des soldats israéliens disparus au Liban contre des prisonniers et des terroristes
chiites (11). Le même jour, l’Organisation
de défense des droits des prisonniers revendique l’enlèvement à Beyrouth du Français
Jérôme Leyraud, administrateur de Médecins du monde au Liban. Elle menace de
l’exécuter si un nouvel otage occidental est
libéré. Devant la condamnation des autorités et des mouvements islamistes, le Français est relâché le 11.
RÉPUBLIQUE DOMINICAINE
Justice
Président social-démocrate de 1982 à 1986,
M. Jorge Blanco est condamné pour corruption à 20 ans de prison et à une forte
amende.
Italie
Nouvelle vague
Après l’arrivée massive d’Albanais en mars,
24 000 réfugiés étaient parvenus à rester en Italie.
Le gouvernement romain avait alors pris de sévères
dispositions contre ceux qu’il considérait comme
des « clandestins ». En juin, un nouvel exode était
refoulé. Trompés par de fausses rumeurs, prêts à
tout pour quitter leur pays où « il n’y a rien », ils
sont encore des milliers, le 8 août, à forcer l’entrée
des ports de la côte des Pouilles, à bord de cargos
qu’ils ont pris d’assaut à Durrës et à Vlora.
Pour des raisons humanitaires, les autorités italiennes autorisent le débarquement des réfugiés. À
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CHRONOLOGIE
97
Bari, où ils sont 12 000 environ, ils sont aussitôt
parqués sur une jetée et dans le vieux stade municipal, comme leurs prédécesseurs, en attendant
d’être reconduits dans leur pays. Les conditions inhumaines d’hébergement et d’hygiène qui régnent
sur le quai et dans le « camp de concentration de
la Vittoria » s’ajoutent à la révolte désespérée des
Albanais. Le soir même et le lendemain, certains
d’entre eux s’opposent violemment à la police en
cherchant à forcer les enceintes du stade et du
port. Les téléspectateurs européens découvrent
avec gêne les images de policiers frappant ces parias à moitié dévêtus en raison de la chaleur. Le
président italien Francisco Cossiga parle de « tragédie de dimension biblique ».
Tandis que les autorités albanaises placent les
quatre grands ports du pays sous contrôle militaire
afin d’endiguer le flot des réfugiés, le gouvernement italien propose d’augmenter jusqu’à 100 milliards de lires – 500 millions de francs – l’aide à
son voisin d’outre-Adriatique. À Tirana, la responsabilité de la vieille garde communiste est mise
en cause. À Rome, certains parlent de chantage à
l’aide humanitaire. Un pont aérien est organisé et
plusieurs ferry-boats sont réquisitionnés pour rapatrier de force ou par ruse les Albanais humiliés.
En trois jours, 17 000 réfugiés sont ainsi renvoyés
chez eux. Le 12, ils ne sont plus que quelques centaines d’irréductibles à refuser de quitter le stade
ou le quai où ils se retranchent. Les 17 et 18, après
avoir cédé à la promesse d’un accueil provisoire
dans diverses villes italiennes, ils sont une fois de
plus trompés et discrètement rapatriés.
Vendredi 9
FRANCE
Environnement
Sous la pression du ministre Brice Lalonde,
le gouvernement décide de faire déplacer
l’entrée du futur tunnel routier du Somport
hors des limites du parc national des
Pyrénées.
Samedi 10
CHINE
Politique étrangère
À l’occasion de la visite à Pékin du Premier
ministre japonais Toshiki Kaifu, le gouvernement annonce son intention de signer le
traité de non-prolifération nucléaire (TNP)
et d’engager un dialogue international sur
les droits de l’homme.
CHINE/VIÊT!NAM
Diplomatie
Les deux pays annoncent la normalisation
de leurs relations, gelées depuis 1978.
MADAGASCAR
Troubles
À Antananarivo, deux mois après le début
des manifestations demandant son départ,
le président Didier Ratsiraka fait tirer sur
la foule qui participait à une « marche de
la liberté » vers le palais présidentiel. Le
bilan officiel de la répression, qui dure trois
heures, est de 12 morts, mais la presse d’opposition en dénonce près de deux cents (26,
et encadré Madagascar, forces vives).
CANADA
Vie politique
Le congrès du Parti conservateur, au pouvoir, reconnaît à une large majorité le droit
à l’autodétermination de la province du
Québec (29 janvier).
Dimanche 11
LIBAN
Otages
L’Organisation de la justice révolutionnaire,
groupe chiite intégriste pro-iranien, libère
l’homme d’affaires américain Edward Tracy, enlevé à Beyrouth le 21 octobre 1986. Le
12, à Genève, le secrétaire général de l’ONU
Javier Perez de Cuellar engage des pourpardownloadModeText.vue.download 100 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
98
lers avec les parties intéressées au règlement
du problème des otages (8).
Lundi 12
IRAK
Armement
Les autorités présentent aux experts occidentaux un supercanon de plus de 50 mètres
de long, de 350 millimètres de diamètre et
de 700 kilomètres de portée (éd. 1991).
É TAT S ! U N I S
Transports aériens
Delta Air Lines rachète pour 1,39 milliard
de dollars une partie des biens et des lignes
de la Pan American World Airways, qui a
déposé son bilan le 8 janvier. La Compagnie devient ainsi le premier transporteur
américain. Créée en 1927, la Pan Am n’avait
réalisé que quatre exercices bénéficiaires
depuis vingt ans.
Banques
Le numéro deux du secteur bancaire, BankAmerica, renforce sa position en achetant
Security Pacific, cinquième établissement
américain, pour 4,3 milliards de dollars
(15 juillet).
Mardi 13
FRANCE
Constructions navales
Les salariés de Sud-Marine et le tribunal
de commerce de Marseille acceptent le
plan de reprise de l’entreprise en liquidation judiciaire présenté par le groupe René
Brisard, leader français de la machine-outil
(29 juillet).
Sociétés
Le groupe de M. Bernard Tapie cède 45 %
du capital de son holding allemand qui
contrôle la firme Adidas. L’opération vise à
honorer la première échéance du remboursement de l’emprunt contracté pour l’achat
du fabricant d’articles de sport en juillet
1990 (éd. 1991).
É TAT S ! U N I S
Guerre du Golfe
Le Pentagone, qui publie le bilan définitif des pertes humaines durant l’opération
« Tempête du désert », indique que 35 des
148 morts américains ont été victimes de
« tirs amis ».
Mercredi 14
URSS
Économie
Les cinq Républiques d’Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizie et Turkménie) signent un accord de
coopération économique indépendant du
traité de l’Union en préparation.
URSS/ISRAËL
Relations
Les autorités des deux pays signent un protocole d’accord sur la mise en service par les
compagnies aériennes El Al et Aeroflot de
vols directs vers l’État hébreu pour les émigrants juifs soviétiques.
LAOS
Institutions
L’Assemblée nationale adopte la première
Constitution depuis l’indépendance, en
1975. Le texte définit un système de « démocratie populaire » – et non « socialiste ».
Il introduit le libéralisme économique, mais
n’autorise pas le multipartisme. Le 15, l’Assemblée élit à la tête de l’État M. Kaysone
Phomvihane, président du Parti communiste depuis 1955, en remplacement du
prince Souphanouvong, démissionnaire
pour raison de santé.
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CHRONOLOGIE
99
PÉROU
Esclavage
Les cadavres de dizaines d’enfants sont
retrouvés dans un charnier proche d’une
mine d’or de la province de Madre de Dios.
SPORT
Voile
Dans l’île de Cowes, en Grande-Bretagne,
l’équipe de France remporte pour la première fois l’Admiral’s Cup, championnat
du monde officieux de course au large qui
comprend notamment l’épreuve du Fastnet.
Jeudi 15
ONU
Le Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité adopte la résolution
706 qui autorise l’Irak à reprendre pendant
six mois ses exportations de pétrole jusqu’à
1,6 milliard de dollars. Une partie de cette
somme doit être consacrée à l’achat de produits de première nécessité. 30 % des revenus pétroliers du pays doivent financer les
indemnités de guerre.
É G L I S E C AT H O L I Q U E
À Czestochowa
À Czestochowa, sanctuaire mariai du sud
de la Pologne, et à l’occasion de la sixième
Journée mondiale de la jeunesse, le pape
Jean-Paul II appelle un million de pèlerins
à une « nouvelle évangélisation » de l’Europe.
ALLEMAGNE
Politique financière
Devant l’augmentation de l’inflation, qui
pourrait dépasser 4 % en 1991 contre 2,5 %
en 1990, la Bundesbank décide de porter
son taux d’escompte de 6,5 à 7,5 %.
Vendredi 16
É G L I S E C AT H O L I Q U E
Voyage pontifical
Le pape Jean-Paul II effectue jusqu’au 20 la
première visite d’un souverain pontife en
Hongrie.
URSS
Vie politique
Ancien conseiller de M. Mikhaïl Gorbatchev et principal inspirateur de la perestroïka, M. Alexandre Iakovlev annonce sa
démission du Parti communiste, dénonçant
la menace d’un « coup d’État » de la part de
la direction du PCUS.
A F G H A N I S TA N
Conflit
L’aviation effectue de nombreux raids de
bombardements dans les régions contrôlées par la guérilla le long de la frontière
soviétique.
MAROC
Grâce royale
Une quarantaine d’opposants condamnés
pour « crimes touchant à la sécurité de
l’État » sont libérés.
AFRIQUE DU SUD
Vie politique
Les autorités de Pretoria et le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés signent
un accord qui prévoit l’amnistie de tous les
délits politiques et qui permet donc le retour
d’exil de plusieurs milliers de réfugiés.
Samedi 17
ALLEMAGNE
Cérémonie
À la demande de la famille Hohenzollern, les cendres du roi de Prusse Frédéric II le Grand (1740-1786) et celles de son
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
100
père Frédéric-Guillaume Ier (1713-1740),
jusque-là inhumées à Hechingen, en BadeWurtemberg, sont transférées au château
de Sans-Souci, à Postdam, en Prusse (exRDA). De nombreux Allemands critiquent
le caractère militaire donné à l’événement.
Dimanche 18
ALGÉRIE
Opposition
Après le refus du Front islamique du salut
(FIS) de participer à la table ronde entre
les autorités et les formations politiques, le
gouvernement annonce la libération de plus
de 300 militants islamistes emprisonnés depuis le 5 juin.
É TAT S ! U N I S
Scandales
Les trois principaux dirigeants de Salomon
Brothers, l’une des principales banques
d’affaires de Wall Street, annoncent leur
démission. Ils avouent avoir été informés
des irrégularités commises par certains de
leurs collaborateurs sur le marché des bons
du Trésor.
MEXIQUE
Élections
À l’issue d’une campagne dominée par la
propagande du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), au pouvoir depuis 1929,
celui-ci remporte 290 des 300 sièges de députés, 31 des 32 sièges de sénateurs à pourvoir et les six postes de gouverneurs en jeu.
URSS
Le putsch
18 août À 16 h 50 (heure locale), à Foros (Crimée), où il se trouve en vacances depuis le 4, le
président Mikhaïl Gorbatchev reçoit une délégation venue lui annoncer sa destitution et lui demander de l’entériner. Il refuse.
19 août À 6 h 20, l’agence Tass annonce que
M. Gorbatchev est « incapable d’assumer ses fonctions pour raisons de santé ». L’état d’urgence est
décrété dans certaines régions de l’URSS. Pendant
sa durée, le pouvoir est transféré à un comité d’État
pour l’état d’urgence présidé par le vice-président
soviétique, M. Guennadi Ianaev, et composé notamment de M. Valentin Pavlov, Premier ministre,
de M. Vladimir Krioutchkov, directeur du KGB,
du maréchal Dimitri Iazov, ministre de la Défense,
et de M. Boris Pougo, ministre de l’Intérieur. Des
blindés font mouvement vers le centre de Moscou,
où ils prennent le contrôle de points stratégiques.
Peu avant midi, le président de Russie Boris Eltsine grimpe sur un char posté devant la « Maison-Blanche », siège du Parlement russe, pour
condamner le « coup d’État réactionnaire », appeler à la grève générale et demander aux soldats de
se rallier au peuple. Plusieurs milliers de ses partisans élèvent des barricades autour de la « MaisonBlanche ». Le président américain George Bush
apporte son soutien à M. Eltsine et annonce le gel
des relations américano-soviétiques.
Vers 17 h 30, M. Ianaev décrète l’état d’urgence
dans la capitale. En Russie, des mineurs se mettent
en grève. En Lituanie, dont les autorités appellent
la population à la résistance passive, des militaires
soviétiques investissent des bâtiments publics.
Les cours boursiers chutent sur les diverses places
mondiales.
20 août Les putschistes apparaissent divisés et
ne parviennent pas à obtenir le soutien total des
appareils de l’État et du Parti. L’Estonie proclame
son indépendance. La CEE annonce la suspen-
sion de son aide à l’URSS. Dans la soirée, le président de la République du Kazakhstan exige que
M. Gorbatchev confirme en personne son empêchement. Des manifestations hostiles au coup
d’État se déroulent dans diverses Républiques de
l’Union. À Moscou, les manifestants réunis autour
du Parlement de Russie défient le couvre-feu, qui
est instauré à partir de 23 h. Tombé soudainement
malade, M. Pavlov est remplacé par le premier
vice-Premier ministre Vitali Dogoujiev. Dans la
nuit, trois jeunes manifestants sont tués lors d’incidents isolés avec l’armée. Mais un grand nombre
de soldats fraternisent avec les Moscovites.
21 août Vers midi, le Parlement de Russie annonce que les putschistes tentent de fuir la capitale. Dans l’après-midi, l’échec du coup d’État est
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CHRONOLOGIE
101
confirmé et les autorités légales reprennent leurs
activités.
Toutes les décisions du comité sont annulées.
L’armée regagne ses casernes. À 15 h, un premier
contact téléphonique est établi avec M. Gorbatchev. La Lettonie proclame son indépendance. À
Moscou, M. Pougo se donne la mort tandis que les
sept autres membres du comité d’État pour l’état
d’urgence sont arrêtés. Le journal télévisé de 20 h
annonce que le président soviétique « contrôle
pleinement la situation ».
22 août Peu après 2 h, M. Gorbatchev et sa famille arrivent à Moscou. Au cours de la journée,
les marchés boursiers se redressent. Dans l’aprèsmidi, lors d’une conférence de presse, M. Gorbatchev reconnaît ses erreurs dans le choix de ses
collaborateurs. Il déclare qu’il tirera les « dures
leçons » du coup d’État, mais confirme son attachement aux « principes socialistes ». Il refuse
de condamner le Parti communiste dans son ensemble. L’agence Tass publie les décrets de nomination des nouveaux responsables du KGB, du ministère de la Défense et du ministère de l’Intérieur,
qui appartiennent à un milieu proche de celui des
putschistes.
Au même moment, devant plus de 100 000 personnes réunies devant la « Maison-Blanche »,
M. Eltsine réclame la réforme du pouvoir politique
de l’Union. Il suspend les directeurs de la radiotélévision nationale et de l’agence Tass, ainsi que
la parution de la Pravda. Dans la soirée, devant le
siège moscovite du KGB, les manifestants déboulonnent la statue de Félix Dzerjinski, fondateur
de la Tcheka, première police politique du régime
soviétique. D’autres statues et symboles communistes sont abattus les jours suivants à travers tout
le pays.
23 août À 16 h, M. Gorbatchev se rend au Parlement de Russie où il est rudement pris à parti par
les députés. M. Eltsine le force à lire le compterendu du Conseil des ministres du 19, qui prouve
la compromission du gouvernement. Puis le président russe signe un décret suspendant les activités
du Parti sur le territoire de la République de Russie, malgré la désapprobation du président soviétique, qui estime que le PCUS peut être réformé.
Les sièges du PC de Russie et du KGB et leurs archives sont placés sous scellés. Le gouvernement
est dissous et les responsables nommés la veille par
Gorbatchev sont remplacés par des réformateurs
proches du président de Russie : M. Vadim Bakatine à la tête du KGB, le maréchal Evgueni Chapochnikov à la Défense et M. Victor Barannikov
à l’Intérieur.
24 août Les obsèques des trois manifestants tués
le 21 rassemblent plus d’un million de personnes
dans les rues de Moscou.
M. Gorbatchev démissionne de son poste de secrétaire général du PCUS et appelle le comité central
à se dissoudre, ce qu’il fait le 25. M. Ivan Silaev,
Premier ministre de Russie, est nommé chef du
gouvernement soviétique par intérim et placé à
la tête d’un comité inter-Républiques chargé des
réformes économiques. La Russie reconnaît l’indépendance des Républiques baltes d’Estonie et de
Lettonie, et l’Ukraine proclame la sienne. Ancien
chef d’état-major des armées et conseiller de
M. Gorbatchev, le maréchal Sergueï Akhromeev
se suicide.
25 août La Biélorussie proclame son
indépendance.
26 août M. Nikolaï Kroutchina, administrateur
du comité central, se donne la mort. Accusé par
M. Eltsine d’être l’« idéologue » du coup d’État, le
président du Soviet suprême, Anatoli Loukianov,
démissionne. M. Gorbatchev annonce l’accélération des réformes et la reprise du processus de
signature du traité de l’Union. Le président de
Russie menace de « révisions de frontière » les
Républiques qui quittent l’Union unilatéralement.
L’Islande et le Danemark reconnaissent l’indépendance des pays Baltes. Le 27, la CEE fait de même.
27 août La Moldavie proclame son indépendance
et affirme sa volonté d’être « réunifiée » avec la
Roumanie.
28 août M. Boris Pankine est nommé au poste de
ministre des Affaires étrangères en remplacement
de M. Alexandre Bessmertnykh, limogé le 23 en
raison de son attitude ambiguë durant le putsch.
De nouveaux responsables sont désignés à la tête
de l’agence Tass, de la radio-télévision nationale et
de la Pravda.
29 août Le Soviet suprême suspend les activités
du PCUS dans toute l’URSS et se dissout. La Russie
signe avec l’Ukraine un accord de coopération qui
garantit notamment le respect de leurs frontières
communes. Elle fait de même avec le Kazakhstan
le 30.
30 août L’Azerbaïdjan proclame son
indépendance.
31 août L’Ouzbékistan et le Kirghizstan proclament leur indépendance.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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2 septembre Les États-Unis reconnaissent l’indépendance des trois États baltes. La Chine fait
de même le 7. L’Estonie, la Lettonie et la Lituanie
intègrent la CSCE le 10 et l’ONU le 17.
5 septembre Le Congrès des députés du peuple
adopte un dispositif transitoire qui attribue aux
Républiques de nombreuses prérogatives du pouvoir central. Il crée un organe exécutif, le Conseil
d’État, composé du président soviétique et des dirigeants des Républiques qui acceptent le principe
du maintien de l’Union. La signature d’un traité
d’« union d’États souverains » et celle d’un traité
d’union économique sont prévues.
6 septembre Le Conseil d’État reconnaît l’indépendance des pays Baltes. Leningrad reprend officiellement son ancien nom de Saint-Pétersbourg.
Lundi 19
FRANCE
Politique étrangère
Au cours d’un entretien télévisé consacré au coup d’État en URSS, le président
François Mitterrand adopte un ton mesuré
à l’égard des putschistes. Très critiqué par
l’opposition, il tente de se justifier le 21, lors
d’un nouvel entretien.
É TAT S ! U N I S
Violences interethniques
Dans le quartier new-yorkais de Brooklyn,
à la suite d’un accident meurtrier de la circulation, de jeunes Noirs et des juifs orthodoxes s’affrontent pendant trois nuits.
Mardi 20
INDE
Troubles
Assiégés par la police à Bangalore, des
militants de l’organisation séparatiste sri
lankaise du LTTE (Tigres de libération de
l’Eelam tamoul), assassins présumés de
Rajiv Gandhi, se suicident (encadré Inde, la
malédiction des Gandhi).
Vendredi 23
FRANCE
Accident maritime
L’épave de la Jonque, le chalutier de Concarneau qui avait coulé dans des circonstances
obscures le 14 mai 1987 au large de Brest,
est renflouée à la demande de la justice. Les
familles des marins ont accusé la Marine
nationale, qui s’en défend, d’être responsable du naufrage.
YOUGOSLAVIE
Guerre civile
Devant la pression militaire des autonomistes serbes de la région de Slavonie aidés
par l’armée fédérale, les autorités de la République de Croatie appellent la population
à s’organiser en vue d’une guerre totale.
Samedi 24
FRANCE
Cérémonie
Au centre tibétain de la côte de Jaure, en
Dordogne, où il anime un rassemblement
bouddhique, le dalaï-lama célèbre la Journée pour la paix dans le monde aux côtés de
l’abbé Pierre et du secrétaire d’État à l’action
humanitaire, Bernard Kouchner.
Lundi 26
MADAGASCAR
Vie politique
Nommé Premier ministre le 8, M. Guy Razanamasy forme un gouvernement qui ne
comprend que deux membres de l’opposidownloadModeText.vue.download 105 sur 490
CHRONOLOGIE
103
tion. Il est rejeté par le « cabinet-bis » formé
en juillet par M. Albert Zafy (23 novembre).
Mardi 27
CEE
Les ministres des Affaires étrangères
Les ministres des Affaires étrangères imposent leur médiation dans la crise yougoslave, sur l’initiative de la France. Ils
décident d’organiser une conférence de
paix et de créer une commission d’arbitrage. Ils mettent en cause l’armée fédérale
et exigent qu’un cessez-le-feu soit établi le
1er septembre. Les jours suivants, le plan
est accepté par les six Républiques et par la
direction collégiale.
CAMBODGE
Conflit
Réunis à Pattaya, en Thaïlande, les quatre
factions khmères qui composent le Conseil
national suprême (CNS) s’entendent sur
les aspects militaires du règlement de paix.
Elles acceptent notamment que les effectifs des combattants soient réduits de 70 %
(encadré Cambodge, les Khmers bougent).
Mercredi 28
FRANCE
Postes
Le gouvernement du Chili réagit vivement
à l’émission d’un timbre situant l’île de
Pâques, chilienne depuis 1888, en Polynésie
française. La France présente ses excuses et
le timbre est retiré de la vente.
LIBYE
Irrigation
À Benghazi, le colonel Muammar aiKadhafi inaugure la première tranche du
« grand fleuve artificiel », pipe-line de plusieurs centaines de kilomètres de long destiné à transporter l’eau des nappes situées
dans le sous-sol du désert vers les régions
littorales.
TOGO
Institutions
À Lomé, la Conférence nationale achève ses
travaux après avoir adopté une Constitution
instaurant un régime semi-présidentiel et
nommé Me Kokou Koffigoh, un opposant
modéré, Premier ministre jusqu’à l’élection
présidentielle prévue en juin 1992. La plupart des prérogatives du président Gnassingbe Eyadéma lui sont attribuées.
Liban
L’exilé
Après l’acceptation par la France des conséquences
politiques des accords de Taëf conclus en octobre
1989, le « cas Aoun », qui revêtait un caractère
symbolique pour les deux parties, constituait le
dernier contentieux entre Paris et Beyrouth – ou
Damas. La grâce accordée le 28 août au général
maronite permet aux deux pays de rétablir leurs
pleines relations.
L’ex-commandant en chef de l’armée, nommé à la
tête d’un gouvernement militaire à la fin du mandat du président Aminé Gemayel, en septembre
1988, avait exercé pendant deux ans sur l’enclave
chrétienne de Beyrouth-Est un pouvoir plébiscitaire que le gouvernement civil régulier de M. Selim Hoss lui contestait. Après des mois d’affrontements meurtriers avec les forces libano-syriennes
et de luttes fratricides avec la milice de M. Samir
Geagea, un assaut massif le forçait à se réfugier à
l’ambassade de France le 13 octobre 1990. Le gouvernement prosyrien l’accusait de rébellion, d’abus
de pouvoir et de détournement de fonds. Lassés de
cette guerre vaine, même ses plus fervents partisans accueillaient la paix avec soulagement.
La situation était aussi gênante pour la France,
dont M. Michel Aoun incarnait la mauvaise
conscience d’avoir « lâché » l’Orient chrétien. Elle
l’était aussi pour le Liban, pour lequel le général
maronite constituait l’obstacle vivant à une totale
réconciliation nationale. Le 26 août, le Parlement
libanais adopte un projet de loi d’amnistie. Prévu
par les accords de Taëf, celui-ci couvre toute la période du conflit depuis 1975. Deux jours plus tard,
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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le président Elias Hraoui signe le décret de grâce
du général Aoun et de ses deux compagnons, les
généraux Edgar Maalouf et Issam Aboujamra. L’exdirigeant chrétien devra observer un exil de cinq
ans et s’abstenir de toute activité politique. D’autre
part, les autorités libanaises, syriennes et françaises s’entendent pour que le général Aoun ne soit
pas autorisé à s’établir à Paris et que les 32 millions
de dollars déposés à l’étranger, qui constituent son
« trésor de guerre », soient gelés. Le 30, M. Michel
Aoun gagne la France, qui lui a accordé l’asile politique, et s’installe avec sa famille, qui l’avait précédé, dans la luxueuse villa Deslys, à Marseille. Après
quelques entretiens politiques avec la presse, il est
rappelé à l’ordre par le gouvernement français
(éd. 1991).
Jeudi 29
FRANCE
Vie politique
À la suite de l’effondrement du Parti communiste de l’URSS, le chef de file des opposants à la direction du Parti communiste
français, M. Charles Fiterman, appelle les
militants du PCF – qui est « menacé dans
son existence même » – à « animer l’effort de
renouvellement de l’identité communiste ».
Vendredi 30
SIERRA LEONE
Institutions
Lors d’un référendum, la nouvelle Constitution instaurant le multipartisme est approuvée par près de 60 % des votants.
É TAT S ! U N I S
Construction aéronautique
La société Boeing annonce qu’elle met fin
à la production du 707, dont le prototype
avait effectué son premier vol le 15 juillet
1954. En 37 ans, 1 010 appareils de ce type
ont été construits par la firme.
SPORT
Athlétisme
À Tokyo, au cours des championnats du
monde, l’Américain Mike Powell effectue
un saut en longueur de 8,95 mètres. Il bat de
cinq centimètres l’ancien record du monde.
Samedi 31
SINGAPOUR
Élections législatives
Au pouvoir depuis 1959, le Parti d’action
du peuple remporte 77 (– 3) des 81 sièges
à pourvoir, perdant ainsi sa prépondérance
politique absolue.
Le mois de
Vladimir Volkoff
C’est peut-être le 20 août 1991 qu’a commencé le XXIe siècle. Un siècle libre de la menace
communiste.
Depuis le 7 novembre 1917, le monde entier n’était
plus qu’une grosse grenouille de plus en plus fascinée par la couleuvre communiste qui s’apprêtait
à l’avaler. Et voilà que la couleuvre, qui avait fait
quelques bouchées de la Russie, de l’Europe de
l’Est, de Cuba, une bouchée à peine plus grosse de
la Chine, s’est révélée incapable d’avaler un homme
qui la défiait. À peu près seul. Debout sur un char.
Pas son char à lui : celui de l’ennemi, envoyé pour
l’intimider dans un premier temps, pour l’éliminer
si l’intimidation n’agissait pas.
On a beaucoup parlé du Chinois arrêtant le char de
Pékin. C’était beau. Ça n’a pas empêché la fusillade
qui a suivi. On était toujours au XXe siècle, le siècle
communiste. Le Russe, lui, est monté sur le char.
Et il n’y a pas eu de fusillade. On était déjà au
XXIe siècle. À moins, bien sûr, que notre espérance
fragile ne soit fracassée et que le néocommunisme
ne revienne en force.
Si, dans les siècles futurs, on écrit l’histoire, on y
rendra sûrement hommage à Mikhaïl Gorbatchev
pour avoir porté la main sur l’édifice communiste
et avoir déclenché une avalanche – qu’il était loin
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CHRONOLOGIE
105
de prévoir. Il ne voulait, lui, que rendre le communisme plus efficace, ou au moins plus viable, ou au
moins le retaper un peu, quoi...
La démarche de Boris Eltsine est différente. Communiste nourri dans le sérail (à supposer que sérail
soit une métaphore appropriée au Parti), apparatchik de haute volée, Boris Eltsine découvre, lui,
que le communisme n’est pas réparable ; que, par
conséquent, il devait être tordu dès le début.
Deux bonds successifs de la pensée humaine,
déjà estimables par eux-mêmes, mais, venant
d’hommes politiques, presque incroyables. Surtout
lorsqu’on pense à tous les frétillements et les tortillements, non pas tant des rouges que des roses
occidentaux, qui, à défaut de la mise, voudraient
tout de même sauver la face.
Impossible, affirme Boris Eltsine. On ne peut rien
sauver de cet héritage-là : il faut le refuser en bloc.
On lui demande : « Avez-vous honte de ce qu’a fait
ce parti dont vous étiez un membre éminent ? » Il
répond : « Oui, j’ai honte. »
Si le XXe siècle a commencé en retard, en 1914,
par la plus grande catastrophe de tous les temps,
le XXIe semble avoir pris de l’avance en allumant
une flammèche d’espoir dans la nuit du 20 août
1991. Soufflons dessus. Pas trop fort. De peur de
l’éteindre.
VLADIMIR VOLKOFF
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106
Septembre
Dimanche 1
AELE
Le Liechtenstein
Le Liechtenstein devient le septième
membre à part entière de l’Association européenne de libre-échange, créée en mai
1960, qui regroupe l’Autriche, l’Islande, la
Finlande, la Norvège, la Suède et la Suisse.
Lundi 2
URSS
Nationalités
En conflit depuis trois ans avec la république mère musulmane d’Azerbaïdjan,
aujourd’hui indépendante, la région autonome du Haut-Karabakh, principalement
peuplée d’Arméniens, proclame à son tour
son indépendance (23).
CHINE
Relations internationales
Le Premier ministre britannique John Major est le premier dirigeant occidental à se
rendre dans le pays depuis la répression du
« printemps de Pékin ». Il déclare que « le
monde n’a pas oublié juin 1989 ».
Mardi 3
FRANCE
Assurances
La Fédération française des sociétés d’assurances et le ministère de la Santé concluent
une convention qui engage les assureurs à
ne plus refuser leurs services aux séropositifs. Depuis 1989, la plupart des compagnies exigeaient que les personnes voulant
assurer des capitaux supérieurs à 1 million
de francs subissent un test de dépistage de
la maladie.
Mercredi 4
URSS
Nationalités
En réaction à la proclamation d’indépendance de l’Ukraine, le 24 août, la république
autonome de Crimée, qui en fait partie mais
qui est peuplée majoritairement de Russes,
vote une déclaration de souveraineté, « base
de la future participation au traité de
l’Union ».
AFRIQUE DU SUD
Institutions
Devant un congrès extraordinaire du Parti
national, le président Frederik De Klerk
présente son projet de « gouvernement
constitutionnel dans une démocratie participative », qui prévoit l’application du principe « un homme, une voix » revendiqué par
les Noirs (encadré Apartheid, la nouvelle
Afrique du Sud).
Jeudi 5
FRANCE
Partis politiques
Menés par M. Charles Fiterman, 13 contestataires, sur les 142 membres du comité
central du Parti communiste convoqué en
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CHRONOLOGIE
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séance extraordinaire, rejettent le rapport
de la direction sur les événements d’août en
URSS et l’effondrement du PCUS.
É TAT S ! U N I S
Justice
À Miami s’ouvre le procès du général
Manuel Noriega, ancien homme fort du
Panamá, renversé à la suite de l’intervention de l’armée américaine en décembre
1989. L’accusé encourt 140 années de prison pour avoir, notamment, reçu 4,6 millions de dollars des cartels de la drogue
colombiens (éd. 1990).
Vendredi 6
ALLEMAGNE
Vie politique
Dernier chef du gouvernement est-allemand, M. Lothar de Maizière annonce sa
démission de son poste de vice-président de
l’Union chrétienne démocrate (CDU), pour
cause de dissensions internes (22 février).
URSS
encadré URSS, le putsch
VANUATU
Vie politique
À la suite du renversement par le parlement
du Premier ministre Walter Lini, qui avait
mené le pays à l’indépendance en 1980,
M. Donald Kalpokas est élu à la tête du gouvernement de l’ancien condominium fran-
co-britannique du Pacifique sud. M. Kalpokas avait remplacé M. Lini à la présidence
du parti Vanuaaku le 7 août (2 décembre).
S A H A R A O C C I D E N TA L
Conflit
Après l’arrivée d’un premier contingent de
« casques bleus » de la force des Nations
unies (MINURSO) à Laayoune le 5, l’accord de cessez-le-feu conclu en juin entre en
vigueur. C’est la première étape du plan de
paix de l’ONU qui doit conduire à un référendum d’autodétermination dans le territoire, au début de l’année 1992.
SURINAM
Élection présidentielle
Le collège électoral élit à la tête de l’État
M. Ronald Venetiaan, candidat du Front
pour la démocratie qui représente les trois
principales ethnies (Indiens, Créoles, Javanais). Le 16, il remplace M. Johan Kraag,
installé par les militaires après leur coup
d’État du 24 décembre 1990.
Samedi 7
CEE
Diplomatie
Présidée par le Britannique lord Carrington, la conférence de paix sur la Yougoslavie s’ouvre à La Haye en présence des présidents des six républiques fédérées, des
autorités fédérales et des ministres des
Affaires étrangères des Douze. Aucun des
accords de cessez-le-feu conclus au cours du
mois n’est longtemps respecté sur le terrain
(18).
Dimanche 8
YOUGOSLAVIE
Fédération
95 % des électeurs de la Macédoine se prononcent par référendum en faveur de l’indépendance de leur république. Elle est proclamée le 15.
SPORT
Tennis
À Flushing Meadow, le Suédois Stefan Edberg bat l’Américain Jim Courier en finale
des Internationaux des États-Unis (6-2, 6-4,
6-0). La veille, la Yougoslave Monica Seles
avait emporté le titre féminin contre l’Américaine Martina Navratilova (7-6, 6-1).
Mais le héros de l’épreuve est l’Américain
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
108
Jimmy Connors, qui, à 39 ans, est parvenu
en demi-finale.
Lundi 9
FRANCE
Présidence
Avec 3 764 jours de présence à l’Elysée,
M. François Mitterrand égale le record de
longévité d’un président de la République
française établi par le général de Gaulle.
Accident
Une information judiciaire est ouverte
après l’irradiation subie en août par trois
ouvriers intérimaires qui travaillaient sur
l’accélérateur de particules d’une usine de
Forbach (Moselle).
G R A N D E ! B R E TA G N E
Violences
Après les banlieues d’Oxford, de Cardiff et
de Birmingham en août, celle de Newcastle
est pendant quatre jours le théâtre d’affrontements entre des groupes de jeunes et les
forces de l’ordre.
URSS
Union
La république du Tadjikistan proclame son
indépendance.
Mardi 10
CSCE
Une réunion
Une réunion de la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe se tient à
Moscou jusqu’au 4 octobre. Consacrée aux
droits de l’homme, elle est en fait dominée
par le problème des minorités en Europe.
FRANCE
Danse
La compagnie de Merce Cunningham inaugure le festival d’Automne de Paris avec son
spectacle Loosestrise, présenté en création
mondiale au Théâtre de la Ville.
Mercredi 11
FRANCE
Politique étrangère
Au cours de la sixième conférence de presse
de sa présidence, M. François Mitterrand
propose une réunion des quatre puissances
atomiques en Europe (États-Unis, URSS,
France, Grande-Bretagne), afin d’assurer le
« strict contrôle » des armes nucléaires.
LIBAN
Conflit
L’armée israélienne remet à la Croix-Rouge
les corps de neuf membres du Hezbollah
tués au Liban durant ces dernières années.
De son côté, l’Armée du Liban-Sud (ALS),
milice pro-israélienne, libère 51 prisonniers
libanais détenus dans la « zone de sécurité »
située à la frontière de l’État hébreu (24).
Jeudi 12
FRANCE
Relations internationales
À Paris, le directeur de la Banque de France
remet une barre d’or à son homologue de
Lituanie. Ce geste symbolique annonce la
restitution des 2 246 tonnes d’or lituanien
conservées par la France depuis l’occupation de la République balte par l’URSS en
1939.
LITUANIE
v. France
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CHRONOLOGIE
109
É TAT S ! U N I S
Politique étrangère
Le président George Bush menace d’opposer son veto à l’octroi de garanties bancaires, pour un montant de 10 milliards de
dollars, sollicitées le 6 par Israël. Craignant
que les prêts ne servent à financer la colonisation juive des territoires occupés, il propose d’en remettre de quatre mois le débat
devant le Congrès afin de ne pas compromettre la Conférence de paix sur le ProcheOrient (encadré Proche-Orient, l’auberge
espagnole).
Vendredi 13
FRANCE
Société
Mis en cause par la presse dans l’affaire des
fausses factures de la région nantaise, Yves
Laurent, maire socialiste de Saint-Sébastien-sur-Loire (Loire-Atlantique) et chargé
de mission auprès du ministre de la Ville, se
donne la mort.
IRAK
Vie politique
À l’issue du congrès du parti Baas, M. Saadoun Hammadi, Premier ministre depuis le
23 mars, est limogé. La nomination de son
successeur, M. Mohamed Hamza el Zoubeidi, consacre le durcissement du régime.
MAROC
Répression
Membre d’une organisation marxiste interdite, condamné à la réclusion perpétuelle en
1977 pour « complot contre la monarchie »
et « atteinte à la sûreté de l’État », M. Abraham Serfaty est expulsé vers la France, qui
réclamait sa libération et qui lui accorde
l’asile politique.
É TAT S ! U N I S
Politique financière
La Réserve fédérale abaisse le taux d’escompte de 5,5 % à 5 % afin de favoriser la
reprise économique.
É TAT S ! U N I S / U R S S
Relations
À Moscou, le secrétaire d’État américain
James Baker et son homologue soviétique
Boris Pankine concluent un accord sur
l’arrêt de leur aide militaire respective à la
rébellion et au gouvernement de l’Afghanistan au 1er janvier 1992.
Samedi 14
ITALIE
Cinéma
Le Lion d’or de la 48e Mostra de Venise
est attribué à Urga, du Soviétique Nikita
Mikhalkov.
AFRIQUE DU SUD
Conflit
Une vingtaine d’organisations politiques,
syndicales et religieuses, dont l’ANC et le
mouvement zoulou Inkatha, signent un accord destiné à mettre fin aux affrontements
interethniques meurtriers dans les cités
noires, qui ont encore fait 2 000 morts en
un an. Le texte est paraphé par le président
Frederik De Klerk.
Dimanche 15
HONGKONG
Élections législatives
Lors du premier scrutin démocratique organisé dans la colonie britannique, les libéraux emportent 16 des 18 sièges soumis au
suffrage universel sur les 60 que compte le
Conseil législatif, simple chambre d’enregistrement. Malgré une participation infédownloadModeText.vue.download 112 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
110
rieure à 40 %, ces résultats constituent une
défaite pour la Chine populaire. Le 21, le
gouverneur nomme des représentants apolitiques au Conseil pour y remplacer des
personnalités prochinoises.
MAURICE
Élections législatives
L’Alliance gouvernementale (gauche) qui
soutient M. Anerood Jugnauth, Premier
ministre depuis 1982, remporte 57 des
62 sièges du Parlement.
Suède
Le « modèle » déposé
Au pouvoir à Stockholm depuis 1932 – hormis une
parenthèse « bourgeoise » de 1976 à 1982 –, les
sociaux-démocrates avaient érigé leur régime politico-économico-social en « modèle ». Le royaume
parvenait à marier protection sociale et croissance
industrielle, dans le cadre d’une stabilité politique
reposant sur un large consensus, tant populaire
que partisan. Celui-ci n’existe plus. Le 15 septembre, 47,1 % des électeurs votent pour les quatre
partis « bourgeois » (conservateurs, libéraux,
centristes et chrétiens-démocrates ; 170 sièges
au Riksdag), contre 38,2 % pour les sociaux-démocrates (138 députés). Premier ministre depuis
mars 1986, M. Ingvar Carlsson démissionne le
16. Le 4 octobre, le conservateur Carl Bildt forme
le nouveau gouvernement.
Le modèle suédois reposait sur une négociation
générale des salaires entre le patronat uni (SAF)
et le syndicat unique (LO). Fondée sur les besoins
du secteur exportateur, elle s’appliquait à toutes les
entreprises. D’autre part, des prélèvements fiscaux
élevés permettaient une politique d’« État-providence » axée sur la formation plus que sur l’indemnisation du chômage. Le haut niveau du PNB et les
nombreuses « dévaluations compétitives » effectuées par le gouvernement aidaient beaucoup au
fonctionnement du système. En 1991, il est prévu
que la production industrielle baisse de 6 %, que le
PNB recule de 1 %, que les prix augmentent de 9 %
et que le taux de chômage dépasse 3 % – chiffre qui
menace de doubler en 1992.
Provoquée principalement par l’envolée des salaires, la crise que traverse la Suède révèle, selon
le bloc bourgeois, l’échec du modèle, et, selon les
sociaux-démocrates, ses excès. Depuis quelques
années, ceux-ci ont introduit une dose de libéralisme dans leur politique, en levant le contrôle
des changes, en réduisant les impôts, en limitant
l’interventionnisme de l’État, en effectuant des
privatisations partielles et en modifiant le régime
laxiste de l’assurance-maladie. Trop peu et trop
tard selon l’opinion.
En Suède, comme dans tous les pays qui s’habituent à la richesse, le repli sur les valeurs-refuges
et sur l’individualisme commence à l’emporter sur
la solidarité, base du fameux modèle. L’entrée au
Parlement des chrétiens-démocrates (7,2 % des
voix ; 26 députés) et surtout les 6,8 % de suffrages
recueillis par la Nouvelle Démocratie le prouvent.
Créé en février, ce parti populiste a fait campagne
sur le refus des impôts, de la bureaucratie... et des
contraventions automobiles. Avec 25 députés, il
jouera le rôle d’arbitre aux côtés d’une coalition
« bourgeoise » minoritaire dépourvue de cohésion.
Lundi 16
FRANCE
Politique économique
Le Premier ministre Édith Cresson présente un « plan global » pour les PMEPMI. Annoncé comme la première étape
du « programme Matignon », ce dispositif comprend principalement des mesures
fiscales qui correspondent à des abandons
de recettes de 8,2 milliards de francs pour
1992 et 1993 (25).
PROCHE!ORIENT
Conflit
Le secrétaire d’État américain James Baker
effectue jusqu’au 20 sa septième tournée
dans la région depuis mars.
PHILIPPINES
Vie politique
Le Sénat refuse de ratifier l’accord conclu le
17 juillet avec les États-Unis sur la reconduction pour dix ans du bail de la base navale de Subic Bay. Le Sénat et le gouvernedownloadModeText.vue.download 113 sur 490
CHRONOLOGIE
111
ment s’entendent sur un délai d’évacuation
de trois ans.
Mardi 17
ONU
L’Assemblée générale
L’Assemblée générale approuve par acclamation l’entrée dans l’organisation des deux
États coréens, ainsi que des États fédérés de
Micronésie, des îles Marshall et des trois
États baltes. Ces admissions portent à 166
le nombre de membres des Nations unies.
FRANCE
Vie politique
Lors de la première audition publique de la
Commission d’enquête parlementaire sur
le financement des partis, le président du
Front national, M. Jean-Marie Le Pen, qui
n’était pas invité, dénonce le « climat de corruption de la vie publique ».
SUISSE
Société
Les magasins d’alimentation Migros et les
restaurants Mövenpick annoncent qu’ils
renoncent à vendre du foie gras, afin de protester contre le gavage des oies.
URSS
Réhabilitation
La justice soviétique lave Alexandre Soljenitsyne de l’accusation de « trahison » qui
avait conduit à son exil forcé en 1974.
LIBERIA
Conflit
La réunion en Côte-d’Ivoire de la Communauté économique des États de l’Afrique
de l’Ouest (CEDEAO) aboutit à un accord
avec le chef du Front national patriotique
du Liberia (FNPL), Charles Taylor. Les
rebelles du FNPL, qui contrôlent 90 % du
territoire libérien, acceptent de déposer les
armes si la Force ouest-africaine d’interposition (ECOMOG), qui protège le gouvernement intérimaire de M. Amos Sawyer, est
réorganisée.
Mercredi 18
FRANCE
Relations internationales
Allemagne
Budget
Le Conseil des ministres adopte le projet
de loi de finances pour 1992. Un frein est
imposé aux dépenses publiques, en hausse
de 2,9 % seulement par rapport à 1991. En
l’absence d’augmentation des impôts de
l’État, les recettes ne progressent que de
2,6 %. Le déficit prévu est de près de 90 milliards de francs (16 novembre).
ALLEMAGNE
Relations internationales
La visite de trois jours à Bonn et dans l’exRDA qu’effectue le président François Mitterrand permet un rapprochement des positions des deux pays en matière de politique
européenne, notamment sur les dossiers
de l’union économique et monétaire, de la
crise yougoslave et de l’élargissement de la
CEE.
YOUGOSLAVIE
Conflit
Les combats meurtriers qui opposent depuis juillet les Croates aux Serbes appuyés
par l’armée fédérale gagnent Zagreb, capitale de la Croatie. 20 % du territoire de la
république sont contrôlés par les Serbes.
Tandis que les Croates assiègent les casernes fédérales, la marine de guerre fédérale impose un blocus aux ports de la côte
adriatique (7 et 19).
A F G H A N I S TA N
Vie politique
Désireux d’« assurer l’unité nationale »,
le gouvernement décide de restaurer la
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
112
citoyenneté de l’ancien roi Zaher Shah, qui
avait été privé de ses droits et s’était exilé
à la suite de l’instauration du régime procommuniste en avril 1978.
Jeudi 19
CEE
Les ministres des Affaires étrangères
Les ministres des Affaires étrangères des
Douze ne s’accordent pas sur l’envoi en
Croatie d’une force européenne d’interposition, comme l’avaient proposé la France,
l’Allemagne et les Pays-Bas. La France demande que le Conseil de sécurité de l’ONU
se saisisse du dossier (18 et 20).
AUTRICHE
Archéologie
Le corps momifié d’un homme ayant vécu à
l’âge du bronze ancien (2000-1800 av. J. C.)
est découvert à 3 200 mètres dans le glacier
du Similaun, à la frontière italienne. Ses
vêtements et ses instruments l’identifient
comme un chasseur.
AFRIQUE DU SUD
Relations internationales
Le ministre délégué de l’Industrie et du
Commerce extérieur, M. Dominique
Strauss-Kahn, est le premier membre d’un
gouvernement français à se rendre à Pretoria depuis 1975. L’ANC tente de freiner ce
rapprochement économique qu’il juge prématuré. La France maintient son embargo
sur le charbon sud-africain.
Vendredi 20
FRANCE
Justice
Chargé d’instruire le dossier de l’attentat
contre un DC-10 d’UTA, le 19 septembre
1989, le juge Jean-Louis Bruguière présente
aux familles des 170 victimes, à huis clos,
un film reconstituant les faits. Il déclare disposer d’un « faisceau de preuves et de présomptions » qui impliquerait les services de
renseignement de la Libye.
YOUGOSLAVIE
Conflit
L’armée fédérale lance une offensive blindée dans la partie de la Croatie qui borde la
Voïvodine. Les villes de Vukovar, Osijek et
Vinkovici sont encerclées (19 et 25).
Samedi 21
FRANCE
Terrorisme
Chargé de l’instruction du dossier sur
l’assassinat de Chapour Bakhtiar, M. JeanLouis Bruguière inculpe Massoud Hendi
de « complicité d’assassinat ». Cet Iranien
aurait aidé les tueurs à entrer en France.
Immigration
Dans un article publié par le Figaro Magazine, M. Valéry Giscard d’Estaing se prononce en faveur de la substitution du « droit
du sang » au « droit du sol » pour l’acquisition de la citoyenneté française. Il qualifie
d’« invasion » le phénomène migratoire en
France. Ses propos suscitent de vives réactions dans la classe politique.
Musique
Après sa réfection, le Théâtre impérial du
château de Compiègne, dont la construction
avait débuté en 1867 pour être interrompue
en 1870, accueille le public pour la première fois. Pierre Jourdan y met en scène
l’opéra Henry VIII de Camille Saint-Saëns.
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CHRONOLOGIE
113
URSS
Union
Les Arméniens se prononcent massivement, par référendum, en faveur de l’indépendance de leur république.
Dimanche 22
ALLEMAGNE
Violences
Les autorités du Land de Saxe (ex-RDA)
se décident à prendre des mesures pour
mettre fin aux attaques répétées, depuis
le 17, à Hoyerswerda, d’un foyer d’immigrés vietnamiens et mozambicains par des
néonazis.
Lundi 23
URSS
Nationalités
Les présidents de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan signent un accord de cessez-le-feu
négocié grâce à la médiation du président
russe Boris Eltsine et de son homologue
kazakh (2).
IRAK
Défense
Des experts de l’ONU, qui avaient saisi des
documents concernant les recherches nucléaires irakiennes, sont retenus à Bagdad
par l’armée pendant douze heures, puis de
nouveau du 24 au 27.
Zaïre
Mobutu chahuté
Une inflation de 500 %, un pays riche ruiné par
une mauvaise gestion, une unité nationale en décomposition, un isolement international croissant,
une corruption et un népotisme omniprésents :
« Le bilan de 31 ans d’indépendance est globalement négatif », avait affirmé le Premier ministre
lors de l’ouverture de la Conférence nationale,
le 7 août. En allant au-devant des remarques de
l’opposition, M. Mulumba Lukoji tentait d’éviter
au régime du président Mobutu Sese Seko, qui a
accordé le multipartisme en avril 1990, d’être à son
tour balayé par le processus de démocratisation en
cours en Afrique. Il est bientôt dépassé par la réalité. Le 23 septembre, la mutinerie d’une brigade
de l’armée dont la solde n’a pas été payée conduit
à deux jours d’émeutes et de pillages à Kinshasa et
dans les grandes villes du pays.
Militaires et civils s’en prennent aux magasins
ainsi qu’aux biens des coopérants étrangers, dont
ils épargnent les personnes. 10 500 Belges et
6 000 Français vivent dans l’ancien Congo belge.
Dès le 24, près d’un millier de parachutistes français et belges interviennent, avec l’accord des autorités, afin de protéger l’évacuation des ressortissants de leurs pays. Elle se déroule dans le calme.
La répression des troubles par les forces loyalistes
fait officiellement 117 morts.
Le 29, après avoir octroyé aux militaires une solde
exceptionnelle, le maréchal Mobutu nomme à la
tête de l’armée un de ses fidèles, le général Mahele
Liyeko, et charge le chef de file de l’opposition,
M. Étienne Tshisedeki, de former le gouvernement. Cette double nomination illustre la séparation entre pouvoir militaire et pouvoir politique.
La lutte s’engage aussitôt entre le maréchal-président, qui exige que l’ex-parti unique détienne la
moitié des portefeuilles, et M. Tshisedeki, qui affirme son intention de ne pas partager le pouvoir,
et qui traite bientôt M. Mobutu de « monstre ».
Mais en dépit d’un accord sur la composition
du gouvernement, le président Mobutu révoque
M. Tshisedeki le 21 octobre. De nouvelles émeutes
éclatent à travers le pays. La nomination de
M. Mungul Diaka au poste de Premier ministre,
le 23, ne les fait pas cesser. Ancien membre de la
« nomenklatura » passé dans l’opposition – tout
comme M. Tshisedeki –, M. Diaka est jugé trop
docile par celle-ci.
Ce gage accordé aux Occidentaux par le maréchal Mobutu – il avait d’abord songé à nommer
un militaire – ne trompe personne. Le 25, Paris
et Bruxelles décident de rapatrier leurs troupes.
Dernier pays à fournir une aide de coopération au
Zaïre, la France annonce qu’elle met fin à celle-ci.
« Personne n’a le droit de me dicter ma conduite »,
s’indigne le président zaïrois. Le 31 octobre, l’opdownloadModeText.vue.download 116 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
114
position décide de former un « gouvernementbis » (25 novembre).
Mardi 24
FRANCE
Justice
Dans l’affaire des irrégularités commises
à l’occasion de l’arrestation des « Irlandais
de Vincennes », le 28 août 1982, le tribunal
correctionnel de Paris condamne le préfet
Christian Prouteau et M. Jean-Michel Beau,
ancien officier de gendarmerie, à quinze
mois de prison avec sursis pour « complicité de subornation de témoins ». L’ancien
capitaine Paul Barril bénéficie des effets de
la prescription.
ALLEMAGNE
Espionnage
Chef des services de renseignements estallemands jusqu’en 1987, M. Markus Wolf,
qui s’était réfugié en URSS en 1990 puis
avait gagné l’Autriche au début du mois,
offre sa reddition à la justice allemande.
URSS
Troubles
Après l’occupation de l’immeuble de la
radiotélévision de Tbilissi par des opposants le 22, le président Zviad Gamsakhourdia instaure l’état d’urgence en Géorgie. La
garde nationale s’est ralliée aux manifestants qui critiquent son autoritarisme et
réclament sa démission depuis le 2 (12 octobre et 22 décembre).
LIBAN
Otages
L’Organisation de la justice révolutionnaire
libère le Britannique Jack Mann, âgé de
77 ans, enlevé à Beyrouth le 12 mai 1989
(11).
Mercredi 25
ONU
Le Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité adopte la résolution
713 qui impose un embargo sur les livraisons d’armes à destination de la Yougoslavie. Par respect du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures, il refuse
l’envoi d’une force d’interposition réclamée
par la France.
FRANCE
Formation professionnelle
Le Premier ministre Édith Cresson présente
au Conseil des ministres un plan en faveur
de l’apprentissage, second volet du « programme Matignon ». Le nombre d’apprentis doit passer de 200 000 à 400 000 en cinq
ans (16).
Transports
M. Bernard Attali, président d’Air France,
annonce un plan stratégique qui vise à sortir la compagnie du déficit d’ici à 1993. Il
prévoit 3 000 suppressions d’emploi et
l’abandon de la marque UTA.
ROUMANIE
Troubles
À Bucarest, durant trois jours, des milliers de mineurs venus protester contre
la politique de rigueur du gouvernement
affrontent les forces de l’ordre. Cinq personnes sont tuées. Le Premier ministre
Petre Roman présente sa démission, qui est
acceptée par le président Ion Iliescu le 27. Il
est remplacé le 1er octobre par son ministre
des Finances Theodor Stolojan.
IRAK
Défense
Après les menaces du président George
Bush et le transfert en Arabie Saoudite de
nouveaux armements américains, les autorités acceptent le survol de leur territoire
par des hélicoptères des Nations unies. Ces
appareils doivent transporter les experts
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CHRONOLOGIE
115
chargés de surveiller l’élimination des
armes de destruction massive.
É TAT S ! U N I S
Édition
La suite d’Autant en emporte le vent, écrite
par Alexandra Ripley et intitulée Scarlett,
est publiée simultanément dans dix pays,
dont la France. L’éditeur Warner Books a
versé 4,5 millions de dollars aux descendants de Margaret Mitchell pour obtenir
leur autorisation.
SALVADOR
Guerre civile
Après douze ans d’affrontements qui ont
fait 75 000 morts, le gouvernement et la
guérilla du Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN) parviennent à un
accord de principe. Conclu sous l’égide du
secrétaire général de l’ONU Javier Perez
de Cuellar, le texte prévoit une réforme de
l’armée, en plus de celle des institutions déjà
acceptée (31 décembre).
Jeudi 26
ENVIRONNEMENT
Le Xe congrès forestier mondial
Le Xe congrès forestier mondial, organisé à
Paris depuis le 17, aboutit à un compromis
entre la volonté de sauvegarde exprimée par
les pays du Nord et la liberté d’exploitation
revendiquée par les pays du Sud.
JAPON
Relations internationales
L’empereur Akihito entame à Bangkok la
première visite d’un souverain nippon en
Asie du Sud-Est depuis la Seconde Guerre
mondiale. Présentée comme une tournée
de réconciliation, celle-ci le conduit en
Thaïlande, en Malaisie et en Indonésie.
Vendredi 27
FRANCE
Politique étrangère
En dépit des protestations de la Chine
populaire, le gouvernement autorise les
industriels français à vendre à Taïwan des
coques de frégates non armées.
États-Unis/URSS
La « pax universalis »
Signé le 31 juillet par les États-Unis et l’URSS, le
traité START sur la réduction des armements stratégiques est obsolète avant même d’avoir été ratifié. Présenté comme un événement « historique »
après des années de mise au point, il est dépassé
par les surenchères de ses signataires. Le 27 septembre, le président George Bush présente une
initiative de désarmement nucléaire unilatérale à
laquelle le président Mikhaïl Gorbatchev s’associe
bientôt.
Après avoir évoqué, le 23, devant l’Assemblée des
Nations unies, le « partage des responsabilités »
dans l’établissement d’une pax universalis, M. Bush
tire les enseignements pratiques des récents événements de Moscou. Ceux-ci ont révélé les conséquences possibles de l’éclatement de l’Union sur la
maîtrise des armements nucléaires. Il s’agit donc
de donner au président de l’URSS les moyens de
contrôler... son désarmement.
M. Bush annonce l’élimination des armes à courte
portée basées à terre ou en mer et propose celle des
missiles balistiques à têtes multiples basés à terre.
Il suspend l’état d’alerte permanent des bombardiers stratégiques et renonce à moderniser les mis-
siles Midgetman et MX. Il propose enfin d’associer
l’URSS au programme de défense antimissile issu
de la « guerre des étoiles ». Le président américain
précise qu’il attend de son homologue soviétique
des mesures analogues.
Dès le lendemain, le chef du Kremlin déclare approuver dans son principe le plan américain. La
France et la Grande-Bretagne s’en félicitent, tout
en défendant leur « dissuasion minimum ».
Le 5 octobre, M. Gorbatchev présente ses contrepropositions. Approuvant l’élimination des armes
tactiques citées par M. Bush, il va plus loin en prodownloadModeText.vue.download 118 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
116
posant la destruction des armes de courte portée
aéroportées. Or celles-ci demeurent le seul instrument américain de défense sur l’Europe dans la
doctrine du « couplage » appliquée par l’OTAN. Il
approuve la suspension de l’alerte atomique permanente et des programmes d’armements stratégiques en cours ; il annonce une réduction de son
arsenal stratégique plus importante que celle prévue par le traité START, ainsi que la diminution de
700 000 hommes des effectifs de l’Armée rouge ; il
se déclare prêt à collaborer au projet de « guerre
des étoiles » ; enfin, il annonce un moratoire unilatéral d’un an sur les essais nucléaires.
Samedi 28
PROCHE!ORIENT
Conflit
À Alger, le Conseil national palestinien, parlement en exil de l’OLP, accepte le principe
d’une participation palestinienne à la conférence de paix israélo-arabe. Aboul Abbas,
qui était accusé de terrorisme par les ÉtatsUnis, annonce sa démission du Comité exécutif de l’organisation (éd. 1991).
SALVADOR
Justice
Premier militaire de ce rang à être ainsi
jugé, un colonel est reconnu coupable
d’avoir été l’instigateur de l’assassinat de
six prêtres jésuites et de deux femmes, en
novembre 1989.
Dimanche 29
ALGÉRIE
Troubles
Instauré le 5 juin pour contrer l’agitation
islamiste, l’état de siège est levé.
France
Jacquerie
« Pas de pays sans paysans ! » La dernière manifestation du monde agricole à Paris remontait à
1982. Mme Édith Cresson était alors ministre de
l’Agriculture. Le 29 septembre, ils sont 200 000 à
arpenter le pavé de la capitale à l’appel de la FNSEA et du CNJA, pour attirer l’attention du pays
sur leur sort. La manifestation, qui se déroule dans
le calme et la bonne humeur, est précédée d’une
distribution de produits régionaux dans diverses
mairies d’arrondissement.
Baisse des cours de la viande bovine et ovine,
fiscalité lourde et inadaptée, imbroglio et saupoudrage des aides sectorielles, importations des
pays de l’Est, projet de réforme de la PAC, menace
du GATT : les revenus agricoles ont diminué
en moyenne d’un quart en vingt ans ; durant la
même période, plus d’un million d’emplois ont
disparu ; l’endettement des exploitants devient
insupportable.
Déçus de n’être pas écoutés, les paysans – jeunes et
en total désarroi pour la plupart – se font entendre
depuis quelque temps. Ils accrochent des carcasses
de moutons aux grilles des préfectures, arrosent
de purin les façades des sous-préfectures, incendient les perceptions, détruisent les chargements
des camions immatriculés à l’étranger, bousculent
les gendarmes. Engagées avant la manifestation du
29 septembre, ces jacqueries s’intensifient après
l’annonce par le ministre Louis Mermaz d’un plan
d’urgence pour les éleveurs.
Le 9 octobre, ce dernier présente une série de
mesures sociales et fiscales à court terme destinées
à satisfaire les revendications les plus urgentes
autant qu’à mettre fin à l’agitation des campagnes.
Les intéressés jugent l’effort insuffisant. Durant
le mois d’octobre, une trentaine de déplacements
ministériels en province doivent être annulés. Le
président n’est pas épargné.
Le 19, M. François Mitterrand convoque une cellule de crise chargée de faire respecter l’autorité
de l’État. Le 22, sur les ondes de France-Inter, il
dénonce les « bandes » d’agriculteurs qui « mettent
en péril la République ». Mais, dans une déclaration au Journal du Centre du 24, le président
approuve la plupart des revendications paysannes
et propose la réunion d’« états généraux » sur les
zones rurales. Ceux-ci sont convoqués pour le
premier semestre 1992. Les dirigeants agricoles
appellent au calme, qui revient bientôt.
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CHRONOLOGIE
117
Lundi 30
É TAT S ! U N I S
Marée noire
L’État d’Alaska et la société Exxon parviennent à un accord sur la réparation
des dégâts causés par l’échouage du pétrolier Exxon-Valdez dans la baie du PrinceGuillaume, le 24 mars 1989. La compagnie,
qui a déjà consacré plus de 2 milliards de
dollars aux opérations de nettoyage, devra
verser 1,025 milliard de dollars d’indemnités aux victimes civiles.
HAÏTI
Coup d’État
Premier président du pays élu démocratiquement, en décembre 1990, le père JeanBertrand Aristide est renversé par un putsch
dirigé par le général Raoul Cédras, commandant en chef de l’armée. L’ancien chef
des « tontons-macoutes », Roger Lafontant,
est tué dans sa prison. Le 1er octobre, le père
Aristide parvient à quitter l’île, où l’armée
fait régner la terreur.
Le mois de
Raymond Lacombe
Le 29 septembre, nous étions 300 000 !
300 000 ruraux venus à Paris depuis les plus profonds terroirs de France témoigner dans le calme
et la dignité de notre désarroi présent, de nos espoirs de demain.
300 000 agriculteurs, artisans, commerçants, élus
de nos bourgades..., réunis en famille pour rappeler à nos cousins de la ville que, même aujourd’hui,
à l’heure des hypermarchés et des satellites, sous
les pavés, il y a partout et il y aura toujours la terre.
Étonnés de notre nombre, de cette ambiance à la
fois grave et bon enfant qui s’imposait à tous, c’est
pourtant avec angoisse que nous foulions le bi-
tume de la capitale : la France entendrait-elle notre
cri d’alarme, comprendrait-elle notre message ?
L’agriculture française se meurt, et avec elle dépérit l’ensemble du monde rural. Le milieu urbain,
quant à lui, implose sous les coups d’une surconcentration anarchique. L’un souffre d’anémie,
l’autre d’obésité. Mais combien de temps une tête
qui ne cesse d’enfler peut-elle survivre à un corps
atrophié ? Nous sommes bien loin du combat corporatiste. C’est une véritable question de société
qui est ainsi posée aux pouvoirs publics et à tous
les Français.
C’est alors qu’en ce premier dimanche d’automne,
en ce « Dimanche des terres de France », l’inespéré
se réalise. Autour des hommes, des produits et des
musiques de nos régions, les langues se délient et
retrouvent les accents oubliés. La surprise, voire
la suspicion s’effacent. Les a priori s’effondrent. La
communion est parfaite entre deux mondes à qui
l’on a trop longtemps fait croire qu’ils pouvaient
s’épanouir l’un sans l’autre. Parisiens et ruraux
redécouvrent cette précieuse alchimie des différences, qui a fait de la France un pays envié dans
le monde entier, une terre de cocagne riche d’une
diversité sans pareille.
Ce 29 septembre 1991 à Paris, une longue marche
commence. Elle interroge directement les pouvoirs publics et les élus de la nation. Sauront-ils
saisir cette chance, et enfin envisager le vrai débat
d’aménagement du territoire qui permettra de dessiner, par une planification forte et un engagement
de l’État, une nouvelle carte économique et sociale
respectant les équilibres entre ville et campagne ?
Nous le savons, le chemin est encore long et semé
d’embûches. Mais, s’il est vrai qu’il n’y a que le
premier pas qui coûte, alors nous pouvons tout de
même être optimistes. Car, ce premier pas, nous
l’avons fait ensemble, le dimanche 29 septembre
1991.
RAYMOND LACOMBE
président de la FNSEA
Météo : l’Été
La dernière décade de juin débute avec des températures de saison, de 2 à 5 °C supérieures aux
normales, et s’achève dans la fraîcheur. Pendant
cette période, marquée par le passage de plusieurs perturbations peu actives et le renforcement
des pressions les 29 et 30, les précipitations sont
faibles. Signalons cependant les violents orages,
accompagnés de grêle et très localisés, qui ont salué l’arrivée de l’été. Le 22 juin, Mirecourt, Poussay
et Mazirot, dans les Vosges, ont subi un déluge de
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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grêle ; en Bourgogne, une centaine d’hectares des
vignes les plus prestigieuses de la Côte-de-Nuits
(Chambertin, Charmes, Clos-la-Roche...) ont été
ravagés par la pluie et la grêle.
Juillet est chaud et orageux. Les températures sont
supérieures aux normales de 1 °C dans l’Ouest et
en Corse, de 1 à 2 °C dans le Nord, le Sud-Ouest,
le Sud-Est et le Centre-Est, de plus de 2 °C dans
le Nord-Est. Quelques records sont battus ; pour
les températures maximales : 35,7 °C à Nevers,
37,5 °C à Auxerre le 11 ; 36,9 °C à Montpellier le
13, 38 °C à Nîmes-Courbessac le 20 et, parmi les
minimales élevées : 23,2 °C à Carpentras le 9 et
à Salon-de-Provence le 15. Les précipitations sont
excédentaires dans le Nord et le Sud-Ouest, normales dans l’Ouest et le Nord-Est, déficitaires dans
le Centre-Est (28 %), le Sud-Est (53 %) et la Corse
(57 %).
Les pluies orageuses, abondantes et souvent intenses enregistrées du 4 au 7 et les 29 et 30 juillet, ont la même origine : l’advection depuis le sud
d’air chaud et humide imputable à la présence de
gouttes froides d’altitude. Parmi les précipitations
remarquables, nous retiendrons : 66 mm à Quimper le 5 et 58 mm le 6 ; 52 mm à Lille le 7 et surtout
le 30, 265 mm à Châteauneuf-du-Pape, 195 mm à
Orange ou 200 mm à Roquemaure. Ces dernières
pluies ont provoqué des inondations brutales dans
le Gard et le Vaucluse.
Au 31 juillet, le bilan hydrique diffère d’une région
à l’autre. Le rapport R/RU de la réserve disponible
à la réserve utile est supérieur à 50 % en Picardie,
en Bretagne, dans le Cotentin et dans le Nord, mais
il est inférieur à 10 % dans la Limagne, le Lyonnais,
le Bourbonnais, en Touraine et en Alsace.
Ailleurs dans le monde, l’actualité est dominée
par des inondations dévastatrices et meurtrières
consécutives à des pluies exceptionnelles. Tel est le
cas en Corée du 19 au 22 juillet, en Roumanie du
26 au 29 (près de 100 morts), en Inde où, le 30, un
village est détruit par la crue subite d’une rivière
(500 morts). En Chine, où les pluies de mousson
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CHRONOLOGIE
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n’ont pas cessé depuis la mi-mai, les eaux du Yangzi Jiang et de ses affluents ont submergé des millions d’hectares dans le Anhui, le Jiangsu, le Hubei
et le Shandong. Le bilan de l’inondation du siècle
est très lourd : près de 2 000 morts, des millions de
sans-abri, les cultures anéanties... En Espagne, la
chaleur caniculaire a fait plus de 100 morts entre le
15 et le 22 ; à New York, la température s’est maintenue à 38 °C sous abri du 20 au 23 juillet !
Août Ce mois restera dans les mémoires comme
très chaud et sec. Les températures moyennes sont
supérieures de 2 °C aux normales sur tout le pays ;
l’écart est de 2,6 C dans le Sud-Est, de 2,8 °C dans
le Nord-Est et même de 4,1 °C dans le Sud-Est. De
nombreux records sont battus : 37,5 °C à Albi et
37 °C à St-Girons le 6 ; 36,3 °C à Bergerac le 25 ;
37,7 °C à Agen, 39,5 °C à Beauchalot et 41,2 C à
Trensacq le 28. Août 91 a été le mois le plus chaud
à Toulouse-Blagnac depuis 1947, avec 24,2 °C et
à Bourges depuis 1913, avec 22,5 °C. Précisons
que les 320 heures d’ensoleillement mesurées à
Bourges sont un nouveau record en la matière.
Le déficit pluviométrique supérieur à 60 % quelle
que soit la région considérée a dépassé 70 % dans
le Nord-Est, le Sud-Est et la Corse. La modicité
des pluies s’explique par la faible activité des rares
perturbations qui ont traversé le pays et par l’établissement plus ou moins durable de pressions élevées. Les pluies les plus intenses ont été relevées
sous orages le 31 dans le Sud-Ouest : 35 mm en
1 heure à Mont-de-Marsan, 27 mm en 40 minutes
à Dax ou 61 mm en 30 minutes à Haut-Maves. Au
31 août, les réserves en eau dans l’horizon supérieur des sols sont très faibles dans tout le pays.
Au sud de la ligne La Rochelle-Metz, le rapport R/
RU est inférieur à 10 % ou même nul. Au nord de
cette ligne, il n’est qu’exceptionnellement supérieur
à 40 %, comme en Bretagne, dans le Cotentin et en
Picardie, par exemple ; 40 départements contre 27
en juillet ont pris des mesures visant à réduire la
consommation d’eau.
Certaines régions du monde ont connu des intempéries catastrophiques. Du 2 au 4 août, les pluies
torrentielles qui s’abattent sur le Tyrol, la région
de Linz et la Bavière provoquent coulées de boue,
glissements de terrain et inondations. À Passau
(Bavière), le Danube atteint sa cote maximale.
Du 17 au 19, l’ouragan Bob a balayé la côte est des
États-Unis. En Asie du Sud-Est, la mousson est
très abondante et les typhons très nombreux.
Septembre Les deux premières décades du mois
se caractérisent par des températures élevées et de
courts épisodes pluvieux (du 4 au 7 et du 10 au
13). Les températures maximales atteignent des
valeurs record dans l’Ouest le 5 : 32,6 °C à Vannes,
30,6 °C à Lorient… mais le 13, la première gelée,
avec 0,5 °C est observée à Villacoublay. Les pluies
orageuses qui se sont abattues sur la Gironde le 5,
la région toulousaine les 10 et 11, les Cévennes le
11 (46 mm en 1 heure à Vialat) ou sur la région
de Marseille le 12 ont provoqué des inondations
spectaculaires. Elles ont surtout contribué à améliorer le bilan hydrique des sols ; le rapport R/RU
est supérieur à 40 % sur plus de la moitié du pays.
PHILIPPE C. CHAMARD
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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Octobre
Mardi 1
FRANCE
Transports
Le Premier ministre, Mme Édith Cresson,
inaugure la ligne de métro sans pilote ORLYVAL, qui relie la gare RER d’Antony à
l’aéroport d’Orly.
TCHÉCOSLOVAQUIE
Relations internationales
En visite à Paris, le président Vaclav Havel
signe avec M. François Mitterrand un traité
d’amitié et de coopération. Le 3, les chefs de
la diplomatie tchécoslovaque et soviétique
paraphent un traité similaire ; le 6, un troisième traité est signé avec la Pologne (8).
Mercredi 2
FRANCE
Publicité
Le premier groupe français, Eurocom, et le
troisième, Roux-Séguéla-Cayzac-Goudard
(RSCG), annoncent leur fusion. Euro-RSCG devient le premier publicitaire européen et le sixième mondial.
CEE
Turbulences
Pour les Douze, principalement occupés à bâtir
une Union économique et monétaire ainsi qu’une
politique étrangère et de sécurité commune, la
politique industrielle ne constitue toujours pas
une priorité. Ce domaine est absent du traité de
Rome de 1957 comme de l’Acte unique de 1986. Le
respect du libre jeu de la concurrence tient en revanche une large place dans l’un et l’autre texte,
comme garantie du développement harmonieux
d’un grand marché sans frontières internes. Mais
quelle place doivent occuper les exigences de la
concurrence interne au regard de celles de la compétition internationale ? C’est le problème que soulève le veto opposé le 2 octobre par la Commission
de Bruxelles au rachat de l’avionneur canadien De
Havilland au groupe Boeing par les constructeurs
français Aérospatiale et italien Alenia.
Le 21 décembre 1989, sous la présidence française,
les ministres des Douze décidaient qu’à partir du
1er octobre 1990, les concentrations d’entreprises
donnant naissance à des groupes de plus de 5 milliards d’écus (35 milliards de francs) de chiffre
d’affaires seraient soumises à l’autorisation de
la Commission. Les 52 concentrations étudiées
depuis lors, comme le mariage Renault-Volvo ou
la fusion entre Air France, Air Inter et UTA, ont
toutes été approuvées par la direction générale de
la concurrence, sous réserve, parfois, de certains
aménagements.
Le commissaire britannique Sir Leon Brittan justifie ce premier avis négatif, entériné par la Commission puis par le Parlement de Strasbourg, par
la menace que ferait peser sur ses concurrents
européens – en l’occurrence British Aerospace et
Fokker – le nouvel ensemble, qui s’approprierait
50 % du marché mondial et 67 % du marché européen des avions de transport régional. Mais les
principaux concurrents des ATR franco-italiens et
des Dash canadiens sont fabriqués au Brésil ou en
Indonésie plus qu’en Europe, où la Commission
elle-même préconise la restructuration d’un secteur aéronautique que sa surcapacité industrielle
rend vulnérable. En bon Britannique, M. Brittan
a fait prévaloir le réflexe de protection des Européens contre la CEE sur celui de l’engagement
de l’Europe dans le monde de demain, mais la
Commission souhaitait aussi rappeler à l’ordre la
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CHRONOLOGIE
121
France, trop peu soucieuse de la réglementation
européenne à ses yeux.
Jeudi 3
ALLEMAGNE
Cérémonie
À Hambourg, la célébration de la première
« fête de l’unité » donne l’occasion aux dirigeants de condamner les violences xénophobes dirigées contre les immigrés, qui se
poursuivent toutefois au cours du mois à
travers le pays.
YOUGOSLAVIE
Conflit
Après avoir constaté le « danger de guerre
imminent », les représentants de la Serbie
et du Monténégro ainsi que des provinces
autonomes serbes du Kosovo et de la Voïvodine accordent à la présidence collégiale
réduite au « bloc serbe » le droit constitutionnel de gouverner par décrets ainsi que le
commandement suprême de l’armée fédérale (8).
Prix Nobel
Bulletin de victoire
« C’est un honneur pour l’Afrique du Sud », a déclaré le président Frederik De Klerk à l’annonce de
l’attribution, le 3 octobre, du prix Nobel de littérature à Nadine Gordimer, distinguée par l’Académie suédoise pour son talent à décrire « les conséquences qu’impliquent pour les êtres humains
les distinctions raciales ». Mais en Afrique du
Sud, les comptes rendus officiels de l’événement
n’ont pas évoqué l’aspect politique des romans de
Nadine Gordimer, ni son engagement personnel
aux côtés de Nelson Mandela. Les réactions des
autorités sont toutefois très différentes de celles
qui avaient marqué l’attribution du prix Nobel de
la paix 1984 à l’archevêque anglican du Cap, Mgr
Desmond Tutu. Cette première distinction était
un message d’encouragement à la lutte anti-apartheid, la seconde apparaît comme un bulletin de
victoire. Entre les deux dates, la « nouvelle Afrique
du Sud » du président De Klerk est née et les lois
ségrégationnistes ont été abolies.
Née en 1923 d’un père lituanien et d’une mère
anglaise dans une petite ville minière de la banlieue de Johannesburg, Nadine Gordimer a passé
son enfance à lire avant de se mettre tout naturellement à écrire. Ses premières nouvelles paraissent
dans les plus prestigieuses revues littéraires avant
qu’elle ait 20 ans. Son talent à dresser des scènes de
genre et à brosser des tableaux intimistes la font
comparer à Katherine Mansfield.
Émue par la montée de l’apartheid après la guerre,
sensibilisée par le milieu juif dans lequel elle vit,
elle fréquente cette intelligentsia blanche libérale
qui soutient les revendications défendues par l’élite
noire. Refusant de quitter son pays comme le font
certains de ses confrères au moment le plus sombre
du régime d’apartheid, elle entre dans les rangs de
l’ANC et défend le recours de l’organisation noire
à la violence. Certains de ses romans, A World of
Strangers (1958), The Late Bourgeois World (1966)
et Burger’s Daughter (1978), sont interdits par la
censure.
L’interdiction de ce dernier – inspiré du destin de
Bram Fischer, chef du PC sud-africain clandestin,
il raconte la quête d’identité de la fille d’un communiste blanc mort en détention – ne dura toutefois pas longtemps. L’audience mondiale de son
auteur ne la rendait plus possible. Le message de
la littérature sud-africaine engagée commençait de
faire son effet.
Vendredi 4
EUROPE
Industrie aéronautique
À Toulouse, à l’occasion de la célébration
du vingtième anniversaire d’Airbus, le
consortium de constructeurs allemands,
britanniques, espagnols et français fête la
sortie de chaîne du prototype de son premier quadriréacteur, l’A-340. Ce très-longcourrier est présenté comme le concurrent
du Boeing-747. Le 25, il effectue son premier vol.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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BELGIQUE
Vie politique
À la suite de la rupture entre les sociauxchrétiens flamands et les socialistes francophones, tout deux membres de la coalition
au pouvoir, le Premier ministre Wilfried
Martens présente la démission de son gouvernement. Le 7, les élections législatives
anticipées sont fixées au 24 novembre.
TCHÉCOSLOVAQUIE
Vie politique
Le Parlement adopte une loi d’épuration qui
interdit l’accès à la fonction publique pendant cinq ans à certaines catégories d’anciens responsables communistes.
JAPON
Vie politique
Après l’échec des deux projets de loi sur la
participation de son pays à une force des
Nations unies et sur la réforme du système
électoral, M. Toshiki Kaifu, Premier ministre depuis août 1989, présente la démission de son gouvernement (27).
Samedi 5
URSS
Aide économique
Le FMI (Fonds monétaire international) accorde à l’Union soviétique le statut d’« associé spécial », qui ne lui permet pas d’obtenir
des prêts, mais l’autorise à bénéficier d’une
assistance technique (17).
YOUGOSLAVIE
Monarchie
En visite à Belgrade à la demande de l’opposition anticommuniste, le prince Alexandre
Karadjordjević, fils du roi Alexandre Ier, se
pose en « protecteur de tous les Serbes » (8).
Dimanche 6
PAYS DE L’EST
Relations
Réunis à Cracovie, les présidents hongrois Jozsef Antall, polonais Lech Walesa
et tchécoslovaque Vaclav Havel décident
de renforcer leur coopération régionale et
demandent l’association de leurs pays à
l’Alliance atlantique et à l’Union de l’Europe
occidentale.
PORTUGAL
Élections législatives
Le Parti social-démocrate (centre droit)
du Premier ministre Anibal Cavaco Silva
conserve la majorité absolue au Parlement,
avec 135 sièges sur 230. Le Parti socialiste
n’atteint pas 30 % des voix et le Parti communiste passe pour la première fois de son
histoire au-dessous de la barre des 10 %.
Lundi 7
Le prix Nobel de médecine
Le prix Nobel de médecine est attribué aux
Allemands Erwin Neher et Bert Sakmann
pour leurs découvertes concernant « la
fonction individuelle de certains canaux
ioniques de la cellule » qui révolutionnent
la biologie cellulaire.
URSS/POLOGNE
Relations
Les deux pays parviennent à un accord sur
le retrait des 50 000 soldats soviétiques avant
la fin de 1992.
LIBYE
Fléau
Au terme d’une campagne d’un an qui a
coûté 100 millions de dollars, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation
et l’agriculture (FAO) annonce l’éradication
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CHRONOLOGIE
123
de la lucilie bouchère, la « mouche tueuse »
qui menaçait les cheptels africains.
HAÏTI
Vie politique
Contraint par l’armée, le Parlement élit président par intérim le doyen de la Cour de
cassation, M. Joseph Nerette, qui est chargé
d’organiser des élections dans un délai de
trois mois (8).
Mardi 8
ONU
L’OMS et l’UNICEF
L’OMS et l’UNICEF annoncent que
100 millions d’enfants de moins d’un an
sont à présent vaccinés contre les six prin-
cipales maladies infectieuses (rougeole,
diphtérie, coqueluche, tétanos, polyomiélite et tuberculose) dans les pays en voie de
développement. La vaste campagne lancée il
y a 15 ans a fait passer le taux de vaccination
de 5 % à 80 % dans cette population.
FRANCE
Archéologie
Le maire de Paris Jacques Chirac annonce
les découvertes de trois pirogues et de nombreux objets néolithiques datant du chasséen ancien (4300-4000 av. J.-C.), effectuées
sur un chantier du parc de Bercy, en août et
septembre.
ALLEMAGNE/TCHÉCOSLOVAQUIE
Relations
À l’occasion de la visite du président Richard von Weizsäcker à Prague, les ministres des Affaires étrangères allemand et
tchécoslovaque signent un traité d’amitié.
Les problèmes des indemnités réclamées
par la Tchécoslovaquie au titre des réparations de guerre, et par les Sudètes expatriés
de force après 1945, ne sont pas réglés.
YOUGOSLAVIE
Conflit
À l’expiration du moratoire de trois mois
réclamé par la CEE pour obtenir l’arrêt des
combats, les républiques de Croatie et de
Slovénie confirment leurs déclarations d’indépendance adoptées le 25 juin. L’aviation
fédérale bombarde le palais présidentiel de
Zagreb, capitale de la Croatie (15).
OEA
Sanctions
En réaction au coup d’État du 30 septembre
à Haïti, l’Organisation des États américains
décrète un embargo commercial et le gel des
actifs haïtiens à l’étranger. Plusieurs pays,
dont la France et les États-Unis, s’associent
à ces décisions.
Mercredi 9
FRANCE
Vie politique
Le Conseil des ministres adopte deux pro-
jets de loi sur le statut des élus locaux qui
leur accordent une protection professionnelle et leur garantissent une retraite, mais
diminuent globalement le montant de leurs
indemnités.
Grands travaux
Le maire de Paris, M. Jacques Chirac,
demande au président de la République
d’arrêter les travaux de la Bibliothèque
de France le temps d’examiner les points
de litiges soulevés par les 566 signataires
d’une lettre ouverte critiquant les choix
techniques retenus. Un audit est confié au
Conseil supérieur des bibliothèques, mais
les travaux continuent.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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Jeudi 10
FRANCE
Exposition
À Paris, le Grand Palais présente une vaste
rétrospective de l’oeuvre de Théodore Géricault à l’occasion du bicentenaire de la naissance du peintre.
CUBA
Vie politique
Lors de l’ouverture du IVe congrès du Parti
communiste, M. Fidel Castro confirme le
maintien de la stricte orthodoxie marxiste
du régime.
Vendredi 11
ONU
Le Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité adopte à l’unanimité la résolution 715 qui place l’industrie
militaire et paramilitaire de l’Irak sous le
contrôle des Nations unies.
URSS
Renseignement
Le Conseil d’État décide la dissolution
du Comité pour la sécurité d’État. Le
KGB doit être remplacé par quatre services indépendants, dont certains seront
interrépublicains.
Samedi 12
FRANCE
Spectacles
Créée en 1985 à Londres et en 1987 à New
York, la comédie musicale de Claude-Michel Schönberg et Alain Boublil, « les Misérables », tirée de l’oeuvre de Victor Hugo, est
présentée à Paris, au Théâtre Mogador. Elle
a déjà attiré 21 millions de spectateurs dans
le monde.
Ventes
À Monaco, la dispersion par Sotheby’s des
546 lots de la collection de Boris Kochno,
collaborateur de Serge de Diaghilev et compagnon du peintre et décorateur Christian
Bérard, rapporte plus de 21 millions de
francs.
URSS
Vie politique
En Géorgie, après plus d’un mois de conflit
entre le président Zviad Gamsakhourdia et
l’opposition, qui réclame son départ, le Parlement vote une diminution des pouvoirs du
chef de l’État.
BRÉSIL
Voyage pontifical
Le pape Jean-Paul II effectue jusqu’au 21
une visite dans le plus grand pays catholique
du monde, où il s’est déjà rendu en 1980. À
cette occasion, le saint-père condamne l’essor des sectes, plaide en faveur de la réforme
agraire et prend la défense des Indiens.
Dimanche 13
BULGARIE
Élections législatives
Avec 106 sièges sur 240, le Parti socialiste,
ex-communiste, perd la majorité absolue
au Parlement. Soutenue par le président Jeliou Jelev, l’Union des forces démocratiques
devient la première formation du pays en
remportant 110 sièges.
ALGÉRIE
Vie politique
Le Parlement dominé par le FLN rejette
l’essentiel des projets de réforme électorale présentés par le Premier ministre Sid
Ahmed Ghozali. Le 15, le président Chadli
Bendjedid fixe le premier tour des élections
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CHRONOLOGIE
125
législatives au 26 décembre (encadré Algérie, l’enjeu).
Lundi 14
Le prix Nobel de la paix
Le prix Nobel de la paix est attribué à la
Birmane Aung San Suu Kyi, dirigeante de
l’opposition à la junte militaire, « pour son
engagement en faveur de la démocratie et
des droits de l’homme ». La lauréate est en
résidence surveillée depuis juillet 1989.
Mardi 15
Le prix Nobel d’économie
Le prix Nobel d’économie est attribué
au Britannique Ronald Coase pour ses
recherches sur le rôle des firmes dans
l’économie.
ROUMANIE
Vie politique
Le Parlement investit le gouvernement
d’« ouverture » de M. Theodor Stolojan, qui
ne comprend toutefois que deux membres
de l’opposition.
YOUGOSLAVIE
Fédération
Le Parlement de Sarajevo proclame la souveraineté de la république de Bosnie-Herzégovine, qui est majoritairement peuplée de
musulmans.
É TAT S ! U N I S
Cour suprême
Le Sénat confirme la nomination du juge
noir conservateur Clarence Thomas. Ce dernier avait été accusé, le 6, de « harcèlement
sexuel » par une ancienne collaboratrice.
Mercredi 16
Le prix Nobel de physique
Le prix Nobel de physique est attribué
au Français Pierre-Gilles de Gennes pour
avoir montré « la valeur générale des
changements de phase dans des systèmes
aussi différents que les aimants, les supraconducteurs, les cristaux liquides ou les
polymères ».
Le prix Nobel de chimie
Le prix Nobel de chimie récompense les
travaux du Suisse Richard Ernst sur les
développements et les applications de la
spectroscopie à résonance magnétique nucléaire (RMN).
FRANCE
Politique sociale
Le Conseil des ministres adopte deux
mesures pour l’emploi présentées par Mme
Martine Aubry, ministre du Travail. Il s’agit
d’une exonération des charges sociales pour
l’embauche de jeunes sans qualification et de
l’octroi de crédits d’impôts pour l’emploi de
personnel de service.
Santé
Le gouvernement et la Sécurité sociale décident de mettre en place, en concertation
avec les professionnels, un dispositif permettant une maîtrise de la croissance des
dépenses sanitaires, qui atteint 7 % par an
(éd. 1991).
FRANCE/ALLEMAGNE
Relations
En vue du Conseil européen de décembre,
les deux pays rendent public un programme destiné à donner une « nouvelle
impulsion » à la sécurité européenne. Il
prévoit le renforcement de la coopération
entre l’Union de l’Europe occidentale (UEO)
et l’OTAN, ainsi que la constitution d’un
corps d’armée franco-allemand (encadré
CEE, au forceps).
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
126
INDE
Terrorisme
À Rudrapur, dans l’État de l’Uttar-Pradesh,
un attentat commis par des sikhs fait plus
de 50 morts. C’est la première fois qu’une
action de cette ampleur a lieu hors du
Pendjab.
É TAT S ! U N I S
Massacre
À Killeen (Texas), un homme armé d’un
pistolet semi-automatique tue 22 personnes
dans une cafétéria avant de se donner la
mort.
Jeudi 17
FINANCES MONDIALES
Le FMI et la Banque mondiale
Le FMI et la Banque mondiale achèvent
leur réunion annuelle commencée le 15 à
Bangkok. La CEE, les États-Unis et le Japon
décident d’accorder une aide d’urgence de
7,5 milliards de dollars à l’Union soviétique
(5).
OTA N
Les ministres de la Défense
Les ministres de la Défense des États
membres décident une réduction de 80 %,
en deux à trois ans, des armes nucléaires tactiques de l’Alliance stationnées en Europe.
FRANCE
Accident ferroviaire
En gare de Melun (Seine-et-Marne), la collision entre le Nice-Paris et un train de marchandises qui ne s’était pas arrêté à un feu
rouge fait 16 morts.
Conflits sociaux
La répression policière brutale d’une manifestation d’infirmières suscite des critiques
dans la classe politique.
Politique financière
La Banque de France abaisse son taux directeur de 9 à 8,75 % en vue s’assouplir les
conditions du crédit.
Vendredi 18
FRANCE
Archéologie
Le ministère de la Culture décide de classer
la grotte ornée de peintures et de gravures
datant du paléolithique supérieur (12 00011 0001 av. J.-C.) découverte durant l’été
dans les calanques de Marseille par M. Henri Cosquer.
URSS
Union
Huit républiques – toutes sauf l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine
– signent un traité économique, également
paraphé par le président Mikhaïl Gorbatchev. Simple déclaration de bonnes intentions, il n’aborde aucun des points essentiels de la coopération interrépublicaine.
YOUGOSLAVIE
Conflit
Le projet d’« union souple de républiques
souveraines et indépendantes », présenté à
la conférence de La Haye par la CEE comme
base de règlement politique, est rejeté par la
seule Serbie. Elle lui oppose le projet d’une
« mini-Yougoslavie » constituée des républiques qui voudront en faire partie et de
« régions autonomes serbes » de Croatie et
de Bosnie-Herzégovine. Un dixième cessezle-feu est conclu, qui n’est pas plus respecté
que les précédents (8 et 23).
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CHRONOLOGIE
127
Dimanche 20
SUISSE
Élections législatives
Les quatre partis de la coalition gouvernementale (radicaux, socialistes, démocrates
chrétiens, démocrates du centre), au pouvoir depuis 1959, conservent 147 sièges
(– 14) sur 200. Le score des formations
écologiste, libérale, populiste et d’extrême
droite est en progression.
TURQUIE
Élections législatives
Avec 115 sièges (– 177) sur 450, le Parti de
la mère patrie (ANAP, centre droit) du président Turgut Ozal cède la première place
sur l’échiquier politique au Parti de la juste
voie (DYP, conservateur) de M. Suleiman
Demirel, qui obtient 178 élus (+ 119).
Lundi 21
FRANCE
Santé
Le magistrat chargé d’instruire les plaintes
de transfusés contaminés par le virus du
Sida prononce l’inculpation du professeur
Jacques Roux, ancien directeur général de
la Santé, et des docteurs Robert Netter, ancien directeur du laboratoire national de la
santé, et Michel Garretta, ancien directeur
du CNTS.
LIBAN
Otages
La milice pro-israélienne de l’Armée du Liban Sud (ALS) libère 15 prisonniers chiites
libanais détenus dans la zone de sécurité
qu’elle occupe à la frontière de l’État hébreu. Quelques heures plus tard, le Djihad
islamique libère le professeur américain
Jesse Turner, enlevé à Beyrouth le 24 janvier
1987 (18 novembre).
ZAÏRE
encadré Zaïre, Mobutu chahuté
Mardi 22
ÉGLISE ORTHODOXE
Hiérarchie
Le saint-synode de l’Église de Constanti-
nople élit patriarche oecuménique le métropolite Bartholomée de Chalcédoine. Intronisé le 3 novembre, le nouveau chef spirituel
des 200 millions de chrétiens orthodoxes
remplace Dimitrios Ier, décédé le 3 octobre.
EUROPE
Un accord
Un accord en vue de l’instauration, en 1993,
d’un Espace économique européen (EEE) est
conclu entre les Douze de la Communauté
économique européenne (CEE) et les sept
membres de l’Association européenne de
libre échange (AELE).
Mercredi 23
YOUGOSLAVIE
Conflit
L’armée fédérale bombarde le centre historique du port de Dubrovnik, ancienne Raguse, qui est assiégé depuis trois semaines
(18).
Cambodge
Les Khmers bougent
À feu et à sang depuis la Seconde Guerre mondiale,
l’Indochine est-elle sur le chemin de la paix ? Le
23 octobre, la Conférence internationale de Paris
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
128
sur le Cambodge aboutit à un accord qui met fin à
21 ans de guerre dans ce pays.
Le 18 mars 1970, le prince Norodom Sihanouk
était renversé par les républicains de Lon Nol. Le
Viêt-cong alimentait la guérilla communiste des
Khmers rouges, qui se rapprochèrent pourtant
bientôt de Pékin. Le 17 avril 1975, Phnom Penh
tombait. Le président Khieu Samphan et son Premier ministre Pol Pot soumettaient alors le pays
à un programme de « régénération » appuyé sur
la terreur dont le bilan est estimé à (au moins) un
million de morts. Le 25 décembre 1978, à la suite
d’un incident de frontière, le Viêt-nam envahissait
le Cambodge, forçant les Khmers rouges à recommencer la guérilla.
Le 21 juin 1982, les hommes de Pol Pot, les répu-
blicains de Son Sann et les sihanoukistes s’allient
au sein d’une coalition dirigée par le prince. Les
premières négociations avec le régime de Phnom
Penh ont lieu en décembre 1987. La Conférence
internationale d’août 1989 est un échec. Mais, sous
la pression internationale et après le virage stratégique opéré par l’URSS, alliée du Viêt-nam, ce
dernier retire l’essentiel de ses troupes en 1989. Le
9 septembre 1990, les quatre factions cambodgiennes forment un Conseil national suprême
(CNS) dont Sihanouk prend la tête l’année suivante. Le 26 novembre 1990, l’ONU présente un
plan de règlement.
L’accord de Paris prévoit la création d’une Autorité
provisoire de l’ONU pour le Cambodge (APRONUC), le désarmement et la démobilisation des
belligérants, le rapatriement volontaire des populations déplacées ou réfugiées, le partage du pouvoir entre l’APRONUC, le CNS et l’administration
existante durant la période transitoire, l’élection
d’une Assemblée constituante au début de 1993, la
neutralisation du Cambodge et, enfin, les modalités de reconstruction de son économie exsangue.
Il s’agit de la plus importante opération jamais
réalisée par l’ONU et ses « casques bleus ». Mais
l’accord est bien fragile. Il n’a d’autre valeur que
celle que lui attribue chacune des factions dans sa
stratégie de reconquête du pouvoir.
Jeudi 24
FRANCE
Opinion
Un sondage de la SOFRES révèle que 32 %
des Français se déclarent plutôt d’accord
avec les idées défendues par M. Jean-Marie
Le Pen, président du Front national.
Vendredi 25
FRANCE/IRAN
Relations
Les deux pays parviennent à un accord au
sujet du remboursement du prêt octroyé en
1975 par le régime du chah pour la réalisation du programme nucléaire Eurodif. La
France devra verser 1,2 milliard de dollars
à l’Iran en plus des 630 millions de dollars
déjà remboursés.
ZAÏRE
encadré Zaïre, Mobutu chahuté
BULGARIE
Relations internationales
Le gouvernement de Sofia est le premier,
après ceux des États baltes, à établir des
relations diplomatiques avec la Fédération
de Russie.
Samedi 26
URSS
Union
Les électeurs de Turkménie se prononcent à
une forte majorité, par référendum, en faveur de l’indépendance de leur république.
Celle-ci est proclamée le 27.
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CHRONOLOGIE
129
Dimanche 27
FRANCE
Justice
Après trois semaines d’audience, la cour
d’assises du Var rend son jugement dans
l’affaire de la succession Canson. Reconnue
coupable de faux et usage de faux, extorsion
de signatures, non-assistance à personne
en péril et séquestration, Joëlle Pesnel est
condamnée à 13 ans de réclusion criminelle
(éd. 1989).
POLOGNE
Élections législatives
Les premières élections totalement libres
depuis 1936 sont marquées par un taux
d’abstention de 56,8 %. Seuls deux des trente
partis en compétition dépassent la barre
des 10 % : l’Union démocratique de l’ancien
Premier ministre Tadeusz Mazowiecki
(12,31 %; 62 sièges sur 460) et l’Alliance de
la gauche démocratique (ex-communiste ;
11,98 % ; 60 députés).
URSS
Nationalités
Dans la république de Tchétchéno-Ingouchie, les opposants musulmans au pou-
voir central russe organisent des élections,
malgré l’interdiction de Moscou. Chef de
la rébellion qui dure depuis deux mois, le
général Djokhar Doudaev est élu président.
C’est la première atteinte à l’intégrité de la
Fédération de Russie.
JAPON
Vie politique
Soutenu par le principal clan du Parti libéral démocrate (PLD), celui de l’ancien Premier ministre Noboru Takeshita, M. Kiichi
Miyazawa est élu à la présidence du parti
au pouvoir. Le 5 novembre, la Diète l’élit à
la tête du gouvernement en remplacement
de M. Toshiki Kaifu (4).
COLOMBIE
Élections législatives
Le Parti libéral au pouvoir remporte la
majorité absolue des suffrages, tandis que
son rival traditionnel, le Parti conservateur,
s’effondre, avec seulement 5 % environ des
voix. Le taux d’abstention est de 65 %.
Lundi 28
URSS
Vie politique
Le président de la Russie Boris Eltsine présente le plan de sauvetage de sa république,
qui prévoit la libération des prix avant la
fin de l’année, la privatisation de l’économie et une réforme agraire. Il annonce
son intention d’appliquer lui-même ce
programme en assurant les fonctions de
Premier ministre russe. Le 1er novembre, il
obtient un accroissement de ses pouvoirs
présidentiels.
Mardi 29
GRANDE!BRETAGNE/VIÊT!NAM
Relations
Les deux
triement
Hongkong
tannique
pays signent un accord sur le rapaforcé des « boat-people » détenus à
et auxquels le gouvernement brirefuse le statut de réfugiés.
SPORT
Automobile
Après plusieurs déclarations critiques
d’Alain Prost à l’encontre des formule 1
de Ferrari, le constructeur italien annonce
la rupture du contrat qui le liait au pilote
français.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
130
Mercredi 30
FRANCE
Relations internationales
Le président François Mitterrand reçoit le
président Mikhaïl Gorbatchev dans sa résidence de Latche (Landes). Le 31, lors d’une
conférence de presse commune, il réaffirme
son soutien au pouvoir central soviétique.
Justice
Chargé du dossier de l’attentat du 19 septembre 1989 contre un DC-10 d’UTA, le
juge Jean-Louis Bruguière délivre quatre
mandats d’arrêt internationaux contre des
agents des services secrets libyens.
Santé
Le ministre Jean-Louis Bianco annonce la
conclusion d’un accord entre l’État et les
compagnies d’assurances qui prévoit l’indemnisation de tous les séropositifs contaminés avant le 1er janvier 1990 à la suite
d’une transfusion sanguine.
Proche-Orient
L’auberge espagnole
Pour la première fois depuis 1948, les Israéliens,
les États arabes et les Palestiniens se retrouvent
autour de la même table. Le 30 octobre, dans la
salle des Colonnes du palais royal de Madrid,
s’ouvre la séance plénière de la Conférence de
paix au Proche-Orient. La date et le lieu ont été
annoncés par les chefs des diplomaties américaine
et soviétique le 18, à Jérusalem, où M. James Baker
achevait sa huitième tournée dans la région depuis
la fin de la guerre du Golfe.
Le 20 décembre 1990, Les États-Unis avaient marqué leur irritation à l’égard de l’attitude « négative »
d’Israël en signant une déclaration du Conseil de
sécurité de l’ONU favorable à l’organisation d’une
conférence internationale au Proche-Orient. Le
6 mars 1991, le président américain déclarait : « Le
temps est venu de mettre fin au conflit israéloarabe ». Le lendemain, M. Baker entamait la première de ses tournées, au cours desquelles il parvenait à rassembler les parties intéressées non pas
autour d’un plan de paix, mais grâce à la méthode
strictement diplomatique de la recherche du plus
grand dénominateur commun.
Les Arabes et les Palestiniens obtenaient la réunion
internationale qu’ils réclamaient. En contrepartie,
l’État hébreu imposait qu’elle ne se déroule pas sous
l’égide de l’ONU ni sur la base des résolutions 242
et 338 du Conseil de sécurité, que l’OLP n’y participe pas en tant que telle, et que la séance plénière
d’ouverture soit suivie de négociations bilatérales.
Aucun ordre du jour n’était défini. Le 31 juillet, à
Moscou, MM. George Bush et Mikhaïl Gorbatchev
annonçaient unilatéralement la convocation de la
conférence pour le mois d’octobre. Les intéressés
finissaient tous par donner leur accord.
La préparation de la Conférence donne lieu à des
retrouvailles. Le 18, l’URSS et Israël rétablissent
leurs relations rompues le 10 juin 1967, lors de la
guerre des Six jours. Le 19, M. Yasser Arafat est
reçu en grande pompe à Damas par le président
Hafez el-Assad.
À Madrid, MM. Bush et Gorbatchev, qui se refusent à « imposer un règlement », les représentants égyptiens et ceux de la CEE accueillent les
délégations israélienne et palestinienne, menées
respectivement par MM. Itzhak Shamir et Haïder
Abdel Chafi, ainsi que les représentants jordaniens,
syriens et libanais. Les participants exposent tour
à tour, durant trois jours, leurs positions apparemment inconciliables. L’ONU, le Conseil de coopération du Golfe et l’Union du Maghreb arabe disposent de postes d’observateurs.
Des querelles surgissent bientôt au sujet du lieu
d’accueil des discussions bilatérales. Les Arabes
désirent rester le plus longtemps possible dans un
environnement « international », tandis que les
Israéliens préfèrent négocier au Proche-Orient.
Jeudi 31
EUROPE
Immigration
Réunis à Berlin, les ministres de la Justice
ou de l’Intérieur de 27 pays européens décident de collaborer dans la lutte contre l’afdownloadModeText.vue.download 133 sur 490
CHRONOLOGIE
131
flux clandestin de populations originaires
d’Europe centrale et orientale.
MADAGASCAR
Vie politique
Après six mois de crise, le pouvoir et l’opposition parviennent à un accord. M. Didier
Ratsiraka reste président et chef des armées ; M. Albert Zafy, chef de l’opposition,
devient président de la Haute Autorité de
l’État pour la transition vers la IIIe République, qui remplace le Conseil suprême de
la Révolution et l’Assemblée nationale pour
une période de 18 mois.
ZAMBIE
Élections générales
Au pouvoir depuis l’indépendance (octobre
1964), M. Kenneth Kaunda perd l’élection
présidentielle au profit du chef de l’opposition, M. Frederick Chiluba, qui recueille
65 % des voix. La formation de ce dernier,
le Parti pour la démocratie et le multipartisme, obtient 116 des 150 sièges du Parlement au cours du premier scrutin multipartite depuis décembre 1972.
ARGENTINE
Politique économique
Le président Carlos Menem annonce un
plan de déréglementation de l’économie
adopté par décret, qui met fin au modèle
péroniste mis en place dans les années
trente.
Le mois de
James Mauvillain
Après les révélations faites par la presse en avril
sur les conditions dans lesquelles se sont produites
les contaminations par le VIH, notamment dans
les années 83, 84 et 85, la vérité est apparue dans
sa terrible réalité.
Ce que les transfusés informés pensaient être un
accident thérapeutique, ce que les hémophiles
croyaient être une fatalité, un nouveau coup du
sort, était en fait la conséquence d’une suite de
décisions réfléchies – peut-être devrait-on dire de
non-décisions – étayées sur des études et sur des
rapports, exposées au cours de réunions par des
médecins, par des scientifiques, à la fois conseillers de nos responsables de la Santé et gestionnaires intéressés de leur service public ou privé.
Des décisions trop souvent influencées par des
considérations économiques ou par un souci déplacé de protectionnisme national ou corporatiste.
Les responsables de la Santé publique ont-ils été
trompés comme les hémophiles ? Ou auraient-ils
été complices du système ? Et jusqu’à quel niveau
de la hiérarchie ? La justice devra répondre à cette
terrible question !
La contamination des hémophiles et des transfusés
a bouleversé les Français au point – à deux reprises
– de porter ce drame en tête des sondages d’opinion. Cette médiatisation, l’analyse du rapport de
l’Inspection générale des Affaires sociales publié
en septembre et les documents qui sortent régulièrement amènent « l’affaire » à son point culminant.
La longue liste des morts s’allonge toujours... Sur
les 1 200 hémophiles contaminés, 210 sont déjà
partis... Chez les transfusés, le chiffre de 6 000 à
7 000 contaminés est avancé. La plupart d’entre
eux ignorent leur séropositivité au VIH ! Personne
ne les a réellement et convenablement alertés ;
aucune campagne d’information n’a été faite. Ils
contaminent leurs partenaires, en toute bonne foi,
en pleine campagne de prévention du Sida !...
En octobre, tous les éléments sont réunis et l’instruction arrive à son terme. Le lundi 21, le juge en
charge des plaintes déposées par quelques dizaines
d’hémophiles prononce trois inculpations, celle du
directeur général du Centre national de transfusion sanguine, le Dr Michel Garretta, celle de l’exdirecteur général de la Santé, le Dr Jacques Roux,
et celle de l’ex-directeur du Laboratoire national de
la Santé, le Dr Robert Netter. Ultérieurement, l’ancien responsable du secteur hémophiles au CNTS,
le Dr Jean-Pierre Allain, sera également inculpé !
Deux médecins du CNTS, deux représentants de
l’État, également médecins, dont les décisions
ne semblent pas avoir été inspirées par le Code
d’éthique et de déontologie médicale.
Dans le même temps, la Commission européenne
des droits de l’homme contraint la France à rendre
justice à un hémophile contaminé. La Commission estime que le gouvernement et les tribunaux
administratifs français tardent trop à répondre à
la demande du patient, dont l’état de santé s’est
récemment aggravé. Elle s’appuie sur le « non-resdownloadModeText.vue.download 134 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
132
pect des délais raisonnables de procédure », invoquant l’article 6 de la Convention européenne. Le
vote est massif : 13 voix sur 15. L’avis est transmis
au Conseil de l’Europe et à la Cour européenne des
droits de l’homme. La décision finale tombera en
janvier…
Une transfusion, source de vie, qui se voulait un
exemple dans le monde, devenue génératrice
de drames collectifs ; une protection de la Santé
publique défaillante au pays de Médecins sans
frontière et de Médecins du monde, portant haut
le flambeau de l’action humanitaire ; un État français, le pays des droits de l’homme, jugé par la
Cour européenne de ces mêmes Droits ! Voilà bien
notre grande honte, en ce mois d’octobre.
N’oublions pas. Le geste du donneur, acte d’amour
pour l’autre, reste indispensable ; il faut le faire respecter en s’assurant qu’il est utilisé de la façon la
plus sûre pour le malade. Puisse ce geste généreux
effacer notre honte.
JAMES MAUVILLAIN
Président d’honneur
de l’Association française des hémophiles
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CHRONOLOGIE
133
Novembre
Vendredi 1
ALGÉRIE
Islam
À Alger, le Front islamique du salut (FIS)
rassemble des dizaines de milliers de manifestants à l’occasion du 37e anniversaire de
l’insurrection contre la colonisation française. Il se présente comme le seul héritier
du mouvement révolutionnaire de 1954.
Samedi 2
SPORT
Rugby
Au stade
l’équipe
Coupe du
l’équipe
londonien de Twickenham,
d’Australie remporte la deuxième
monde en battant en finale
d’Angleterre (12 à 6).
Dimanche 3
FRANCE
Crimes
Les corps de deux fillettes de dix ans, Muriel et Ingrid, disparues le 19 octobre à Elne
(Pyrénées-Orientales) sont retrouvés dans
l’Hérault sur les indications de l’assassin
présumé, Christian Van Geloven, cadre au
chômage, passé aux aveux la veille. Des élus
de l’opposition rouvrent à cette occasion le
débat sur la peine de mort.
NIGER
Institutions
Réunie à Niamey depuis le 29 juillet, la
conférence nationale réduit les pouvoirs du
président Ali Saïbou. Elle nomme M. André Salifou président du Haut Conseil de la
République qui doit remplacer l’Assemblée
durant une période transitoire de quinze
mois. Des élections pluralistes sont prévues. M. Amadou Cheffou est chargé de
diriger le gouvernement provisoire.
SPORT
Automobile
À Adélaïde, à l’issue du Grand Prix de formule 1 d’Australie, dernière épreuve de la
saison, le Brésilien Ayrton Senna confirme
son titre de champion du monde des
conducteurs et permet ainsi à McLarenHonda de remporter le titre mondial des
constructeurs devant Williams-Renault.
Tennis
Le Français Guy Forget bat l’Américain Pete
Sampras en finale de l’Open de Paris-Bercy
(7-6,4-6, 5-7, 6-4, 6-4).
Lundi 4
FRANCE
Sans-logis
Les 101 familles qui campaient depuis
le 13 juillet sur un terrain du quai de la
Gare, dans le XIIIe arrondissement de
Paris, acceptent les propositions de relogement provisoire faites par le préfet
d’Île-de-France.
Littérature
Le prix Goncourt est attribué à Pierre
Combescot pour les Filles du Calvaire
(Grasset). Le prix Renaudot récompense
Dan Franck pour la Séparation (Seuil).
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
134
PHILIPPINES
Vie politique
La veuve de l’ancien dictateur, Mme Imelda
Marcos, revient à Manille après cinq ans
d’exil. Elle y est inculpée de fraude fiscale, corruption et exportation illégale de
capitaux.
Mardi 5
FRANCE
Sidérurgie
Le groupe Usinor-Sacilor annonce la suppression de 6 700 emplois d’ici à la fin de
1994.
RUSSIE
Monarchie
Considéré comme l’héritier du trône impérial en tant que petit-cousin de Nicolas II, le
grand-duc Vladimir Kirillovitch Romanov,
qui a toujours vécu en exil, effectue une visite privée à Saint-Pétersbourg à l’invitation
du maire Anatoli Sobtchak. Le 7, il assiste
aux fêtes qui marquent le changement de
nom de la ville.
PHILIPPINES
Catastrophe naturelle
Le centre de l’archipel – notamment l’île de
Leyte – est dévasté par la tempête tropicale
« Thelma » dont le bilan s’élève à plus de
5 000 morts et à 120 000 sans-abri.
É TAT S ! U N I S
Vie politique
La victoire du candidat démocrate à l’élection sénatoriale de Pennsylvanie, où les républicains détenaient le siège depuis 1962,
apparaît comme un avertissement pour le
président George Bush auquel les Américains reprochent de négliger la politique
intérieure.
Renseignement
Le Sénat confirme la nomination de M. Robert Gates au poste de directeur de la CIA.
Les débats ont soulevé la question de la surestimation systématique du danger soviétique de la part de l’agence dont M. Gates a
été le numéro deux entre 1986 et 1988.
Grande-Bretagne
Fortune de mer
Britannique d’origine ruthène, extraverti et secret,
milliardaire et socialiste, Jan Ludvick Hoch, alias
Robert Maxwell, ne pouvait avoir une mort ordinaire. Le 5 novembre, « Captain Bob » disparaît de
son yacht, au large des Canaries. Son corps est retrouvé en mer. Les premiers examens concluent à
un accident cardiaque qui aurait entraîné sa chute,
mais les imprécisions de l’enquête font naître des
rumeurs de suicide, voire d’assassinat. Vivant, Robert Maxwell était déjà un sujet de légendes. Il le
demeure dans la mort. D’autant que le milliardaire
est apparu surendetté et que le grand brasseur d’affaires s’est révélé un escroc.
Né en 1923, ce fils d’un maquignon juif des Carpates fait la guerre dans les rangs de l’armée britannique, puis se marie avec une Française avant de
s’installer à Berlin. Après avoir plusieurs fois changé d’identité, il adopte le nom de Robert Maxwell.
En 1946, il obtient l’exclusivité de la distribution
mondiale des éditions scientifiques Springer, tout
en se livrant à quelques trafics. En 1951, il achète
ce qui deviendra les éditions Pergamon Press. Élu
député travailliste en 1964, il quitte les Communes
en 1970. En 1971, il est déclaré inapte à gérer une
société cotée. Il achète alors nombre d’imprimeries, de maisons d’édition et de journaux. En 1984,
il acquiert le groupe de presse du Daily Mirror. En
France, il investit notamment dans TF1 en 1987,
dont il se retirera, comme de l’ACP. En 1990, il
fonde l’hebdomadaire The European.
Ses prises de parti surprenantes, ses volte-face
inattendues, son caractère à la fois généreux et
impitoyable lui forgent un personnage de magnat
mégalomane qu’il entretient. On le prétend à
la fois agent du KGB, du Mossad et de la CIA. Il
en rit. Son carnet de chèques et sa renommée lui
ouvrent la porte des grands de ce monde. Les banquiers lui prêtent des milliards.
La découverte progressive, après sa mort, de la
situation véritable de l’empire Maxwell suscite
une surprise grandissante. On savait l’homme aux
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CHRONOLOGIE
135
abois. On ignorait l’existence de montages financiers frauduleux entre ses innombrables sociétés
familiales et ses sociétés publiques cotées, principalement Maxwell Communication Corporation
(MCC) et Mirror Group Newspaper (MGN). Les
créanciers imprudents et les illustres parrains
bernés ne s’expliquent pas leur aveuglement. Le
5 décembre, la nomination d’un administrateur
judiciaire à la tête du groupe consacre son effondrement. L’empire est à vendre. Le montant de ses
dettes dépasserait 30 milliards de francs.
Mercredi 6
FINANCES MONDIALES
La Réserve fédérale américaine
La Réserve fédérale américaine baisse son
taux d’escompte de 5 % à 4,5 % afin de stimuler la reprise économique. C’est la quatrième baisse de l’année. Le 14, la Banque
du Japon fait de même, en réduisant son
taux de 5,5 % à 5 %. Le 18, en revanche, la
Banque de France doit remonter son taux
directeur de 8,75 % à 9,25 % pour défendre
le franc.
FRANCE
Justice
La cour d’assises des Alpes-Maritimes
condamne à 18 ans de réclusion criminelle Nicolas Gouge, principal responsable
des attentats anticommunistes ou anti-immigrés, commis entre 1985 et 1988 dans
le département. Ses trois complices sont
condamnés à des peines de 8 à 14 ans de
prison. Un cinquième inculpé est acquitté
(éd. 1990).
URSS
Union
L’Ukraine et la Moldavie se rallient au traité
économique signé le 18 octobre par huit
autres républiques.
Vie politique
M. Boris Eltsine décrète la dissolution du
Parti communiste sur le territoire de la Fédération de Russie.
KOWEÏT
Pétrole
Avec de l’avance sur le calendrier, le dernier
des 732 puits incendiés par les Irakiens au
moment de leur retrait, en février, est éteint
en présence de l’émir. Les dégâts écologiques sont moindres que prévu.
Jeudi 7
FRANCE
Délocalisation
Le Comité interministériel d’aménagement du territoire décide de transférer en
province ou en banlieue vingt organismes
publics parisiens. L’École nationale d’administration (ENA) doit ainsi s’installer à
Strasbourg et la SEITA, à Angoulême.
Affaires
Le magistrat chargé du dossier de l’achat de
American National Can par Pechiney, en
décembre 1988, inculpe M. Alain Boublil,
ancien directeur de cabinet du ministre des
Finances, de délit d’initié.
Ventes
Lors de la dispersion des biens de Roberto
Polo à l’hôtel George-V, à Paris, un coffret
à bijoux qui aurait appartenu à Marie-Antoinette atteint le prix record de 23 millions
de francs.
URSS
Cérémonies officielles
Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, aucun défilé officiel sur la place Rouge, à Moscou, ne célèbre
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
136
l’anniversaire de la Révolution d’octobre, fête
nationale soviétique.
Nationalités
Confronté à la rébellion indépendantiste
de la communauté musulmane tchétchène,
M. Boris Eltsine décrète l’état d’urgence
dans la République autonome russe de
Tchétchéno-Ingouchie. Le 11, le Parlement
de Russie refuse d’entériner le décret et appelle à résoudre le conflit par des « moyens
politiques ».
CHINE/VIÊT!NAM
Relations
La signature de deux accords économiques
couronne la première visite à Pékin, depuis
la rupture de 1978, du secrétaire général du
PC vietnamien, M. Do Muoi, et du chef du
gouvernement de Hanoï, M. Vo Van Kiet.
É TAT S ! U N I S
Société
Le basketteur vedette de l’équipe des Lakers
de Los Angeles, Erwin « Magic » Johnson,
provoque une vive émotion dans l’opinion
en annonçant lors d’une conférence de
presse qu’il est séropositif et qu’il arrête la
compétition.
Vendredi 8
OTA N
Le sommet
Le sommet de l’Alliance atlantique organisé
depuis la veille à Rome confirme le rôle de
l’Europe en matière de défense et convient
d’établir des relations avec les pays de l’Est.
CEE
Les ministres des Affaires étrangères
Les ministres des Affaires étrangères
adoptent des sanctions économiques à l’encontre de la Yougoslavie, après le troisième
refus par la Serbie, le 5, du plan de paix proposé par les Douze le 18 octobre. Toutefois,
la conférence de paix de La Haye poursuit
ses travaux (27).
FRANCE
Conflits sociaux
Après l’évacuation des piquets de grève par
les CRS, le 5, et la signature d’un protocole
salarial avec la direction, les syndicats appellent à la reprise du travail à l’usine Renault de Cléon (Seine-Maritime). Entamée
le 17 octobre, la grève paralysait l’ensemble
du groupe.
BULGARIE
Vie politique
À la suite des élections du 13 octobre, le
Parlement investit le gouvernement de
M. Filip Dimitrov, président de l’Union des
forces démocratiques, principale formation
de l’opposition. Pour la première fois depuis
1944, aucun ministre n’est communiste
(13 octobre).
Samedi 9
HONGKONG
Réfugiés
Des manifestations éclatent dans les camps
lors du commencement des opérations de
rapatriement forcé des « boat-people » vietnamiens, en application de l’accord passé le
29 octobre entre la Grande-Bretagne et le
Viêt-nam (29 octobre).
Europe
Du soleil en boîte
Depuis les années 1950, les chercheurs tentent de
domestiquer le feu des étoiles, qui est aussi celui
de la bombe H. L’objectif est de disposer, aprèsdemain, d’une énergie quasi illimitée, peu chère
et non polluante. Le 9 novembre, les scientifiques européens du Joint European Torus (JET)
de Culham, en Grande-Bretagne, parviennent à
produire une quantité significative d’énergie par
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CHRONOLOGIE
137
fusion thermonucléaire. Pour la première fois,
l’homme a réussi à mettre le soleil en boîte.
Le principe de la fusion est simple : la soudure
de deux noyaux d’hydrogène produit de l’hélium
et libère des neutrons chargés d’une importante
quantité d’énergie. Sa mise en application est plus
difficile : électriquement chargés du même signe,
les noyaux d’hydrogène se repoussent. La force
de gravitation qui règne au centre des étoiles provoque un échauffement de la matière qui détruit la
barrière électrique nucléaire. Les noyaux d’hydrogène fusionnent à 200 millions de degrés. Sur la
Terre, il n’existe nulle force ni température de cet
ordre. Pour « allumer » une bombe H, on se sert de
l’énergie d’une bombe A : difficile à utiliser dans
une centrale électrique.
Aucun matériau ne résiste à la température nécessaire pour activer la réaction de fusion. Aussi les
chercheurs ont-ils inventé un récipient immatériel, constitué d’un espace délimité par de puissants champs magnétiques. Ceux-ci sont créés
à l’intérieur d’un tore dans lequel règne un vide
quasi absolu. Un mélange de deutérium et de tritium – deux isotopes de l’hydrogène – est chauffé
dans le tore sous l’action des champs magnétiques.
Les neutrons libérés au moment de la fusion vont
frapper la paroi du tore constituée de lithium, qui
se transforme en tritium et s’échauffe.
L’appareil a été mis au point en 1968 par des Soviétiques, qui l’ont baptisé « tokamak ». En plus de
l’URSS, les États-Unis, le Japon, la France et l’Europe en possèdent aujourd’hui. Un programme
international est en cours. Première « machine
mondiale » de production d’énergie, l’ITER (International Thermonuclear Experiment Reactor) sera
opérationnel vers l’an 2000.
Il a fallu introduire une énergie de 15 mégawatts
dans le JET pour obtenir, durant 2 secondes, une
énergie de 2 mégawatts. Le seuil de rentabilité
énergétique est loin d’être atteint. Il s’agissait pour
les chercheurs européens de marquer leur avance
afin de justifier leur place dans le projet ITER et
d’obtenir que le budget du JET ne soit pas diminué
en 1992, comme prévu.
France
Dernier rôle
Ses coups de coeur, ses coups de gueule étaient un
peu les nôtres. Ses chansons, ses films ont ponctué la vie de chacun. Avec Yves Montand, mort le
9 novembre à Senlis (Oise), c’est un demi-siècle de
son talent que la France pleure.
Né en 1921 à Monsumano-Alto, en Toscane, Ivo
Livi quitte bientôt l’Italie fasciste avec sa famille
pour Marseille. À 11 ans, il travaille en usine
avant de passer son CAP de coiffeur. Ses héros
s’appellent Fernandel, Maurice Chevalier, Charles
Trenet, Fred Astaire et Gary Cooper. En 1939, il
monte sur la scène de l’Alcazar de Marseille. Dans
les plaines du Far West est la seule chanson de son
répertoire. Pour échapper au STO, il va se réfugier
sous les sunlights parisiens. Au Moulin-Rouge, il
passe en première partie d’Édith Piaf. C’est elle qui
en fait un artiste de music-hall.
En 1945, elle l’impose dans Étoile sans lumière,
de Marcel Blistène. Le Salaire de la peur, d’Henri-Georges Clouzot, qui obtient le grand prix du
festival de Cannes 1953, le révèle. La même année,
Simone Signoret est dans la salle du music-hall
de l’Étoile, où il passe en vedette. Édith l’a fait
naître. Simone l’éduque. Cette fille de Neuilly canalise les révoltes du fils de prolo. C’est l’époque
du voyage en URSS, où le couple part « sermonner » Krouchtchev – les chars soviétiques sont à
Budapest. Le compagnon de route du PCF prend
ses distances. Et traverse l’Atlantique. En 1960, à
Hollywood, Montand tourne le Milliardaire de
George Cukor, avec Marilyn Monroe. Elle est la fée
du conte auquel il croit le temps d’une idylle.
En 1965, Montand rencontre Costa-Gavras pour
Compartiment tueurs. Il lui vaut quelques-uns
de ses meilleurs rôles, dont ceux de Z (1968) et
de l’Aveu (1969). Cette fois, les chars soviétiques
sont à Prague. La rupture avec le communisme
est consommée. Le chanteur continue à se produire sur scène, à enregistrer, et conquiert le
monde entier. Les Feuilles mortes et les Grands
Boulevards (Jacques Prévert et Francis Lemarque),
sont toujours à son répertoire. D’autres cinéastes
deviennent des fidèles, comme Claude Sautet ou
Alain Corneau.
Après l’arrivée de la gauche au pouvoir – et la mort
de Simone –, Montand devient le porte-parole
des désillusionnés. Mais il ne sera pas le Ronald
Reagan français. Ce sont sa compagne Carole et
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
138
Claude Berri qui lui donnent ses derniers grands
rôles : devenir papa et incarner le papé de Jean de
Florette et Manon des sources (1985).
Dimanche 10
FRANCE
Vie politique
Lors d’un entretien télévisé sur La Cinq, le
président François Mitterrand annonce qu’il
soumettra au Parlement et aux Français, au
second semestre de 1992, diverses propositions de modification de la Constitution.
Lundi 11
G 24
La troisième réunion
La troisième réunion, à Bruxelles, des pays
de l’OCDE – plus la Turquie – et des organisations financières internationales est
consacrée à l’aide aux pays de l’Est, qui s’est
élevée à 32 milliards de dollars en 1991,
dont 8 milliards de dons. Les pays de la
CEE et de l’AELE, qui contribuent pour
81 % du total, reprochent aux États-Unis,
qui en versent 7,7 %, de consentir un effort
insuffisant. La part du Japon est de 8,6 %
SUÈDE
Politique économique
Le Premier ministre libéral Cari Bildt annonce un programme de privatisation qui
doit toucher 35 entreprises publiques appartenant au secteur concurrentiel.
Mardi 12
FRANCE
Histoire
Établi par la police du régime de Vichy, le
fichier des juifs qui servit aux rafles de 1941
et 1942, et que l’on croyait égaré ou détruit,
est retrouvé dans les archives du secrétariat
d’État aux Anciens Combattants.
TIMOR
Répression
À Dili, capitale du territoire portugais annexé de force par l’Indonésie en 1976, l’armée tire sur une foule de jeunes militants
indépendantistes désarmés et tue plusieurs
dizaines de personnes.
Mercredi 13
DJIBOUTI
Troubles
Le gouvernement décrète la mobilisation
générale à la suite d’accrochages, dans le
nord du pays, entre l’armée et des rebelles
afars réunis au sein du Front révolutionnaire pour l’unité et la démocratie (27).
HAÏTI
Coup d’État
Entamée le 10 en vue de négocier le retour
à l’ordre constitutionnel après le putsch du
30 septembre, la mission de l’OEA aboutit à
un échec. Il en est de même de la rencontre
organisée le 22 à Carthagène, en Colombie,
entre le président Jean-Bertrand Aristide et
une délégation de parlementaires haïtiens
(19).
Jeudi 14
CAMBODGE
Conflit
Après 13 années d’exil, le prince Norodom
Sihanouk, président du Conseil national
suprême, revient à Phnom Penh et s’installe
au palais royal. Le 20, le régime en place
le reconnaît comme chef de l’État. Rompant avec ses anciens alliés Khmers rouges
et nationalistes, le prince se rapproche du
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CHRONOLOGIE
139
Premier ministre Hun Sen, qu’il confirme à
son poste (22).
É TAT S ! U N I S / É CO S S E
Terrorisme
Les autorités judiciaires des deux pays annoncent la délivrance de mandats d’arrêt
internationaux contre deux agents libyens
inculpés pour leur participation à l’attentat
de Lockerbie. Le 22 décembre 1988, l’explosion en vol d’un Boeing-747 de la compagnie PanAm au-dessus de la ville écossaise
avait fait 270 morts (30 octobre).
Vendredi 15
URSS
Relations internationales
À Moscou, la rencontre avec une délégation
représentant les factions modérées de la
résistance afghane aboutit à de nombreuses
concessions de la part des autorités soviétiques et russes.
YOUGOSLAVIE
Guerre civile
Les représentants du « bloc serbe » au Parlement décident le limogeage du Premier
ministre fédéral Ante Markovic, croate, qui
était partisan du dialogue.
Samedi 16
FRANCE
Vie politique
À Marseille, M. Bruno Mégret, candidat
du Front national aux élections régionales
en Provence-Alpes-Côte d’Azur, présente
50 mesures qui constituent une « contribution au règlement du problème de l’immigration. Ce programme radical suscite l’indignation dans la classe politique.
JORDANIE
Vie politique
Confronté à l’hostilité du Parlement,
M. Taher Masri, Premier ministre depuis le
18 juin, présente la démission de son gouvernement. Il est remplacé par le maréchal
Zeid Ben Chaker, qui a déjà occupé ce poste
après les émeutes d’avril 1989.
Dimanche 17
FRANCE
Manifestations
Plus de cent mille membres des professions
de santé défilent dans les rues de Paris pour
protester contre le projet de réforme du système d’assurance maladie.
SOMALIE
Troubles
De violents combats opposent les deux
clans qui composent le Congrès de la Somalie unifiée au pouvoir à Mogadiscio depuis la chute du président Siyad Barre en
janvier. Les partisans du président Ali Mahdi Mohamed et ceux du général Mohamed
Farah Aïdid s’affrontent durant tout le mois
(encadré Somalie, l’enfer).
Lundi 18
FRANCE
Justice
La cour d’assises de Paris déclare le prince
Victor-Emmanuel de Savoie non coupable
de la mort d’un jeune Allemand atteint
par une balle perdue, le 18 août 1978, dans
l’île de Cavallo, en Corse-du-Sud. Elle le
condamne à six mois de prison avec sursis
pour port d’arme prohibée.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
140
YOUGOSLAVIE
Guerre civile
Après trois mois de siège et de bombardements, les combattants croates qui défendaient Vukovar offrent leur reddition. Le 19,
l’armée fédérale prend le contrôle total de la
ville et organise l’évacuation des habitants
et des blessés.
LIBAN
Otages
Le Djihad islamique libère le Britannique
Terry Waite, émissaire de l’archevêque de
Cantorbéry, enlevé le 20 janvier 1987, et le
professeur américain Thomas Sutherland,
détenu depuis le 9 juin 1985 (2 décembre).
Mardi 19
FRANCOPHONIE
Le IVe sommet
Le IVe sommet des pays ayant en commun
l’usage du français réunit 50 délégations à
Paris jusqu’au 21. Dans son discours d’ou-
verture, le président François Mitterrand
module le principe de la « prime à la démocratisation » énoncé lors de la conférence de
La Baule en juin 1990 et admet que chaque
État fixe en la matière « les modalités et le
rythme qui lui conviennent ».
FRANCE
Politique extérieure
Le Quai d’Orsay rappelle « pour consultation » son ambassadeur à Haïti, M. JeanRaphaël Dufour, dont les autorités issues
du coup d’État du 30 septembre avaient, le
15, demandé le départ dans les 48 heures.
Littérature
Le prix Interallié est attribué à Sébastien Japrisot pour Un long dimanche de fiançailles
(Denoël).
URSS
Vie politique
M. Mikhaïl Gorbatchev nomme
M. Édouard Chevardnadze ministre des
Affaires étrangères, fonction qu’il avait occupée de juillet 1985 jusqu’à sa démission
en décembre 1990. Il remplace M. Boris
Pankine, nommé après le putsch du mois
d’août.
Mercredi 20
FRANCE
Relations internationales
Le président François Mitterrand et M. Ion
Iliescu, président de la Roumanie, qui participe à Paris au sommet de la francophonie,
signent un traité d’entente et de coopération.
TURQUIE
Vie politique
À la suite des élections du 20 octobre,
M. Suleyman Demirel, chef du Parti de la
juste voie (conservateur), forme un gouvernement de coalition avec le Parti populiste
social-démocrate (gauche). Ancien Premier ministre, il avait été renversé par les
militaires en septembre 1980. Il s’engage à
promouvoir les droits de l’homme dans le
pays.
Jeudi 21
ONU
Le Conseil de sécurité élit M. Boutros
Boutros-Ghali, vice-Premier ministre égyptien et négociateur des accords de Camp
David, au poste de secrétaire général. Il doit
remplacer M. Javier Perez de Cuellar, dont
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CHRONOLOGIE
141
le mandat prend fin le 31 décembre et qui
ne se représentait pas.
G7
URSS
FRANCE
Partis politiques
Le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur le financement des formations politiques constate que « les pratiques
occultes n’ont pas disparu ». Il préconise le
renforcement des lois de 1988 et 1990 sur le
financement public des partis et des campagnes électorales (éd. 1991).
URSS
Finances
Les représentants de huit des douze républiques et ceux des sept pays les plus industrialisés (G7) parviennent à un accord qui
prévoit le rééchelonnement partiel de la dette
extérieure de l’URSS, dont le remboursement de novembre n’a pu être honoré.
Océan Pacifique
La galère
« Ce n’est ni pour le plaisir du défi ni pour celui
de l’exploit que je fais cela. Ce qui me passionne,
c’est de m’attaquer à un grand projet qui me semble
irréalisable, d’en évacuer l’irrationnel, d’en trouver
la faille, d’inventer les moyens et, enfin, de me
conditionner pour aller jusqu’au bout. » Traverser
le Pacifique comme on résout une équation dont
la principale inconnue demeure l’homme, c’est
l’objectif atteint par Gérard d’Aboville le 21 novembre à Ilwaco, petit port américain de l’État de
Washington, après 134 jours en mer et quelques
millions de coups d’aviron.
L’aïeul, Marie-François, est un héros de Fontenoy
et des guerres napoléoniennes. Dans cette vieille
famille bretonne, le goût de l’aventure se transmet
avec la particule. Rompant avec une longue tradition familiale, Gérard d’Aboville n’embrasse pas
la carrière militaire. À peine ses études commerciales terminées, il effectue un tour du monde à la
voile. En 1980, le public découvre son nom. À bord
d’un canot de 5,50 mètres baptisé Captain Cook,
qu’il a construit de ses mains, il traverse l’Atlantique à l’aviron en 72 jours. Et jure de ne jamais
recommencer.
Onze ans plus tard, le 11 juillet 1991, dans le
port japonais de Choshi, à 200 kilomètres à l’est
de Tokyo, Gérard d’Aboville s’embarque pour une
traversée deux fois plus longue : 5 500 milles, soit
plus de 10 000 kilomètres. Le canot, qui porte le
nom de son sponsor suisse, Sector, a grandi. Ponté, il mesure 8 mètres de long pour 1,80 mètre de
large et ne pèse à vide que 150 kilos – 500 en pleine
charge – grâce à l’emploi de matériaux composites.
Doté de ballasts qui permettent de le retourner en
cas de chavirement, il comprend un compartiment
à vivres, une cabine de navigateur et un poste de
nage équipé d’avirons de 3 mètres de long et d’un
siège coulissant qui actionne les pompes d’un désalinisateur d’eau de mer.
Le canot traverse deux typhons, chavire 31 fois et
résonne souvent des hurlements de douleur physique ou morale du rameur qui se dira « marqué
au burin » par ce qu’il a subi. Les doutes et les
furoncles, le couchage mouillé et l’immense solitude du 46e anniversaire au milieu de l’océan, tout
cela n’appartient qu’à lui. Les médias évoquent son
« exploit surhumain », alors que son entreprise,
justement, est essentiellement « humaine ». Dans
son canot amarré au quai du petit port américain,
il mettra de longs instants à ranger ses affaires
avant de débarquer, de « se quitter » pour rejoindre
les autres, d’entrer dans la fête qui commençait,
alors que, pour lui, tout était fini.
Vendredi 22
CEE
La Commission de Bruxelles
La Commission de Bruxelles signe des accords d’association avec la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Ces textes sont
une étape sur le chemin de leur adhésion
à la Communauté, qui est évoquée comme
un « objectif ultime ».
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
142
FRANCE
Relations internationales
v. Cambodge
Musique
À l’Opéra-Comique, dans le cadre du festival d’Automne, le chef d’orchestre hongrois Peter Eötvös dirige Hyperion, suite de
pièces musicales composées par Bruno Maderna entre 1963 et 1968 d’après le roman
de Friedrich Hölderlin.
PROCHE!ORIENT
Conflit
Les États-Unis invitent unilatéralement
Israël, les Palestiniens et les pays arabes à
poursuivre à New York, à partir du 4 décembre, les négociations bilatérales entamées à Madrid le 3 novembre. Israël demande en vain le report de la réunion au
9 décembre (10 décembre).
CAMBODGE
Relations internationales
Le ministre français des Affaires étrangères,
M. Roland Dumas, est le premier officiel
étranger à être reçu par le prince Norodom
Sihanouk depuis son retour à Phnom Penh
(14 et 27).
Samedi 23
MADAGASCAR
Vie politique
Au terme d’un compromis au sujet de
l’accord du 31 octobre entre le régime du
président Didier Ratsiraka et l’opposition,
la « Haute Autorité de l’État pour le nouveau gouvernement provisoire » dirigée par
M. Albert Zafy entre en fonctions. Elle est
chargée d’élaborer de nouvelles institutions
(encadré Madagascar, forces vives).
Dimanche 24
BELGIQUE
Élections législatives
Au terme d’une campagne dominée par
les questions linguistiques et le problème
de l’immigration, les résultats du scrutin
illustrent le recul des formations traditionnelles au profit de l’extrême droite, qui
obtient 12 sièges (+ 10) en Flandre, et des
écologistes, qui remportent 10 sièges (+ 7)
en Wallonie. La coalition au pouvoir ne
conserve que 130 sièges (– 20) sur 212. Le
25, le Premier ministre Wilfried Martens
présente la démission de son gouvernement.
Lundi 25
FRANCE
Société
Le groupe Pinault annonce l’achat aux familles suisses Nordmann et Maus de 40,6 %
des parts des magasins Au Printemps pour
un montant de 3,3 milliards de francs, et le
lancement d’une OPA en vue de détenir les
deux tiers du capital du groupe.
Littérature
Le prix Femina est attribué à Paula Jacques
pour Deborah et les anges dissipés (Mercure
de France). Yves Simon reçoit le prix Médicis pour la Dérive des sentiments (Grasset).
URSS
Union
Les dirigeants de sept républiques réunis
autour du président Mikhaïl Gorbatchev
décident l’ajournement de la signature
du traité accepté le 14, qui doit donner
naissance à une Union d’États souverains
(8 décembre).
JAPON
Audiovisuel
Le canal Hi Vision est la première chaîne
de télévision à lancer un programme régudownloadModeText.vue.download 145 sur 490
CHRONOLOGIE
143
lier de huit heures quotidiennes en haute
définition.
ZAÏRE
Vie politique
À la suite de l’accord politique du 22 conclu
grâce à la médiation du Sénégal, le président Mobutu Sese Seko nomme Premier
ministre M. Nguz Karl I Bond, l’un des dirigeants de l’Union sacrée de l’opposition.
L’aile radicale de celle-ci, regroupée autour
de M. Étienne Tshisedeki, conteste sa nomination. Ses représentants sont exclus du
gouvernement modéré formé le 28 (encadré
Zaïre, Mobutu chahuté).
Mardi 26
CONSEIL DE L’EUROPE
La Pologne
La Pologne devient, après la Hongrie et la
Tchécoslovaquie, le troisième pays de l’Est
à obtenir son adhésion à l’organisation
européenne.
URSS
Nationalités
La décision du Parlement d’Azerbaïdjan de
supprimer le statut d’autonomie de l’enclave
à majorité arménienne du Haut-Karabakh
attise la tension dans la région.
Mercredi 27
ONU
Le Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité adopte à l’unanimité
la résolution 721 qui appuie la mission de
M. Cyrus Vance en Yougoslavie. L’envoyé de
l’ONU doit examiner la possibilité du déploiement des Casques bleus dans le pays,
réclamé par les belligérants. Le 23, un quatorzième cessez-le-feu avait été conclu. Il
est resté aussi vain que les précédents.
FRANCE
Relations internationales
Djibouti
Santé
Le Conseil des ministres approuve le projet
de loi d’indemnisation des transfusés contaminés par le virus du Sida. Une partie du
financement proviendrait d’une augmentation des contrats d’assurance (4 décembre).
CAMBODGE
Émeute
À son retour à Phnom Penh, le dirigeant
khmer rouge Khieu Samphan manque de se
faire lyncher par la foule. Il est évacué vers
Bangkok en compagnie de l’autre responsable khmer rouge, M. Son Sen.
DJIBOUTI
Troubles
Les indépendantistes afars en rébellion
dans le nord du pays depuis deux semaines
décrètent un cessez-le-feu et annoncent leur
volonté d’engager un dialogue politique avec
les autorités. Le président Hassan Gouled
promet une consultation populaire. Le 29, la
France accepte de déployer des soldats à la
frontière avec l’Éthiopie, en application des
accords de 1977 (13).
Jeudi 28
FRANCE
Politique économique
Le gouvernement annonce les grandes
lignes d’un plan de modernisation des ports
qui prévoit la réforme du statut des dockers.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
144
Académie française
Accueillie sous la Coupole par Michel
Déon, Mme Hélène Carrère d’Encausse prononce l’éloge de Jean Mistler.
I TA L I E / F R A N C E
Sociétés
Le groupe Agnelli annonce le lancement
d’une OPA d’un montant de 5,2 milliards
de francs sur Exor, principal actionnaire
de Perrier et propriétaire de Château-Margaux, ainsi que d’un parc immobilier à
Paris.
Vendredi 29
FRANCE
Justice
Au terme de douze ans de procédure, la
cour d’assises spéciale de Paris rejuge et
acquitte le physicien allemand Rolf Dobbertin, condamné le 15 juin 1990 à 12 ans
de réclusion criminelle pour espionnage au
profit de la RDA.
Économie
L’introduction en Bourse du Crédit Local
de France (CLF) suscite plus d’intérêt de la
part des acheteurs étrangers que des français. Les 9,3 millions d’actions offertes au
prix de 210 francs représentent 27 % du
capital de l’établissement financier.
URSS
Finances publiques
Privée des contributions budgétaires des républiques, la Banque centrale annonce que
les salaires des fonctionnaires ne peuvent
plus être versés. Le 30, les autorités financières de la Fédération de Russie se substituent au pouvoir central.
Samedi 30
FRANCE
Expositions
Le Musée d’art moderne de la Ville de Paris
présente plus de 300 oeuvres du peintre et
sculpteur Alberto Giacometti.
ALGÉRIE
Politique économique
Le Parlement adopte une loi qui autorise les
compagnies étrangères à prendre des participations à hauteur de 49 % dans le secteur
des hydrocarbures. Celui-ci avait été nationalisé en février 1971.
Le mois de
Josyane Savigneau
Certes, les grands prix littéraires de novembre
(Goncourt, Renaudot, Femina, Médicis et Interallié) ont toujours été un sujet de polémique. « Ce
qui manque au milieu littéraire, écrivait LouisFerdinand Céline en 1960, c’est un prix vraiment
superboum ; je proposerais le « Grand Prix du
Navet » [...]. Le Goncourt ne viendrait forcément
qu’en seconde ligne », tandis que Bernard Grasset
– dont la maison a aujourd’hui « ficelé » les prix
– disait du Goncourt en 1931 : « Je ne me prêterai
plus à un jeu qui, comme tous les jeux de hasard, ne
profite qu’à la cagnotte. » Il est vrai que le palmarès
du Goncourt, depuis sa création en 1903, est assez
navrant : la plupart des écrivains qui comptent au
XXe siècle en sont absents. Mais, sur l’ensemble des
jurys, le bilan n’est pas aussi négatif, comme en
témoignent ces quelques exemples : le Renaudot
pour Aragon, Céline et Le Clézio, le Médicis pour
Perec et Sollers, le Femina pour Yourcenar.
Pourtant, le discrédit grandit et menace de s’installer. On en connaît les raisons : des jurés, pour la
plupart écrivains, trop liés aux maisons d’édition et
« tenus » de manière plus ou moins subtile (à-valoir excessifs, mensualités peu justifiées par un réel
travail, réédition de certains livres dans des collections prestigieuses, etc.) ; des jurés qui ne lisent
pas, donc ne se battent pas pour une idée qu’ils se
feraient de la littérature, mais se soumettent aux
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CHRONOLOGIE
145
marchandages des éditeurs ; des enjeux économiques de plus en plus importants, vitaux parfois
pour les maisons d’édition, surtout dans l’actuelle
période de crise.
L’an dernier, un vent de panique, qu’on aurait pu
croire salutaire, avait soufflé sur les jurys. Ainsi le
Goncourt était revenu à un inconnu, Jean Rouaud,
pour son premier roman paru aux éditions de Minuit, et le Femina à un livre de 800 pages de Pierrette Fleutiaux que Gallimard avait pris le risque
de publier alors que l’époque est plutôt au « faites
court, sinon c’est trop cher ! ». Cette année, malheureusement, a été celle de la « normalisation ».
Grasset a imposé sa loi, non seulement en obtenant
le Goncourt et le Médicis, pour Pierre Combescot
(les Filles du Calvaire) et Yves Simon (la Dérive des
sentiments), mais en jouant de son influence (les
jurés liés à Grasset sont en force dans tous les jurys
sauf au Femina) sur les autres prix.
La politique de conquête des prix littéraires menée
par Grasset depuis une vingtaine d’années est un
franc succès. Mais sa réussite peut conduire à un
échec majeur : la mort d’une institution très française, celle des prix littéraires prestigieux, tous
décernés à l’automne. Est-ce souhaitable, pour
rétablir le vrai débat sur la littérature ? C’est possible, si aucun changement ne survient, si les jeux
continuent de se faire de manière si grossière.
JOSYANE SAVIGNEAU
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
146
Décembre
Dimanche 1
URSS
Union
Les habitants de l’Ukraine se prononcent
par référendum, à 90, 32 % des votants, en
faveur de l’indépendance de leur république.
Le nouveau président, M. Leonid Kravtchouk, annonce que son pays ne signera pas
le traité de l’Union (25 novembre).
BURKINA FASO
Élection présidentielle
Boycotté par l’opposition et ponctué de violents incidents, le scrutin est marqué par un
taux d’abstention de 72,7 %. Seul candidat,
le président Blaise Compaoré obtient 86,4 %
des suffrages.
PARAGUAY
Élections législatives
Le parti Colorado, qui soutient le président
Andrès Rodriguez, remporte la majorité
absolue à l’Assemblée constituante.
SPORT
Tennis
Au palais des Sports de Lyon, pour la
première fois depuis la série de victoires
des « Mousquetaires », de 1927 à 1932, la
France remporte la coupe Davis en battant
en finale les États-Unis (3-1).
Lundi 2
FRANCE
Police
Un brigadier d’un commissariat parisien
est identifié comme l’auteur de la fuite qui a
permis à la police de Beyrouth de connaître
la liste des 85 opposants au régime libanais,
interpellés le 21 octobre à Paris, lors de la
visite du président Elias Hraoui.
VANUATU
Élections législatives
L’Union des partis modérés, qui représente
la minorité francophone de l’ancien condominium franco-britannique, remporte 19
des 46 sièges au Parlement. Le parti Vanuaaku (VAP) du Premier ministre Donald
Kalpokas ne conserve que 10 sièges. La formation de l’ancien dirigeant Walter Lini,
issue du VAP, obtient 9 sièges (6 septembre
et 16 décembre).
Mardi 3
FRANCE
Télévision
Les propos tenus par certains invités de
l’émission « Mardi soir » consacrée à l’extrême droite incitent le ministre de l’Intérieur à demander, le 5, l’engagement de
poursuites pour diffamation raciale et
apologie de crime contre l’humanité. Le 9,
l’émission est suspendue.
SEYCHELLES
Institutions
Le président France-Albert René propose
l’instauration rapide du multipartisme dedownloadModeText.vue.download 149 sur 490
CHRONOLOGIE
147
vant le Congrès du Front progressiste du
peuple seychellois, parti unique au pouvoir.
TOGO
Coup d’État
En rébellion depuis le 28 novembre contre
le régime civil de transition, des militaires
qui se réclament du président Gnassingbé
Eyadéma arrêtent le Premier ministre Joseph Kokou Koffigoh. Sollicitée par ce dernier, la France n’intervient pas. Après s’être
soumis, M. Koffigoh est nommé à la tête
d’un nouveau « gouvernement provisoire
d’union nationale ».
Mercredi 4
FRANCE
Santé
Devant l’opposition unanime suscitée par le
projet de loi d’indemnisation des transfusés
contaminés par le virus du Sida, le gouvernement décide de demander une contribution fixe de 1,2 milliard de francs aux compagnies d’assurance, en plus du financement
public, plutôt que de taxer les contrats des
particuliers (27 novembre et 20 décembre).
ALBANIE
Vie politique
Accusée d’« abus de pouvoir et de corruption », Mme Nedjmije Hodja, veuve de l’ancien dirigeant communiste, est arrêtée (6).
URSS
Finances
Les autorités annoncent la suspension
jusqu’en 1993 du remboursement de la dette
bancaire contractée auprès des établissements occidentaux (21 novembre).
Liban
Rubans jaunes
Douze ans après l’instauration du pouvoir islamique en Iran, et dix mois après la fin de la
guerre du Golfe, la libération des derniers otages
américains au Liban marque la fin du terrorisme
proche-oriental. Le 4 décembre, le Djihad islamique libère le journaliste Terry Anderson, enlevé
le 16 mars 1985 et doyen des otages du Liban.
Comme le comptable de l’université de Beyrouth
Joseph Cicippio, enlevé le 12 septembre 1986 et
libéré l’avant-veille, et le professeur Alann Steen,
détenu depuis le 24 janvier 1987 et relâché la veille,
il remercie la Syrie et l’Iran pour leur « aide ». Les
Américains peuvent à présent dénouer les rubans
jaunes, signes d’espoir de retour.
L’affaire commence à Téhéran. En novembre 1979,
des étudiants islamistes retiennent 52 membres de
l’ambassade des États-Unis en otages. Le « Grand
Satan » est tenu en échec durant 444 jours. Le président Jimmy Carter révèle son impuissance.
Le 19 juillet 1982, le vice-président de l’université américaine de Beyrouth, M. David Dodge, est
enlevé dans la capitale libanaise. Dix-huit autres
Américains sont victimes des groupes chiites proiraniens qui agissent au sein de l’écheveau libanais.
À partir de 1985, dix Français et huit Britanniques,
notamment, subissent le même sort.
À l’issue de la guerre du Golfe, le président George
Bush s’affirme résolu à régler la question procheorientale. C’est l’occasion pour la Syrie et l’Iran de
tirer les bénéfices de leur bonne conduite durant
le conflit en réalisant leur ouverture vers l’Occident. Parfois plus extrémistes que le président iranien, les ravisseurs se laissent toutefois convaincre
de l’« inutilité » des otages, avérée au cours des
années.
Le 8 août, le Djihad islamique libère le journaliste britannique John McCarthy qu’il charge d’un
message pour le secrétaire général de l’ONU. Il lui
propose la libération des onze otages occidentaux
restants contre celle des quelque 400 combattants
chiites prisonniers d’Israël et de la quinzaine de
terroristes détenus en Occident. L’État hébreu
exige des informations sur ses soldats disparus au
Liban. Un dialogue discret s’instaure sous l’égide
de M. Javier Perez de Cuellar.
Huit otages occidentaux et 91 chiites sont relâchés
jusqu’à la fin de l’année, auxquels s’ajoutent les
corps restitués de neuf moudjahidine et de deux
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
148
otages américains. Deux Allemands, Heinrich
Struebig et Thomas Kemptner, restent détenus.
Leur libération est subordonnée à celle des frères
Hamadé emprisonnés en Allemagne. Disparu
en 1985, l’Italien Alberto Molinari est présumé
décédé.
Jeudi 5
G R A N D E ! B R E TA G N E
v. encadré Grande-Bretagne,
fortune de mer
POLOGNE
Vie politique
À la suite des élections du 27 octobre, le
président Lech Walesa nomme l’avocat Jan
Olszewski au poste de Premier ministre. Le
23, son gouvernement de centre droit est
investi par la Diète.
Vendredi 6
FRANCE
Éthique
À la suite du lancement, en octobre 1989,
d’un programme mondial d’identification
des gènes de l’homme, le Comité national d’éthique prend position en faveur
de la « non-commercialisation du génome
humain ». Certains instituts de recherche,
notamment américains, ont déjà déposé
des brevets sur leurs découvertes.
Audiovisuel
À l’occasion de sa cinquième édition, le
Téléthon fait l’objet de critiques de la part de
plusieurs ministres, dont MM. Jean-Louis
Bianco et Michel Gillibert, et de certains
parrains, tels Jerry Lewis et Alain Delon. La
gestion de l’Association française contre la
myopathie ainsi que le principe et la finalité
de son émission sont mis en cause.
ALBANIE
Vie politique
Après le départ des ministres membres des
partis de l’opposition anticommuniste, le
Premier ministre Ylli Bufi présente la démission de son gouvernement. Le 10, il est
remplacé par M. Vilson Ahmeti, qui, le 14,
forme un gouvernement composé de personnalités sans étiquette.
Samedi 7
THAÏLANDE
Institutions
Le Parlement adopte la Constitution que
les militaires, au pouvoir depuis février,
s’étaient engagés à élaborer. Elle instaure
une « démocratie guidée » et garantit le
contrôle du pouvoir par l’armée durant la
première législature au moins.
Dimanche 8
URSS
Dissolution
Réunis depuis la veille à Minsk, les présidents de la Fédération de Russie et des
républiques de Biélorussie et d’Ukraine
constatent que « l’URSS cesse d’exister en
tant que sujet de droit international et en
tant que réalité géopolitique ». Ils décident
de créer une « Communauté d’États indépendants » (CEI) ouverte à d’autres républiques. Le 9, le président Mikhaïl Gorbatchev appelle au respect de la Constitution
et demande que l’accord de Minsk soit soumis au peuple ou à ses représentants (17).
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CHRONOLOGIE
149
Lundi 9
ISLAM
L’Organisation de la conférence islamique
L’Organisation de la conférence islamique,
réunie jusqu’au 11 à Dakar, est dominée
par les divisions du monde musulman
au sein duquel l’Iran tente de se poser en
rassembleur.
ALGÉRIE
Terrorisme
Le commando de maquisards islamistes
qui, le 28 novembre, avait attaqué le poste
frontière de Guemar pour y voler des
armes, est anéanti par l’armée lancée à sa
poursuite. Vingt-cinq islamistes et une dizaine de militaires sont tués.
CEE
Au forceps
1991 restera certainement comme la date de l’accouchement, au forceps, de l’Europe du XXIe siècle.
Réuni à Maastricht, aux Pays-Bas, les 9 et 10 décembre, le 46e Conseil européen des chefs d’État
et de gouvernement adopte, au terme de nombreux compromis, un nouveau traité sur l’Union
économique et monétaire (UEM) et sur l’union
politique, qui élargit le champ d’action de la CEE.
L’Union européenne est née.
La percée la plus significative concerne la mise
en route du programme d’UEM. Complément
indispensable à l’Acte unique, ce dernier est entré
dans sa première phase le 1er juillet 1990 avec la
libération complète des mouvements de capitaux.
Au cours de sa deuxième phase, à partir du 1er janvier 1994, les politiques de « convergence » économique des Douze s’intensifieront tandis que se
préparera l’instauration d’une Banque centrale européenne et d’une monnaie unique. À Maastricht,
les Douze établissent un processus irréversible en
vue d’atteindre cette troisième phase.
Celle-ci débutera entre le 1er janvier 1997 et le
1er janvier 1999. Si la majorité qualifiée des Douze
répond aux critères de convergence, ces États
engageront l’UEM. Sinon, ceux des États qui remplissent ces conditions – même minoritaires – le
feront de façon automatique avant la date butoir.
Toutefois, en fidèle successeur de Mme Margaret
Thatcher, M. John Major obtient le privilège d’une
clause d’exemption qui permettra au Parlement
britannique de confirmer ou non, le moment venu,
l’adoption de la monnaie unique.
Actualité oblige – guerre du Golfe, négociations
de paix au Proche-Orient, guerre civile en Yougoslavie, effondrement de l’URSS –, l’union politique signifie principalement politique étrangère
et politique de défense communes. Là encore, des
réticences surgissent face à l’aliénation de la souveraineté nationale. Aujourd’hui consensuelle, la politique étrangère commune ne fera l’objet de décision à la majorité qualifiée que dans des domaines
précis définis… à l’unanimité. En revanche, le
développement du rôle opérationnel de l’Union
de l’Europe occidentale (UEO) fournira aux Européens la base juridique pour effectuer, à terme, des
interventions communes.
En raison de l’hostilité de la Grande-Bretagne à la
politique sociale commune, ses partenaires sont
amenés à conclure un protocole étranger à l’esprit
et au droit européens, qui les autorise à appliquer à
onze les règles communautaires dans ce domaine.
L’Europe, enfin, prend un peu plus de corps en
étendant ses compétences. Elle s’impose en autorisant les ressortissants des Douze à voter aux
élections locales et européennes dans le pays où
ils résident.
Mardi 10
YOUGOSLAVIE
Conflit
Les forces croates enregistrent leur premier
succès sur le terrain en chassant l’armée fédérale de la ville de Lipik, en Slavonie.
K E N YA
Institutions
Le Parlement rétablit le multipartisme aboli
en 1982.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
150
É TAT S ! U N I S
Diplomatie
À Washington, la reprise des négociations
bilatérales sur la paix au Proche-Orient
achoppe sur le problème de l’organisation
du dialogue israélo-jordano-palestinien en
deux forums, voulue par les Palestiniens et
rejetée par Israël. Le 18, les discussions sont
renvoyées en janvier.
Mercredi 11
RUSSIE
Vie politique
Menacé par les autorités d’être refoulé en
Allemagne, où il est inculpé, l’ancien dirigeant est-allemand Erich Honecker se réfugie à l’ambassade du Chili à Moscou.
INDE
Relations internationales
M. Li Peng effectue jusqu’au 16 la première
visite d’un chef du gouvernement chinois à
New Delhi depuis 1960. Les deux autres
pays signent des accords de coopération,
mais le règlement de leur contentieux frontalier ne progresse pas.
É TAT S ! U N I S
Justice
Au terme d’un procès télévisé en direct,
le jeune William Kennedy Smith bénéficie
d’un acquittement. Le neveu du sénateur
Ted Kennedy était accusé du viol d’une
jeune femme dans la propriété familiale de
Palm Beach (Floride), le 30 mars.
Jeudi 12
ROUMANIE
Vie politique
Les 16 dignitaires du Parti communiste
condamnés le 24 mars pour leur rôle dans
la répression de l’insurrection de décembre
1989 sont acquittés en appel.
LIBAN
Relations internationales
La visite à Beyrouth du ministre français
des Affaires étrangères, M. Roland Dumas,
scelle la normalisation des relations entre
les deux pays.
É TAT S ! U N I S
Politique étrangère
Les autorités prennent acte de la « dissolution » du pouvoir central de l’URSS, mais
lient l’assistance et la reconnaissance américaines au maintien d’un centre unique de
contrôle des armements nucléaires soviétiques et au respect du principe de nonprolifération (16).
Vendredi 13
CORÉES
Relations
À Séoul, les Premiers ministres des deux
pays signent un « accord historique » de
« réconciliation, non-agression, échange
et coopération » qui constitue un premier
pas vers la conclusion d’un traité de paix et
met fin à 46 ans de confrontation dans la
péninsule (31).
Samedi 14
É G L I S E C AT H O L I Q U E
Le premier synode européen
Le premier synode européen, qui regroupe
depuis le 2 à Rome 140 évêques de l’Ouest
et de l’Est, souligne la part prise par les
croyants dans l’effondrement du communisme. Il illustre aussi les avis divergeants
des représentants des deux Europes sur le
rôle de l’Église dans la société moderne. Les
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CHRONOLOGIE
151
principales Églises orthodoxes ont refusé
d’y participer.
FRANCE
Cérémonie
Allumée le 13 à Olympie, en Grèce, la
flamme olympique arrive à Paris à bord d’un
Concorde. Portée par 5 500 relayeurs, elle
doit parcourir toutes les provinces avant
de parvenir à Albertville, le 8 février, pour
l’ouverture des 16e jeux Olympiques d’hiver.
ÉGYPTE
Catastrophe maritime
Au large de Safaga, en mer Rouge, le naufrage du Salem-Express, un ferry qui transportait des pèlerins de La Mecque, fait
473 morts.
Dimanche 15
ONU
Le Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité adopte la résolution 724 qui prévoit l’envoi en Yougoslavie
d’observateurs militaires chargés de préparer le déploiement d’une force de maintien
de la paix après l’arrêt des combats.
FRANCE
Vie politique
Lors de l’émission télévisée « 7/7 », sur TF1,
le président François Mitterrand déclare que
la réforme constitutionnelle qu’implique la
ratification du traité de Maastricht pourrait
faire l’objet d’un référendum.
Lundi 16
ONU
L’Assemblée générale
L’Assemblée générale abroge la résolution
du 10 novembre 1975 qui assimilait le sionisme à « une forme de racisme et de discrimination raciale ».
CEE
Les ministres des Affaires étrangères
Les ministres des Affaires étrangères des
Douze s’accordent sur le principe de la
reconnaissance sous condition des républiques yougoslaves qui souhaitent leur indépendance. Ils reportent leur décision au
15 janvier 1992.
FRANCE
Justice
Le tribunal correctionnel de Grasse
condamne à quatre ans de prison, dont
trois avec sursis, le pilote britannique de
l’offshore qui avait pris la fuite après avoir
heurté, au large d’Antibes, le 17 août 1988,
une embarcation dont un passager était
mort à la suite de cet accident.
G R A N D E ! B R E TA G N E
Terrorisme
L’explosion d’une bombe à Clapham Junction, qui ne fait pas de victime, entraîne la
fermeture des 15 gares de Londres. Cette
action s’inscrit dans la campagne d’attentats
que l’Armée républicaine irlandaise (IRA)
mène tous les ans à la période de Noël.
URSS
Relations internationales
À Moscou, le secrétaire d’État américain
James Baker rencontre M. Boris Eltsine et le
maréchal Evgueni Chapochnikov, ministre
soviétique de la Défense, qui apporte au
président russe la caution de l’Armée rouge.
Il se rend ensuite dans les autres républiques
sur le territoire desquelles sont basées des
armes nucléaires – Ukraine, Biélorussie et
Kazakhstan – et au Kirghizstan (12).
Union
Le Parlement du Kazakhstan proclame l’indépendance de la république.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
152
VANUATU
Vie politique
À l’issue des élections du 2, l’Union des
partis modérés, francophone, et le National
United Party de l’ancien président Walter
Lini forment un gouvernement de coalition
dirigé par M. Maxime Carlot.
CANADA
Territoire
Le gouvernement et les Inuit concluent un
accord qui prévoit la création d’un nouveau
territoire dans l’Arctique, le Nunavut. Il sera
administré par les Inuit, qui obtiennent des
droits exclusifs de pêche, de chasse et d’exploitation du sous-sol.
TRINITÉ!ET!TOBAGO
Élections législatives
Le Mouvement national du peuple (socialdémocrate), qui avait cédé le pouvoir à
l’Alliance nationale pour la reconstruction
(centriste) de M. Arthur Ray Robinson en
1986, remporte 21 des 36 sièges au Parlement. Le 17, son chef, M. Patrick Manning,
est nommé Premier ministre.
Mardi 17
FRANCE
Justice
Reconnus coupables d’escroquerie, d’abus
de confiance, de banqueroute et d’exercice
illégal de la profession de banquier, les
frères Jacques et Pierre Chaumet, anciens
dirigeants de la joaillerie de la place Vendôme, sont condamnés respectivement à
cinq ans de prison dont trois avec sursis, et
quatre ans dont 30 mois avec sursis, ainsi
qu’à 500 000 francs d’amende chacun. Ils
font appel.
URSS
Dissolution
MM. Boris Eltsine et Mikhaïl Gorbatchev
décident que l’Union des républiques socialistes soviétiques cessera d’exister avant la fin
de l’année (19).
NOUVELLE!ZÉLANDE
Relations internationales
Les autorités déclarent qu’elles ne demanderont pas l’extradition de l’agent français
Gérald Andries, impliqué dans l’attentat
contre le Rainbow Warrior à Auckland en
1985, et arrêté fortuitement en Suisse le
23 novembre.
Mercredi 18
FRANCE
Politique industrielle
Le Premier ministre Édith Cresson annonce au Conseil des ministres la fusion
des activités industrielles du Commissariat
à l’énergie atomique (CEA) et du secteur de
l’électronique civile de Thomson. ThomsonCEA-Industrie a l’ambition d’être un pôle
industriel mondial dans le domaine des
technologies de pointe.
DJIBOUTI
Troubles
Les forces de l’ordre perquisitionnent à
Arhiba, quartier afar de la capitale où près
de 40 personnes sont tuées. Ces représailles
font suite aux revers militaires subis par
l’armée dans le Nord face aux rebelles du
FRUD, après la rupture du cessez-le-feu
(13 novembre).
É TAT S ! U N I S
Industrie
Premier constructeur mondial d’automobiles, General Motors annonce 74 000 suppressions d’emplois en quatre ans, soit 19 %
de ses effectifs nord-américains.
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CHRONOLOGIE
153
Jeudi 19
FINANCES MONDIALES
La Banque fédérale d’Allemagne
La Banque fédérale d’Allemagne accroît
son taux d’escompte de 7,5 % à 8 %, sans
consulter ses partenaires européens, afin
de lutter contre l’inflation. Le 20, la Réserve
fédérale américaine abaisse le sien de 4,5 %
à 3,5 %. Il atteint son plus bas niveau depuis
1964. Le 23, la Banque de France relève
son taux directeur de 9,25 % à 9,60 % afin
de maintenir la stabilité du franc dans le
SME. Le 30, la Banque du Japon abaisse le
sien de 5 % à 4,5 % pour soutenir l’activité
économique.
CEE
Audiovisuel
Les Douze parviennent à un compromis
au sujet de la télévision haute définition. La
norme européenne D2 Mac n’est imposée
qu’aux nouvelles chaînes, et le financement
de son développement n’est pas prévu.
FRANCE
Service national
Le Parlement adopte le projet de loi qui
réduit à dix mois la durée des obligations
militaires.
Budget
Après l’engagement de la responsabilité
du gouvernement au titre de l’article 49-3
de la Constitution, le 15, le projet de loi
de finances pour 1992 est définitivement
adopté.
URSS
Dissolution
Par décret de M. Boris Eltsine, la Russie
s’approprie les palais du Kremlin, les locaux
du ministère des Affaires étrangères et ceux
des ambassades soviétiques à l’étranger. Le
président russe crée un vaste ministère de
la Sécurité, qui, comme durant les années
1930, regroupe les services des ex-KGB
soviétique et russe, et les organes du ministère de l’Intérieur (21).
AUSTRALIE
Vie politique
Destitué de la direction du Parti travailliste,
M. Bob Hawke cède son poste de Premier
ministre à son remplaçant, M. Paul Keating.
MADAGASCAR
Vie politique
Le Premier ministre Guy Razanamasy
forme un gouvernement « de consensus »
avec les formations d’opposition du Comité
des Forces vives. L’ancien parti unique du
président Didier Ratsiraka n’y participe
pas.
Vendredi 20
OTAN
Le Conseil de coopération nord-atlantique
Le Conseil de coopération nord-atlantique, qui réunit les ministres des Affaires
étrangères de l’Alliance et des pays de l’Est,
inaugure à Bruxelles ses « consultations
périodiques ».
FRANCE
Communication
La session parlementaire d’automne
s’achève avec l’adoption, notamment, du
projet de loi qui légalise la publicité comparative et de celui qui abaisse de 50 % à 40 %
les quotas audiovisuels d’oeuvres françaises.
Santé
Le tribunal administratif de Paris
condamne le ministère des Affaires sociales
à verser une indemnité de 2 millions de
francs à un hémophile contaminé par le
virus du Sida en 1985. C’est la première fois
que la responsabilité de l’État, et non celle
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
154
du Centre national de transfusion sanguine, est reconnue.
Justice
La cour d’appel de Paris estime que la loi
d’amnistie du 18 juin 1966 ne permet pas
d’instruire la plainte pour « crime contre
l’humanité » déposée contre M. Georges
Boudard (encadré France, l’affaire
Boudarel).
Justice
La cour d’assises de Paris condamne JeanThierry Mathurin à la réclusion criminelle à
perpétuité assortie d’une période de sûreté
de 18 ans. Arrêté en 1987, ce complice de
Thierry Paulin, mort du Sida en détention
en 1989, est reconnu coupable de sept assassinats de vieilles dames et d’une tentative,
en octobre et novembre 1984.
Samedi 21
URSS
Dissolution
Réunis à Alma-Ata, au Kazakhstan, les dirigeants de huit républiques se joignent à la
Communauté des États indépendants (CEI),
créée le 8 par les trois républiques slaves.
Ses structures institutionnelles sont précisées. Seule la Géorgie demeure à l’écart de
la CEI (25).
CAMBODGE
Troubles
À Phnom Penh, l’assassinat d’un étudiant
par un policier provoque pendant deux
jours des manifestations violentes réprimées par l’armée.
TAIWAN
Élections législatives
Destiné à désigner l’Assemblée nationale
qui sera appelée à réviser la Constitution, le
scrutin est marqué par la nette victoire du
Kuomintang, au pouvoir depuis 1989, qui
recueille 71 % des voix.
AFRIQUE DU SUD
Institutions
La plupart des participants à la Conférence
pour une Afrique du Sud démocratique
(CODESA), dont les travaux ont commencé la veille près de Johannesburg, adoptent
les principes de la future Constitution. Le
chef zoulou Mangosuthu Buthelezi, ainsi
que les représentants de l’extrême gauche
noire et de l’extrême droite blanche, sont
absents.
Dimanche 22
GÉORGIE
Troubles
À Tbilissi, des combats meurtriers opposent durant tout le mois les opposants
épaulés par la garde nationale aux partisans
du président Zviad Gamsakhourdia, qui s’est
retranché dans les locaux du Parlement.
LIBAN
Otages
Le corps de Richard William Higgins est
découvert à Beyrouth. Enlevé le 17 février
1988 par l’organisation chiite des Opprimés dans le monde, le colonel américain
membre des forces de l’ONU avait été pendu le 31 juillet 1989.
Lundi 23
CEE
Les ministres des Affaires étrangères
Les ministres des Affaires étrangères des
Douze prennent acte de la naissance de la
CEI, reconnaissent la Fédération de Russie et la considèrent comme l’héritière de
l’URSS sur le plan international. Le 25, les
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CHRONOLOGIE
155
États-Unis font de même, suivis de nombreux autres pays (24).
ALLEMAGNE
Politique étrangère
Prenant le contre-pied de la décision communautaire du 16, le gouvernement reconnaît les républiques yougoslaves de la Slovénie et de la Croatie.
Mardi 24
ONU
La Fédération de Russie
La Fédération de Russie informe le secrétariat général qu’elle remplace l’URSS comme
membre permanent du Conseil de sécurité,
avec l’accord des autres membres de la CEI.
Mercredi 25
URSS
Dissolution
Secrétaire général du PCUS depuis le
11 mars 1985, élu président de l’Union le
1er octobre 1988, M. Mikhaïl Gorbatchev
annonce sa démission. Il déplore le « démembrement » d’un « grand État ». Son
rôle historique est salué par les dirigeants
des grands pays, sauf la Chine (30).
Défense
Le président Boris Eltsine annonce le retrait des troupes ex-soviétiques stationnées
en Géorgie, ainsi que de celles qui étaient
interposées entre les forces azéries et arméniennes dans l’enclave du Haut-Karabakh,
en Azerbaïdjan, où de violents affrontements reprennent aussitôt (29).
TURQUIE
Terrorisme
Après divers affrontements meurtriers avec
l’armée dans le sud-est, des indépendantistes kurdes commettent un attentat contre
un grand magasin de la banlieue d’Istanbul,
qui fait onze morts.
Jeudi 26
INDE
Massacre
Un commando sikh assassine une cinquantaine de passagers d’un train près de Ludhiana, au Pendjab. Près de 9 000 personnes
sont mortes en 1991 du fait du terrorisme
sikh.
Algérie
L’enjeu
L’année 1991 n’aura été pour l’Algérie qu’une suite
de problèmes non résolus, aux rebondissements
lourds de prochaines explosions. Commencée
dans le fracas de la guerre du Golfe, durant laquelle
l’Algérie aura sans doute été le plus enflammé de
tous les pays arabes, elle se termine sous le signe
d’élections législatives remportées haut la main par
les islamistes. À l’horizon pointe le spectre d’un
coup d’État et, de toute façon, la certitude de douloureux déchirements.
L’Algérie accouche de son futur avec difficultés.
Dans un contexte où le délabrement des infrastructures économiques le dispute à une formidable
crise identitaire donnant au Front islamique du
salut (FIS), lors des élections municipales de juin
1990, sa première victoire politique, le gouvernement FLN de M. Mouloud Hamrouche fixe la date
des premières élections législatives pluralistes au
27 juin 1991.
En mai, le FIS, opposé au redécoupage de la carte
électorale, qu’il qualifie, non sans raison, de trucage, entre en action. Il investit la rue, occupe les
places de la capitale, défile en exigeant une élection présidentielle. Rapidement, le mouvement
dérape : le gouvernement, qui tente de reprendre
par la force le contrôle de la rue, s’oppose durement aux manifestants islamistes.
Les morts se comptent par dizaines, l’état de siège
est proclamé, et les élections reportées sine die. Le
gouvernement de M. Hamrouche n’y survit pas :
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
156
le 5 juin, le Premier ministre démissionne, remplacé quelques heures plus tard par le ministre des
Affaires étrangères, M. Sid Ahmed Ghozali.
Le nouveau chef du gouvernement donne satisfaction au FIS en promettant avant la fin de l’année
des élections législatives et, surtout, présidentielles
anticipées. Mais, sous la pression du président de
la République, M. Chadli Bendjedid, il devra renoncer à la présidentielle, qui aurait été la seule
façon de dénouer la crise.
Dès lors, l’avenir du gouvernement Ghozali est
quasiment scellé. Le FIS qui, malgré l’emprisonnement de ses principaux dirigeants, a gardé
l’essentiel de ses forces, entre à nouveau en dissidence contre un gouvernement qui se heurte, par
ailleurs, à l’opposition du FLN repris en main par
M. Hamrouche. Le 26 décembre, le premier tour
des élections législatives attribue au FIS 188 députés sur les 430 sièges à pourvoir. Il leur donne en
prime bon espoir de remporter, à l’issue du deuxième tour prévu le 16 janvier 1992, les deux tiers
des sièges. La perspective de l’instauration d’un
État islamique laisse ouvertes toutes les possibilités : l’entrée de l’Algérie dans un univers radicalement différent, ou un coup d’État qui ne ferait que
reporter à plus tard les problèmes qu’il faudra bien
résoudre un jour.
Samedi 28
FRANCE
Musique
À Paris, le Théâtre des Champs-Élysées
présente Alceste, opéra de Jean-Baptiste
Lully, dirigé par Jean-Claude Malgoire à la
tête de l’orchestre de la Grande Écurie et la
Chambre du Roy, et mis en scène par JeanLouis Martinoty.
Dimanche 29
FRANCE/IRAN
Relations
À Téhéran, le secrétaire général du Quai
d’Orsay signe avec le vice-ministre iranien
des Affaires étrangères l’« accord global »
qui règle le contentieux financier entre les
deux pays relatif au programme Eurodif.
Ses dispositions restent secrètes.
RUSSIE/ARMÉNIE
Relations
À Moscou, le président russe Boris Eltsine signe avec son homologue arménien,
M. Levon Ter-Petrossian, le premier « accord d’amitié, de coopération et de sécurité
commune » entre deux membres de la nouvelle CEI.
Lundi 30
CEI
Défense
Réunis à Minsk, en Biélorussie, les présidents des onze républiques décident le démembrement de l’armée soviétique. Ils définissent un commandement unique pour
les forces stratégiques, dont l’utilisation est
soumise à l’accord des quatre républiques
détentrices de l’arme atomique. Mais six
républiques confirment bientôt leur intention de créer leur propre armée.
LIBAN
Attentat
Dans le secteur musulman de Beyrouth,
l’explosion d’une voiture piégée fait une
vingtaine de morts et une centaine de
blessés.
MAROC
Répression
Détenus sans inculpation ni jugement depuis le 8 juillet 1973 pour espionnage au
profit de la France et d’Israël, les trois frères
Bouréquat, de nationalité française, sont
libérés par grâce royale.
É TAT S ! U N I S
Justice
Le Crédit Lyonnais l’emporte sur M. Giancarlo Parretti dans le procès qui les opposait
au sujet de la gestion de la Metro Goldwyn
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CHRONOLOGIE
157
Mayer, achetée par le financier italien en
1990 avec l’aide de la filiale néerlandaise de
la banque française. M. Parretti a été arrêté
en Italie le 27 et inculpé de fraude fiscale et
d’association de malfaiteurs.
Mardi 31
France
La Cinq à zéro
On savait la chaîne en mauvaise santé. On évoquait une nécessaire opération de « reformatage »
susceptible d’attirer de nouveaux partenaires financiers. Le 17 décembre, M. Yves Sabouret, P-DG
de La Cinq, annonce le licenciement de 576 personnes sur un total de 820, dont 85 journalistes sur
112. Reformatage ou sabordage ?
En janvier 1986, avant les élections, le pouvoir so-
cialiste accorde à MM. Jérôme Seydoux et Sergio
Berlusconi la concession de La Cinq. Le gouvernement de M. Jacques Chirac privatise bientôt TF1,
qui est attribuée en avril 1987 à Bouygues plutôt
qu’à Hachette. À cette même date, M. Robert Hersant profite d’un environnement politique favorable pour devenir l’opérateur de La Cinq.
Celle-ci part alors à l’assaut de TF1. Appâtées,
les stars de la Une désertent en nombre. La Cinq
acquiert des droits d’exclusivité prestigieux. Mais
l’audience ne suit pas. Et les grandes ambitions se
dégonflent. Les programmes se chercheront pendant deux ans –souvent en violation du cahier des
charges –, tandis que les relations entre les actionnaires se dégradent. Point positif de cette période,
l’« info » se renforce. Mais elle ne remporte qu’un
succès d’estime. Au début de 1990, les caisses
sont vides. En mai, Hachette fait son entrée dans
le capital de la chaîne. En octobre, le groupe de
M. Jean-Luc Lagardère remplace celui de M. Hersant comme opérateur.
Le P-DG d’Hachette entonne à son tour le grand
air de « la chaîne généraliste, familiale et haut de
gamme » en lorgnant du côté de TF1. Il promet au
CSA la diffusion de quatre journaux quotidiens et
de deux magazines hebdomadaires d’information,
l’amélioration des émissions destinées à la jeunesse
et l’affectation de plus de 1 milliard de francs par
an aux programmes à partir de 1992. Il trouve dans
les placards des séries américaines et des dessins
animés japonais... La récession du marché publicitaire en 1991 fait paraître plus lourde la réglementation publique. Et l’audimat ne bouge pas – 10 %
en moyenne, 5 % pour l’information.
Le déficit avoué de La Cinq pour 1991 est de
1,12 milliard de francs. La conjoncture n’explique
pas tout. Mais elle a empêché l’intégration de la
chaîne au sein de l’empire multimédias, qui se serait faite plus probablement au profit d’Hachette
qu’à celui des journalistes de La Cinq. D’autre part,
Hachette a connu d’autres déconvenues durant
l’année. Ses dettes s’élèvent à 10 milliards de francs.
Le 24 décembre, ses administrateurs rejettent toute
dépense supplémentaire en faveur de la chaîne. Le
27, le CSA exige le respect des engagements. Tout
est dit. Le 31, La Cinq annonce son dépôt de bilan.
CORÉES
Désarmement
Les deux États concluent un accord de
principe sur la dénucléarisation de la péninsule. Ils s’engagent à laisser les experts
de l’Agence internationale pour l’énergie
atomique (AIEA) inspecter leurs installa-
tions (13).
S A LVA D O R
Conflit
À New York, les représentants du gouvernement et de la guérilla du Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN)
signent un « accord définitif » en vue de
l’instauration d’un cessez-le-feu le 1er février 1992. Le bilan de la guerre civile qui
ravage le pays depuis 1980 est de près de
80 000 morts.
Le mois d’Annie Fratellini
Pourquoi le cirque est-il plus souvent associé
aux fêtes de Noël ? N’est-ce pas simplement parce
qu’il est synonyme de fête, de rêve, de récompense
aussi ?
Depuis qu’il est né, ce spectacle – cet art – est destiné au public universel. Non pas en particulier
aux enfants, mais à tous ceux qui ont gardé cette
fraîcheur liée à l’enfance. À ceux qui ont la chance
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
158
de croire aux contes de fées, aux pères Noël, aux
clowns, au cirque.
Au début du siècle, les trois Fratellini – petits
frères d’Italie – firent ce miracle. À Noël, entre
deux séances du cirque Médrano, à Montmartre,
ils partaient vers ceux qui ne pouvaient se déplacer. Dignes pères Noël : là où il y avait de la tristesse, ils essayaient de consoler, de faire oublier.
Êtres mystérieux, venus d’ailleurs, on les regardait
émus, émerveillés et effrayés. Peut-être aurait-on
même pu les toucher ? et se souvenir à jamais…
Cela devint alors une coutume d’aller au cirque
pour Noël.
Pourtant, au fil des années, les clowns s’en furent
vers d’autres planètes. Le monde changeait. Le
cirque, heureusement, transcende le temps et les
modes parce qu’il est vrai. Aujourd’hui encore,
à Noël, le public réclame en priorité du cirque,
espace-spectacle pur. Et des clowns. Car il y aura
toujours un clown, un cirque, un père Noël dans le
coeur de ceux qui aiment la fête.
Chaque année, de novembre à fin décembre
et pour les fêtes de Noël, plus d’une dizaine de
cirques s’installent dans ou autour de Paris et dans
les villes de province où ils accueillent plus d’un
million de spectateurs.
ANNIE FRATELLINI
Météo : l’Automne
La période comprise entre l’équinoxe d’automne
et le 30 septembre est marquée par la diminution
sensible des températures (de 1 à 2 °C inférieures
aux normales), des précipitations abondantes et
des vents forts. Du 24 au 30, des pluies remarquables ont été relevées sur tout le pays : 42 mm
en 3 h à Biarritz, 60 mm en 14 h à Agen, 71 mm en
6 h à Montbeugny le 25 ; 29 mm en 6 h à Cannes
le 26, 74 mm à Mirambeau en 24 h le 27 ou 67 mm
en 3 h 30 à Borrèze le 28...
Ces précipitations globalement excédentaires ont
contribué à l’amélioration de l’état hydrique des
sols ; dans les Landes, en Franche-Comté et sur
la Côte d’Azur, le rapport R/RU est supérieur à
90 %. Des vents violents de sud ou de sud-ouest
soufflant en rafales sont enregistrés au moment du
passage des perturbations : 104 km/h à Luxeuil le
22 ; 136 km/h au cap Corse le 27 ; 113 km/h à Mimizan et 133 km/h à 1’Île d’Yeu le 28. Le 27, deux
trombes sont observées à l’ouest de Boulogne.
Octobre Mois plutôt frais et pluvieux. L’évolution
des températures est caractérisée par l’alternance
de périodes normales (du 1er au 6 et du 26 au 31),
de périodes fraîches ou froides (du 6 au 8 et du 18
au 25) et d’une période de douceur (du 9 au 18).
Elle s’explique par l’origine et la nature des masses
d’air qui se sont manifestées sur le territoire ou par
les variations des éléments du champ de pression
tant au sol qu’en altitude. Les températures les plus
basses ont été mesurées du 5 au 7 ainsi que les 23
et 24 octobre.
Les températures minimales ont atteint des valeurs
record ; le 7 : 2,7 °C à Montauban, le 23 : – 3,2 °C
à Auch, – 1,7 °C à Montauban, – 4,5 °C à Nevers
et, le 24 : – 4,3 °C à Saint-Étienne. À l’exception du
Nord, toutes les autres régions ont connu des excédents pluviométriques plus ou moins importants :
Sud-Ouest 11 %, Nord-Est et Centre-Est 17 %,
Ouest 19 %, Sud-Est et Corse 24 %. Il a neigé dans
les Préalpes et les Alpes au-dessus de 1 200 mm du
5 au 7 octobre et sur les sommets du Cantal le 19.
Des pluies abondantes et intenses ont été enregistrées pendant les principaux épisodes pluvieux (le
Ier et le 2, du 5 au 7, du 8 au 16 et du 26 au 28) et,
en particulier : 41 mm en 2 h à Lubersac le 11 ;
42 mm en 14 h à Brest le 14 ; 101 mm à Cissac
en 24 h, entre 6 h UTC le 15 et 6 h UTC le 16 ;
102 mm en 16 h à Bastia et 153 mm à San Giuliano
le 27... Signalons aussi les pluies mêlées de poussières d’origine saharienne observées à Hyères,
Toulouse, Mende, Bourges, Romorantin et Dijon
le 11. Au 31 octobre, le rapport R/RU de la réserve
d’eau disponible à la réserve utile est compris entre
20 et 50 % en Lorraine, Champagne, Orléanais,
Val de Loire, Périgord, région toulousaine et seuil
du Lauragais. Il est supérieur à 95 % en Bretagne,
en Vendée, dans les Landes et à l’est de la ligne
Nîmes-Châtillon-sur-Seine-Épinal-Mulhouse.
Novembre Les températures sont voisines
des normales. En réalité, les valeurs moyennes
masquent des écarts plus ou moins importants.
Ainsi, du 1er au 4, les températures sont-elles de 4
à 6 °C supérieures aux normales 1951 – 1980 selon
les régions, alors qu’elles leur sont inférieures de
3 à 4 °C entre le 9 et le 12. Rares sont les records
battus : – 0,6 °C est la température maximale la
plus basse jamais relevée à Aurillac le 24. Les précipitations cumulées sont normales dans l’Ouest,
déficitaires dans le Centre-Est et le Sud-Est, et
excédentaires ailleurs. L’essentiel des abats pluviométriques a été réalisé pendant la 2e décade et plus
précisément du 11 au 15.
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CHRONOLOGIE
159
Parmi les pluies les plus remarquables, on peut
citer : 38 mm en 1 h à Gâtines, 21 mm en 6 h
aux Sables-d’Olonne, 50,7 mm en 24 h à Cambo
le 13 ou encore 67,6 mm à Banca, 45 mm à Pau,
42,4 mm à Tarbes en 24 h le 15. Sous orage, les
vents ont atteint localement des vitesses instantanées élevées : 122 km/h au cap Sagro le 5,
108 km/h à Saint-Quentin le 12 ou 122 km/h au
cap Corse le 14.
Les conditions anticycloniques qui ont prévalu pendant la dernière décade de novembre
expliquent la persistance des nuages bas et des
brouillards dans l’Ouest, le Nord, le Nord-Est et
le Centre-Est. Au 30 novembre, le bilan hydrique
des sols est globalement satisfaisant. Le rapport
R/RU n’est inférieur à 60 % qu’en Île-de-France,
en Champagne, en Lorraine, dans la Limagne et
dans le Languedoc-Roussillon ; il atteint même
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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100 % en
Nord. Le
Thelma a
faisant,
Bretagne, dans le Cotentin et dans le
5 novembre, aux Philippines, le typhon
dévasté les îles de Leyte, Negros et Cebu
outre des dégâts considérables, plus de
3 000 morts.
Décembre Jusqu’au 16, les pressions élevées qui se
maintiennent sur l’Europe de l’Ouest déterminent,
au nord de la ligne Saintes-Montauban-Alès-Castellane, des types de temps hivernaux : froid sec et
gelées matinales fortes (– 10 °C à Nevers le 10, – 14
C à Colmar et 12 °C à Dijon le 12...), brouillards
localement givrants, ciel couvert ou dégagé et vent
faible. Au sud de cette ligne, les températures sont
plus clémentes, l’ensoleillement satisfaisant et les
pluies faibles.
Du 17 au solstice d’hiver, le passage de perturbations plus ou moins actives se traduit par une
hausse générale des températures et le renforcement des vents. Les 20 et 21, tandis que le vent
souffle en tempête sur la Manche, l’exceptionnel
enneigement des Préalpes, des Alpes et du Jura
accroît le risque avalancheux et fait craindre des
inondations. À la veille des vacances de Noël, le
tapis neigeux est de qualité dans l’ensemble du
domaine skiable.
PHILIPPE C. CHAMARD
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L’A N N É E D A N S
LE MONDE
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
162
L’année dans
le monde
Écrasement de l’Irak, désintégration de
l’Union soviétique : les deux événements
majeurs de 1991 ne constituent en un sens
que le dénouement – provisoire – des deux
grandes crises de 1990, celle de l’Est et celle
du Golfe. Mais leur addition a eu un résultat
sans précédent : il n’y a plus qu’une superpuissance et il n’est d’autre paix concevable, pour
le moment, que sous sa direction.
Une vieille tradition pousse les Américains
à se considérer, selon un mot de George
Washington, comme « les législateurs de
toutes les nationalités ». Loin pourtant de se
rengorger, les voilà, une fois passé le moment
d’exaltation patriotique engendré par la défaite
de Saddam Hussein, en pleine morosité. C’est
que la fin de la crise du Golfe n’a entraîné aucune reprise de l’économie. Au moment où l’on
tenait pour assuré le triomphe du libéralisme
et du marché, la pompe de la prospérité s’est
désamorcée. L’endettement des États-Unis
est à son comble, et il en va de même du déficit budgétaire. Les équipements sont à l’abandon. Le chômage engendre, comme partout,
l’insécurité, la corruption, le racisme. La peur
de perdre son emploi ou de contracter le sida
a remplacé celle de la guerre. L’aggravation
de la répression est impuissante à empêcher
les diverses mafias, et notamment celle de la
drogue, d’étendre rapidement leur empire.
Des coups d’épée dans l’eau
Au pinacle de sa popularité au lendemain de la
victoire de la coalition anti-irakienne, le président Bush se voit reprocher de tous côtés de
négliger les problèmes intérieurs et ce n’est pas
la campagne pour l’élection présidentielle de
1992 qui a beaucoup de chances de désarmer
les critiques. Aussi bien ne met-il plus la même
conviction à défendre ce « nouvel ordre mondial » dont, après Wilson et Roosevelt, il s’était
fait le champion, allant jusqu’à assurer qu’à la
différence de ce qui s’était passé en 1918 et en
1945 l’espoir de bâtir la paix sur les ruines laissées par la guerre ne serait pas cette fois déçu.
Après avoir mentionné quarante-deux fois le
« nouvel ordre » en question, il a soudain cessé
d’en parler pour n’y revenir que brièvement,
dans son discours de septembre à l’Assemblée
des Nations unies. Encore en a-t-il fortement
réduit la portée : à côté de voeux pieux sur les
droits de l’homme et le règlement pacifique des
conflits, il a cru nécessaire de préciser qu’il ne
serait pas « touché à un iota » de la souveraineté des États.
Le propos est pour le moins surprenant dans
la bouche d’un homme qui n’avait pas hésité
à faire enlever manu militari le dictateur panaméen Noriega. Qui, cédant à l’indignation de
l’opinion internationale devant le calvaire des
Kurdes, a envoyé des soldats en Irak pour y
mettre fin. Qui a accepté, à la demande pressante de la France et de la Grande-Bretagne,
de reconnaître un droit d’ingérence dans les
affaires d’États trop indifférents aux droits de
l’homme.
Des contradictions internes
Au début de l’été encore, George Bush n’a pas
hésité à se rendre à Kiev pour dire aux députés ukrainiens qu’une proclamation d’indépen-
dance serait de leur part « suicidaire », et à
envoyer son secrétaire d’État à Belgrade pour
y défendre le maintien de l’unité yougoslave.
Dans les deux cas, ces ingérences manifestes
se sont résumées à un coup d’épée dans l’eau.
En mettant hors-la-loi le parti qui faisait tenir
ensemble les cent-vingt-huit nationalités dont
l’URSS reconnaissait officiellement l’existence, l’échec du putsch de Moscou a donné
un coup d’accélérateur décisif à l’éclatement
de l’empire. Les États baltes ont enfin obtenu
la reconnaissance internationale qu’ils réclamaient en vain. Les douze autres républiques
soviétiques ont tour à tour proclamé leur indépendance, y compris l’Ukraine. À peine celleci s’y était-elle décidée, au lendemain d’un
référendum au résultat sans équivoque, qu’on
apprenait la constitution entre elle, la Russie,
et la Biélorussie, d’une « Communauté d’États
souverains » à laquelle allaient bientôt se rallier l’Arménie et les républiques musulmanes
d’Asie centrale.
C’était à bien des égards l’objectif que s’était
fixé Gorbatchev avec son « traité de l’Union »,
dont l’imminence de la signature n’avait pas
peu contribué au déclenchement du putsch. À
cette nuance près que, dans sa version à lui,
l’Union aurait conservé un « centre », compédownloadModeText.vue.download 165 sur 490
L’ANNÉE DANS LE MONDE
163
tent notamment en matière de politique étrangère et de défense, et qu’il en aurait exercé
la présidence. Pour porter aux yeux du peuple
la responsabilité du naufrage économique du
pays, et à ceux de l’armée celle de l’évacuation, dans des conditions éprouvantes, de
l’Europe de l’Est, il n’avait guère de chances
d’y parvenir. Sa démission n’était donc qu’une
question de temps.
La nouvelle Communauté peut-elle cependant
se passer d’un ultime recours, alors qu’à lui
seul le contrôle des armes nucléaires pose
tant d’épineux problèmes ? Alors que ses
dimensions mêmes exposent la Russie à la
tentation de perpétuer une hégémonie séculaire ? L’avenir se chargera de répondre à ces
questions, étant entendu que la plus grave,
dans l’immédiat, vise l’étendue de la désorganisation économique, la montée en flèche
des prix, de l’inflation, de l’endettement, les
queues devant les rayons vides, le développement de la criminalité et le poids de mafias où
se retrouvent bien des aparatchiks d’hier.
L’éclatement de l’autre fédération communiste,
la Yougoslavie, a entraîné des conséquences
plus dramatiques encore. Aussi longtemps
que durait la guerre froide, il était impensable,
compte tenu de l’incidence qu’il aurait eu sur
les relations entre les superpuissances. Mais
la répétition de 1989 dans toute l’Europe de
l’Est ne pouvait pas ne pas gagner le pays de
Tito, durement affecté par la crise économique
et trop prisonnier de son passé pour ne pas exposer au grand jour, une fois que l’occasion lui
serait donnée, ses contradictions ethniques,
religieuses, idéologiques. C’est par milliers
que se comptent désormais les victimes de ce
que l’on n’ose plus appeler une guerre civile.
De timides progrès
Les États-Unis ne sont pas seuls à s’y être
cassé les dents. Ni la CSCE, ni la CEE, ni les
Nations unies ne sont parvenues à séparer les
combattants, et l’impuissance du sommet des
Douze à Maastricht, en fin d’année, à arrêter
une position commune face à ce drame n’a
pas manqué de donner un caractère un peu
dérisoire aux résolutions prises sur la nécessité
d’une politique étrangère commune. Même si
ce sommet, grâce notamment à l’accord réalisé
sur l’adoption, en 1999 au plus tard, avec ou
sans la Grande-Bretagne, d’une monnaie commune, a indiscutablement marqué un progrès
de l’intégration européenne, la poursuite de
celle-ci contraste par trop avec la désintégration à l’oeuvre dans l’est du continent, comme
en Afrique et dans plusieurs autres pays du tiers
monde.
Au vu de ce tableau, on est porté à se dire que
l’année qui aurait dû être celle du « nouvel ordre
mondial » est d’abord celle du désordre et de la
confusion. Il n’empêche que, grâce en grande
partie au ralliement de l’URSS aux « valeurs
communes de l’humanité », des conflits interminables ont trouvé en 1991 une conclusion
ou au moins l’amorce d’une conclusion. Sihanouk est rentré au Cambodge à la tête d’un
gouvernement de réconciliation nationale. Les
deux Corées se sont officiellement raccommodées. Le « négus rouge » d’Éthiopie a pris la
fuite. L’Afrique du Sud a abjuré l’apartheid et le
Congrès national africain de Nelson Mandela a
renoncé du coup à la lutte armée. La démocratie fait quelques timides progrès sur le continent
noir. Il n’y a plus de dictateurs en Amérique du
Sud, et celle du Centre se pacifie progressivement. Enfin et surtout, James Baker a réussi à
engager le dialogue entre les Israéliens et les
représentants à peine voilés de l’OLP.
De là à la paix, le chemin est encore long et l’on
ne saurait oublier que cette même année 1991
est celle où la Syrie a vu consacrer sa mainmise
sur le malheureux Liban. Il n’empêche que se
sont mis à parler ensemble des hommes dont
l’antagonisme avait longtemps paru insurmontable. C’est assez pour qu’on n’ait pas le
droit de s’abandonner, malgré tous les nuages
qui s’accumulent à l’horizon, à un excessif
pessimisme.
ANDRÉ FONTAINE
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
164
POLITIQUE
Une année triomphale pour la démocratie, c’est du moins ce que, avec
un brin d’angélisme, on pouvait espérer
de 1991. La disparition accélérée des
régimes marxistes-léninistes en Europe
de l’Est et en URSS allait laisser la place
à des institutions représentatives que les
peuples appelaient, semble-t-il, de leurs
voeux. Dans le monde entier, d’ailleurs,
exception faite de la Chine, de Cuba
et de la Corée du Nord, les dictatures
reculaient.
La réalité, comme trop souvent, a été
moins brillante. L’année a commencé
dans le fracas de la guerre et s’est achevée dans une crainte diffuse de l’avenir
qui n’a épargné aucun des pays où l’opinion publique peut se manifester sans
entrave.
La guerre du Golfe s’est terminée
par un succès militaire écrasant et des
fanfares triomphales. Les chefs d’État
en ont tiré, en France comme aux ÉtatsUnis, un prestige qui s’est vite effrité. Le
conflit a accéléré la crise économique
déjà commencée et provoqué une crise
psychologique qui en a largement accru
les effets. Le mot seul de « guerre » a
réveillé les souvenirs des uns et fait surgir les images de restriction et de repli
frileux dont les autres ont été depuis
cinquante ans abreuvés par les médias.
L’Occident a eu les jambes coupées par
le stress. Il est brusquement tombé dans
la morosité.
En France, pour faire fructifier le
capital de popularité que lui avait valu
l’affaire du Koweït, le président de la
République a tenté de muscler son gouvernement en faisant appel à Mme Édith
Cresson, réputée femme de caractère.
La glissade de la majorité et celle de
sa cote personnelle en ont, en fait, été
accélérées.
Aux États-Unis, M. George Bush
est dans une situation identique, faute
de pouvoir maîtriser les difficultés économiques intérieures. En Grande-Bretagne, le successeur de Mme Thatcher,
M. John Major, a grand peine à maintenir hors de l’eau le parti conservateur,
qui risque fort d’être écarté du pouvoir
à la prochaine consultation électorale.
L’Allemagne elle-même, qui doit digérer
la défunte RDA, conserve difficilement
son équilibre économique et financier. L’étiquette politique compte peu
lorsque les situations ont tendance à se
ressembler.
De l’internationalisme
au nationalisme
Si les gouvernements occidentaux
marquent quelque usure, à l’Est, les nouveaux pouvoirs, dans la mesure où ils
sont assurés, paient lourdement le prix
de la succession : ils sont rendus comptables de la catastrophe économique
qui, en grande partie, a amené la chute
des régimes communistes. Ils sont sous
la menace d’un fondamentalisme politique et du nationalisme qui, dans une
moindre mesure, n’épargne pas l’Ouest.
Les nationalismes débridés, nourris d’anciennes haines et d’anciens massacres,
ont entretenu l’incendie en Yougoslavie ;
ils font craindre à tout instant, en cette fin
d’année, des explosions parmi les restes
épars de ce qui fut l’URSS, maintiennent
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POLITIQUE
165
la tension en Tchécoslovaquie et les pulsions racistes et xénophobes même dans
les pays où la démocratie paraît très solidement établie.
En Chine même, où un capitalisme
très particulier se cache sous le manteau
d’un communisme qui se dit pur et dur,
des ferments de dissociation se manifestent non seulement au Tibet, annexé
naguère par la force, mais aussi dans des
provinces traditionnellement encastrées
dans le vieil empire.
Le Japon, qui, malgré ses intérêts
dans le Golfe, n’a pris part que financièrement au conflit, prend conscience
progressivement de la soumission de sa
classe politique et particulièrement de
ses gouvernants aux grands intérêts, et
d’une concussion qui dépasse de loin les
scandales français. Le modèle paternaliste qui régit ses entreprises commence
à être contesté. Une crise politique et
une crise de société se profilent à long
terme.
En Amérique latine, l’amélioration
économique se poursuit dans certains
pays et un grand espoir de paix est apparu au Salvador Cependant, la situation
des chefs d’État hors nonnes, comme
M. Menem en Argentine et M. Color au
Brésil, est de plus en plus fragile. Cuba,
privée de l’aide soviétique, s’enfonce dans
la régression industrielle et économique.
L’Afrique, elle, oscille entre le meilleur et le pire. En Algérie, le mécontentement et la misère ont donné au Front
islamique du salut (FIS), malgré ou à
cause d’une abstention massive, un si
net succès au premier tour des élections
législatives que l’ancien parti unique,
le FLN, l’opposition démocratique et
l’armée se préparent à réagir. Au sud du
Sahara, le bilan est mitigé. Si, dans des
pays comme le Zaïre, l’évolution vers la
démocratie subit de lourds revers, elle
paraît en bonne voie dans d’autres où
l’existence d’élites locales, comme au Bénin, facilite la transition.
Tandis que se disloquaient les ensembles soviétique et yougoslave que le
communisme, même s’il ne les avait pas
créés, maintenait rudement en place,
l’Europe poursuivait sa marche difficile
et toujours cahotante vers l’unité. De la
conférence de Maastricht, à la fin de l’année, et des décisions prises, on n’avait,
fin 1991, que des échos assez flous. Les
premiers mois de 1992 apporteront des
précisions sur le contenu d’accords qui
restent à rédiger. Les campagnes prévues
dans les pays de la communauté sur la
ratification montreront l’importance
exacte du réflexe de rétraction que l’on a
commencé à constater dans des opinions
publiques qui hésitent à franchir un pas
décisif. Là aussi, la revendication d’identité nationale agite les consciences.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
166
LE POINT SUR...
RELATIONS
INTERNATIONALES
Non sans difficultés, les États-Unis, auxquels l’effondrement de l’empire communiste a permis d’accéder au statut incontesté de seule superpuissance mondiale,
ont essayé d’imposer un nouvel ordre
international. Pour ce faire, ils ont eu tout
de même besoin de s’appuyer sur l’ONU
et d’obtenir l’accord des dirigeants de l’ancienne Union soviétique. Il leur a également fallu le soutien financier – essentiel
durant la guerre du Golfe – du Japon et
de l’Allemagne.
L’année a d’abord été marquée par
la guerre contre l’Irak, qui s’est déroulée entre le 17 janvier et le 28 février et
qui a eu de graves conséquences dans
le monde arabe et dans l’ensemble du
Moyen-Orient. En janvier, de multiples
démonstrations de solidarité avec Saddam Hussein ont été organisées dans les
pays du Maghreb, et particulièrement
dans les rues d’Alger, où, le 18, plusieurs
dizaines de milliers d’islamistes ont défilé. Le 3 février, à Rabat, des manifestants
aussi nombreux ont demandé le retrait
des 1 200 soldats marocains envoyés
en Arabie Saoudite. Enfin, l’OLP ayant
affirmé son soutien à Saddam Hussein
qui lançait des missiles Scud sur Israël,
la population jordanienne, où les Palestiniens sont majoritaires, s’est alignée sur
les thèses du maître de Bagdad.
Le 6 mars, les six États arabes du
Golfe, l’Égypte et la Syrie ont créé une
force de maintien de la paix dans le Golfe
afin que la sécurité y soit assurée après le
départ des Américains. Resté neutre durant le conflit, l’Iran a rétabli ses relations
diplomatiques avec l’Arabie Saoudite le
20 mars. Enfin, la Turquie, d’où partaient
des avions qui allaient bombarder l’Irak,
a fini par accepter en avril que 200 000
Kurdes puissent se réfugier sur son territoire avant de regagner l’Irak le 20 mai.
Le secrétaire d’État américain James
Baker, qui avait promis aux alliés arabes
de la coalition anti-irakienne de relancer
le processus de paix au Proche-Orient,
s’est rendu dans la région dès le 8 mars
pour entamer ses innombrables tournées
diplomatiques qui ont fini par aboutir
le 18 octobre. Il a pu alors annoncer, de
Jérusalem, l’ouverture à Madrid le 30 octobre d’une conférence de paix sur le
Proche-Orient à laquelle les Palestiniens
seraient représentés au sein d’une délégation commune avec la Jordanie.
En ce même 18 octobre, l’URSS et
l’État hébreu ont rétabli leurs relations
diplomatiques, qui avaient été rompues
par le Kremlin en 1967. Le 20 octobre,
cédant aux pressions du président Bush,
qui menaçait de refuser une garantie
financière américaine au gouvernement
israélien, celui-ci a fini par accepter de
participer à la conférence de Madrid. Le
jour précédent, l’OLP s’était réconciliée
avec la Syrie.
Guerre et paix
Afin d’assurer la paix et de préparer
des élections libres pour 1993, l’accord du
23 octobre a donné une autorité considérable à l’ONU dont les représentants
auront pour mission d’empêcher le retour
au pouvoir des Khmers rouges, responsables de la mort de plus d’un million de
personnes. Un véritable génocide.
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POLITIQUE
167
Dans le domaine du désarmement,
des progrès considérables ont été réalisés. Lors de leur rencontre du 31 juillet, MM. Bush et Gorbatchev ont signé
le traité START, qui était en négociation
depuis neuf ans. Cet accord prévoit une
réduction de 28 % des armements nucléaires stratégiques des deux pays. Le
président américain, le 27 septembre, et
le soviétique, le 5 octobre, ont ensuite
annoncé l’élimination prochaine de leurs
armes nucléaires à courte portée. Enfin,
le 17 octobre, les ministres de la Défense
de l’OTAN ont décidé de diminuer de
80 % les stocks de ce même type d’armes
entreposés en Europe.
L’entente entre Moscou et Washington
a eu des répercussions capitales dans le
reste du monde. Le 16 mai, lors du séjour
de M. Jiang Zemin en URSS, le premier
d’un secrétaire général du PC chinois
depuis 1957, un accord sur le tracé de la
frontière sino-soviétique orientale a été
signé.
En Afrique, la détente a aussi progressé. Le 31 mai, le président Dos Santos et
M. Savimbi, chef des rebelles de l’UNITA,
ont signé à Lisbonne un accord de cessezle-feu en Angola. Le 6 septembre, sous
l’égide de l’ONU, les hostilités ont cessé
au Sahara occidental, où un référendum
d’autodétermination doit être organisé au
début de 1992.
Enfin, le 17 septembre, les deux Corées ont été admises à l’ONU.
Concrétisé par la dissolution du
Comecon (28 juin), puis du pacte de Varsovie (1er juillet), et par l’indépendance
des États baltes (20 et 21 août), l’effondrement de l’empire soviétique a entraîné la réapparition des nationalismes en
Europe orientale. Malgré ses efforts, la
Communauté européenne, trop divisée,
n’a pu empêcher la guerre civile yougoslave. Gêné par les revendications de sa
droite nationaliste sur l’Istrie, qui était
italienne avant 1947, le gouvernement
de Rome craignait l’indépendance de la
Slovénie et de la Croatie. De son côté,
l’Allemagne, qui a renoué des relations
historiques avec cette partie de l’Europe,
défendait l’autodétermination des deux
républiques. Et la France a longtemps
souhaité le maintien de la fédération yougoslave qu’elle avait tant contribué à créer
en 1918.
Utile, l’initiative franco-allemande
du 14 octobre, visant à doter les Douze
d’une politique étrangère et de sécurité
commune, a été jugée une fois de plus
très cavalière par les petites nations de la
CEE. Mais l’essentiel était d’aboutir avant
la réunion du Conseil européen de Maastricht des 9 et 10 décembre.
LAURENT LEBLOND
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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L’ANNÉE
POLITIQUE EN
FRANCE
En 1991, le « choc », provoqué par la
nomination d’Édith Cresson et les nouvelles
orientations politiques n’ont pas paru suffisants aux Français pour leur faire oublier
les « affaires » et leur redonner confiance en
leur avenir immédiat.
Pour restaurer l’unité du Parti socialiste et pour rétablir son crédit dans
l’opinion, Michel Rocard misait à la fin de
1990 sur un long terme limité à 1993 par
l’échéance législative. La guerre du Golfe
et la volonté du président de la République ne lui en laissèrent pas le loisir.
La participation militaire victorieuse
de la France à la libération du Koweït
avait été pourtant un moment de quasiunanimité nationale. Assuré du soutien
massif du Parlement dont les membres
(523 députés et 290 sénateurs) avaient
approuvé le 16 janvier l’engagement des
forces françaises aux côtés de leurs alliés
anglo-saxons et arabes, le chef de l’État
avait vu sa cote de popularité s’envoler en
février jusqu’à un sommet de 65 % qu’il
ne devait plus jamais retrouver après la
signature du cessez-le-feu du 28 février.
L’effet « Golfe »
Pour le pouvoir, ce triomphe se révélera
rapidement riche en effets pervers. Sensibilisée par les aspects médiatiques de
la guerre du Golfe, l’opinion publique
laissa l’entreprise des trois « cavaliers » de
la rénovation, Michel Noir, Jean-Michel
Dubernard et Michèle Barzach, sombrer
dans l’indifférence de l’abstention. À l’issue des législatives partielles des 27 janvier et 3 février, qui coûtaient son siège
à Mme Barzach, l’opposition apparaissait
ressoudée et, au sein de l’UPF, Jacques
Chirac semblait être le mieux placé dans
la course à l’Élysée, tandis qu’Édouard
Balladur prenait à mi-parcours une
option sur Matignon dans l’hypothèse
où François Mitterrand serait contraint
d’accepter la constitution d’un deuxième
gouvernement de cohabitation en 1993.
Cette éventualité était renforcée par la
conjonction, au sein du PS, d’une double
opposition à la politique du chef de
l’État : celle de la Nouvelle École socialiste
animée par des élus de l’Essonne, Julien
Dray, Marie-Noëlle Lienemann, Jean-Luc
Mélenchon, hostiles par principe à tout
engagement militaire de la France qui ne
serait pas compris des jeunes « beurs » ;
celle de Socialisme et République, courant issu de l’ancien CERES, qui refusait
de subordonner « la politique arabe de la
France » à la défense des intérêts américains. En opposant leurs voix au message
présidentiel du 16 janvier, sept députés
et trois sénateurs socialistes n’hésitaient
pas à officialiser publiquement cette crise
interne au PS, crise qui aboutit logiquement, le 29, à la démission du ministre
de la Défense Jean-Pierre Chevènement,
dont les options politiques se trouvaient
ainsi curieusement alignées sur celles de
son adversaire le plus déterminé, JeanMarie Le Pen, en apparence indifférent,
en la matière, aux réactions de son électorat, porté naturellement à adhérer au
consensus dont la guerre du Golfe était
l’objet.
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POLITIQUE
169
Celui-ci dura d’autant moins que la
rapidité de la victoire avait entretenu, à
tort, chez les Français, l’illusion que leur
pays était encore une grande puissance
militaire et que la reprise économique
était au coin de la rue. Contraint pendant
les hostilités au « devoir de grisaille » par
le président de la République qui occupait le devant de la scène politique en tant
que « chef des années », Michel Rocard
souhaitait reprendre l’initiative sur le terrain social afin de combattre la croissance
du chômage : 0,4 % en janvier et 1,8 % en
février.
Pour stimuler la production et assurer la reprise de l’embauche, il empruntait alors à Jean Poperen l’idée d’une
indexation des salaires, non plus sur les
prix - dont l’élévation officielle apparaissait d’ailleurs faible (+ 0,4 % en jan-
vier et + 0,2 % en février) – mais sur la
croissance économique. Conforté par
des sondages qui révélaient que 74 % des
Français souhaitaient son maintien à Matignon, le chef du gouvernement bénéficiait de deux atouts pour assurer la mise
en oeuvre de sa politique : l’octroi par le
Koweït, le 25 février, d’une aide financière d’un milliard de dollars, aide qui
écartait le spectre d’un « impôt spécial
Golfe » ; l’effacement d’un syndicalisme
de contestation au profit d’un syndicalisme de concertation au lendemain des
élections du 12 février, qui faisait perdre
à la CGT, pour la première fois depuis la
Libération, la majorité absolue au sein
du comité central d’entreprise de la Régie
Renault !
La persistance du déficit du commerce extérieur (5,8 milliards de F en
janvier ; 3,6 milliards de F en février ;
4,7 milliards en mars ; 2,1 milliards en
avril) ne faisait que traduire le manque de
compétitivité des entreprises françaises
sur le marché international, ainsi que les
incidences économiques de la guerre du
Golfe qui ont mis un terme à la lucrative
course aux armements au Proche-Orient.
Leur part dans les exportations nationales diminuait donc dramatiquement à
l’heure où s’imposait la restructuration
destructive d’emplois de plusieurs industries clefs : celle de la flotte de pêche, selon le plan rendu public le 13 mars par
le ministre de la Mer, Jacques Mellick ;
celle de l’électronique, qui nécessitait, le
3 avril, une intervention directe de l’État
au profit des entreprises Thomson et Bull,
bénéficiaires de dotations en capital d’un
montant de 1,8 milliard de F pour la première et de 2 milliards pour la seconde,
qui avait dû, dès le 27 mars, annoncer
8 500 suppressions d’emplois en 1991 et
en 1992 pour éponger le seul déficit de
l’exercice 1990 : 6,8 milliards de F ; celle
de la télévision publique à laquelle il fallut accorder, également le 3 avril, une
somme d’un milliard de F pour assurer le
renflouement d’Antenne 2 et de FR3. Et
cette liste n’est malheureusement pas
limitative.
Pour assurer le financement de telles
mesures, le gouvernement dut alors
autoriser les entreprises nationalisées à
accepter une participation minoritaire
de capitaux privés à leur capital social à
concurrence, au maximum, de 49,99 %.
C’était ce que souhaitait ouvertement le
Premier ministre depuis 1982. Mais c’était
revenir sur le dogme du « ni-ni » (ni nouvelles nationalisations ni nouvelles privatisations) tel que l’avait proclamé le chef
de l’État en 1988.
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Le choix du Président
Publié au Journal officiel du 5 avril, le
décret d’application pouvait alors apparaître comme une apparente revanche de
Michel Rocard sur François Mitterrand.
Mais être obligé de se soumettre à la logique du capital pour assurer le « nouvel
élan » de l’économie ne dut guère plaire
à ce dernier, qui nourrissait sans doute
d’autres griefs à l’encontre de son Premier ministre. Les réformes en cours
passaient mal. Imposant de ce fait aux
villes une coopération intercommunale
sous la présidence, pas toujours souhaitée, du préfet, le projet de loi sur l’administration territoriale n’était adopté, le
9 avril, qu’à une voix de majorité, celle
du député centriste Edmond Gerrer,
son vote approbatif lui ayant été imposé
par un député socialiste, Bernard Dérosier, plus rapide à « tourner sa clef » que
Bernadette Isaac-Sibille, sa collègue de
l’UDC dont le groupe se trouvait dès
lors rejeté dans une opposition pure et
dure.
Assurant la mise en place des instruments de planification de la carte sanitaire et soumettant les établissements
de soins publics ou privés au système
d’autorisation à durée déterminée et au
régime d’évaluation périodique, le projet de loi sur la réforme hospitalière ne
pouvait être adopté en première lecture
par l’Assemblée nationale que grâce à la
procédure du « 49-3 », qui épargne au
gouvernement le risque d’être désavoué
par la majorité parlementaire. Et, quand
cette dernière adopta définitivement, le
12 avril, le nouveau statut de la Corse par
276 voix contre 262 et 38 abstentions, le
Conseil constitutionnel n’hésita pas à
sanctionner le gouvernement en annulant, le 9 mai, l’article 1er de la loi qui
reconnaissait l’existence d’un « peuple
corse composante du peuple français » !
Contraint par ailleurs de renoncer
dès le 17 avril à modifier le mode de scrutin pour les élections régionales de 1992,
faute de majorité parlementaire positive
pour ratifier cette réforme, critiqué sans
doute implicitement par le chef de l’État
pour n’avoir pas su prévenir les émeutes
qui avaient fait onze morts à Saint-Denis-de-la-Réunion du 23 au 25 février,
Michel Rocard ne survécut pas à la relance des « affaires » ; mort accidentelle
de Michel d’Ornano, le 8 mars, curieusement restée inexpliquée ; révocation, le
18, de l’inspecteur Antoine Gaudino, de
la police nationale, pour avoir dénoncé,
en 1990, l’affaire des fausses factures de
la SORMAE, société chargée de financer
les campagnes électorales du PS ; dessaisissement, le 7 avril, confirmé malgré l’avis contraire de la cour d’appel
d’Angers, du juge d’instruction Thierry
Jean-Pierre pour perquisition estimée
abusive par le parquet au siège parisien
d’Urbatechnic, bureau d’études chargé
du financement de ce même parti.
Il n’en fallait pas plus pour ressusciter
l’opposition. Celle-ci témoigna alors de
sa cohésion en déposant, le 9 avril, une
motion de censure qui recueillit, le 11,
261 voix pour défendre l’indépendance
de la justice. Et le bureau politique de
l’Union pour la France (UPF) la confirma le 10 par la signature d’un accord par
lequel le RPR et l’UDF s’engageaient à
organiser des primaires pour l’élection
présidentielle et à présenter des candidats communs aux élections régionales
de 1992 et législatives de 1993.
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POLITIQUE
171
Après mûre réflexion et au vu du
résultat des élections partielles qui attestaient le discrédit croissant du PS, François Mitterrand se résolut, le 15 mai, à
demander sa démission au chef du gouvernement pour confier ses responsabilités à Mme Édith Cresson.
En choisissant une femme comme
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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Premier ministre, pour la première fois
en France, le chef de l’État pouvait espérer créer le choc psychologique nécessaire pour donner « un nouvel élan » à
sa politique et pour préparer la mise en
place du « marché unique européen » le
1er janvier 1993.
Il n’en fut rien, malgré l’accueil favorable réservé, courtoisie aidant, au nouveau Premier ministre. Les raisons de cet
échec sont multiples. Pour donner plus de
cohérence à son équipe gouvernementale
et pour faciliter le rapprochement entre le
PS et le PCF en vue des échéances électorales de 1992 et de 1993, rapprochement
que concrétisa l’entretien au sommet du
6 juin entre Pierre Mauroy et Georges
Marchais, Édith Cresson, à quelques exceptions près (Jean-Pierre Soisson, JeanMarie Rausch), n’avait pas renouvelé dans
leurs fonctions les ministres de la France
unie. C’était renouer avec la politique
d’union de la gauche telle qu’elle avait été
pratiquée au début du premier septennat
de François Mitterrand. Mais c’était aussi
signer l’arrêt de mort de la politique d’ouverture au centre, inaugurée à l’aube du
second.
Le gouvernement pâtit également de
l’inexpérience de son chef. Sa déclaration
de politique générale fut mal accueillie
par l’opinion et par la presse qui relevèrent avec complaisance ses maladresses
de débutante. Le 21, on se gaussa de sa
réponse au Journal du Dimanche qui lui
aliéna les habitués du palais Brongniart :
« La Bourse, je n’en ai rien à cirer » (sic).
On se divertit fort du refrain qu’entonnèrent les membres du groupe « rap »
d’Orly qu’elle avait invités le 27 juin à la
« garden party » de l’Hôtel Matignon :
« Un gouvernement qui investit dans les
armements, c’est dégoûtant », affirmation
qui n’eut pas l’heur de plaire aux représentants présents de l’armée !
Ce n’étaient là que détails comparés
aux trois problèmes majeurs qu’Édith
Cresson s’était donné pour mission de
résoudre le 22 mai : « Muscler davantage notre appareil productif, renforcer
notre cohésion sociale, lutter contre les
inégalités et les exclusions, et d’abord
contre le chômage ». En charge d’un
superministère de l’Économie et des
Finances, Pierre Bérégovoy ne put épargner à la France les contrecoups de la
récession internationale ni améliorer la
compétitivité des entreprises françaises
à l’heure même où le déficit prévu de la
Sécurité sociale (23 milliards pour 1991 ;
26,4 milliards pour 1992) nécessitait une
augmentation « des prélèvements tant
fiscaux que sociaux » contre lesquels
l’opposition déposa une motion de censure qui ne recueillit, le 17 juin, que 265
des 289 voix nécessaires pour renverser le
gouvernement.
La République en péril
Fleuron de l’industrie française, la firme
Dassault ne pouvait vendre ses Mirages 2000-5 à la Suisse qui leur préférait,
le 26, les F18 américains. Pour sauver
Bull, il fallut accepter, le 9 juillet, l’entrée
de la société informatique japonaise NEC
dans son capital à hauteur de 4,9 % ; pour
assurer un nouveau souffle à deux autres
entreprises publiques, Usinor-Sacilor et
Air France, le Crédit Lyonnais le 15 et
la BNP le 17 durent apporter à la première 2,5 milliards de F et à la seconde
1 milliard de F d’argent frais ; enfin, le
18, le troisième groupe textile français
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POLITIQUE
173
VEV - Prouvost, n’évitait le dépôt de bilan que grâce à un plan de reprise mis au
point par ses banques créancières. Moins
chanceux, l’ultime groupe informatique
français était mis en liquidation financière le 11 juillet et le groupe marseillais
Sud-Marine subissait un sort analogue
le 29 avant d’être repris le 13 août par le
groupe Brisard, numéro un français de la
machine-outil.
Malgré l’adoption définitive le 3 juillet, par l’Assemblée nationale, de la loi sur
la réforme hospitalière et de la loi d’orientation sur la ville dite « loi antighetto », le
tissu social se déchirait. Le 11 juin, puis
le 17 novembre, près de 100 000 professionnels de la santé manifestèrent à Paris
contre les projets ministériels de maîtrise
des dépenses d’assurance maladie. Les
pouvoirs publics leur répondirent par
l’indifférence et entamèrent, impavides,
le 25, la mise en oeuvre de leur plan, qui
aboutit à l’augmentation des cotisations
sociales le 1er juillet et à l’adoption, en
première lecture, par l’Assemblée nationale le 5 octobre, du projet de loi portant
création d’une « agence du médicament ».
Avec une égale indifférence, ils refusèrent d’améliorer les conditions de travail et de salaires des infirmières, dont le
recrutement se tarit. Et quand celles-ci
osèrent défiler en masse dans les rues de
la capitale, ils n’hésitèrent pas à recourir
au canon à eau et au tir de grenades lacrymogènes pour les disperser, quitte à blesser quelques-unes d’entre-elles. C’est par
la violence également qu’ils répondirent
le 23 et le 24 juin, à Narbonne, à la revendication d’intégration sociale des fils de
« harkis », revendication qui ne fut satisfaite que partiellement le 12 juillet.
Victimes de la chute des cours de la
viande, inquiets des projets de réforme
de la politique communautaire, 200 000
agriculteurs affluèrent à leur tour à Paris
le 29 septembre pour y clamer leur colère,
prélude à une série de manifestations qui
empêchèrent les ministres de se déplacer en province, au grand mécontentement du chef de l’État qui dénonça,
le 22 octobre, « certaines bandes qui...
mettent en péril d’une certaine façon la
République ».
Où l’on parle de charters...
Inexorablement, la courbe du chômage
progressait vers la crête des 3 millions
de chômeurs, chaque opération de restructuration industrielle s’accompagnant
d’une annonce de suppression d’emplois :
25 % des effectifs à Antenne 2 et à FR3 le
12 juin ; 3 000 annoncées par Air France
le 25 septembre pour l’année 1992 ; 6 700
étalées sur trois ans selon un communiqué d’Usinor-Sacilor en date du 5 novembre, etc.
Devant l’ampleur de ce désastre humain, le Premier ministre n’a pas hésité,
dès le 26 mai, à « sortir du cadre idéologique de la gauche » pour préconiser le
développement de l’apprentissage dans le
cadre d’une alternance école-entreprise
qui permettrait de former les jeunes en
fonction des besoins du marché, au risque
d’entrer en conflit avec le ministre de
l’Éducation nationale, Lionel Jospin, préoccupé avant tout d’amener 80 % d’une
classe d’âge au niveau du baccalauréat.
Couplée aux mesures à court terme
proposées dès le 3 juillet par le nouveau
ministre du Travail, Martine Aubry,
cette nouvelle politique de formation des
jeunes devrait favoriser une reprise prodownloadModeText.vue.download 176 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
174
gressive de leur embauche, à condition
qu’aux courants migratoires en provenance d’Afrique ne viennent pas s’ajouter
des candidats à des emplois originaires,
cette fois, de l’Europe de l’Est et dont
l’arrivée serait facilitée dès 1993 par les
accords de Schengen, qui ont prévu la
création d’un espace sans frontière entre
huit pays de la CEE à partir du 1er janvier
1993.
Aggravé par la participation trop
fréquente d’étrangers en provenance
d’outre-mer à des manifestations de violence parfois sanglantes, telles celles qui
se déroulèrent du 9 au 12 juin à proximité
du quartier du Val-Fourré à Mantes-laJolie, le problème de l’immigration est
désormais considéré comme la clef de
celui de l’emploi par un nombre croissant
d’électeurs qui apportent leurs suffrages
au Front national de Jean-Marie Le Pen,
ainsi qu’en témoignent, par exemple, les
premiers tours des cantonales qui eurent
lieu le 15 septembre à Marseille (44,4 %)
et à Seynod, en Haute-Savoie (14,1 %).
L’ampleur de ce phénomène incita les
dirigeants de tous les partis politiques
« traditionnels » à modifier leur discours
en cette matière. Sans approuver la déclaration de Michel Poniatowski, publiée
dans le Figaro du 20 juin, selon lequel
« la population immigrée est hautement
criminogène », Jacques Chirac constata,
le 19, l’existence d’une « overdose d’étrangers » dont « le bruit et l’odeur » perturberaient la vie quotidienne des habitants des
HLM, avant même que Valéry Giscard
d’Estaing ne dénonce, le 21 septembre,
dans un article du Figaro-Magazine, le
risque d’« invasion » que représenteraient
pour la France une immigration non
contrôlée et une politique de naturalisations reposant sur le droit du sol, et non
sur celui du sang.
Contrainte de se saisir de ce problème
qui sapait sa base électorale, Édith Cresson n’hésita pas à envisager, le 8 juillet,
devant les caméras de TF1, le recours à
des vols spéciaux pour expulser les étrangers en situation irrégulière. Elle dut y
renoncer dans le dispositif de maîtrise
de l’immigration qu’elle présenta le 10 au
Conseil des ministres, car l’utilisation de
« charters » à cette fin révulsait de nombreux socialistes.
La montée de l’abstentionnisme, qui
se situait presque toujours entre 40 % et
50 % du corps électoral, la difficile réélection à la députation des anciens ministres
Jean-Pierre Chevènement et Claude
Évin, les nombreuses victoires remportées par le RPR, l’UDF où l’UDC lors
des élections communales ou cantonales
partielles témoignèrent que le pouvoir
n’était pas parvenu à rendre crédible sa
politique.
Changer le scrutin ?
Enfin, de trop nombreux scandales achevèrent d’ébranler la confiance des Français : assassinat de Chapour Bakhtiar le
6 août par des Iraniens, malgré la protection dont il bénéficiait ; suicide le 13 septembre d’Yves Laurent, maire socialiste
de Saint-Sébastien-sur-Loire lié à une
affaire de fausses factures ; condamnation le 26 du préfet de l’Élysée, Christian
Prouteau, pour « complicité de subornation de témoins » ; inculpation le 7 décembre d’Alain Boublil, ancien directeur
du cabinet de Pierre Bérégovoy, pour
délit d’initié dans l’affaire Pechiney, et
pire encore, inculpation le 21 novembre
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POLITIQUE
175
de trois anciens responsables de la Santé
pour contamination d’hémophiles par le
virus du Sida lors de transfusions sanguines en 1984 et en 1985 !
Dans ces conditions, on comprend la
chute de popularité du chef du gouvernement, qui ne satisfaisait plus que 27 % des
électeurs sondés à la fin de décembre. On
comprend aussi celle du chef de l’État, qui
s’est abaissée de 65 % en février à 31 % en
décembre, l’opposition et les médias lui
ayant reproché son hésitation à dénoncer
les auteurs du putsch de Moscou contre
Mikhaïl Gorbatchev le 19 août. On comprend enfin que, pour éviter d’être accusés de fausser le résultat des élections, les
responsables du pouvoir aient renoncé à
réformer la loi électorale pour les régionales de 1992 et soient – semble-t-il – en
passe d’abandonner leur projet de réforme du mode de scrutin pour les législatives de 1993.
Au soir du 31 décembre 1991, l’avenir
n’était pas « rose » pour les hommes de la
majorité présidentielle. Sera-t-il « vert »,
« bleu blanc rouge », ou « blanc », ou bien
restaurera-t-il au pouvoir les représentants du RPR et de l’UDF, ressourcés par
une longue cure d’opposition ?
PIERRE THIBAULT
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
176
LE POINT SUR...
POLITIQUE ÉTRANGÈRE
Alors qu’ils tentaient de trouver les
moyens d’intervenir pour mettre un
terme aux tragédies vécues par certains
peuples européens et surtout extra-européens, le président de la République
et les responsables de la politique étrangère française ont été surpris par l’effondrement du monde communiste. Qu’il
s’agisse de l’unification de l’Allemagne ou
de l’indépendance des nations qui formaient l’ancien empire soviétique ou la
Yougoslavie, M. François Mitterrand a
d’abord essayé de retarder les évolutions,
et, à l’instar de Metternich, de conserver
le statu quo international ; ensuite, le chef
de l’État a cherché à rattraper les erreurs
commises.
L’année des initiatives
Si elles ont diversement abouti, les
initiatives françaises au moment de la
crise du Golfe ont eu le mérite de l’originalité : le 5 janvier, M. Michel Vauzelle,
président de la commission des Affaires
étrangères de l’Assemblée nationale, est
allé rencontrer le président Saddam Hussein à Bagdad ; le 14, la France a proposé
un ultime plan de paix au Conseil de sécurité de l’ONU, que les États-Unis et le
Royaume-Uni n’ont cependant pas voulu
soutenir. Le 5 avril, le Conseil de sécurité
a voté une résolution française en faveur
des Kurdes à nouveau pourchassés par
Saddam Hussein ; puis l’insistance de
Paris ainsi qu’une campagne de presse
américaine ont conduit le président Bush
à accepter le 16 l’envoi dans le nord de
l’Irak d’une force de protection à laquelle
militaires français et britanniques se sont
ensuite joints.
Coprésidente, avec l’Indonésie, de la
conférence sur le Cambodge, la France a
joué un rôle déterminant dans le processus qui a abouti à l’accord de paix signé
à Paris le 23 octobre. Le Quai d’Orsay
a trouvé un compromis qui a permis la
conclusion du cessez-le-feu.
Sur le Vieux Continent, les démarches françaises ont été pour le moins
intempestives. L’idée de Confédération
européenne avancée par M. François
Mitterrand a subi un demi-échec lors des
assises tenues à Prague du 12 au 14 juin.
Le président de la République avait
déclaré que les nouvelles nations indépendantes d’Europe orientale devraient
« attendre des dizaines d’années » avant
de pouvoir adhérer à la Communauté
européenne. Le président a dû plus tard
nuancer quelque peu ses propos.
Également malencontreuse a été l’intervention télévisée du chef de l’État du
19 août à propos du putsch qui venait
d’avoir lieu à Moscou. En parlant des
« dirigeants » soviétiques actuels qui
seraient « jugés sur leurs actes », en ne
condamnant pas nettement leur action
et en s’abstenant d’apporter son soutien à
Mikhaïl Gorbatchev, le président français
a donné l’impression de les accepter immédiatement comme ses nouveaux et légitimes interlocuteurs, même si, quelques
heures plus tôt, il leur avait demandé de
garantir la vie et la liberté de MM. Gorbatchev et Eltsine.
Lors de son voyage en Allemagne
orientale, du 18 au 20 septembre,
M. François Mitterrand a dissipé en partie le malaise qui régnait entre Paris et
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POLITIQUE
177
Bonn. Cette crise était due à la fois à la
méfiance du chef de l’État français vis-àvis de l’unification allemande et à l’attitude des responsables d’outre-Rhin, plus
préoccupés de leurs problèmes nationaux que de l’union européenne. Depuis
lors, l’initiative prise le 14 octobre par
MM. François Mitterrand et Helmut
Kohl en faveur d’une politique étrangère
et de sécurité commune aux Douze a
montré que la coopération franco-allemande se portait relativement bien. Les
deux dirigeants ont proposé la création
d’un corps franco-allemand, qui serait le
noyau d’une future armée européenne.
LAURENT LEBLOND
DÉFENSE
En 1991, l’actualité de la défense a été
placée sous le double signe de la détente
Est-Ouest et de la tension Nord-Sud.
La réunification allemande se traduira,
comme l’a annoncé Pierre Joxe, ministre de la Défense, par la dissolution
en deux ans de deux divisions blindées
et de quatre régiments d’artillerie, dans
le cadre du retrait des Forces françaises
en Allemagne (FFA). Parallèlement,
Français et Allemands ont présenté en
octobre un projet de politique étrangère
et de défense communes. Essentiellement
politique, celui-ci prévoit la création d’un
corps d’armée franco-allemand de 30 000
à 40 000 hommes avec un état-major basé
à Strasbourg. Selon Paris, il s’agira du
« noyau d’un corps européen pouvant inclure les forces d’autres États membres de
l’UEO » (Union de l’Europe occidentale :
les douze de la CEE moins l’Irlande, la
Grèce et le Danemark). L’initiative franco-allemande ne pouvait que susciter la
méfiance des États-Unis et de leurs alliés
dans l’OTAN, voire l’hostilité de certains
membres de l’Alliance comme l’Italie et la
Grande-Bretagne dont le chef de la diplomatie, Douglas Hurd, déclarait « inutile
et dangereux de dédoubler ce que fait
l’OTAN en Europe ».
La guerre du Golfe, qui a démontré l’importance majeure des systèmes
de renseignement et de communication
dans la conduite des opérations, a souligné combien Paris était dépendant de
Washington dans le cadre d’un conflit
armé. Aussi la France a-t-elle décidé de
se doter d’une infrastructure autonome
de communication, comprenant radars
aéroportés et satellites de renseignement
et d’alerte avancée. Dernier effet induit,
la guerre du Golfe a relancé le débat sur
le bien-fondé de la conscription. Finalement, la France s’est gardée de trancher,
en préférant ramener la durée du service
national de douze à dix mois.
PHILIPPE FAVERJON
LÉGISLATION
En 1991, le droit français aura connu
l’aboutissement de quelques grandes réformes attendues.
Deux lois du 10 juillet 1991 sont
dignes de la plus grande attention. La
première (no 91-646), relative au secret
des correspondances émises par la voie
des télécommunications, comble un
vide légal en organisant les fameuses
« écoutes » aussi bien judiciaires qu’administratives : ces dernières, dites « interceptions de sécurité », ne peuvent plus
être ordonnées que par décision écrite et
motivée du Premier ministre ; une commission nationale de contrôle en vérifie la
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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légalité si son président le juge nécessaire.
La seconde loi (no 91-647) substitue l’aide
juridique à l’aide judiciaire, dont l’insuffisance était reconnue de tous ; elle associe
à l’assistance juridictionnelle, bien amplifiée, une aide à l’accès au droit.
Les nécessités de l’harmonisation
Une loi du 9 juillet (no 91-650), qui
réforme globalement les procédures
civiles d’exécution avec le dessein d’en
accroître l’efficacité, confie au Ministère
public la recherche de l’information sur
les débiteurs défaillants. La loi no 91-491
du 15 mai confère aux juridictions de
fond la faculté de saisir la Cour de cassation pour avis quand un problème de
droit non résolu se pose à elles.
Par la loi no 91-593 du 25 juin, le législateur redéfinit les rapports entre les
agents commerciaux et leurs mandants.
Tenu par les nécessités de l’harmonisation, il transpose la directive communautaire « travaux » du 18 juillet 1989 à
des concessions et à des contrats de droit
privé non soumis au Code des Marchés
publics ; il ajoute à la loi no 91-3 du 3 janvier un volet éminemment politique –
compte tenu des « affaires » – avec un
titre Ier qui crée une institution et un délit
nouveaux afin d’améliorer la transparence et la régularité de la passation et de
l’exécution des marchés publics.
Six mois seulement après sa création,
le ministre de la Ville obtient l’adoption
par le Parlement d’une ambitieuse loi
d’orientation (no 91-662, du 13 juillet).
Ce texte tente de répondre aux problèmes cruciaux posés par les cités en
crise en dotant l’administration de nouveaux moyens juridiques et financiers de
préparer ou d’inciter l’action d’opérateurs
publics et surtout privés. Il marque un
net retour de l’État dans la politique foncière locale.
Les lois « portant diverses dispositions » – textes fourre-tout dissimulant
à l’occasion des réformes essentielles – se
multiplient et gonflent fâcheusement. Il
convient de le regretter et d’incriminer
la façon dont le gouvernement conduit le
travail législatif. Ainsi, la loi du 26 juillet
(no 91-716) portant diverses dispositions
d’ordre économique et financier réécrit
quelques articles du Code des assurances,
harmonise avec le droit communautaire
la législation sur la TVA, modifie la loi du
17 juin 1987 sur l’épargne avant d’apporter de multiples aménagements au Code
général des impôts.
Un texte du 31 juillet (no 91-738)
portant diverses mesures d’ordre social
s’intéresse autant aux laboratoires privés
d’analyses médicales, à la politique sociale dans les départements d’outre-mer,
à la protection sociale des détenus qu’à
l’inéligibilité aux chambres de commerce
et à celles des métiers.
Le législateur a également reconsidéré la politique de la santé. Âprement
discutée, très controversée dans ses principes et ses modalités, la réforme hospitalière est décidée par la loi no 91-748
du 31 juillet. On y retiendra renonciation des droits du malade accueilli dans
un établissement de santé et les modes
d’élaboration de la carte sanitaire et du
schéma d’organisation sanitaire. La lutte
contre le tabagisme et l’alcoolisme est intensifiée par la loi no 91-32 du 10 janvier :
désormais, la publicité pour les cigarettes
et les produits spiritueux est drastiquement limitée.
Les réformes judiciaires sont loin
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POLITIQUE
179
d’être négligeables, notamment la loi
no 91-1264 du 19 décembre qui autorise
désormais, sous le contrôle de l’autorité
judiciaire, les officiers de police judiciaire
et les agents des douanes à acquérir, détenir et livrer des produits stupéfiants ;
elle amnistie les agents trop diligents qui
n’avaient pas attendu cette réforme pour
se livrer à de telles activités.
Une seconde loi portant diverses dispositions d’ordre social (no 91 -1406 du
31 décembre) institue (art. 47) les modes
d’indemnisation des « victimes des préjudices résultant de la contamination par
le virus d’immunodéficience humaine
causée par une transfusion de produits
sanguins ».
HERVÉ ROBERT
VIE SOCIALE
Avec le ralentissement de l’activité économique, la crise du Golfe et l’incertitude
sur la reprise, la « sinistrose » s’est emparée des Français en 1991. Confrontées à
la baisse de leurs résultats, les entreprises
se sont lancées dans la course à la productivité en ayant recours à nouveau aux
restructurations et aux « plans sociaux »
synonymes de licenciements, à quoi est
venue s’ajouter la multiplication des défaillances d’entreprises.
Les chefs d’entreprise étaient moroses et inquiets, et le président du
CNPF, François Périgot, a durci le ton à
l’encontre du gouvernement. Il a plaidé
pour le renforcement des fonds propres
des entreprises par le développement de
l’épargne longue, pour le redéploiement
des charges, pour un allégement des prélèvements fiscaux et sociaux et pour une
amélioration du système de formation.
En revanche, il a dénoncé l’excessif souci
redistributeur des pouvoirs publics.
La France est calme
La montée constante du chômage depuis l’automne 1990, la moindre progression du pouvoir d’achat, la dégradation
de la situation financière des ménages, la
persistance des inégalités et les difficultés de la vie quotidienne pour une partie
croissante de la population (les chômeurs
de longue durée, les RMIstes, dont l’espoir
de réinsertion n’est pas toujours satisfait,
les ménages surendettés et les plus démunis confrontés au problème du logement)
ont eu raison du moral d’une grande partie des Français. À cela est venue s’ajouter
une crise psychologique qui a réveillé de
vieilles craintes (peur du chômage, peur
de l’immigration, peur de l’insécurité
urbaine que la violence dans quelques
banlieues a renforcée) accroissant alors la
méfiance envers la classe politique.
Pourtant, le malaise était diffus et,
globalement, la France est restée calme
sur le plan social, le niveau des grèves,
qui décroît depuis dix ans, n’ayant jamais
été aussi faible depuis 1946. Surtout, les
conflits sont restés localisés et les revendications ont été de plus en plus catégorielles. Le climat social s’est tout de même
dégradé à l’automne avec la multiplication des grèves et des manifestations
(agriculteurs, infirmières, agents des
transports, professionnels de la santé,
travailleurs sociaux, ouvriers de l’usine
Cléon de Renault...), en particulier dans
le secteur public.
Dans ce contexte de troubles sociaux,
FO (Marc Blondel), soutenue par la CGT,
a lancé le 24 octobre une grève générale
interprofessionnelle qui n’a pas remporté
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le succès espéré et qui a reflété la baisse de
crédibilité des syndicats.
Confrontées à une perte d’audience,
les organisations sont restées en effet divisées, même si les rencontres bilatérales
se sont multipliées. Même si Jean Kaspar,
à la tête de la CFDT, tentait depuis deux
ans de favoriser les convergences intersyndicales, par leur comportement, on
pouvait toujours distinguer les syndicats
réformistes (CFDT, CFE-CGC de Paul
Marchelli, CFTC d’Alain Deleu et FEN de
Guy Le Néouammic), qui privilégient la
négociation et la recherche de compromis, des syndicats contestataires (CGT,
FO). Plus grave, les dissensions au sein
des organisations (FEN, CGT, FO) sont
apparues au grand jour : ainsi, Henry
Krasucki, avant d’abandonner son poste
de secrétaire général de la CGT à Louis
Viannet, lors du prochain Congrès de
janvier 1992, n’a pas hésité à critiquer les
pratiques de la centrale en dénonçant son
« monolithisme », qui l’appauvrit.
La chasse aux « faux chômeurs »
Toutefois, mettant en sourdine leurs
querelles habituelles, les syndicats réformistes ont entrepris une démarche globale et se sont retrouvés pour critiquer
la politique budgétaire et exiger un changement de politique économique en proposant une « relance graduée, sélective
et sectorielle » de l’économie susceptible
d’atténuer la dégradation de l’emploi. À
leur demande, ils ont rencontré le Premier ministre, Mme Édith Cresson, le
11 octobre, pour obtenir l’ouverture de
discussions dans certains secteurs (automobile, électrique, textile).
De même, les syndicats ont cherché
à développer et à enrichir la négociation,
qui se portait bien, en dépit d’un certain
attentisme, face à une conjoncture incertaine. Les accords se sont multipliés, en
particulier au niveau des entreprises, et
portaient surtout sur les salaires (les négociations de branches sur les bas salaires,
décidées en 1990, et qui doivent aboutir
d’ici à la fin de 1992, ont été bien avancées, mais celles sur les grilles de classification et les déroulements de carrière,
beaucoup moins), mais concernaient
également le temps de travail, la formation et la gestion prévisionnelle pour
l’emploi. Au niveau interprofessionnel, la
négociation sur la formation professionnelle commencée en février s’est achevée
le 3 juillet sur un accord. Le texte a été
repris dans un projet de loi qui a réformé
la loi de 1971. Depuis le 23 septembre,
les partenaires sociaux se sont rencontrés pour trouver les moyens de pallier le
déficit croissant de l’UNEDIC à la suite
de l’aggravation du chômage. À cette occasion, le patronat s’en est pris aux « faux
chômeurs » (les salariés intermittents du
spectacle). De même, la négociation sur
l’apprentissage s’est ouverte le 31 octobre.
Enfin, le 25 octobre, l’État et les partenaires sociaux ont signé un accord en vue
de maîtriser les dépenses de santé.
Des mesures pour l’emploi
En revanche, dans la fonction publique, la négociation s’est révélée plus
difficile étant donné que la politique
contractuelle était en panne depuis avril
1990, mais le gouvernement a tenté de
renouer le dialogue avec les syndicats et
un compromis a été finalement trouvé le
22 octobre. Les fonctionnaires ont obtenu une hausse générale de leurs rémunérations de 6,5 % d’ici au 1er février 1993.
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POLITIQUE
181
Dans ce climat social pesant, le gouvernement, toujours accroché à sa politique de maintien des grands équilibres et
de désinflation compétitive, mais limité
dans sa marge de manoeuvre par le ralentissement économique, a demandé une
mobilisation générale des entreprises. Le
ministre du Travail, Mme Martine Aubry,
n’a pas hésité à critiquer certains mauvais
plans sociaux (trop de préretraites ou
de chèques de départ). Dans le même
temps, les mesures en faveur de l’emploi
se sont multipliées : développement du
chômage partiel, revalorisation du SMIC,
plan emploi privilégiant l’accès au travail
au détriment des mesures d’assistance et
lutte contre le travail clandestin. Parallèlement, un plan en faveur des petites et
moyennes entreprises a été annoncé.
DOMINIQUE COLSON
BUDGET
Dans un contexte de croissance ralentie
et donc de moindres rentrées fiscales,
MM. Bérégovoy et Charasse, en présentant un budget 1992 pour « la compétitivité et l’emploi » n’ont pas voulu céder
aux pressions en faveur de la relance et
ont préféré maintenir le cap de la rigueur
en freinant les dépenses pour éviter un
dérapage du déficit.
À la différence des années précédentes, les dépenses stagnent pratiquement, puisqu’elles ne progressent que de
3,1 %, soit à peine plus que l’inflation prévue (2,8 %). Surtout, elles s’accompagnent
pour la première fois d’une suppression
globale de 2 732 emplois. Compte tenu de
certaines dépenses incompressibles (traitement des fonctionnaires, charge de la
dette), la marge de manoeuvre est faible et
les dépenses supplémentaires sont, dans
leur intégralité, accordées à cinq grandes
priorités qui relèvent, pour la plupart, de
choix antérieurs : éducation et formation
(+ 5,9 % et 5 700 créations d’emplois), industrie et recherche (+ 5,9 %, et, pour la
recherche industrielle, + 13 %), solidarité
(+ 5,9 milliards de F, en particulier pour
le RMI), justice (+ 4,8 % et 477 créations
d’emplois) et Aide publique au développement (+ 2,2 milliards de F). En dehors
de quelques autres traitements préférentiels (culture, politique de la ville, jeunesse et sports, sauvegarde de l’environnement, logement social), tous les autres
postes font l’objet d’économies et de suppressions d’effectifs. Les objectifs déclarés
sont « le renforcement de la cohésion et
de l’appareil productif à l’approche du
grand marché européen et l’affirmation
de la place de la France dans le monde ».
Des transferts entre contribuables
Les recettes n’augmenteront que de
2,6 %, soit plus faiblement que les dépenses, pour atteindre 1 240,82 milliards
de F. Si, après cinq à six ans de baisse ininterrompue, la relance par la réduction des
impôts est exclue, il n’est pas question,
en revanche, et malgré les contraintes
budgétaires, d’aggravation globale de la
pression fiscale, mais plutôt de transferts
entre contribuables. Ainsi, pour renforcer le tissu des PME, des allégements
fiscaux leur sont accordés : baisse de
l’impôt sur les bénéfices distribués de 42
à 34 % (soit, dorénavant, le même taux
que pour les bénéfices non distribués) ;
crédit d’impôt lors d’une augmentation
de capital ; uniformisation à 18 % des
impôts sur les plus-values autres que financières ; réduction des droits de mutadownloadModeText.vue.download 184 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
182
tion... En compensation, l’impôt sur les
plus-values financières est passé de 25 à
34 % le 1er juillet. Les particuliers, quant
à eux, ne sont pas concernés, hormis par
quelques mesures en faveur du logement
neuf locatif.
Le déficit passera de 80,7 milliards
de F prévus (mais non réalisés) en 1991
à 89,54 milliards de F. Mais le gouvernement exclut de le laisser filer davantage,
car il aggrave l’endettement public dont
la charge annuelle de remboursement des
intérêts pèse sur les dépenses de l’État.
La plupart des spécialistes estiment
plus que probable le dérapage des dépenses compte tenu de la multiplication
des mesures (plan PME, plan emploi,
crédits à l’agriculture...) annoncées à
l’automne, et par conséquent prévoient
que le déficit sera beaucoup plus élevé
que prévu (à l’exemple de celui de 1991
qui approche les 100 milliards de F).
D’où l’annonce par le gouvernement de
la cession d’actifs d’entreprises publiques
(privatisations partielles) pour financer
l’appareil productif...
DOMINIQUE COLSON
POLITIQUE ÉCONOMIQUE
La situation économique se dégradant,
les pressions extérieures en faveur de
la relance n’ont cessé de se multiplier.
Pourtant, le gouvernement Rocard puis
le gouvernement Cresson ont maintenu
le cap. La rigueur fondée sur le respect
des grands équilibres et le credo monétariste a donc été maintenue dans le cadre
de la politique de désinflation compétitive (inflation faible et monnaie solide)
menée depuis 1983. Tout en justifiant la
continuité, le nouveau Premier ministre,
Mme Édith Cresson, a également cherché, en présentant son programme au
mois de septembre, à mettre l’accent sur
le dynamisme industriel, la lutte pour
l’emploi et le renforcement de la cohésion
sociale.
Dynamiser l’appareil productif
La volonté de maîtrise des finances
publiques a conduit à adopter à deux
reprises un plan d’économies budgétaires afin d’éviter le dérapage du déficit
1991 (qui sera pourtant plus élevé que
prévu), puis à présenter un budget 1992
qui tend à contenir le déficit budgétaire
sans accroître les impôts – d’où un coup
de frein aux dépenses. Le plan vise enfin
à limiter le déficit de la Sécurité sociale
en augmentant la cotisation d’assurance
maladie et en signant avec les partenaires
sociaux un accord sur la maîtrise des dépenses de santé.
Du côté de la politique monétaire,
le contrôle des agrégats intérieurs et la
consolidation du franc restent les priorités qui rendent impossible la baisse des
taux d’intérêts pourtant recherchée (les
deux baisses de mars et d’octobre ont été
annulées en novembre).
Pour dynamiser l’appareil productif,
un plan PME-PMI présenté le 16 septembre a cherché à augmenter les fonds
propres et à favoriser la transmission
et le développement des PME par dixneuf mesures composées essentiellement
d’allégements fiscaux contrebalancés par
la hausse des impôts sur les plus-values
financières des entreprises.
De même, tout en réaffirmant que
la lutte contre le chômage passe par la
maîtrise des revenus salariaux, le gouvernement a accepté de donner un coup
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POLITIQUE
183
de pouce de 0,6 % au SMIC au-delà des
1,7 % réglementaires du 1er juillet, et d’accorder aux fonctionnaires une hausse générale de 6,5 % de leurs traitements d’ici
au 1er février 1993. Surtout, il a multiplié
les mesures en faveur de l’emploi.
Après avoir encouragé le chômage
partiel et réprimé davantage le travail
clandestin, il a annoncé en octobre un
plan emploi de 7,5 milliards de francs
pour favoriser l’accès au travail des
jeunes sans qualification (exonération
des charges sociales pour les entreprises
concernées) et pour développer les emplois de proximité (les services aux personnes) au moyen de crédits d’impôts.
Pour financer la politique industrielle
et la défense de l’emploi, le gouvernement a décidé la cession de parts minoritaires du capital de certaines entreprises
publiques au secteur privé (appelée improprement privatisation partielle). Le
Crédit Local de France a ouvert le chemin, suivi par Elf Aquitaine et par les
assurances.
Enfin, des mesures plus ciblées ont
concerné l’agriculture, la sauvegarde
de l’environnement et les populations
démunies.
DOMINIQUE COLSON
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
184
LA POLITIQUE
RÉGIONALE
Rapprocher la politique de la ville et celle
de l’aménagement du territoire et délocaliser l’administration tout en gardant
les yeux fixés sur l’horizon européen sans
oublier ses autres engagements et sans
négliger les risques d’explosion du système,
tels ont été les soucis du gouvernement en
1991.
L’aménagement du territoire
Logique et relance. Voilà les deux mots
clés qui marquent la politique d’aménagement du territoire en 1991. Une
politique, au demeurant, qui, au fur et
à mesure que se rapprochait l’échéance
des élections régionales et cantonales de
mars 1992, semblait susciter un intérêt et
même des revendications de plus en plus
soutenus chez tous les élus locaux et par-
lementaires, à droite comme à gauche.
La logique concerne le rapprochement, sous une même autorité ministérielle dans le gouvernement formé par
Mme Édith Cresson, des politiques de la
ville et de l’aménagement du territoire.
Comment ne pas voir en effet que les
villes – métropoles ou villes moyennes
– sont devenues des points d’ancrage ou
des noeuds autour desquels s’ordonne désormais le développement économique ?
Qu’une ville connaisse une vive expansion, et tous les cantons des environs en
bénéficieront indirectement. À l’inverse,
le déclin démographique ou économique
de tel centre urbain entraîne quasiment
ipso facto la dégénérescence des zones
rurales voisines. C’est d’ailleurs l’un des
enseignements du recensement de 1990
(éd. 1991).
De même, la politique de la ville, qui
était née dans les années 1989-1990 à partir des flambées de violence dans certaines
banlieues déshéritées, ne pouvait se cantonner dans une conception restrictive,
voire négative ou marginale, consistant à
soigner les façades des grands ensembles,
prendre en charge les jeunes désoeuvrés,
réinventer un urbanisme moderne et une
architecture plus conviviale. Associer à
cette démarche sociale une politique de
« réseaux de villes » à base de solidarité
géographique entre Brest, Rennes, Nantes
et Angers, par exemple, ou entre Reims,
Châlons-sur-Marne et Troyes ouvre des
perspectives intéressantes de stratégie de
développement.
Un horizon européen
Qu’elles soient regardées de l’intérieur, avec leurs problèmes de quartiers,
de transports, d’immigration, de lieux
de culture, de reconquête des centres
urbains historiques, ou que l’on considère leur ouverture vers les autres, c’està-dire en prenant en compte la dimension de l’agglomération ou les relations
avec les autres cités de la région, les villes
sont donc des références obligées dans
toute politique d’aménagement du territoire. La mise sur pied des schémas
d’autoroutes ou de TGV et le plan Université 2000 ont été conçus eux aussi en
fonction de la carte des villes françaises,
de leur poids démographique et de l’arrière-pays qu’elles desservent.
C’est à Michel Delebarre, maire de
Dunkerque, qu’a été confié l’ensemble
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POLITIQUE
185
du « paquet » Ville et Aménagement du
territoire et, pour montrer l’importance
qu’ils attachaient aux enjeux, M. Mitterrand et Mme Cresson lui ont donné
le titre de ministre d’État. Il est assisté
dans sa tâche par M. André Laignel, élu
de l’Indre, qui a plus particulièrement
en charge les secteurs de l’aménagement
rural, du littoral, de la montagne et du
développement local.
La relance, quant à elle, s’est manifestée le 3 octobre et le 7 novembre, à l’occasion des deux comités interministériels
d’aménagement du territoire (CIAT) qui
ont arrêté plusieurs mesures de « délocalisation administrative ». Mme Cresson
et son chef d’état-major sur ce dossier
(Michel Delebarre) ne se sont pas fait que
des amis parmi les membres du gouvernement en décidant d’envoyer la SEITA à
Angoulême, l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) à Lille, l’Office
national des forêts à Bourges et, surtout,
l’ENA à Strasbourg.
Ce que certains ont appelé l’« exil »
d’une des plus prestigieuses grandes
écoles a provoqué une formidable levée
de boucliers à la fois dans la « nomenklatura » des anciens élèves de l’ENA et
dans la haute fonction publique. Couper
le cordon ombilical entre la pépinière des
grands corps de l’État, les administrations centrales, toujours sous l’emprise
du démon du jacobinisme, et les ministères parisiens était aussi sacrilège que
dangereux. Autant supprimer l’ENA, disaient certains ! Pourtant, que l’on sache,
ni HEC, ni Polytechnique, ni l’École de
la magistrature, ni l’École des impôts, ni
celle de la santé publique, sises à Jouy-enJosas, Palaiseau, Bordeaux, ClermontFerrand ou Rennes, ne peuvent être
qualifiées de « sous-grandes écoles »... Et
Strasbourg, ville à vocation internationale, n’est-elle pas un choix judicieux si
l’on veut, précisément, donner aux futurs
hauts fonctionnaires un enseignement
et un horizon européens ? Pourquoi la
France ne serait-elle pas pionnière dans
la mise en place d’une haute fonction publique communautaire ?
Cette volonté gouvernementale d’alléger l’Île-de-France en transférant des
organismes administratifs qui n’y sont
pas indispensables est allée de pair avec
de nouvelles instructions données pour
l’aménagement du territoire francilien.
Provinciale, Mme Cresson a voulu infléchir les choix qu’avait déjà faits son prédécesseur, Michel Rocard.
Il s’agit aussi de mieux associer,
dans le cadre du futur schéma d’aménagement, le développement de l’Îlede-France et celui des Régions périphériques comme la Picardie ou
Champagne-Ardennes. Dans le secteur
de la recherche, il faudra là aussi trouver un meilleur équilibre géographique.
La Région capitale détient actuellement
52 % du potentiel national : il faudra
que cette part descende à 48 %. Un Livre
blanc et une charte du Bassin parisien, à
la rédaction desquels seront associés les
conseils régionaux concernés, devaient
être publiés au début de 1992.
Politique de la ville :
6 milliards bout à bout
À l’occasion du débat parlementaire consacré
au budget du ministère de la Ville et de l’Aménagement du territoire, Michel Delebarre a diffusé
aux parlementaires l’état récapitulatif de l’effort
financier consacré à la politique des villes et du
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développement social urbain sous forme d’un
document intitulé « Jaune budgétaire ».
Ce document, établi pour la première fois,
regroupe, en sus des crédits spécifiques qui
s’élèvent à 1,048 milliard de francs, des crédits relevant de plusieurs ministères, crédits contractualisés dans des « contrats » et des « conventions »
de développement social urbain. Ils représentaient 1,6 milliard en 1990 et 2 milliards en 1991 ;
ils s’élèveront à 2,2 milliards en 1992.
Mais d’autres crédits sont encore affectés à la
politique du développement social urbain : zones
d’éducation prioritaire (ZEP), îlotage, maisons
de justice, pour citer quelques exemples. Ces
sommes s’élevaient à 1,1 milliard en 1990 ; elles
sont passées à 1,8 milliard en 1991 et atteindront
2,1 milliards en 1992.
Enfin, les moyens consacrés à la politique de la
ville sont confortés par la mise en oeuvre des dispositions découlant de la loi du 13 mai 1991 instituant une « dotation de solidarité urbaine et un
fonds de solidarité d’Île-de-France. »
La dotation de solidarité urbaine, le fonds de
solidarité des communes de l’Île-de-France et la
dotation particulière de solidarité urbaine représenteront au total 1,35 milliard en 1992. Même s’il
ne s’agit pas de crédits budgétaires, les moyens
viennent utilement renforcer la mise en oeuvre de
la politique du gouvernement.
« Au total, avec la DSU, l’effort financier peut s’évaluer à un montant de 6 milliards 258 millions de F
en 1992 contre 5 milliards 70 millions en 1991 et
2 milliards 998 millions en 1990 » a déclaré Michel
Delebarre.
Respecter les engagements
Dans ses relations avec la Commission européenne, la France est parvenue
à tirer assez bien son épingle du jeu, et
d’abord en déjouant une menace brandie par le commissaire européen chargé
de la concurrence, Sir Leon Brittan. Celui-ci avait demandé au début de 1991
à la France de réduire le périmètre des
zones où peut être attribuée la prime
d’aménagement du territoire (PAT),
autrement dit les zones prioritaires.
Il aurait fallu rayer de la carte une dizaine de départements et, par exemple,
la Vienne, département ultrasensible,
puisque Mme Cresson en est l’un des
élus les plus influents. En définitive, la
réforme de la carte des aides a été gelée
jusqu’à la mise en oeuvre de la nouvelle
procédure d’utilisation des fonds européens. Une procédure qui a fait l’objet
d’une réunion ministérielle exploratoire
des Douze le 18 novembre à La Haye.
D’autre part, dans le cadre du programme lancé par la Commission et
connu sous le nom de programme
« Leader », la France a pu proposer une
quarantaine de dossiers régionaux spécifiquement axés sur des expériences de
développement local en zones rurales.
On mentionnera par exemple le plateau
de Millevaches, dans le Limousin, le
Centre-Bretagne, le Cantal (très affecté
par la chute démographique), le SudCharentes, l’ouest de la Guyane, et l’île
de Marie-Galante, à quelques encâblures
de la Guadeloupe.
Au chapitre des ombres, on notera
toutefois le ralentissement du programme autoroutier – pour cause de
difficultés budgétaires de l’État –, alors
que les grands équipements de ce type
concourent puissamment à l’aménagement du territoire. En 1991, à peine
160 km auront été lancés sur divers chantiers, alors qu’il aurait fallu atteindre un
rythme de 250 à 300 km pour respecter
les engagements et le schéma directeur.
Ce ralentissement a provoqué de
vives réactions de la part de M. Philippe Levaux, président de la Fédération
nationale des travaux publics, qui a prodownloadModeText.vue.download 189 sur 490
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posé l’instauration d’une taxe sur l’éner- Bercy n’a pas donné son feu
vert à cette
gie destinée à alimenter des fonds régio- proposition, de crainte de
voir déraper
naux d’infrastructures. Mais le quai de l’indice des prix.
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Vingt mesures pour le monde rural
Très attendues depuis plusieurs mois, les premières mesures en faveur de l’aménagement
rural ont été prises le 28 novembre à l’issue d’un
comité interministériel. Elles sont au nombre
d’une vingtaine et représentent, à partir de lignes
budgétaires de plusieurs ministères, un « tir groupé » d’un milliard de francs environ pour 1992.
Bien qu’assez éparpillées et pas toujours novatrices, ces mesures ont été en général plutôt
bien accueillies par les agriculteurs et les représentants du monde rural malgré la tension qui
régnait dans ces milieux, d’autant qu’elles étaient
couplées avec un dispositif spécifique concernant la paysannerie, allant des préretraites pour
les exploitants âgés de 55 ans à la détaxation du
« carburant vert » (diester de colza, éthanol).
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Préparé par Michel Delebarre et André Laignel
et arbitré par Édith Cresson, ce plan part d’un
constat tiré du recensement de 1990 : en huit ans,
781 cantons ruraux ont perdu 190 000 habitants,
et, parmi eux, 635 (qui couvrent presque le quart
du pays) ne manifestent aucun signe de reprise,
car ils sont enclavés et leur économie est très
insuffisamment diversifiée.
Le gouvernement a demandé aux 25 préfets des
départements les plus déshérités (Corse, zones de
montagne, Bretagne, Normandie, Bourgogne...)
de mettre au point d’ici à 1992 des « schémas
d’organisation des services publics ». D’ici là, un
moratoire suspendra toute fermeture de bureau
de poste, perception, et autres services administratifs. Il faudra aussi développer la polyvalence
des fonctionnaires et, par exemple, ici ou là, permettre que les gendarmes distribuent le courrier.
Des aides spécifiques seront attribuées aux petites entreprises qui créent au moins dix emplois.
On prévoit même d’exonérer de charges patronales une PME ou un artisan qui, ayant déjà un
salarié, en embaucherait un second, voire un
troisième.
Dans cinquante circonscriptions particulièrement
touchées par l’exode rural, des sous-préfets vont
être désignés pour encourager des initiatives et
des projets de mise en valeur économique ou
touristique. Chaque circonscription disposera
pour ce faire d’une enveloppe de 400 000 F.
Au chapitre de l’environnement, on retiendra notamment un effort financier consenti pour hâter
l’enfouissement des lignes électriques qui, sous
leur forme aérienne, défigurent trop souvent les
villages et les campagnes.
Enfin, le Parlement a voté en fin d’année une disposition législative qui s’inspire de la dotation de
solidarité urbaine (DSU) créée par la loi du 13 mai
1991. Il s’agit d’une dotation de développement
rural qui sera attribuée aux petites villes-centres,
tels que les chefs-lieux de canton, et aux communes qui acceptent de se regrouper (35 000
habitants au maximum) selon un schéma de
coopération intercommunale et qui se partagent
déjà leurs recettes fiscales selon des modalités
de péréquation de la taxe professionnelle. Trois
cents millions de francs sont prévus au budget
1992 au titre de cette dotation, cette somme devant atteindre 1 milliard en 1994.
La décentralisation
Au chapitre des collectivités locales,
l’année 1991 aura été marquée par deux
débats essentiels. Le premier a eu pour
cadre le Parlement, avec le long cheminement du projet de loi relatif à l’administration territoriale de la République.
Ce texte fondamental – le plus important sans doute depuis la loi Defferre du
2 mars 1982 sur la décentralisation – avait
été adopté par le Conseil des ministres
en août 1990 sous l’appellation « projet
Joxe-Baylet ». Fin 1991, il a terminé ses
navettes entre l’Assemblée et le Sénat, au
terme d’un an et demi de travaux, sous le
titre « loi Joxe-Baylet-Marchand-Sueur »,
des noms des ministres et secrétaires
d’État successifs qui ont eu à le défendre.
Le second débat, qui a mis en scène
non seulement les parlementaires, mais
de nombreux ministres, des élus locaux,
la Cour des comptes et l’opinion publique, est de nature financière et fiscale,
le poids des collectivités locales étant de
plus en plus lourd dans l’économie nationale. Avec en arrière-plan, naturellement,
les échéances de mars 1992, à savoir les
élections cantonales et régionales.
Si les 36 763 communes peuvent être
considérées comme une richesse démocratique et une partie intégrante du patrimoine historique, politique et institutionnel, à l’évidence cet éparpillement se
concilie mal avec l’efficacité économique,
l’ouverture de services élémentaires à la
population, la concurrence internationale. C’est pourquoi la loi « Joxe... Marchand » cherche, tout en ne revenant pas
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sur les principes de base de la décentralisation, à inciter les petites entités rurales
à créer des communautés de communes
et, en milieu urbain, à mettre en place des
communautés de villes.
Faire jouer la concurrence
Parallèlement, plusieurs dispositions
sont prises pour mieux répartir entre les
communes associées les ressources des
taxes professionnelles, le principal impôt
direct perçu par les collectivités locales.
Qu’il s’agisse des villes, départements
ou régions, leur importance dans la vie
nationale s’accroît chaque année. Le ministre de l’Éducation nationale, M. Lionel Jospin, a négocié avec chaque conseil
régional un schéma de développement
universitaire. Dix contrats régionaux ont
été conclus le 3 octobre et dix autres le
28 novembre. Seuls, les schémas de Corse
et d’Île-de-France n’avaient pas été signés
à Noël. Au total, sur 22 milliards de F
qui seront investis – pour 20 régions –
d’ici à 1995 en faveur de l’enseignement
supérieur, plus de 12 proviendront des
conseils régionaux. Pour tous les élus
locaux, la présence d’établissements de
recherche, d’IUT et d’universités est un
atout capital en ce qui concerne l’aménagement du territoire. La Haute-Normandie, le Poitou-Charentes ou Midi-Pyrénées font, sur leurs propres budgets, des
efforts particulièrement sensibles.
Même implication de plus en plus
marquée des régions dans la construction
et l’entretien des lycées. Elles y consacrent
19,2 milliards de F en 1991, sur une dépense totale de 54,7 milliards, soit une
progression de 23,5 % par rapport à
1990, la Picardie, la Haute-Normandie et
l’Île-de-France étant en tête de l’effort par
tête d’habitant. On pourrait multiplier
les exemples – collèges, routes, lignes de
TGV, équipements culturels ou sportifs,
aide sociale, subventions aux petites entreprises qui investissent dans le monde
rural – dans lesquels l’État fait jouer la
concurrence, voire la surenchère entre
villes ou entre régions.
Des risques d’explosion
Trois événements auront,
en outre, marqué l’année 1991 :
– Le « scandale » d’Angoulême, puisque le
nouveau maire, le centriste Georges Cha-
vanes, a trouvé en 1989 une ville que son
prédécesseur socialiste Jean-Michel Boucheron avait laissée en quasi-faillite. Il
lui a fallu mener des négociations ardues
avec le gouvernement, les principaux
créanciers (avec en tête le Crédit Local
de France), les magistrats de la Chambre
régionale des comptes et, bien sûr, le
personnel municipal. Un accord sur les
remises de dettes, assorti d’un plan d’austérité municipal et d’une aide de l’État,
a pu être finalement trouvé. Et, comme
s’il avait une dette à payer à Angoulême,
le gouvernement a décidé de décentraliser dans cette ville la SEITA, avec,
à la clé, plusieurs centaines d’emplois.
– La privatisation partielle et la
mise en Bourse – portant sur 27 %
du capital – du Crédit Local de
France, l’action étant vendue 210 F.
– La remise au président de la République le 25 novembre par Pierre Arpaillange, premier président de la Cour
des comptes, d’un rapport très sévère
sur « la gestion de la trésorerie et de la
dette des collectivités territoriales ». Derrière ce titre fort technique, les magistrats
dénoncent l’extraordinaire complexité
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des procédures financières entre l’État et
les collectivités, l’empilement des dispositions successives, et le verdict des juges
est aussi sévère pour l’État, notamment
pour la direction du Trésor, que pour les
collectivités.
En dépit de la décentralisation, les
concours et transferts que l’État reverse
aux collectivités croissent chaque année
à un rythme rapide pour atteindre, en
1991, 233 milliards de francs. L’État est
le caissier, le contribuable, le prêteur, le
fermier, le censeur, le collecteur d’impôts
des villes, départements et régions à travers son propre réseau d’agents du fisc et
comptables du Trésor. Les collectivités ne
sont pas libres de fixer et de lever les impôts qu’elles veulent, et elles ont l’obligation de placer toutes leurs disponibilités
au Trésor, avec un intérêt servi de ...0 %.
Leur liberté est, en revanche, quasi totale
pour faire lever des emprunts, ce qui a
provoqué ici ou là des maladresses, des
erreurs, voire des illégalités que la Cour –
qui a enquêté auprès de 246 collectivités
– se plaît à dénoncer : sont ainsi dans le
collimateur, par exemple, le département
des Hauts-de-Seine, celui de l’Hérault, la
Région Bretagne, les villes de Luxeuil-lesBains, Sarcelles ou Boulogne-sur-Mer.
« Quand on constate toutes ces malfaçons et cette opacité, a pu dire Pierre
Arpaillange, on ne peut que redouter des
risques d’explosion du système. »
Le poids financier que prennent les
collectivités dans l’économie continue de
s’alourdir. Les prélèvements obligatoires
constitués par les impôts locaux représentent dorénavant 5,9 % du produit
intérieur brut (PIB), au lieu de 4,6 % en
1980. Le volume des dépenses est passé
de 260 milliards de F en 1980 à 700 milliards dix ans plus tard. Les budgets
primitifs votés en 1991 sont en hausse
de 8 % par rapport à 1990. Comme l’an
passé, cette croissance toujours forte est
deux fois supérieure à celle du PIB national. Parmi les différentes catégories de
collectivités, ce sont les régions qui, en
1991, progressent le plus (+ 16 %), alors
que les départements (+ 8,5 %) et les
communes (+ 6,7 %) sont beaucoup plus
raisonnables.
Le poids des impôts locaux directs
progresse aussi à un rythme toujours
élevé : + 9,3 % en 1991 au lieu de 10 %
l’année précédente. Là encore, les régions
sont en flèche : + 13,4 %.
Mais l’objectivité exige de dire que,
si les collectivités locales sont ainsi amenées à mettre les bouchées doubles, ce
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n’est pas seulement le résultat de la décentralisation et d’une plus grande latitude
des élus pour s’impliquer dans une multitude de domaines nouveaux. C’est aussi
parce que l’État se désengage de plus en
plus systématiquement de secteurs qui
étaient traditionnellement les siens en
transférant vers les collectivités compétences, charges, responsabilités, poids des
impôts... et donc impopularité.
Des indemnités mieux encadrées
Au début de l’automne, le gouvernement a adopté en Conseil des ministres un projet de loi qui
poursuit deux objectifs principaux :
– ouvrir le plus largement possible l’accès des
citoyens aux mandats locaux ;
– établir sur des bases transparentes les modalités d’indemnisation de ces mandats.
Sur ce dernier point, il s’agit essentiellement de
moraliser les conditions de rémunération des
élus qui, dans un certain nombre de cas, dépassent des sommes raisonnables. Dans d’autres
cas, les indemnisations sont à ce point dérisoires
que plus personne n’ose abandonner son emploi
pour se mettre au service de ses concitoyens, car
le bénévolat a des limites...
Ce projet de loi subira évidemment des modifications lorsqu’il passera devant les députés et
les sénateurs, mais tel qu’il a été adopté par le
Conseil des ministres, il retient les dispositions
suivantes :
– le maire d’une commune de moins de 500 habitants (dont le traitement sera substantiellement relevé) ne pourra toutefois toucher plus
de 2 364 F d’indemnités de fonction par mois, et
celui d’une ville de 50 000 à 99 000 habitants plus
de 12 806 F ;
– les maires de Paris, Lyon et Marseille sont plafonnés à 22 657 F ;
– des limitations comparables seront instituées
pour les conseillers régionaux et généraux. Ainsi
dans une région de plus de 3 millions d’habitants, les conseillers ne pourront percevoir plus
de 13 650 F.
Le projet prévoit aussi un plafond pour les cumuls
de mandats et d’indemnités (42 300 F par mois),
une fiscalisation des indemnités de fonction, un
encadrement des « voyages d’études », l’instauration d’un droit à la formation des élus et l’amélioration des régimes de retraite.
FRANÇOIS GROSRICHARD
Grand reporter économique au Monde,
François Grosrichard a en charge, notamment,
les rubriques de l’aménagement du territoire
et de la politique économique régionale.
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194
À TRAVERS LES RÉGIONS
Alsace
Située au coeur de l’Europe rhénane,
l’Alsace dispose d’atouts de poids pour
affronter l’ouverture du grand marché à
l’heure où les frontières de l’Europe sont
repoussées loin vers l’est.
Exportatrice de tradition, elle occupe
le premier rang parmi les Régions françaises pour le montant des exportations
par habitant, mais aussi pour la croissance du produit intérieur brut (PIB).
Depuis longtemps, l’Alsace a appris à
travailler avec les pays voisins, dont elle
comprend la langue. Dans l’arrondissement de Wissembourg, 30 % des salariés travaillent en Allemagne. Au début
de 1991, 56 000 Alsaciens, dont 31 000
venus du Haut-Rhin, franchissaient quotidiennement la frontière pour se rendre
dans des entreprises helvétiques ou allemandes, où les salaires sont supérieurs
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POLITIQUE
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de 30 à 50 % à ceux pratiqués en France.
Résultat : le taux de chômage est le plus
faible de France : 5,1 % de la population
active. Mais la médaille a un revers : la
main-d’oeuvre qualifiée commence à
faire défaut, surtout pour les PME, qui ne
peuvent soutenir la concurrence salariale
avec les employeurs allemands.
Boudée par les investisseurs français,
l’Alsace accueille les capitaux étrangers :
en dix ans, plus de onze mille emplois ont
été créés par des étrangers. Aujourd’hui,
sur dix emplois industriels créés, six le
sont par des capitaux extérieurs. 35 % des
chefs d’entreprise alsaciens travaillent,
peu ou prou, avec des capitaux non
français. Les deux comités d’expansion,
l’ADIRA (Association pour le développement industriel de la Région Alsace),
dans le Bas-Rhin, et le CAHR (Comité
d’action du Haut-Rhin), voient leurs efforts récompensés, d’autant plus qu’il y a
concurrence d’intérêts avec les industries
allemandes (responsables de la moitié des
créations d’emplois d’origine étrangère) et
helvétiques – soucieuses de prendre pied
sur le marché européen.
Les 24 000 frontaliers alsaciens se
rendant en Allemagne sont dans une situation relativement fragile. Ils sont à la
merci de la préférence que les employeurs
du Bade-Wurtemberg peuvent accorder
aux travailleurs venus de l’Allemagne de
l’Est. Par ailleurs, l’Alsace risque de souffrir de la fin de la guerre froide : avec la
réduction des Forces françaises en Allemagne (FFA), ce sont des milliers d’emplois civils qui vont disparaître. Enfin,
l’Alsace n’est pas certaine de pouvoir accueillir sur son sol les régiments rapatriés
d’outre-Rhin.
En attendant d’être reliée à Paris par
un TGV qui n’en finit pas de ne pas arriver, l’Alsace a inauguré en septembre 91
une liaison ferroviaire rapide, le V-200,
née d’un accord conclu en 1989 entre la
SNCF et la Région. Les 110 kilomètres
séparant Strasbourg de Mulhouse sont
parcourus en 48 minutes. Il s’agit de relier
les deux capitales alsaciennes, d’alléger
le trafic routier sur l’axe nord-sud alsacien, mais surtout de préparer la Région
à l’arrivée des futures rames de TGV. Le
tronçon Mulhouse-Bâle devrait entrer en
service en 1994.
Les vins d’Alsace reviennent à la
mode : 150 millions de bouteilles ont été
vendues en 1990, soit 1 116 000 hectolitres (+ 8 % par rapport à l’année précédente), et les exportations ont atteint
le record de 46 millions de bouteilles
(+ 6 %). Le voisin allemand demeure le
principal marché à l’exportation (plus de
la moitié des ventes à l’étranger), mais
les plus fortes progressions ont été enregistrées en Finlande (+ 140 %), en Norvège (+ 42 %), aux États-Unis (+ 41 %).
Le marché nippon n’arrive qu’en dixième
position : Gewurztraminer est imprononçable en japonais.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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Aquitaine
À Noguères (Pyrénées-Atlantiques),
Pechiney a tenu, et au-delà, le pari de
la reconversion. L’usine d’aluminium,
construite en 1959, obsolète et inadaptée au nouveau coût de l’énergie, a
fermé ses portes. L’engagement pris en
1989 de créer 500 emplois et de reclasser l’ensemble du personnel est dépassé :
874 emplois seront créés d’ici à la fin de
1992 sur le site même de l’usine (fonderie
Pechiney-Rhenalu, carrelage Spea) ou à
proximité immédiate (emballage d’aluminium à Mont).
Les propriétaires de la forêt de Gascogne se sont regroupés dans des associations communales pour investir dans
la prévention : rénovation des pistes
forestières, création de nouveaux points
d’eau, entretien des sous-bois. Une partie des travaux est prise en charge par les
propriétaires, qui s’auto-taxent à raison
de 13 F l’hectare. La forêt de Gascogne
emploie plus de 30 000 personnes et rapporte plus de 14 milliards de F, soit plus
que le vin de Bordeaux.
Après dix ans de boulimie de
construction, Bordeaux connaît une offre
pléthorique en matière d’immobilier d’affaires. La plupart des grands projets sont
gelés ou retardés. Seule la cité mondiale
du vin, dans le quartier des Chartrons,
sort de terre : en décembre 1991, elle offre
des bureaux, des boutiques et « un marché permanent des vins et spiritueux », le
tout sur 8 000 m 2.
Auvergne
Michelin en est à son cinquième
plan social, qui prévoit la suspension de
4 900 emplois dans ses usines françaises,
dont 2 432 dans la capitale auvergnate.
Les quatre premiers avaient vu la suppression de plus de 8 800 postes. En 1980,
Michelin employait 30 000 personnes
à Clermont ; elles ne seront guère plus
de la moitié fin 1992. La direction avait
jusqu’à présent réussi à éviter les licenciedownloadModeText.vue.download 199 sur 490
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197
ments secs, mais le couperet est tombé en
octobre : 189 licenciements à Clermont.
Le plan régional productique (19911993) vise à épauler les PME qui se modernisent. Elles disposent d’une enveloppe de 105 millions de F accordés par
moitié sous forme d’avance remboursable
sans intérêt et pour moitié sous forme de
subvention. Le financement est assuré
à parts égales par la Région Auvergne,
l’État et la CEE.
Sainte-Ségolène (Haute-Loire) a
abandonné son rang de capitale du foulard de soie et du ruban pour devenir la
capitale du film plastique. Le tiers de la
production nationale de film polyéthylène vient de cette région.
Le gouvernement a rendu son arbitrage sur la question qui opposait l’Établissement public d’aménagement de la
Loire et de ses affluents (EPALA), dirigé
par Jean Royer, aux associations de défense de l’environnement : les barrages
de Serre-de-la-Fare, sur la Loire, et de
Chambonchard, sur le Cher, ne seront
pas construits.
Bourgogne
Pour contrer la chute des exportations, le Bureau interprofessionnel des
vins de Bourgogne (BIVB) a lancé une
campagne publicitaire.
Ni la vente de charité organisée aux
Hospices de Beaune ni la soirée parisienne destinée aux prescripteurs ne
suffisent désormais à assurer la promotion d’un secteur économique qui pesait
4,5 milliards de F en 1990, qui faisait
vivre 5 000 viticulteurs et 130 négociantséleveurs et qui produisait 1,2 milliard
d’hectolitres. Le slogan « Bourgogne, vins
bénis des dieux » de la campagne de promotion suffira-t-il à relancer des exportations qui ont chuté de 10 % en 1990 ?
Le Grand Prix de France de formule 1
a pu être organisé le 7 juillet sur le circuit
de Magny-Cours (Nièvre), grâce aux largesses du conseil général, à l’influence du
président de la République et à celle de
Pierre Bérégovoy, maire de Nevers. Plus
du quart de la population industrielle acdownloadModeText.vue.download 200 sur 490
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198
tive du département est orienté vers l’automobile grâce à Valeo, Peugeot Équipement, Kléber et Guy Ligier, et M. Pierre
Bérégovoy estime à un millier le nombre
d’emplois induits concernés par la remise
en état du circuit.
Comme les autres producteurs français, les éleveurs de charolais sont touchés
de plein fouet par la baisse des cours. Le
broutard de 300 kg (veau né au printemps
et vendu à l’automne) valait 6 500 F en
1989 et moins de 5 000 F au début de
1991.
Bretagne
L’opération intégrée de développement (OID), qui, en 1988-1991, a permis
à la Bretagne centrale de toucher un milliard de F, essentiellement en provenance
de Bruxelles, touche à sa fin.
Un autre programme, le Plan de développement des zones rurales (PDZR),
ou plan Morgane, prend le relais, financé
cette fois, à parts égales, par la CEE, l’État
et les collectivités locales. C’est plus qu’un
symbole : 300 millions de F, soit la moitié
de l’enveloppe, doivent venir aider l’agriculture. Il s’agit de favoriser la modernisation des exploitations, l’installation des
jeunes agriculteurs et la diversification
des productions. La part consacrée aux
entreprises (135 millions de F) ne sera
allouée qu’aux seules PME.
La récession du marché automobile,
notamment de haut de gamme, touche
les ventes de XM Citroën fabriquées à
Rennes. La direction de l’usine a annoncé
un plan de 1 800 suppressions d’emplois,
qui devrait s’accompagner d’un programme de soutien du Fonds national
pour l’emploi (FNE) et concerner les salariés de plus de 56 ans.
Combien la Bretagne compte-t-elle
de bretonnants ? Un sondage vient d’être
effectué qui révèle que 55 % des Bretons
de plus de quinze ans comprennent le
breton et que 20 % le parlent. C’est une
population plutôt âgée, d’origine agricole
et peu diplômée. Le breton est plus utilisé dans les Côtes-d’Armor que dans le
Finistère ; davantage dans les communes
de moins de 10 000 habitants (où 25 %
le parlent) que dans celles de plus de
50 000 habitants (où 10 % de locuteurs
sont recensés).
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POLITIQUE
199
Centre
L’époque où l’implantation de firmes
multinationales constituait une assurance contre le chômage appartient vraiment au passé. La Région Centre en fait
la cruelle expérience. En quelques semaines, trois gros employeurs ont annoncé des réductions d’effectifs, voire des fermetures d’établissement : Michelin (à La
Chapelle-Saint-Mesmin, près d’Orléans,
à Saint-Doulchard, près de Bourges, et à
Joué-lès-Tours), Bull et Baxter (tous les
deux à Joué-lès-Tours).
Sous l’impulsion de son président
Maurice Dousset, le conseil régional
a mis en place un dispositif d’aide aux
entreprises de moins de 500 salariés : le
Programme d’aide régionale à la création et à l’investissement (PARS) permet
au créateur d’entreprise de s’affirmer face
aux banques ; le Prêt participatif régional (PPR) est accordé au vu d’un programme d’investissement significatif ;
le Fonds économique régional d’intervention (FERI) doit s’adresser prioritairement aux entreprises étrangères à la
Région.
Mais le conseil régional est à la recherche d’un nouveau nom : la notion
de centre est trop nébuleuse et induit
des confusions fréquentes avec le Massif
central. 50 % des habitants de la Région
ignorent son nom et celui de leur capitale
régionale.
Champagne-Ardenne
Le centre de stockage des déchets
faiblement et moyennement radioactifs
situé près de Soulaines-Dhuys (Aube)
a reçu ses premiers chargements en
1991. Jusqu’en 2020, de 20 000 à 30 000 m3
de déchets (outils, filtres, gants contaminés...) pourront y être traités chaque
année, sous le contrôle de l’Agence natio-
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nale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA).
Les ventes de Champagne ont enregistré une chute de près de 20 % par
rapport à 1990, surtout en raison de
l’effondrement des achats britanniques
et américains. La hausse du prix des
bouteilles (10 %), la crise du Golfe et la
conjoncture économique morose ont
déprimé le marché, qui n’avait pas connu
pareil repli depuis 1981. Les ventes de
1991 se situent autour de 200 millions de
bouteilles, ce qui traduit un retour aux
chiffres de 1985-1987. La récolte 1991 est
estimée à 270 millions de bouteilles, le
gel ayant épargné les grands crus. Moët
et Chandon, fleuron du groupe LVMH,
a vendu à lui seul 31,7 millions de bouteilles, soit 13,5 % des expéditions totales
et 25 % des exportations.
Ici, on reparle de l’élargissement de la
zone délimitée. Le vignoble, qui s’étend
sur 250 km 2, ne produit plus que 10 % des
vins pétillants du monde, contre 20 % en
1970. Le Syndicat général des vignerons
(SGV), seul maître de la décision d’ouvrir l’appellation, s’y est opposé jusqu’à
présent.
Corse
Alors qu’il n’y avait plus de militant
« nationaliste » en prison depuis 1988,
l’été 1991 a marqué la fin de la trêve. Pendant ces trois années, le gouvernement
a préparé le nouveau statut de l’île, tandis que les composantes du mouvement
indépendantiste cherchaient à surmonter
leurs querelles intestines, sources de « surenchère explosive ». Ce qui a poussé les
autorités à multiplier les perquisitions, les
interpellations et les arrestations.
Le nouveau statut de la Corse, mis au
point par Pierre Joxe et défendu devant
le Parlement par Philippe Marchand, a
été validé par le Conseil constitutionnel
à l’exception de son article premier, qui
reconnaissait l’existence d’un « peuple
corse, composante du peuple français ».
La Déclaration des droits de 1789, le pré-
ambule de la Constitution de 1946 et celui
de la Constitution de 1958 ont toujours
fait référence au peuple français. Au singulier. En conséquence, les membres du
Conseil constitutionnel ont estimé que la
mention du « peuple corse, composante
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POLITIQUE
201
du peuple français » était contraire à la
Constitution.
Au début de l’année, le dispositif de
maintien de l’ordre en Corse comprenait 2 423 fonctionnaires de police et
de gendarmerie pour une population de
240 000 habitants, ce qui fait un policier
ou un gendarme pour 100 personnes
contre un pour 290 dans le reste de la
France. Sur ces 2 423 policiers et gendarmes, 1 660 représentent l’effectif permanent habituel et 763 hommes constituent les escadrons envoyés en renfort.
Franche-Comté
Morosité et inquiétude à l’usine Bull
de Belfort. Sur les 1 450 salariés que
comptait l’entreprise au début de 1991, il
n’en reste que 430 à la fin de l’année. Les
dirigeants de Bull se sont engagés à maintenir deux filiales à Belfort et à conserver
700 emplois. La Société de développement industriel (SDI), créée pendant l’été
avec le soutien de M. Jean-Pierre Chevènement, est financée à parts égales par
Bull, l’État et les collectivités locales. Sa
vocation est d’attirer de nouvelles entreprises, de créer des emplois et de s’affranchir autant que possible de la domination
des mastodontes industriels de la Région
que sont, outre Bull, CGEE-Alsthom et
Peugeot.
L’industrie horlogère franc-comtoise
traverse une nouvelle crise, qui menace
les 8 000 salariés de ce secteur. La Compagnie générale horlogère (CGH), qui
appartient au groupe japonais HattoriSeiko, a annoncé en juin la suppression
de 150 emplois. France-Ébauches, premier fabricant européen de mouvements,
a licencié 118 salariés sur 700. Aux jeux
Olympiques d’Albertville, le chronométrage sera assuré par une firme suisse,
Oméga Longines, filiale de la Société
de microélectronique et d’horlogerie
(SMH), et non par une maison française.
Quant aux terrains de Palente libérés par
Lip, ils ont été récupérés par la CGH.
La Franche-Comté arrive en tête
des Régions françaises pour la création d’emplois durables lors des rachats
d’entreprises : sur 280 000 emplois créés
en 1985, à l’occasion de 56 000 reprises,
180 000 subsistaient en 1990.
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Île-de-France
D’un recensement (1982) à l’autre
(1990), la Région Île-de-France a pris
un coup de vieux : les moins de vingt
ans représentent 26,1 % des Franciliens,
soit 1 % de moins qu’en 1982 et 2 % de
moins qu’en 1975, et le nombre des plus
de 60 ans a augmenté plus vite que l’ensemble de la population de la Région,
note l’INSEE.
Paris, en revanche, se donne un petit air de jeunesse : 18,7 % de moins de
20 ans contre 18,5 % en 1982 ; et, surtout,
si la capitale continue de perdre de la
population, c’est dans les tranches d’âge
les plus élevées (les plus de 60 ans) que la
perte est la plus forte.
Si Paris veut organiser le « Mundial »
1998 (la Coupe du monde de football),
il lui faut un grand stade de 70 000 à
80 000 places. Le choix s’est porté sur Melun-Sénart, à une trentaine de km au sudest de Paris. Il en coûtera au minimum un
milliard et demi de F (peut-être trois...),
que l’État, les fédérations sportives et le
secteur privé apporteront à parts égales.
Déjà, Bouygues, Dumez et SGE sont sur
les rangs. L’espace disponible, la qualité
des dessertes routières et ferroviaires ont
été déterminants dans le choix du site. Il
s’agit aussi de donner à la dernière des
villes nouvelles de la Région parisienne
les moyens d’un véritable décollage.
Près de Marne-la-Vallée, EuroDisneyland achève un chantier pharaonique qui, ouvert en 1989, a employé
jusqu’à 5 000 personnes et fait appel à
180 entreprises. L’ensemble couvrira à
terme (en 2017 !) 2 000 hectares, soit le
cinquième de Paris intra-muros. Disney
table sur 11 millions d’entrées par an,
dont la moitié seulement de Français.
Le consensus est général chez les élus,
locaux ou nationaux, de la majorité ou
de l’opposition, pour soutenir un projet
qui promet 12 000 emplois. Alors que le
financement privé a été de 22 milliards
de F pour la première phase, la collectivité n’aura déboursé que 3 milliards pour
l’aménagement des infrastructures. L’opération devrait rapporter 4 milliards en
devises par an.
Vingt-six ans après la publication du
Schéma directeur de Paul Delouvrier
(1965), le ministre de l’Équipement Paul
Quilès et le préfet de Région Christian
Sautter ont présenté l’avant-projet du
nouveau Schéma d’aménagement de
l’Île-de-France, qui contient « vingt-cinq
propositions pour vingt-cinq ans ». Son
projet est de tracer l’évolution de la Région jusqu’en 2015. Pour éviter l’asphyxie,
la population sera plafonnée à 12,3 millions d’habitants en 2015, alors que le
rythme de l’accroissement naturel actuel
– 100 000 personnes par an – ferait passer
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POLITIQUE
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le nombre de Franciliens à 13,1 millions.
Pour abriter ces nouveaux résidents, il
faudra néanmoins construire chaque année 65 000 logements (contre 45 000 actuellement) ; mais il n’est pas question de
construire d’autres villes nouvelles.
Le futur Schéma valorise des villes
moyennes qui seraient autant de traits
d’union vers les Régions voisines :
Mantes vers la Normandie, Rambouillet
et Étampes vers le Centre, Melun vers
la Bourgogne, Meaux vers ChampagneArdenne. Pour établir une « harmonie »
entre habitat et emplois, ces derniers (il
en faudrait 30 000 de plus par an) devront
être mieux répartis. Paris intra-muros devra perdre 8 000 emplois tertiaires par an,
mais construire des logements ; la petite
couronne devra augmenter le nombre
des logements et des emplois ; la grande
couronne devra ralentir la construction
et accélérer la création d’emplois.
La priorité aux transports en commun est à nouveau réaffirmée. Le Schéma
tirera parti des projets existants : outre
Orbitale (rocade ferroviaire autour de la
capitale), le plan ICARE (Infrastructures
concédées d’autoroutes régionales enterrées) refait surface. Mais le problème de
son financement n’est pas résolu.
Languedoc-Roussillon
L’or ne paie plus. La mine de Salsigne
(Aude), la principale mine aurifère d’Europe (2 000 kg d’or par an) et le premier
employeur du département (424 employés), est en état de cessation de paiement. Les investissements nécessaires au
traitement d’un minerai dont la teneur
s’abaisse et la chute des cours du métal
précieux ont confronté l’entreprise à un
déficit de 50 millions de F. En revanche, la
mine de bauxite de Villeveyrac (Hérault)
est remise en activité grâce à l’emploi de
personnes handicapées. La municipalité
et des institutions spécialisées ont accepté d’apporter leur concours pour adapter
les postes de travail aux possibilités des
handicapés.
Vingt-deuxième ville de France en
1962, Montpellier se situe aujourd’hui au
neuvième rang et accueille 60 000 étudiants. Depuis 5 ans, les emplois ont
augmenté de 3,4 % par an. Avec l’aide
des médias, le maire Georges Frèche
vient de lancer une nouvelle opération
qui vise à redéployer la ville vers l’est et
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la mer, seules possibilités d’extension de
la cité. Port-Marianne – puisque tel est le
nom de ce nouveau quartier – s’étendra
à l’horizon 2010 (!) sur 600 ha, disposera de 5 500 logements, de centaines de
bureaux et de commerces et d’un port de
plaisance de 300 ou 400 anneaux.
Montpellier et Nîmes font la paix sous
l’impulsion de leurs maires, MM. Georges
Frèche et Jean Bousquet. Les accords
de coopération se multiplient : création
d’une liaison rapide entre les deux aéro-
ports et d’un réseau commun de prospection d’entreprises.
Limousin
La COGEMA (Compagnie générale
des matières premières), filiale du Commissariat à l’énergie atomique, a annoncé
sa décision de mettre fin à l’exploitation
des mines d’uranium de la Crouzille,
à Razès (Haute-Vienne), d’ici à la fin
de 1995. Outre les 479 salariés du site
minier, la mesure touche 200 personnes
travaillant dans l’usine de traitement du
minerai à Bessines et 200 salariés des services de sondage de Limoges. Au total,
1 000 emplois directs et 3 000 emplois
induits sont concernés. L’effondrement
des prix de l’uranium et la mauvaise rentabilité des mines sont les causes de ces
mesures.
La forêt limousine couvre 500 000 ha,
soit plus du tiers de la superficie de la
Région. Les 138 000 propriétaires qui
se partagent le « gisement » ne possèdent en moyenne que 3,5 ha chacun.
L’extension de la superficie boisée doit
plus à l’exode rural (donc au développement des friches) qu’à une action volontaire. La filière bois, de la sylviculture à
la commercialisation, fait pourtant vivre
10 000 personnes : trois fois plus que la
porcelaine de Limoges.
Les porcelainiers n’échappent pas à
la restructuration. Il reste à Limoges une
trentaine de manufactures, qui emploient
3 000 personnes contre 10 000 au début
du siècle. Dominée par Bernardaud et
DLP (Decoster-Limoges-Prestige), l’activité réalise un chiffre d’affaires de 650 millions de F, dont la moitié à l’exportation.
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POLITIQUE
205
Lorraine
La conjoncture économique pousse
les Lorrains à chercher du travail au-delà
de la frontière : ils étaient 18 500 frontaliers en 1982 ; ils sont aujourd’hui 31 000.
La recherche d’un emploi, et l’attrait de
salaires de 20 à 40 % supérieurs à ceux
pratiqués en France, d’une couverture so-
ciale aussi favorable et d’un taux d’imposition moins élevé expliquent cette ruée
vers le Luxembourg et la Sarre.
Dépôts de bilan et licenciements se
succèdent dans les vallées textiles vosgiennes, qui assurent encore 38 % de la
filature et 42 % du tissage du coton en
France, avec 120 000 salariés. Les Héritiers de Georges Perrin (HGP) – 650 salariés – ont déposé leur bilan en avril.
Boussac, qui avait 17 000 salariés à la
fin des années 60, n’en a plus que 373
dans l’unité de Nomexy, dont la survie
dépend du plan de sauvegarde de VEV
(Vitos Établissements Vitoux). La vulnérabilité du textile vosgien tient à sa spécialisation dans les fils et tissus de coton
écru – produit semi-fini à faible valeur
ajoutée –, qui représentent 70 % d’une
activité concurrencée par les pays à bas
salaires. À l’heure où la sidérurgie mondiale marque le pas, Usinor-Sacilor ferme
les deux hauts-fourneaux d’Uckange
(330 emplois) en Moselle et la mine de
fer de Mairy-Mainville (280 emplois) en
Meurthe-et-Moselle.
Midi-Pyrénées
La Découverte de Carmaux produit
le charbon le plus cher de France. La
tonne extraite revenant à 730 F est vendue 300 F, tandis que le charbon importé
arrive au port de Bordeaux à 250 F. Ce
qui n’empêche pas la mobilisation des
Carmaussins contre la mise en place par
les Charbonnages de France du plan de
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restructuration et du plan social qui l’accompagne. L’exploitation devrait se poursuivre, à partir de 1992, avec 289 salariés
(au lieu de 629) pour une production
annuelle maintenue à 140 000 tonnes,
contre 400 000 tonnes selon les plans
initialement prévus. Albi accueillera la
sixième école des Mines et l’État augmentera de 50 % pendant trois ans le soutien
financier qu’il accorde à la reconversion
du site.
Paris ne fait plus la pluie et le beau
temps : depuis le 10 septembre 1991, le
service central de l’exploitation de la météorologie, c’est-à-dire le coeur de MétéoFrance, s’est décentralisé sur le Météopole
du Mirail à Toulouse, auprès de l’École
nationale de la météorologie et du Centre
national de la recherche météorologique.
Un nouveau Capitole pour Toulouse :
le projet d’urbanisme de la Porte Marengo, confié à l’architecte Jean-Pierre Buffi,
doit être achevé en 1995. Le nouveau
quartier sera occupé par des logements,
par l’ensemble des services municipaux
et par des sièges sociaux et des services
en provenance du centre-ville, voire de
Paris.
Nord-Pas-de-Calais
De restructurations en ajustements,
l’industrie textile de la Région n’en finit
pas de craindre pour ses emplois. Troisième Région textile derrière l’Île-deFrance et les Pays de la Loire, le NordPas-de-Calais concentre à lui seul 100 %
de la filature du lin, 95 % du peignage de
la laine, 85 % des filatures de coton, mais
seulement 35 % des tissages et 10 % de la
confection. Les gains de productivité ont
été nets. Résultat : le nombre d’employés
de la filière textile-habillement est passé
de 200 000 à la fin des années 1950 à
60 000 aujourd’hui.
Le groupe VEV (Vitos Établissements
Vitoux), qui a récupéré les dépouilles
des empires Prouvost et Boussac, est au
bord de la faillite. Toutes les sociétés du
groupe sont concernées par des compressions d’effectifs : Intexal à Cambrai
(1 200 salariés), La Lainière de Roubaix
(1 250), Customagic à Commines et Halluin (250).
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POLITIQUE
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Dans les états-majors, on se refuse à
croire que tout est perdu. Trois orientations apparaissent encore possibles : la
spécialisation vers les activités d’amont
(filature et tissage), qui peuvent être fortement automatisées (les salaires n’entrant que pour 15 % dans le prix du fil,
les faibles rémunérations versées dans
les pays du tiers-monde se font moins
sentir) ; d’autre part, l’orientation vers
les textiles à usage technique (médecine, aménagements routiers, protection
thermique ou nettoyage industriel) peut
permettre aux entreprises de ce secteur
de tirer leur épingle du jeu ; enfin, la
solution du « circuit court » consisterait à rapprocher distributeurs et industriels. Les chaînes spécialisées (Promod,
Camaïeu) ne travaillent plus sur collections saisonnières, mais à la semaine ;
elles passent commande au jour le jour.
Cette stratégie pourrait permettre une
relocalisation du textile dans le nord de
la France après vingt ans de fuite dans
les pays à bas salaires.
Le développement harmonieux
d’une métropole ou d’une ville moyenne
passe par celui de l’enseignement supérieur. Dans cette perspective, les effectifs des étudiants de la Région doivent
passer d’ici à 1995 de 90 000 à 112 500.
Quatre ensembles universitaires devront
faire face à cette poussée. Deux d’entre
eux existent déjà : celui de la métropole lilloise (avec les sites de Lille, Villeneuve-d’Ascq, Roubaix et Tourcoing)
et celui du Hainaut-Cambraisis (Valenciennes, Cambrai, Maubeuge). Deux
sont en cours de réalisation : celui de
l’Artois (Lens, Béthune, Arras, Douai) et
celui du littoral (Calais, Boulogne, Dunkerque et Saint-Omer).
En matière de création d’entreprises,
le Nord-Pas-de-Calais occupe l’avantdernière place en France, juste devant
le Limousin : en 1990, il n’y avait eu que
11 000 créations, soit une baisse de 7,8 %
par rapport à l’année précédente. L’arrêt
de l’essaimage, qui consiste, pour une
société, à confier sa sous-traitance à de
petites firmes créées par ses propres salariés, et celui des grandes restructurations
industrielles expliquent ces médiocres
résultats.
Créée en avril 1991, la SACOMI
(Société d’aménagement des communes
minières) associe les collectivités territoriales de la Région et les Charbonnages
de France au sein d’une société d’économie mixte. Sa mission est de gérer le
patrimoine immobilier des Houillères
du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais
(HBNPC), estimé à 7 milliards de F. Mais
les logements continuent d’appartenir à
une filiale des Houillères, la SOGINORPA. Sur 84 600 logements, 33 000 doivent
être réhabilités et 19 000 détruits.
La moitié des friches industrielles du
territoire national se trouve dans la Région, ce qui représente 10 000 hectares,
dont 5 000 relèvent des sites des Houillères. L’Établissement public foncier
du Nord, qui a reçu mission de les faire
disparaître, devient ainsi un véritable
organisme d’aménagement du territoire
régional.
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Normandie
Basse-Normandie
La conjoncture est devenue difficile
pour la sidérurgie et l’usine de la Société
métallurgique de Normandie (SMN)
risque d’être la première touchée par le
réexamen stratégique d’Usinor-Sacilor.
Implantée à Caen, elle avait été intégrée au groupe sidérurgique en 1987. En
1991, les pertes financières se montent
à 200 millions de F pour un chiffre d’affaires de 1,5 milliard. L’acier électrique,
qui aurait pu sauver 500 emplois, a été
installé à Neuves-Maisons (Meurthe-etMoselle). La fermeture de l’usine devrait
intervenir en 1994.
Le grand chantier de l’usine de retraitement des déchets nucléaires de La
Hague touche à sa fin. 8 000 salariés y travaillaient en 1988 ; ils n’étaient plus que
2 400 au début de 1990. La fin des travaux
de terrassement et de génie civil correspondant avec le début d’autres chantiers
(tunnel sous la Manche, TGV Nord), de
nombreux employés ont pu retrouver un
poste, mais leur départ a déstabilisé l’activité économique de la Région.
À chacun son bicentenaire : en
1791, dans le village de Camembert,
Marie Harel avait trouvé le secret de
l’affinage d’un nouveau produit, devenu
depuis le plus célèbre des fromages et
qui, aujourd’hui, est en train de faire la
conquête du Japon.
Haute-Normandie
Les assises géologiques ont réservé
de mauvaises surprises à l’entreprise allemande Bilfinger-Berger, chargée des fondations qui doivent supporter les deux
piles, hautes de 214 m, du pont de Normandie. Le prix de revient de l’ouvrage
atteindra finalement 1,6 milliard de F. La
construction est garantie par les collectivités locales : les départements de SeineMaritime (40 %), du Calvados (25 %),
de l’Eure (10 %) et la Région de HauteNormandie (25 %). À cause des retards,
la chambre de commerce du Havre devra
rembourser ses emprunts avant la mise
en service du pont, prévue pour 1994.
Le port de Rouen a connu en 1991
le trafic le plus élevé de son histoire :
23,7 millions de tonnes, soit 13,5 % de
plus qu’en 1989. C’est le plus fort taux de
progression enregistré dans les grands
ports français.
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POLITIQUE
209
Deux cents personnes de toutes professions et de toutes sensibilités, réunies
au sein du Comité d’expansion du grand
Rouen, ont planché pendant neuf mois
sur une « Charte pour une Eurocité ».
La métropole normande est en effet en
mauvaise posture à la veille de l’échéance
européenne. La crise des industries traditionnelles puis de la pétrochimie laisse
des traces. La Région connaît un taux
de chômage (10,8 %) supérieur de deux
points au taux national. Les idées-forces
de la charte sont la révision du schéma
directeur Rouen-Elbeuf, le développement des pôles « moteur, combustion » et
« chimie fine, pharmacie », le développement de grands projets urbains d’envergure européenne (un centre d’affaires, un
pôle d’enseignement supérieur...), la valorisation de l’image et du rôle de la Seine.
Dans un autre registre, le Groupe des
trois grandes villes normandes (Rouen,
Le Havre, Caen), créé sur l’initiative de
leurs maires, MM. Lecanuet, Duromea et
Girault, espère constituer un réseau efficace. À défaut d’un Comité d’expansion
unique, des mesures concrètes sont prises
dans le domaine de la communication, de
la formation et de la culture. Mais il n’est
toujours pas question de faire de la Nor-
mandie une seule Région administrative.
Pays de la Loire
La conjoncture est à nouveau favorable pour les Chantiers de l’Atlantique
(groupe CGEE-Alsthom). Le retour au
consensus social aidant, ils viennent de
remporter une commande de 7 milliards
de F pour la construction de cinq navires
méthaniers d’une capacité de 130 000 m 3,
à livrer entre 1994 et 1997 à la compagnie
d’État de Malaisie Petronas. Le contrat
donne le signal du redémarrage du commerce international du gaz naturel liquéfié, en sommeil depuis 1980.
Bénéteau (1 500 salariés) à SaintGilles-Croix-de-Vie, Jeanneau (1 530 salariés) aux Herbiers, Jeantot Marine et
Kirié Construction aux Sables-d’Olonne,
mais aussi Alubat, Eider Marine, etc.,
l’industrie de plaisance, « porte-drapeau » de la Vendée, est la première du
monde. C’est aussi, avec ses 3 000 salariés
– sans compter les 2 700 personnes qui
vivent de la sous-traitance –, le quatrième
employeur industriel du département.
Sur la « route des Estuaires », gigantesque rocade à quatre voies entre le
tunnel sous la Manche et la frontière
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
210
espagnole, le pont de Cheviré, en aval
de Nantes, a été ouvert à la circulation
le 2 mai. La mise en place de cet ouvrage
– ultime maillon d’un périphérique de
42 km de long qui franchit la Loire à
50 m de hauteur – fait disparaître un des
derniers obstacles au développement de
l’agglomération nantaise.
Le dernier grand marais salant artisanal de la côte atlantique, celui de Guérande, est en voie de classement national.
Les deux tiers des marais sont encore utilisés par 200 paludiers.
Picardie
Créée en 1985 par le conseil régional,
Picardie Investissement s’est donné pour
mission d’attirer les entreprises dans la
Région et de conforter celles qui existent
déjà.
Le capital était de 25 millions de F à
l’origine, lorsque le conseil régional profitait de la loi de décentralisation qui lui
permettait de gérer des fonds propres ;
il atteint aujourd’hui 70 millions. Il est
détenu à 80 % par la Région Picardie ; le
reste appartient à la Banque de Picardie,
au groupe CIC, à la Caisse d’épargne, au
Crédit agricole, à la Caisse des dépôts et
à deux industriels. Le souhait est de voir
la part du conseil régional descendre à
50 % et de trouver de nouveaux partenaires. Depuis six ans, la société de capital-risque a ainsi instruit une centaine de
dossiers et en a retenu plus de cinquante.
Parallèlement, le conseil régional a
créé en 1990 Picardie-Avenir, une autre
société de capital-risque, destinée cette
fois à aider la création d’entreprises. Le
capital (2,5 millions de F) est détenu
par la Région à 80 % et par les chambres
consulaires pour le reste.
À l’échelon inférieur, celui du département, l’Agence pour le développement
de l’Oise (ADO), créée en 1986 par le
conseil général, a permis en 1990 la création immédiate de 1 700 emplois et de
plus de 2 600 à terme, à travers 82 opérations concernant des extensions, des implantations ou des créations d’entreprises,
soit un apport de près de 1 milliard de F à
l’économie du département.
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POLITIQUE
211
Poitou-Charentes
Les éleveurs de Poitou-Charentes
sont confrontés aux excédents de lait de
chèvre, dont la Région est le premier producteur européen (180 millions de litres,
ce qui représente les deux tiers de la production française), et à une progression
de 15 % par an, alors que le marché ne
se développe qu’au rythme de 2 %. Résultats : un surplus de 35 millions de litres et
une chute des cours.
Le prix du lait a baissé de 18 % depuis
1980, alors que les coûts de production
augmentaient de 40 %. Un Programme
régional de maîtrise et d’organisation de
la filière caprine préparé par l’interprofession caprine poitou-charentaise prévoit pour chaque producteur (ils sont
7 000) une baisse volontaire de 10 % des
quantités mises sur le marché. Le reste
servira à la production de lait en poudre.
Le cognac représente un chiffre d’affaires de 9,6 milliards de F, dont 95 %
à l’exportation. Le Japon est devenu le
premier importateur : 27 millions de
bouteilles achetées durant la campagne
1990-1991, contre 25 millions par les
Américains, 14 par les Anglais et... 8 par
les Français.
Opposé au tracé de l’autoroute
Nantes-Niort à travers le parc régional du
Marais poitevin, aux limites de la Venise
verte, partie la plus fragile du Marais, le
ministre de l’Environnement, M. Brice
Lalonde, a retiré son label... et a coupé les
crédits de l’État.
Provence-Alpes-Côte d’Azur
À La Ciotat, le feuilleton à rebondissements des chantiers navals s’est terminé avec la fin de l’épisode Lexmar. Le
11 février 1991, le tribunal de commerce
de Marseille a prononcé la liquidation
judiciaire de Lexmar-France, qui n’avait
jamais réussi à acquérir l’outillage indispensable à la survie des chantiers et avait
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déposé son bilan le 6 décembre précédent. Le maire de La Ciotat a alors immédiatement demandé l’extension de la zone
d’entreprises, sur laquelle 58 firmes ont
déjà crée 760 emplois.
À Marseille, c’est Sud-Marine, entreprise spécialisée dans la réparation navale
et la construction offshore qui disparaît.
954 salariés sont directement touchés,
mais aussi 120 PME sous-traitantes qui
emploient 2 500 personnes, alors que le
département des Bouches-du-Rhône a
déjà un taux de chômage supérieur à la
moyenne nationale (13 % de la population active, contre 9,4 %).
Pour enrayer l’hémorragie de sa population (près de 80 000 habitants perdus
entre les deux derniers recensements),
Marseille corrige son plan d’occupation
des sols : mille hectares supplémentaires
sont réservés à la construction et mille
autres consacrés à l’accueil d’entreprises
ou d’activités.
Selon la DATAR, la Région a absorbé
en 1990 29 % des nouvelles implantations
américaines en France, 20 % des italiennes, 17 % des anglaises et 6,25 % des
allemandes. Sophia-Antipolis demeure
le point de chute privilégié des nouveaux
arrivants. À la fin de 1990, la technopole
abritait 834 raisons sociales et 14 300 emplois. La réussite enregistrée sur le plateau
de Valbonne et la crise de la construction
navale donnent des idées aux Varois, qui
veulent transformer le plateau de Signes
en technopole : plusieurs dizaines d’implantations industrielles ont eu lieu : Coca-Cola, Daniel Jouvance, les laboratoires
pharmaceutiques Merk et l’écurie de formule 1 de Gérard Larrousse.
Tout cela est coordonné par Toulon Var Technologies. L’Agroparc de
Montfavet-Avignon est devenu une
réalité : sur 200 hectares, c’est à la fois
le plus grand centre de recherches de
l’INRA (2 000 personnes employées),
un IUT agroalimentaire et une pépinière d’entreprises. Outre Sophia-Antipolis, Montfavet et Toulon, il y a aussi
Château-Gombert, Aix Europole et Manosque-Cadarache. « La Route des hautes
technologies », qui relie ces six pôles, est
formée par des infrastructures de communication (liaisons autoroutières, TGV
Méditerranée, extension des aéroports),
mais aussi de télécommunications. C’est
aussi un outil financier (1 750 millions
de F pour la période 1989-1993), car ces
groupes de travail participent au choix
des opérations, et un moyen de promotion auprès d’investisseurs métropolitains ou étrangers. Par ailleurs, en dotant
la Région d’un système de communication à haut débit, d’un centre régional de
calcul formé de trois ordinateurs hyperpuissants, la Route des hautes technologies permet à chaque PMI d’accéder à
des outils réservés jusqu’alors aux grands
groupes.
Le port autonome de Marseille
(PAM) a bien supporté la première phase
de la crise du Golfe : le trafic s’est stabilisé en 1991. Certes, avec 91,6 millions
de tonnes, l’écart s’est creusé avec Anvers
(102 millions de tonnes), mais le port
phocéen avait tout à craindre de la politique d’embargo imposée par l’ONU à
l’Irak et au Koweït. Alors que les autres
ports français (Nantes excepté) enregistrent un repli de leur trafic marchandises, le PAM maintient ses positions
autour de 10,6 millions de tonnes et bat
même son record en ce qui concerne le
trafic de conteneurs.
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POLITIQUE
213
Rhône-Alpes
Tous les équipements et toutes les
infrastructures nécessaires aux jeux
Olympiques étaient prêts un an avant
l’ouverture. Grâce à l’appui de l’État et de
la Région, la Savoie a investi 5 milliards
de F pour s’équiper. Au total, investissements privés et publics confondus, le département aura reçu plus de 10 milliards
d’investissements en moins de six ans.
Les entreprises ont bénéficié de cet
élan olympique. Plus de mille emplois
ont été créés depuis 1986 et le taux de
chômage de la Savoie est tombé à moins
de 7 %. Mais les grands groupes français (Spie, GTM, Razel) ont racheté
bon nombre d’entreprises de BTP de la
Région. Quinze ans de travaux auraient
été nécessaires, en temps normal, pour
faire ce qui vient d’être réalisé en cinq
ans. Cependant, l’ère de l’après-JO a
commencé bien avant leur ouverture. Si
la Savoie est désenclavée, les Jeux n’ont
pas créé d’implantations économiques
durables. Certaines des treize communes
d’accueil ont concentré de lourds investissements sur une trop courte période
et souffrent de surendettement. Bridesles-Bains (600 habitants), dont le budget de fonctionnement est de 15 millions de F, connaît un « trou » de près de
70 millions. Et les Savoyards de méditer
sur l’expérience de Grenoble qui, vingttrois ans après les JO de 1968, supporte
encore le poids écrasant des installations
olympiques.
DOM-TOM
Les émeutes qui ont ensanglanté la Réunion en février-mars 1991 ont mis en
lumière les problèmes économiques et
sociaux persistant dans les départements
d’outre-mer (DOM).
Cinq ans après le vote de la loi Pons
(1986) introduisant des mesures de défiscalisation, le ministre des DOM-TOM,
M. Louis Le Pensec, espérait pouvoir y
apporter les retouches nécessaires, à la
lumière du rapport Ripert publié en juin
1990. En fait, c’est tout le système d’aide
économique et social qui est à repenser.
Depuis la loi de départementalisation
de 1946, conçue pour faire sortir les
anciennes colonies de leur passé esclavagiste, les départements d’outre-mer se
sont transformés. Mais est-il possible de
concilier leur appartenance à la communauté nationale et le respect de leur spécificité ? Les décalages avec la métropole se
résorbent-ils ou s’aggravent-ils ?
La scolarisation révèle les progrès
accomplis : de 1958 à 1988, les élèves de
l’enseignement secondaire sont passés de
5 200 à 52 000 en Guadeloupe, de 830
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à plus de 10 000 en Guyane, de 3 800 à
46 700 en Martinique, de 2 100 à 72 500
à la Réunion. Les DOM sont, en même
temps, entrés dans l’ère de la consommation de masse : le parc automobile a
été multiplié par 13 en Guyane, par 7 en
Martinique et par 19 à la Réunion. Parallèlement, la population a plus que doublé
et s’accroît au rythme de 2 % l’an. 37 %
des habitants ont moins de 20 ans et seule
l’émigration vers la métropole maintient
la croissance démographique dans des
limites raisonnables. La désorganisation
de la société de plantations accompagne
la départementalisation ; les secteurs
productifs disparaissent ; les importations sont dix fois plus fortes que les
exportations ; les enfants quittent la terre
et deviennent fonctionnaires ; le secteur
tertiaire est hypertrophié.
Les taux de chômage oscillent entre
20 % (aux Antilles) et 35 % (à la Réu-
nion), tandis que la facture nette se
monte, pour la métropole, à 20 milliards
de F. Le SMIC réunionnais est inférieur
de 20 % à celui de la métropole, mais il
est dix fois plus élevé que les salaires versés aux Comores et à Madagascar, tout
proches. Les DOM rêvent du Grand
Marché unique de 1993 et des capitaux
qui viendront de Bruxelles ; mais l’intégration européenne suppose aussi la remise en cause de l’« octroi de mer », qui
taxe les produits entrant dans les DOM et
qui rapporte 2,5 milliards de F par an aux
collectivités locales.
La Martinique survit à 75 % grâce au
budget français, qui lui assure un niveau
de vie et des prestations sociales sans
commune mesure avec ce qui est pratiqué
dans les Caraïbes. En revanche, le haut
niveau des salaires fait perdre sa compétitivité à l’île, qui voit son agriculture
mourir lentement et connaît un taux de
chômage proche de 30 % malgré le grand
nombre de fonctionnaires. Lancée sur
l’initiative de la Chambre de commerce et
d’industrie martiniquaise (CCIM), l’opération « Confluences 91 » devait amener
les Martiniquais à élaborer eux-mêmes
un véritable livre blanc pour sortir l’île
du marasme économique. La volonté de
fabriquer sur place tout ce qui peut l’être
(alors que les exportations ne couvrent
que 15 % des importations), le constat
des insuffisances quantitatives et qualitatives de l’infrastructure hôtelière (prix
élevés, prestations médiocres) sont souvent évoqués. Et l’on reparle du « Marché
commun des Caraïbes », associant Martinique, Guadeloupe et Guyane...
Kourou, « port spatial de l’Europe »,
n’est pas toute la Guyane et les succès
d’Ariane symbolisant le renouveau du département français d’Amérique du Sud ne
sont qu’une vitrine : en arrière, les bidonvilles insalubres, où s’entassent plus de
six mille personnes (les « villages » haïtiens, Saramacca...), sont régulièrement
alimentés par une forte immigration.
De 1982 à 1990, les étrangers sont passés
de 16 848 à 34 087, soit une augmentation de 102 %, et représentent maintenant 29,70 % de la population totale. Le
Front national, dont le potentiel électoral
approche les 25 %, tente de tirer parti de
la situation, mais une délégation de la
formation de J.-M. Le Pen a été refoulée
par des manifestants à Saint-Georges-de-
l’Oyapock. Au-delà du fait divers, l’apparition des Amérindiens sur la scène politique guyanaise est un fait majeur de la
nouvelle donne du département.
Le nickel, dont près de 30 % des
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POLITIQUE
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réserves mondiales se trouvent sur le
« caillou néo-calédonien », n’est pas seulement une matière première. Le partage équitable de cette ressource est la
clé d’une réconciliation durable entre les
communautés. La Société minière du Sud
Pacifique (SMSP), dont le capital a été
racheté à Jacques Lafleur par la Province
Nord, contrôlée par le FLNKS, réussit,
grâce à une imbrication de capitaux locaux et étrangers, à s’assurer un débouché : plus de 700 000 tonnes de minerai
ont été livrées au Japon en 1991, soit 40 %
du total des exportations calédoniennes.
En ce qui concerne la métallurgie, la Société Le Nickel (SLN) consacre 1,2 milliard de F à l’augmentation de la capacité
de l’usine de Doniambo, à Nouméa. À
cette fin, l’exploitation du centre minier
de Thio a été prolongée, tandis qu’un
nouveau site minier sera ouvert dans le
massif de Kopeto, sur la côte ouest. Il
sera complètement intégré dans l’environnement autochtone et tribal. Mais la
SLN se heurte encore au protectionnisme
japonais, qui continue de taxer les ferronickels importés, malgré les exhortations
que M. Michel Rocard, alors Premier ministre, avait adressées au Japon en 1990
lors de ses deux voyages.
Le 10 août, le FLNKS a tenu une
convention indépendantiste consacrée
principalement aux litiges frontaliers et
au développement économique. Son président, Paul Néaoutyne, a souligné à cette
occasion que l’attribution prévue de plus
de 80 000 hectares à ses partisans n’avait
pas encore été définitivement établie par
des actes de propriété.
Pour le cent cinquantième anniversaire de son rattachement à la France,
Mayotte voudrait bien accéder à la départementalisation, considérée comme
la solution à tous ses problèmes. Mais les
spécificités de cet îlot de l’océan Indien
sont telles que Paris n’est pas près d’accéder à la demande. Avec 38 000 habitants
en 1974, 85 000 en 1990, un des taux de
natalité les plus forts du monde (50 ‰),
10 000 étrangers venus des îles voisines
plus pauvres et installés plus ou moins
clandestinement, 60 % de la population
âgée de moins de 20 ans, la situation
démographique risque de devenir explosive sur cette île à faible surface habitable.
Par ailleurs, la vie de cette population,
musulmane sunnite à 90 %, est réglée par
le droit privé coranique que le cadi (chef
religieux) fait appliquer pardessus les lois
de la République. Et cela n’est pas près de
changer.
CLAUDE MALASSIGNÉ
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
216
EUROPE ! 1
De Rome à Maastricht, la Communauté
européenne a franchi en un an deux étapes
capitales. Elle a jeté les bases d’une Union
économique et monétaire et, plus modestement, amorcé un processus de définition
de politiques communes en matière de
relations extérieures et de défense.
Le grand dessein de l’année consistait
à jeter les bases d’une Union économique
et monétaire (UEM) et d’une Union
politique. Tel était l’objet des deux conférences intergouvernementales lancées
en décembre 1990 à Rome et conclues
un an plus tard à Maastricht. L’objectif a été atteint lors de ce Conseil européen des 9 et 10 décembre, qui, malgré
ses insuffisances un peu trop occultées,
figurera parmi les dates marquantes de
la construction européenne. Les chefs
d’État et de gouvernement ont pris les
décisions nécessaires pour doter la Communauté, au plus tard au 1er janvier 1999,
d’une monnaie commune, l’écu.
En termes économiques, mais aussi
politiques, c’est là une percée considérable qui vient compléter la politique de
relance de la construction européenne
engagée à partir de 1985-1986 avec la
mise en oeuvre du Marché unique. Celuici continue à se bâtir à un rythme satisfai-
sant, si bien que l’échéance du 1er janvier
1993 pourra être respectée. À Maastricht,
les Douze ont aussi décidé de se doter
progressivement d’une politique étrangère et de sécurité commune ; mais, en
raison principalement de l’obstruction
britannique, la tentative reste timide.
De même que demeure modeste l’effort
accompli pour renforcer les pouvoirs
du Parlement européen, ou encore pour
élargir le champ de compétences de la
CEE.
Le « lifting » de la PAC
Au-delà de ce bilan globalement satisfaisant engrangé à Maastricht, les résultats
de 1991 sont cependant pour le moins
ambivalents : le climat communautaire,
euphorique l’année précédente, a été
assombri par une conjoncture maussade et, en particulier, par un retour en
force du chômage. L’opinion a soudainement pris conscience que la construction
européenne, présentée depuis cinq ans
comme la panacée, ne pouvait être considérée comme une assurance tous risques.
À cette mauvaise situation économique sont venus s’ajouter, pour déconcerter les esprits, des troubles extérieurs
graves – conflit du Golfe et crise yougoslave – d’autant plus préoccupants que la
Communauté s’est révélée impuissante à
avoir sur eux une quelconque influence.
En termes de rapports de force, de prestige, les États-Unis, capables de déployer
500 000 hommes dans le désert d’Arabie,
puis de s’y battre, ont marqué des points ;
l’Europe en a perdu. La « Tempête du
désert » et le général Schwarzkopf ont
réussi à faire oublier l’endettement de
l’Amérique et son lent déclin industriel.
Les canons sont ainsi revenus au premier
rang des attributs de la puissance. C’est
pour remédier à une telle situation que
la Communauté cherche à bâtir une politique étrangère et à accroître son autonomie en matière de défense. En attendant
que cette tentative porte éventuellement
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POLITIQUE
217
ses fruits, elle est sortie amoindrie des
turbulences de l’année écoulée, même si,
dans plusieurs cas (assistance en faveur
des Kurdes, médiation dans la crise yougoslave), ses interventions ont été jugées
plus sévèrement qu’elles ne le méritaient.
Cependant, hors le programme de
Maastricht, la Communauté n’a pas fait
que subir des échecs. Son concours au
redressement économique des pays de
l’Est, puis de l’ex-URSS est sensiblement plus important que celui accordé
par les États-Unis, même si ceux-ci,
dont le modèle social et culturel fascine
les nouvelles démocraties, se montrent
plus habiles qu’elle à en tirer un profit
politique. En dépit des polémiques qui
naissent à propos de l’architecture de la
nouvelle Europe et du rôle – le moins frileux possible – qu’elle devrait y jouer, elle
paraît déterminée à envisager de manière
constructive, mais avec sang-froid et sans
précipitation, ses relations avec ses voisins du Vieux Continent.
Sur le plan interne, elle s’est montrée décidée à réformer en profondeur la
politique agricole commune (PAC) qui
fête cette année ses trente ans et éprouvait effectivement le besoin d’un sérieux
« lifting ». Pour ne pas compromettre
cette réforme, ambitieuse mais difficile
à mettre en oeuvre en raison du désarroi du monde paysan, elle n’a pas hésité
à s’opposer aux Américains ainsi qu’aux
autres grands producteurs qui, dans le
cadre de l’Uruguay Round, se montraient
très exigeants sans être prêts eux-mêmes
à faire les concessions qu’impliquerait un
accord équilibré. Du fait de cette querelle
agricole, ces négociations commerciales
multilatérales lancées en 1986 à Punta
del Este (Uruguay) risquent de s’achever sur une rupture et d’empoisonner les
relations économiques internationales,
déjà affectées par la crise qui persiste
aux États-Unis. C’est là une hypothèque
sérieuse qui pèse sur 1992.
La percée de l’UEM
Le traité instaurant une Union économique et monétaire qui a été conclu à
Maastricht, et que les Parlements des
Douze doivent encore ratifier, représente
assurément un succès méritoire pour la
diplomatie européenne de la France, qui
l’avait placé de manière presque excessive, comme on a pu parfois le penser, au
premier rang de ses objectifs.
L’opération, lancée au Conseil européen de Hanovre en juin 1988, n’a pu
être menée à bien que moyennant beaucoup d’énergie et de persévérance, tant
en raison de l’obstruction du RoyaumeUni que des réticences, d’une tout autre
nature mais néanmoins dévastatrices, de
l’Allemagne. Les unes et les autres ont été
surmontées. Le Comité d’experts présidé
par M. Jacques Delors avait présenté son
projet d’UEM en trois étapes en avril
1989. Ensuite, Mme Margaret Thatcher
s’était efforcée d’empêcher, ou du moins
de retarder, la réunion de la Conférence
intergouvernementale chargée de rédiger
le nouveau traité.
Le harcèlement ainsi pratiqué fut
vain. Jugé excessif, même au RoyaumeUni, il n’a pas peu contribué à l’éviction
de la « dame de fer » à l’automne 90. La
Conférence intergouvernementale fut
lancée en décembre et les Britanniques
y participèrent pleinement, mais de manière très critique, rêvant à l’évidence de
voir le plan Delors et sa monnaie unique
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– atteinte jugée insupportable à la souveraineté nationale par une partie des
conservateurs – remisés aux oubliettes.
La détermination de la majorité des États
membres et l’arbitrage rendu en Allemagne par le chancelier Helmut Kohl en
faveur de l’UEM eurent raison de cette
opposition qui, bien souvent, même
une fois M. John Major promu Premier
ministre, s’apparentait à un pur et simple
sabotage.
Faute de pouvoir torpiller l’entreprise, Londres s’y rallia, mais en se faisant reconnaître une clause d’exemption
(« opting-out ») : le moment venu, lors du
passage à la troisième étape, entre 1997 et
1999, le Parlement de Westminster devra
confirmer son premier vote de ratification (celui-ci devant intervenir, comme
dans le reste de la CEE, en 1992) et dire
s’il est prêt à franchir le seuil de la monnaie unique.
Les Allemands, qui vénèrent le Mark
comme l’un des premiers symboles de
la nation, étaient prêts à sauter très vite
le pas de la monnaie unique, mais à
condition que ce fût en compagnie d’un
nombre limité de partenaires sûrs : les
trois du Benelux, qui appartiennent dès
aujourd’hui à la zone Mark, la France
assagie, peut-être le Danemark... C’était
l’idée d’une Union monétaire à deux vitesses caressée en particulier par la Bundesbank. Une idée qui fut jugée politiquement intolérable lorsqu’en septembre
dernier les Pays-Bas, qui assurèrent de
façon quelque peu heurtée la présidence
des travaux des Douze au cours du second semestre 1992, s’aventurèrent à la
proposer.
M. Win Kok, le ministre néerlandais
des Finances, fit rapidement et habilement marche arrière : le passage à la
troisième étape, expliqua-t-il, devra être
approuvé par l’ensemble de « la famille
communautaire », quitte à ce que des délais soient accordés à l’un ou à l’autre pour
se hisser au niveau des performances
économiques des meilleurs. À Maastricht, M. François Mitterrand, soucieux
que soit souligné le caractère irréversible
du processus, a obtenu qu’une date limite
– le 1er janvier 1999 – soit fixée dans le
traité pour le passage à la troisième étape.
Cependant, les préoccupations de
l’Allemagne furent largement prises en
compte : l’objectif prioritaire de l’UEM,
inscrit dans le traité, sera la stabilité de
la monnaie ; la Banque centrale européenne, qui ne sera créée qu’une fois
décidé le passage à la troisième étape,
restera à l’image de la Bundesbank, indépendante des gouvernements, avec,
comme principale mission, celle précisément d’assurer cette stabilité monétaire. Seuls les États membres répondant
à une série de critères qui garantiraient
leur bonne santé économique (inflation,
déficit public, endettement, taux d’intérêt) pourront accéder à la troisième étape
et à la monnaie unique. Afin de faire en
sorte que le plus grand nombre se trouve
dans cette situation enviable, les gouvernements s’engagent à présenter aux pays
partenaires et à mettre en oeuvre dès la
première étape des « programmes de
convergence ». L’Italie, la Grèce et le Portugal l’ont déjà fait.
L’Europe à la carte
L’accord de Maastricht sur l’UEM, fruit
de deux ans et demi d’une intense préparation à partir du rapport Delors,
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POLITIQUE
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apparaît comme un compromis équilibré, reflétant la volonté politique des
États membres et dont les chances d’être
mené à terme ne paraissent pas, en vérité,
devoir être mises en doute. La force d’attraction de la Communauté, espace de
liberté et de stabilité, devrait s’en trouver
très vite renforcée, notamment auprès
des investisseurs américains et japonais.
Ainsi se trouverait répété, du moins peuton l’espérer, l’« effet marché unique » qui,
à partir de 1986, a amplifié la croissance
dans la CEE.
Cependant, l’année 1991 a permis
de mieux percevoir les faiblesses et les
insuffisances de l’opération « grand marché ». Supprimer des barrières ne peut
suffire pour « muscler » les entreprises,
pour susciter les regroupements et les
coopérations transfrontalières, nécessaires pour retrouver une compétitivité
bien souvent perdue, notamment face
aux Japonais. Une action volontariste est
nécessaire pour organiser l’espace communautaire. L’Acte unique, en dépit d’une
conception d’ensemble d’inspiration très
libérale, prévoyait de telles politiques
d’accompagnement. Elles n’ont été entreprises qu’avec beaucoup de timidité.
1991 a été aussi l’année de l’affaire
De Havilland, c’est-à-dire du veto, très
contestable, opposé, au nom de la concurrence, par la Commission de Bruxelles
au rachat de cet avionneur canadien par
l’Aérospatiale (France) et Alenia (Italie).
Dans le même temps, les efforts, il est
vrai tardifs, consentis en matière industrielle par l’exécutif bruxellois échouaient
assez piteusement, qu’il s’agisse de créer
un pôle électronique communautaire ou
encore d’assurer de manière efficace la
promotion d’une norme européenne de
télévision à haute définition (TVDH).
Faute d’une stratégie collective, l’industrie électronique communautaire – semiconducteurs, électronique grand public,
informatique – est mal partie, au point
qu’inverser la tendance pourrait se révéler hors de portée.
Malheureusement, à Maastricht,
les chefs d’État et de gouvernement des
Douze n’ont pas pris les orientations qui
auraient pu permettre de corriger les lacunes d’une Communauté trop libérale.
Certes, le champ des compétences de la
Communauté a été élargi. Dans certains
domaines, tel l’environnement, les décisions pourront, plus facilement que dans
le passé, être prises à la majorité qualifiée.
Mais ce ne sera pas le cas, les Anglais et
les Allemands, allergiques à l’intervention des pouvoirs publics, y ont veillé
en matière de politique industrielle. Les
Français, à juste titre, l’ont regretté.
Comment, par ailleurs, se montrer
satisfait de ce qui a été décidé en matière
sociale ? La Charte européenne des droits
sociaux fondamentaux, adoptée voici
deux ans – il est vrai à onze – n’a pas reçu
le moindre début d’application pratique
en raison de l’hostilité du RoyaumeUni. Ces mêmes onze États membres
entendent qu’une réglementation minimale soit arrêtée au niveau européen. La
présidence néerlandaise, soucieuse de
faciliter la tâche aux Anglais, avait strictement limité les domaines où devrait
jouer la majorité qualifiée : conditions
de travail, information des travailleurs,
égalité de traitement hommes-femmes.
Cette modération n’a pas été payée de
retour : M. Major n’a pas cru devoir faire
le moindre geste et c’est donc à onze, sans
la Grande-Bretagne, que ce « socle social
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220
minimum » sera progressivement mis en
place. Politique monétaire, politique sociale, le gouvernement britannique joue
l’Europe à la carte. Personne ne croit qu’il
y gagnera en influence.
L’amorce d’un processus
Ce sont encore les Anglais qui ont bataillé
pour limiter la portée des « actions communes » susceptibles d’être entreprises
en matière de politique étrangère et de
sécurité. La règle d’or concernant ces
actions restera l’unanimité ; seules des
modalités d’application accessoires pourront, à condition que le Conseil en décide
ainsi, être adoptées à la majorité qualifiée.
« C’est l’amorce d’un processus », fait-on
valoir du côté français. Il reste que les
Britanniques, réfractaires au concept de
politique étrangère commune parce que,
encore une fois, il s’agirait, à leurs yeux,
d’un regrettable abandon de souveraineté, pourront, s’ils le souhaitent, bloquer
toute initiative. L’orientation approuvée
en matière de défense, compromis entre
ceux qui plaident pour une défense commune (la France, l’Allemagne, la Belgique,
l’Espagne) et ceux qui souhaitent ne rien
faire de sérieux en dehors de l’OTAN (le
Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Danemark), donne au moins la possibilité de
préparer l’avenir en renforçant les liens
entre la Communauté et l’Union de l’Europe occidentale (UEO), une organisation qui, pour devenir « le bras armé » de
l’union politique, devra commencer par
être quelque peu revitalisée.
Maastricht marque un tournant. Non
pas bien sûr que les Douze s’apprêtent à se
désintéresser de l’UEM, de l’achèvement
du « grand marché » ou des premiers
pas de la politique étrangère commune ;
mais parce que, comme prévu, plusieurs
chantiers d’une grande importance vont
être ouverts et se trouveront bientôt au
coeur de l’actualité : celui des finances de
la CEE, au cours de la période 1993-1997,
en incluant le dossier explosif de la cohésion économique et sociale, c’est-à-dire
de l’effort de solidarité en faveur des pays
les moins nantis de la CEE ; celui aussi
de l’élargissement de la Communauté, de
son calendrier, de ses modalités et des
réformes institutionnelles qu’il suppose.
PHILIPPE LEMAITRE
Philippe Lemaitre est correspondant du Monde
auprès de la Communauté européenne.
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POLITIQUE
221
LE POINT SUR...
EUROPE OCCIDENTALE
En 1991, les urnes ont partagé l’Europe
en deux : au sud se sont retrouvés les pays
dont les dirigeants ont su se maintenir au
pouvoir ; au nord, les nations où ces derniers ont été contraints de céder la place.
La continuité a ainsi largement triomphé au Portugal, où le président de la République et le Premier ministre sortants
ont été reconduits dans leurs fonctions.
Le 13 janvier, lors de l’élection présidentielle, le socialiste Mario Soares, chef de
l’État depuis 1986, a obtenu 70,4 % des
voix et, le 6 octobre, à l’issue des législatives, le Parti social-démocrate (centre
droit) du chef du gouvernement, M. Anibal Cavaco Silva, a conservé la majorité
absolue. Son principal concurrent, le Parti socialiste, avec 29,25 % des suffrages, a
pourtant bien progressé, mais, pour la
première fois, les communistes n’ont pas
réussi à recueillir 10 % des voix. Leur dirigeant, M. Alvaro Cunhal, qui est l’un des
derniers staliniens à l’Ouest, a sans doute
payé son soutien aux auteurs du putsch
du 19 août en Union soviétique. Malgré
certains progrès économiques, l’agriculture reste à moderniser et l’inflation, qui
atteint 13,7 %, est donc bien au-dessus de
la moyenne communautaire.
En Espagne, lors des élections locales
du 26 mai, le Parti socialiste, qui était au
pouvoir depuis neuf ans, a maintenu ses
positions en obtenant 36 % des voix. De
leur côté, le Parti populaire (droite) et la
gauche unie ont amélioré leurs résultats
au détriment du Centre démocratique et
social (CDS). Le dirigeant centriste Adolfo Suarez, qui avait présidé à l’évolution
du régime après la disparition de Franco,
s’est retiré de la vie politique. Auparavant,
le 11 mars, le chef du gouvernement, Felipe Gonzalez, avait largement renouvelé
son équipe, qui est devenue beaucoup
plus autonome vis-à-vis du Parti socialiste. Plusieurs responsables politiques
catalans en font maintenant partie. Les
efforts consentis par l’Espagne dans la
perspective du grand marché européen
de 1993 ne lui ont encore permis de maîtriser ni son inflation (6,9 %) ni son chômage, qui frappait 16 % de sa population
active.
Continuité encore en Italie. Même
si le Parti communiste, réuni pour son
XXe congrès, est devenu le Parti démocratique de la gauche (PDS) le 3 février,
son évolution ne se fait pas sans mal sous
l’impulsion de M. Achille Occhetto, ancien secrétaire général du PCI, qui a été
difficilement élu à la tête de la nouvelle
formation. En même temps, les cinq partis qui composent la coalition gouvernementale (démocrates-chrétiens, socialistes, sociaux-démocrates, libéraux et
républicains) poursuivaient leur petit jeu
politique. Le 19 avril, vingt jours après sa
démission, M. Giulio Andreotti était déjà
redevenu président du Conseil, mais les
républicains ne faisaient plus partie de
la majorité. Avec 42,3 % des suffrages,
la Démocratie chrétienne, qui domine
la Sicile depuis des décennies, a obtenu
son meilleur résultat aux élections qui
se sont déroulées dans l’île le 19 juin et à
l’occasion desquelles les anciens communistes ont perdu du terrain. Confrontées
à l’arrivée de milliers d’Albanais sur les
côtes des Pouilles, les autorités italiennes
ont été rapidement dépassées par les évédownloadModeText.vue.download 224 sur 490
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nements. Avec une inflation de 6,9 % et
un déficit budgétaire considérable, l’Italie aura du mal à s’intégrer dans l’union
monétaire européenne.
La fin du modèle suédois
Dans deux pays nordiques – la Finlande et la Suède –, les sociaux-démocrates se sont fait battre lors des élections
législatives. Le 17 mars, à Helsinki, l’événement a même été historique : le Parti
social-démocrate, principale formation
politique finlandaise depuis 1906, a perdu 8 sièges, alors que le Parti du centre en
gagnait 15. Le 26 avril, le centriste Esko
Aho pouvait alors former un gouvernement de coalition avec des membres de
son parti, des conservateurs, des libéraux-suédois et des chrétiens. En vingtcinq ans, c’était la première fois que le
ministère ne comprenait aucun représentant des partis de gauche. Les difficultés
économiques expliquent le résultat du
scrutin. En une décennie, le commerce
avec l’URSS a beaucoup diminué : en
1991, il représentait seulement 5,5 % des
exportations, contre 20 % en 1980.
Lors des élections législatives sué-
doises du 15 septembre, le Parti social-démocrate, au pouvoir entre 1932 et 1976 et
à nouveau depuis 1982, a perdu 18 sièges.
Les conservateurs en ont gagné 13 ; les
libéraux et les centristes ont reculé, tandis
que les populistes de la Nouvelle Démocratie ont réussi à faire élire 24 des leurs.
Après la démission de M. Ingvar Carlsson, chef du gouvernement depuis 1986,
M. Carl Bildt, président du Parti conservateur, a été nommé Premier ministre le
3 octobre. Il dirige une coalition comprenant les conservateurs, les libéraux, les
centristes et les chrétiens-démocrates.
Ces quatre formations détiennent seulement 170 des 349 sièges du Riksdag, mais
ce gouvernement minoritaire est dans la
tradition suédoise et devrait fonctionner.
Même si l’équipe sortante avait mené
une politique partiellement conservatrice, le scrutin du 15 septembre traduit
un déclin certain du modèle suédois.
En effet, après avoir levé le contrôle des
changes en juillet 1989, l’équipe d’Ingvar
Carlsson avait procédé en 1990 à une
réforme fiscale radicale en réduisant le
taux moyen de l’impôt sur le revenu de
65 à 50 %. Elle avait également diminué
les subventions à l’agriculture, réformé
un système d’assurance-maladie beaucoup trop laxiste et déposé une demande
d’adhésion de la Suède à la Communauté
européenne le 1er juillet. Mais les résultats
économiques ont été mauvais : en 1991,
la production industrielle a chuté de 6 %,
le produit national brut a diminué de
1 %, l’inflation a dépassé 9 % et, surtout,
le chômage a fini par toucher 3,2 % de la
population active, un chiffre considéré en
Suède comme un véritable cataclysme.
Dans les pays nordiques, l’Islande
est le seul où les sociaux-démocrates ont
pu conserver le même nombre de sièges
(10) au Parlement. Ce résultat a été obtenu à l’issue des élections législatives du
21 avril qui ont permis au Parti de l’indépendance (conservateur) de M. David
Oddson de gagner 8 sièges. Le 29 avril,
ce dernier a constitué un gouvernement
de coalition avec les sociaux-démocrates,
qui gouvernaient depuis septembre 1988
avec les agrariens et les socialistes de
gauche. Malgré ce succès des conservateurs, l’échiquier politique n’a pas été
bouleversé, car le ministère précédent
était parvenu à dominer l’inflation en
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POLITIQUE
223
diminuant le pouvoir d’achat.
C’est aux Pays-Bas que la gauche a
subi sa plus grande défaite. Lors des élections provinciales du 8 mars, les candidats du Parti du travail ont connu non
seulement leur plus grave revers depuis
1945, mais aussi leur cinquième échec
électoral consécutif. Intervenu après la
présentation d’un plan d’austérité draconien, ce très mauvais résultat des travaillistes n’a cependant pas remis en
cause leur alliance gouvernementale avec
les chrétiens-démocrates du Premier ministre Ruud Lubbers.
En Grande-Bretagne, depuis la démission de Mme Margaret Thatcher le
22 novembre 1990, les conservateurs ont
quelque peu infléchi leur politique. Devant l’impopularité de la « poll tax », impôt local par capitation, le nouveau Premier ministre, M. John Major, a annoncé
sa forte réduction pour l’année fiscale en
cours et sa suppression en 1993. Malgré cette décision, les conservateurs ont
subi une défaite aux élections locales qui
ont eu lieu le 2 mai en Angleterre et au
pays de Galles. À cette occasion, ils ont
perdu plus de 6 % des sièges au profit
des travaillistes et des démocrates-libéraux. La crise économique que traverse le
Royaume-Uni s’est seulement ralentie, et
le chômage a continué à augmenter.
En Irlande du Nord, la situation n’a
guère évolué. L’Armée républicaine irlandaise (IRA) a encore frappé : le 7 février,
elle a bombardé au mortier la résidence
du Premier ministre, et, le 18 février, des
attentats ont été commis dans deux gares
londoniennes. Depuis 1983, c’était la première fois que l’IRA visait des lieux publics en Angleterre. Les premiers pourparlers entre catholiques et protestants
depuis 1973, qui se sont tenus ensuite à
Belfast du 17 juin au 3 juillet, n’ont pas
abouti. Du 27 août au 12 septembre, des
jeunes des banlieues d’Oxford, de Cardiff,
de Birmingham et de Newcastle se sont
livrés au vandalisme et ont affronté violemment les forces de l’ordre.
CEE + AELE = EEE
Depuis son unification, le 3 octobre
1990, l’Allemagne constitue un cas particulier. Elle a connu une année très tendue, surtout dans les territoires de l’ancienne RDA, où un chômage massif est
apparu au cours des six premiers mois :
en mars, on comptait ainsi 2 808 000 personnes sans emploi, dont 2 millions de
chômeurs à temps partiel. La politique de
privatisation hâtive menée par la Treuhand et l’exclusion du service public des
anciens collaborateurs de la STASI ont
contribué à renforcer le malaise dans
les Länder orientaux ; mais la principale
raison de cette dégradation du climat
était le mépris trop souvent montré par
les Allemands de l’Ouest (les Wessis) à
l’encontre de leurs compatriotes de l’Est
(les Ossis), auxquels ils voulaient imposer
brutalement leur système économique et
social. La tension a culminé le 1er avril
avec l’assassinat à Düsseldorf de Detlev
Rohwedder, président de la Treuhand,
par des membres de la Fraction armée
rouge. Peu après, le 12 avril, la Treuhand,
la Confédération des syndicats (le DGB),
l’opposition social-démocrate et le gouvernement ont décidé de coopérer pour
résorber la crise.
Depuis, la croissance atteinte sur l’ensemble de l’année (2,75 %) et les multiples
efforts du gouvernement pour créer des
emplois ont entraîné un léger recul du
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chômage à l’Est ; mais, le 16 mai, considérant l’union économique et monétaire
interallemande comme un désastre,
M. Karl Otto Poehl, président de la Bundesbank, a démissionné. Le 1er août, il a
été remplacé par M. Helmut Schlesinger.
Le 20 juin, les députés allemands ont
décidé par 336 voix contre 321 le transfert du gouvernement et du Bundestag de
Bonn à Berlin.
La CDU, le parti du chancelier Kohi,
qui ne pouvait tenir ses promesses électorales – élever très vite le niveau de vie
dans l’ex-RDA et ne pas augmenter les
impôts – a perdu presque toutes les élec-
tions régionales au profit du SPD. Après
la Hesse le 20 janvier, les chrétiens-démocrates n’ont pu sauver la Rhénanie-Palatinat le 21 avril, un Land qu’ils dirigeaient
depuis 1946. Le SPD a même obtenu la
majorité absolue à Hambourg le 1er juin,
mais l’a perdue à Brème le 29 septembre.
Dans cette dernière ville, la DVU, formation d’extrême droite, a obtenu 6,5 %
des voix en demandant l’arrêt total de
l’immigration.
Les nombreuses violences commises,
surtout à l’Est, contre les demandeurs
d’asile et les immigrés à l’automne ont
été principalement dues à de jeunes chômeurs désorientés par la disparition de
l’univers totalitaire stalinien. Elles s’expliquent en partie par le nombre considérable de demandeurs d’asile (environ
250 000 en 1991) que le caractère très
libéral de la loi fondamentale de 1949
attire en Allemagne.
Dans cette Europe occidentale
confrontée aux difficultés économiques
et bouleversée par la chute des régimes
communistes, même « la tranquille
Suisse » n’a pas été épargnée. Au premier semestre, son économie a connu
une « croissance négative ». Toutefois, la
composition du Conseil fédéral est restée
identique, même après les élections générales du 20 octobre à l’occasion desquelles
des formations populistes ont réussi une
percée. La Confédération, qui a fêté son
700e anniversaire le 1er août, veut adhérer rapidement à la Communauté européenne. En attendant, comme les six
autres nations membres de l’Association
européenne de libre échange (AELE), elle
a signé le 21 octobre à Luxembourg un
accord avec les Douze prévoyant la mise
en place d’un espace économique européen (EEE).
LAURENT LEBLOND
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POLITIQUE
225
ALLEMAGNE :
APRÈS
L’UNIFICATION
Comme les Européens avaient fini par
trouver normale la dichotomie de leur
continent, les Allemands s’étaient habitués à la division de leur nation. Il ne faut
donc pas s’étonner si la réunification de
l’Allemagne, réalisée le 3 octobre 1990, n’a
cessé, au cours de l’année 1991, de poser
des problèmes à tout le monde.
Même si, dès sa naissance et la promulgation de sa loi fondamentale, le
23 mai 1949, la République fédérale s’était
fixé pour objectif la réunification, elle fut
très vite amenée à admettre que ce but
ne serait atteint qu’à long terme. De son
côté, le monde occidental se convainquait – certains s’en réjouissaient – que
la division de l’Allemagne et de l’Europe
allait durer. D’une part, parce que la volonté soviétique de conserver ses acquis
de la Seconde Guerre mondiale paraissait
immuable ; d’autre part – et en dépit du
découpage arbitraire et provisoire des
zones d’occupation sur lequel se fondait la partition –, parce qu’on se laissait
prendre à l’idée que, par sa vie séparée
et ses objectifs divergents, la RDA était
en train de développer une personnalité
propre qui, malgré la présence des forces
soviétiques, lui donnerait peu à peu une
vie autonome.
Certes, aussi longtemps que la circulation avait été libre à Berlin (1950-1961),
plusieurs millions d’Allemands de l’Est
avaient pu choisir l’unité ; mais, depuis la
mise en place du Mur, le 13 août 1961,
la population de la RDA, sous ce régime
de contraintes, n’exprimait plus guère ses
aspirations en termes de réunification,
mais plutôt de liberté, et émigrait chaque
soir à l’Ouest grâce à la magie de la télévision. De surcroît, pour ne pas faire de
peine à la RDA, la RFA avait décidé de
prendre pour argent comptant les données statistiques fournies par Berlin-Est
et surestimait de ce fait considérablement
la situation économique de l’Allemagne
communiste. En 1987, on indiquait ainsi
par exemple que le PNB par habitant de
cette dernière équivalait à 73 % de celui
de la première..., alors que, dans la réalité,
il n’atteignait que le tiers. Ces erreurs –
volontaires ou non – du ministère fédéral
des Affaires interallemandes expliquent
alors les déboires du gouvernement Kohl
au cours des premiers mois de 1991.
Un état lamentable
Dans les nouveaux Länder, la situation
économique était vraiment dramatique,
ainsi que l’avait indiqué, dès 1987, un certain nombre de rapports. Les économies
socialistes – celle de la RDA comme celle
des autres États du COMECON – donnaient des signes de faiblesse que souligne l’indice (base : 100 en 1973) du produit intérieur brut en 1987 : Japon, 128 ;
RFA, 123 ; France, 121 ; E.-U., 119 ; RDA,
108 ; URSS, 102. (Source : OCDE.)
Cette défaillance aggravait l’écart déjà
considérable entre les deux Allemagnes
qui se développait au moment même où,
selon la RDA, se constituait une « nouvelle classe moyenne salariée », ainsi
qu’en témoignent les chiffres suivants :
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226
Aussi comprend-on mieux les réactions de ces milieux qui refusaient les
analyses néomarxiennes des Églises protestantes ou celles de l’intellectuel R. Bahro, qui, dans l’Alternative, avait préconisé en 1977 une économie socialiste de
type néomarxiste autogestionnaire.
Ce que cette population attendait
de l’unification pour laquelle elle votait,
c’était l’entrée dans la société de consommation. Elle fut déçue. La situation économique de la RDA était telle qu’il fallait
d’abord reconstruire les nouveaux Länder
où les infrastructures (voies de communication, télécommunications, habitat,
environnement...) étaient dans un état
catastrophique.
La RFA et les Allemands ont donc
été contraints de prendre en compte le
coût de la remise à flot de la RDA. Si la
Bundesbank faisait varier ses évaluations entre 250 et 400 milliards de DM
sur dix ans avant les élections, on sait
maintenant que la réalité est toute différente et qu’elle obérera largement la
situation économique et financière de la
RFA. Aujourd’hui, le réaménagement des
nouveaux Länder est estimé entre 850 et
900 milliards de DM (500 milliards de $).
Le paiement de leur pension aux retraités
de l’Est coûtera environ 2 milliards par
mois, la reconstruction des réseaux de
communication (voies ferrées, télécommunications, routes) 150 à 200 milliards,
et la restructuration de l’industrie et de
l’agriculture à peu près autant. À cela
s’ajoute tout ce qu’il faudra faire pour les
villes (canalisations, logements) et pour
l’environnement, qui se trouvent dans un
état lamentable.
Un nouveau miracle
économique ?
Tout cela explique les difficultés rencontrées par les nouveaux Länder dès la fin
de l’année 1990 : le chômage progresse et
atteint très rapidement un taux de l’ordre
de 12 % de la population active en touchant plus particulièrement les jeunes,
mal formés et peu habitués à ce genre de
situation, qui s’accompagne de la montée d’un courant xénophobe antipolonais
ou antiroumain exploité et trop souvent
exagéré par les médias. À cela s’ajoute
enfin un nombre encore plus important
de chômeurs partiels qui ne devraient
pas disparaître avant que l’organisme
chargé de l’adaptation des entreprises à
l’économie de marché – la Treuhandanstalt – dont l’action, souvent discutée, est
pourtant efficace, n’ait pu accomplir sa
mission.
Pourtant, si l’on en croit un article
de Christa Luft publié dans Économie
prospective internationale, « parmi tous
les pays d’Europe de l’Est en voie de
réforme, c’est la RDA qui offre le cadre
réglementaire le plus adapté à l’introduction d’une économie sociale de marché ».
L’auteur, cependant, insiste sur le fait que
les entreprises industrielles et agricoles se
trouvent dans un état alarmant.
Selon les estimations du ministère
de l’Économie de l’ancienne RDA, l’introduction du DM a placé les quelque
2 200 entreprises industrielles autrefois
soumises au dirigisme dans la situation
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POLITIQUE
227
suivante : 31 % d’entre elles fonctionnent
probablement de manière rentable, et,
à relativement court terme, devraient
résister à la concurrence internationale
sans avoir besoin de subventions ; 42 %
travaillent à perte, mais sont susceptibles
de s’assainir ; 27 % n’ont aucune chance
d’échapper à la faillite.
« Les sociétés en faillite seront pour
la plupart les entreprises polluantes,
l’industrie des biens de consommation,
l’industrie de la confection et celle de
la chaussure. Dans le secteur agricole –
poursuit l’article –, il faut s’attendre qu’un
cinquième des coopératives de productions agricoles ne soient pas de taille à
affronter les dures conditions concurrentielles prévalant dans la CEE. Cela signifie que la moitié des agriculteurs devront
se convertir dans une nouvelle activité. »
Une fois son assainissement économique opéré, l’ex-RDA connaîtra des
taux de croissance élevés lui permettant
d’atteindre le niveau de vie de l’Ouest. Selon certains experts, il lui faudra attendre
de 10 à 20 ans pour en jouir pleinement.
Toutefois, d’après d’autres analystes, il est
possible que l’on assiste très rapidement à
un nouveau miracle économique. Le PIB
allemand évoluerait alors de la manière
suivante (en milliards de DM) :
Dans ces conditions, les chiffres du
PIB par habitant seraient ceux-ci (en
DM) :
Même si ces dernières données
peuvent nous sembler très optimistes
– les statistiques de 1990 pour la RDA
sont fortement surévaluées, le PIB global des Länder orientaux étant vraisemblablement de l’ordre de 160 milliards de
DM, soit un PIB par habitant d’environ
10 000 DM –, elles soulignent une possibilité non négligeable de redressement
rapide, qui, toutefois, se manifesterait sur
15 ans, et non pas sur 10.
De toute manière, d’importantes
distorsions en matière de salaires (la
moyenne mensuelle se situe à 2 150 DM
en RFA, contre 950 à 1 000 DM dans les
nouveaux Länder) et d’horaires de travail
subsisteront encore quelques années. En
effet, si ce dernier point peut être corrigé
rapidement, il n’en est pas de même du
premier étant donné la sous-qualification
et la faible productivité de la population
est-allemande.
À terme, le nouvel État allemand en
sortira indubitablement renforcé ; mais,
pendant plusieurs années, tout cela va
coûter très cher et freiner sensiblement
d’autres investissements, en Allemagne
même ou à l’étranger – en particulier
le développement des technologies de
pointe pourrait en être affecté – et risque,
à moins d’efforts considérables, de limiter
l’essor allemand.
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Renforcer l’Europe
Cette situation explique les difficultés
rencontrées dans les anciens Länder par
le chancelier Kohl, accusé d’avoir menti
à son peuple. Même si, dans la réalité, il a
été trompé par ses experts qui fondaient
trop souvent leurs analyses sur les statistiques fournies par la RDA et corroborées
par les publications de... la CIA, le peuple
allemand, confronté à des augmentations sensibles de toutes sortes et à des
contributions inattendues, marque son
mécontentement.
Que la CDU perde les élections régionales de Hesse ou de Hambourg n’était
pas extraordinaire, encore que le recul de
la CDU à Hambourg ait été fort important, mais qu’elle perde la majorité en
Rhénanie-Palatinat, un Land dont Helmut Kohl fut ministre-président et dont
la tradition CDU remontait à 1947, est
significatif de la baisse de popularité du
principal parti gouvernemental et de son
chancelier, pourtant palatin de Ludwigsbourg. Et les élections de Brême à la rentrée, qui traduisent un renforcement de
l’extrême droite dans cette ville hanséatique, montrent combien le mécontentement est grand.
La montée généralisée de l’abstentionnisme souligne, plus encore que le
désintérêt de l’opinion, le refus de choisir
entre divers partis qui ne satisfont nullement le citoyen moyen. On pourrait
ajouter que, si la CDU est le grand perdant, le FDP ne se porte guère mieux. S’il
est présent à Mayence dans un gouvernement de coalition avec le SPD, il a failli
être éliminé du « parlement » de la villeÉtat de Hambourg. Enfin, le SPD luimême, bien qu’ayant remporté la plupart
des dernières élections régionales, n’est
pas dans une forme tellement meilleure.
Le manque de charisme et d’autorité du
chef du parti, M. Björn Engholm, et les
difficultés que présente la succession de
H. J. Vogel à la tête du groupe parlementaire SPD au Bundestag le soulignent. Il
suffit de songer aux conflits qui ont éclaté
entre ce même groupe et les ministresprésidents SPD qui siègent au Bundesrat
(où ils sont majoritaires) à propos de la
politique fiscale du gouvernement fédéral
pour s’en convaincre.
La crise du Golfe avait révélé l’effacement diplomatique de l’Allemagne.
Depuis, la situation ne s’est guère améliorée, même si un terrain nouveau s’offre à
la RFA : l’Europe de l’Est. Les entreprises
allemandes recueillent ici les fruits d’une
politique de longue haleine grâce à la formation de toutes sortes de spécialistes
des pays et des langues slaves, ainsi qu’à
une habile stratégie d’investissements.
En tout cas, l’Allemagne unie renforce
l’Europe occidentale. Elle contribue à
faciliter l’intégration future de l’Europe
orientale (Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie) à la Communauté, rejetant
sur le Boug la frontière européenne de
l’ancienne URSS. Mais, si l’Allemagne a
besoin de la CEE, elle n’acceptera pas de
la renforcer à n’importe quel prix. Pour
l’instant, et malgré les charges que représente l’intégration des nouveaux Länder,
elle reste incontestablement très attachée
à la construction communautaire ; mais
on peut se demander si cela persistera.
Le couple franco-allemand
En effet, la crise yougoslave, qui voit la
RFA chercher, à juste titre, à soutenir
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POLITIQUE
229
Slovènes et Croates, souligne non seulement la division des Européens, mais
plus encore l’isolement du gouvernement allemand. Au nom des principes de
Versailles (de 1920), Français et Britanniques se sont trop longtemps accrochés
au mythe yougoslave, et il a fallu toute la
diplomatie d’Helmut Kohl pour amener
le président Mitterrand à modifier – un
peu – sa manière de voir.
Si le chancelier et ses amis chrétiens-démocrates semblent actuellement
attachés à la progression de l’unification
européenne et, malgré les maladresses
françaises qui se renouvellent depuis
l’hiver 89-90, au maintien et à la consolidation du couple franco-allemand, cette
attitude ne durera peut-être pas indéfiniment. Le renforcement des liens militaires que laissent prévoir les déclarations
conjointes sur l’UEO et la création d’un
corps européen d’intervention implique
une coordination infiniment meilleure
des politiques extérieures des deux nations. Or, visiblement, la RFA privilégie
les rapports avec l’Europe de l’Est et la
Russie nouvelle, alors que le sommet
de Paris sur la francophonie souligne
l’importance que la France accorde au
Sud. Au reste, le gouvernement français ne semble pas avoir prêté une réelle
attention à la proposition des autorités
saxonnes d’une participation active de la
France à la reconstruction économique
du triangle Dresde-Breslau-Prague.
Et, pourtant, c’est incontestablement
grâce à la présence de la France dans la
remise en état des nouveaux Länder que
la croissance industrielle de notre pays a
pu être maintenue cette année. Mais, ne
l’oublions pas, en 1991, l’augmentation du
PIB allemand a été estimée à 3,5 % et celle
du PIB français à 1,5 % seulement. Or, la
croissance allemande s’explique essentiellement par l’impact des transferts vers
l’ex-RDA et par la politique budgétaire
expansionniste du gouvernement fédéral.
Berlin capitale
Jeudi 20 juin 1991. Après douze heures de débats
ininterrompus, et après avoir écouté le plaidoyer
énergique du chancelier Kohl en faveur de Berlin, les députés allemands décident, par 336 voix
contre 321, de transférer le gouvernement et le
Bundestag dans l’ancienne capitale du Reich.
L’Assemblée s’installera dans les bâtiments du
Reichstag dans un délai de quatre ans ; mais le
Bundesrat, la deuxième chambre du Parlement
qui représente les États fédérés, devrait rester à
Bonn.
Avec 3 400 000 habitants, Berlin est moins peuplée qu’avant la guerre, mais reste la plus grande
ville du pays (883 km2), devançant Hambourg et
Munich. Située « au milieu de l’Europe », elle a
l’espoir et l’ambition de devenir une plaque tournante entre l’est et l’ouest du continent.
Les députés favorables à sa candidature déclarent
s’être décidés dans ce sens afin de parachever le
processus engagé le 9 novembre 1989 avec la
chute du mur. Mais si Berlin a fini par l’emporter,
c’est surtout parce qu’il semblait évident que l’Allemagne unie se devait d’assumer une continuité
historique qui ne se limitait pas aux quarantedeux ans d’existence de la République fédérale.
Le transfert des institutions concernées devrait
s’effectuer sur une dizaine d’années. LM
FRANÇOIS-GEORGES DREYFUS
F.-G. Dreyfus est professeur
d’histoire contemporaine à la Sorbonne (Paris-IV)
et directeur de l’Institut des hautes études
européennes de Strasbourg.
Bibliographie
DREYFUS (F.-G.), l’Allemagne contemporaine,
PUF, 1991.
FRITSCH-BOURNAZEL (R.), l’Allemagne unie
dans la nouvelle Europe, Complexe, 1991.
LE GLOANNEC (A.-M.), la Nation orpheline.
Pluriel, 1990.
RAMSÈS 1992, IFRI-Dunod, 1991.
« FRANCE-ALLEMAGNE », no spécial d’Économie et
Société, INSEE, 1991.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
230
LE POINT SUR...
EUROPE ORIENTALE
Même si les communistes ont perdu le
pouvoir dans un pays de plus, la Bulgarie, et s’ils ont été contraints de le partager avec l’opposition dans un autre,
l’Albanie, la libéralisation est restée bien
timide en Europe orientale, et notamment dans l’ancienne Union soviétique,
qui s’est disloquée depuis l’échec du
putsch conservateur du 19 août.
Les communistes gouvernaient encore la Bulgarie après les élections libres
du 10 juin 1990. Le succès de l’Union
des forces démocratiques (UFD) aux
législatives du 13 octobre 1991 a donc
surpris. Ce jour-là, le rassemblement de
l’opposition a obtenu 34,38 % des voix,
le Parti socialiste (ex-communiste),
33,11 %, et le parti de la minorité turque,
ou Mouvement pour les droits et libertés
(MLD), 7,56 %. Étant donné sa courte
victoire, l’UFD devra s’allier au MLD
pour gouverner. M. Felip Dimitrov, le
jeune avocat qui préside l’UFD, devrait
devenir Premier ministre.
En Albanie, plusieurs vagues d’émigration sauvage ont gravement ébranlé
le dernier régime stalinien d’Europe :
après celle de juillet 1990, où 4 500 personnes avaient pu partir, 10 000 habitants de souche grecque ont rejoint la
Grèce en janvier 1991. Le 20 février, à
Tirana, des dizaines de milliers de manifestants ont renversé la statue d’Enver
Hodja, le fondateur du régime communiste. Début mars, 20 000 Albanais se
sont rués sur des bateaux pour se rendre
en Italie ; mais, dès le 10, 2 000 d’entre
eux ont dû revenir après avoir reçu un
mauvais accueil à Brindisi. La victoire du
Parti du travail (communiste) aux élections législatives des 31 mars et 7 avril,
où il a remporté 168 des 250 sièges du
parlement grâce aux votes des campagnes, contre 75 aux opposants du
Parti démocratique, a découragé la population. Après trois semaines de grève
générale, un nouveau Premier ministre,
M. Ylli Bufi, a été nommé le 5 juin pour
former un gouvernement de coalition
avec l’opposition. Mais, du 7 au 10 août,
20 000 Albanais ont encore débarqué sur
la côte des Pouilles, à Bari, avant d’être
tous rapatriés.
Depuis le succès remporté par les
anciens communistes aux élections
législatives et présidentielles du 20 mai
1990, la Roumanie vit sous un régime
très autoritaire. Comme ils l’avaient fait
en juin 1990, les mineurs de la vallée
du Jiu ont envahi Bucarest le 25 septembre, cette fois pour manifester contre
la politique de rigueur des autorités.
Après trois jours de violences au cours
desquels cinq personnes ont trouvé la
mort, le président Ion Iliescu a accepté
la démission de M. Petre Roman, qui
était Premier ministre depuis décembre
1989. À la suite de longues tractations,
dues à une sourde lutte pour le pouvoir
menée entre le clan de M. Roman et
celui du chef de l’État, un nouveau gouvernement a été formé le 15 octobre. Dirigé par M. Theodor Stolojan, un député
non inscrit, il comprend de nombreux
membres du Front de salut national,
toujours contrôlé par d’anciens communistes, et quelques représentants du parti libéral, seule formation de l’opposition
ayant accepté d’y participer.
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POLITIQUE
231
Les difficultés de la transition
Dans trois autres pays d’Europe
orientale, où les communistes ont perdu
le pouvoir en 1989 ou en 1990, le pluripartisme se heurte à de nombreux obstacles : ainsi, en Hongrie, moins du quart
des électeurs ont voté lors des élections
partielles de mars et d’avril.
En Tchécoslovaquie, la peur, composante essentielle du régime communiste, est toujours présente, l’opposition
entre Tchèques et Slovaques perdure, et
l’extrême droite s’affirme. En outre, les
vainqueurs des élections législatives de
juin 1990 – le Forum civique tchèque et
le Public contre la violence en Slovaquie
– se sont désagrégés en avril. Le premier
mouvement s’est divisé entre une aile
gauche assez faible – le Mouvement civique, proche de M. Vaclav Havel – et une
aile droite ultralibérale. Cette dernière
– le Parti démocratique civique – est de
plus en plus influente ; elle est dirigée par
M. Vaclav Klaus, ministre des Finances.
Après avoir approuvé le 1er janvier la
nomination du Premier ministre désigné par M. Lech Walesa, M. Jan Krzysztof Bielecki, la Diète polonaise a voté le
12 l’investiture de son gouvernement ;
mais, dans ce Parlement issu des élections de juin 1989, les communistes, qui
détenaient les deux tiers des sièges, ont
mené la vie dure à M. Bielecki en s’alliant au Parti paysan. Le 31 août, après
le dépôt par les opposants d’une motion
de censure contre la politique de rigueur du Premier ministre, les députés ont
cependant refusé à une large majorité la
démission du gouvernement. Entamée le
12 septembre 1989 avec la nomination de
M. Tadeusz Mazowiecki au poste de Premier ministre, la période transitoire s’est
achevée le 27 octobre 1991, date des premières élections législatives entièrement
libres, mais dont les résultats laissent
présager un Parlement fragmenté à l’extrême, et menacé de paralysie.
En proie à la guerre civile depuis le
mois de mai, la fédération yougoslave, où
les communistes ont seulement conservé
le pouvoir en Serbie et au Monténégro, a
pratiquement cessé d’exister. Gouvernées
par des opposants nationalistes depuis
les élections libres du printemps 1990, la
Slovénie et la Croatie s’opposent depuis
aux dirigeants de Belgrade, qui veulent
construire une Grande Serbie. L’armée
yougoslave est intervenue en Slovénie le
27 juin, deux jours seulement après les
proclamations d’indépendance de ces
deux républiques. Depuis, les violences
se sont aggravées en Croatie, principalement en Slavonie, et sur la côte dalmate,
près de Dubrovnik. L’agressivité de la
Serbie a poussé les autres républiques à
proclamer leur indépendance : après la
Macédoine le 15 septembre, la Croatie
et la Slovénie le 8 octobre, la BosnieHerzégovine s’est déclarée souveraine le
16 octobre.
Les pays Baltes ont profité de l’éclatement de l’empire soviétique pour
échapper à son oppression. L’Estonie et
la Lettonie ont proclamé leur indépendance respectivement les 20 et 21 août,
à l’occasion du putsch manqué, la Lituanie l’ayant déjà fait le 11 mars 1990. Le
6 septembre, le Conseil d’État, nouvelle
institution fédérale créée à Moscou, a reconnu l’indépendance de ces trois États.
Confrontés aux difficultés de la transition entre l’économie socialiste et l’économie de marché, les pays d’Europe orientale ont vécu une année très rude. Depuis
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
232
le 1er janvier, les devises convertibles
ayant remplacé « le rouble transférable »
à l’intérieur du CAEM, les échanges entre
les États membres ont chuté en moyenne
de 50 %. Dès le 28 juin, cette organisation a donc été dissoute. Aussi tous les
pays de l’Est ont-ils commencé à réorienter leur commerce vers la Communauté
européenne, qui leur a apporté une aide
financière substantielle et négocie avec
eux des accords d’association.
Quatre pays connaissent une situation particulièrement pénible. D’abord
l’Albanie, où la privatisation partielle de
l’agriculture a été décidée, et qui ne nourrit une grande partie de sa population
qu’avec du pain ; la Bulgarie, ensuite, qui
a cessé de rembourser sa dette extérieure
(11 milliards de dollars) ; la Roumanie,
où les prix ont beaucoup augmenté, et où
le chômage touchait 15 % des actifs ; et
enfin la Yougoslavie, dont l’économie a
souffert de la guerre civile qui a contribué à relancer l’inflation (au premier semestre, son taux a atteint 11,5 %).
En Pologne, la fermeture presque
totale du marché soviétique a aggravé la
récession et, en conséquence, le chômage,
qui touchait 11 % des actifs. En Tchécoslovaquie, où la maîtrise de l’inflation s’est
accompagnée d’une baisse du pouvoir
d’achat proche de 30 %, la libéralisation
de l’économie a fait surtout souffrir l’est
du pays. En Hongrie, où la concurrence a
été introduite dès 1968, et où l’on a fait de
grands pas vers l’économie de marché, les
inégalités sociales se sont accrues.
Les pays de l’Est ont obtenu de
grandes satisfactions dans le domaine
militaire. Le pacte de Varsovie, qui avait
été signé le 14 mai 1955, a été dissous
le 1er juillet. Quelques jours plus tôt, le
19 juin, les derniers soldats soviétiques
avaient quitté la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Le 7 octobre, Varsovie et Moscou
ont signé un accord qui prévoit le départ
des troupes russes de Pologne d’ici la fin
de 1992. Mais, en vertu du traité de Moscou du 13 septembre 1990, les soldats
soviétiques doivent rester en Allemagne
orientale jusqu’à l’automne 1994.
LAURENT LEBLOND
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POLITIQUE
233
URSS :
L’ANNÉE DE LA
DÉCOMPOSITION
L’année 1991 aura vu s’évanouir un rêve
– ou un cauchemar – auquel le monde
avait presque fini par croire : l’expansion
irréversible du communisme. La « patrie »
des bolcheviques a implosé, le Parti s’est
liquéfié, et les nationalités ont fait une
vigoureuse réapparition sur les ruines d’un
empire qu’un Gorbatchev tentait de sauver,
tandis qu’un Eltsine réussissait à s’en
approprier le coeur. Un putsch raté a suffi
pour faire tomber le fruit.
Le communisme institutionnalisé,
sorti du cadre peu contraignant du débat
idéologique, prit naissance en 1917 en
Russie où, au vieil empire en ruines, il
substitua l’URSS, base d’expansion, pour
ses fondateurs, de la révolution mondiale
et du communisme généralisé.
1991 aura vu disparaître ce rêve. Les
étapes de ce changement historique, auquel peu croyaient tant la thèse de l’irréversibilité du communisme était bien ancrée, éclairent au stade final les raisons de
l’échec de l’utopie de Marx, développée en
système politique par les bolcheviques et
leurs épigones. Élections, montée du mouvement social, décomposition de l’armée,
renaissance de la nation russe, tels auront
été en dernier ressort les éléments décisifs
de l’effondrement rapide de l’URSS.
Une double opposition
Élections d’abord, ou plutôt, expression
de la volonté populaire en trois étapes. À
la fin de 1990, l’URSS était déjà soumise
à des courants politiques contraires qui
convergeaient en manifestations de différences nationales. Les quinze républiques
de l’Union définissaient toutes leur statut
en ignorant superbement la volonté du
pouvoir central animé par Mikhaïl Gorbatchev de maintenir l’équilibre centrerépubliques plus ou moins inchangé.
Toutes, sous l’impulsion de leurs dirigeants élus en 1990 aux élections régionales, proclamaient leur souveraineté, et
quatre d’entre elles, les trois républiques
Baltes et l’Arménie, décidaient ensuite de
devenir indépendantes. La Russie ellemême, pivot de l’URSS – et l’on reviendra
sur son cas – proclamait son indépendance le 11 juin 1990. Au sein de la Russie, dix des républiques autonomes qu’elle
intégrait étaient elles aussi gagnées par
l’esprit de rébellion et proclamaient que
leur statut politique était dépassé. S’érigeant, comme la Russie, en républiques
de plein droit, elles affirmaient ne plus
relever que du pouvoir central.
Confronté à ces volontés dispersées, dirigées les unes contre le centre,
les autres contre la Russie, et anxieux de
préserver le système, Mikhaïl Gorbatchev organisait alors un référendum sur
le maintien de la fédération et s’engageait
en échange à mieux équilibrer, dans une
nouvelle construction, les pouvoirs centraux et républicains.
Ce référendum du 17 mars 1991
eut des résultats ambigus et des conséquences imprévues. Dans l’ensemble, la
société se prononça pour le maintien de
l’Union à plus de 70 %. Résultats trompeurs, cependant. Plusieurs républiques
– pays Baltes et Géorgie – refusèrent de
l’organiser ; d’autres enrichirent la quesdownloadModeText.vue.download 236 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
234
tion posée de leurs propres questions,
ou la modifièrent. En définitive, la réponse apportée varia dans son contenu.
(En Ukraine, si la majorité votait pour
l’Union, l’Ukraine occidentale choisissait
massivement l’indépendance.)
Si Gorbatchev tira la conclusion
simple que, partant des résultats acquis,
il pouvait faire avancer un projet d’union
fédérale, il se heurta aussitôt à une double
opposition. Celle des républiques qui
refusaient ce système qu’elles jugeaient
dépassé ; celle d’un homme qui, dès ce
moment, se posait en rival : Boris Eltsine.
Ce dernier défendait, contre Gorbatchev,
la thèse d’une confédération soviétique
qui, plaidait-il, correspondrait réellement
aux divergences de vues que le référendum, honnêtement analysé, traduisait
et permettrait de sauver un semblant
de vie commune. Deux politiques, dès
ce moment, allaient donc se heurter, et
conduire à l’affrontement final.
La nouvelle légitimité
D’un côté, Gorbatchev s’acharnait à
mettre l’Union sur pied et, de projet
amendé en projet amendé, présentait à la
société soviétique des variantes diverses,
mais toujours fédérales et favorables au
poids privilégié du centre, c’est-à-dire
de la future Union. Le compromis élaboré à Novo-Ogarievo le 23 avril 1991
sembla lui donner la victoire, puisque
neuf républiques l’acceptèrent. Pourtant,
ce compromis annonçait déjà la fin de
l’Union et celle de Gorbatchev. Ses partenaires, Eltsine au nom de la Russie en
premier, y adhérèrent en soulignant que
cette adhésion les autorisait à poser leurs
conditions, qui tournaient toutes autour
de l’abaissement du centre. Pour sauver
l’apparence de l’Union, Gorbatchev dut,
dès ce moment, accepter, d’un projet
l’autre, des concessions limitant toujours
plus le pouvoir central.
La politique de Boris Eltsine s’opposait à la sienne. Dès le printemps, ce dernier se présenta non en rival, mais en
porteur de l’alternative au pouvoir soviétique tel qu’il existait depuis 1917. Alternative démocratique, puisque Boris Eltsine demandait à ses compatriotes russes
s’ils voulaient pour leur république un
président élu au suffrage universel. Ce
qu’il obtint par un oui massif, ce fut la
possibilité d’opposer à la légitimité du
tenant du pouvoir en URSS – Gorbatchev –, une nouvelle légitimité. Celle que
confère le suffrage universel, mais aussi
celle que la Russie pourrait, après avoir
élu un président, opposer à l’URSS dont
le président non élu était contesté par un
nombre croissant de républiques. Légitimité personnelle et légitimité nationale
contre légitimité conférée par un Parti
communiste dont la société se détachait
toujours plus et que des dirigeants prestigieux – Eltsine, Sobtchak, Popov, etc.
– avaient abandonné avec éclat au lendemain du XXVIIIe congrès.
En dépit de l’opposition de Gorbatchev et du PC à un tel mode d’élection
d’un président de République, Boris Eltsine fut élu le 12 juin à la présidence de
la Russie. Avec plus de 57 % des voix, il
triomphait des candidats que le Parti lui
avaient opposés et des pressions que ce
dernier avait exercées sur les électeurs
partout où il le pouvait. En même temps
que lui triomphèrent deux candidats au
suffrage universel dans les deux capitales
russes, Sobtchak à Leningrad, Popov à
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POLITIQUE
235
Moscou ; enfin Iouri Afanassiev, candidat dans un district de Moscou, partisan
infatigable de la démocratie intégrale et
de la liquidation de l’Union.
Une double URSS
Le 12 juin marque ainsi une rupture radicale de l’histoire commencée en 1917. La
Russie n’est plus identifiée à l’URSS, elle
en devient le principal adversaire, le
porte-parole d’une nouvelle version des
rapports entre républiques. La Russie
devient aussi le modèle de la démocratie
en marche, qui rejette dans le passé soviétique les efforts de réforme politique de
Mikhaïl Gorbatchev.
L’idée de lier choix national et élection présidentielle au suffrage universel gagne au demeurant du terrain. La
Géorgie, qui élit Zviad Gamsakhourdia,
un ancien dissident, avec 87 % des voix
à la magistrature suprême, se prononce
par là-même pour son programme d’indépendance totale, qu’il proclame dans
la foulée de l’élection. Dès lors, presque
toutes les républiques annoncent des
élections présidentielles.
La plus importante, après l’élection de
Boris Eltsine, se tient dans un tout autre
contexte, le 1er décembre, en Ukraine
où, à l’instar de ce qui se passa à Tbilissi,
l’élection du président Leonid Kravtchouck a pour conséquence immédiate
l’indépendance sur laquelle les électeurs
se prononçaient le même jour.
De cet usage nouveau – imprévu –
fait par Mikhaïl Gorbatchev des élections
(puisqu’elles modifient ou rejettent le système soviétique au lieu de le rénover) sort
dès l’été 1991 une URSS double. D’un côté
le centre, le Kremlin, encore dominé par
Mikhaïl Gorbatchev, et le PC ; de l’autre,
un monde encore confus de républiques
et de mouvements politiques où le souverain est clairement l’électeur, appelé à se
prononcer sur le système et sur son cadre
géographique.
La désorganisation généralisée
Cette évolution rapide de la situation
de l’URSS fut accélérée par les changements survenus dans le pouvoir central.
Confronté à la montée des mécontentements nationaux et sociaux (les mouvements de grève s’amplifiaient et les comités de grève semblaient répéter le modèle
mis à l’honneur par Solidarnosc en Pologne), Mikhaïl Gorbatchev s’engagea
dans une série de démarches destinées
à renforcer le pouvoir central et le sien
propre. En mars 1990, il obtint la création
d’une présidence soviétique, en théorie
soumise au suffrage universel, mais qu’il
exclut pour un premier mandat, en raison, plaidait-il, de circonstances encore
défavorables à un tel changement des
procédures politiques. Élu président par
le Parlement mal élu de 1989 (1/3 des
députés relevaient des listes « réservées »
des organisations sociales), il n’en revendiquait pas moins des pouvoirs toujours
accrus, et même les pleins pouvoirs, qui
lui furent refusés.
Mais, pour élargir les pouvoirs présidentiels, il lui fallut aussi plaider pour une
politique plus autoritaire, où le renforcement du poids de l’État prenait toujours
plus le pas sur les projets de réforme qui
l’affaiblissaient. En d’autres termes, l’économie, qui devait être régénérée par une
plus grande indépendance nécessaire au
développement du marché, fut sacrifiée à
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
236
cette volonté autoritaire.
L’arrivée au pouvoir, autour de Gorbatchev, d’une équipe peu imaginative,
peu portée à réformer, dont les deux
grandes figures étaient le Premier ministre Valentin Pavlov et le président du
Parlement Anatoli Loukianov, consacra
un changement ouvert de cap. Préserver ce qui existait était le maître mot de
cette équipe, sur qui Gorbatchev se reposait. Dans tous les domaines, le tournant
fut visible. En politique extérieure, et
alors que les progrès accomplis par les
accords de désarmement conféraient un
grand prestige à la direction soviétique,
les armements furent sournoisement
transférés derrière l’Oural pour tourner
les accords signés. En matière de sécurité interne, l’armée reçut des pouvoirs
de police et les dispositions répressives
se multiplièrent. L’impudence du KGB
se manifesta jusqu’au meurtre organisé.
L’assassinat du père Alexandre Men, un
prêtre dont l’autorité morale rayonnait
alors dans tous les milieux démocrates,
signala clairement la rupture entre ces
derniers et un pouvoir qui semblait retourner à vive allure vers ses pratiques
autoritaires. La démission d’Édouard
Chevardnadze, ministre des Affaires
étrangères si proche jusqu’alors de Gorbatchev, à la fin de 1990, souligna que le
pouvoir central ne représentait plus la
volonté de changement aux yeux de ceux
qui s’en réclamaient.
Dans le même temps, le désordre
augmentait dans tout le pays sur fond
de difficulté économique, d’insécurité
des personnes et des biens, de montée de
l’illégalité et de bandes organisées – les
mafias – qui mettaient l’URSS en coupe
réglée. Plus le pouvoir s’enfermait dans sa
volonté d’autorité restaurée, plus la réalité
lui échappait, et plus se dégradait la vie
quotidienne, victime de la désorganisation généralisée.
Le révélateur
En juin 1991, contesté par les démocrates
pour son virage autoritaire, Gorbatchev
l’est soudain par ceux dont il s’est entouré
pour avoir manqué d’autorité. Son Premier ministre Pavlov tente un véritable
putsch parlementaire en réclamant pour
lui-même les pleins pouvoirs au Parlement, ces mêmes pleins pouvoirs que l’on
avait refusés à Gorbatchev quelques mois
auparavant. Il se pose en recours contre
Gorbatchev dont il souligne les atermoiements néfastes à l’ordre social. Pavlov est
alors soutenu par les ministres de la Défense et de l’Intérieur. Et l’on assiste ainsi,
sans bien le comprendre, à une répétition
du putsch du 19 août.
L’échec subi par Pavlov et ses amis ne
semble pas conduire Gorbatchev à en tirer les leçons. Il reste sourd aux appels de
Chevardnadze qui tente de l’alerter, de le
convaincre que l’essai manqué devant le
Parlement sera répété à l’échelle du pays
et conduira à une reprise en main par
l’armée et le KGB.
Le 19 août, le putsch témoigne de la
perspicacité de Chevardnadze, de l’aveuglement de Gorbatchev mais, par-dessus
tout, de l’effritement du système. Que l’armée et le KGB, dont les chefs sont parmi
les conjurés, décident presque d’emblée
de ne pas soutenir le putsch ; que toute la
direction russe derrière Boris Eltsine se
dresse contre les conjurés et attire autour
d’elle une part de la population urbaine,
autant d’innovations dans un pays où les
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POLITIQUE
237
changements au sommet ont toujours été
tenus pour inéluctables, et impossibles à
combattre.
Ce qui est significatif du putsch, ce
n’est pas qu’il ait eu lieu, mais c’est qu’il ait
suscité l’opposition et que chaque groupe,
unités de l’armée, habitants de quartier,
etc..., se soit prononcé à son gré. Ce qui
est significatif aussi, c’est que les responsables russes aient opposé au putsch non
la force, dont ils ne disposaient pas au
départ, mais leur légitimité due à leurs
électeurs. Ce n’est pas le putsch qui a
mis fin au système soviétique : il a été
simplement le révélateur de son état de
décomposition.
Rompre avec le Parti
À son retour de Crimée, Mikhaïl Gorbatchev va découvrir en quelques jours une
réalité que les pouvoirs théoriques qu’il
avait accumulés et son prestige international lui avaient dissimulée. Il découvre
tout à la fois que la légitimité élective est
tenue par ses administrés pour la seule
légitimité réelle. En d’autres termes, que
les Soviétiques entendent choisir qui les
gouvernera. Il constate aussi que l’autorité
du Parti communiste et de son idéologie
n’existent plus. Il remarque enfin que la
dimension nationale, et russe en premier
lieu, est plus significative pour ses admi-
nistrés que la dimension communiste.
Boris Eltsine avait gagné l’élection du
12 juin en brandissant un drapeau russe
et en parlant à ses électeurs de l’intérêt
national russe. Il s’est imposé comme
chef de la résistance au putsch en brandissant une fois encore le drapeau russe.
La mise à l’index du Parti dans l’armée
et dans les entreprises au lendemain du
putsch, contre laquelle Gorbatchev proteste en vain, marque bien la voie qu’Eltsine entend suivre. Le système soviétique
existe encore en apparence, mais ceux
qui détiennent une autorité réelle, tous
ceux qui participent au gouvernement
de Russie, se réclament de la démocratie
et en son nom affirment déjà qu’elle est
incompatible avec le maintien d’un rôle
particulier pour le Parti communiste. Et
au-delà, l’idée progresse que démocratie
et Parti communiste sont inconciliables.
Gorbatchev encore président de
l’URSS, qui tente d’affirmer sa foi communiste, doit, en quelques semaines, se
renier totalement pour sauver un pouvoir qui n’est plus que d’apparence. Il doit
alors abandonner le secrétariat général
du Parti, dont il tient en dernier ressort
son poste de président, puis rompre à son
tour avec le Parti.
Un arrangement à trois
Ce reniement tardif et forcé ne suffira pas
à le sauver. Car il est président d’un État
fantôme, la fédération soviétique, dont le
cadre géographique ne cesse de rétrécir et
les contours politiques d’évoluer.
Lénine décrivait le système soviétique
comme la combinaison de l’électrification
avec le pouvoir des soviets. En 1991, le
système soviétique se définit par la combinaison du Parti communiste, qui en est
l’âme et le ciment, avec le fédéralisme qui
coordonne l’espace si divers. Le Parti mis
à l’écart avant d’être pratiquement mis
hors la loi, reste le fédéralisme, que Gorbatchev s’acharne encore à sauver dans les
dernières variantes de son traité d’Union
et auquel l’indépendance ukrainienne va
porter un coup fatal.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
238
Le 18 octobre 1991, huit républiques
et Mikhaïl Gorbatchev au nom de l’URSS
signent à Alma-Ata l’accord donnant
naissance à la Communauté économique
des États de ce qui n’est plus tout à fait
l’URSS, mais un ensemble en transition
que nul ne sait définir encore. Cet accord est la dernière étape de la mort de
l’URSS. La Communauté économique,
dont le contenu est imprécis, les acteurs
réduits (8 + 1 au lieu de 9 + 1 quelques
mois plus tôt à Novo-Ogarievo), apparaît
comme un substitut à l’Union politique
dont nul, sans Gorbatchev, ne veut plus
même débattre.
Tous les regards sont déjà tournés vers
l’étape suivante, le vote ukrainien. Il apparaît clairement aux acteurs principaux
de cette scène soviétique qui se défait –
Boris Eltsine, et le puissant président du
Kazakhstan Nursultan Nazerbaev – que
l’Ukraine marche à l’indépendance. Et si
l’Ukraine se sépare de l’URSS, comment
la Russie pourrait-elle y rester ? Déjà,
Boris Eltsine plaide pour la suppression
totale de l’URSS et pour que soit reconnu
l’État russe, successeur de l’État soviétique au niveau international et militaire.
Quand, le 1er décembre, l’Ukraine
vote pour l’indépendance et élit Kravtchouk (vote significatif car Kravtchouk,
haut dignitaire du PC dont il s’est séparé
tardivement, a été fort hésitant à l’heure
du putsch avant de se rallier à ceux qui
s’y opposaient ; mais il défend la thèse
de l’indépendance de la République et
ses électeurs décident qu’homme d’organisation et d’ordre, il est probablement
le plus à même de mener à bien, sans
soubresauts, l’entreprise d’émancipation nationale), la Biélorussie décide de
suivre la même voie, et pour la Russie,
il n’est d’autre solution que de substituer à l’URSS un arrangement à trois. Le
8 décembre, à Minsk, les trois présidents
slaves décrètent donc que l’URSS a cessé
d’exister, qu’une Communauté des États
slaves est mise sur pied. Mikhaïl Gorbatchev hésite, envisage de faire appel à la
volonté populaire contre les chefs d’États
séparatistes, mais se convainc rapidement
que la cause est perdue. Le 17 décembre,
il doit capituler, constater avec Boris Eltsine que l’heure est venue d’accepter la fin
de l’Union, prévue pour le 31 décembre.
Il espère encore être l’arbitre des négo-
ciations à venir pour mettre sur pied la
nouvelle structure, la Communauté des
États indépendants (CEI) que ceux qui
voudront viendront rejoindre.
Mais sa capacité à arbitrer est récusée.
Président de l’Union à laquelle il s’est désespérément accroché, il ne peut, pensent
ses interlocuteurs, participer de manière
impartiale à sa mise à l’écart. Il lui reste
à négocier les conditions de son départ.
L’année 1991 s’achève sur la mort de
l’URSS et la démission de son président.
Et toutes les républiques musulmanes,
ainsi que l’Arménie, viennent peu à peu
rejoindre la nouvelle communauté. Estce là une nouvelle variante de l’ex-URSS ?
L’hypothèque ukrainienne
La mort de l’URSS, la naissance de la
communauté nouvelle s’opèrent d’abord
dans les pires conditions économiques.
L’immobilisme gorbatchévien des années
1988-1991 a eu pour effet d’achever de
briser tous les ressorts économiques d’un
pays déjà engagé sur la voie du sous-développement. Le chômage caché, l’inflation sournoise, la pénurie galopante, tel
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POLITIQUE
239
est le legs des années 80. Quelle politique
neuve fonder sur un tel désastre ? C’est le
défi auquel l’équipe Eltsine doit faire face.
Les difficultés à harmoniser les intérêts nationaux dans la nouvelle communauté apparaissent ensuite. Trois réalités
dominent cette construction. En premier lieu, l’émergence de l’État russe et
du sentiment national russe. La Russie
a le sentiment d’avoir payé un prix très
lourd à l’Union, de l’avoir portée à bout
de bras. D’où le rêve assez majoritaire
d’un État russe qui serait le pilier d’une
communauté d’États slaves. Rêve en partie réalisé puisque la Russie, reconnue
presque d’emblée par la communauté
internationale, hérite le rôle international de l’URSS, notamment au Conseil de
sécurité, ainsi que sa puissance (80 % du
potentiel stratégique).
Mais, ici, elle se heurte à l’Ukraine
dont elle ne veut pas accepter d’être séparée. L’Ukraine, où le sentiment national
est encore plus vif, veut bien faire partie
d’un ensemble avec la Russie, à condition
d’avoir son armée, de battre monnaie, de
conserver une partie de la flotte de la mer
Noire et du nucléaire ; en bref, d’être un
État totalement indépendant. Pour éviter
la séparation, la Russie est prête à bien
des concessions et, en même temps, reste
intraitable sur le fond. Pour les dirigeants
russes, aussi libéraux soient-ils, l’Ukraine
et la Russie ne doivent faire qu’un. L’avedownloadModeText.vue.download 242 sur 490
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nir seul dira ce qui, des solidarités forgées
par l’histoire ou des volontés de séparation, peut l’emporter.
La Russie et l’Ukraine sont aussi
confrontées au problème de la Communauté élargie aux États musulmans, peu
développés, avides d’aide économique, et
dont l’adhésion à la CEI présente le double
inconvénient d’obérer leurs propres capacités de reconstruction et leur orientation
strictement européenne.
Les difficultés de la prospective
Comment convaincre ces républiques
qu’elles devraient se situer dans un cercle
« extérieur », associées de très loin à la
CEI, contraintes de ne compter que sur
leurs propres moyens ? Est-il possible d’y
parvenir sans développer aux abords des
deux grands États slaves un vaste mouvement d’États islamiques, où Islam intégriste et misère lanceraient vers Kiev et
Moscou des émigrants en masse et exerceraient une pression politique et économique intolérable ?
La Russie rencontre aussi ce problème
à l’intérieur même de ses frontières, où
Tatars, Bachkirs et autres groupes ethnoculturels disent leur solidarité avec le
monde musulman et leur volonté d’être
aidés tout en gardant le contrôle complet
de leurs ressources. Certes, la Russie n’est
pas la Yougoslavie ; elle a avec ses peuples
enclavés une longue habitude de la cohabitation ; mais l’exemple de la guerre civile voisine suffit à hanter les esprits.
En 1991, l’URSS a été balayée par la
combinaison des aspirations nationales
et démocratiques. Mais tout atteste – et
le cas de la Géorgie illustre cela – que
la démocratie est difficile à développer
dès lors que la contestation minoritaire
pèse sur le pouvoir et sur ses choix. Si
l’on y ajoute l’impossibilité d’améliorer
les conditions de vie économique à court
terme, et même leur inéluctable aggravation dans un premier temps pour prix
des réformes radicales engagées et qui ne
pouvaient être davantage repoussées, on
conçoit quels périls pèsent sur la fragile
entreprise de démocratisation, russe surtout. Si 1991 fut l’année où s’est achevé le
processus de décomposition soviétique
commencé de longue date, 1992 ouvre la
période d’une tentative de construction
démocratique inédite, ce qui en rend difficile toute vision prospective.
HÉLÈNE CARRÈRE D’ENCAUSSE
de l’Académie française
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POLITIQUE
241
LA YOUGOSLAVIE
DÉCHIRÉE
Dans cet État récent, tout a été fait pour
que le conflit éclate entre deux peuples
entremêlés que tout oppose. Victimes de
leur passé, Serbes et Croates sauront-ils
construire leur avenir en oubliant la tragique année 1991 ?
Guerre « inutile », « insensée »,
« sale », « d’un autre siècle »..., les qualificatifs n’ont pas manqué pour caractériser le conflit qui a ensanglanté la Croatie
pendant les six derniers mois de 1991 et
qui, quelles qu’en soient l’issue et la durée, marquera toute une génération de
Yougoslaves.
On voit mal comment, après les terribles batailles qui se sont déroulées en
Slavonie, en Krajina, et le long de la côté
dalmate – avec sans doute des atrocités de
part et d’autre –, Serbes et Croates pourraient vivre encore ensemble dans les
nombreux villages à population mixte de
ces provinces de la Croatie. Et il est difficile d’exclure une extension des affrontements à d’autres républiques et régions :
la Bosnie-Herzégovine, où cohabitent
Serbes, Croates et musulmans (des Slaves
islamisés), est une véritable poudrière qui
peut exploser à tout moment. Le Kosovo,
sous tutelle serbe mais peuplé à plus de
90 % d’Albanais de souche, est une autre
bombe à retardement.
Les causes de la guerre
Dans les Balkans, l’Histoire est en permanence dans les esprits. Certes, elle est
souvent présentée d’une façon simpliste
et caricaturale – les « fascistes » et « oustachis » croates (du nom de la dictature
installée à Zagreb par Ante Pavelić en
1941 avec le soutien d’Hitler) contre les
« tchetniks » (royalistes serbes) –, mais
elle permet aux nationalistes des deux
bords de mobiliser les foules et d’attiser
les haines.
C’est après la mort de Tito, en 1980,
que les courants indépendantistes, sécessionnistes et autonomistes ont commencé à se manifester librement dans le pays.
À partir de 1987 surtout, chacune
des six républiques – à l’exception de la
Serbie, résolument attachée à l’idée de la
« fédération yougoslave » – a cherché à
s’émanciper, politiquement et économiquement. À Ljubljana comme à Zagreb,
les dirigeants estimaient que cette fédération était devenue obsolète et que la
cohabitation avec les Serbes, toujours
soupçonnés d’expansionnisme et d’hégémonisme, devait cesser. En Croatie et en
Slovénie (les deux pièces les plus riches
du puzzle yougoslave), la démocratie a
peu à peu gagné du terrain, souvent à
l’instigation des communistes « rénovés ». Mais ceux-ci ont été rapidement
débordés par les nationalistes, qui réclamaient avant tout l’indépendance. D’une
autre façon, Belgrade avait, dès 1987,
déclenché le mouvement, avec l’arrivée
au pouvoir de Slobodan Milosević, un
homme fermement décidé à rendre à la
Serbie sa « dignité », bafouée par Tito,
et à défendre la cause de tous les Serbes
vivant en dehors de la Serbie – à savoir au
Kosovo et en Voïvodine (provinces qui
jouissaient alors d’un statut d’autonomie
presque totale au sein de la fédération),
en Bosnie-Herzégovine, au Monténégro
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242
et en Croatie, où ils sont environ 600 000,
soit 12 % de la population.
C’est le 25 juin que les parlements de
Ljubljana et de Zagreb proclament simultanément l’indépendance de la Slovénie
et de la Croatie. Les multiples négociations menées au cours du printemps au
sein de la présidence collégiale de la Yougoslavie, puis directement entre les présidents, sur la transformation de la « fédération » en une « confédération » ou en
une « Alliance » souple d’États souverains
se sont soldées par un échec. La Serbie
restant inflexible, la Croatie et la Slovénie ont donc décidé de se « dissocier » et
d’appliquer les résultats des référendums
qui avaient été organisés dans les deux
républiques : en décembre 1990, 88 % des
Slovènes s’étaient prononcés en faveur de
l’indépendance ; en mai 1991, environ
90 % des électeurs de Croatie avaient fait
le même choix.
Quarante-huit heures à peine après
ces déclarations d’indépendance, commence la « guerre de Slovénie ». Des blindés de l’armée yougoslave s’approchent
de Ljubljana. Plusieurs aéroports sont
bombardés. Le président slovène, Milan
Kucan, appelle à la résistance. Pendant
environ deux semaines, des combats se
déroulent entre les unités fédérales et la
défense territoriale slovène. Bilan : une
centaine de morts et de nombreuses destructions de matériel militaire. L’armée,
qui subit un échec inattendu, finit par
accepter de regagner ses casernes.
Remodeler les frontières
Pour la première fois depuis le début de
la crise yougoslave, la Communauté européenne intervient. À Brioni, le 7 juillet, les ministres des Affaires étrangères
luxembourgeois, italien et néerlandais
obtiennent notamment des parties en
conflit l’engagement de respecter le cessez-le-feu, l’envoi d’observateurs chargés
de surveiller son application, le retrait des
militaires des frontières de la Slovénie, et
la reprise des négociations politiques sur
l’avenir de la Yougoslavie, qui se révèlent
toutefois infructueuses. Autre point important : les deux républiques indépendantistes (Slovénie et Croatie) acceptent
de reporter de trois mois les effets de
leurs proclamations d’indépendance.
L’erreur des médiateurs est sans doute
de penser que l’armée fédérale et la Serbie
consentiraient les mêmes compromis en
Croatie, où vit une forte minorité serbe.
En effet, depuis le début de l’année, des
affrontements, localisés mais souvent
meurtriers, ont déjà opposé des policiers
croates à des autonomistes serbes. La
déclaration d’indépendance de Zagreb ne
fait qu’accentuer les tensions et conduire
à la guerre réelle après l’expiration du moratoire, début octobre.
Pour Slobodan Milosević, les choses
sont claires : la Serbie n’est pas en guerre,
mais elle soutient les revendications des
quelque 600 000 Serbes de Croatie, qui
ont le droit de ne pas vouloir vivre dans
un État croate indépendant. D’autant
plus que cet État veut, selon la thèse officielle, les priver de leurs droits politiques,
économiques et culturels. La Serbie ne
s’oppose pas, en principe, à l’indépendance de la Croatie, mais il convient préalablement de réviser et de remodeler les
frontières. Selon la plupart des observateurs, il est clair que les groupes serbes de
Croatie qui ont proclamé des « régions
autonomes » en Krajina, puis en Banija et
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POLITIQUE
243
en Slavonie sont « téléguidés » par l’étatmajor de Milosević à Belgrade, l’objectif
étant de faciliter l’intervention « légale »,
à grande échelle, de l’armée fédérale.
Face à ce qu’il considère, non sans
raison, comme une agression en règle
contre sa république, le président croate,
Franjo Tudjman, s’efforce alors d’« internationaliser » la crise et tente d’obtenir la
reconnaissance internationale de l’indépendance de la Croatie, qui a démocratiquement élu ses députés et son président.
Cette offensive diplomatique consacre la
désunion des Douze. Si l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et le Danemark sont favo-
rables à une telle reconnaissance, ainsi
qu’à celle de la Slovénie, d’autres pays,
comme la Grande-Bretagne et la France –
relayés d’ailleurs par le secrétaire général
des Nations unies, Javier Perez de Cuellar
–, hésitent à prendre cette décision, de
peur de jeter de l’huile sur le feu.
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La Grande Serbie
La Conférence de La Haye sur la Yougoslavie, mise en place par la CEE et dirigée
par lord Carrington, ne parvient pas à
rapprocher Serbes, Croates et militaires
qui concluent (très officiellement) quatorze cessez-le-feu, allègrement violés
quelques heures seulement après leur
signature... Les observateurs européens
ne peuvent jamais exercer correctement
leur mission. Début décembre, les Douze
prennent des sanctions économiques,
d’abord contre l’ensemble de la Yougoslavie, puis seulement contre la Serbie et ses
alliés (Monténégro, Voïvodine, Kosovo).
Certes, ils ont bien, durant l’été, songé à
envoyer une force d’interposition militaire en Croatie, mais l’unanimité ne s’est
pas faite et les Serbes, de leur côté, ont mis
en garde contre l’arrivée de troupes européennes qui seraient considérées, dans
le conflit, comme des troupes « étrangères », donc ennemies... Les ultimatums
et les avertissements adressés aux dirigeants de la Serbie restent sans effet et les
États-Unis ne veulent pas s’engager diplomatiquement dans un conflit sans enjeu
majeur pour eux.
Alors que la CEE ne peut que rappeler les principes de la démocratie, de l’autodétermination des peuples et des droits
des minorités, alors qu’elle clame que les
frontières « ne peuvent être modifiées par
la force », la Serbie procède à un nouveau
coup de force politique à Belgrade. Après
avoir tenté d’empêcher, le 15 mai, l’élection du Croate Stipe Mesić à la tête de la
présidence collégiale de la fédération, elle
s’empare, le 3 octobre, de certains pouvoirs fédéraux. À partir de cette date, la
présidence de la Yougoslavie est réduite
à son « bloc serbe » (Serbie, Monténégro,
Voïvodine et Kosovo) ; les autres répu-
bliques (Croatie, Slovénie, Macédoine,
Bosnie-Herzégovine) n’y siégeant plus,
l’éclatement de la Yougoslavie est consacré. Slobodan Milosević s’emploie néanmoins à dire qu’elle existe toujours et
que les peuples qui souhaitent continuer
à vivre dans un État fédéral peuvent le
faire dans le cadre d’une « mini-Yougoslavie ». Dans son esprit, ces « peuples »
sont, hormis ceux du « bloc serbe », ceux
des régions serbes qui se sont autoproclamées « autonomes », principalement en
Croatie et en Bosnie-Herzégovine.
L’impossible cessez-le-feu
Au cours de l’automne, l’offensive de l’armée fédérale et serbe – puisqu’elle a été
désertée par la plupart de ses recrues et
officiers croates et slovènes – se poursuit
sur plusieurs fronts de Croatie. Les fédéraux, solidement équipés de blindés et
dotés d’une aviation qui n’a pas à craindre
de DCA adverse, sont appuyés par des
milices de volontaires et d’irréguliers
venus de Serbie. Les Croates ne peuvent
leur opposer qu’une garde nationale nettement inférieure en armement et également quelques unités paramilitaires
que les dirigeants de Zagreb ont du mal
à contrôler. De l’avis des observateurs
européens, c’est une « sale guerre » qui se
déroule en Croatie. Chaque camp fait état
de massacres de civils dans les villages et
d’exécutions sommaires de prisonniers,
sans qu’il soit possible de vérifier les
informations.
Les combats font rage d’abord en
Krajina, puis en Slavonie occidentale
et orientale, dans la Banija (au sud de
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POLITIQUE
245
Zagreb) et le long de la côte dalmate où
les six principaux ports, dont Zadar, sont
soumis à un blocus de la marine yougoslave. En novembre, une mission humanitaire, conduite par Bernard Kouchner et
son homologue italien sous la bannière
de l’UNICEF, permet d’évacuer plusieurs
centaines de femmes et d’enfants de
Dubrovnik. Après un siège de 87 jours,
Vukovar, dans l’est de la Croatie, tombe
le 18 novembre aux mains de l’armée fédérale et des autonomistes serbes. Cette
ville de 50 000 habitants, qui était le symbole de la résistance croate, n’est plus
que ruines. Selon le bilan de Zagreb, la
bataille a fait un millier de morts. Après
la chute de Vukovar, les fédéraux poursuivent leur avancée vers Osijek, le cheflieu de la Slavonie.
Il apparaît de plus en plus clairement
qu’ils n’interviennent pas pour « mettre
fin à des conflits interethniques ou pour
les empêcher » mais qu’ils mènent une
guerre de conquête ou de contrôle des
régions de Croatie où vivent des Serbes.
Début décembre, on estime que la république indépendantiste a été amputée du
quart de son territoire.
En novembre, les Nations unies se
sont saisies du dossier sur l’initiative des
membres européens du Conseil de sécurité, dont la France. Cyrus Vance, l’envoyé
spécial du secrétaire général, effectue
plusieurs missions à Belgrade et Zagreb
pour examiner la possibilité d’un envoi
de casques bleus sur le terrain. L’opération est d’autant plus risquée sur le plan
militaire que Croates et Serbes ne sont
pas d’accord sur les lieux de déploiement éventuel des soldats de l’ONU : le
long de la frontière qui prévalait avant le
déclenchement des hostilités, ou dans les
zones de conflit actuelles ? Une chose est
claire en tout cas pour l’ancien secrétaire
d’État américain : il n’est pas question
d’envoyer des troupes internationales
dans la région avant l’entrée en vigueur
d’un véritable cessez-le-feu. Dans un premier temps, l’ONU se contentera donc
d’y dépêcher des observateurs militaires
qui viendraient renforcer leurs collègues
européens.
À la fin de l’année, en Croatie, le bilan
de cinq mois d’une guerre qui n’est pas
terminée est déjà lourd : entre 10 000
et 20 000 morts selon des estimations
(certes impossibles à contrôler) en provenance de Zagreb et de la presse de Belgrade et plus de 450 000 personnes déplacées en raison des combats.
ALAIN DEBOVE
Alain Debove est chef-adjoint du service étranger
du Monde, où il est chargé de l’Europe.
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LE POINT SUR...
CHINE ET CORÉES
Encore une année de normalisation en
Chine, deux ans après la répression du
mouvement démocratique du second
Printemps de Pékin, en 1989.
L’immobilisme politique n’aura guère
été remis en cause, en dépit de la guerre
du Golfe et de l’effondrement de l’empire
soviétique, marqué, en août, par l’échec
de la tentative, à Moscou, d’un putsch
dont les dirigeants de Pékin s’étaient réjouis un peu vite. Au contraire, la disparition de pans entiers du bloc communiste,
réduits à ses quatre membres asiatiques et
à Cuba, aura plutôt renforcé leur intransigeance. Alors que s’accentuait le décalage
entre les progrès économiques et la stagnation politique, les arrestations et les
condamnations de dissidents, la dénonciation des « ingérences » occidentales
dans les affaires des droits de l’homme se
sont multipliées dans un pays qui se dit
l’ultime bastion du communisme, depuis
la « grande muraille de fer » idéologique
jusqu’au « dernier rempart » de la pensée de Mao Zedong pour protéger la
Chine contre les « complots impérialistes
occidentaux ».
La forteresse assiégée
La question des droits de l’homme
a continué d’empoisonner les relations
sino-occidentales. La série de procès
de dissidents du Printemps de Pékin au
début de l’année – les peines s’étalant de
quatre ans pour le dirigeant étudiant
Wang Dan à treize pour Wang Juntao
et Chen Ziming –, la grève de la faim
de ces derniers pour protester contre
d’exécrables conditions de détention,
les protestations étrangères et l’envoi de
missions d’enquête se sont succédé. Tout
comme les dénonciations, par les ÉtatsUnis, de l’utilisation de détenus dans des
usines produisant pour l’exportation.
Deux autres sources de conflit se sont
ajoutées à celui sur les droits de l’homme :
les différends commerciaux, en parti-
culier avec les États-Unis, et les libertés
prises par la Chine avec la non-prolifération nucléaire et balistique. Après avoir
longtemps défendu le maintien de relations quasi normales avec Pékin, le président Bush a été contraint de tenir compte
du ressentiment du Congrès devant l’accroissement considérable de l’excédent
commercial chinois. Dépassement des
quotas textiles, refus d’ouverture du marché chinois aux produits américains sont
les principaux reproches de Washington,
bien entendu démentis par Pékin.
En août, recevant son homologue
japonais de l’époque, M. Toshiki Kaifu, le
Premier ministre Li Peng avait annoncé
que la Chine avait décidé de ratifier le
traité de non-prolifération nucléaire
(TNP). En octobre, le comité permanent du Parlement repoussait sa décision
sous prétexte de demander des éclaircissements au gouvernement. Finalement, la ratification devrait intervenir
en 1992. Toutefois, cette valse-hésitation
n’a pas rassuré ceux qui s’inquiètent des
ventes de centrales nucléaires à des pays
comme l’Iran, l’Algérie ou la Syrie, et des
exportations de missiles vers le Pakistan
ou des pays du Proche-Orient.
Volonté de s’affirmer contre les pays
occidentaux d’un régime frappé du complexe de la forteresse assiégée depuis qu’il
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POLITIQUE
247
a mis fin à sa politique de libéralisation
politique avec l’écrasement du Printemps
de Pékin ? Mais, sans doute, et surtout,
désir de se tailler une niche dans un marché fructueux pour accroître les rentrées
de devises, et incapacité du pouvoir central à contrôler ses fabricants d’armes, liés
à la « nomenklatura » et à l’armée.
Malgré cela, 1991 aura vu le retour
de la Chine dans l’arène internationale
avec les premières visites de responsables
politiques occidentaux à Pékin. Ce fut
d’abord, en avril, le chef de la diplomatie
britannique, Douglas Hurd, venu discuter l’avenir de Hongkong, puis son homologue français Roland Dumas. Après la
visite, en août, de M. Kaifu, James Baker
s’est rendu en novembre en Chine, où il a
eu des discussions difficiles avec ses interlocuteurs, en particulier sur les droits
de l’homme et les différends commerciaux. Enfin, 1991 aura marqué le quarantième anniversaire de la « libération
pacifique » du Tibet par l’armée chinoise.
Un anniversaire qui n’aura pas empêché
le dalaï-lama de poursuivre sa croisade
internationale pour l’autodétermination
pacifique du Toit du monde.
La Corée au singulier ?
Quatre décennies après la guerre de
Corée, les deux États qui se partagent
la péninsule sont parvenus, le vendredi
13 décembre 1991, à un accord « historique » mettant officiellement fin à une
longue période de tension qui faisait peser sur la péninsule un risque d’explosion
permanent. Réunis à Séoul, les Premiers
ministres des régimes rivaux – le Nord
communiste et le Sud pro-occidental –
ont signé un « accord de réconciliation,
non-agression, échange et coopération ».
Il ne s’agit certes pas d’une normalisation, mais du début d’un nouveau processus, qui risque néanmoins d’être long et
délicat.
Auparavant, le Nord et le Sud avaient
été admis aux Nations unies le 17 septembre. Séoul et Pyongyang étaient depuis longtemps en désaccord sur la représentation du pays, le Nord réclamant
une délégation unique, dans le cadre du
projet de confédération présenté par le
président Kim Il-sung. Confronté à la
détermination de Séoul et au lâchage
de ses alliés soviétique et chinois, Pyongyang avait été contraint de faire marche
arrière, laissant une fois de plus l’initiative à son rival du Sud.
Dans sa lutte d’influence avec le Nord,
Séoul avait auparavant remporté un autre
succès symbolique, avec la courte visite,
le 20 avril, de Mikhaïl Gorbatchev, qui
avait toujours refusé de se rendre à Pyongyang. D’autant que le numéro un soviétique de l’époque avait réitéré le souhait
que Pyongyang soumette ses installations
nucléaires – soupçonnées de chercher à
produire la bombe atomique – à l’inspection de l’Agence internationale pour
l’énergie atomique (AIEA). Ce que le
Nord a continué de refuser tout au long
de l’année. Toutefois, à l’issue de l’accord
du 13 décembre, les Coréens paraissaient
sur le point de trouver un compromis
sur cette épineuse question, qui permettrait une inspection simultanée de part et
d’autre du 38e parallèle.
PATRICE DE BEER
ASIE DU SUD ET DU SUD!EST
Dans cette région du monde fort mouvementée, l’année aura été dominée par
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quatre événements fondamentaux : l’assassinat, le 21 mai, de Rajiv Gandhi en
Inde ; l’annonce de la fermeture – dans
les trois ans – des bases américaines
aux Philippines après le refus du Sénat
philippin, le 16 septembre, de ratifier
un accord entre Manille et Washington ; l’attribution, le 14 octobre, du prix
Nobel de la paix à la dissidente birmane
Aung San Suu Kyi ; la signature à Paris,
le 23 octobre, d’un accord de paix sur le
Cambodge.
Il ne faudrait cependant pas oublier
d’autres faits d’importance dans plusieurs
autres pays, tels que le coup d’État militaire du 23 février qui, en Thaïlande, a
causé la chute du gouvernement élu de
M. Chatichai Choonhavan ; le retour de
la démocratie au Bangladesh avec la chute
du régime du général Ershad et l’élection,
le 27 février, de la bégum Khaleda Zia
comme Premier ministre ; la poursuite
de la guerre civile au Sri Lanka entre les
forces gouvernementales et les rebelles
séparatistes tamouls du LTTE (Tigres
libérateurs de l’Eelam tamoul), qui a fait
plus de 11 000 morts depuis juillet 1990 ;
la normalisation, début novembre, des
relations entre les deux frères ennemis
communistes, le Viêt-nam et la Chine ;
enfin, le massacre par l’armée indonésienne, le 12 novembre, de plus d’une
centaine de manifestants indépendantistes dans l’ancien territoire portugais de
Timor oriental.
L’assassinat de Rajiv Gandhi, quelques
années après celui de sa mère Indira, apparemment par des terroristes du LTTE,
alors qu’il faisait campagne pour les élections législatives, a bouleversé l’opinion.
La violence reste malheureusement au
rendez-vous de la vie politique indienne,
comme le montrent également les attentats des séparatistes sikhs au Pendjab ou
le sanglant cycle infernal de la violence et
de la répression au Cachemire. Dans le
cas de Rajiv, la dynastie des Nehru-Gandhi, qui a dominé l’Inde depuis l’indépendance, s’en est trouvée décapitée. Sa veuve
Sonia et son fils n’ont pas voulu reprendre
le flambeau que sa fille, trop jeune encore,
brûle de ranimer.
Les limites de la réconciliation
La surprise est venue du nouveau Premier ministre Narasimha Rao. À la tête
d’un gouvernement minoritaire dominé
par le parti du Congrès, cet homme peu
connu, dans lequel beaucoup ne voyaient
qu’un Premier ministre de transition, a
brutalement modifié les données de la
vie politique. Confronté aux contrecoups
de la guerre du Golfe, à l’effondrement de
l’allié et principal partenaire commercial
soviétique et à la crise économique, il a
annoncé une libéralisation de l’économie
dont on parlait depuis des années mais
qui, jamais, n’avait commencé à entrer
dans les faits. Jadis étatisée, contrôlée
et hyperprotégée du monde extérieur,
l’économie est désormais ouverte à la
concurrence, tandis que les investissements étrangers sont enfin les bienvenus.
Le processus sera long, mais il remet en
cause plus de quatre décennies de « socialisme à l’indienne ».
Aux Philippines, le gouvernement
de Corazón « Cory » Aquino, confronté
aux insurrections extrémistes de gauche
(communistes maoïstes) et de droite
(putschistes militaires) ainsi qu’à une
situation économique et sociale dramatique, a vu fondre sur lui des calamités
naturelles. La plus spectaculaire aura été
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POLITIQUE
249
l’explosion du volcan Pinatubo, dont les
coulées de boue et les cendres ont tué des
milliers de gens, ravagé la région avoisinante et rendu inutilisable l’une des deux
bases américaines au moment même où
se poursuivaient de difficiles négocia-
tions sur leur maintien. Maladresses et
intransigeances de part et d’autre auront
fait échouer ces négociations après que
le Sénat philippin eut bloqué la ratification d’un accord prévoyant le maintien
de l’autre base, celle de Subic. À moins
de changements à l’issue des élections
du printemps 1992, les derniers soldats
américains auront quitté l’archipel dans
les trois ans.
Le 14 octobre, les jurés d’Oslo décernaient à l’opposante birmane Aung San
Suu Kyi, en résidence surveillée depuis
deux ans, le prix Nobel de la paix. Ils récompensaient ainsi le courage de celle qui
symbolise la résistance de tout un peuple
contre une junte militaire qui a pris le
pouvoir dans le sang et refusé de le rendre
après avoir subi une défaite sanglante aux
élections. Butés dans leur obstination, les
généraux – qui la maintiennent au secret
– ont dénoncé l’attribution de ce prix et
refusé un visa aux diplomates chargés
d’annoncer la nouvelle à la fille du « père
de l’indépendance » birmane.
Enfin, 1991 aura été marqué par la
signature, après de longues et difficiles
négociations, d’un accord de paix sur le
Cambodge. Le lâchage du Viêt-nam par
l’URSS, les changements dans le monde
communiste, l’assouplissement de la
position d’une Chine qui a longtemps
soutenu les Khmers rouges contre Hanoi,
mais aussi la subtile diplomatie du prince
Sihanouk ont rendu possible cet accord,
en vertu duquel les Nations unies doivent
surveiller le processus qui conduira ce
pays déchiré vers des élections démocratiques au début de 1993. La mission de
l’ONU – la plus « massive » de son histoire
– consiste à superviser le cessez-le-feu, à
assurer le désarmement à 70 % des forces
en présence et le contrôle de l’administration en place, tandis que s’organisera le
retour des réfugiés. Tâche difficile en raison des haines accumulées et surtout de
la présence des Khmers rouges, imposée
par le réalisme et le rapport des forces. Le
retour à Phnom-Penh, le 14 novembre,
du prince Sihanouk et sa spectaculaire
réconciliation avec Hun Sen, le Premier
ministre de Phnom-Penh qui a officiellement abandonné le communisme, sur
le dos des Khmers rouges et des nationalistes de Son Sann, auront marqué le
début d’une nouvelle ère. Mais l’accueil
réservé aux dirigeants khmers rouges,
contraints de fuir la colère populaire, a
montré les limites de la réconciliation.
PATRICE DE BEER
JAPON
Sur le plan diplomatique, l’année 1991
n’aura guère été pour le Japon l’une des
plus mémorables, sinon par la valse-hésitation à laquelle se sont livrés ses gouvernants. Mis en place l’année précédente comme palliatif à la crise du parti
conservateur, secoué par des scandales,
le gouvernement Kaifu s’est montré dans
l’incapacité de faire face à la situation engendrée par la guerre du Golfe.
Confronté à une opinion publique
divisée sur le principe même d’une participation japonaise au conflit et paralysé
par les dispositions de la Constitution, il
a eu recours une nouvelle fois à la « diplodownloadModeText.vue.download 252 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
250
matie des chèques » ; mais il a ainsi perdu
aussi bien sur le front de la guerre (sa
contribution, substantielle – 9 milliards
de dollars –, arrivant tard) que sur celui
de la paix. Tokyo, en effet, a laissé passer
la chance de muer son pacifisme constitutionnel en une politique active, son
seul souci ayant été de ne pas déplaire à
Washington.
Des signes d’essoufflement
C’est une autre déconvenue qu’allait
apporter, en mars, la visite « historique »
de Mikhaïl Gorbatchev à Tokyo. Peu de
choses furent obtenues au fil de laborieuses négociations dont, au départ, Tokyo attendait beaucoup : le point central
de la déclaration commune se ramenant
à la simple mention du contentieux territorial entre les deux pays sur la question
des îles Kouriles. Signe assurément de la
faiblesse des protagonistes (MM. Kaifu
et Gorbatchev étaient confrontés à de
graves problèmes intérieurs), mais aussi,
du côté japonais, des difficultés du pays
à se dégager de la guerre froide, le Japon
restant plus hostile à l’URSS que la plupart de ses partenaires occidentaux.
C’est avec les mêmes hésitations qu’au
cours de l’été le Japon a réagi au putsch
de Moscou. En revanche, il entend faire
sentir davantage son poids dans les négociations de paix au Cambodge : en devenant le plus gros bailleur de fonds de la
reconstruction, le Japon s’apprête en effet
à effectuer son retour politique en Indochine et dans toute la région.
En décembre, le débat parlementaire
sur le projet de loi relatif à l’envoi de
contingents japonais à l’étranger dans le
cadre de missions de paix sous l’égide des
Nations unies (dont la première application a été précisément le Cambodge) avait
pour objectif de modifier de manière
substantielle la position du Japon sur la
scène internationale et de lui permettre
de jouer un rôle plus actif dans le maintien de la sécurité mondiale. Cette loi a
suscité une vive opposition de la part des
partis de gauche qui la jugent contraire à
la Constitution et qui ont tout fait pour
bloquer son adoption.
Sur le plan intérieur, l’année 1991 aura
été marquée par le départ de Mme Takako
Doï, charismatique présidente du parti
socialiste, mais affaiblie par les revers
électoraux de son parti et par l’éviction de
M. Toshiki Kaifu dont on pensait encore,
quelques semaines avant le terme de son
mandat, qu’il serait maintenu dans ses
fonctions. Ses mentors au sein du Parti
conservateur en ont décidé autrement. Il
a été remplacé, fin octobre, par M. Kiichi
Miyazawa, l’un des hommes forts du Parti conservateur, qui devrait être en meilleure position que son prédécesseur pour
gouverner. En tout cas, sa nomination
clôt une période anormale de fonctionnement du pouvoir au cours de laquelle
les « caciques » conservateurs avaient été
paralysés par des scandales.
L’une des préoccupations majeures du
nouveau Premier ministre est la situation
économique. Après cinq ans de croissance
ininterrompue, qui s’est traduite par une
augmentation annuelle moyenne de 6 %
du produit national brut, des signes d’essoufflement ont commencé à se faire sentir : l’économie souffre notamment d’une
politique de restriction du crédit qui vise
à dégonfler la « bulle financière » alimentée par les spéculations immobilières et
boursières de ces dernières années.
Le monde des affaires japonais aura
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POLITIQUE
251
surtout été secoué par les scandales financiers qui ont défrayé la chronique
pendant l’été. Ces affaires ont abouti à
des sanctions prononcées à l’encontre
des grandes maisons de titres coupables
d’avoir dédommagé leurs gros clients des
pertes qu’ils avaient subies à la Bourse. En
outre, certaines de ces sociétés, comme
d’ailleurs quelques banques prestigieuses,
ont été mêlées à de sombres tractations
avec la mafia. Le ministre des Finances
du cabinet Kaifu, M. Hashimoto, dont le
ministère avait fait pour le moins preuve
de laxisme à l’égard des maisons de titres,
a donc présenté sa démission en octobre.
PHILIPPE PONS
OCÉANIE/PACIFIQUE
Consécutive à l’évolution de l’Union soviétique, la détente a produit ses effets
dans le Pacifique comme dans le reste du
monde.
Le dispositif stratégique des deux
supergrands a été sensiblement réduit,
notamment en Asie du Sud-Est, où l’évacuation prévue des forces américaines
des Philippines a répondu au repli des
nombreux « conseillers » soviétiques du
Viêt-nam. Cependant, face à une Corée
du Nord soupçonnée de vouloir se doter
de l’arme nucléaire, les Américains ont
maintenu l’essentiel de leur dispositif militaire en Asie du Nord-Est.
Une certaine détente
Pour le Japon, s’est par ailleurs posé,
à l’occasion de la guerre du Golfe, le problème de l’accroissement d’une puissance
militaire susceptible d’être déployée hors
de l’Archipel. La Constitution imposée
par les Américains après la défaite nippone interdisant toute forme de remilitarisation, une telle évolution ne peut être
que prudente, d’autant plus qu’elle soulève l’opposition d’une partie de l’opinion
intérieure, ainsi que celle des pays qui
furent, naguère, les victimes du milita-
risme japonais, la Chine et la Corée principalement. Cependant, et très habilement, M. Toshiki Kaifu, Premier ministre
jusqu’à son remplacement par M. Kiichi
Miyazawa en octobre, a réussi à faire
envoyer des dragueurs de mines dans le
Golfe pour y protéger les intérêts japonais, étroitement dépendants de la sûreté
de leurs approvisionnements pétroliers.
Le Japon semble ainsi s’orienter vers
une diplomatie discrète mais indépendante grâce à sa puissance économique
et financière face à un monde en difficulté, et notamment au monde socialiste.
C’est ainsi que M. Mikhaïl Gorbatchev
s’est rendu à Tokyo au mois d’avril pour
proposer à la Diète japonaise l’idée d’un
système de sécurité régionale en Asie et
dans le Pacifique, mais aussi et surtout
pour solliciter une aide économique dont
l’URSS a le plus grand besoin. En retour,
le Japon espérait obtenir la rétrocession
des îles Kouriles du Sud, occupées par
les troupes soviétiques depuis la fin de la
Seconde Guerre mondiale.
Le but de Tokyo est d’étendre ainsi
sa zone de pêche dans le Pacifique et de
préparer des revendications ultérieures
sur les Kouriles du Nord. Cette volonté
se heurte toutefois aux intérêts des flottes
soviétiques, qui ont besoin de cette voie
de pénétration dans le Pacifique.
Les entretiens entre MM. Mikhaïl
Gorbatchev et Toshiki Kaifu n’ont permis
aucun progrès sur le contentieux territorial, mais il faut signaler tout de même
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252
que les milieux d’affaires de la Province
(russe) d’Extrême-Orient, dont le cheflieu est Vladivostok, entendent faire de
cette région une zone économique ouverte aux investissements capitalistes, et
notamment japonais. Une sorte de coopération économique régionale est ainsi
en voie de formation sous l’influence prépondérante du Japon ; elle comprendra
également la Chine et les deux Corées.
La situation des États insulaires du
Pacifique, grands ou petits, n’est guère
brillante. En Nouvelle-Zélande, la poli-
tique sociale des conservateurs, revenus au pouvoir en 1990, se heurte à une
forte opposition. Même si la rigueur
commence à porter ses fruits, la crise
économique continue à sévir, comme
en Australie, où le nouveau ministre de
l’Économie a annoncé au mois d’août une
reprise volontairement lente.
En Polynésie française, les élections
territoriales du mois de mars ont permis le retour de Gaston Flosse à la tête
du gouvernement, en remplacement
d’Alexandre Léontieff, devenu minoritaire, mais, en juillet, les violentes manifestations qui ont éclaté à Papeete ont
déstabilisé quelque peu la présidence.
En Nouvelle-Calédonie, l’application des
accords de Matignon suscite quelques
inquiétudes. L’avenir reste également
incertain dans des pays aussi divers que
le Vanuatu, où le Premier ministre Walter
Lini, au pouvoir depuis 1979, a été renversé par le Parlement en septembre, la
Papouasie-Nouvelle-Guinée, où l’armée
est intervenue en avril dans l’île de Bougainville contre les rebelles de l’Armée révolutionnaire (BRA), ou les Philippines,
qui ont connu une nouvelle vague de
violence au début de l’année et au commencement de l’automne, ainsi qu’une
crise politique en septembre, due au désaccord entre la présidente Cory Aquino
et le Sénat de Manille sur le maintien
des bases américaines, sans oublier, en
juin, le réveil du volcan Pinatubo, qui a
fait de nombreuses victimes et quelque
300 000 sinistrés.
Malgré cela, et en dépit des troubles
ethniques et de l’agitation sociale, qui
perdurent de manière endémique dans
les petits archipels, la zone du Pacifique
jouit d’une certaine détente, sinon d’une
détente certaine.
JEAN-PIERRE GOMANE
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POLITIQUE
253
LA GUERRE
DU GOLFE
Le conflit pouvait-il être évité ? Sûrement
pas, car les Américains ne voulaient pas
une solution diplomatique qui aurait permis à Saddam Hussein et au complexe militaro-industriel de l’Irak de sortir indemnes
de l’aventure koweïtienne. Mais s’agissait-il
pour autant d’une guerre programmée
destinée à assurer la mainmise des ÉtatsUnis sur le Proche-Orient ?
Au commencement de l’année, la
guerre dans le Golfe paraît inéluctable.
Quinze jours avant l’expiration de l’ultimatum adressé par le Conseil de sécurité
de l’ONU à l’Irak, rares sont ceux qui, à
l’instar du président Mitterrand, croient
encore « aux chances de la paix ». Dans
ses voeux de nouvel an, ce dernier affirme que la fermeté peut encore amener
Saddam Hussein à céder sur le Koweït
comme il l’a fait sur les otages. Mais ni
le voyage « exploratoire » de Michel
Vauzelle, président de la commission
des Affaires étrangères de l’Assemblée
nationale, à Bagdad, le 2 janvier, ni la
rencontre de Genève entre Tarek Aziz et
James Baker, le 9 janvier, pas plus que la
mission entreprise par le secrétaire général de l’ONU dans la capitale irakienne,
le 13 janvier, « en tant que porte-parole
de la communauté internationale », ne
pourront éviter l’épreuve de force, qui se
précise de plus en plus.
Les dés sont jetés
Les deux camps se préparent donc à la
guerre. Le 11 janvier, James Baker annonce
devant les soldats américains déployés en
Arabie Saoudite : « Nous franchirons le
Rubicon à minuit le 15 janvier », tandis
que le président Saddam Hussein promet
la victoire de la « guerre sainte » en cas
d’attaque américaine contre Bagdad. Les
diplomates occidentaux restés encore en
poste dans la capitale irakienne quittent
le pays, à l’exception des Français, qui
seront les derniers à abandonner le navire menacé de destruction. Le Congrès
américain donne le feu vert au président
Bush pour entrer en guerre, tandis que
Saddam Hussein, imperturbable, fait
approuver par son parlement sa politique
suicidaire, qui exclut « toute concession
sur le Koweït ».
Seule la France s’obstine dans sa quête
pour une solution pacifique de la crise.
Mais le plan de paix qu’elle présente le
14 janvier au Conseil de sécurité est rejeté
par les États-Unis avant même d’être for-
mellement discuté, sous le prétexte qu’il
établit « un lien artificiel » entre l’évacuation du Koweït par l’Irak et la tenue
d’une conférence internationale sur le
problème israélo-arabe. Du coup, Roland
Dumas, le chef de la diplomatie française,
renonce à une mission de la dernière
chance qu’il comptait effectuer à Bagdad.
Le président Mitterrand s’incline devant
l’inévitable et déclare devant le Parlement
réuni en session extraordinaire que « le
recours à la force armée pour contraindre
l’Irak à évacuer le Koweït est désormais
légitime ». Il ajoute cependant, apparemment dans le but de préserver l’avenir, que
la « France n’est pas l’ennemie de l’Irak »,
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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ce qui ne l’empêche pas de déclarer, après
le début de l’offensive aérienne du 17 janvier, qu’il « faut naturellement détruire le
potentiel militaro-industriel de l’Irak ».
Le rôle de médiation, que la France
abandonne à contrecoeur, est repris vers
la mi-février par l’URSS au cours d’une
mission d’exploration entreprise à Bagdad par Evgueni Primakov, l’émissaire
personnel de Mikhaïl Gorbatchev, pour
vérifier « le fond de la pensée » de Saddam Hussein, tout en lui expliquant qu’il
n’a aucune chance de résister à la coalition anti-irakienne et que l’Irak court
au désastre. L’objectif de la mission de
M. Primakov est d’obtenir de Bagdad l’assurance que l’Irak est prêt à retirer « sans
conditions et sans réserves » ses troupes
du Koweït, afin de pouvoir proposer un
cessez-le-feu aux États-Unis. Le président Saddam Hussein semble céder et, le
15 février, rend publique une déclaration
affirmant que l’Irak accepte la résolution
660. Cependant, le prix de la paix que
propose le chef de l’État irakien est jugé
prohibitif par les États-Unis. Avec leurs
alliés de la coalition, ils estiment que son
offre est assortie d’un si grand nombre de
conditions qu’elle contrevient aux termes
mêmes de la résolution 660 du Conseil
de sécurité, qu’il se dit pourtant prêt à
appliquer. Le président Saddam Hussein
demande en effet, outre l’annulation des
onze résolutions de l’ONU sur le Golfe, le
départ des forces étrangères de la région,
le retrait d’Israël des territoires occupés
et la participation des « agresseurs » à la
reconstruction du pays. Il n’empêche que
MM. Bush et Mitterrand décèlent dans
ces propositions un « élément nouveau »,
c’est-à-dire l’acceptation par le président
irakien que le Koweït ne soit plus, « pour
toujours, la dix-neuvième province » de
l’Irak.
Sans conditions
Le plan de paix que Vitali Ignatenko,
porte-parole du président Gorbatchev,
soumet le 18 février au ministre irakien
des Affaires étrangères, Tarek Aziz, embarrasse et irrite Washington, qui voit
déjà, en cas d’acceptation des propositions soviétiques par Bagdad, lui échapper le fruit de sa victoire, c’est-à-dire la liquidation du régime de Saddam Hussein
et la destruction du potentiel militaroindustriel irakien, qui, plus que la libération du Koweït, semblent être l’objectif
véritable des États-Unis. Bagdad tarde cependant à faire connaître sa réponse, évitant surtout de fournir les assurances que
les États-Unis exigent en ce qui concerne
les modalités de son retrait de l’émirat,
que Washington voudrait humiliantes.
Ce n’est que tard dans la nuit du 21 au 22
que M. Ignatenko annonce à la presse que
les entretiens entre MM. Gorbatchev et
Tarek Aziz ont abouti à un succès, l’Irak
ayant donné une réponse positive au plan
du chef de l’État soviétique dont le premier point prévoit « le retrait complet et
inconditionnel » des troupes irakiennes
du Koweït.
Les Soviétiques n’ignorent pas que
l’acceptation irakienne est toujours jugée
incomplète à Washington et, en conséquence, ils s’engagent à peaufiner le plan
de retrait avant de le soumettre au Conseil
de sécurité. Trop tard : le vendredi 23, à
16 heures, le président Bush enterre le
plan soviéto-irakien en quelques phrases
lapidaires en donnant à Saddam Hussein jusqu’au samedi 24 à midi (heure de
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POLITIQUE
255
Washington) pour « entamer son retrait
immédiat et inconditionnel du Koweït ».
Toutes les requêtes de Mikhaïl Gorbat-
chev suppliant George Bush de suspendre
« pour un jour ou deux » l’ultimatum
demeurent vaines. Baptisée « phase finale
de la libération du Koweït », l’offensive
est déclenchée le 24 à 4 heures, heure de
Paris, exactement à la date prévue depuis
quinze jours.
Elle ne dure que cent heures, Bagdad
acceptant le 28, et sans conditions, l’ensemble des résolutions des Nations unies.
Le pot de fer contre le pot de terre
Commencée le 17 janvier vers minuit par la
plus gigantesque opération aérienne depuis les
raids de l’aviation américaine sur le Viêt-nam, la
guerre du Golfe, menée conjointement par une
coalition de forces hétéroclites groupant vingtneuf pays et conduite par les États-Unis, s’est
terminée quarante-six jours plus tard, à l’aube
du 28 février, par la reddition inconditionnelle de
l’armée irakienne, que les Américains avaient un
peu hâtivement qualifiée de « quatrième armée
du monde ».
On ne connaîtra probablement jamais le bilan
exact des pertes irakiennes civiles et militaires, car
les autorités de Bagdad ont observé sur le sujet la
plus grande discrétion. Le chiffre de 200 000 tués
généralement avancé par les estimations les plus
modérées donne une idée de la sévère correction
infligée aux Irakiens par les forces coalisées.
Un autre chiffre est plus précis : 283 soldats alliés
ont trouvé la mort, dont 2 soldats français. Il souligne mieux que toute démonstration savante
l’énorme différence qualitative qui existait au
début du conflit entre les deux forces en présence. Du côté des alliés : une panoplie d’assaut
diversifiée comprenant les armements les plus
modernes et les plus sophistiqués, servie par
une technologie de pointe, une protection électronique sans failles et des appareils dotés de
moyens de navigation et de visée tout-temps. Du
côté irakien : un armement qui a fait son temps,
même s’il a été performant dans la première
« guerre du Golfe » contre les Pasdarans iraniens
sous-armés et dépourvus de toute couverture
aérienne.
Que pouvaient faire les quelque 5 000 chars de
combat contre une aviation ultramoderne utilisant des bombes à effet de souffle, particulièrement dévastatrices, surtout contre des concentrations de forces en terrain plat, notamment
dans le désert ? La supériorité aérienne fut telle
que, pas une fois, les avions irakiens, qui avaient
fait la preuve de leur efficacité contre l’Iran,
n’ont pu prendre l’air pour tenter de s’opposer
à l’aviation alliée. De jour et de nuit, et en quarante-deux jours, cette dernière a effectué près
de 106 000 sorties au cours desquelles ont été
larguées des centaines de milliers de tonnes de
bombes. La quatrième armée du monde ? Certainement pas. Mais peut-être la première du
monde arabe, en raison précisément de l’aide qui,
pendant sa guerre contre l’Iran, lui a été fournie
par l’URSS et par les pays occidentaux.
De toute manière, la lutte était par trop inégale
– le combat du pot de fer contre le pot de terre
– : les dernières cent heures qui précédèrent la
reddition des forces irakiennes furent plus une
sanglante opération de nettoyage qu’une guerre
dans le sens propre du terme, puisqu’il n’y eut
pratiquement pas de combats véritables. Le
24 février, lorsque les coalisés lancèrent l’assaut
terrestre, l’armée irakienne était déjà battue, laminée par quarante-deux jours de pilonnage aérien.
Démoralisés, isolés et à court de vivres et de munitions, les soldats de la garde républicaine, que
l’on disait motivés et prêts à combattre jusqu’à la
mort, pris dans la nasse, ont préféré se rendre plutôt que de se battre à armes inégales.
Le secrétaire américain à la Défense, Dick Cheney, a-t-il tenu sa promesse de réduire au minimum « le coût humain de la guerre » ? Oui en
ce qui concerne les coalisés ; mais non en ce qui
concerne les Irakiens : les dernières quarantehuit heures de la guerre ont fait de véritables
carnages dans leurs troupes prises au piège au
Koweït et sur l’autoroute de Bassorah empruntée
par des civils et les militaires de Bagdad qui tentaient de fuir dans des milliers de véhicules civils
ou militaires. Des morts aussi inutiles que celles
qui survinrent aux quatre coins de l’Irak au cours
du pilonnage aérien de quarante-deux jours,
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dont l’utilité est aujourd’hui mise en doute par
certains commentateurs militaires.
L’Irak a-t-il servi de champ d’expérimentation
pour les armes de destruction les plus modernes,
ainsi que se le demande le général israélien Peled ? Ou a-t-on voulu, comme certains l’affirment,
détruire entièrement l’infrastructure économique
et industrielle de l’Irak pour le ramener plusieurs
siècles en arrière ?
L’offensive alliée des 24/27 février
La manoeuvre générale des coalisés consistait à
faire croire aux Irakiens à une importante opération de débarquement au Koweït, puis à une offensive frontale au Koweït même, le tout devant
logiquement être complété par un débordement
d’ampleur limitée. En réalité, le débarquement n’a
pas eu lieu, tandis que la manoeuvre de débordement s’est avérée nettement plus large. Cette
opération, dite de « déception », allait fonctionner parfaitement.
Sans réponse de Bagdad à l’ultimatum (fixé au
23 février à 18 h, heure de Paris) sommant les
forces irakiennes d’évacuer le Koweït, les Alliés déclenchaient l’offensive aéro-terrestre le 24 février
à 4 h (heure de Riyad). Précédés par des avions et
par des hélicoptères d’assaut qui leur apportaient
l’appui feu indispensable, les colonnes alliées
quittaient leurs bases d’Arabie Saoudite et s’enfonçaient en territoire irakien sans rencontrer de
grande résistance. Bagdad préférait continuer à
lancer des Scud sur Israël et sur l’Arabie Saoudite.
Sur le terrain, la division française Daguet (elle
comprenait 10 000 hommes des forces terrestres,
dotés de 2 500 véhicules, dont 500 blindés, et
de 120 hélicoptères, et 800 hommes des forces
aériennes disposant de 40 appareils de combat),
placée en tête du dispositif allié et épaulée sur
sa droite par le 18e corps d’armée aéroportée
américain, faisait porter son effort sur l’Ouest et
s’emparait d’Al Salman en moins de 48 h. De la
rapidité de cette opération dépendait l’ensemble
des plans des coalisés.
Garantis sur leur flanc gauche par les forces françaises, le 7e corps d’armée mécanisée américain
et la 1re division blindée britannique pouvaient
se lancer à l’assaut de la Garde républicaine irakienne déployée devant Bassorah. Dès lors, les
soldats irakiens allaient chercher à fuir vers le nord
pour échapper à la manoeuvre d’encerclement
confiée aux troupes du général Schwarzkopf.
Au cours de ce mouvement qui tournait très
rapidement à la débandade, les forces alliées
infligeaient des dégâts considérables et de très
lourdes pertes aux troupes irakiennes. En bordant
l’Euphrate au sud et en coupant la retraite aux
divisions de la Garde républicaine, le 18e corps
favorisait l’action du 7e corps, des divisions de
Marines et des forces arabo-islamistes au Koweït.
À partir du 27 février, la proche victoire des Alliés
ne faisait plus de doute. Alors que les forces terrestres irakiennes se dispersaient ou se rendaient
sans opposer de résistance, les forces amphibies
constituées de 20 000 marines se dirigeaient vers
Koweït-Ville à partir du golfe. En quelques heures,
l’île stratégique de Failaka était prise. À l’aube du
27 février, dans la capitale, les soldats américains
des forces spéciales repoussaient rue après rue
les derniers combattants irakiens. Au sud de Bassorah, un dernier combat de chars opposait les
blindés américains et britanniques aux chars de
la Garde républicaine. Le lendemain, à 8 heures,
le président Bush pouvait annoncer : « La guerre
est finie ».
L’après-guerre
La guerre du Golfe aurait-elle pu être
évitée ? Probablement pas. Tout d’abord
à cause du comportement quasi suicidaire et de l’orgueilleux entêtement de
Saddam Hussein, qui, tout au long de la
crise qui a précédé la guerre et au cours
des premières semaines de bombardements aériens, a agi comme s’il ne craignait rien et comme si toutes les mises en
garde du président Bush n’étaient que de
simples gesticulations sans portée réelle.
Vraisemblablement mal informé des
intentions profondes des Américains –
qui avaient été parmi ses meilleurs alliés
au cours de la guerre contre l’Iran – par
les rapports optimistes de son ambassadeur à Washington, Mohamed Mashat,
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le président Saddam Hussein ne pensait pas, jusqu’à la dernière minute, que
les Américains iraient jusqu’à déclencher des opérations militaires terrestres.
Il semblait ignorer que les États-Unis
avaient décidé, depuis un certain temps,
d’en finir une fois pour toutes avec un
régime qui représentait une menace sérieuse pour leurs intérêts et pour ceux
de la communauté internationale dans
la région. Les Américains ont fait d’ailleurs tout ce qu’ils pouvaient pour rendre
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difficile, voire impossible, la solution diplomatique qui aurait permis à Saddam
Hussein ainsi qu’au complexe militaroindustriel de l’Irak de sortir indemnes de
l’aventure koweïtienne.
L’une des raisons de l’acharnement
de Saddam Hussein à mener une lutte
sans issue a sans doute été jusqu’au dernier moment son fol espoir de parvenir
à diviser la coalition anti-irakienne en
imprimant au conflit une coloration anti-israélienne qui aurait embarrassé les
alliés arabes modérés de Washington en
les plaçant dans une situation intenable.
Les tirs de missiles Scud sur Tel-Aviv et
Haïfa, qui commencèrent le 18 janvier, au
lendemain même du début des bombardements alliés sur l’Irak, avaient surtout
pour objectif d’impliquer Jérusalem dans
le conflit.
Sur les quelque 80 missiles lancés par
Bagdad, 40 furent dirigés contre Israël,
les autres visant des objectifs en Arabie
Saoudite et à Bahreïn. Le président Saddam Hussein ne se faisait aucune illusion
sur l’impact militaire de ces tirs, mais
espérait qu’ils contraindraient les Israéliens, qui n’ont jamais laissé impunie une
quelconque attaque contre leur territoire,
à riposter. Soumis à une forte pression
américaine, ces derniers ont fait preuve
de suffisamment de sagesse pour ne pas
tomber dans le piège tendu par Bagdad.
Du côté arabe, l’effet politique escompté par les Irakiens – qui était de soulever les masses arabes contre les ÉtatsUnis et leurs dirigeants – a été fort limité.
Il y a bien eu, au niveau populaire, des
réactions passionnelles « enthousiastes »,
notamment dans les territoires occupés
et en Jordanie, mais les milieux officiels
arabes se sont montrés fort réservés.
Damas est même allé jusqu’à désavouer
l’opération, en reconnaissant à Israël le
droit à la légitime défense et en soulignant qu’en cas de représailles de Jérusalem la Syrie se garderait de réagir.
D’une manière générale, les réactions
des pays arabes à la guerre menée contre
un pays arabe tiers par une alliance à
dominante occidentale, et surtout américaine, ont été relativement modérées
et se sont limitées à des manifestations
de soutien, même parmi ceux qui, dès le
début de la crise, s’étaient rangés du côté
de l’Irak. En Jordanie, le pays qui a payé le
plus cher son alliance avec Bagdad, aussi
bien sur le plan politique qu’économique,
les mouvements populaires ont été contenus par le double jeu du roi Hussein, qui,
soucieux de ménager les États-Unis, a résisté aux pressions de la rue jordanienne
et palestinienne en faveur d’un soutien
plus net à l’Irak. Au Soudan et au Yémen,
les manifestations populaires ont été,
en fait, organisées par des dirigeants de
toute manière acquis à la cause irakienne.
La Libye du colonel Kadhafi n’a pratiquement pas bougé, le guide de la révolution
ayant, sous l’influence du Caire, avec
lequel il venait de se réconcilier, adopté
une attitude prudente à l’égard de Bagdad, coupable, à ses yeux, d’aventurisme.
Même Yasser Arafat, malgré son alignement presque inconditionnel sur la
politique de Saddam Hussein, a résisté
aux injonctions du président irakien,
qui lui avait demandé d’ouvrir un second
front en s’en prenant aux intérêts occidentaux et américains dans le monde, et a
soigneusement évité de déplacer la direction de l’OLP de Tunisie en Irak.
Au Maghreb, les manifestations populaires de solidarité à l’égard de la cause
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irakienne ont été autorisées et canalisées
par les dirigeants dans un souci évident
de ne pas se laisser déborder par les mouvements d’opposition. Paradoxalement,
aussi bien en Algérie qu’au Maroc et,
dans une moindre mesure, en Tunisie,
le ressentiment populaire provoqué par
la guerre contre l’Irak a été plus dirigé
contre la France, qui a pourtant tout fait
pour éviter une épreuve de force sanglante, que contre les États-Unis, qui ont
tout mis en oeuvre pour précipiter une
guerre dont le but était de détruire l’État
irakien.
Pourtant les États-Unis n’ont pas aidé
les chiites du sud de l’Irak entrés en rébellion contre le pouvoir central à peine
trois jours après l’arrêt des hostilités. Tout
semblait indiquer que les troupes américaines, qui occupaient une portion du
territoire irakien contiguë à la zone où
se déroulaient les combats entre rebelles
et gouvernementaux, n’étaient guère
disposées à intervenir, comme si leurs
priorités avaient changé avec la fin des
hostilités, Washington se contentant de
mettre en garde les dirigeants irakiens
contre l’utilisation d’armes chimiques
pour venir à bout des populations chiites
révoltées, auxquelles, après un moment
d’hésitation, s’étaient joints les Kurdes du
nord. Dans cette double guerre civile, les
Américains ont adopté le rôle de spectateurs presque neutres, n’intervenant que
lorsque les Irakiens outrepassaient les
règles qu’ils leur avaient imposées et qui
interdisaient l’emploi des avions et des
hélicoptères contre les insurgés.
Fin mars, malgré les appels à l’aide des
insurgés et l’accroissement du nombre des
victimes civiles, la Maison-Blanche réaffirme sa neutralité dans ce qu’elle qualifie
pudiquement de « conflit intérieur irakien ». Après avoir écrasé l’insurrection
chiite dans le sud, les unités de la Garde
républicaine reprennent le contrôle des
villes kurdes.
Il se confirme – on le savait déjà –
qu’en attendant l’apparition d’un homme
providentiel qui aurait pratiquement le
même profil politique que le président
Saddam Hussein les États-Unis et leurs
alliés modérés arabes préfèrent un régime baassiste aux abois, prêt à toutes les
concessions pour demeurer au pouvoir,
à une coalition de l’opposition irakienne
comprenant des Kurdes, des chiites plus
ou moins liés à l’Iran, des communistes
et des libéraux.
La survie des Kurdes
Du fait même qu’ils ne sont pas arabes, les
Kurdes sont demeurés extrêmement prudents
pendant le conflit, afin d’éviter de susciter en Irak
un mouvement nationaliste dont ils auraient été
les principales victimes. Ils ne sont entrés dans
la bataille, à la fin des hostilités, qu’après que les
chiites du sud de l’Irak eurent lancé un mouvement insurrectionnel contre le pouvoir central.
Fin mars, la révolte kurde, qui s’est propagée
comme une traînée de poudre, parvient à libérer l’ensemble des grandes villes du nord-est de
l’Irak. Le mouvement de révolte est cependant
prématuré : au début d’avril, après avoir écrasé
la rébellion chiite, l’armée irakienne réussit à reprendre le contrôle de la plupart des villes kurdes
« libérées », poussant sur les routes des centaines
de milliers de réfugiés en quête d’un abri au-delà
des frontières.
Le pitoyable et sanglant exode de plus de deux
millions de Kurdes suscite alors une profonde
émotion au sein de l’opinion publique interna-
tionale, qui était demeurée presque indifférente
à la tragédie des chiites irakiens, dont le soulèvement finit noyé dans le sang. Le 5 avril, sous
l’impulsion de la France, qui invoque un « droit
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à l’ingérence », le Conseil de sécurité de l’ONU
condamne la répression antikurde et lance l’idée
d’un « sanctuaire pour les Kurdes » en territoire
irakien. Cinq jours plus tard, cédant aux pressions extérieures et intérieures, les États-Unis, qui
s’étaient d’abord montrés hostiles à « toute intervention dans les affaires intérieures de l’Irak »,
adressent un avertissement à Bagdad, lui demandant instamment de s’abstenir de toute activité
militaire dans le large secteur du nord de l’Irak
qui comprend la zone où se trouvent les réfugiés
kurdes. Washington exige également l’arrêt des
opérations aériennes au nord du 36e parallèle, qui
traverse le pays et passe à 50 km environ au sud
de la ville de Mossoul.
Contraint de s’incliner, l’Irak ne réagit pas à l’annonce faite par le président Bush de l’envoi de
plusieurs unités dans le nord de l’Irak pour y créer
des camps d’accueil. Pour rassurer les populations du nord de l’Irak et prolonger de façon dissuasive l’opération militaro-humanitaire Provide
Comfort, une force multinationale est alors installée dans le nord de l’Irak, force qui se déplacera
le 15 juillet à Silopi, au sud-est de la Turquie. Le
10 octobre, les troupes terrestres de la coalition
occidentale (États-Unis, Grande-Bretagne, PaysBas, France, Italie et Turquie) quittent Silopi. La
protection militaire des Kurdes irakiens est désormais assurée par la composante aérienne de la
force d’intervention alliée basée à Incirlik.
Les troupes irakiennes, qui coexistent avec les
combattants kurdes dans la plupart des villes
du nord, sont de loin les plus puissantes, mais
elles se trouvent pratiquement paralysées par la
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crainte d’une riposte alliée. Sur le plan politique,
les négociations entamées en avril à Bagdad
entre le président Saddam Hussein et le Front
uni du Kurdistan en vue de trouver une nouvelle
formule d’autonomie pour les Kurdes piétinent,
le projet d’accord proposé par Bagdad ne faisant
que des concessions de pure forme aux aspirations nationales des Kurdes, notamment en ce
qui concerne le statut de Kirkouk.
En se montrant intransigeants, les Irakiens espèrent diviser à la longue le Front uni du Kurdistan, dont les deux principales composantes
– le Parti démocratique kurde (PDK), présidé par
Massoud Barzani, et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), dirigée par Jallal Talabani – finissent
effectivement par adopter des points de vue
divergents sur les modalités de règlement du
problème kurde. Profondément méfiant à l’égard
des États-Unis et de l’Occident, et sceptique sur la
volonté de ces derniers de se débarrasser rapidement de l’homme fort de Bagdad, M. Barzani souhaite arriver à un accord – même boiteux – avec
le pouvoir central, afin de pouvoir normaliser la
situation au Kurdistan avant l’arrivée de l’hiver.
M. Talabani, pour sa part, écarte toute idée de
compromis avec Bagdad en attendant la chute
du régime, qu’il estime proche.
L’alibi des États-Unis
Mais l’établissement de la démocratie dans le monde arabe n’était pas un
des objectifs de l’opération Tempête du
désert. Dans l’émirat de Koweït libéré
de l’occupation irakienne, les grandes
promesses de démocratisation faites en
octobre 1990 à Djeddah lors de la réunion de réconciliation qui avait regroupé
la famille régnante des Sabah et l’opposition n’ont pas été respectées. Malgré
les pressions des Américains, la famille
royale continue à régner sans partage, à
la grande satisfaction de l’Arabie Saoudite et des autres pétromonarchies du
Golfe, qui redoutent plus que tout l’installation à leurs portes d’une monarchie
libérale. En Arabie Saoudite même, les
vagues promesses de libéralisation faites
par le souverain wahhābite au cours de
la crise sont oubliées une fois le danger
écarté. En fait, malgré leur « victoire »
sur l’ennemi irakien, les pétromonarchies, qui ont pour la première fois fait
appel à des protecteurs étrangers pour se
défendre contre un pays arabe tiers, sont
sorties affaiblies de l’épreuve. La crise, qui
a mis au jour leur vulnérabilité et leur
totale incapacité à se défendre, a encore
plus accentué leur dépendance à l’égard
du « protecteur américain », sur lequel
elles comptent pour assurer leur sécurité
et qui s’efforce de conclure avec elles des
accords de défense sur le modèle de celui
que Washington a signé au début d’octobre avec l’émirat de Koweït.
Le président Saddam Hussein, qui, en
se lançant dans son aventure koweïtienne,
s’était posé en libérateur du monde arabe
et en pourfendeur de l’impérialisme
américain, n’aura finalement réussi qu’à
accentuer singulièrement la dépendance
de celui-là à l’égard de l’étranger, c’est-àdire des États-Unis. Depuis la disparition
de l’URSS en tant que superpuissance,
l’Amérique, architecte du nouvel ordre
mondial, a en effet les coudées franches
pour imposer sa politique au ProcheOrient, avec ou sans le concours de
l’ONU.
L’Irak pour sa part, accablé de sanctions contraignantes imposées par les
Nations unies mais qui font plus de mal
au peuple qu’à ses dirigeants, isolé sur le
plan arabe et international et constamment menacé d’une intervention militaire de la part des États-Unis, a ainsi
été pratiquement placé sous la tutelle de
la communauté internationale présidée
par Washington. Cette situation durera
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« aussi longtemps que M. Saddam Hussein sera au pouvoir », ainsi que l’a proclamé à différentes reprises le président
Bush. Comble de l’ironie, le maintien de
l’homme fort de Bagdad, devenu désormais docile, à la tête de l’Irak, sert en définitive d’alibi aux États-Unis pour consolider leur mainmise sur le Proche-Orient.
JEAN GUEYRAS
Jean Gueyras est rédacteur
au service de politique étrangère du Monde,
où il est chargé du Moyen-Orient.
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LE POINT SUR...
AFRIQUE DU NORD
Au début de l’année 1991, la guerre du
Golfe domine l’actualité internationale.
Le Maghreb n’est naturellement pas à l’abri
des secousses politiques et économiques
engendrées par l’attaque, le 17 janvier, de
l’Irak par les forces armées occidentales.
De Nouakchott à Tripoli, la rue plébiscite
le président irakien, qui incarne le héros
de l’arabisme et de l’islamisme. Partout,
l’engagement de la France suscite la colère
des populations.
Au Maroc, où la présence en Arabie
Saoudite de 1 200 soldats soulève de vives
critiques, des dizaines de milliers de personnes se mobilisent à Rabat autour des
partis d’opposition (3 février).
En Algérie, les manifestations
presque quotidiennes sont conduites par
le FIS. Le gouvernement algérien, qui
avait d’abord composé avec les islamistes
– la loi controversée sur l’arabisation est
promulguée le 16 janvier –, se trouve peu
à peu engagé avec eux dans une épreuve
de force. Le 25 mai, soit un mois avant
les élections législatives, le FIS appelle
à la grève générale illimitée. Les manifestations et la montée de la violence à
Alger provoquent des affrontements
mortels avec les forces de l’ordre (4 juin),
le report des élections au 26 décembre,
l’instauration de l’état de siège (5 juin)
et la formation par Sid Ahmed Ghozali
d’un gouvernement moins marqué par le
FLN (18 juin). Alors que les émeutes se
poursuivent, l’arrestation, le 30 juin, de
centaines de cadres du FIS, dont Abassi
Madani et Ali Benhadj, ramène le calme
dans la capitale.
Contrairement à son voisin, la Tunisie n’a jamais accepté de légaliser le mouvement islamique al-Nahda. Dès la fin de
1990, une centaine de ses cadres ont été
arrêtés. Mais, répondant à l’appel du leader exilé Rached Ghannouchi, les jeunes
militants entretiennent un climat de tension, notamment à l’université de Tunis,
où des affrontements avec les forces de
l’ordre font officiellement deux morts le
8 mai. Le 18 mai, 300 à 400 personnes,
dont 100 officiers, sont arrêtées sous accusation de complot islamique.
Pour le Maroc, 1991 est l’année du
trentième anniversaire de l’accession au
trône de Hassan II et aussi celle de la
préparation, sous les auspices de l’ONU,
du référendum d’autodétermination du
Sahara occidental, prévu pour le début de
1992, et dont l’enjeu mobilise la vie politique et sociale. Sur le plan diplomatique,
les relations avec la France sont encore
difficiles. Au contentieux créé par l’affaire
Perrault (septembre 1990) s’ajoute l’expulsion manquée hors de France de l’opposant Abdel Moumen Diouri (20 juin).
Le souverain adopte cependant une série
de mesures spectaculaires avec l’élargissement d’anciens prisonniers politiques. La
libération de la famille Oufkir (3 mars)
est suivie de celle de l’opposant communiste Abraham Serfaty (15 août).
Après treize années de régime militaire, la Mauritanie s’ouvre au pluralisme politique pour s’acheminer vers
un régime parlementaire et présidentiel,
adopté le 12 juillet par un référendum
constitutionnel.
Le Maghreb est une région économiquement et politiquement fragile. La
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guerre du Golfe, avec la baisse des revenus touristiques qu’elle a entraînée, a
pesé lourdement sur les économies. Mais
les résultats sont particulièrement alarmants en Algérie : 23 % de chômeurs,
près de 50 % d’inflation et surtout une
dette extérieure évaluée à 25 milliards
de dollars, dont les remboursements
absorbent les trois quarts des recettes de
l’État. Le nouveau gouvernement en appelle à l’aide internationale et envisage de
vendre une partie des champs pétroliers
d’Hassi Messaoud. Cependant, le pays
est en train de se doter d’une puissance
nucléaire avec l’achèvement prochain de
la construction d’un réacteur en coopération avec la Chine. Dans ce contexte,
l’avenir de la région passe probablement
par celui de l’Union du Maghreb arabe et
un renforcement des relations entre ses
membres et l’Europe, méditerranéenne
principalement.
MARIE-ODILE SCHALLER
AFRIQUE NOIRE
Ouvert le 3 juin à Abuja, capitale fédé-
rale du Nigeria, le 27e sommet de l’OUA a
été marqué par la naissance d’une Communauté économique africaine, encore
bien fictive, et surtout par la montée de
l’inquiétude devant la remise en cause de
l’unité territoriale en Somalie et en Éthiopie. Mais ce sont la fin des régimes à parti
unique et la transition démocratique qui
ont été au coeur des enjeux politiques de
l’année.
Transitions douces, pénibles
accouchements
La république des îles du Cap-Vert et
celle de São Tomé et Príncipe ont donné,
au premier trimestre, une leçon à tout le
continent : les oppositions et leurs chefs
ont remporté les élections pluralistes organisées par les ex-partis uniques au pouvoir depuis 1975. En Zambie, le 31 octobre, en choisissant Frederick Chilubé
lors d’une compétition ouverte – nouveauté depuis 1972 –, les électeurs ont
mis fin au règne de Kenneth Kaunda, qui
durait depuis 1964. Au Bénin, où avait été
mise en place une « Conférence nationale » dès 1990, Nicéphore Soglo a largement distancé l’ex-président Mathieu
Kérékou lors des présidentielles de mars.
Des élections ont également été organisées au Gabon, tandis que des substitutions « en douceur » étaient effectuées au
Congo et au Niger.
Les Conférences nationales – réunions des forces vives, politiques et
sociales – ont fonctionné comme des
assemblées souveraines dépossédant les
chefs d’État du pouvoir, en attendant
la tenue d’élections libres. En GuinéeBissau, en Guinée, en Sierra-Leone, en
Centrafrique, le principe du multipartisme a été adopté, alors qu’au Sénégal le
principal opposant au régime, Abdoulaye
Wade, est entré au gouvernement.
Mais à ces transitions « douces » s’opposent des accouchements douloureux.
Il a fallu un coup d’État militaire au Mali
en mars pour mettre fin aux sanglantes
exactions du régime de Moussa Traoré, général-président cramponné à son
trône. Toujours en mars, des manifestations ont été durement réprimées à Lomé
(Togo) avant l’ouverture de la Conférence
nationale (en juillet) qui a dépouillé le
général Eyadema de ses prérogatives,
mais, en octobre, une rébellion militaire
a gravement menacé la démocratisation.
À Madagascar, le rêve d’une révolution
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tranquille s’est brisé, le 10 août, lorsque le
président Ratsiraka a choisi de faire couler le sang, et la plus grande incertitude
demeure, encouragée par l’ambiguïté de
la diplomatie française.
Le pire est survenu au Zaïre : engagé
depuis avril 1990, le bras de fer entre le
maréchal Mobutu et l’opposition s’est terminé en drame. Après une lueur d’espoir
suscitée par la création d’un gouvernement d’union, le pays a basculé dans le
chaos en septembre : émeutes, pillages
de Kinshasa, Lumumbashi, Mbuji-Mayi,
épanouissement d’une économie du racket, tout concourait à rendre la situation
explosive et contraignait les Européens
installés dans le pays à quitter les provinces dangereuses sous la protection des
parachutistes français et belges.
Les conditions se détériorent
Dans la corne de l’Afrique, la Somalie a implosé et l’Éthiopie est au bord de
la dislocation. Après la victoire militaire
des rebelles somaliens et la fuite de Siyad
Barre, qui dirigeait le pays depuis 1969
(janvier), les affrontements entre factions
maquisardes n’ont pas cessé. Alors que la
Somalie est menacée par la famine, les
« nordistes » du MNS (Mouvement national somalien) ont fait sécession le 18 mai
et proclamé la république du Somaliland. En Éthiopie, le colonel Mengistu,
« négus rouge » régnant depuis 1974, est
tombé en mai, victime de l’offensive des
guérilleros érythréens et tigréens. Mêles
Zenawi, chef du FDRPE (Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien), a été élu président, pour deux ans
par un Conseil national. Mais la question
de l’unité nationale demeure posée : en
autorisant un référendum d’autodétermination en Érythrée, les dirigeants ouvrent
des perspectives aux autres périphéries
de l’ancien empire, dont l’intégrité territoriale risque d’être réduite à l’état de
souvenir.
Alors que les conflits déchirent toujours le Soudan et le Liberia, les accords
d’Estoril conclus le 1er mai, puis le cessez-le-feu en vigueur depuis le 15 mai,
ont ramené la paix en Angola, où des
présidentielles sont prévues en 1992. Au
Mozambique, autre point chaud ancien,
les négociations entre le gouvernement
et la RENAMO se sont poursuivies. En
Afrique du Sud, la loi sur les classifications raciales, dernier pilier juridique de
l’apartheid, a été abrogée le 17 juin.
L’accord de Genève du 16 août sur le
rapatriement de 40 000 exilés, la décision
des dirigeants du Commonwealth de
lever partiellement les sanctions contre
Pretoria, l’attribution du prix Nobel de
littérature à Nadine Gordimer, chantre de
l’antiracisme sont autant de signes encourageants. Mais le scandale de « l’Inkathagate » (financement du parti Inkatha, à
dominante zouloue, par le pouvoir) et la
poursuite des affrontements fratricides
dans les townships montrent à quel point
le chemin de la démocratie est difficile.
Il l’est d’autant plus que les conditions
économiques et sociales se détériorent :
au terme d’une décennie perdue pour le
développement, l’Afrique a été marginalisée dans les échanges internationaux
(moins de 1 % du commerce mondial).
Le continent est confronté à de graves
problèmes sanitaires : choléra, paludisme
et sida (40 millions d’adultes et d’enfants
pourraient être séropositifs à l’horizon de
l’an 2000) frappent durement les populations, et la mortalité infantile bat des
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records (300 ‰ au Mali ou au Mozambique). Aussi inquiétante est son accession au rang de plaque tournante du trafic de l’héroïne asiatique. Devenus des
hauts lieux du blanchiment de l’argent
de la drogue, certains pays (le Sénégal, la
Côte-d’Ivoire, le Cameroun, le Gabon, le
Nigeria, l’Égypte, le Kenya) sont intégrés
dans des réseaux de narcotrafiquants.
ALAIN DUBRESSON
AMÉRIQUE DU NORD
1991 ne restera sans doute pas comme
une grande année d’enthousiasme collectif pour le Canada. Avec une économie
morose, un gouvernement en sérieuse
baisse de popularité, le pays tout entier
continue de se poser la lancinante question de son identité.
La famille canadienne
En juin 1990, lorsqu’avait été
consommé l’échec de l’accord du lac
Meech, passé entre les autorités fédérales
et les autorités québécoises, le Premier
ministre canadien, M. Brian Mulroney,
avait créé une commission chargée de
sonder la population sur sa vision de
l’avenir de la nation. Un an plus tard,
son président, M. Keith Spicer, a donné
un avis mitigé. Il estime qu’il faut bel et
bien « réinventer le Canada » et que cela
passe par une réévaluation du statut du
Québec.
Ces propos ont pu sembler optimistes : en effet, quelques semaines
auparavant, la Commission avait fait savoir que « les anglophones préféreraient
se séparer du Québec plutôt que de lui
accorder un statut spécial ». La politique
du bilinguisme leur semblerait « coûteuse et inutile » ; ils rejetteraient même
la notion de « deux peuples fondateurs »
– les anglophones et les francophones
–, puisqu’elle nierait l’existence antérieure des Amérindiens, qui représentent 700 000 personnes sur un total de
26 millions.
Les autorités et la population québécoises pensent exactement le contraire.
Pour reprendre l’initiative, le Premier
ministre de la Belle Province a annoncé
en mai l’organisation d’un référendum
sur la souveraineté politique du Québec
d’ici au 26 octobre 1992. Cette annonce
a pour objet de placer le gouvernement
fédéral face à un choix inévitable : soit
la souveraineté du Québec, soit son
maintien dans l’ensemble fédéral, mais à
la condition que celui-ci soit profondément renouvelé et décentralisé.
M. Mulroney a donc reconnu en
septembre le « caractère distinct » du
Québec, qu’il entend cependant « ramener dans la famille canadienne ». Mais
le Premier ministre a d’autres soucis : en
tout premier lieu, une récession économique jugée la plus grave depuis la crise
de 1929. Pour ne rien arranger, les organisations internationales ont critiqué la
politique monétaire du gouvernement,
jugée trop restrictive et responsable de
la montée du chômage.
La langueur américaine
Pour George Bush, l’année 1991 ressemble à un toboggan. Elle a commencé
par un triomphe extérieur et une popularité au zénith ; elle se termine dans le
doute et sur un sérieux repli autour des
problèmes internes du pays.
Après les succès dans le Golfe, le
président pouvait déclarer « Nous nous
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sommes débarrassés du syndrome
vietnamien une fois pour toutes », et
engranger à son propre crédit cette victoire collective sur les années noires. Les
incessantes tournées de James Baker au
Proche-Orient et la décision des ÉtatsUnis de procéder à un désarmement
nucléaire unilatéral confirmaient la
grande capacité diplomatique de l’administration républicaine. Vu de l’étranger,
George Bush commençait à prendre ses
galons de grand président.
Mais, à l’intérieur, les choses se gâtaient. Les difficultés économiques et
sociales, jusque-là largement occultées,
refaisaient surface. Avec ce « retour du
refoulé », les premières critiques sérieuses se faisaient entendre à rencontre
de ce président toujours en voyage.
« Come home, George » est un slogan
démocrate qui fait mouche.
De fait, l’économie américaine
connaît une langueur durable ; on enregistre même un recul de 0,5 % de l’activité au deuxième trimestre. Les pays
européens, qui escomptaient une reprise
sérieuse des affaires aux États-Unis, sont
préoccupés, mais l’opinion américaine
aussi, qui compare ce bilan de l’administration Bush avec celui de l’ère Reagan,
quand l’expansion dépassait régulièrement les 5 % annuels.
Le chômage et la pauvreté sont les
conséquences directes de la stagnation
économique. L’un et l’autre progressent,
et l’on ne compte pas moins de 33 millions de pauvres aux États-Unis, soit
13,5 % de la population. On a certes
connu des chiffres équivalents quelques
années auparavant, mais, aujourd’hui, ce
sont les classes moyennes qui sont touchées. Trop aisées pour bénéficier des
aides sociales, elles subissent de plein
fouet le renchérissement des coûts, et
notamment des coûts médicaux.
La violence est une des autres plaies
de la société américaine. Cette année, on
a beaucoup parlé des « serial killers », ces
assassins en série qui défraient la chronique par leur sadisme et par ce qu’ils
révèlent de passion et de folie au plus
profond de l’inconscient américain. Plus
concrètement, on a également beaucoup
évoqué la violence de la police, notamment à l’encontre des minorités ethniques. Un film réalisé par un amateur
à Los Angeles et montrant le passage à
tabac d’un automobiliste noir par une
patrouille de policiers déchaînés a mis le
feu aux poudres.
À l’automne, les clignotants sont passés au rouge : baisse sensible de popularité du président, élection d’un sénateur
démocrate en Pennsylvanie (un État qui
votait républicain depuis près de trente
ans...) et psychodrame collectif lié à la
nomination du juge Clarence Thomas à
la Cour suprême. Ce candidat, présenté
par George Bush, avait le double avantage d’être noir et conservateur, mais, peu
de temps avant sa nomination officielle,
l’une de ses anciennes collaboratrices l’a
accusé publiquement de harcèlement
sexuel au travail. Suivit alors une série,
largement diffusée, de séances publiques
où ont été déballées de sordides affaires
de moeurs au bureau. George Bush s’est
battu pour son candidat qu’il a fini par
imposer, mais il a perdu le soutien des
organisations féministes.
L’Amérique n’avait pas besoin de cette
perte supplémentaire de confiance dans
sa classe politique au moment même où
deux livres faisaient l’effet d’une bombe
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268
en démontant le mythe de John Kennedy,
accusé non seulement d’être un obsédé sexuel, mais, autrement plus grave,
d’avoir été lié à la mafia.
JULES CHANCEL
AMÉRIQUE LATINE
Entre la peste, la vieille peste brune des
coups d’État militaires, et le choléra qui
resurgit lui aussi du passé, l’Amérique
latine semble régresser d’autant plus
brutalement que l’élan progressiste de la
décennie antérieure laissait au contraire
présager une rupture définitive avec les
échecs de l’Histoire.
Une rupture qui paraissait solennellement proclamée par la Conférence de
Guadalajara (Mexique) : pour la première fois dans l’histoire de l’Amérique
latine, tous les chefs d’État présents
devaient leur mandat à des élections
libres..., le cas de Fidel Castro paraissant
relever de l’exception propre à confirmer
la règle.
Une route étroite et menacée
Le coup d’État militaire d’automne
en Haïti, qui portait au pouvoir le général Cedras et contraignait à l’exil le président régulièrement élu à peine quelques
mois plus tôt, remettait tout en question. L’ambiguïté de la réponse américaine, après une condamnation initiale,
et l’inefficacité des réactions de l’OEA
confirmaient l’échec de la démocratie.
Accident de parcours, lié à la jeunesse de l’expérience démocratique
haïtienne ou aux erreurs du père Aristide ? Simple parenthèse dans l’évolution
générale ? Mais l’évolution vers la guerre
civile est aussi plausible dans l’impasse
actuelle, entre le refus d’une intervention extérieure et la force des militaires.
Face aux avancées liées aux négociations proches d’aboutir entre les belligérants salvadoriens, mettant fin à plus
de dix années de guerre civile, et face à
l’apaisement de la « guerre de la drogue »
en Colombie, après la reddition négociée
– sans extradition – du principal parrain
du cartel de Medellín, d’autres événements soulignent par ailleurs la fragilité
de la paix et l’instabilité des tendances.
La dégradation de la situation au
Guatemala est inquiétante ; et bien davantage au Pérou, avec le contrôle de plus
en plus total de la Sierra et la pénétration
des guérillas dans les bidonvilles de Lima,
Le conflit a déjà coûté 23 000 morts et
18 milliards de dollars. Entre une armée
de 120 000 soldats et 5 000 guérilleros, le
pays semble pris en otage.
Quelle issue existe-t-il entre la dictature rouge promise par les extrémistes
maoïstes du « Sentier lumineux » et l’état
de guerre qu’engendrerait un retour au
pouvoir des militaires ? Quelle est la
marge de manoeuvre du président Fujimori, aux prises par ailleurs avec une
économie en plein délabrement et avec le
choléra ?
Débarquée dans le port de Chimbote, en janvier, l’épidémie s’est rapidement répandue dans tout le Pérou, touchant 200 000 personnes et provoquant
1 200 décès. Franchissant les cordons
sanitaires, elle s’étend aux États frontaliers, menaçant aujourd’hui l’ensemble de
l’Amérique latine.
Et, pourtant, médicalement, le fléau
n’est pas mortel et n’a rien d’invincible.
C’est la pauvreté qui tue. C’est l’absence
d’hygiène qui fait le lit de la contagion.
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POLITIQUE
269
Ce sont le dénuement, l’insuffisance ou
l’incompétence des pouvoirs publics
qui privent les victimes des quelques
informations d’hygiène élémentaire, des
quelques médicaments et de la simple
réhydratation qui suffiraient à les sauver.
Le choléra et la drogue suivent les
mêmes routes et la même logique de
misère. La violence, la corruption, le
racisme, la guérilla s’interpénètrent de
même, dans le cercle vicieux de l’échec
économique et social dont l’Amérique
latine n’arrive pas à sortir. La voie socialiste n’apparaît plus comme une solution :
Cuba, privée des subventions soviétiques,
s’enfonce dans le marasme et se trouve
réduite au rationnement des produits de
base. Seuls, quelques États émergent de la
décennie perdue, bénéficiant, de manière
parfois cumulative, comme le Mexique,
de trois facteurs favorables au renouveau
économique.
Le pétrole, en premier lieu, grâce à
ses cours raffermis par les événements
du Golfe, apporte un regain de devises
au Mexique, en Équateur, au Venezuela ;
grâce aux ressources de la privatisation,
en Argentine, et grâce aux nouvelles découvertes ou exploitations, en Colombie
et au Venezuela. Les politiques libérales,
en deuxième lieu, dont les résultats sont
encore hésitants au Brésil, mais déjà en
phase de réussite au Chili, au Mexique
et même en Argentine, où le président
Menem, revigoré par son bon choix dans
le Golfe, fait remporter au parti péroniste
d’importantes élections. Les intégrations
enfin, qui, en se réactivant partout, dessinent de nouveaux marchés potentiels
dans les Andes, le cône sud, les Caraïbes,
l’Amérique centrale, et surtout le Nord,
où les accords de Monterrey scellent
l’engagement du Mexique sur la voie de
l’intégration économique avec le Canada
et les États-Unis.
ALAIN VANNEPH
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
270
SOCIÉTÉ
Si l’on a pu dire en avril 1968 que la
France « s’ennuyait », on ne sait quel
euphémisme utiliser pour décrire le malaise actuel des Français. Car nul ne peut
ignorer qu’ils se sentent de plus en plus
mal dans une société qui engendre des
inégalités, qui s’inquiète de son avenir
et de son identité, qui s’interroge sur sa
capacité (ou sa détermination) à trouver
sa place dans une Europe aux contours
encore flous et aux conséquences
incertaines.
Les manifestations de ce mécontentement sont apparues tout au long de cette
année 1991. Dans la rue, où défilèrent
tour à tour paysans, infirmières, médecins et autres catégories socioprofessionnelles moins revendicatrices comme les
fonctionnaires, jusqu’aux policiers euxmêmes. Dans les médias, qui se sont
fait l’écho (parfois sans doute le détonateur) des inquiétudes et des angoisses
des banlieues ou des villes moyennes.
Dans les conversations, où perçaient un
malaise et une frustration réels, une rancune croissante tour à tour dirigée contre
les hommes politiques, les casseurs,
les faiseurs de grève, les médias ou les
immigrés.
Cette année aura été marquée dès les
premiers jours par la guerre. Une expérience nouvelle et singulière d’un conflit
à la fois éloigné et très proche, puisque
présent sur tous les écrans et raconté
minute après minute. Pour les Français,
le choc a été considérable et l’on peut
s’attendre qu’il dure longtemps. Il suffit
pour s’en convaincre d’examiner les indicateurs économiques et sociologiques.
La consommation a connu un ralentissement qui s’est prolongé bien au-delà de
la fin de la guerre. Les produits dits « de
luxe », qui avaient bénéficié d’une très
forte croissance au cours des dernières
années, ont subi de plein fouet ce changement brutal de comportement. Les
marchés de l’immobilier, de l’art ou des
actions se sont « dégonflés », entraînant
des révisions sans doute nécessaires, mais
parfois déchirantes.
L’État en accusation
Le sentiment de vide et de crainte laissé
par la guerre a renforcé le pessimisme
qui prévalait avant son déclenchement.
L’image des institutions a connu une
nouvelle dégradation, alimentée par
un climat politique désastreux, à droite
comme à gauche, un changement raté de
gouvernement et le nouvel accroissement
des ponctions sur le pouvoir d’achat. La
multiplication des « affaires » a évidemment largement contribué à cette dévaluation de l’ensemble de la classe politique, à l’exception des écologistes et des
extrémistes de droite, devenus les deux
pôles de l’idéologie contemporaine.
Il sera bien difficile aux partis de se
remettre du scandale des transfusions
sanguines car il est d’une autre nature
que les affaires habituelles : il n’est plus ici
question de gaspillage de l’argent public,
mais de la vie de milliers de personnes,
victimes de ce que l’on est tenté de qualifier d’homicide perpétré par l’État. Le
divorce est donc patent entre les citoyens
et leurs élus ; il est prononcé pour faute
grave. Les conséquences en seront visibles lors des prochaines consultations
électorales.
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SOCIÉTÉ
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Les médias décrédibilisés
La « drôle de guerre » du Golfe aura aussi
agi comme un révélateur de certains dysfonctionnements. Les Français ont pu en
particulier juger de l’importance des médias, qui ont joué un rôle sans doute aussi
déterminant que celui des avions furtifs
ou des missiles Patriot. Ils ont pu en
même temps comprendre que les médias
ne rendaient pas compte de la « réalité ».
D’abord parce que celle-ci leur était délibérément cachée par les états-majors ;
mais, aussi, d’une manière plus générale,
parce que la nature du système médiatique (férocement concurrentiel) impose
de privilégier certains aspects de la réalité
plutôt que d’autres et de les « mettre en
scène », qu’il s’agisse de couvrir les événements de Roumanie ou de faire couler
l’émotion à flots dans les émissions de
variétés et autres Téléthon. Le degré de
confiance envers la télévision ou la presse
a donc connu un mouvement de baisse
comparable à celui que connaissent toutes
les institutions publiques ou privées (à
l’exception, notable, de l’entreprise).
Sport et nationalisme
Il aura fallu attendre la fin de l’année
pour retrouver quelques raisons d’espérer. C’est avec un enthousiasme d’autant
plus fort qu’il avait été longtemps refoulé
que les Français ont salué les exploits de
quelques sportifs : d’Aboville le solitaire,
mais aussi Platini et son équipe invaincue
à l’issue des éliminatoires de l’Euro 92. Et,
surtout, Noah et sa bande, qui offraient la
Coupe Davis à la France après plus d’un
demi-siècle d’une attente toujours déçue.
Il faut cependant reconnaître que
le triomphe fait aux protagonistes de
cette belle victoire ne se situait pas seulement (pas tellement) au plan sportif.
Il récompensait le message d’espoir reçu
par des Français malheureux et frustrés
de l’insupportable absence de la France
dans le monde. La fin de l’« exception
française », qu’elle s’applique au domaine
économique, politique, sportif ou culturel, est en effet ressentie par le citoyen de
base comme un échec plutôt que comme
une opportunité.
L’épisode de la Coupe Davis, s’il traduit un retour en grâce de l’équipe par
rapport à l’individu-roi des années 80,
présente aussi un aspect moins sympathique, celui d’un risque de dérive nationaliste, attesté par l’attitude du public
pendant les matches et les commentaires
qui ont suivi. À un an de l’échéance du
Marché unique et des perspectives d’une
Europe monétaire et politique, ce risque
est évidemment à prendre au sérieux. Un
nombre croissant de Français semble en
effet confondre solidarité nationale et nationalisme lorsqu’il s’agit de répondre aux
grands défis de l’entrée dans le troisième
millénaire, oubliant que le nationalisme
justifie le populisme, sur lequel s’appuie
toute l’extrême droite européenne.
Changement de société
Même si les indices ne manquaient pas
depuis quelques années pour prédire un
retournement des attitudes, c’est incontestablement en 1991 que celui-ci s’est
produit avec le plus d’évidence. Beaucoup ont commencé à sentir, plus ou
moins confusément, ce changement de
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cap. Certains magazines ont parlé de
« la fin de la société de consommation »
(l’Express, 6 novembre) ou de « la fin des
années-frime » (le Point, 16 novembre). Il
est clair que cette année peut être considérée comme la fin d’une époque, bien
que le mouvement ait débuté depuis plus
de vingt ans, au milieu des années 60,
lorsque les Français ont pris conscience
du piège matérialiste qui leur était tendu
par la société industrielle.
Même si bien peu en sont aujourd’hui
conscients, la société est toujours portée
par cette lame de fond. Les années 70 et
la première moitié des années 80 n’auront
été en fait qu’une parenthèse, provoquée
par la crise pétrolière. Mais les revendications essentielles n’ont pas changé ;
elles se sont même renforcées au fil des
années. On peut les résumer simplement
en disant que les Français souhaitent un
« supplément d’âme », tant dans leur vie
individuelle que collective. C’est le sens
qu’il faut donner aux attentes de plus en
plus nettes d’humanisme, d’authenticité,
de fidélité, de spiritualité, que l’on voit
s’exprimer aujourd’hui.
Bien sûr, l’expression de ces besoins
est encore imprécise, souvent maladroite,
parfois dangereuse lorsqu’elle prend les
formes de l’intégrisme. En tout cas, le
temps du consensus mou et de la « softidéologie » apparaît révolu. Chacun devra
se déterminer sur les grandes questions
qui concernent son avenir et celui de la
collectivité : l’Europe, l’immigration, la
politique, le partage et la solidarité. Ces
choix sont rendus nécessaires par l’absence ou l’incapacité croissante des institutions. Ils seront difficiles et donneront
lieu à des débats d’autant plus douloureux
qu’ils ont été tardivement ouverts.
Il faut savoir que le retournement en
cours n’est rien de moins qu’un changement d’état de la société, de ses valeurs et
de sa vision du monde. Ses effets se feront
encore sentir pendant quelques années et
ce n’est pas le retour, tant attendu, de la
croissance économique en provenance
des États-Unis qui pourra éviter aux
Français de le suivre et, parfois, de le subir. Car l’économie n’est plus aujourd’hui
une cause mais une conséquence de l’état
de la psychologie collective.
L’ère moderne, parfois drôlement
baptisée « postmoderne », était née avec
l’abondance économique et le développement technique. Elle était caractérisée
par la recherche du plaisir immédiat et
la conviction que la vie pouvait (devait)
être une fête, rendue possible par l’intelligence des hommes. Elle était centrée sur
l’argent, devenu le seul étalon de mesure
de la valeur des objets et des individus.
Les dernières années ont fait voler le
rêve matérialiste en éclats. L’abondance
économique engendre l’inégalité, entre
les pays et à l’intérieur de chacun d’eux. Le
progrès technique est à l’origine des menaces qui pèsent sur la survie du monde
et la nature humaine n’a pas progressé.
La leçon a été comprise en 1991. C’est
pourquoi elle restera comme l’année du
retournement.
GÉRARD MERMET
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SOCIÉTÉ
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BANLIEUES :
L’INTIFADA ?
Pour les Français, 1991 n’aura pas été
l’année du Golfe ou de la fin de l’URSS, mais
celle des banlieues, qui se sont enflammées
dès le mois de janvier. Le feu ainsi déclaré
pourra-t-il être éteint rapidement, ou doiton redouter des explosions de plus en plus
fréquentes et violentes ?
Huit janvier 1991. Vaulx-en-Velin.
Une cinquantaine de jeunes gens harcèlent les forces de l’ordre jusque tard
dans la nuit. Ce sont les premiers incidents depuis les émeutes qui, au mois
d’octobre précédent, ont suivi la mort de
Thomas Claudio, un jeune motocycliste
heurté par un véhicule de police. Les
premiers d’une longue série. Car le feu
couve toujours au Mas-du-Taureau, ce
quartier de la région lyonnaise devenu
contre son gré le symbole du malaise
des banlieues. Un nouveau genre de rodéo – l’art de semer le désordre à bord
de voitures volées – y a fait son apparition : les chauffards prennent en chasse
des véhicules de police, forcent des barrages, percutent des vitrines de magasin
en marche arrière. Les rodéos de Vaulxen-Velin rythment ainsi le tempo d’une
jeunesse sans avenir sur laquelle se
penchent, avec une curiosité d’entomologiste, les médias, les sociologues et les
pouvoirs publics.
La cage à fauves
Trente ans après leur naissance, les grands
ensembles sont désormais un repoussoir.
Et leur mal de vivre, l’un des problèmes
majeurs de la société française. Quatre
cents quartiers à « risques » ont été officiellement recensés par l’administration.
Construites à la hâte, ces cités bétonnées
« se sont juxtaposées au tissu ancien des
centres-villes et des zones pavillonnaires
sans que la greffe n’ait jamais pris », note
une étude de l’Institut d’aménagement et
d’urbanisme de la Région Île-de-France
(IAURIF). Un tiers des grands ensembles
concernés se situe à plus de deux kilomètres du centre-ville ; la plupart sont
entourés de terrains vagues ou de zones
industrielles et coupés du reste de la commune par des voies ferrées ou des noeuds
routiers. Moins de la moitié bénéficient
d’une desserte d’autobus en soirée, alors
qu’ils se trouvent à des kilomètres des
gares.
Principales caractéristiques sociales
des quartiers en difficulté : un taux de
chômage souvent supérieur à 20 %, une
forte proportion d’immigrés, l’extrême
jeunesse des habitants dont près de 40 %
ont moins de vingt ans. Ces derniers sont
pour la plupart en situation d’échec scolaire : un jeune sur deux quitte l’école sans
un diplôme en poche. Lorsque les maux
s’accumulent, la cité se referme peu à peu
sur elle-même et menace de basculer
dans l’antimodèle : les ghettos à l’américaine. Interdits de séjour, les policiers
n’y pénètrent qu’avec réticence. Car une
petite étincelle suffit à mettre le feu aux
poudres.
La Cité des Indes – sept tours où
s’entassent 6 600 personnes –, à Sartrouville (Yvelines), s’est enflammée le
26 mars après la mort de Djemel Chettouh, un Maghrébin de dix-huit ans,
abattu d’un coup de fusil à pompe par le
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vigile d’un centre commercial à la suite
d’une altercation. Dès l’annonce de sa
mort, des centaines de jeunes affrontent
les policiers aux abords des lieux du
meurtre. Des voitures sont incendiées.
Quarante-huit heures plus tard, une
nouvelle émeute éclate, cette fois dans le
centre de la localité. Les cocktails Molotov pleuvent sur la mairie. Un magasin
de meubles est réduit en cendres. Les
CRS sont débordés par des groupes in-
contrôlés. Pris à partie par des jeunes
en colère, le maire, Laurent Wetzel, est
difficilement dégagé par les forces de
l’ordre. Bilan de cette nuit de violence :
sept blessés, dont cinq CRS et deux manifestants. Le lendemain, une marche
silencieuse à la mémoire du jeune beur
assassiné rassemble plus d’un millier de
personnes.
Soudés par le désir de vengeance, les
jeunes n’ont, disent-ils, supporté ni la
réouverture rapide du centre Euromarché qui employait le vigile ni les propos
du maire qui réclamait une intervention
plus musclée des policiers. Mais c’est
aussi le sentiment unanimement partagé
d’impasse sociale qui exacerbe leur révolte. La tension persiste durant près d’un
mois, malgré les tentatives de concertation engagées par Michel Delebarre, le
ministre de la Ville et de l’Aménagement
du territoire. Ce dernier s’engage à réhabiliter trois cents logements de la Cité des
Indes au cours de l’année, à accentuer le
soutien scolaire, à construire une salle
destinée aux jeunes et à supprimer… le
passage grillagé qui conduit de la cité au
centre commercial et qui ressemble, assure le ministre, à « une entrée de cage à
fauves ».
L’engrenage
Principal lieu de vie des cités, les centres
commerciaux attirent comme un aimant
les jeunes qui viennent y traîner leur ennui. C’est également le point de convergence des bandes. Selon une enquête de
la Direction centrale des polices urbaines
(DCPU), une moyenne de trois incidents graves se produit chaque semaine
dans les banlieues aux alentours de ces
temples de la consommation. Le rapport
recense trois types d’agressions : les razzias, les combats entre bandes rivales et
les affrontements entre les vigiles et les
jeunes des cités proches des commerces.
Les razzias visent en priorité les magasins de disques et les boutiques de prêtà-porter avec une prédilection pour les
marques prestigieuses. Le visage masqué
par des foulards, les membres des commandos passent à l’action munis de battes
de base-ball. Lorsque deux bandes se
croisent, les parvis des centres commerciaux se transforment parfois en arènes
sanglantes. Les tensions entre les agents
de sécurité des sociétés de gardiennage et
les désoeuvrés dégénèrent, elles aussi, de
plus en plus fréquemment. Mal formés,
souvent armés sans autorisation, les vigiles éprouvent des difficultés à maîtriser
leurs nerfs soumis à rude épreuve.
Aux Ulis (Essonne), trois d’entre eux
sont blessés au cours d’affrontements le
8 mai. « La ville est morte le soir. Seul le
centre commercial reste ouvert jusqu’à
22 heures. Alors on vient y traîner »,
explique, après les heurts, Abdel, vingt
ans, le visage camouflé par un foulard
palestinien. Pressé de questions, il compare Euromarché aux territoires occupés et les vigiles à l’occupant israélien.
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« Les prisons sont remplies de jeunes des
cités alors que les tueurs de beurs sont
remis en liberté », peste-t-il en rêvant à
haute voix à l’intifada, à cette guerre des
pierres menée là-bas, de l’autre côté de la
Méditerranée.
Confrontés à cette montée de la violence, les commissaires de police tirent
le signal d’alarme dès le mois d’avril.
« La loi républicaine ne s’applique plus
dans les banlieues avec la même rigueur
que dans le reste du territoire national »,
déplore leur syndicat. Les commissaires
dressent un constat d’échec d’autant plus
sévère que dans les quartiers difficiles les
« keufs » jouent le rôle de boucs émissaires. Incapable de prévenir les maladies, le corps social s’en remet aux policiers, l’une des dernières institutions avec
l’Éducation nationale à fonctionner tant
bien que mal dans les cités à la dérive.
Mais que peuvent-ils faire ? Dans la couronne parisienne, leurs effectifs diminuent comme une peau de chagrin par
le jeu des congés, des récupérations, des
horaires réduits et du travail administratif. Pour sept policiers sur le papier, on
n’en trouve qu’un sur le terrain. De plus,
leur nombre n’a pas suivi la courbe démographique ascendante de la banlieue :
si le 1er arrondissement de Paris compte
460 policiers pour 18 000 habitants, La
Courneuve (Seine-Saint-Denis) n’en a
que 98 pour 55 000 habitants.
L’engrenage de violence tant redouté
se produit à Mantes-la-Jolie, où, en trois
semaines, trois personnes trouvent la
mort. Tout commence le 24 mai par le
pillage du centre commercial du ValFourré, un quartier considéré comme
la plus grande ZUP de France. Les CRS
interviennent et procèdent à des interpellations. Parmi les jeunes ainsi emmenés
se trouve Aïssa Ihich, dix-huit ans, qui
décède quarante-huit heures plus tard
des suites d’une crise d’asthme à l’issue de
sa garde à vue.
La polémique s’engage sur la responsabilité des fonctionnaires du commissariat local. La cité est en ébullition. Et une
annexe de la mairie est attaquée par de
jeunes manifestants : l’entrée du bâtiment
municipal est défoncée par une voiture.
Dans la nuit du 8 au 9 juin, une coursepoursuite entre policiers et voyous tourne
au bain de sang. Une femme gardien de la
paix, Marie-Christine Baillet, est écrasée
par un véhicule ayant délibérément foncé
sur elle. Et une jeune Algérien, Youssef Khaïf, est abattu par un membre des
forces de l’ordre. Les syndicats de policiers
dénoncent alors l’absence de « consignes
claires » pour maintenir l’ordre dans les
quartiers difficiles.
La police est à son tour prise d’un
accès de fièvre. Plusieurs milliers de « képis » défilent en silence dans les rues du
vieux bourg, aux côtés de la population
locale. Philippe Marchand, le ministre
de l’Intérieur, est catégorique sur les origines du drame : « C’est un acte de grande
délinquance. » « Si l’on veut éviter la formation de mini-Bronx, il faut séparer les
voyous de la grande masse des jeunes
qui relèvent simplement d’autres institutions », martèle Jean-Pierre Havrin, le
secrétaire général du Syndicat des commissaires. Après avoir penché pendant de
longues années dans le sens de la prévention, le balancier des policiers semble désormais aller vers une répression « intelligente », qui leur paraît plus appropriée
à la situation.
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Le fossé se creuse
Les événements de Mantes ont, il est vrai,
désarçonné les pouvoirs publics. Ausculté, passé au crible d’un audit, le quartier
faisait l’objet d’une attention municipale
soutenue. Des sociologues avaient même
classé les jeunes en deux catégories :
« les révoltés doux qui évacuent leur
agressivité dans le rap et le tag » et « les
révoltés violents nourris à la culture de
l’intifada que le moindre incident met en
rage ». Depuis dix ans, d’importants programmes de réhabilitation des logements
du Val-Fourré avaient été entrepris. Ils
étaient complétés par l’arsenal classique
des mesures d’insertion en faveur des
étrangers, des actions sociales et des animations culturelles.
Et si le problème se situait ailleurs ?
s’interroge pour sa part Christian Jelen
dans un livre intitulé Ils feront de bons
Français. Selon lui, les événements de
Mantes-la-Jolie ou de Vaulx-en-Velin
sont liés aux soubresauts de l’intégration
en voie de réussite d’une vague d’immigrés qui produit inévitablement une
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SOCIÉTÉ
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frange de ratés. Ces ratés, ce sont les casseurs. Presque tous, on le sait, sont des
adolescents en rupture scolaire. « Nous
assistons en fait à une crise de l’autorité
parentale. De là découlent la scolarisation insuffisante, le chômage, la délinquance, la drogue et l’exclusion. Au vrai
sens du terme », conclut Jelen.
Confronté à la montée des violences,
le gouvernement annonce le 12 juin un
Plan d’urgence pour les banlieues. Il
promet de construire des équipements
sportifs et culturels et propose aux
jeunes des cités des séjours de vacances
à la campagne. La loi d’orientation pour
la Ville est adoptée dans la foulée par
l’Assemblée nationale. Son objectif : briser la logique de formation des concentrations urbaines excessives. Les futurs
logements seront répartis sur l’ensemble
des communes où le besoin existe afin
d’assurer par ce saupoudrage un métissage social. Les municipalités devront se
grouper pour élaborer des programmes
locaux d’habitat. Les ZUP, zones d’urbanisme prioritaire, sont supprimées.
Et un dispositif contraint les constructeurs privés à participer à la diversité de
l’habitat. Parallèlement, le ministère de
la Ville poursuit sa politique de réhabilitation des quatre cents cités difficiles où
sont relégués les exclus du développement économique.
On s’interroge également sur les raisons de l’échec de la politique menée au
cours des dernières années. Pourquoi les
efforts de ceux qui combattent sur le terrain le mal des grands ensembles n’ontils pas abouti ? Quelles réformes mettre
en oeuvre ? Commandé par le ministre
de la Ville, le rapport Delarue relève
qu’une « foule de gens s’occupent des
banlieues, mais dans un enchevêtrement
de compétences », d’où « une perte d’efficacité importante ». Il propose l’élection
au suffrage universel de Conseils de cité.
Mais de nouveaux nuages s’annoncent à l’horizon. Les clignotants passent
en effet au rouge dans d’autres quartiers
jusque-là épargnés, où les familles souvent étrangères se sont endettées pour
accéder à la propriété et n’arrivent plus
à entretenir les locaux. Les espaces verts
sont à l’abandon et les services sociaux
submergés de demandes d’aide qui proviennent de toutes parts. Des communautés portugaises, turques ou africaines,
toutes repliées sur elles-mêmes, se forment. Bref, un nouveau front apparaît
dans la bataille des banlieues comme si le
fossé séparant exclus et nantis, immigrés
et nationaux s’était encore creusé, traduisant ainsi à l’échelle de l’Hexagone le
fameux clivage Nord-Sud.
THIERRY OBERLÉ
Attaché au service Société du Figaro, Thierry Oberlé
est spécialisé dans les questions de banlieues.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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LE POINT SUR...
POPULATION
Stabilité de la natalité et de la fécondité ; baisse continue de la mortalité, avec
maintien de la différence élevée en faveur
des femmes ; poursuite de la légère re-
montée du nombre de mariages, amorcée
en 1987, et due à des « régularisations »
de couples déjà constitués : telles sont les
conclusions que l’on peut tirer de la « santé » de la population en 1991. Le mariage
n’est plus l’acte fondateur des unions,
mais tend à être célébré en cours de vie
commune, souvent pour des besoins
administratifs ou bancaires. Ce retard,
lié au chômage, du « calendrier » de la
constitution et de l’agrandissement des
familles, pèse sur la natalité.
Si la confiance en l’avenir se rétablit,
on verra rajeunir à nouveau les âges de la
mise en couple, du mariage et de la naissance de deux ou trois enfants successifs.
On enregistrerait alors, sans augmentation de la « descendance finale », une
hausse de la fécondité du moment, qui
pourrait retrouver le niveau symbolique
de deux enfants par femme, comme en
Suède et aux États-Unis.
Cela ne suffirait certes pas à supprimer l’écart de fécondité avec les pays
pauvres, qui tend cependant à diminuer
sérieusement, du fait de la baisse constatée un peu partout, dans le Sud-Est asiatique comme en Amérique latine, et
même dans le monde arabe et musulman.
La fécondité moyenne du monde développé et du monde en développement,
respectivement de 2,0 et de 4,4 enfants
par femme en 1980, est actuellement estimée à 1,9 et 3,9. Seule l’Afrique noire,
accablée par une situation alimentaire et
sanitaire désastreuse, reste à l’écart de ce
mouvement planétaire.
La pression migratoire, souvent reliée
aux écarts de fécondité, l’est en fait aux
conditions économiques et sociopolitiques des pays de départ et d’accueil.
Un pays du Nord, l’Union soviétique, a
ainsi perdu plusieurs centaines de milliers d’émigrants partis vers un pays du
Sud, Israël, pour d’autres raisons que des
différences inexistantes de fécondité. La
possibilité de mouvements analogues, de
l’Est vers l’Ouest de l’Europe, examinée
par le Congrès européen de démographie
de Paris (23-27 octobre), et rendue crédible par les boat-people albanais expulsés d’Italie, est devenue, bon gré mal gré,
un élément du marchandage économicopolitique sur les formes, l’importance et
la répartition de l’aide occidentale, sollicitée de tous côtés, Est et Sud.
En France, toute idée d’ouverture
des frontières aux marchandises et aux
hommes se heurte à un protectionnisme
frileux qui trouve argument dans le niveau très élevé du chômage. Les résultats
du recensement de 1990, publiés en juin,
ont fait état de 2 733 000 chômeurs, 31 %
de plus qu’en 1982. Les départements
frontaliers d’industries mécaniques, de la
Savoie à la Franche-Comté et à l’Alsace,
ont mieux tiré leur épingle du jeu que
ceux du Nord et de la Lorraine, en cours
de reconversion, et que le Midi viticole,
désorienté entre les activités de matière
grise et le « boom » du béton. Mais le chômage et l’emploi n’ont pas forcément des
évolutions opposées : là où se créent des
emplois se crée aussi de la demande d’emploi, qui peut excéder l’offre. En Seine-etdownloadModeText.vue.download 281 sur 490
SOCIÉTÉ
279
Marne, les chantiers d’Euro-Disneyland
et de l’Est parisien ont attiré du monde,
créé des emplois... et du chômage.
Une profonde réforme fiscale, qui
abaisserait à la fois le seuil de l’imposition
directe et le niveau des cotisations sur
salaire, pourrait relancer l’embauche de
personnel peu qualifié, et, à terme, la nuptialité et la natalité. Michel Rocard l’avait
engagée, avec le « déplafonnement » de
la cotisation d’allocations familiales et
la création de la CSG (cotisation sociale
généralisée). Mais il a été remercié, après
trois ans de contraintes intérieures et extérieures, sans avoir pu la mener à bien ni
su l’expliquer aux Français.
Une grande politique de la population impliquerait redéploiement du prélèvement fiscal et social, adaptation de
la laïcité républicaine au cas musulman,
et aménagement du territoire grâce aux
moyens modernes de communication.
MICHEL LOUIS LÉVY
RELIGIONS
Église catholique
Au cours de L’année, le pape rend publiques deux encycliques. Avec Redemp-
toris missio (22 janvier), Jean-Paul II attire
l’attention des catholiques sur « la valeur
permanente du précepte missionnaire »
dans l’Église, celle-ci étant non seulement le « sacrement de salut pour toute
l’humanité », mais l’institution chargée,
en priorité, de lutter contre « la tentation
de réduire le christianisme à une sagesse
purement humaine, en quelque sorte une
science pour bien vivre ».
L’encyclique Centesimus annus
(15 mai) est publiée cent ans, jour pour
jour, après Rerum novarum de Léon XIII
sur la condition des ouvriers. Dépassant cette question, Jean-Paul II se livre
à une synthèse du problème social tel
qu’il se pose aujourd’hui, dans sa diversité complexe et sa dimension internationale. Tout en se félicitant de l’échec
du « socialisme réel » (le marxisme-léninisme), notamment en Europe orientale
et centrale, le pape désigne les tares du
capitalisme libéral, qui a constamment
tendance à déraper aux dépens des principes éthiques qui sauvegardent la vocation transcendante de l’homme. Quant à
l’Église, elle n’a pas de modèle à proposer à la société bouleversée de la fin du
XXe siècle, mais une orientation intellectuelle indispensable qui permette aux
hommes responsables de construire des
systèmes efficaces adaptés aux situations
géographiques et historiques.
Cet enseignement, Jean-Paul II le
dispense au cours de quatre nouveaux
voyages. Le 10 mai, il entame à Lisbonne
sa seconde visite au Portugal. La principale étape de ce périple – qui le conduit
aux Açores et à Madère – est Fatima,
centre de pèlerinage marial de rayonnement international où, en mai 1917, trois
enfants reçurent de la Vierge, qui leur
apparut, trois secrets relatifs au sort du
monde contemporain.
Du 1er au 9 juin, Jean-Paul II rencontre chez eux, pour la quatrième fois,
ses compatriotes polonais. C’est la Pologne de Lech Walesa, du postcommunisme, en proie aux difficultés nouvelles
d’une formidable mutation politique,
économique, sociale et culturelle. Dans
ses interventions publiques, le pape met
l’accent sur la nécessité d’une régénération morale non seulement de la Pologne, mais de toute l’Europe, menacée
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par les effets pervers du libéralisme et de
l’hédonisme.
Cet appel général à la reconstruction
d’une Europe chrétienne – en fait catholique –, le souverain pontife le lance le
15 août d’une manière plus solennelle et
plus médiatique à un million déjeunes
venus de partout – y compris d’URSS –
rassemblés à Czestochova, haut lieu du
culte marial et du catholicisme polonais.
De là, le pape gagne la Hongrie où, du 16
au 20 août, il parcourt un pays désorienté
par quarante ans de communisme. Tout
en se portant garant de la liberté, le pape
demande aux Hongrois de considérer
l’Église comme un centre non de pouvoir,
mais de service. Dans le même temps, il
appelle les hommes au respect des minorités, et plaide pour l’indépendance de la
Croatie.
Lorsque, le 14 octobre, Jean-Paul II
amorce un nouveau séjour au Brésil – il
durera dix jours –, il sait qu’il va trouver
une Église déchirée entre les éléments
conservateurs et un clergé engagé aux
côtés d’une population sur qui pèsent
toujours aussi lourdement la pauvreté et
le joug des oligarchies.
Après le décès, le 25 mars, à Martigny,
près d’Écône (Suisse), de Mgr Marcel
Lefebvre, principale personnalité du plus
fort courant traditionaliste – dit « intégriste » –, qui ne s’était pas réconcilié avec
Rome, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie
X, qu’il a fondée, et qui a pour supérieur
général l’abbé Franz Schmidberger, revendique 4 (puis 5) évêques, 239 prêtres
et 230 séminaristes.
OEcuménisme
Depuis l’effondrement du communisme en URSS et le vote, dans ce pays,
de la loi sur la liberté religieuse, le dialogue entre catholiques et orthodoxes est
paralysé par la résurgence de la question
des uniates, intégrés malgré eux à l’orthodoxie, et par le réveil de la très ancienne
crainte d’une reconquête, par l’Église catholique, des territoires chrétiens qui, au
cours de l’histoire, ont échappé à l’autorité de Rome.
Les obstacles au développement de
l’oecuménisme se manifestent également
lors de la 7e Assemblée oecuménique
mondiale du Conseil des Églises chrétiennes qui, du 7 au 20 février, à Canberra, réunit 826 délégués représentant
317 Églises orthodoxes et protestantes.
C’est que, au sein des Églises du tiersmonde, se fortifie un courant favorable
à une théologie « contextuelle » qui leur
permettrait d’interpréter l’Évangile à travers leurs habitudes culturelles.
Islam
Contrairement aux prévisions pessimistes, la guerre du Golfe, loin de rompre
les liens entre les trois grandes religions
monothéistes, aide à renforcer le dialogue
interreligieux. En de multiples endroits –
à commencer par Rome, où l’on craint
que la « Pax americana » ne provoque
une cassure Occident-Orient –, des cérémonies de prières rassemblent chrétiens,
juifs et musulmans.
Judaïsme
Les premières assises nationales du
judaïsme laïque et humaniste se tiennent
à Paris les 6 et 7 avril. Les congressistes
entendent réagir contre le repli religieux
qu’ils perçoivent au sein de la communauté juive. Le 5 mai, Jean Kahn est élu
à la tête du Congrès juif européen, créé
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en 1986 et affilié au Congrès juif mondial.
PIERRE PIERRARD
JUSTICE
« 1991, année de la justice » avait promis
M. Michel Rocard en février 1990. Les
faits auront bien démenti les propos du
Premier ministre du moment. La chancellerie n’a pas échappé aux conséquences
budgétaires de la « guerre du Golfe » : sa
dotation, qui ne répondait déjà pas aux
attentes des professionnels, a renoué avec
une vieille tradition de pénurie. Au sur-
plus, au 30 juin, on attendait encore le
déblocage par le ministère du Budget des
crédits d’investissements préservés.
Avec 19 milliards de francs (60 %
du budget des Anciens Combattants),
le budget de la Justice ne progressera en
1992 que de 4,8 %. D’évidence, cette augmentation ne permettra pas de restaurer
l’autorité judiciaire compte tenu de son
état de délabrement. D’ores et déjà, avec
seulement dix nouveaux emplois de magistrats et cent de greffiers, soit un demiposte par juridiction..., l’objectif du programme pluriannuel d’équipement n’est
pas respecté. Comment ainsi « réduire
les délais de jugement » et « améliorer
l’accueil du justiciable », comme l’avait
annoncé le gouvernement ?
De la timidité…
Le rapport de la commission de
contrôle du Sénat, rendu public le
11 juin, dénonce clairement « l’abandon »
de l’institution judiciaire par le pouvoir
exécutif. Diagnostic impartial d’un organisme asphyxié, il propose un ensemble
cohérent de solutions : accroissement des
moyens, réforme du Conseil supérieur de
la magistrature (CSM), redéfinition du
champ d’intervention du magistrat, rattachement de la police judiciaire à la Chancellerie... Le garde des Sceaux, Henri Nallet, et son ministre délégué, Michel Sapin,
en retiennent une réforme particulière, la
départementalisation. Ils en font le support d’un « ambitieux plan de modernisation de l’institution judiciaire » adopté
le 12 juin par le Conseil des ministres.
Sans réformer la carte judiciaire française, le projet entend créer un tribunal
départemental avec trois objectifs : renforcer l’autorité de l’institution judiciaire
vis-à-vis de ses interlocuteurs – élus
locaux et administrations d’État ou décentralisées – ; permettre aux parquets
d’exercer l’action publique dans de meilleures conditions ; enfin, fournir « un
cadre efficace à la gestion déconcentrée
des moyens de la justice. »
Les trois organisations professionnelles de magistrats (APM, USM et
SM) s’inquiètent alors unanimement de
la « préfectoralisation » de la Justice. À
leurs yeux, la réforme renforcera d’autant
moins l’autorité judiciaire face au repré-
sentant du gouvernement dans le département qu’au même moment, la départementalisation de la police viendra faciliter
l’emprise de l’administration sur les services de la police judiciaire. La journée de
concertation organisée le 25 octobre par
la Chancellerie se heurte donc au boycottage de ces trois organisations.
Si M. Nallet a rencontré un accueil
favorable de la part des professionnels
avec sa réforme de l’aide légale – devenue la loi du 10 juillet 1991 –, qui élargit
notablement le nombre de foyers fiscaux
auxquels l’aide sera accessible, il n’a guère
convaincu avec ses projets réformateurs
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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présentés en Conseil des ministres le
10 avril. Leur timidité ayant déçu de
nombreux magistrats, l’Association professionnelle et le Syndicat de la magistrature se sont entendus pour appeler à une
journée d’action le 16 mai.
La rénovation du statut des magistrats porte sur le recrutement, voulu plus
large, par le biais d’un troisième concours
d’accès à l’ENM et le développement des
« passerelles » entre le corps judiciaire et
la fonction publique. Quant à l’organisation de la carrière, le projet supprime
partiellement la liaison entre le grade
et la fonction et remplace la notation
des magistrats par une « évaluation ». Il
remet la désignation de leurs représentants à la commission d’avancement aux
magistrats eux-mêmes.
Le second avant-projet de loi organique porte sur le Conseil supérieur de
la magistrature. Sa composition reste
inchangée ; ses pouvoirs en matière de
nomination sont modifiés par l’octroi de
l’avis conforme, au lieu et place de l’avis
simple, et par quelques mesures accessoires. Lors de ses états généraux consacrés le 22 mai à la Justice, l’opposition
réplique en présentant un programme
ambitieux de réformes constitutionnelles
pour assurer à l’autorité judiciaire une
indépendance « complète et effective ».
...à la morosité
C’est aussi la volonté proclamée par
M. Nallet, alors ministre du cabinet Rocard, en annonçant ses projets en avril.
Mais l’opinion ne retient que les vives
turbulences politiques déclenchées à ce
moment par l’ « affaire Jean-Pierre » et
qui malmènent en premier lieu le garde
des Sceaux. Le dessaisissement de ce juge
d’instruction manceau du dossier Urbatechnic, opéré à la demande de la Chancellerie par le président de son tribunal
dans des conditions inhabituelles, ravive
le malaise de l’institution judiciaire et
confirme fâcheusement le sentiment public d’une intrusion du politique dans la
sphère du judiciaire. M. Nicot, président
du SM, commente : « On ne veut pas que
cette instruction continue dans cette direction. On essaie de tout étouffer ». Son
organisation, rejointe par l’APM et mollement soutenue par l’USM, se décide aussitôt à organiser le 16 mai une nouvelle
démonstration de mécontentement, la
quatrième en moins d’un an.
Sans le recours à la grève ou aux manifestations, cette « journée de débats »
avec les justiciables lancée par les seuls
magistrats révèle la morosité et le découragement qui règnent dans les palais
de justice après la forte mobilisation de
l’automne 1990. M. Joubrel, président de
l’USM, déclare : « Après un an et demi de
promesses, il ne nous reste que nos yeux
pour pleurer ».
Les Français s’émeuvent de l’état de
leur justice. Pour 60 % d’entre eux, l’institution judiciaire doit être réformée
en priorité. 97 % la jugent trop lente,
85 % difficile d’accès et 84 % trop chère.
Pourtant, jamais ils n’ont tant apprécié
le « spectacle judiciaire » à la télévision.
TF1 programme quotidiennement Tribunal, Antenne 2 Défendez-vous ; les séries
américaines comme La loi de Los Angeles
font recette. La série documentaire de
D. Karlin : Justice en France débute par
une grande première : le suivi télévisé
d’une affaire criminelle, de la garde à vue
à la sentence de condamnation.
HERVÉ ROBERT
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VIE JUDICIAIRE
Deux femmes dominent l’année judiciaire, deux tempéraments opposés,
deux attitudes contraires dans le prétoire, deux histoires, mais un même
avocat, Me Garaud. La cour d’assises de
Meurthe-et-Moselle connaît pendant six
semaines de l’affaire Simone Weber, accusée de l’empoisonnement de son mari
Marcel Fixard et de l’assassinat de son
amant Bernard Hettier. L’instruction,
poursuivie pendant cinq ans, n’a pas
permis de rassembler de réelles preuves
matérielles, mais un puissant faisceau
de présomptions. La « bonne dame de
Nancy » pour les uns, « la diabolique »
pour les autres a donné bien du mal à
l’opiniâtre juge Thiel. Devant les assises,
elle trouble, amuse, parfois horrifie par
son langage, son aplomb et son énergie. La cour la condamne à 20 ans de
réclusion criminelle pour le meurtre de
Bernard Hettier commis le 22 juin 1985,
et l’acquitte pour l’empoisonnement de
Marcel Fixard.
Bécassine ou Thénardier ?
Joëlle Pesnel n’est pas douée du tempérament de Mme Weber. Tout au long
de son procès devant les assises du Var,
accusée de la séquestration de Suzanne
de Canson, elle demeure dans une réserve gauche, semblant acquiescer aux
griefs qu’on lui oppose. Durant les trois
semaines d’audience, on oublie presque
les coaccusés pour reprendre point par
point l’examen des conditions de la vente
aux Musées nationaux du Gentilhomme
sévillan de Murillo. Le magistrat instructeur Bernard voit dans cette affaire un
« scandale culturel » ; la presse le suit.
Inculpés à grand bruit, Me Lombard
et Pierre Rosenberg, conservateur au
Louvre, bénéficient rapidement d’un
non-lieu. Entendus à la barre, ils justifient leur rôle dans l’acquisition par
l’État du chef d’oeuvre de l’école espagnole. Me Garaud s’appuie sur l’artificielle importance donnée à l’affaire pour
réclamer qu’on voie en sa cliente « plutôt
une Bécassine mythomane et rêveuse
qu’une Thénardier ». À l’issue d’un délibéré de 12 heures, la Cour condamne
Joëlle Pesnel à 13 ans de réclusion et
Robert Boissonnet, son conseil, à 4 ans
d’emprisonnement pour non-assistance
à personne en danger et faux en écriture
privée. Dominique Lafarge, un comparse, est acquitté.
Le procès de Pascale Turin, ancienne amie de Max Frérot, devant
la cour d’assises spéciales du Rhône,
met un terme judiciaire au démantèlement de la branche lyonnaise d’Action
directe. Une trop récente maternité lui
avait interdit de comparaître avec ses
19 coïnculpés en mai-juin 1989. Le verdict du 18 février (24 mois d’emprisonnement dont 18 avec sursis) sanctionne
modérément une comparse qui, depuis,
fuit son passé.
Après cassation d’un premier arrêt de
condamnation, Pascal Le Gac est rejugé
par la cour d’assises de l’Isère. Le dossier
est exemplaire des limites judiciaires de
l’analyse de la personnalité. Rien – ni les
interrogatoires ni les expertises psychiatriques – n’a pu percer l’enchaînement
criminel qui conduit un homme sans
histoire à une délinquance d’habitude de
plus en plus violente, jusqu’à l’assassinat.
À Toulouse, le procès des quatre
jeunes parachutistes engagés, violeurs et
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
284
meurtriers de leurs trois victimes, est le
théâtre d’une passionnante analyse de la
dynamique criminelle du groupuscule
qui déchaîne les passions destructrices
d’individualités frustes, lisses, passives. La seule explication donnée par
les coaccusés mérite réflexion : « On a
disjoncté. »
HERVÉ ROBERT
ENSEIGNEMENT
Le gouvernement et sa majorité ont de
l’enseignement une conception quantitative. Porter 80 % d’une classe d’âge au
niveau du baccalauréat en l’an 2000 reste
leur objectif principal, objectif qu’ils
pensent atteindre en instituant le corps
unique d’enseignants de la maternelle à
l’université dont avaient rêvé, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
les auteurs du plan Lange-vin-Wallon de
1947. En bondissant de plus de 51 % en
1990 à plus de 60 % en 1991, le nombre
des candidats (571 039) au premier grade
de l’enseignement supérieur semble
conforter leurs espérances. En 1991,
les heureux élus ne représentent pourtant que 48,1 % d’une classe d’âge et, de
l’aveu des examinateurs, ne doivent leurs
succès qu’à l’indulgence des jurys dont
les exigences qualitatives sont tempérées par les instructions ministérielles et
administratives.
Les organisations de parents d’élèves
n’échappent pas à la crise, à commencer
par la plus importante d’entre elles, la Fédération des conseils de parents d’élèves,
dont la perte d’audience (un million
d’adhérents en 1981 ; 400 000 environ en
1991) a contribué à l’échec de son plan
d’assurance scolaire.
Une extrême politisation
Proche du parti socialiste et, comme
lui, victime de la désaffection de ses militants, dont le nombre (351 637) est en
baisse constante depuis 1978 (550 000), la
FEN est, à cette date, en plein marasme.
Cette situation a été engendrée par la décision de son bureau exécutif de démissionner le 10 juin son secrétaire général,
Yannick Simbron, contre lequel celui du
SNI-PEGC, Jean-Claude Barbarant, formulait de nombreux griefs.
Ces querelles ne font que traduire la
politisation extrême des organisations
censées défendre les intérêts des enseignants face au pouvoir d’État et face à
ces consommateurs de savoir que sont
les élèves et... leurs parents, dans l’enseignement primaire et dans l’enseignement
secondaire tout au moins. Bridés dans
leur liberté d’expression et d’action par
des instructions ministérielles particulièrement contraignantes sur le plan pédagogique, privés de leur pouvoir d’orientation au profit du chef d’établissement, des
parents d’élèves et des lycéens présents
au conseil de classe, obligés d’accepter le
passage dans la classe supérieure d’analphabètes, trop souvent insultés, parfois
même agressés physiquement par de
jeunes marginaux inscrits dans leur classe
ou venus de l’extérieur de l’établissement,
contraints pendant de nombreuses années à l’errance généralement solitaire
des titulaires académiques, méprisés
par une société qui juge leur valeur à la
minceur de leur chéquier, les enseignants
s’épuisent à mettre en application chaque
année un nouveau programme ou une
nouvelle réforme. Travail de Sisyphe qui
explique les démissions, les dépressions
nerveuses, l’absentéisme...
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SOCIÉTÉ
285
Ainsi s’aggrave la crise du recrutement en ce début de décennie où se
conjuguent les effets de l’arrivée massive
de nouveaux lycéens et la mise à la retraite des promotions magistrales des années cinquante. Susciter dans ces conditions 130 000 vocations d’instituteurs et
160 000 de professeurs avant l’an 2000
paraît une gageure. À court terme, l’appel
à 40 000 maîtres auxiliaires embauchés
sans condition de diplôme ni même de
nationalité ne peut être qu’un palliatif. À
plus long terme, le ministère croit trouver
la solution miracle dans la mise en place
des IUFM (Instituts universitaires de
formation des maîtres) le 1er septembre
1991, malgré l’échec patent des établissements dits expérimentaux ouverts à Lille,
à Reims et à Grenoble durant l’année scolaire 90-91.
Inquiets et mécontents
Visant à détendre les rapports entre
enseignants et enseignés en transformant
les premiers en animateurs chargés de
guider les seconds dans la construction
de leur savoir, la pédagogie des spécialistes des « sciences de l’éducation » ne
parvient même pas à apaiser les tensions
entre futurs instituteurs et futurs professeurs. La puérilité de certains jeux éducatifs fait sourire les stagiaires, quand
elle ne les scandalise pas. La qualité discutable des nombreux intervenants les
inquiète. La faible importance accordée
au contenu scientifique de l’enseignement les déconcerte, tout en mécontentant les professeurs de l’enseignement
supérieur par-delà les clivages politiques
et syndicaux.
La réforme de l’enseignement primaire mise en pratique à la même date
ne suscite guère l’adhésion des nouveaux
professeurs d’école, d’autant plus que
la possibilité d’allonger ou de réduire
d’un an la durée de l’un des trois cycles
mis en place en fonction du niveau des
élèves, ne peut qu’accroître l’hétérogénéité des classes et alourdir la tâche des
enseignants.
Les méfaits de l’idéologie
Il est vrai que l’hétérogénéité des
élèves, conçue comme antidote de l’élitisme traditionnel de l’enseignement
français, est la pierre angulaire de la
réforme des lycées annoncée par Lionel
Jospin dans sa conférence de presse du
25 juin 1991. Brisant le monopole de la
série « C » pour répartir les élèves dans
trois séries très larges (L : littérature ; ES :
économique et social ; STI : sciences et
techniques), la réforme regroupe les disciplines scolaires en trois enseignements
distincts : celui des « matières communes », celui des « matières à modules »
choisies parmi les disciplines dominantes,
celui des « matières optionnelles ».
En lui donnant comme finalité de
répondre aux « exigences sociales et
économiques » du pays, Lionel Jospin assigne à la réforme des lycées une
mission socio-économique qui ne peut
être parfaite que par la mise en oeuvre
consécutive d’une réforme également
antiélitiste des collèges. En demandant le
13 novembre au corps enseignant de ces
derniers de mettre en conformité « leurs
pratiques quotidiennes... avec le projet de
société » auquel renvoient les finalités du
système éducatif, le Conseil national des
programmes (CNP) cèle mal le caractère
ambigu d’une réforme du premier cycle
du second degré dont le manteau pédadownloadModeText.vue.download 288 sur 490
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286
gogique recouvre pour certains un contenu politique.
En fait, toutes ces réformes s’insèrent
dans « le cadre idéologique de la gauche »,
comme le soulignent les critiques, à peine
voilées, du ministre de l’Éducation nationale contre le pragmatisme dont, fait
preuve le Premier ministre, Édith Cresson, en constatant le 26 mai que tous les
jeunes d’une classe d’âge n’ont pas voca-
tion à suivre des études secondaires et
tireraient sans doute davantage de profits d’un apprentissage réalisé au sein des
entreprises. Et il en est de même des critiques que formule la FEN contre la décision de Lionel Jospin d’insérer dans la loi
de finances rectificative de 1991 un crédit de 300 millions de francs à valoir sur
une somme forfaitaire de 1,8 milliard de
francs en remplacement des 5 milliards
dus depuis 1982 à l’enseignement libre,
qui trouve ce prétendu « cadeau » naturellement insuffisant.
Avec de tels rebonds politiques, la
crise de l’Éducation nationale en France
ne semble pas près d’être résolue et l’avenir des enseignants et des enseignés loin
d’être assuré.
PIERRE THIBAULT
PRESSE
En France, la presse a traversé l’année et
la guerre du Golfe avec beaucoup de difficultés. Elle a dû faire face en même temps
à une crise morale et à une crise financière. Comme à l’étranger, la crise morale
a revêtu une triple dimension : elle a été
à la fois déontologique, philosophique et
structurelle.
Du point de vue de l’exercice de la
fonction journalistique, l’encadrement
très strict auquel la presse a été soumise
de la part des armées alliées opérant dans
le Golfe a été durement ressenti. Au cours
des conflits précédents, jamais les militaires n’avaient contrôlé aussi étroitement
les journalistes, qui ont eu souvent le sentiment d’être réduits au rôle de simple auxiliaires de leur propagande. Une impression qui a été renforcée, notamment pour
les gens de la presse écrite, par l’omniprésence de la télévision, et tout particulièrement par celle de la chaîne américaine
CNN. L’impact permanent des images,
souvent mises en scène, sinon manipulées, a été si puissant que les responsables
politiques comme les journalistes ont été
parfois inconsciemment amenés à confirmer, sans enquête sur le terrain, ce que
montrait le petit écran.
De sérieux problèmes
De nombreux analystes se sont alors
penchés sur le devenir de l’information.
Les plus optimistes ont cru apercevoir
le commencement d’une période salutaire d’« auto-interrogation » de la presse.
D’autres ont observé que, jusqu’à présent,
on avait seulement cherché à diminuer
le temps écoulé entre la survenance de
l’événement et la délivrance de l’information, et qu’il importait désormais que les
journalistes – de la presse écrite surtout
– apprennent à réintroduire de la distanciation entre les faits et leur traitement
par les médias.
Comme les autres secteurs d’activité,
et peut-être encore davantage, la presse a
subi de plein fouet les effets des langueurs
de l’économie. D’une année à l’autre, la
diffusion de la presse nationale se tasse
(– 1,9 % en 1990) ; mais celle des magazines, jusqu’alors plus solide, également.
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SOCIÉTÉ
287
Ces difficultés sont aggravées par la décrue des ressources publicitaires qui, globalement, ont baissé de près de 5 %. Cette
crise est d’autant plus vivement ressentie
qu’en cinq ans la part de la diffusion dans
les revenus des journaux est passée de
57 % à 51 % pour la presse nationale et
de 60 % à 55 % pour la presse régionale.
La mort, pour le moins mystérieuse,
de Robert Maxwell est à cet égard exemplaire des sérieux problèmes que la presse
écrite rencontre dans le monde entier.
Noyé, accidentellement ou non, au large
des Canaries, le 5 novembre, le magnat
britannique laisse en effet un endettement global d’une trentaine de milliards
de francs.
JULES CHANCEL
AUDIOVISUEL
L’organisation du paysage audiovisuel
français, tel qu’il a été mis en place par
l’ensemble des textes législatifs et réglementaires promulgués depuis 1986 (loi
du 30 septembre 1986 modifiée le 27 décembre 1986 ; lois du 17 janvier 1989 et du
4 août 1989), continue de faire l’objet de
critiques et de polémiques, en particulier
de la part des responsables des chaînes
privées. Deux points sont au coeur des
débats : cinq chaînes hertziennes généralistes peuvent-elles cohabiter sur le marché français ? Quel est l’avenir du secteur
public de l’audiovisuel, et en particulier
de deux sociétés de programmes A2 et
FR3 ?
Les opérateurs privés contestent vigoureusement la réglementation actuelle
sur deux points : les quotas de diffusion
(décret de janvier 1990) qui les obligent à
diffuser un certain pourcentage d’oeuvres
originales françaises et européennes aux
heures de grande écoute (à ce sujet, la
mise en conformité de la réglementation
française avec la directive européenne
sur la télévision sans frontières aboutira
à une diminution des quotas imposés et
à un assouplissement des définitions des
diverses catégories d’oeuvres concernées
en 1992) ; l’impossibilité dans laquelle ils
sont d’introduire une seconde coupure
publicitaire lors de la diffusion de longs
métrages. En point d’orgue, ils attaquent
violemment le Conseil supérieur de
l’audiovisuel en contestant sa neutralité
politique et, s’offusquent de la manière
dont l’État subventionne les télévisions
publiques.
Sur le plan économique, en effet, la
situation des chaînes est précaire. Seule
Canal +, la chaîne cryptée à péage, a des
résultats positifs et connaît une expansion
régulière : avec plus de 3 millions d’abonnés, un taux de réabonnement supérieur
à 90 % (160 francs l’abonnement mensuel), une part d’audience proche de 5 %,
elle a réalisé, en 1990, un chiffre d’affaires
de 6 milliards de francs et un bénéfice net
de 910 millions de francs.
TF1 est la première chaîne en part
d’audience (41,9 %), précédant successivement A2 (22,1 %), La Cinq (11,7 %),
FR3 (11 %) et M6 (7,3 %). Si elle réalise
un chiffre d’affaires de 5,7 milliards, son
bénéfice net (280 millions de francs) ne
lui permet pas un provisionnement suffisant pour diminuer son endettement.
Quant aux quatre autres chaînes, elles
enregistrent des pertes importantes, en
particulier A2 et La Cinq.
Cette dernière, reprise par le groupe
Hachette en octobre 1990, avait stabilisé sa troisième place mais, très éloignée
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
288
d’une perspective d’équilibre budgétaire
à court terme (plus de 1,1 milliard de
francs de pertes prévues pour 1991), a finalement dû présenter son dépôt de bilan
le 31 décembre après avoir déjà annoncé
le 17 près de 600 licenciements sur un
total de 820 employés.
Une grave crise de crédibilité
La position des chaînes publiques
est également dramatique : presque
800 millions de pertes pour A2 et plus
de 100 pour FR3. Une gestion erratique,
l’absence d’une politique claire pour
le secteur public, l’accroissement des
coûts de production des programmes et
l’essoufflement du marché publicitaire
expliquent la situation catastrophique
d’A2 et de FR3, régulièrement décrite
et dénoncée par le sénateur Jean Cluzel
dans ses deux rapports annuels.
Le nouveau « superprésident », Hervé
Bourges, nommé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel le 19 décembre
1990 en remplacement de Philippe Guilhaume, démissionnaire, doit faire face à
une situation très tendue dans les deux
sociétés : découragement des personnels,
rumeurs contradictoires, grèves... Il propose un plan de restructuration qui prévoit quelque 900 suppressions d’emplois
dans l’ensemble des deux sociétés, mais
obtient également du gouvernement une
« rallonge » budgétaire pour éponger une
partie du déficit et financer de nouvelles
productions. L’augmentation de la redevance (qui n’assure que 40 % des recettes
d’A2 mais 80 % de celles de FR3) ne serait
qu’un pis-aller, car, comme nous l’avons
déjà indiqué, le marché publicitaire français connaît une stagnation depuis deux
ans, et la guerre du Golfe, au printemps
1991, a encore ralenti l’activité de ce
secteur.
Enfin, la télévision dans son ensemble
a subi une grave crise de crédibilité dans
la manière dont elle a, toutes chaînes
confondues, rendu compte du conflit
américano-irakien. Les journalistes ont
très mal vécu les conditions faites aux
professionnels de l’information sur le
terrain par les autorités militaires et, en
même temps, l’opinion publique et certains journalistes, en particulier de presse
écrite et de radio, ont été sensibles à certains dérapages liés à une « spectacularisation » parfois indécente de l’information sur la guerre.
Intervenant après des dysfonctionnements identiques révélés à l’occasion
de la « révolution » roumaine de la fin de
l’année 1990, ces événements relancent,
au-delà de la question de la crédibilité
de l’information télévisée, celle de la réflexion sur l’éthique professionnelle et
le respect d’une déontologie clairement
énoncée.
CHRISTINE LETEINTURIER
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SOCIÉTÉ
289
SERVICE PUBLIC :
LES AVATARS
DE LA CRISE
La crise actuelle du service public est à la
fois structurelle, institutionnelle, culturelle,
sociale et économique ; mais elle traduit
également les difficultés que rencontre la
société française pour évoluer dans une
perspective européenne.
Dans le secteur public, le désarroi est
profond. Sentiment de paupérisation, diminution de la valorisation sociale tirée
du travail effectué, récurrence du discours
antiétatique, accusations d’immobilisme,
de paresse, voire d’incompétence, difficultés de plus en plus grandes à assumer
cette fonction de repoussoir, extension
à l’administration de la contestation des
institutions : depuis la longue grève de
l’automne 1989, qui avait été suivie par
les fonctionnaires des impôts, la déprime
s’est installée chez de nombreux agents
de la fonction publique. Aujourd’hui, le
malaise dépasse les revendications purement corporatistes des catégories les plus
« remuantes » : infirmières, assistantes
sociales, enseignants, personnels des
transports publics, etc.
Des méthodes archaïques
L’accentuation du décalage entre le public et le privé est sans doute l’un des
premiers facteurs explicatifs de la crise.
Salaires, déroulement des carrières, mobilité, poids de la hiérarchie, rigidité des
structures, résistance à l’innovation sont
régulièrement dénoncés, moins par les
syndicats que par les « coordinations »
qui se multiplient, car les premiers ne
semblent plus capables d’avancer des
propositions qui tiennent réellement
compte des aspirations des personnels
qu’ils représentent. Position fonctionnelle et hiérarchique et salaires correspondent de moins en moins aux aspirations ou au niveau de compétence et
de responsabilité des salariés, cela étant
particulièrement vrai pour les catégories intermédiaires (catégorie B : instituteurs, infirmières, assistantes sociales,
mais également majorité des agents des
services fiscaux et des personnels des
administrations centrales).
Dans le débat sur la revalorisation
des salaires (rappelons que le salaire
minimum de la fonction publique est
inférieur au SMIC), il s’agit moins de
discuter du montant du salaire de base
que de sa progressivité : en effet, dans la
fonction publique, le système de l’avancement, qui repose sur des structures
paritaires (administrations, représentants syndicaux des personnels), n’aboutit, le plus souvent, à valoriser que la
seule ancienneté, sans tenir compte ni
des mérites personnels de l’agent, ni de
la valeur de son activité, ni de l’accroissement de sa compétence lié à l’expérience acquise, aux formations suivies
ou aux diplômes obtenus depuis l’entrée
en fonction, ni de l’augmentation de la
charge de travail liée à la mise en place
de nouvelles structures.
Le secteur public regroupe des actifs
plus diplômés que le privé, mais nettement moins bien payés (revenu annuel
par ménage : 160 953 F pour les cadres du
public contre 210 171 F pour les cadres
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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du privé en 1984), plus jeunes et majo-
ritairement féminins. Mais la fonction
publique souffre également de l’absence
d’intégration – dans son fonctionnement comme dans les grilles d’évaluation de ses salariés ou de ses structures
mêmes – d’outils largement utilisés dans
le privé (politique de communication
interne, formation professionnelle continue, cercles de qualité) qui permettent
l’expression et l’information des salariés,
et suscitent leur participation. Bref, les
outils modernes de gestion et d’incitation n’ont pas encore pénétré dans l’administration. Ainsi l’enseignement a-t-il
été victime d’une absence de prévision
pertinente de la croissance des besoins :
une mauvaise appréhension des conséquences de la politique de massification
qui, après avoir atteint les lycées (crises
de 1987 et de 1989), pourrait bientôt toucher les universités, dont les effectifs, déjà
pléthoriques il y a cinq ans, poursuivent
leur croissance.
Le moral et la morale
Cette prégnance inconsciente et largement médiatisée de la valeur du privé
comme modèle organisationnel de référence pour la société dans son ensemble
trouble la vision que les agents de la fonction publique ont d’eux-mêmes. Ils ont
progressivement perdu le sentiment de
la valeur de leur mission (« Servir l’État,
servir l’intérêt général ») ; ils n’ont plus le
sens du service public. De plus en plus
souvent, la fonction publique est considérée comme un moyen d’échapper au
chômage : plutôt un poste sûr, même peu
valorisant et mal payé, que le chômage.
De toute évidence, cette situation ne peut
pas contribuer à améliorer l’image des
fonctionnaires.
L’incapacité de s’assouplir et de donner sa place à l’individu dont l’administration a fait preuve jusqu’à présent n’est
pas sans conséquence sur le moral de ses
agents qui, par un effet pervers, entretiennent la critique à l’encontre du service
public dont ils tirent encore leurs ressources ainsi qu’une certaine reconnaissance sociale, alors qu’ils se révèlent souvent incapables – à quelque échelon qu’ils
se situent – de porter un jugement clair et
cohérent sur leurs propres insuffisances.
Le discours « économiste » tenu par
le gouvernement socialiste depuis 1983
et les « privatisations » qui ont marqué
la cohabitation ont favorisé, avec l’aide
des médias, la création dans l’opinion
publique d’un courant anti-État, antipublic, au profit de l’entreprise privée, de
l’entreprise individuelle, de la valorisation individuelle du travail, de la reconnaissance sociale reposant sur la valeur
marchande de l’activité et non plus sur sa
valeur sociale.
Tout en tenant des discours ultralibéraux ou en soutenant des courants
politiques favorables à ce système économique, certaines catégories professionnelles (les artisans, les commerçants,
les médecins) réclament néanmoins
l’intervention de l’État sous forme de
subventions (les agriculteurs, les artisans
routiers), d’allégements de charges (les
artisans), de défiscalisation, de renflouement de caisses d’assurance-vieillesse
(les médecins), tout en étant par ailleurs
les premières à dénoncer la lourdeur et
l’inefficacité de l’administration...
Dans ce contexte difficile, certains
suggèrent une solution extrême, inscrite
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291
dans une perspective de stricte orthodoxie économique libérale : supprimer le
secteur public. C’est le débat auquel on
assiste dans l’audiovisuel ou dans certains
secteurs industriels où les sociétés publiques sont en position difficile : l’informatique, l’électronique ou la chimie.
Le débat sur les privatisations est alors
le corollaire de cette domination de l’économique sur le politique et le social. Un
décret du 5 avril 1991 a autorisé l’ouverture du capital des entreprises publiques
à des partenaires français ou étrangers,
l’État restant actionnaire à hauteur de
51 %. Il s’agit d’un changement radical
d’orientation pour le président de la République, qui avait affirmé dans sa Lettre
aux Français de 1988 qu’il n’y aurait plus
ni privatisation ni nationalisation (le nini). Dans un environnement économique
de plus en plus concurrentiel, il apparaissait nécessaire d’offrir aux entreprises une
souplesse plus grande dans leur stratégie
de partenariat. C’est ainsi que 2,7 % du
capital de la société Elf-Aquitaine ont été
mis sur le marché en novembre : cette
mesure va également concerner certaines
banques (notamment le Crédit local de
France) et des compagnies d’assurances.
Et c’est au nom du même réalisme industriel et financier que l’accord Bull-NEC
a finalement pu être signé en octobre.
Pour préserver le secteur public, mais
en même temps moderniser l’État, il faut
donc rendre l’administration plus flexible
et plus rationnelle.
Moderniser et délocaliser
Certaines mesures ont été prises pour y
parvenir. L’une des plus notables d’entre
elles a été la création, par un décret du
6 novembre, d’une Commission du
renouveau du service public auprès du
Conseil supérieur de la fonction publique. Cette commission, qui devra s’intéresser à la modernisation de l’ensemble
des services publics, a surtout pour mission d’examiner « les questions relatives à
l’élaboration, à la mise en oeuvre et au bilan des actions liées au renouveau du service public, et notamment les actions de
rénovation des services publics menées
dans le cadre de la politique de la ville ».
Elle est composée de 19 membres nommés par le ministre chargé de la Fonction
publique : huit d’entre eux représentent
l’administration – cinq sont des personnalités choisies en raison de leurs compétences – et onze sont délégués par les
organisations syndicales.
Autre mesure importante : la délocalisation en province de certains services
des administrations centrales installées
à Paris va peut-être permettre de redistribuer des emplois, mais également, en
répartissant mieux la fonction publique
centrale à travers le territoire, de rapprocher l’administration de ses administrés
et de permettre une meilleure compréhension mutuelle. Il s’agit également de
rompre avec la logique centraliste préexistante, de dénoncer le jacobinisme de
l’administration, ainsi que la surévaluation de l’importance de la capitale.
Dans sa séance du 7 novembre, le
Comité interministériel d’Aménagement du territoire a décidé pour cette
année le transfert en province de quelque
2 500 fonctionnaires et salariés du service public, et notamment des personnels
et des élèves de l’ENA. Ce mouvement
doit également concerner les enseignants
(instituteurs et professeurs certifiés du
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secondaire) dont la gestion pourrait être
transférée aux académies avec la participation des institutions régionales.
D’autres délocalisations devraient suivre.
Enfin, l’ouverture européenne de 1993
va considérablement modifier le contexte
dans lequel certaines administrations déploient leurs activités. C’est pourquoi, dès
le mois d’août, le Conseil des ministres a
examiné les conditions de l’adaptation de
l’administration française à la construction européenne, et en particulier, la nécessaire redéfinition des champs de compétence des services français...
CHRISTINE LETEINTURIER
Christine Leteinturier est assistante
en information et communication
à l’université de Paris ll-lnstitut français de presse,
dont elle a créé et dirigé le centre de documentation.
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SOCIÉTÉ
293
SANG
CONTAMINÉ :
DU DRAME AU
SCANDALE
La contamination par le virus du sida
à la suite d’une transfusion sanguine
passait jusqu’alors pour une cruelle fatalité. Entre 1980 et 1985, 5 000 personnes
dont 1 200 hémophiles en ont été victimes. Mais la multiplication des plaintes
déposées par des hémophiles contaminés
a fini par attirer l’attention des médias sur
le fonctionnement du système transfusionnel français.
Le 1er juin, à la suite d’une campagne
de presse lancée par l’Événement du jeudi, le docteur Michel Garretta, directeur
du Centre national de transfusion sanguine (CNTS), démissionne. Dans son
numéro du 25 avril 1991, l’hebdomadaire
accusait les autorités transfusionnelles
d’avoir continué, en 1985, à distribuer
des produits sanguins qu’elles savaient
contaminés par le virus du sida. « C’est
aux autorités de tutelle de prendre leurs
responsabilités sur ce grave problème et
d’éventuellement nous interdire de céder
les produits, avec les conséquences financières que cela représente », affirmait en
mai 1985 le docteur Garretta, cité par le
magazine.
Le 5 juin, le ministre délégué à la
Santé, M. Bruno Durieux, dénonce « une
grave erreur collective d’appréciation » et
commande un rapport à l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS). Rendu public le 10 septembre et transmis à la
justice, ce texte montre que les connaissances incomplètes que l’on avait du sida
en 1985 n’expliquent qu’en partie les erreurs de décisions des autorités sanitaires
et politiques. La responsabilité de Mme
Georgina Dufoix, ancien ministre des Affaires sociales, et de M. Edmond Hervé,
son secrétaire d’État à la Santé, ainsi que
du Premier ministre de l’époque, M. Laurent Fabius, est alors évoquée, pour être
aussitôt niée par les intéressés, Mme
Dufoix déclarant notamment, le 3 novembre, qu’elle se sent « responsable »,
mais pas « coupable ». Le projet de loi
d’indemnisation reposera sur ce même
principe de « réparation sans cause » qui
assimile les transfusés contaminés à des
victimes de catastrophes naturelles.
Si les hommes politiques ne sont pas
inquiétés, en revanche, le 21 octobre, le
professeur Jacques Roux, ancien directeur général de la Santé, et les docteurs
Robert Netter, ancien directeur du Laboratoire national de la santé, et Michel
Garretta sont inculpés. Le 4 novembre,
c’est au tour du docteur Jean-Pierre Allain, ancien responsable du département
des recherches au CNTS, de subir une
mesure identique. L’État n’échappe toutefois pas totalement à la justice. Le 20 décembre, sur la plainte d’un hémophile
contaminé, le tribunal administratif de
Paris reconnaît coupable le ministère des
Affaires sociales, et non plus seulement le
CNTS.
Une grave erreur collective
En 1984, un an après la découverte du
virus du sida, les chercheurs s’interrogeaient encore sur le processus de contamination, sur l’ampleur de l’épidémie et
sur les moyens de la prévenir. Toutefois,
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dès juin 1983, une circulaire de la direction générale de la Santé (DGS) posait le
problème de la contamination des hémophiles et indiquait les mesures à prendre
pour écarter du don du sang les sujets à
risque. Mais ces propositions heurtaient
les principes de générosité et de solidarité sur lesquels repose le système transfusionnel français, dont la sécurité se
veut garantie par le bénévolat, l’anonymat et la gratuité des dons. D’autre part,
dès novembre 1984, un spécialiste de la
DGS déclarait que « l’inactivation du
virus après un chauffage des dérivés sanguins (68 degrés pendant 24 heures) est
prouvée ».
Il fallut pourtant attendre août 1985
pour que le dépistage du virus chez les
donneurs de sang soit rendu obligatoire. Outre que son intérêt ne faisait pas
l’unanimité, les autorités ne voulaient
pas abandonner le marché au seul test
américain disponible avant que celui de
l’Institut Pasteur ne soit opérationnel –
sans parler des problèmes de la prise en
charge du coût du test et de la diminution
consécutive des dons. La décision de ne
rembourser que le test Pasteur dans les
laboratoires privés, qui ne l’utilisaient
pas tous, incitait alors les sujets à risque
à se faire dépister, gratuitement et anonymement, par les centres de transfusion,
ce qui augmentait le risque de collecte
de sang contaminé non identifié. Cette
situation aberrante dura jusqu’en février
1987. De même, les collectes effectuées
en milieu carcéral, dans une population
réputée à risque, ne cessèrent qu’en octobre 1985.
Le chauffage des dérivés sanguins
fut systématisé en août 1985 et la distribution de produits non traités interdite
à partir d’octobre. Entre ces deux dates,
les concentrés non chauffés n’auraient
été injectés qu’à des hémophiles déjà
séropositifs.
En 1989, le ministre de la Santé Claude
Évin avait créé une caisse nationale de solidarité dotée de fonds publics et privés,
afin d’indemniser les hémophiles contaminés. Le 30 octobre, M. Jean-Louis
Bianco annonce un accord entre l’État et
les compagnies d’assurances au sujet du
partage de l’indemnisation de tous les
transfusés contaminés avant le 1er janvier
1990, indemnisation dont le montant est
estimé à 12 milliards de francs. Le premier projet de loi, qui prévoit de taxer les
contrats d’assurance, est rejeté par tous
les parlementaires, y compris les socialistes. Le second, définitivement adopté
le 21 décembre, instaure une participation forfaitaire des compagnies d’assurance pour un montant de 1,2 milliard de
francs pour 1992, non imputables sur les
contrats.
Le ministre des Affaires sociales
annonce également une réforme du système transfusionnel, qui vise à garantir la
sécurité de ses missions tout en maintenant ses principes éthiques. Ces objectifs
sont-ils compatibles avec la rentabilité
d’un système que son processus de collecte rend fragile ? Les erreurs de 1985
auraient-elles été commises si des priorités économiques ne l’avaient emporté sur
des considérations sanitaires ? Ne faut-il
pas admettre que le sang et l’argent ne
font pas bon ménage ?
CHRISTOPHE PÉRY
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LE POINT SUR...
MODE
Année 91, année de toutes les références
et des créateurs sous de multiples influences. L’essentiel, c’est d’être soi-même
en cultivant l’art de la différence dans ce
festival de tendances et de courants déroutants, où tout se confronte et se mélange pour mieux se réinventer.
Signe d’époque, les exercices de style
se multiplient et chacun façonne le sien.
Jamais la mode, qui autorise la diversité et
le mixage des genres, n’a été aussi éclatée.
« Les styles ne sont plus cloisonnés, tout
est libre, personne n’est emprisonné », dit
Karl Lagerfeld. On récupère et on se souvient beaucoup, en ces débuts de nouvelle
décennie qui vivent le présent en se penchant sans cesse dans le passé. Les vieux
albums de photos se feuillettent, les émissions de télévision se revoient, les flashback renvoient aux débuts de la société de
consommation.
La tendance écolo
Des « fifties », on se souvient de l’oeil
de biche, des bigoudis et des choucroutes
à la Bardot, mais aussi des toiles de vichy,
des grandes jupes, des tailles étranglées et
des bustes pigeonnants. Des années 60,
on retrouve avec émotion l’allure trapèze, la ligne en A, car elles évoquent
l’exquise silhouette rendue célèbre par
Audrey Hepburn et Hubert de Givenchy,
l’une étant liée à jamais à la renommée
de l’autre. Cela nous rappelle aussi Jackie
Kennedy, invitée à un bal au château de
Versailles par le général de Gaulle.
Le courant 70 s’inscrit à cet inventaire de références peu ordinaires qui
remettent à l’honneur skaï et vinyle, cuissardes et mini, imprimés géométriques et
dessins psychédéliques nés de l’Op’Art et
de la Figuration libre. Pierre Cardin, André Courrèges et Paco Rabanne sont les
idoles de la nouvelle génération et leurs
vêtements-sculptures descendent des
musées dans les rues. Leurs héritiers, de
Thierry Mugler à Lionel Cros, armurent
les corps de latex, moulent les seins dans
des coques de polyuréthanne et donnent
à leurs égéries l’allure d’héroïnes de
bandes dessinées futuristes. Jean-Paul
Gaultier fait du plastique son nouveau
canevas à broder des fils d’or.
Autre thème en vigueur, qui dénonce
les années fric et la silhouette chic – oui,
elle existe encore – : le « look destroy ».
Déchirée, rapiécée, la mode paupériste
nous est venue des brumes anglaises,
belges et hollandaises. À chacun son
mauvais goût. La dentelle fait la belle et
l’allure de guêpe sous le coup de ciseaux
d’Yves Saint-Laurent. Le genre lingerie
enflamme les regards. Les effets de transparence donnent l’illusion du nu. Dans
cette déferlante de courants, la tendance
écologique s’impose, réunissant de plus
en plus d’adeptes. Cotons bruts, teintures
végétales, boutons en verre reconstitué
ou en bois exotique, emballage en carton
recyclé en sont les éclatants symboles. Il y
a aussi, cristalline et pure, la mode inspirée par la vague du New Age américain,
qui fait du bien-être spirituel une valeur
sacrée.
Le Lycra se faufile partout
Les valeurs changent et on n’a besoin
de personne pour se faire dicter son aldownloadModeText.vue.download 298 sur 490
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lure, et on a encore moins l’envie de se
donner un style pour la vie. Cette grande
liberté de choix commence par la liberté
des ourlets. Court ou long, là n’est pas la
question. L’un et l’autre illustrent l’alliance
des contrastes. La bonne combine ? Une
jupe à la cheville ouverte sur un short,
un fourreau audacieux de face, sage vu
de dos. Signe des temps, ce métissage
d’images qui bouscule conventions et
traditions fait la part belle aux détournements dans le droit fil de la récupération.
« Une veste brodée sur un simple
collant donne à la nuit un nouvel élan »,
affirme Karl Lagerfeld. Le soir, il impose
une tenue de surfeur en paillettes bordée
de gros grains noirs sur cycliste de Lycra.
Claude Montana et Christian Lacroix
réinventent le parka et le trench, lui donnant de nouvelles lettres de noblesse découpées dans le taffetas, le satin, l’organza
ou le gazar. Azzédine Alaïa offre du tulle
à ses imperméables et une maille Lycra
étonnante à ses combi-caleçons (venues
du vestiaire des cyclistes). Aux motards,
Karl Lagerfeld emprunte le cuir clouté.
« Sous les pavés la plage ! » Le slogan
d’une génération trouve un nouvel écho.
Du sable au macadam, c’est l’hymne au
corps sublimé avec des effets loin d’être
collet-monté. Les peaux se dénudent, les
épaules se montrent, les dos se dévoilent
et les ventres se mettent à nu. La mode
brille avec humour. Bustiers très découpés, soutiens-gorge très élaborés se rebrodent de paillettes, strass et cabochons
de fausses pierres précieuses multicolores. Il y a des clins d’oeil à l’art orientaliste, à la peinture optique, aux totems
africains.
La couleur étincelle et flamboie. Visions retrouvées de jaune, turquoise et
orange qui imposent leurs gammes. Les
imprimés font bonne impression. Incrusté de dentelle, marié au Lurex et au
strass, le tweed devient précieux. Omniprésent, le Lycra se faufile partout. Paillettes, raphia, coton, lin et dentelle : tout
est Stretch. La mode prône la liberté dans
le confort absolu.
LAURENCE BEURDELEY
VIE PRATIQUE
Pour conjuguer l’utile et l’agréable, la
RATP personnalise ses services à l’intention des usagers. Dans certaines stations,
ce sont les agents du métro qui vont
au-devant des voyageurs, prêts à les accueillir et les renseigner. Ils assurent en
même temps une meilleure surveillance,
une meilleure sécurité. Si l’expérience est
couronnée de succès, elle sera étendue à
l’ensemble du réseau.
À la SNCF, on simplifie et optimise
les produits et les services. La carte Joker,
qui offre des tarifs privilégiés (de – 30 à
– 40 %) en direction des grandes villes,
permet d’acquérir des billets désormais
remboursables en cas de désistement.
À noter, deux nouveaux TGV interrégionaux, Rennes-Lyon et Nantes-Lyon,
et la mise en service de trains d’affaires
(première classe). Le premier « Euraffair » dessert Strasbourg depuis Paris-Est.
Deux fois par jour, les hommes d’affaires
qui l’utilisent trouvent à bord un équipement spécial bureau, avec fax, téléphone,
secrétariat, système de réservation de
taxis, restauration à la place et salles
équipées.
La carte bancaire à puce fait un bond
impressionnant. 10 millions d’exemplaires sont désormais en circulation. Ce
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système, qui évite falsifications et contrefaçons, est une sécurité de plus pour l’utilisateur, qui ne signe plus mais compose
son code sur les terminaux électroniques
mis en place chez les commerçants.
Sous la pression des consommateurs, les appareils ménagers (de plus
en plus étroits) font silence sur toute la
ligne. Autres avantages : les températures
de froid modulables sur les réfrigérateurs, les alarmes sonores signalant les
anomalies, le contrôle électronique du
fonctionnement et la vitesse de chauffe
accélérée sur les fours à micro-ondes. En
cuisine triomphent la cuisson par champ
magnétique et la coupure automatique
du gaz en cas d’extinction de la flamme
du brûleur. Côté lave-linge, on remarque
l’amélioration du coefficient de lavage à
basse température et l’augmentation de la
vitesse d’essorage.
LAURENCE BEURDELEY
GASTRONOMIE
À l’époque des somptueuses décapotables
du début du siècle ou lors des premières
migrations de vacances collectives, la
Nationale 7 était jalonnée de relais gastronomiques désormais entrés dans l’histoire. L’autoroute, avait-on dit, annonçait
la ruine de cette tradition.
Or, sur un parcours où l’on peut aujourd’hui visiter à petites étapes Lorain à
Joigny, Meneau au pied de la butte de Vézelay, Lameloise à Chagny, Georges Blanc
à Vonnas et l’empereur Bocuse à Collonges-au-Mont-d’Or, voici que Michelin
a couronné un nouveau trois étoiles, très
attendu à vrai dire : Loiseau à Saulieu.
Osant prôner en Bourgogne les sauces à
l’eau et réaménager de fond en comble
le vieil hôtel de la Côte-d’Or, illustré
autrefois par Alexandre Dumaine, Bernard Loiseau ne s’était pas tracé une voie
facile. Mais, depuis plusieurs années, ses
compositions, le sandre rôti sur sa sauce
au côtes-du-rhône rouge ou le panaché
d’abats de veau et leur purée de truffes,
épurées mais ancrées dans le terroir, atteignaient la perfection dans la simplicité.
En outre, cette année même, le confort
raffiné des lieux assure la détente nécessaire avant et après un repas d’anthologie.
Toujours mieux représentés aux
abords de la route du Soleil, les arts de
la table résistent bien à la propagation
du désert français : les cuisiniers de l’année, désignés par Gault et Millau, officient à Tours et à Reims, dans ces villes
de la grande couronne que l’on considère volontiers comme stérilisées par la
proximité de Paris. Charentais installé à
Châteauroux, Jean Bardet s’est contenté
de « monter » à Tours, où son restaurant
reste à portée d’un potager à l’ancienne.
Issu d’une lignée d’Auvergnats fixés à
Vincennes, Gérard Boyer a restauré le
château des Crayères, à Reims, au milieu
d’un parc de sept hectares dont on rêve à
Paris. Que ce soit Bardet, avec le turbot
rôti à l’ache de montagne et le parmentier de pintadeau truffé, ou Boyer, avec
l’escalope de morue fraîche à l’essence
de champignons des bois et la viennoise
de ris de veau au sésame, les cuisiniers
de l’année magnifient des produits de
ménagères par la juste cuisson et par des
accompagnements subtils qui jouent sur
la complémentarité ou le contraste.
La relève de ces artistes paraît si indispensable que les initiatives se multiplient
pour conserver le patrimoine gastronomique et éduquer les jeunes générations :
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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Jean-Robert Pitte vient de publier Gastronomie française, histoire d’une passion
(Fayard) et, avec Alain Huetz de Lemps,
les Restaurants dans le monde à travers les
âges (Glénat). Le 14 octobre, au cours de
la Journée du goût, cinq cents chefs de
cuisine et artisans des métiers de bouche
ont initié à leur art vingt mille écoliers
parisiens. L’Institut français du goût,
fondé par Jacques Puisais, et le Conseil
national des arts culinaires, présidé par
Michel Guérard puis par Alain Senderens, ont entrepris une action éducative
programmée sur dix séances dans les
écoles primaires.
Mieux préparées, ces jeunes générations sauront peut-être très tôt apprécier les saveurs et méditer la maxime de
Gérard Boyer : « L’art, c’est ce qui reste
quand on a enlevé le superflu. »
GEORGES GRELOU
TOURISME
La fragilité et l’instabilité des flux touristiques ont été parfaitement illustrées au
cours de l’année. Le premier semestre a
été catastrophique par suite de la guerre
du Golfe : en Égypte, les visiteurs ont
diminué de moitié ; en Turquie et au
Maghreb, l’hôtellerie a travaillé à perte.
La récession a d’ailleurs atteint toutes les
destinations méditerranéennes, la Yougoslavie pour des raisons d’insécurité,
la Grèce, trop proche de l’Orient musulman, et même l’Espagne, qui a été pénalisée par une inflation proche de 8 % et par
la désaffection de ses visiteurs.
En France, les inquiétudes initiales
se sont finalement apaisées : à l’issue du
premier semestre, l’excédent touristique
s’est élevé à trente milliards de francs, soit
10 % de plus qu’en 1990. Retenus chez
eux par la conjoncture internationale, les
Américains et les Japonais ont été remplacés par un flot renforcé d’Européens,
d’abord les Allemands, puis les Britanniques, les Belges et les Italiens. De plus,
les Français ont moins voyagé à l’étranger : malgré le succès de l’année Mozart et
des tours d’Europe en autocars, le chiffre
d’affaires des tour-opérateurs a diminué
de 15 % par rapport à 1990.
Au-delà de ce repli, peut-être provisoire, sur le territoire national, de nouveaux choix s’affirment pour les vacances
prises en France. Le tourisme vert a progressé nettement : les gîtes ruraux et les
chambres d’hôtes ont même atteint la
saturation dans le Limousin, l’Auvergne
et les Vosges. Le taux d’occupation des
villages de vacances a dépassé 70 %. Au
contraire, l’hôtellerie et la restauration
ont perdu des clients, dans une proportion évaluée souvent à 20 %.
La crise n’est pas générale
L’amenuisement de la demande sur de
nombreuses directions et le changement
d’habitudes que l’on croyait solidement
ancrées ont grevé les résultats des entreprises de tourisme : au cours du premier
semestre, le déficit du Club Méditerranée, qui perdait jusqu’à deux millions
de francs par jour pendant la guerre du
Golfe, a atteint 87 millions de francs, et
les bénéfices de Hilton International ont
baissé de 38 %. American Express a dû
restructurer son département Voyages
pour diminuer ses charges.
Néanmoins, la crise n’est pas générale : en inaugurant à Tozeur, en Tunisie, son douzième hôtel, Jacques Maillot
a annoncé que 1991 serait la meilleure
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année pour Nouvelles Frontières depuis
sa création, il y a vingt-cinq ans ; par rapport à 1990, le bénéfice au augmenté de
40 % et dépasse cent millions de francs.
Accor a pu amorcer le « pôle touristique
français », conforme aux voeux de la
Caisse des dépôts, en lançant une OPA
sur la Compagnie internationale des
wagons-lits.
Le système mondial de réservations et de prestations touristiques reste
toujours aussi divisé : le 15 octobre, le
projet d’association du système Sabre,
filiale d’American Airlines, qui dessert
18 200 agences de voyages dans 48 États,
et du réseau Amadeus, son homologue,
créé par Air France, Iberia et Lufthansa,
qui atteint 10 500 abonnés, a été définitivement abandonné.
Une concentration des réseaux de
communication au service du tourisme
aurait pourtant marqué de manière
symbolique le progrès des échanges touristiques cent ans après l’émission du
premier Traveller’s chèque d’American
Express et cent cinquante ans après la
fondation de Thomas Cook et la publication du premier Guide bleu.
GEORGES GRELOU
ÉCHECS
Les années passent et les tournois deviennent de plus en plus forts. Il y a moins
de cinq ans, lorsqu’une compétition atteignait la catégorie 15 (moyenne ELO comprise entre 2 600 et 2 625 points), il s’agissait du tournoi de l’année. En 1991, il y a
eu deux « catégorie 17 » (moyenne ELO
comprise entre 2 650 et 2 675) et on parle
déjà d’une catégorie 18 (plus de 2 675)
pour 1992. Lorsque les dix meilleurs
joueurs seront réunis, il sera impossible
de faire mieux.
Karpov n’a pas été démoralisé par le
championnat du monde qu’il avait perdu
fin décembre 1990 à Lyon face à Kasparov. Quelques jours plus tard, à Reggio
Emilia, il a remporté un « catégorie 16 »,
devançant Polougajevsky et Ehlvest.
Fin janvier-début février ont eu lieu
les matches destinés à désigner le prochain adversaire de Kasparov : Ivantchouk-Youdasin (4,5-0,5), Anand-Dreev
(4,5-1,5), Timman-Hübner (4,5-2,5),
Gelfand-P. Nikolic (4-4 et 1,5-0,5 au départage), Short-Speelman (4-4 et 1,5-0,5
au départage), Kortchnoï-Sax (4-4 et 1,50,5 au départage) et Youssoupov-Dolmatov (4-4 et 2,5-1,5 au départage). Karpov,
finaliste du championnat du monde, se
joindra à ces sept joueurs pour les quarts
de finale.
Ivantchouk a créé la sensation en
février à Linarès. Non seulement il a
remporté le premier « catégorie 17 » de
l’année avant celui de Tilburg, mais il a
aussi battu Kasparov et Karpov. Beliavsky
a terminé troisième, devançant Youssoupov et Speelman. En mai, à Amsterdam,
Salov et Short ont gagné un « catégorie 16 » devant Karpov et Kasparov, troisièmes ex aequo.
Traditionnellement, le classement
ELO est publié le 1er juillet. Avec 2 770 et
malgré une perte de 30 points, Kasparov
a conservé la première place. Ivantchouk
(2 735) a soufflé la deuxième à Karpov,
troisième avec 2 730. Bareiev (2 680) est
arrivé quatrième, Salov et Gelfand cinquièmes avec 2 665. Le meilleur Français,
Joël Lautier, est arrivé soixante-seizième,
avec 2 560.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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En août, à Bruxelles, se sont joués les
quarts de finale des candidats : KarpovAnand (4,5-3,5), Short-Gelfand (5-3),
Timman-Kortchnoï (4,5-2,5) et Youssoupov-Ivantchouk (4-4 et 1,5-0,5 au départage). Les demi-finales opposeront en
1992 Timman à Youssoupov et Karpov à
Short. À Montpellier, à la même époque,
Marc Santo Roman a conservé son titre
de champion de France. Il a gagné le
tournoi ex aequo avec Olivier Renet, mais
il a battu ce dernier lors d’un match de
départage. Kouatly a été troisième.
La Chinoise Win Xie Jun a créé la
sensation en novembre en s’imposant à
Manille lors du championnat du monde
féminin. Elle a battu (8,5 à 6,5) Maya
Tchibourdanidze qui était tenante du
titre depuis 13 ans.
À Tilburg (Pays-Bas), en octobre-novembre, Kasparov a remporté le plus fort
tournoi de tous les temps (un « catégorie 17 » d’un plus haut niveau que celui
de Linarès de février). Il a devancé Short,
Anand et Karpov.
L’apothéose de l’année échiquéenne a
eu lieu fin novembre à Paris avec le trophée Immopar. Les meilleurs joueurs
du monde, à l’exception d’Ivantchouk,
avaient été réunis pour un tournoi à élimination directe. En finale, Timman a
battu Kasparov (1,5 à 0,5).
ALAIN FAYARD
BRIDGE
1991 a donné quelques satisfactions à la
France : les titres européens par paires
Open et par paires Dames, remportés
par nos représentants (Jean-Christophe
Quantin et Michel Abecassis, d’une
part, Ginette Chevalley et Danièle Avon,
d’autre part), lui ont assuré le grand chelem dans les épreuves européennes par
paires. En outre, la France a remporté le
Trophée du Marché commun disputé à
Athènes par une douzaine de pays.
En revanche, lors des championnats
d’Europe par équipes Open (victoire de
la Grande-Bretagne devant la Suède et
la Pologne), la France a terminé à la huitième place. Dans la catégorie Dames
(1. Autriche, 2. Allemagne, 3. Pays-Bas),
nos joueuses ont dû se contenter de la
6e place. C’est là notre plus mauvais résultat d’ensemble depuis 30 ans ! Du même
coup, nous nous sommes trouvés écartés
des championnats du monde. Disputés au Japon, ils ont été gagnés, chez les
hommes, par les surprenants Islandais
(2 % de la population active membres de
la Fédération de bridge dans ce pays de
240 000 âmes) – vainqueurs des Polonais,
devant la Suède. Dans l’épreuve féminine,
la victoire est revenue aux Américaines,
qui l’ont emporté sur les Autrichiennes.
La médaille de bronze, gagnée par les
Chinoises, a été un événement. C’est la
première récompense obtenue par les
représentants de ce pays, où le bridge devient un jeu dont l’avenir s’annonce très
brillant.
Pour revenir à la France, le classement est resté inchangé chez les hommes
(1. Hervé Mouiel, 2. Paul Chemla, 3. JeanChristophe Quantin), comme chez les
dames (1. Sylvie Willard, 2. Danielle Allouche, 3. Ginette Chevalley). L’échelon
le plus élevé du classement, la première
série nationale, regroupe 81 joueurs et
22 joueuses.
Après la démission de l’Autrichien
Denis Howard, un Brésilien, Ernesto
d’Orsi, est devenu président de la FédéradownloadModeText.vue.download 303 sur 490
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301
tion mondiale, qui regroupe maintenant
88 pays après l’adhésion du Liechtenstein
et le retour de la Roumanie.
JEAN-PAUL MEYER
PHILATÉLIE
La Poste et la Bundespost ont commémoré conjointement le centenaire de Max
Ernst par deux timbres mis en page par
J.-P. Véret-Lemarinier. Dans la série artistique, le Noeud noir de Seurat et la Balançoire de Renoir se sont distingués par le
magnifique travail de gravure de Claude
Durrens (cf. ci-dessus).
Pour saluer Gaston Fébus, comte de
Foix et vicomte de Béarn, mort en 1391,
on a reproduit une enluminure de son
Livre de la chasse, célèbre à juste titre. La
mémoire de six poètes contemporains –
Éluard, Breton, Aragon, Ponge, Prévert
et Char – a été évoquée le 25 février par
la mise en vente de six timbres à surtaxe
(2,50 F + 0,50 F). L’hommage à Marcel
Cerdan a réutilisé un cliché de l’agence
Keystone pris lors de son combat contre
Tong Zale, qui lui permit de devenir
champion du monde des poids moyens.
Cinq émissions postales ont annoncé les jeux Olympiques d’Albertville. Le
timbre « Parcours de la flamme » a rappelé que leur comité d’organisation a chargé
La Poste d’illustrer cette manifestation ;
quatre autres ont été dédiés à des disciplines olympiques.
Raymond Moretti a signé une superbe
création avec le timbre émis à l’occasion
du 350e anniversaire de l’Imprimerie
nationale : dans sa composition aux multiples caractères alphabétiques du monde
entier se cache l’effigie de Gutenberg (cf.
ci-dessus).
La série « Nature de France » s’est
enrichie de quatre vignettes consacrées à
des espèces animales protégées (ours des
Pyrénées, castor, martin-pêcheur – cf. cidessus – et tortue terrestre).
En 1991, les provinces de France sont
demeurées un thème philatélique majeur : Perpignan et la vallée de Munster, le
pont de Cheviré à Nantes et le château de
Carennac dans le Lot ont été à l’honneur.
Les grandes ventes philatéliques de
l’année furent italiennes. À Lugano, un
groupe japonais s’est porté acquéreur
pour 13 600 000 F d’un rare exemplaire
sur lettre du célèbre « one penny » de
1840. Lors de la vente Bolaffi du 2 mars
à Turin, une lettre du 7 janvier 1860, revêtue du « 3 lires Farouk » du gouvernement provisoire de Toscane, a été enlevée
grâce à une enchère record de plus de
3,5 millions de nos francs.
HERVÉ ROBERT
HIPPISME
Prix de l’Arc de Triomphe
On attendait une course d’une qualité
exceptionnelle en raison de la confrontation entre le meilleur poulain anglais,
Generous, présenté comme étant le
« cheval du siècle » (il y en a un tous les
trois ou quatre ans !), et le meilleur poulain français, Suave Dancer (que Generous avait battu de plusieurs longueurs
dans le Derby irlandais).
Mais Generous courut en imposteur.
Dès l’entrée de la ligne droite, il disparut
au sein du peloton, et la victoire revint
très facilement à Suave Dancer, permettant ainsi à Cash Asmussen de remporter
son premier prix de l’Arc de Triomphe
(la seule fois où ce cheval avait été battu,
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ce n’était pas lui qui le montait). Suave
Dancer avait été acheté aux États-Unis
par Cash Asmussen pour le compte
du propriétaire libano-canadien Henri
Chalhoub.
La deuxième place revenait à l’excellente pouliche Magic Night, de très modeste origine, qui venait de remporter
le prix Vermeille, et la troisième place à
Pistolet bleu, rival de Suave Dancer. Les
quatre premières places étaient occupées
par des chevaux français de trois ans,
confirmant ainsi la déroute des chevaux
britanniques, au désespoir de la colonie
anglaise très nombreuse sur l’hippodrome de Longchamp, mais à la grande
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satisfaction des bookmakers anglais qui
avaient enregistré des paris considérables
sur les chances de Generous.
Élevage
À Deauville, les ventes du mois d’août
n’ont pas échappé à la baisse internationale qui affecte les ventes de yearlings,
notamment aux États-Unis à Keenland, en juillet. À Deauville, le total des
enchères a été de 101 695 000 F, inférieur de 7 % par rapport à l’année dernière (où les chiffres n’étaient déjà pas
brillants). La moyenne par cheval vendu
a été de 265 522 F, contre 290 571 F en
1990, soit une baisse de 8,6 % (en 1985,
le prix moyen était de 335 000 F). Les
clients arabes qui, en raison de la guerre
du Golfe, n’étaient pas intervenus l’année
dernière se sont manifestés à nouveau et
leurs achats ont représenté 22 % du total
des enchères des deux premiers jours, au
cours desquels sont proposés les meilleurs sujets. Les investisseurs japonais
ont remporté 12 % des enchères.
Seize yearlings ont été vendus audessus du million de francs, le prix le
plus élevé ayant été atteint par un fils
de Nureyev et de River Rose, adjugé
à Alec Head pour quatre millions de
francs. Mais les yearlings du « milieu de
gamme », destinés surtout à une clientèle
de propriétaires français, ont trouvé difficilement preneurs, souvent à des prix
inférieurs à leur prix de revient.
Pour mettre fin à des rumeurs déplaisantes, il a été décidé que les yearlings
présentés subiraient, à partir de l’année
prochaine, des contrôles biologiques visant à déceler d’éventuels « traitements »
aux anabolisants stéroïdiens destinés à
gonfler artificiellement leur musculature
et à améliorer leur « look ».
Jockeys
Cash Asmussen, qui a été victime
en début de saison d’un accident ayant
interrompu sa carrière pendant plusieurs
mois, n’occupe cette année que la troisième place dans la compétition pour
la cravache d’or. Il est devancé par deux
jeunes jockeys de grand talent, Dominique Boeuf et Thierry Jarnet. En obstacle, la lutte pour la première place est
circonscrite entre le vainqueur, sur Nile
Prince, du prix du Président de la République, le parisien Philippe Chevalier,
premier jockey de l’entraînement Gallorini, et le provincial Christophe Pieux,
habitué de la cravache d’or.
GEORGES DE CORGANOFF
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OBSÉDANTE
IMMIGRATION
L’immigration est devenue l’une des principales préoccupations des Français. Mais,
derrière ce mot, ce sont des sujets divers qui
agitent les esprits.
La guerre du Golfe allait-elle raviver
en France des tensions communautaires,
dresser les Arabes contre les juifs, provoquer une sorte d’intifada ? C’était la
grande crainte des pouvoirs publics au
début de 1991. Il n’en a rien été : les jeunes
d’origine maghrébine, en particulier, ont
fait preuve d’un calme exemplaire, ne se
distinguant guère du reste de la population. On y a vu le signe d’une « intégration » – concept nouveau, défendu
désormais par tous les partis politiques,
à l’exception du Front national.
« L’intégration » avait déjà un secrétariat général et un Haut Conseil. Édith
Cresson lui a donné une place au gouvernement en créant un ministère des
Affaires sociales et de l’Intégration. Ce
portefeuille a été confié à Jean-Louis
Bianco, tandis qu’un ingénieur d’origine
togolaise, Kofi Yamgnane, était nommé
secrétaire d’État.
Français, immigrés et étrangers
Les dirigeants de l’INED (Institut national
d’études démographiques), de l’INSEE (Institut
national de la statistique et des études économiques) et du Haut Conseil à l’intégration ont
publié en septembre 1991 une mise au point
commune au sujet de l’immigration, accompagnée du tableau ci-dessous :
Sont comptées comme étrangers les personnes
qui ont leur résidence permanente en France
métropolitaine et qui déclarent n’avoir pas la
nationalité française. Leur nombre n’a guère varié
entre les recensements de 1982 et 1990.
Sont classées comme immigrés les personnes
nées hors de France et qui sont soit étrangères,
soit devenues françaises au cours de leur vie. Les
étrangers nés en France ne sont pas considérés
comme des immigrés. Avec cette définition, le
nombre des immigrés aurait augmenté d’une
centaine de mille entre les deux recensements.
Cette population s’est renouvelée par décès,
naturalisations et mouvements migratoires : ainsi
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seraient entrés en France depuis 1982 environ
450 000 étrangers de plus qu’il n’en est parti.
La hantise de « l’été chaud »
Édith Cresson a présenté l’intégration
comme l’une des priorités de son gouvernement : une politique concernant
tous les exclus, qu’ils soient français ou
étrangers. Cela dit, le concept s’applique
particulièrement aux immigrés et à leurs
enfants, comme cela est apparu dans le
premier rapport annuel du Haut Conseil,
publié en février. « L’intégration, précisaient les neuf sages, est un processus
spécifique par lequel il s’agit de susciter
la participation active à la société nationale d’éléments variés et différents, tout
en acceptant la subsistance de spécificités culturelles et morales ». Les immigrés, ajoutait le Haut Conseil, doivent
« accepter les règles » de la société française, adhérer à « un minimum de valeurs
communes » pour que leur « fusion dans
la communauté nationale » continue à
enrichir celle-ci et à contribuer à son
rayonnement. Les « sages » mettaient cependant en garde contre une sorte d’intégration à l’envers, naissant de la cohabitation explosive, en certains quartiers,
d’immigrés récents et de Français en voie
de marginalisation.
Certains de ces quartiers ont fait les
gros titres des journaux au printemps. À
Sartrouville, dans les Yvelines, la mort
d’un « beur » de dix-huit ans, tué par
un vigile, a provoqué de violents affrontements entre des jeunes et les forces de
l’ordre. À Mantes-la-Jolie, dans le même
département, un « beur » du même âge
est mort d’une attaque cardiaque après sa
garde à vue.
Le gouvernement devait tenir
compte, à la fois, du désespoir de certains
jeunes, de l’exaspération de la police et de
l’inquiétude de l’opinion. Un projet de loi
sur la ville, baptisé « anti-ghettos », a été
adopté en juillet pour favoriser la mixité
des divers types d’habitat dans les agglomérations urbaines. Parallèlement, il a
été décidé que les fonctionnaires remplissant des missions « difficiles » dans
certains quartiers (enseignants, policiers,
etc.) verraient leur carrière accélérée.
D’autres mesures ont été prises d’urgence pour éviter un « été chaud ». Ainsi,
le nombre des policiers a été augmenté ;
plus d’une centaine de terrains de sports
scolaires et universitaires ont été ouverts
en juillet et août, tandis que des jeunes
défavorisés étaient reçus par des familles
à la campagne… L’été a été calme, au
grand soulagement des pouvoirs publics,
mais rien n’était réglé pour autant : une
explosion pouvait survenir n’importe où,
à tout moment.
Bien que s’étant fixé comme objectif
l’intégration, le gouvernement a surtout
été amené en 1991 à s’occuper des flux
migratoires. D’abord, en s’efforçant de
régler le sort de dizaines de milliers de
demandeurs d’asile déboutés, puis en tentant de répondre aux critiques de l’opposition à propos des immigrés clandestins.
Le débat sur le droit d’asile a pris une
tournure nouvelle depuis que l’examen
des demandes a été fortement accéléré.
Obtenant une réponse – le plus souvent
négative – en moins de trois mois, les
candidats au statut de réfugié se sont vu
retirer l’autorisation de travailler durant
la procédure. Ils ne peuvent plus, comme
avant, faire valoir leur intégration en
France après deux ou trois ans de séjour,
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pour s’opposer à une reconduite à la
frontière.
Au printemps, un certain nombre de
demandeurs déboutés, soutenus par des
associations, ont organisé des grèves de
la faim. Le gouvernement a refusé une
régularisation massive, concernant plusieurs dizaines de milliers de personnes :
les dossiers controversés devaient être
réétudiés cas par cas.
Les immigrés clandestins ont focalisé
l’attention en 1991. Comme personne
n’est en mesure d’évaluer exactement leur
nombre, des chiffres fantaisistes n’ont
cessé d’être lancés. Le gouvernement
se devait d’agir, pour répondre aux critiques de l’opposition et aux inquiétudes
de l’opinion, mais aussi pour défendre
sa politique d’intégration : il est difficile,
en effet, d’insérer des étrangers dans le
tissu social si les arrivées se multiplient
de manière incontrôlée. (Dans le rapport
qu’il a présenté en novembre 1991, le Haut
Conseil à l’intégration estime que près de
100 000 personnes de nationalité étran-
gère ont été autorisées en 1990 à résider
de façon durable en France. Parmi ces
immigrants, 46 % étaient originaires du
continent africain et 21 % d’Asie. Les Européens (parmi lesquels un tiers de Turcs)
ne représentaient que 25 % de l’ensemble.
Parmi les 100 000 enregistrements administratifs (qui ne traduisaient pas tous des
entrées physiques nouvelles, on comptait
environ 22 000 travailleurs permanents,
37 000 membres de leurs familles et 15 000
conjoints de Français. Ne sont comptés
dans ce total ni les résidents temporaires
(étudiants, travailleurs frontaliers...) ni les
clandestins dont le nombre est, par définition, inconnu.)
Xénophobie et dérapages
Un projet de loi sur la répression du
travail clandestin, voté en première lecture par les députés le 15 octobre, a prévu des sanctions sévères pour tous les
maillons de la chaîne : des passeurs aux
employeurs, sans oublier les logeurs ou
les transporteurs. Il a été décidé notamment qu’un employeur de travailleurs
clandestins serait interdit d’activité professionnelle pendant la durée maximale
de cinq ans et pourrait encourir jusqu’à
trois ans de prison. Mais la loi vise aussi
« toute personne qui, par aide directe ou
indirecte, a facilité ou tenté de faciliter
l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger ». Ces intermédiaires
risquent, en outre, s’ils sont étrangers,
d’être interdits de séjour en France pour
une durée de dix ans.
Un autre projet de loi, adopté le
14 novembre en Conseil des ministres,
concerne les transporteurs. Une compagnie aérienne, par exemple, qui aurait
débarqué en France un étranger dépourvu de passeport ou de visa, devrait
non seulement payer une amende de
10 000 francs mais aussi réembarquer ce
passager à ses frais.
Aucune des mesures annoncées n’a
suffi à retourner une opinion publique
qui s’est montrée en 1991 particulièrement xénophobe. Un sondage de la
SOFRES, dont les résultats ont été publiés en octobre, indiquait que 38 % des
Français (contre 51 %) approuvaient les
prises de position de Jean-Marie Le Pen
sur l’immigration.
Des responsables politiques ont été
tentés de suivre le vent. On a entendu
successivement Édith Cresson accepter le
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SOCIÉTÉ
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principe de « charters » pour reconduire
les étrangers indésirables ; Jacques Chirac
évoquer les nuisances – et notamment
« l’odeur » – provoquées par certaines
familles immigrées ; Valéry Giscard d’Estaing dénoncer « l’invasion » et vanter
« le droit du sang » ; Michel Poniatowski
crier à « l’occupation », en prônant un
rapprochement de la droite « traditionnelle » avec le Front national.
Ces dérapages plus ou moins contrôlés avaient pour but d’arracher des électeurs potentiels à Jean-Marie Le Pen.
Mais ils ont donné l’impression de légitimer les thèses du dirigeant d’extrême
droite et, finalement de le servir. L’intéressé lui-même remarquait, avec ironie,
que les Français « préfèrent l’original à la
copie ».
Le Front national a cependant fait entendre sa différence, à la mi-novembre, en
rendant publiques « Cinquante mesures
concrètes pour contribuer au règlement
du problème de l’immigration ». Dans
ce projet de programme, il se proposait,
entre autres, d’instaurer « un contrôle
sanitaire approfondi » aux frontières,
d’expulser les chômeurs étrangers en fin
de droits, de « démanteler les ghettos ethniques », de réviser les manuels scolaires
pour en bannir « le cosmopolitisme » et
de reconsidérer les naturalisations accordées depuis 1974. Ce brûlot a suscité de
vives réactions dans la presse et les milieux politiques.
Depuis le début des années 80, le parti de M. Le Pen s’était, en quelque sorte,
approprié l’immigration. À la fin de 1991,
le sujet donnait l’impression de lui échapper, même s’il avait largement marqué le
débat de son empreinte. Apparue comme
le principal sujet de préoccupation des
Français après le chômage, l’immigration
intéressait tous les partis et constituait un
thème électoral majeur.
ROBERT SOLÉ
Après avoir été correspondant à Washington
et à Rome, Robert Solé dirige actuellement
le service Société du Monde.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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ÉCONOMIE
L’économie mondiale s’enfonce-t-elle
dans le marasme ou va-t-elle vers la
reprise ? Telle est l’interrogation majeure
de l’année.
Les pays industrialisés enregistrent
un ralentissement sensible de leur activité économique et leur croissance, pratiquement nulle au premier semestre,
reste faible tout au long de l’année, dépassant à peine 1 %. Non seulement la
récession perdure dans les pays anglosaxons (États-Unis, Royaume-Uni) et le
ralentissement persiste au-delà des prévisions dans les pays européens, mais les
deux locomotives que sont l’Allemagne
et le Japon s’essoufflent à leur tour. Pire,
la reprise attendue depuis la fin de la
guerre du Golfe n’est pas au rendezvous, ou reste bien molle, en dépit de
l’assouplissement des politiques monétaires et d’un pétrole au prix devenu à
nouveau raisonnable (aux alentours de
18/21 dollars le baril). La dégradation
de l’environnement international – et
notamment la diminution des échanges
commerciaux – aggrave la situation économique et sociale déjà très fragile des
pays en voie de développement et accentue l’effondrement économique des pays
d’Europe centrale et orientale.
La morosité
Le ralentissement économique puis le
choc de la guerre du Golfe ont ébranlé
la confiance des acteurs économiques.
Confrontées à la dégradation de leurs
résultats, les entreprises préfèrent différer leurs investissements et procéder à
des opérations de restructuration et de
redressement, synonymes de licenciements, au nom de la compétitivité. Certains secteurs, comme l’électronique mon-
diale, actuellement dans la tourmente,
sont particulièrement touchés par la
concurrence. Alors que le chômage s’élève
à nouveau et que le pouvoir d’achat ralentit sa progression, les ménages réduisent
leurs dépenses de consommation. Le
fléchissement de la demande privée est
accentué par l’accumulation excessive
de dettes. Non seulement les agents économiques préfèrent rembourser et ne
plus emprunter – d’autant que persistent
des taux d’intérêt réels élevés –, mais les
banques en crise, échaudées par la multiplication des défauts de paiement dus au
surendettement, préfèrent assainir leurs
comptes et sont plus réticentes à consentir des crédits à l’économie.
Cette contraction du crédit (credit
crunch), qui affecte la plupart des pays industrialisés, frappe plus particulièrement
les États-Unis et explique l’Arlésienne de la
reprise, celle-ci étant bloquée en dépit de
la baisse réitérée des taux d’intérêt, rendue possible par la maîtrise de l’inflation.
Et les perspectives économiques sont
d’autant plus préoccupantes que la marge
de manoeuvre des gouvernements est
faible, les déficits budgétaires étant déjà
très élevées dans ce contexte de moindres
rentrées fiscales.
Dans les pays de l’Est, la transition
vers l’économie de marché s’est vite
révélée non seulement douloureuse,
mais surtout difficile, longue et incertaine. Elle s’est accompagnée d’une forte
chute de la production, des revenus, du
niveau de vie et d’une poussée de l’infladownloadModeText.vue.download 311 sur 490
ÉCONOMIE
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tion et du chômage. Les effets négatifs
ont été amplifiés par l’effondrement des
échanges avec les anciens partenaires
du CAEM (Conseil d’assistance économique mutuelle) ou du COMECON
dissous en juin, et par le mauvais environnement international. L’assainissement économique bute sur la pénurie
d’investissements et l’insuffisance de
l’aide. Le sauvetage par les Occidentaux
de l’ancienne Union soviétique, qui traverse une très grave crise économique et
une profonde crise financière, devient
même d’une grande urgence.
Les institutions internationales (FMI,
Banque mondiale, BERD, CEE) et les
États décident de se mobiliser sous réserve que les pays de l’Est entreprennent
les réformes nécessaires au passage à
l’économie de marché. De même, l’unification de l’Allemagne se révèle plus coûteuse et plus délicate que prévu à cause de
l’écart croissant entre une Allemagne de
l’Ouest florissante, en dépit d’un certain
ralentissement, et une ex-Allemagne de
l’Est en pleine déconfiture, même si certains signes de reprise se manifestent en
fin d’année.
Les défis et les incertitudes
Tous ces changements posent de nouveaux défis à la CEE qui voudrait s’affirmer comme le véritable pilier du nouvel
espace européen en recomposition. Alors
que se multiplient – et se multiplieront –
les candidatures, les divergences restent
fortes entre les Douze. Les négociations
piétinent donc souvent ; mais la volonté
d’accélérer l’intégration et la construction
de l’Europe a été renforcée par la conclusion des deux traités sur l’Union politique
et l’Union économique et monétaire
(UEM) lors du Conseil tenu à Maastricht
au mois de décembre.
L’avenir des pays du tiers-monde reste
également très préoccupant. Le défi du
développement repose plus que jamais
sur les nouveaux capitaux que l’intégration de ces économies au marché mondial leur apporterait. C’est pourquoi il est
urgent de conclure les négociations commerciales multilatérales dans le cadre du
GATT pour libéraliser les échanges. Or,
l’issue de l’Uruguay Round, prévue pour
la fin de l’année, reste incertaine à cause
de la difficulté qu’ont les États-Unis et la
CEE à trouver un compromis sur la question agricole. Un échec serait d’autant
plus grave que la tendance actuelle est
au développement du régionalisme et
qu’est ravivé le contentieux économique
entre les nations occidentales et le Japon,
qui voit à nouveau croître ses excédents
commerciaux.
Une crise de liquidités
Les problèmes financiers entravent la
croissance. Dans tous les pays, mais à
des degrés divers, le poids de la dette,
tant publique que privée, le déséquilibre
des balances courantes, les déficits des
finances publiques, la fragilité du système bancaire ou la crise immobilière
reflètent une pénurie d’épargne dans le
monde qui, pour les experts, devient
d’autant plus préoccupante que l’Allemagne et le Japon, traditionnels bailleurs de fonds, ne sont plus à même de
remplir ce rôle efficacement étant donné
que la première est accaparée par sa
réunification, et voit donc ses excédents
commerciaux diminuer, et que le second
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a tendance à se replier sur son marché
national.
La situation est d’autant plus problématique que les besoins en financement
sont considérables. Aux besoins traditionnels de l’Ouest – notamment des
États-Unis avec leur déficit budgétaire
et celui de leur balance extérieure – et
du Sud, se sont ajoutées des exigences
nouvelles dues au financement de l’unification allemande, aux réformes dans
les pays de l’Est et à la reconstruction
des États du Moyen-Orient touchés par
la guerre du Golfe. Le FMI estime la
demande supplémentaire en capitaux à
100 milliards de dollars par an. L’épargne
mondiale ne paraît pas suffisante pour
satisfaire les investissements que réclame l’accélération de la croissance, et la
concurrence, qui s’exerce sur le marché
des capitaux, tire les taux d’intérêt vers le
haut. La menace d’une crise financière est
aujourd’hui bien réelle et avec elle apparaît le spectre d’une crise des liquidités.
Dans ce contexte de dégradation de
la conjoncture (absence de reprise et fragilité du système financier), le malaise
devient croissant sur les marchés financiers et contraste avec l’euphorie des années 80. Les anticipations – qui jouent
un rôle aujourd’hui primordial alors que
l’incertitude prédomine – expliquent les
mouvements de yo-yo que l’on constate
sur les marchés boursiers et les marchés des changes. Les places financières
connaissent des hauts et des bas, et même
un nouveau minikrach le 15 novembre,
dû notamment à l’inquiétude que suscite
l’absence de reprise aux États-Unis. Elles
ont surtout pâti de la faiblesse du volume
des transactions et de la désaffection des
investisseurs.
La croissance espérée
La profession boursière est donc morose.
Elle est confrontée aux dégraissages et
aux défaillances de certaines sociétés de
Bourse. De plus, les scandales à répétition
contribuent à la perte de confiance et accentuent la fragilité du monde financier,
même si certaines sanctions sont prises et
si l’on assiste à un retour à la réglementation. Dans ce contexte, les maisons de
titres japonaises (Nomura, Nikko, Daiwa
et Yamaichi) sont accusées de manipuler
les cours et de pratiquer le dédommagement pour pertes de leurs plus gros
clients. De même, Salomon Brothers et
d’autres firmes de courtage new-yorkaises sont-elles poursuivies pour fraudes
et manipulations lors d’adjudications de
bons du Trésor américains. Enfin, on
se souviendra de la BCCI (Banque de
Crédit et de Commerce International),
impliquée dans des affaires de drogue,
de terrorisme et d’espionnage, et qui voit
ses activités suspendues en juillet grâce
à une action internationale concertée et
coordonnée par la Banque d’Angleterre.
Les tensions relevées sur les marchés boursiers se manifestent également
sur ceux des changes, victimes des évolutions contrastées du dollar. Après un
mouvement « baissier » en début d’année,
le billet vert se redresse, en dépit de la
baisse des taux d’intérêt, jusqu’à gagner
plus de 20 % contre toutes les autres devises : ainsi, au plus bas le 11 février (il est
à 4,95 FF et 1,443 DM, son plus bas cours
historique), il grimpe jusqu’à 6,20 FF et
1,85 DM fin juillet. Cette escalade est particulièrement préjudiciable au mark allemand ; elle oblige la Bundesbank à relever
plusieurs fois ses taux d’intérêt, tant pour
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défendre
capitaux
tion. Au
est à la
quent, à
sa monnaie que pour attirer les
étrangers et lutter contre l’inflasecond semestre, la tendance
baisse du billet vert et, par conséla hausse de la devise allemande,
ce qui provoque des tensions au sein du
Système monétaire européen, où le franc
et la livre sterling sont particulièrement
attaqués, tandis que la peseta espagnole
caracole en tête, uniquement en raison
de taux d’intérêt élevés. Ainsi, les mouvements de taux de change répondent en
partie aux mouvements actuels et anticipés des différentiels d’intérêt entre pays.
Ces écarts persistants de taux d’intérêt
finissent par inquiéter.
Si la coordination des politiques
monétaires et budgétaires est difficile, les
impératifs intérieurs l’emportant sur les
considérations internationales, jamais en
revanche les pays industrialisés ne se sont
autant consultés pour analyser les nouveaux problèmes et les moyens de les résoudre, conscients qu’ils sont devenus de
l’interdépendance et de la globalisation
croissantes des activités économiques.
Ainsi, les atteintes de plus en plus graves
portées à l’environnement amènent la
communauté internationale à coopérer
dans la recherche des moyens de réussir une croissance soutenable qui concilie progrès économique et protection de
l’environnement.
Le retour à la croissance est espéré,
mais pas à n’importe quelle croissance !
DOMINIQUE COLSON
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LA CROISSANCE
SOUTENABLE
Afin que puisse perdurer la croissance, il
faut imposer le mariage de raison de l’économie et de l’écologie.
La multiplication et l’aggravation des
atteintes portées à l’environnement commencent à susciter de grandes inquiétudes. En effet, même si ces agressions ne
menacent pas à court terme la survie de la
planète, elles peuvent bloquer la croissance
de l’économie parce que nous sommes en
présence d’une interdépendance totale, la
croissance économique étant bien souvent
jugée responsable de cette dégradation.
L’inquiétude écologique provoque alors
une réflexion sur la nécessité d’adopter
une nouvelle forme de croissance, plus
durable ou plus « soutenable », soucieuse
de ménager, pour les générations futures,
un capital naturel – renouvelable ou non
renouvelable – déjà bien entamé.
L’inquiétude écologique
Le pessimisme foncier affiché en matière
écologique ne se justifie pas tant par
les conséquences souvent dramatiques
des grandes catastrophes naturelles,
chimiques, nucléaires, pétrolières, ou
encore « stratégiques » (comme celle qu’a
provoquée l’incendie des puits de pétrole
au Koweït à l’issue de la guerre du Golfe)
que par les effets souvent irréversibles de
« la globalisation (ou mondialisation) de
la crise écologique ».
Par cette expression, on veut attirer
l’attention sur le fait qu’à l’heure actuelle
aucune ressource, aucun milieu naturel, aucun secteur d’activité, aucun pays
même, qu’il soit ou non industrialisé, ne
peut éviter de subir une profonde détérioration de son environnement. Si l’inventaire de ces dommages était dressé,
l’état de la planète apparaîtrait plutôt
désastreux.
En effet, entre la multiplication des
atteintes déjà anciennes portées à l’environnement et l’apparition de nouvelles
agressions, la tendance à la dégradation
du capital naturel s’est à la fois aggravée et accélérée. Cette dégradation a été
longtemps attribuée à des pollutions
chimiques, industrielles ou ménagères à
caractère local que l’on pouvait combattre
par des moyens techniques. Aujourd’hui,
les effets des pollutions se manifestent à
l’échelle de la planète entière : émissions
de gaz nocifs réchauffant l’atmosphère
(« effet de serre »), déforestations modifiant le régime des pluies et fragilisant les
sols et les écosystèmes, ou encore détérioration de la couche d’ozone qui protège
la vie terrestre... Mais on constate également les méfaits de la déprise de l’espace
rural due à l’intensification de la production et ceux de l’emploi de plus en plus
intensif d’engrais azotés et de pesticides.
Aujourd’hui encore, on a tendance à
considérer les pays industrialisés comme
les principaux pollueurs. Or les pays
pauvres ou les pays en voie d’industrialisation commencent à être sérieusement affectés par la dégradation de leur
environnement pour des raisons économiques ou sociales.
On remarque ainsi que, entravées par
le poids des réglementations antipollutions appliquées dans leur pays d’origine,
les industries polluantes se délocalisent
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ÉCONOMIE
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dans des pays qualifiés de « paradis écologiques » à cause de leur réglementation
laxiste ou même inexistante, ces derniers
favorisant l’installation de telles activités
dans un souci de développement économique. Pour les mêmes raisons, des pays
en voie de développement adoptent des
modèles d’agriculture industrielle dévastateurs pour leur environnement forestier ou surexploitent leurs ressources naturelles jusqu’à leur épuisement total afin
de pouvoir faire face aux charges liées à
leur dette extérieure. Enfin, le développement économique donne naissance à des
agglomérations monstrueuses et inorganisées où les pollutions diverses, sévissant de manière endémique, ne peuvent
plus être éliminées.
Parce que les effets de la dégradation de l’environnement se manifestent
partout, indépendamment du niveau de
développement, et que la crise atteint une
très grande ampleur, on parle désormais
de globalisation (ou de mondialisation)
de la crise écologique. Dès lors, on est
logiquement amené à se demander quelle
est la part de responsabilité de la croissance économique dans ce phénomène.
La responsabilité de l’économie
En constatant les dommages causés à
l’environnement, on serait tout naturellement tenté de les attribuer aux producteurs, accusés de ne pas prendre les
mesures qui s’imposent pour empêcher
pollutions et nuisances. Cette vision simpliste permet malheureusement de dissimuler la responsabilité d’autres acteurs,
comme celle du consommateur, qui, par
ses choix, peut également contribuer à la
pollution. En réalité, la dégradation de
l’environnement résulte surtout de ce que
l’on appelle les défaillances du marché et
des déficiences ou de l’inefficacité de l’intervention publique.
La défaillance du marché provient
du fait que les ressources dites « naturelles » présentent une caractéristique
qui leur est propre : elles sont disponibles
en quantités apparemment illimitées, de
sorte qu’elles peuvent être utilisées « gratuitement ». On peut alors avancer que
c’est l’absence d’obligation de paiement
qui autorise et entraîne le gaspillage, la
détérioration ou même la destruction
définitive de ces ressources. La gratuité
joue sans aucun doute possible contre
l’environnement : le pollueur détériore la
ressource parce qu’il n’a pas besoin d’intégrer son coût dans son prix de revient.
Dans ces conditions, il faudrait lui
faire supporter effectivement toutes les
charges directes et indirectes induites à la
fois par l’utilisation de la ressource et par
les choix de production et de consommation. Dans la réalité, cette procédure – qui
est connue sous le nom d’internalisation
des coûts (externes) et qui est appliquée
en France depuis 1964 en matière de gestion de l’eau – se heurte à des difficultés
d’évaluation des dommages ou encore à
la résistance des producteurs. Ceux-ci
font valoir que le versement des redevances (ou des taxes) d’utilisation réduit
la marge et donc la compétitivité des
entreprises. Ils réussissent alors à obtenir
un tel plafonnement de ces charges qu’ils
ne sont plus incités à réduire réellement
leur pollution.
Par rapport à la procédure précédente, le recours à l’instrument réglementaire représente à première vue pour
les pouvoirs publics la solution de facilité.
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Deux voies peuvent être empruntées :
l’une consiste à édicter des interdictions
ou à fixer des normes techniques ; l’autre
fait appel à l’incitation : des allégements
fiscaux ou des subventions peuvent ainsi
amener les entreprises à investir dans les
technologies « propres ». Toutefois, cette
action réglementaire ne se révèle pas toujours efficace en raison de sa complexité
et surtout de son inadaptation à une évolution technologique très rapide.
En définitive, lorsque l’on cherche
à dresser un premier bilan des efforts
consentis pour éviter la dégradation de
l’environnement ou pour le protéger, il
faut bien convenir que ni l’internalisation des coûts d’utilisation et de détérioration des ressources, ni l’action réglementaire n’ont incité les producteurs ou
les consommateurs à intégrer dans leurs
choix (ou dans leurs calculs) le prix des
ressources. En outre, il ne semble pas
que leur gaspillage ait été freiné, alors
même que l’on commençait à prendre
conscience du fait qu’elles pourraient
se raréfier si leur dégradation n’était pas
arrêtée. En d’autres termes, c’est un véritable constat de carence qui est établi.
De ce fait, certains estiment que
le problème de l’environnement et de
sa dégradation doit être abordé d’une
manière différente : il doit être traité en
profondeur, c’est-à-dire qu’il convient de
réexaminer les relations économie-écologie en n’oubliant pas que la dégradation de l’environnement peut bloquer la
croissance de l’économie au plan global.
En conséquence, il n’est plus possible
d’ignorer la nécessité actuelle de concilier durablement deux préoccupations
qui semblent encore contradictoires : la
poursuite de la croissance économique
et la protection de l’environnement. Se
trouve alors posé le problème de ce que
l’on nomme maintenant le développement soutenable.
Un nouveau concept
Il a fallu attendre les années 1960 pour
que, dans les pays occidentaux, l’on
prenne conscience du fait – pourtant déjà
relevé au XVIIIe siècle par les physiocrates
et rappelé par leurs successeurs, Malthus
et Ricardo – que les activités humaines
ne pouvaient se développer indéfiniment.
En même temps, on découvrit que l’environnement pouvait se dégrader sous les
coups de la pollution agricole ou industrielle. En 1971 et en 1974, les travaux
du Club de Rome reflétèrent ces inquiétudes pesant sur le devenir de l’environnement et sur l’épuisement des ressources
naturelles.
En 1972, lors de la Conférence de
Stockholm, éclata pour la première fois
le conflit opposant les pays du Nord à
ceux du Sud. Alors que les premiers préconisaient des mesures globales (c’està-dire applicables à l’échelle de la planète) de protection de l’environnement,
les seconds, menés par le Brésil, étaient
avant tout soucieux de développement et
accusaient le Nord d’inventer des freins
à leur croissance. Cette conférence a eu
toutefois le mérite de dégager – bien que
de façon assez sommaire – la problématique de l’environnement : il ne s’agit pas
simplement d’accidents ou de dysfonctionnements des systèmes de production,
mais de l’interdépendance complexe qui
existe entre la dynamique du développement et les risques planétaires d’atteintes
à l’environnement.
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ÉCONOMIE
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Sous la pression des pays pauvres,
on découvrit ainsi que la protection de
l’environnement ne dépend pas tant des
mesures de lutte contre la pollution que
de l’adoption d’une politique générale et
globale qui tienne compte notamment
des relations entre les pays et des interactions entre phénomènes paraissant
jusqu’alors totalement indépendants les
uns des autres.
Le 14 juin 1983, une résolution de
l’Assemblée générale des Nations unies
créa la Commission mondiale sur l’environnement et le développement (CMED).
Son rapport : « Our Common Future »
(Notre avenir à tous), communément appelé « Rapport Brundtland », du nom du
président de la Commission, Mme Gro
Harlem Brundtland, fut rendu au début
de 1987. D’entrée de jeu, il définissait la
nouvelle problématique des relations
entre environnement et développement
économique : « Il est impossible de dissocier les problèmes de l’environnement
de ceux de la croissance économique.
Le développement économique, sous
n’importe quelle forme, détruit le capital
naturel, de telle sorte qu’une réglementation au plan mondial s’impose ; inversement, la dégradation de l’environnement
peut arrêter à terme le développement.
Par ailleurs, la pauvreté doit être regardée
comme étant à la fois la cause première et
la principale conséquence de la dégradation de l’environnement et cela aussi sur
le plan international. Par conséquent, le
traitement des problèmes du milieu naturel ne peut pas ignorer la pauvreté et surtout les inégalités de développement dans
le monde. »
Si l’on part du fait que la dégradation
de l’environnement est provoquée par la
croissance économique et qu’inversement la première peut arrêter la seconde,
la préoccupation essentielle devient celle
de la continuité de la croissance économique sans dommage pour le capital naturel et pour les générations futures. C’est
pour répondre à cette préoccupation qu’a
été introduit le concept de développement soutenable ou durable : ce qui est
recherché, c’est le maintien des systèmes
de développement économique sur le
long, voire le très long terme. Autrement
dit, un développement soutenable est un
développement durable, c’est-à-dire un
développement où coévoluent systèmes
économiques et biosphère, de façon que
la production issue des premiers assure la
reproduction de la totalité des facteurs de
la seconde.
Contraints à s’entendre
Par conséquent, pour que le développement économique soit véritablement
« soutenable », il faut tenir compte de trois
sortes de contraintes : en premier lieu,
comme le souligne l’OCDE, si l’objectif
général consiste à augmenter la production tout en préservant le capital naturel,
il ne faut pas non plus oublier qu’il faut
« répondre aux besoins du présent sans
compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres
besoins ». Se trouvent ainsi introduits
une notion de responsabilité « éthique »
des générations actuelles vis-à-vis des
générations futures et le souci d’adopter des stratégies de préservation ou de
conservation du patrimoine. En second
lieu, les inégalités de répartition des ressources naturelles à travers le monde ne
doivent pas être aggravées, notamment
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en évitant que les pays industrialisés ne
transfèrent leurs dommages aux pays
beaucoup plus pauvres qu’eux. Enfin, le
rapport Brundtland a fait admettre que la
réconciliation entre la croissance économique et l’environnement devait intervenir au plan mondial.
Depuis sa publication, ce rapport a
surtout fait prendre conscience – beaucoup moins vivement toutefois dans les
pays industrialisés que dans les autres
– de la nécessité d’un traitement négocié des relations environnement-croissance. Ainsi, la défense des intérêts de
certaines catégories de producteurs, par
exemple agricoles, conduit les gouvernements des pays industrialisés à verser
des subventions ou à attribuer des aides
fiscales. Les unes et les autres favorisent
alors la surproduction qui non seulement
dégrade la base des ressources (épuisement et érosion des sols), mais, surtout,
ruine les agricultures vivrières des pays
en développement.
Pour lutter contre ce protectionnisme
destructeur de l’environnement, le point
de vue « environnemental » est constamment rappelé dans les grandes négociations internationales (CEE, Uruguay
Round) où il est avancé, en premier lieu,
que le soutien apporté aux productions
vivrières doit passer par une amélioration de l’organisation de leurs débouchés
et, en second lieu, que, dans les pays industrialisés, la réduction des subventions
et surtout des rendements (problème des
surplus) doit entraîner à la fois celle de
l’utilisation des engrais et des insecticides
et celle de l’érosion.
Enfin, la mondialisation de la pollution condamne à l’avance le volontarisme
de certains pays isolés qui pensent pouvoir résoudre tout seuls les problèmes
d’environnement.
Les pays sont donc contraints à
s’entendre pour résoudre cette question
devenue planétaire. La coopération internationale s’impose déjà pour des problèmes tels que ceux de la détérioration
de la couche d’ozone, des modifications
climatiques liées à l’effet de serre, de la
gestion des espaces maritimes (transport
du pétrole et immersion des déchets), etc.
En définitive, cette discussion sur la
croissance soutenable souligne que l’environnement est un bien collectif universel qui ne saurait appartenir ni à un seul
pays ni aux seules générations actuelles.
Par ailleurs, comme c’est un bien qui se
dégrade facilement, la contrainte de gestion doit dominer afin que soient économisées les ressources, évité le gaspillage
et limitée la gravité des conséquences de
nos activités actuelles qui, dans un avenir plus ou moins proche, peuvent venir
affecter l’ensemble de la planète.
GILBERT RULLIÈRE
Directeur de recherches au CNRS, spécialisé dans
l’économie agricole. Gilbert Rullière enseigne la
gestion et l’économie du financement des entreprises
à l’université de Lyon-I.
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LE POINT SUR...
FINANCES INTERNATIONALES
Tout comme par le passé, les marchés
financiers et les places boursières internationales ont fait preuve tout au long de
l’année d’une instabilité déconcertante,
donnant ainsi l’impression d’une grande
fragilité aux chocs extérieurs, à caractère
essentiellement psychologique.
D’un côté, alors que les évolutions
économiques fondamentales, ou « fondamentaux » (notamment les tendances
presque permanentes des déficits liés
du commerce extérieur et du budget),
inciteraient les opérateurs à beaucoup de
prudence, voire au pessimisme, les anticipations de ces derniers peuvent orienter les marchés à la baisse, selon qu’ils
croient que l’évolution est favorable ou
non à l’achat de valeurs mobilières. Ainsi,
alors que l’expansion tombait de 3,25 %
en 1989 à 2 % en 1990 et à 1,25 % en
1991, reflétant un ralentissement durable
dans les pays industrialisés et une chute
brutale de l’activité économique dans
les pays en voie de développement, en
Europe de l’Est et au Moyen-Orient, les
opérateurs n’ont jamais cessé de miser
sur une reprise de l’activité au cours de
l’année 1991, ce qui a fait repartir à la
hausse les marchés boursiers. Cependant,
celle-ci a été interrompue à deux reprises
par des chocs extérieurs (par exemple le
putsch manqué en URSS en août).
La sinistrose
D’un autre côté, au cours de ces dernières années, et comme le soulignent les
précédents krachs des 19 octobre 1987
et 13 octobre 1989, les marchés financiers se sont toujours montrés sensibles,
sinon vulnérables, aux nouvelles, événements ou rumeurs sans rapport direct
avec les performances des entreprises ou
de l’économie réelle (la production et les
échanges). Dans une telle situation où
l’incertitude domine, la bulle financière
ne met que quelques heures à éclater,
c’est-à-dire que le mouvement de hausse
des cours boursiers, qui s’étend sur plusieurs semaines, s’arrête immédiatement
et s’accompagne d’une chute plus ou
moins brutale. Dans ce cas, le plongeon
des actions indique que les investisseurs
ont tenu compte des éléments économiques fondamentaux, sans d’ailleurs
pour autant que l’économie réelle s’en
trouve affectée : à l’hypersensibilité des
marchés financiers correspond, à l’opposé, une profonde inertie de l’économie
réelle.
Dès le début de l’année, ce modèle de
fonctionnement des marchés a pu être
vérifié. En effet, avec la crise du Golfe
ouverte en août 1990, ceux-ci ont traversé une forte dépression. Mais le début
de l’offensive alliée, le 17 janvier, a été
interprété favorablement ; par conséquent, comme les marchés ont anticipé
en même temps un redémarrage économique et une sorte de récession, la hausse
des cours boursiers a pu reprendre.
Le mercredi 17 avril, l’indice Dow
Jones a franchi pour la première fois de
son histoire la barre des 3 000 points (soit
15 % de hausse à Wall Street, depuis le début de l’année). Il aura donc fallu attendre
neuf mois pour atteindre ce record, entre
le 16 juillet 1990 (2 999,75 points) et le
17 avril 1991 (3 004,46 points). Malgré
quelques signes décourageants (ralendownloadModeText.vue.download 320 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
318
tissement de l’économie américaine), les
cours boursiers ont fluctué autour des
3 000 points jusqu’au mois d’août.
Le même scénario s’est produit avec
l’échec du putsch soviétique d’août et le
krash « mou » de novembre. Dans un cas
comme dans l’autre, ce sont des chocs
extérieurs (destitution de M. Gorbatchev,
performances médiocres de l’économie
américaine) qui ont provoqué une chute
brutale des cours. Dans le premier cas, le
renversement et la remontée des cours
ont été immédiats. Dans le second cas,
l’absence de reprise de l’activité économique a entraîné un mouvement durable
de baisse des cours : – 11 % en France,
– 8,4 % au Japon, – 6,3 % aux États-Unis,
– 6,4 % en Grande-Bretagne et – 4,3 % en
Allemagne. Une véritable « sinistrose »
a gagné les investisseurs, rejoignant les
appréciations défavorables portées sur
l’évolution économique fondamentale.
GILBERT RULLIÈRE
COMMERCE INTERNATIONAL
En 1990, les échanges mondiaux de
marchandises (hors services) avaient
augmenté fortement, pour atteindre
un record de 6 750 milliards de dollars (40 800 milliards de francs) contre
5 920 milliards en 1989, soit une hausse
de 14,7 %.
En 1991, selon le rapport annuel de la
CNUCED (Conférence des Nations unies
pour le commerce et le développement),
la décélération de la croissance économique dans certains pays industrialisés
a entraîné un tassement de la croissance
du commerce international de l’ordre de
3 % contre 4,3 % en 1990 ; mais, en dépit
de cette décélération, les échanges mondiaux sont toujours restés orientés à la
hausse, à un taux un peu moins élevé toutefois. Quant aux causes de ce ralentissement des échanges, il est apparu que la
crise du Golfe n’a pas joué un rôle important. C’est plutôt la moindre progression
des investissements et des dépenses de
consommation dans les pays industrialisés qui pourrait être regardée comme
responsable.
L’Uruguay Round, toujours
Il n’en demeure pas moins que, si
l’incidence globale de cette crise sur le
commerce mondial a été relativement
faible, des pays comme la Jordanie, la
Turquie, la Roumanie, l’Inde et la Yougoslavie ont manqué des ventes. Par ailleurs, la baisse des transports maritimes
a entraîné des pertes considérables pour
des pays comme Djibouti ou l’Égypte, à
laquelle le trafic transitoire par le canal de
Suez assure le cinquième de ses recettes
en devises.
La croissance des échanges extérieurs
s’est renforcée en Amérique latine (sauf
au Brésil), y compris parmi les pays nonexportateurs de pétrole. L’Afrique, et plus
particulièrement les pays les moins avancés du continent, ont été très touchés par
le ralentissement de l’activité mondiale.
Quant aux États asiatiques fortement
orientés vers le commerce extérieur, tels
que la Corée du Sud et Singapour, ils ont
continué à souffrir de la réduction de la
demande de leurs produits d’exportation.
En revanche, Hongkong a amélioré ses
résultats grâce au redressement du commerce en entrepôt avec la Chine.
À l’Est, la CNUCED a estimé que,
si les échanges commerciaux des pays
de l’Est avec les autres pays industriels
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ÉCONOMIE
319
pouvaient augmenter rapidement et fortement (l’Allemagne a presque doublé
ses exportations entre 1989 et 1990), ils
se heurteraient, à terme, à des difficultés
tenant à des contraintes internes d’approvisionnement et à des moyens financiers
insuffisants.
D’autre part, les négociations de
l’Uruguay Round, interrompues à la
suite de l’échec de la conférence ministérielle du 7 décembre 1990, ont repris le
mercredi 20 février à Genève. Visant à
consolider et à renforcer le libre-échange
international, ces négociations, engagées à l’automne 1986 à Punta del Este,
avaient achoppé sur le différend oppo-
sant la Communauté européenne aux
États-Unis ainsi qu’aux principaux pays
producteurs agricoles, à propos des aménagements à apporter aux politiques
agricoles. Jusqu’à la fin de novembre, les
négociations internationales ont traîné
en longueur, car les États-Unis et la CEE
sont restés sur leurs positions respectives,
ne voulant pas sacrifier les intérêts de
certains groupes de producteurs (surtout
dans les secteurs de l’aéronautique et de
l’agriculture).
Les négociateurs européens et américains se sont séparés après avoir constaté
que les positions ne pouvaient pas être
suffisamment rapprochées pour conclure
un accord.
GILBERT RULLIÈRE
CEE
Le ralentissement de l’économie mondiale, particulièrement prononcé aux
États-Unis, a entraîné, dans les pays de
la Communauté européenne, une diminution très nette de la croissance, dont
le taux n’a pu dépasser 1,25 %, alors qu’il
avait été de l’ordre de 3 % en 1990.
Quelques initiatives...
Cette baisse d’activité a principalement touché le Royaume-Uni qui, avec
– 1,4 %, s’est enfoncé dans la récession,
alors que la France, avec + 1,3 %, se maintenait dans la moyenne communautaire,
et que l’Allemagne, malgré la réunification, réussissait à conserver un taux de
3 %.
Les promesses que le chancelier Kohl
avait faites avant les élections panallemandes du 2 décembre 1990 se sont
toutefois révélées sans suite. En effet, la
mise en place de l’économie de marché
à l’Est n’a pas permis de combler assez
vite l’écart entre les deux Allemagnes
pour éviter de massives suppressions
d’emplois dans l’ex-RDA, où l’on comptait
au mois d’août 2,8 millions de chômeurs,
dont 2 millions à temps partiel. Même
si la situation s’améliorait à l’Ouest, cela
n’était pas suffisant, bien entendu, pour
empêcher sa dégradation dans l’ensemble
de la Communauté, où le chômage frappait 9 % de la population active en août,
contre 8,4 % douze mois plus tôt.
Le taux annuel de l’inflation est également resté élevé dans la CEE (5 %), en
particulier à cause des mauvais résultats
de l’Italie (6,3 %), de l’Espagne (6,9 %)
et surtout de la Grèce (18 %). Grâce au
maintien de la politique de rigueur, la
hausse des prix a été limitée en France
à 2,6 %, chiffre nettement inférieur à
ceux de l’Allemagne unifiée (3,9 %) et du
Royaume-Uni (4,1 %).
Les Douze ont poursuivi leur aide
aux pays de l’Est. Dans le cadre du programme Phare, dont le but est d’appordownloadModeText.vue.download 322 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
320
ter à ces nations un soutien financier et
technique qui permettrait qu’y soient
créées les conditions de l’économie de
marché, la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie, la Roumanie, la Tchécoslovaquie
et la Yougoslavie ont reçu une somme de
5,4 milliards de francs. La Communauté
a aussi accordé un crédit de 14 milliards
de francs à l’Union soviétique pour lui
permettre de nourrir sa population pendant l’hiver.
Il faut également signaler l’inauguration à Londres, le 15 mai, de la BERD
(Banque européenne pour la reconstruction et le développement). Le but de cet
organisme est de promouvoir l’investissement privé en Europe de l’Est. La CEE
détient 51 % de son capital, qui est de
10 milliards d’écus (70 milliards de F).
Enfin, les Douze ont conclu le 31 juillet un accord avec les Japonais sur leurs
exportations de voitures vers la Communauté. Le compromis prévoit l’ouverture
progressive du marché européen et la
suppression de tous les quotas pour l’an
2000.
LAURENT LEBLOND
TIERS!MONDE
1991 a été une nouvelle année perdue
pour le tiers-monde. La croissance des
pays en développement s’est ralentie et
le revenu par habitant est resté stationnaire. Cette évolution cache toutefois
des disparités croissantes entre pays,
voire entre continents : l’Asie, où de plus
en plus d’États sont sur la voie du succès,
a poursuivi son développement, l’Amérique latine a enregistré certains progrès
en dépit d’une inflation galopante et
l’Afrique (en particulier l’Afrique subsaharienne) a continué de s’enfoncer dans
le chaos.
Les mauvaises performances des
pays sous-développés s’expliquent essentiellement par la dégradation de
l’environnement international : ralentissement de l’activité économique dans les
pays riches, décélération du commerce
mondial, persistance des taux d’intérêts
élevés et effets de la crise du Golfe (perte
des revenus des travailleurs émigrés renvoyés chez eux, crise du tourisme, réduction des débouchés, baisse de l’aide,
hausse du prix du pétrole, frais de guerre
et de reconstruction). La poursuite des
politiques d’ajustement et des réformes
structurelles qui commençaient à porter leurs fruits dans certains pays, mais
qui sont pour la plupart synonymes de
récession, de chômage et d’appauvrissement, et la chute persistante des cours
des matières premières ont encore accentué la crise.
Nombre de pays ont subi la dégradation de leur environnement et de leur
système éducatif et sanitaire (choléra
au Pérou, sida, drogue), et affrontent
la famine, sans compter les problèmes
provoqués par l’augmentation des populations de sans-abri, réfugiées ou
immigrées, elle-même engendrée par
les catastrophes naturelles (Philippines,
Bangladesh), par les guerres et par les
luttes interethniques.
Manque d’argent et erreurs politiques
Bien sûr, au centre de la crise du développement se trouve toujours la question
de la dette. Même si elle progresse de
plus en plus lentement, le pragmatisme
l’emportant dans la façon de la gérer, de
moins en moins nombreux sont les pays
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ÉCONOMIE
321
qui arrivent à assurer leurs remboursements. En outre, le service des intérêts
dépasse lui-même encore très souvent le
montant des nouveaux prêts. Alors que
les rééchelonnements se suivent, l’idée de
la réduction de la dette et de son service
et la nécessité d’apporter de nouveaux
flux de financement ne cessent de se propager (la France et le Royaume-Uni sont
particulièrement favorables, les ÉtatsUnis sont plus réticents), mais toujours
au cas par cas.
Ainsi, après avoir concerné d’abord
les plus pauvres, l’allégement touche
maintenant d’autres catégories de pays :
ceux qui sont bénéficiaires du plan
Brady, ceux qui ont poursuivi un effort
vigoureux d’ajustement, ceux à qui l’on
accorde des conditions exceptionnelles,
comme l’Égypte, en mai (après la Pologne en janvier), en contrepartie du
rôle joué par cet État lors de la crise du
Golfe, ceux enfin qui sont choisis unilatéralement par les pays industrialisés
(France, Royaume-Uni, États-Unis) en
raison de leur pauvreté.
Le Japon, pour sa part, a manifesté
sa crainte que ces traitements de faveur
fassent tache d’huile, au moment où il
apparaît indispensable de ne pas décourager les bons payeurs, d’obtenir le
paiement d’arriérés encore importants
et d’encourager, par le dialogue avec le
FMI, la réinsertion de certains pays (Brésil, Pérou, Zambie) dans la communauté
internationale.
En dépit de ces efforts d’allégement, le
tarissement des ressources d’argent frais
dans le tiers-monde pose un problème
crucial à son développement : non seulement l’Aide publique au développement
est restée insuffisante, mais surtout les
capitaux privés se sont raréfiés dans un
contexte de pénurie mondiale accentuée
par la nouvelle concurrence des pays de
l’Est.
Pour lever les obstacles au développement, quelques nouvelles propositions ont été avancées. Selon la Banque
mondiale, la croissance du tiers-monde
devrait passer, par de meilleures relations
entre l’État et le marché dans un cadre
d’intégration mondiale. D’où l’importance de conclure l’Uruguay Round.
Selon l’ONU, la pauvreté tient plus à
des erreurs de politique qu’au manque
d’argent en raison de certains excès :
dépenses militaires tout à fait exagérées, fuite de capitaux, corruption. Pour
sa part, le tiers-monde demande que le
nouvel ordre international, dont la mise
en place avait été évoquée par les pays
industrialisés après la guerre du Golfe, lui
soit plus favorable.
DOMINIQUE COLSON
BANQUE
Les banques françaises ont enregistré une
nouvelle dégradation de leurs résultats.
Le produit net bancaire (PNB), composé
pour les trois quarts de la marge d’intérêt, a continué de se réduire. Plusieurs
raisons l’expliquent : coût croissant des
ressources (baisse des dépôts gratuits
par rapport aux produits plus alléchants
et donc mieux rémunérés) ; diminution
de la rentabilité des crédits (guerre des
taux due à la concurrence, croissance des
impayés) et amenuisement de leur distribution. Le ralentissement de l’activité
économique et une plus grande prudence
des banques depuis la loi sur le surendownloadModeText.vue.download 324 sur 490
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322
dettement sont à l’origine de ce dernier
phénomène.
Parallèlement, les frais généraux ont
continué d’augmenter. Les banques ont
donc été amenées à accroître leurs provisions, moins, cette année, pour les
risques « pays » au niveau international
(tendance au plafonnement) que pour les
risques « clients » (entreprises et particuliers) au niveau national.
Pour remédier à la baisse de leur rentabilité, les banques, plus ou moins touchées, ont dû céder soit des immeubles,
soit des titres de participation. En outre,
elles ont cherché à développer la part des
commissions dans le PNB en multipliant
la facturation des services et n’ont pas hésité à se séparer des clients non rentables.
SICAV et surbancarisation
Les banques ont surtout entrepris un
effort de redressement et de restructuration pour améliorer leur productivité :
allégement des effectifs, réduction des
frais de siège par une automatisation plus
poussée des opérations ; enfin elles ont
cherché à se diversifier en se portant sur
de nouvelles activités (développement de
la bancassurance, politique de croissance
externe, etc).
Si les banques ont procédé au renforcement de leurs fonds propres pour
mieux satisfaire aux règles prudentielles,
elles ont été en revanche de plus en plus
handicapées par le succès des SICAV monétaires (hors bilan) qui se développent
au détriment de leurs produits et des dépôts. Aussi ont-elles réagi en tentant de
dissuader une partie de la clientèle par la
hausse des droits d’entrée et des frais de
gestion, et en obtenant de l’État une réglementation plus stricte. De même, avec
la loi sur la sécurité du chèque bancaire,
espèrent-elles réduire le coût des chèques
sans provision ou volés. Dans le contexte
actuel de « surbancarisation », elles ont
bien évidemment approuvé le rapport
Ullmo qui jugeait « inopportune » la
distribution de prêts (sans épargne préalable) par La Poste.
L’Association française des banques
(AFB), qui avait entamé à l’automne 1990
la réforme de la convention collective datant de 1936, a dû l’ajourner en raison des
réticences syndicales.
DOMINIQUE COLSON
BOURSE
1991 a encore été pour la Bourse une
année tourmentée. Fin décembre, la plusvalue, qui était, avant le 14 novembre, de
22 % selon l’indice de référence CAC 40,
n’est plus que de 12 % (indice = 1 700,00).
Ce qui reste, jugera-t-on, décevant après
les chocs de 1990, mais qui est objectivement satisfaisant, puisque, tout compte
fait, l’investissement en actions a été
meilleur que l’indéfectible placement en
SICAV monétaires (autour de 8,85 %) et
aussi judicieux que celui fait sur les obligations sensibles (autour de 9,60 %).
De fait, après la victoire fulgurante
des alliés sur l’Irak, la situation portait de
multiples espoirs : corriger les excès que
la panique avait engendrés dès l’annonce
de l’annexion du Koweït ; lever les réticences des consommateurs et des entrepreneurs engendrées par l’incertitude
dans laquelle le sort des armes avait tenu
ces agents économiques ; renouer avec la
croissance, particulièrement aux ÉtatsUnis, où la récession avait sévi dès avant
les événements.
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ÉCONOMIE
323
Les politiques d’assainissement,
surtout en Allemagne, chez qui la hantise d’un emballement de la machine
économique et des prix l’emportait sur
toute autre considération, ajoutaient
l’espérance que l’inflation serait mieux
contrôlée et dominée. L’anticipation était
que le taux de l’argent long, puis court,
devait baisser presque partout dans le
monde. La France, devant la réussite de
la rigueur, présentait les chances les plus
sérieuses, jusqu’à pouvoir enfin se comparer à l’Allemagne, hier parangon de la
vertu financière, aujourd’hui occupée à
construire une réunification onéreuse,
mais irréversible.
Sur ces points, il n’y a pas eu d’erreurs. La désescalade des taux longs a
bien eu lieu. Ils sont passés, en France,
de 10,40 % en septembre 1990 à 9,40 %
en avril 1991, pour se stabiliser ensuite
autour de 8,85 %. Avec une inflation de
3,2 %, le rendement net est donc chez
nous de 5,60 %. Voilà qui est excessif,
surtout si l’on sait que le taux en Allemagne est de 8,40 %, avec une inflation
proche de 4 %.
Pourquoi n’avons-nous pu faire
mieux ? Parce que notre politique monétaire au jour le jour pour garantir la valeur du franc à l’intérieur du SME, nous
oblige à nous aligner sur celle de la Bundesbank et nous interdit de baisser, de
manière indépendante et volontariste, le
prix de l’argent à court terme, qui se situe
toujours aux environs de 10 %.
La seconde contrainte de la France et
de presque tous les autres pays est de jauger leur santé sur l’apathie ou la vigueur
de l’économie américaine, mais le frémissement attendu à la fin du conflit du
Moyen-Orient ne s’est pas produit.
Une telle conjoncture, qui ne devrait
pas alarmer, est pourtant vécue dans
l’émotion et l’incohérence. La sensibilité des marchés s’accroît d’une semaine à
l’autre, d’une heure à l’autre, d’une information à l’autre. Elle est explicable, non
par l’économie, science déjà difficile, mais
par la psychologie, encore plus incertaine. Les économies semblent ne plus
répondre aux stimulations qui d’ordinaire
les propulsent : le différé peu à peu apparaît comme impossible. La division de la
planète en deux blocs, l’un bon et l’autre
mauvais, disparaît, et l’Europe, dont la
formation s’accélère, à la fois exalte et
inquiète. Les citoyens, d’où qu’ils soient,
comptabilisent ce qui est perdu et ne
voient pas encore ce qui sera gagné.
Cette conjonction aboutit à ce que
Paris est, à la fin de 1991, une place
sous-estimée, dans l’étroite mesure où
elle sous-estime elle-même, de façon
irrationnelle, ses capacités d’avenir. Les
taux doivent continuer de baisser en
1992, avec des inflations également en
baisse ; la reprise économique s’amorcera certes de manière lente mais inévitable, accompagnée d’une progression
plus nette des bénéfices des sociétés. Le
calendrier, lui, est imprécis. C’est là que
le bât blesse.
ÉDOUARD MATTEI
ÉPARGNE
Les français ont recommencé un peu
à épargner. En 1991, ils ont mis de côté
12,7 % de leurs revenus, contre 11,7 %
seulement en 1987. Les craintes des ménages engendrées par les incertitudes de
la crise du Golfe, la moindre progression
de leur pouvoir d’achat et les restrictions
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324
apportées au crédit ont favorisé la constitution d’une épargne de précaution.
Pénurie mondiale
Les taux d’intérêt attractifs, les faveurs fiscales et la sécurité restent les
trois éléments déterminants de l’orientation de l’épargne. En période d’incertitude, les épargnants préfèrent les placements liquides et sans risque (d’où le
succès des SICAV à court terme, principalement monétaires, qui ont dépassé
les 1 000 milliards de F – contre 400 milliards en 1987). Ces mêmes épargnants
ont également manifesté leur engouement, en raison de ses conditions attractives, pour un produit d’épargne longue,
le PEP (Plan d’épargne populaire), créé
l’an dernier et dont la collecte a vivement progressé (105 milliards de F en
décembre 1990, 150 milliards en mai),
davantage pour les PEP bancaires que
pour les PEP assurances.
Au-delà de ces deux grandes tendances, la reprise des SICAV obligataires
s’est confirmée et les SCPI (Sociétés civiles de placements immobiliers) se sont
bien développées, la pierre papier ayant
ainsi compensé la baisse de l’investissement logement. En revanche, les SICAV
actions ont poursuivi leur lente hémorragie, tout comme ont inexorablement
décliné les placements sur livrets, qu’ils
soient bancaires, « A » ou bleus (pour ces
deux produits, le plafond a été relevé de
90 000 à 100 000 F le 1er novembre), et sur
les comptes et plans d’épargne logement.
Toutefois, l’importance de leurs encours,
en dépit d’un rendement médiocre, traduit une certaine inertie de l’épargne, en
particulier en ce qui concerne les Français les moins aisés.
Le succès des SICAV monétaires
va à l’encontre des objectifs recherchés
tant par les pouvoirs publics, qui souhaitent favoriser l’épargne longue et
stable au détriment de l’épargne liquide
et volatile et les placements productifs
au détriment des placements spéculatifs, que par les entreprises, qui désirent
accroître leurs fonds propres et investir. Cela a été mis en évidence par un
certain nombre de rapports publiés au
cours de l’année.
La faiblesse du taux d’épargne en
France, aggravée en 1991 par la tendance
du déficit budgétaire à déraper et par la
dégradation de la situation financière des
entreprises, reflète un problème général
propre à de nombreux pays industrialisés
et traduit une pénurie d’épargne à l’échelon mondial.
DOMINIQUE COLSON
INVESTISSEMENTS
Pour la première fois depuis 1984, l’investissement productif des entreprises a
reculé en moyenne annuelle de 1 % en
volume. La baisse a été particulièrement
sensible au premier semestre.
Cette évolution d’ensemble cache des
disparités : recul des investissements dans
l’industrie concurrentielle (moins 6 %,
après plus de 10 % en 1990), accélération
des dépenses pour les grandes entreprises
nationales et stabilisation pour les autres
secteurs (services, bâtiments et travaux
publics). Les entreprises s’orientent toujours plus vers les investissements de productivité et de modernisation plutôt que
de capacité. Enfin, phénomène nouveau,
les investissements financiers, c’est-à-dire
les acquisitions françaises tant en France
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ÉCONOMIE
325
qu’à l’étranger, ont baissé d’un tiers au
cours de l’année.
Choyer les PME
L’inflexion de la demande intérieure
et étrangère, l’attentisme dû à la crise du
Golfe et la dégradation des résultats des
entreprises ont fortement contribué à
une réduction de l’effort d’investissement
d’autant que les conditions de financement (alourdissement de l’endettement,
taux d’intérêts élevés) n’étaient guère
favorables.
Pour combler leur retard en matière
d’investissement, les entreprises ont
réclamé le ralentissement des prélèvements sociaux et la possibilité de renforcer leurs fonds propres et de développer
leur épargne longue, autant de tendances
confirmées par le rapport Escande,
« Épargne et financement des investissements productifs à l’horizon 1993 », présenté en octobre au Conseil économique
et social.
Considérant toujours l’investissement comme essentiel pour la compétitivité des sociétés, le gouvernement s’est
préoccupé des petites et moyennes entreprises, qu’il voudrait voir augmenter
leurs fonds propres, investir et embaucher. Ce but tente d’être atteint par une
série d’incitations essentiellement fiscales
(crédit d’impôt pour l’augmentation des
fonds propres, exonération des plus-values financières réinvesties, extension
de la baisse de l’impôt de 42 à 34 % aux
bénéfices distribués), par l’allégement des
prélèvements sociaux en cas d’embauché d’un jeune sans qualification, et par
l’accès au crédit rendu plus facile par la
possibilité d’obtenir des taux privilégiés.
DOMINIQUE COLSON
CONSOMMATION
En 1991, la consommation des ménages
n’a augmenté que de 1,7 % en volume,
contre 2,9 % en 1990. Le rythme de croissance s’est particulièrement ralenti au
premier semestre en raison de la baisse
des achats de produits manufacturés
(– 0,6 %). Le repli a surtout concerné le
gros équipement ménager, l’ameublement et l’électronique grand public, et,
dans une moindre mesure, les immatriculations de voitures neuves. La consommation des services continue de se développer, mais moins rapidement, tandis
que l’agroalimentaire suit la tendance des
années précédentes.
Les Français ont moins dépensé pour
plusieurs raisons. D’abord, la guerre du
Golfe et la crainte des attentats (le plan
« Vigipirate ») ont réveillé les inquiétudes de certains qui ont alors décidé, à
part quelques opérations de stockage de
denrées alimentaires, de retarder leurs
achats non indispensables. Ensuite, dans
un contexte de ralentissement de l’activité économique, les revenus des ménages ont moins progressé sous l’effet de
la reprise du chômage, de la modération
salariale et de l’alourdissement des prélèvements sociaux. De ce fait, le pouvoir
d’achat n’a augmenté que de 1,7 % contre
3,7 % en 1990. Enfin, la contraction du
crédit (« credit crunch »), tant à cause
de la plus grande prudence observée par
les banques après l’entrée en vigueur de
la loi Neiertz sur le surendettement (plus
de 130 000 dossiers déposés) que de la
moindre demande de crédits de la part
des particuliers confrontés à la dégradation de leur situation financière, a traduit
la fin d’une période. La croissance du cré-
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
326
dit à la consommation, qui était de 40 %
en 1986 et de 36 % en 1987, n’a cessé de
ralentir pour atteindre 9,4 % en 1990 et à
peine 6 % en 1991.
Trois projets de loi
Après la disparition, dans le nouveau
gouvernement, du secrétariat d’État à la
Consommation, Mme Véronique Neiertz
est devenue secrétaire d’État aux Droits
des femmes et à la Vie quotidienne. Pour
sa part, François Doubin, ministre délégué au Commerce, à l’Artisanat et à la
Consommation, a été chargé de défendre
les lois sur la consommation devant le
Parlement où trois projets de loi ont été
discutés : le projet Neiertz renforçant la
protection des consommateurs les plus
vulnérables (élargissement de la notion
« d’abus de faiblesses », possibilité d’un
accès collectif à la justice, suppression
des clauses abusives de certains contrats)
et autorisant la publicité comparative,
adopté en avril par les députés ; le projet
visant à enrayer l’explosion du nombre
des chèques impayés (3,7 millions sur 9
pour un coût de 4 milliards de F) en prévoyant leur dépénalisation (pour désengorger les tribunaux) à laquelle est substituée l’interdiction bancaire jusqu’au
paiement d’une amende de 120 F par
tranche de 1 000 F et de la régularisation
de l’opération ; enfin, le projet relatif à
l’ouverture des commerces le dimanche
qui maintient le statu quo (c’est-à-dire la
fermeture), mais qui contient une liste de
dérogations et prévoit l’élargissement à
six du nombre d’autorisations exceptionnelles d’ouvertures dans l’année.
DOMINIQUE COLSON
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ÉCONOMIE
327
ÉTATS!UNIS :
L’ARLÉSIENNE
DE LA REPRISE
Si les Américains ont remporté la guerre
du Golfe avec facilité, ils restent désespérément ensablés sur le front de leur économie
domestique. À moins d’un an des élections
présidentielles, ce domaine est le seul
talon d’Achille offert par George Bush à ses
adversaires politiques.
Si près des trois quarts des Américains font encore confiance à leur président pour la façon dont il conduit les
Affaires étrangères, ils ne sont plus qu’à
peine 30 % à lui accorder un soutien
mesuré pour ses initiatives économiques
qui, pendant des mois, se sont bornées
à implorer les statistiques pour qu’elles
veuillent bien confirmer une reprise économique sans cesse reportée.
Officiellement, l’économie américaine est entrée en récession en juillet
1990, à la veille de l’invasion du Koweït
par les troupes de Saddam Hussein.
Une simple coïncidence, puisque depuis longtemps, en fait depuis le début
de l’année 1989, l’activité industrielle
avait commencé à chuter. Logiquement, et pour respecter la même coïncidence, l’économie aurait dû repartir
dès le premier trimestre 1991, après la
victoire éclair remportée sur Bagdad, le
triomphe de la technologie américaine,
la stabilisation des prix du pétrole à
moins de 20 dollars le baril et, surtout,
la reprise de la consommation, freinée
par plusieurs mois d’incertitude avant
le déclenchement de l’offensive, à la mijanvier. Mais il n’en a rien été.
Une reprise trop timide
Les consommateurs qui, traditionnellement, fournissent 70 % de la richesse
nationale, mesurée par le produit national brut (PNB), ont continué à bouder
non seulement les rayons des magasins,
mais aussi les entreprises de construction
immobilière et les concessionnaires automobiles (à leur plus bas niveau depuis
1983), deux secteurs clés qui, en fin d’année, n’avaient toujours pas retrouvé leurs
niveaux de clientèle antérieurs à la crise.
Dans le même temps, les exportations,
qui représentent moins de 10 % du PNB
et qui ont contribué elles aussi à tirer la
croissance vers le haut durant les « années Reagan », grâce à un taux de change
favorable, ont amorcé un recul sous le
double effet de la remontée du cours du
dollar depuis l’été 1991, et de la récession.
Celle-ci a ensuite affecté les principaux
partenaires commerciaux des ÉtatsUnis (notamment le Canada), puis leurs
clients européens, qui ont basculé à leur
tour dans la crise, freinant de ce fait les
exportations. Au total, le produit national brut américain, qui avait faiblement
progressé en 1990 (+ 1 %), s’inscrira en
légère baisse en 1991, à condition toutefois que le sursaut enregistré au cours des
derniers mois se concrétise.
Mais le problème n’est pas tant la durée de cette récession (laquelle aura été
finalement inférieure à la durée moyenne
de seize mois des principaux ralentissements de l’après-guerre) que la faiblesse
du redémarrage constaté. Historiquement – et c’était particulièrement vrai
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
328
en 1982-1983 –, les précédentes sorties
de crise ont débouché sur des envolées
du PNB qui pouvaient atteindre 5 à 6 %.
Cette fois, les spécialistes, qui hésitent
encore entre une « reprise molle » en
fin d’année et la crainte suprême d’un
« double plongeon » (une rechute dans
la récession en raison d’une reprise trop
timide de la croissance), anticipent au
mieux un taux de 2,5 à 3 % pour le début
de 1992, soit la moitié des performances
précédentes. Un diagnostic auquel se
range la Réserve fédérale américaine.
L’impact sur l’emploi
Pour l’administration Bush, qui escompte
une croissance supérieure en 1992 (de
l’ordre de 3,6 %), c’est sans doute là l’un
des plus mauvais scénarios. Trop faible
pour signifier au reste du monde que les
États-Unis sont redevenus la locomotive
qu’attendent les autres pays industrialisés, cette reprise anémique ne va pas
contribuer à résorber de façon nette le
chômage, alors que 1,6 million d’emplois
auront été perdus au cours de l’année
(contre 2,6 millions lors de la précédente
récession de 1979-1982).
Ce problème constitue l’une des principales préoccupations de la population,
à en juger par un certain nombre de sondages, surtout dans les régions où la crise
de l’emploi a été particulièrement aiguë
depuis près de deux ans (la côte est, notamment la Nouvelle-Angleterre, autour
de Boston, et la Californie, à l’ouest du
pays). Encore faut-il remarquer que la
récession aurait été plus grave si la bonne
tenue des exportations, conduisant à
une compression du déficit de la balance
commerciale (revenu aux alentours de
80 milliards de dollars contre plus de
100 milliards fin 1990), n’avait apporté
une contribution positive de 1,3 % au
PNB, alors qu’au cours des dernières périodes de récession le déficit commercial
avait été, à l’origine, d’environ 30 % de la
baisse de la croissance.
À l’automne, période privilégiée des
choix budgétaires pour les entreprises et
pour l’État, les nombreuses suppressions
d’emplois précédemment envisagées, et
qui se comptent par dizaines de milliers,
se sont concrétisées. Ainsi, IBM, le géant
mondial de l’informatique, a supprimé
quelque 17 000 postes durant l’année. De
leur côté, Pan Am, Union Carbide, Dupont, Pacific Telesis, American Express
ou encore First Interstate Bank, pour ne
prendre que les exemples récents de sociétés connues, ont annoncé des licenciements concernant à chaque fois 2 000 à
6 000 personnes. Généralement, il s’agit
d’entreprises travaillant dans le secteur
des services, celui qui avait créé la quasi-totalité des nouveaux emplois (18 millions) au cours des années 80 et qui, aujourd’hui, subit le sort réservé jusque-là
à l’industrie. Parmi les secteurs les plus
touchés figurent la banque, la finance,
l’immobilier, l’assurance, la grande distribution, autant de piliers qui font
aujourd’hui défaut à de grandes villes
comme New York, étranglée par l’explosion de ses dépenses sociales alors que la
collecte des impôts des particuliers et des
entreprises a fortement baissé.
Le remède miracle
Si la reprise de l’activité ne trouve son aliment ni dans la consommation (les revenus des ménages ont reculé en termes
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ÉCONOMIE
329
réels tandis que leur épargne se situait
à son plus bas niveau : autour de 3,5 %
du revenu disponible contre près de 8 %
au début des années 80) ni dans les exportations, faut-il espérer beaucoup de
l’appareil productif ? Là aussi une grande
prudence s’impose au vu des statistiques
des commandes de biens durables, lesquelles reflètent la mauvaise performance
des biens d’équipement industriel. Une
déception qui s’explique par l’hésitation
des entreprises à reconstituer leurs stocks
que les industries maintiennent à un
bas niveau durant la phase de récession
tant qu’elles ne sont pas certaines que la
reprise est effectivement au rendez-vous.
Régulièrement, par la voix de George
Bush en personne, de son économiste en
chef, Michael Boskin, ou de son secrétaire au Trésor, Nicholas Brady, la Maison-Blanche annonce la bonne nouvelle
pour le lendemain, en faisant de son
éternel credo (« la baisse des taux d’intérêt ») le remède miracle à une reprise de
la croissance que l’inflation, désormais
maîtrisée, ne semble plus menacer. De
fait, la hausse des prix se maintient dans
des limites raisonnables (3,8 % en termes
annuels) ; mais cette statistique encourageante ne semble pas inciter la Réserve
fédérale à peser lourdement sur ses taux
d’intérêt. Son président, Alan Greenspan,
reconduit en août dernier pour un deuxième mandat de quatre ans, s’obstine à
pratiquer une méthode de détente des
taux à dose homéopathique. À raison de
0,5 % à chaque fois, son taux d’escompte
se situe maintenant à 5 %, ce qui constitue
un net progrès en l’espace d’un an (il était
à 7 % en décembre 1990) et le plus bas
niveau atteint depuis 1983. Mais, dans le
même temps, le taux de base bancaire,
qui sert de plancher pour établir toute la
hiérarchie des autres taux applicables à
la clientèle commerciale et privée d’une
banque, reste fixé autour de 8 %, contribuant à renréchir le loyer de l’argent,
lequel souffre, de plus, d’une contraction
des sommes disponibles depuis que les
établissements bancaires, échaudés par
les épouvantables pertes subies sur le
front immobilier ou sur celui d’une clientèle devenue brusquement insolvable
pour cause de récession, se sont mis en
tête de fermer le robinet du crédit.
Le problème
de la masse monétaire
Dans ces conditions, justifiées par la
remise en ordre généralisée du système
bancaire américain, éclaté entre quelque
12 150 banques commerciales et fragilisé par des faillites retentissantes et par
d’autres graves crises frappant les grands
noms de la profession – qui n’ont dû leur
salut que dans le regroupement –, le desserrement de la politique du crédit pratiquée par la Réserve fédérale pourrait
se révéler insuffisant pour permettre un
rebond significatif de l’activité.
Déjà, dans le passé, la FED avait été
accusée de ne pas avoir injecté suffisamment de liquidités dans le circuit économique lorsque celui-ci avait commencé
à se gripper, dès les premiers mois de
1990, avant le déclenchement officiel du
cycle de récession. Cette fois, le même
grief lui est adressé, dans la crainte de
voir l’amorce de la reprise économique
capoter faute de carburant, d’autant que
l’investisseur étranger (notamment japonais, très gourmand en bons du Trésor
américain), indispensable véhicule pour
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330
absorber la dette publique des États-Unis,
risque de se tourner vers d’autres pays si
les taux d’intérêt américains tombent
trop bas.
Sur les bases actuelles, avec un taux
d’inflation de 3,8 % et un taux de croissance escompté de 2,5 % en 1992, il
faudrait une augmentation de 6,3 % de
la masse monétaire pour soutenir cette
croissance ; or, elle n’atteint pas la moitié de ce pourcentage, ce qui fait dire à
certains commentateurs qu’en cette fin
d’année, les liquidités dont dispose l’économie américaine ne suffisent même pas
à soutenir une croissance zéro.
Pourtant, certains conjoncturistes
considèrent que la persistance d’un taux
de croissance du PNB de 2,5 % à 3 % au
cours des quatre prochains trimestres,
une fois la reprise confirmée, sera suffisante même en l’absence d’une progression importante des agrégats monétaires.
Mégacrise, mégafusions
Encore numéro un mondial en 1982, la Citicorp, première banque américaine avec 217 milliards de dollars d’actifs, se situe actuellement au
27e rang, loin derrière les établissements japonais
et européens. 150 à 200 faillites bancaires sont attendues en 1991 aux États-Unis, qui s’ajouteront
au millier enregistré depuis six ans, dans un secteur surcapacitaire de 12 500 banques commerciales. La lente dégradation de celui-ci tient à la
dépréciation des actifs, notamment immobiliers,
et aux conséquences de la crise économique. La
réglementation héritée de la Grande Dépression
constitue un handicap supplémentaire. Après
la faillite des caisses d’épargne révélée en 1990,
c’est un autre pan du système financier américain
qui est menacé.
Le projet de réforme bancaire présenté le 5 février par le Trésor vise à abolir les barrières qui
limitent les champs d’action territorial et sectoriel
des banques, à renforcer les exigences de solidité
du capital, à concentrer les pouvoirs de tutelle et
à rendre plus rigoureux le système de garantie
des dépôts bancaires, aujourd’hui ruiné par sa
« générosité ».
Le 15 juillet, la Chemical Bank et Manufacturers
Hanover fusionnent (135 milliards de dollars
d’actifs). Le 22 juillet, c’est au tour de NCNB et de
C&S/Sovran (118 milliards de dollars). Le 12 août,
enfin, BankAmerica rachète Security Pacific
(193 milliards de dollars). Le gigantisme serait le
meilleur moyen de réduire les coûts de gestion
des banques américaines et de consolider leurs
actifs afin d’améliorer leur rentabilité aujourd’hui
ridicule – 16 milliards de dollars de profits en
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ÉCONOMIE
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1990 pour 3 400 milliards d’actifs. Le pari est à la
hauteur de l’enjeu.
CH. P.
Dette privée et dette publique
À côté de ces problèmes conjoncturels
persistent des faiblesses structurelles qui
contribuent à freiner la reprise. Il s’agit,
bien sûr, de la faible capacité d’épargne
des Américains, déjà évoquée, mais surtout de la dette énorme qui pèse sur l’État,
les entreprises, les ménages et les collectivités locales, et qui a été accumulée
avec une grande insouciance pendant les
années d’euphorie financière (années 80).
À titre d’exemple, le poids de la dette des
ménages par rapport à leur revenu disponible dépasse les 80 à 90 % en moyenne
(dont les deux tiers pour les prêts immobiliers et le reste pour les cartes de crédit et les achats à tempérament). De leur
côté, les entreprises doivent consacrer
plus de 55 % de leurs bénéfices avant impôts à rembourser leurs prêts bancaires,
au lieu de les investir dans la recherche
et le développement. Quant aux grandes
municipalités, plus de 60 % d’entre elles
sont en déficit.
Les États eux-mêmes ne sont pas
mieux lotis, puisqu’une trentaine d’entre
eux sont également dans le « rouge » avec
des chiffres parfois impressionnants (plus
de 12 milliards de dollars de déficit pour
la Californie et 6 milliards pour l’État de
New York). Enfin, l’État fédéral est naturellement le plus à blâmer, puisqu’en dix
ans sa dette est passée de 900 milliards à
3 400 milliards (fin 1990), les estimations
les plus prudentes avançant déjà le chiffre
de 4 500 à 5 000 milliards à l’horizon
1995.
D’ici là, l’administration Bush devra
composer avec un déficit budgétaire qui,
après avoir été cette année en légère diminution, devrait se creuser encore sensiblement pour avoisiner 380 milliards de
dollars au cours de l’année fiscale 1992,
sous le double effet de la récession qui
tarit les recettes fiscales et des « imprévus », telle la colossale ardoise des caisses
d’épargne, qui ajouteront, pour cette seule
année, plus de 70 à 80 milliards au déficit
budgétaire fédéral arrêté à 280 milliards à
fin septembre.
Non seulement ces chiffres ne permettent pas le moindre espoir d’une reprise budgétaire de l’économie américaine
– la Maison-Blanche étant contrainte, au
contraire, de bloquer toutes les velléités
de dépenses (le président a opposé son
veto à un projet d’enveloppe de quelque
6 milliards de dollars pour les deux à trois
millions de chômeurs en fin de droits) –,
mais il va lui falloir renégocier avec le
Congrès l’accord péniblement élaboré en
1990 à l’issue d’une interminable partie
de bras de fer opposant républicains et
démocrates, accord qui prévoyait un peu
moins de 500 milliards d’économies sur
cinq ans.
Ce sujet sensible pour le contribuable
va permettre aux démocrates, partis en
flèche sur quelques grands dossiers sociaux (celui des dépenses de santé, par
exemple), d’exiger à nouveau qu’un effort
soit accompli au profit des plus défavorisés, sans trop perturber le fragile équilibre de la fiscalité.
Si la reprise n’est pas très vite au rendez-vous, l’exercice risque d’être difficile
pour le président, qui brigue un second
mandat de quatre ans. Heureusement
pour lui, le parti démocrate (qui reste
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majoritaire dans les deux chambres du
Congrès) a tellement de mal à trouver
un candidat assorti d’un minimum de
stature politique et de crédibilité à opposer à George Bush qu’il ne se hasarde pas
encore à lui trouver un habillage économique dont il ne sait pas très bien de quoi
il pourrait être fait.
SERGE MARTI
Spécialiste des questions économiques. Serge Marti
est correspondant du Monde aux États-Unis.
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ÉCONOMIE
333
LE POINT SUR...
ENTREPRISES
La dégradation de la situation financière
et la réduction des marges de profit des
entreprises françaises au début de 1991
contrastaient fortement avec la période
de haute conjoncture qui avait commencé
à la mi-1987 (considérée comme date de
sortie de la crise de 1973) et qui a pris fin
à la mi-1990 (avec la crise du Golfe). Au
cours de cette phase de forte croissance
soutenue par la hausse de la consommation des ménages, les entreprises avaient
beaucoup investi (32 % en volume) et
créé de nombreux emplois (800 000).
Dans un premier temps, dès que les
dirigeants des entreprises ont observé le
ralentissement de la croissance dans la
plupart des pays industrialisés (aggravé
ensuite par une baisse de la consommation des ménages), ils ont réagi beaucoup
plus vite et plus vivement que lors des
retournements conjoncturels antérieurs
de 1974, 1980 et 1983. Dès le printemps
1990, ils n’ont pas tardé à prendre des
dispositions pour limiter la dégradation
de leurs marges de profit. L’emploi s’est
alors immédiatement contracté par compression des heures supplémentaires,
augmentation du chômage technique,
diminution du recours au travail intérimaire et non-renouvellement d’un grand
nombre de contrats à durée déterminée.
Le recul de l’investissement
En même temps, les stocks ont été
ajustés à la baisse. La réduction brutale et
simultanée des investissements physiques
et financiers (survenue à l’automne 1990)
a entraîné le recul de l’investissement
productif (de l’ordre de 2 % en moyennes
annuelles) et surtout des prises de participation. Dans un deuxième temps, soumises aux impératifs de la compétitivité
(et par conséquent de la productivité), les
entreprises n’ont pas cessé d’investir, mais
à un rythme beaucoup plus modéré : en
trois ans, de 1988 à 1990 (selon le Crédit
national), la croissance de l’investissement physique des grands groupes a dépassé 40 % (+ 13 % en 1989 et + 12 % en
1990). En 1991, même si cette croissance
est tombée à zéro, il reste que l’investissement s’est maintenu au niveau élevé de
l’année précédente, en dépit de l’évolution
défavorable de la marge d’autofinance-
ment des entreprises (+ 20 % en 1988,
+ 3 % en 1989, – 10 % en 1990 et – 5 % en
1991, selon une étude de la BNP).
En définitive, pour l’immense majorité des entreprises, les résultats financiers sont restés positifs même si un
grand nombre d’entre elles ont affiché des
baisses de bénéfices supérieures à 50 % :
entreprises à activité cyclique comme
l’automobile, la chimie ou la métallurgie,
secteurs en crise structurelle comme les
textiles ou l’informatique (Bull), entreprises surendettées (Michelin). Une telle
situation financière n’incite pas les entreprises à investir, ce qui ne facilite pas la
reprise de l’activité économique.
GILBERT RULLIÈRE
DISTRIBUTION
Le ralentissement de la consommation
suivi d’une baisse d’activité (0,9 % en volume au cours du premier semestre 1991
par rapport aux six premiers mois de
1990), l’accentuation de la concurrence
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(qui a réduit les marges commerciales),
la montée en puissance de grandes surfaces spécialisées dans l’équipement de
la maison et les loisirs et de « hard discounters » en même temps que la saturation de l’espace commercial ont renforcé
la tendance de la grande distribution à
la concentration et à l’internationalisation. Faute de pouvoir disposer d’emplacements bien situés et d’ouvrir dans des
conditions rentables de nouvelles grandes
surfaces, les chaînes se sont lancées dans
des politiques de prises de contrôle, d’absorptions, d’acquisitions ou de rachats
sans oublier, sous l’impulsion des financiers, le recentrage sur les métiers d’origine (le Printemps a cédé Euromarché à
Carrefour, Casino et Rallye ont mis en
vente plusieurs filiales).
En dehors du rachat des Nouvelles
Galeries par les Galeries Lafayette et du
Printemps par le groupe Pinault, c’est
Carrefour qui a opéré en 1991 le regroupement majeur le plus spectaculaire, en
reprenant successivement deux entre-
prises en difficulté, alors que le leader
français s’était toujours refusé à croître
par acquisition. En changeant ainsi de
politique et en rachetant, en mars, la
chaîne régionale Montlaur (11 hypermarchés) pour 1 milliard 50 millions
et, en juin, Euromarché (31 milliards de
F de chiffre d’affaires) à ses principaux
actionnaires (banque Lazard et le Printemps), le groupe Carrefour (75 milliards
de F de chiffre d’affaires en 1990, dont 61
en France) a accédé au premier rang de
la profession, en chiffre d’affaires sinon
en puissance d’achat. Il devance désormais Leclerc, Intermarché et Promodes
(Continent), loin devant Auchan et Cora.
De la sorte, Carrefour a levé l’interdiction
de se développer en France due à la loi
Royer, qui limite les implantations des
grandes surfaces. D’un autre côté, le rapprochement de Conforama et de Pinault
obéit à une logique industrielle : il s’agit
d’intégrer tous les degrés de la filière (du
bois jusqu’au meuble).
Sur le plan international, c’est Leclerc
qui s’est distingué en ouvrant son premier hypermarché en Espagne (Pampelune) et un autre aux États-Unis, à l’enseigne Leedmark (abréviation de Leclerc
Edouard market), de 12 000 m2 de surface
de vente et employant 500 personnes. Il
se trouve au centre d’un noeud routier qui
relie Baltimore à Washington.
GILBERT RULLIÈRE
TRANSPORTS
C’est une crise sans précédent qu’ont
affrontée depuis la fin 1990 les 244 compagnies de l’Association du transport
aérien international (IATA) : dès avant
la crise du Golfe, elles n’avaient pas prêté
attention au début de retournement de
la conjoncture. Influencées par des taux
de croissances très élevés du trafic aérien et par des prévisions toujours plus
favorables, elles s’étaient laissé porter par
l’euphorie et ne se souciaient pas de maîtriser leurs coûts.
Dans un deuxième temps, au moment de l’invasion du Koweït, le doublement du prix au carburéacteur et le surcroît d’assurance pour risque de guerre
(200 millions de dollars, soit 1,2 milliard
de francs) les ont placées dans une situation financière catastrophique. Dans un
troisième temps, le début des hostilités
dans le Golfe en janvier a entraîné un ralentissement de l’activité économique et
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ÉCONOMIE
335
donc une diminution des déplacements.
Pour la première fois depuis la Seconde
Guerre mondiale, le nombre des passagers internationaux, qui avait atteint le
record de 262 millions de personnes en
1990, a diminué : en 1991, il a baissé de
2 % environ dans le monde, et même de
7 % en Europe.
Concentration et privatisation
Globalement, en deux exercices, les
transporteurs aériens ont accumulé plus
de 60 milliards de francs de pertes pour
l’ensemble des vols réguliers tant internationaux qu’intérieurs. Ces difficultés financières ont accéléré les deux tendances
du secteur : concentration et privatisation. C’est surtout aux États-Unis que la
concentration s’est spectaculairement
généralisée, là où la concurrence a été impitoyable. Braniff et Eastern ont disparu
dans l’affaire, et la glorieuse Pan Am a été
pratiquement absorbée par Delta. TWA
survit en se lançant dans le dumping sur
certains vols transcontinentaux.
Trois géants émergent : Delta, American et United Airlines. En Europe, ce
sont les compagnies charters (la moitié
des déplacements aériens) qui ont été
les plus durement touchées : des firmes
comme Air Europe (G-B), Air Holland,
TEA (Belgique) et EAS (France) ont dû
déposer leur bilan ou se faire racheter.
Quant aux privatisations, les financiers
hésitent à investir dans un secteur dont
la marge bénéficiaire est aussi faible et
qui souffre du poids croissant des charges
liées à l’endettement.
Néanmoins, cette crise sans précédent
n’a pas pu faire oublier que les populations
tendaient de plus en plus à se déplacer.
Les moyens de transport disponibles sont
donc de plus en plus sollicités tant pour
les déplacements professionnels que pour
les voyages touristiques. Une telle explosion de la mobilité des populations, ob-
servée depuis 1986, a engendré quelques
inconvénients qui ont été très mal supportés par les usagers : encombrement
dans les aéroports, embouteillages dans
les zones urbaines, difficultés d’accès
dans les trains. Pour écarter ces obstacles,
qui peuvent freiner la reprise et l’expansion du trafic, professionnels et usagers
du transport réclament de lourds investissements en matière d’infrastructures.
Par exemple : extension d’aéroports,
construction d’autoroutes et d’un réseau
TGV, réhabilitation des lignes régionales
de chemin de fer pour éviter la marginalisation des villes non desservies par le
train à grande vitesse.
GILBERT RULLIÈRE
ÉNERGIE
En dépit des continuelles variations de
son cours dans un sens ou dans l’autre,
le pétrole est resté bon marché tout au
long de l’année 1991. Sur le plan de l’offre,
la marge de manoeuvre de l’OPEP, en ce
qui concerne la maîtrise de la production, s’est révélée beaucoup plus efficace
qu’il n’avait pu être craint au moment du
déclenchement du conflit du Golfe. Par
exemple, en mars 1990, les capacités de
production de l’OPEP, hors Koweït et
Irak, étaient estimées à 22 millions de
barils par jour. Grâce à l’Arabie Saoudite,
dont une partie des capacités de production était inemployée en août 1990, et
qui a pu ainsi porter sa production journalière à 8,2 millions de barils, le déficit
d’approvisionnement a pu être facilement
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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compensé : le royaume wahhabite a alors
assuré plus des deux tiers des exportations mondiales.
Une telle flexibilité confère à l’Arabie Saoudite un rôle régulateur irremplaçable : elle corrige les écarts de la
demande ; elle comble facilement d’éventuels et inopinés déficits d’offre, et, surtout, elle casse les oscillations répétées
du cours du pétrole. Son influence dans
le domaine de la désinflation et dans la
reprise de l’économie mondiale n’a pas pu
être négligée.
Pour toutes ces raisons, il est apparu qu’un an après l’invasion du Koweït
le prix du brut revenait exactement au
même niveau qu’en juillet 1990, soit à
18,5 dollars pour le prix moyen d’importation en France. Cependant, la crise du
Golfe a fait prendre conscience aux pays
consommateurs, surtout occidentaux,
que leur dépendance vis-à-vis du pétrole
n’avait pas du tout disparu. Les pays
qui, comme la France avec le nucléaire,
avaient recherché la diversification énergétique, ont même pu constater que les
produits pétroliers étaient toujours irremplaçables pour leurs emplois captifs,
à savoir les transports.
La crise a donc relancé l’intérêt à
l’égard des économies d’énergie et surtout
des technologies nouvelles comme la voiture électrique et la cogénération (c’est-àdire la production combinée de chaleur
et d’électricité propres à faire face aux
pointes hivernales), sans compter qu’au
point de vue écologique ces solutions
doivent être encouragées. Il est également
recommandé de faire appel au charbon,
si son utilisation est propre, et surtout au
gaz, de plus en plus prisé pour ses avantages. Sa consommation croît désormais
de 6 % l’an, trois fois plus que celle des
autres énergies.
GILBERT RULLIÈRE
MATIÈRES PREMIÈRES
Dès le premier trimestre 1991, les cours
de l’ensemble des matières premières,
hors pétrole, baissaient de 20 % par rapport à ceux de la même période en 1990.
La crise du Golfe et l’insolvabilité de nombreux pays ont déstabilisé les marchés de
produits de base, atteints de plein fouet
par le ralentissement de la demande et de
la croissance dans les pays industrialisés.
Les pays du tiers-monde comme les
pays de l’Est – Union soviétique en tête –,
grands fournisseurs de matières premières alimentaires et industrielles, ont
vu leur situation se détériorer sérieusement. En outre, ce marasme s’est aggravé
par l’incapacité des grandes puissances à
s’entendre sur l’organisation et le développement des échanges commerciaux dans
le cadre du GATT et à garantir ainsi aux
produits du tiers-monde un accès satis-
faisant au marché.
Surplus, excédents et braderies
En règle générale, la chute des cours
a affecté beaucoup moins les matières
premières industrielles que les denrées
agricoles (de l’ordre du simple au double).
Pour les denrées alimentaires, elle tient
soit à la surproduction quasi permanente
face à une stagnation de la demande,
soit à une accumulation vertigineuse des
stocks mondiaux : pour le cacao, le café
et le sucre, les cours n’ont jamais été aussi
déprimés. Sur les marchés des céréales,
les surplus et les difficultés d’écoulement
ont pesé sur les prix, ce qui a fait soufdownloadModeText.vue.download 339 sur 490
ÉCONOMIE
337
frir aussi bien les pays riches que les pays
pauvres.
Une telle baisse des prix des denrées
tropicales contraint les producteurs les
plus défavorisés à adopter des solutions
dangereuses pour la communauté internationale, comme la culture du pavot
ou du coca. Les économies du Sud sont
non seulement déstabilisées par la crise
persistante des matières premières, mais
encore ne peuvent espérer se développer,
faute de pouvoir compter sur des recettes
d’exportation suffisantes parce que trop
dépendantes de produits dépréciés et
instables.
Pour les matières premières industrielles comme le coton ou la laine, les
excédents ont entraîné une dégradation
des cours pendant l’année (notamment
en Australie) sans pour autant relancer
la consommation mondiale, en constant
recul. De même, la récession de l’industrie automobile, donc du pneumatique, a
affecté les cours du caoutchouc naturel.
Quant aux métaux non ferreux, la plupart ont perdu du terrain tout au long de
l’année (sauf l’étain et le cobalt).
L’effondrement de l’économie soviétique a entraîné un sérieux bouleversement de l’échiquier mondial des matières
premières, en raison de la mise en oeuvre
d’une nouvelle stratégie fondée sur ce qui
a été appelé « la vente panique ». Les mar-
chés internationaux ne peuvent pas ignorer le rôle joué par l’Union soviétique en
tant que numéro un mondial pour la production de minerai de fer, de nickel (le
quart de la production) et de zinc, numéro deux pour l’aluminium, le cadmium, le
chrome, le cuivre et les métaux précieux
(or, platine). Confrontée à des difficultés
de trésorerie, l’URSS se trouve contrainte
de brader des stocks massifs de matières
premières à intervalles irréguliers et imprévisibles, ce qui désorganise complètement les marchés et contribue ainsi à
faire chuter les cours. Enfin, insolvable et
mauvais payeur, elle manque de devises
pour régler ses commandes, ce qui malmène encore plus les cours.
GILBERT RULLIÈRE
AGRICULTURE
En France, comme dans d’autres pays
européens, le problème agricole n’a pas
perdu de sa gravité, d’une année à l’autre.
À travers leurs manifestations, souvent
violentes, les agriculteurs ont cherché à
attirer l’attention de l’opinion et des pouvoirs publics sur la dégradation de leur
situation et sur l’inquiétude relative à leur
avenir, menacé par la réforme de la politique agricole commune.
La dégradation de la situation économique ressentie douloureusement par
les agriculteurs est attribuée par eux à la
baisse des revenus, représentative d’une
tendance à long terme. Selon l’INSEE,
le revenu brut moyen agricole a baissé
de 7,3 % environ en 1991. Cette chute a
inégalement affecté les divers secteurs
d’activité. Ainsi, après deux années très
favorables, les viticulteurs ont vu leurs
revenus baisser de 23 %, alors que le secteur du maraîchage enregistrait une progression de 6 %.
Des sacrifices en prévision
Les excédents persistants en matière
de céréales (en 1991, la récolte a atteint
un record proche du niveau de 1984), de
viande de boeuf, de lait et d’oléagineux
(colza, tournesol), les accidents climadownloadModeText.vue.download 340 sur 490
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
338
tiques (sécheresse) et la réduction des
soutiens communautaires ont été rendus
responsables de cette baisse prolongée.
De toutes les productions agricoles, c’est
le secteur de l’élevage des gros bovins qui
a le plus souffert, car les éleveurs surendettés ont enregistré une chute des cours
de la viande de 8,5 %, qui s’est ajoutée à
une baisse de 7 % en 1990.
Sur le plan du commerce extérieur,
après plusieurs années de hausse, l’excédent agroalimentaire a nettement chuté
en 1991. Au mois d’août, il n’atteignait
que 27 milliards de F, contre 35 milliards
en 1990 pour la période correspondante.
C’est dans ce contexte d’appauvrissement des agriculteurs qu’est intervenue
la discussion du projet de réforme de la
Politique agricole commune en relation
avec les négociations commerciales internationales entre les États-Unis et l’Europe. La publication du projet de réforme
de la PAC en juillet par la Commission
de Bruxelles a provoqué une mobilisation syndicale et des manifestations dans
l’ensemble des pays de la Communauté.,
La PAC est considérée par les États-Unis
comme un obstacle important à une libéralisation des échanges internationaux
dans d’autres secteurs à plus forte valeur
ajoutée. D’autre part, elle entraîne des dépenses excessives et insupportables, d’autant plus que les douze pays de la CEE
sont confrontés à une crise des finances
publiques.
Dans ces conditions, Bruxelles propose de revenir sur le soutien des revenus par des prix garantis et d’introduire
d’autres méthodes, et suggère de baisser
notablement les prix garantis en compensant les pertes de recettes des petits exploitants par des aides directes, en finançant la mise en jachère d’une partie des
terres pour réduire la production excédentaire, en prenant en charge le départ
à la retraite des agriculteurs les plus âgés,
en réduisant les exportations d’excédents
pour faire monter les cours mondiaux et
baisser d’autant les subventions. De telles
dispositions impliquent des sacrifices
pour les agriculteurs européens. Mais, à
la fin, de l’année, la négociation EuropeÉtats-Unis n’a pas pu avoir lieu.
GILBERT RULLIÈRE
INDUSTRIE
En raison du ralentissement de l’activité
mondiale, l’année 1991 a été marquée
en France par une baisse de la production pour un peu plus d’une branche
industrielle sur deux. Dans l’ensemble de
l’industrie, cette baisse se traduira par un
recul de 1,4 %.
Ce sont les transports qui ont été
plus particulièrement atteints, avec des
baisses de 9 % pour la construction automobile et de 15 % pour les véhicules
utilitaires. Le recul s’annonce également
très sévère pour le pneumatique (– 7 %),
la sidérurgie (– 4 %) ou encore les différentes branches de la mécanique (– 3 %)
et surtout pour le textile-habillement
(– 8 %). Dans ce dernier cas, la baisse
illustre la crise qui frappe l’ensemble de
la filière textile française, placée entre la
faiblesse de la consommation intérieure
et la concurrence en provenance des pays
asiatiques, mais aussi de l’Allemagne et de
l’Italie (dans le domaine du prêt-à-porter). Ainsi, si la consommation des Français en vêtements, tissus d’ameublement
et autres textiles industriels progresse sur
l’année (+ 4,5 %), les importations ont
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ÉCONOMIE
339
augmenté presque deux fois plus (+ 8 %),
atteignant 88 milliards de francs.
Des entreprises ont donc dû fermer
leurs portes. Pour la seule année 1990,
380 entreprises ont définitivement cessé
leurs activités. Entre 1981 et 1991, les effectifs ont fondu de moitié (375 000 personnes en 1991, contre 665 000 en 1981).
L’ensemble de la filière – qui va du négoce
à la confection – continue de perdre de 5
à 6 % de ses emplois chaque année.
De même, le retournement du marché automobile a atteint une ampleur
insoupçonnée ; et la production devrait
baisser d’autant plus (– 9 %) que les
constructeurs s’efforcent, parallèlement,
de réduire leurs stocks.
La poursuite de l’internationalisation
Dans le flot des baisses qui touchent
tout aussi bien les secteurs de la
consommation que les produits intermédiaires comme le verre ou la chimie,
les secteurs qui résistent bien sont plutôt
rares : l’aéronautique peut être citée en
premier, encore que les perspectives de
début d’année se soient révélées excessivement optimistes (l’activité du secteur n’a progressé que de 3 % en 1991
au lieu de 8 % prévus). Grâce au succès
d’Airbus (170 appareils ont été livrés en
1991), la progression du secteur civil a
compensé la baisse du secteur militaire
(% ci-après).
Parmi les autres branches qui ont
échappé au marasme ont émergé l’électronique grand public, les plastiques
et l’agroalimentaire, le secteur défensif
traditionnel en période de crise. Enfin,
la distribution a connu une croissance
proche de zéro : pour la première fois
depuis 14 ans, les hypermarchés ont vu
leurs ventes baisser en juin 1991 par rapport à l’année précédente.
Une telle évolution n’a pas empêché
les entreprises les plus dynamiques de
poursuivre leur internationalisation : les
firmes françaises possèdent maintenant
près de 8 % des capitaux transnationaux
originaires des sept grands pays industriels, contre moins de 5 % en 1982. Des
entreprises telles que Rhône-Poulenc ou
Saint-Gobain, grâce à une très active politique de rachats d’entreprises étrangères
et d’accords transnationaux, sont devenues de grandes multinationales dans
leurs domaines respectifs.
GILBERT RULLIÈRE
INDUSTRIE AUTOMOBILE
Dès le mois de janvier, la crise du Golfe a provoqué la chute du marché automobile sur le
plan mondial, entraînant une baisse totale de
plus de 3 % pour toute l’année, la plus forte
depuis le second choc pétrolier en 1980.
C’est en France que la chute a été la
plus brutale (avec un recul des ventes
d’environ 12 % en 1991). Même le Japon
n’a pas évité la crise, avec un recul de
3,2 % de ses immatriculations par rapport à 1990. Seule l’Allemagne réunie,
tirée par ses régions de l’Est, a fait excep-
tion, avec un bond de près de 20 % de ses
ventes. D’ailleurs, sous l’effet bénéfique de
la réunification, Renault (devenue société
anonyme pour faciliter son accès au marché financier) et Peugeot SA ont été amenés à vendre de plus en plus de voitures
en Allemagne, compensant ainsi en partie les pertes subies.
Dans un tel contexte, la concurrence n’a pas manqué de s’aviver entre
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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les constructeurs japonais, américains et
européens, sous la forme de marchandages, de rabais, d’essais gratuits, de crédits. Aux États-Unis, avec la concurrence
très dure des constructeurs japonais, une
firme comme General Motors a dû envisager de nouvelles réductions d’effectifs
(15 000 emplois en deux ans).
Pour restaurer leur compétitivité
fortement entamée par la concurrence
globale de l’industrie japonaise, les
constructeurs américains ou européens
ont engagé une mutation accélérée.
Dans cette course de vitesse, l’industrie
japonaise a pris l’avantage en contrôlant,
avec 95 % de son propre marché, un tiers
du marché américain et 11 % du marché
européen. Quant aux pays tiers (d’Asie,
d’Afrique, d’Océanie ou d’Amérique latine), ils achètent de plus en plus souvent
japonais. Par ailleurs, avec la stratégie de
l’araignée qu’ils suivent depuis plusieurs
années, les Japonais s’implantent dans la
plupart des pays européens, multipliant
les « transplants » (voitures de marque
japonaise fabriquées sur le territoire
européen). Nissan, Honda et Toyota se
sont ainsi installés en Grande-Bretagne,
un pays que certains n’hésitent pas à
comparer à un porte-avions nippon.
C’est maintenant le tour de l’Espagne
(avec Nissan et Suzuki), du Portugal
(avec Toyota et Mazda), de la Grèce
(avec Toyota). Quant à Mitsubishi, la
firme cherche à pénétrer le marché européen par l’intermédiaire de Volvo avec
lequel elle a choisi de s’associer.
Face à ce maillage du Vieux Continent, l’industrie automobile européenne
(1,9 million de personnes) doit mettre
à profit le répit de neuf ans donné par
l’accord conclu en juillet 1991 entre la
Commission de Bruxelles et les constructeurs nippons : limitation à 16 % en l’an
2000 de la part des Japonais sur le marché
européen, la fabrication des transplants
(comptés comme voitures importées)
passant de 269 000 unités en 1991 à 1,2
million en 1999.
En prévision d’une concurrence accrue, les constructeurs automobiles européens remettent en cause le fordisme (la
production en série avec division du travail) au profit du toyotisme, c’est-à-dire
l’adoption de méthodes d’organisation
plus légères et plus souples permettant de
réagir glus vite aux évolutions du marché.
À cet effet, les constructeurs européens
cherchent à se recentrer en se séparant
des secteurs connexes à l’automobile et
à conclure des alliances avec des entreprises qui leur sont techniquement liées.
GILBERT RULLIÈRE
INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE
Les deux secteurs clés sur lesquels les
constructeurs aéronautiques ont longtemps assis leur prospérité, le transport
aérien et l’équipement militaire, se sont
révélés d’une extrême fragilité. La réduction des budgets de défense a affecté les
exportations. Ainsi, la société Dassault
n’a pas vendu à l’étranger un seul avion
depuis 1985 ! Aux États-Unis, le constructeur Northrop et surtout McDonnellDouglas ont traversé une passe difficile
en perdant deux importants contrats
avec le Pentagone – hélicoptère léger et
chasseur tactique – au profit du YF 22 de
Lockheed, General Dynamics et Boeing.
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ÉCONOMIE
341
Une vieille querelle
Dans le domaine de l’aéronautique
civile, le ralentissement économique et la
crise du Golfe ont inversé une tendance
euphorique des années fastes 1988-1990,
au cours desquelles ils avaient enregistré
des commandes sans précédent. Cependant, ce n’est pas pour autant que les
constructeurs ont perdu leur optimisme.
Lorsque la tourmente du début de l’année
a été surmontée, Boeing s’est montré résolument confiant. La société a annoncé
que les compagnies aériennes commanderaient 9 000 nouveaux avions entre
1991 et 2005, représentant un marché
global de quelque 617 milliards de dollars, soit plus de 41 milliards de dollars
de contrat par an, contre 16 milliards de
dollars annuels au cours de ces vingt dernières années.
Alors que Boeing n’a vendu que
29 appareils au premier trimestre, il en a
placé 84 au cours des trois mois suivants,
puis 16 en juillet, soit un total de 129 avions pour un montant proche de 11 milliards. C’est évidemment loin des chiffres
fabuleux des deux années précédentes
(883 appareils en 1989 et 543 en 1990).
Le consortium européen Airbus a également profité de cette reprise avec un carnet équivalant à plus de quatre années de
travail (145 avions vendus en 1979 et 404
en 1990 contre 427 en 1989, année record
à cet égard). D’ailleurs, avec le dernier-né
de la famille, l’A-340, Airbus espère bien
élargir sa part de marché.
L’envolée de l’aéronautique européenne (face au marasme de l’électronique et à l’effondrement de l’industrie
informatique) a suscité les réactions
d’inquiétude des États-Unis et a ainsi
ravivé une vieille querelle. Les firmes
européennes et américaines continuent
de s’accuser réciproquement de fausser
la concurrence en se faisant aider par les
pouvoirs publics.
GILBERT RULLIÈRE
TÉLÉCOM
Avec la modernisation de la réglementation et la réforme de leur statut juridique,
tous les opérateurs européens de télécommunications sont progressivement sortis
d’une situation de monopole qui les protégeait en les isolant du reste du monde.
Cette sortie leur a permis d’acquérir davantage d’autonomie dans la gestion et le
financement de nouvelles activités. Dans
d’autres pays, comme l’Argentine et le
Mexique – où France Télécom a réussi un
doublé –, les exploitants de télécommunications sont privatisés afin de pouvoir
drainer les capitaux nécessaires à la réno-
vation des réseaux.
La plupart des grands opérateurs,
comme ATT aux États-Unis, NTT au Japon, Telekom en Allemagne – né en 1990
de la séparation de la Deutsche Bundespost en trois titres respectivement chargés des services postaux (Postdienst),
des services bancaires (Postbank) et des
télécommunications (Telekom) –, France
Télécom (séparé des PTT depuis janvier
1991) et British Telecom (privatisé en
1981) se préparent activement à affronter
la concurrence extérieure et à saisir par
conséquent toutes les occasions offertes
par un marché en plein développement
et par un flux renouvelé d’innovations
technologiques. L’industrie devrait se
développer à un rythme rapide à travers
les effets conjugués de la croissance économique, de l’ouverture des pays de l’Est
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
342
et de l’ex-URSS et de l’exploitation de la
dernière-née des innovations technologiques évoquées plus haut, à savoir les
radiotéléphones mobiles et les téléphones
sans fil de la taille d’un paquet de cigarettes. Le radiotéléphone, notamment,
devrait attirer 20 millions d’abonnés d’ici
à la fin de la décennie, exigeant un investissement estimé à 60 milliards de francs.
Pour exploiter toutes ces potentialités
et d’autres (comme la fibre optique, les
réseaux à large bande), les industriels européens (Alcatel, Philips, Thomson-CSF,
Siemens, Ericsson) ont été amenés à envisager des alliances ou des coopérations
entre eux ou avec les Américains.
GILBERT RULLIÈRE
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ÉCONOMIE
343
L’ÉLECTRONIQUE
MONDIALE DANS
LA TOURMENTE
Licenciements massifs, concentrations
d’entreprises menées tambour battant :
l’électronique mondiale serait-elle en passe
de devenir la sidérurgie des années 1990 ?
Ce secteur jeune connaît en tout cas un
douloureux passage à l’âge adulte.
Le leader mondial de l’informatique,
IBM, fait les yeux doux à Apple, l’enfant
terrible de Silicon Valley, au point de
coopérer pour définir ensemble le profil
du microordinateur de demain. L’événement, peut-être le plus marquant de
l’année, laisse sans voix les observateurs
de ce marché de pointe. Les deux géants
américains ne se livrent-ils pas depuis
une décennie une guerre sans merci
pour remporter des parts de marché ?
Pis, la culture d’Apple, qui séduit tant
les utilisateurs français, s’est précisément
construite contre celle de Big Blue. Les
petits génies californiens, qui ont bricolé
leur première machine dans un garage,
voulaient offrir aux cadres, version bluejeans-baskets, un outil convivial et facile
à utiliser, bien loin des produits d’IBM,
intégrés dans de lourds systèmes informatiques maison. Un univers qui est, lui,
plutôt du genre complet bleu trois pièces.
Une croissance négative
Cette alliance contre nature résume à elle
seule la fragilité de l’électronique mondiale aujourd’hui. Si IBM ne peut plus
tout faire tout seul – des systèmes d’exploitation, le logiciel de base de l’ordinateur, aux puces qui en constituent le coeur
– c’est que la donne a été considérablement modifiée. Des révolutions technologiques viennent conjuguer leurs effets
dévastateurs avec le ralentissement de la
croissance. Cette nouvelle donne a d’ailleurs infligé à IBM les premières pertes
de son histoire au début de l’année, alors
que la firme détenait encore il y a cinq ans
le record mondial de la rentabilité avec
plus de 6 milliards de dollars de bénéfice.
Même lorsqu’elle se proclame personnelle, l’informatique reste un investissement relativement lourd. La récession,
qui frappe l’ensemble de l’économie occidentale, n’épargne donc pas ce domaine ;
mais la chute des commandes y est d’autant plus rapide que ce marché arrive seulement aujourd’hui à maturité. L’informatique et, surtout, la micro-informatique
ont connu au début des années 1980 des
croissances comprises entre 30 et 50 %
par an. Le taux d’aujourd’hui est proche
de zéro. Il a même été négatif en 1990 sur
le marché américain. IBM, qui prévoyait
en 1985 d’atteindre les 100 milliards de
dollars de chiffre d’affaires à l’horizon
1990, a dû se contenter de 69 milliards.
Et les analystes s’attendent à un recul
de 10 % de ses ventes cette année. Peu
d’acteurs avaient prévu cette décélération
brutale. Les managers sont bien souvent
entrés en affaires avec l’avènement du
processeur, il y a moins de trente ans.
Embauchant à tour de bras il y a encore
trois ans, eux qui ne savaient gérer que
les pentes ascendantes sont contraints
aujourd’hui de licencier massivement,
voire de mettre purement et simplement
la clé sous la porte.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
344
Nul n’est épargné. Après les plans de
réduction d’effectifs chez IBM, portant
sur plus de 20 000 personnes, ou chez
Unisys, né d’une fusion jamais réalisée
entre Burroughs et Sperry en 1986, c’est
au tour de DEC, la firme du Massachusetts, de licencier, pour la première fois
depuis sa fondation en 1957. En Europe,
le groupe français Bull, qui replonge
dans le rouge avec près de 7 milliards de
pertes en 1990, aura amputé ses effectifs
de 8 500 personnes en deux ans à la fin
de cette année. La coupe claire touche un
emploi sur cinq. L’allemand Nixdorf, expetit génie de l’informatique distribuée,
n’a pu résister aux convoitises de son
compatriote Siemens, entraînant l’informaticien d’outre-Rhin à déplorer un milliard de Deutsche Mark de pertes pour la
deuxième année consécutive. D’une douzaine d’acteurs au début des années 1980,
l’Europe ne compte plus que trois informaticiens : Siemens, Bull et Olivetti. La
récession aiguise une concurrence devenue acharnée. Mais la situation économique n’explique pas seule cet état de fait.
Les systèmes ouverts :
une Arlésienne
L’informatique vit une profonde mutation qui accélère le laminage des marges
des fabricants. Le marché était autrefois
captif. Adopter IBM ou Unisys liait le
client à son fournisseur pour des années.
Car la machine de l’un n’était pas compatible avec celle du voisin. L’utilisateur qui
souhaitait disposer d’une nouvelle application, ou améliorer la performance de
son système, n’avait pas d’autre choix que
celui de demander à son fournisseur les
dernières versions de ses logiciels. Faute
de quoi tout son parc informatique était
bon à mettre au rebut. IBM régnait alors
en maître absolu sur un marché où les
marges dans les grands systèmes atteignaient 40 %.
Au cours des années 1980, ses concurrents n’ont plus eu qu’un seul concept à la
bouche : les systèmes ouverts. Il s’agissait
de définir des architectures de machines
permettant leur compatibilité. Un logiciel de gestion de fiches de paie devait
pouvoir tourner indifféremment sur une
machine IBM ou sur Apple. Cet impératif
a considérablement accru la concurrence
entre fournisseurs, libérant des clients
captifs. Mais les marges ont fondu de
moitié. C’est ce qui a coûté la vie à une
foule d’entreprises américaines ou européennes, entraînant un record de fusions.
De nouveaux acteurs sont alors venus
faire leur marché sur les décombres
d’une informatique sinistrée, et le géant
des télécoms ATT a pu ainsi prendre le
contrôle de son compatriote NCR – l’un
des derniers grands informaticiens américains indépendants – à l’issue d’une
OPA hostile.
Mais la crise est également une aubaine pour les Japonais. Longtemps tenus
pour quantité négligeable en informatique, les groupes nippons, limités dans ce
domaine par un problème de langage, ne
négligent plus la croissance externe pour
s’internationaliser. Fujitsu est devenu le
numéro deux mondial de l’informatique,
détrônant l’américain DEC, en reprenant
coup sur coup le leader britannique ICL
et la division spécialisée du finlandais
Nokia. Ce raz de marée japonais a d’ailleurs sonné le réveil de l’électronique
européenne, traumatisée par les pertes
colossales du « primus inter pares ».
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ÉCONOMIE
345
Le néerlandais Philips a accusé pour
la première fois de son histoire centenaire un trou de plus de 12 milliards de
francs en 1990. Un programme, baptisé
Centurion, a aussitôt été mis en place
par son nouveau président, Ian Timmer.
55 000 suppressions d’emplois ont été décidées, tandis que le groupe batave était
contraint de se retirer de plusieurs activités. L’informatique a été vendue à l’américain DEC, les activités de défense au
français Thomson, sans oublier des abandons dans le domaine des puces, la clé
pourtant des technologies électroniques.
Philips, faute de moyens, s’est retiré avec
fracas du programme de recherche de
base sur les semi-conducteurs – Jessi –, ce
projet européen censé redonner au Vieux
Continent des atouts technologiques face
aux grands concurrents japonais.
La force du Japon :
l’intégration verticale
Contrairement à leurs rivaux occidentaux, les groupes nippons sont intégrés
verticalement en électronique. Une stratégie qui leur confère une force redoutable. Les mêmes acteurs – NEC, Fujitsu
ou Toshiba – sont à la fois des leaders
dans le domaine des mémoires (ces composants électroniques qui envahissent de
plus en plus les ordinateurs, les téléviseurs, voire les automobiles), mais ils sont
aussi présents dans le téléphone, l’informatique ou l’électronique grand public.
En quelques années, le Japon est parvenu
à s’arroger 85 % du marché mondial des
mémoires. Désormais maîtresse des prix,
l’industrie japonaise a quasiment rayé de
la carte les fabricants occidentaux de ces
puces. Et elle tient désormais entre ses
mains l’industrie occidentale consommatrice de puces, celle des téléviseurs
comme celle des ordinateurs.
Le sursaut européen est pourtant
laborieux à venir. C’est la bataille de la
télévision haute définition (TVHD) qui
devait redonner ses chances à l’industrie
européenne. Grâce à une coopération
nouée dès 1986 au sein d’un programme
Eureka, qui réunit principalement Philips, Thomson et Nokia, un standard
européen, le HD MAC, a vu le jour. Mais
son introduction est un véritable cassetête pour Bruxelles. La Commission
entend en effet imposer progressivement
cette nouvelle norme de transmission des
images qui doit se substituer aux PAL
et SECAM actuels. Or elle se heurte à
l’hostilité des diffuseurs et de l’industrie
des programmes qui n’entendent pas en
payer le surcoût. Aubaine pour les fabricants qui voient miroiter un nouvel eldorado, à savoir le renouvellement d’un
marché mondial de plus de 700 millions
de postes, la TVHD coûte cher.
Il faut tourner les images dans un
nouveau format, avec une nouvelle qualité technique. Et les diffuseurs n’ont guère
les moyens d’investir à si long terme.
D’autant qu’une nouvelle révolution technologique, venue d’Amérique cette fois :
le saut au « tout numérique », vient jeter
le doute sur les performances du standard
européen. Là encore s’éprouve la grande
force de la verticalité de l’industrie japonaise : au Japon, les profits réalisés grâce
à la vente des téléviseurs, des baladeurs
et autres magnétoscopes permettent à
Matsushita ou à Sony de s’offrir Hollywood. Coup sur coup, l’industrie des
programmes d’outre-Atlantique tombe
dans l’escarcelle nipponne. En rachetant
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
346
les studios MCA, Matsushita, premier fabricant mondial d’électronique grand public, se lance sur les pas de son challenger
Sony qui s’était offert le premier fabricant
mondial de disques CBS avant les studios
de Columbia. Un contrôle de l’ensemble
de la filière qui permet plus facilement
d’imposer mondialement un nouveau
standard d’enregistrement pour le son
ou de transmission pour l’image. Avec
Muse, la NHK, la télévision publique japonaise a, en effet, développé depuis près
de 20 ans un standard de TVHD.
Un front uni transatlantique
Face au raz de marée électronique japonais,
Européens et Américains ont décidé de se serrer
les coudes. Pour la première fois, une coopération devient possible dans le domaine des puces,
la matière première de ce métier, entre Jessi et
Sematech, les deux organisations de recherche
situées de part et d’autre de l’Atlantique.
L’accord définitif de coopération a été signé en
septembre. Aucune firme européenne, y com-
pris à travers ses filiales américaines, n’avait
jamais pu participer à des recherches au sein de
Sematech. Des grandes sociétés américaines, qui
emploient des milliers de personnes en Europe,
ont, il est vrai, beaucoup pesé en ce sens. C’est le
cas d’IBM, qui emploie 100 000 personnes sur le
Vieux Continent et qui entend pouvoir continuer
à trouver localement des sources d’approvisionnement pour ses ordinateurs. L’intérêt du géant
américain de l’informatique pour l’existence
d’une industrie occidentale des composants l’a
conduit à parrainer l’alliance Jessi-Sematech. Big
Blue fait parallèlement son entrée dans plusieurs
sous-programmes de Jessi, un projet censé initialement rehausser le niveau technologique de
l’Europe en matière de semiconducteurs.
Mais IBM a également signé un accord de coopération avec l’allemand Siemens, l’un des trois
fabricants européens de puces avec Philips et le
groupe public franco-italien SGS-Thomson. Le
groupe américain est en effet un grand fabricant
de puces pour ses besoins internes. Il change aujourd’hui de stratégie en coopérant avec d’autres
acteurs occidentaux. La future génération de
mémoires dynamiques sera coproduite par les
deux groupes, IBM et Siemens. Une alliance que
Bruxelles aimerait voir étendue aux deux autres
Européens, Philips et SGS-Thomson.
Ces coopérations, voulues généralement par les
administrations ou le pouvoir politique, contrarient toutefois bien souvent les démarches spontanées des industriels. Tous les géants américains
des puces, de Texas Instruments à Motorola, multiplient en effet les accords de partenariats avec
leurs concurrents nippons ! Voilà des années que
Hitachi et Toshiba sont à la fois les bêtes noires et
les partenaires de leurs concurrents américains.
Accusés de piller leurs brevets, les fabricants nippons de puces deviennent les partenaires obligés
des Américains quand il s’agit, par exemple, de
développer les circuits clés de la télévision haute
définition japonaise.
Le consommateur échaudé
Pour l’heure, le Japon, avec 200 adeptes
de la TVHD, n’a pas plus que l’Europe
réussi à séduire le consommateur avec
ces nouveautés aux prix encore prohibitifs. La TVHD japonaise, qui coûte
encore la bagatelle de 150 000 F, est
hors de portée d’un ménage nippon. La
récession économique rend-elle l’utilisateur plus méfiant ? Toujours est-il que
les consommateurs semblent plus suspicieux aujourd’hui qu’hier. La lenteur
du démarrage de la nouvelle cassette au-
dio-numérique – la fameuse DAT – en
témoigne dans le domaine du son. Mais
l’informatique a, elle aussi, échaudé ses
partisans. Les sacro-saints systèmes ouverts existent davantage sur le papier que
sur les rayonnages des revendeurs. Une
foule d’associations de constructeurs
aux sigles barbares (OSI, X-Open, OSF,
ACE, etc.) y travaille pourtant d’arrachedownloadModeText.vue.download 349 sur 490
ÉCONOMIE
347
pied depuis des mois, voire des années.
Mais cela n’a pas empêché le magazine
américain Business Week de faire un
malheur au printemps dernier avec une
couverture intitulée « Computer confusion ». Jamais il n’a été plus difficile au
vulgum pecus de choisir un ordinateur.
Faisant hier une confiance aveugle à
IBM, il doit aujourd’hui choisir son processeur, son système d’exploitation, ses
logiciels, ou encore son « bus », c’est-àdire le mode d’organisation interne à la
machine. Des choix qui nécessiteraient,
pour bien faire, un diplôme supérieur
d’électronique !
L’attentisme du client surprend les
fabricants en mal de débouchés. Un véritable boomerang qui risque fort de se
transformer en coup de grâce pour les
plus fragiles d’entre eux. Une chose est
pourtant sûre : la gravité de la situation
de l’électronique et son importance stratégique mériteraient une conjugaison des
mobilisations publiques et privées que,
pour l’instant, l’Europe parvient bien mal
à mettre en oeuvre. Moins bien en tout
cas que ses rivaux américains et surtout
japonais.
BLANDINE HENNION
Collaboratrice de Libération, du Matin de Paris, du
Moniteur des travaux publics, Blandine Hennion est
spécialiste de l’électronique à la Vie française, à la
Tribune de l’économie et aux Échos.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
348
SCIENCES ET
TECHNIQUES
Alors que le délai séparant les découvertes scientifiques de leurs
applications industrielles ne cesse de se
raccourcir, l’attribution du prix Nobel
de physique 1991 au Français PierreGilles de Gennes prend valeur de symbole. Qualifié d’« Isaac Newton de notre
temps » par le jury de l’Académie royale
des sciences de Suède, le vingt-quatrième lauréat français du prix Nobel
est, en effet, un spécialiste de la physique
de la matière condensée qui a toujours
pensé la science la plus fondamentale en
terme d’applications industrielles.
Électronique, furtivité
et logique floue
On sait quel puissant stimulant les conflits
armés ont toujours constitué pour les
techniques de pointe. Sous le seul aspect
de la technologie militaire, la guerre du
Golfe a révélé le rôle de l’électronique,
désormais crucial pour la victoire. C’est
à elle que les bombardiers, les avions de
chasse ou de reconnaissance, les satellites
d’observation et les armes « intelligentes »
doivent toute leur efficacité.
Le conflit du Golfe a marqué aussi
le triomphe de la furtivité, c’est-à-dire
de la technologie permettant aux avions de combat d’échapper aux radars.
Une quarantaine de chasseurs-bombardiers furtifs américains F-117 A ont
été employés quotidiennement contre
les cibles les mieux défendues de l’Irak
sans aucune perte. À lui seul, l’avion furtif a touché, avec une réussite de 95 %,
43 % de l’ensemble des cibles irakiennes
atteintes, alors qu’il n’a accompli que
3 % des sorties aériennes. À l’origine de
ce succès : la discrétion radar des appareils, qui leur a permis d’arriver près de
leurs objectifs sans être détectés et sans
être accrochés par les conduites de tir
radar des systèmes d’armes antiaériens,
ainsi que l’extrême précision de leur armement à guidage terminal. Le concept
de furtivité apparaît désormais comme
une composante incontournable dans la
conception des avions de combat.
Autre concept récent, souvent évoqué en 1991, cette fois dans le secteur in-
dustriel : la logique floue. Celle-ci vise à
introduire la subjectivité humaine dans
la technique. Encore peu utilisée aux
États-Unis et en Europe, elle se banalise
rapidement au Japon, où elle a trouvé ses
premières applications dans le domaine
de la commande ou du contrôle de systèmes automatiques variés, notamment
sur des appareils destinés au grand public (aspirateurs, téléviseurs, lave-linge,
Caméscopes, four à microondes...). Un
système de commande flou est défini par
une collection de règles du type « si...,
alors » qui expriment comment doivent
varier les paramètres de commande d’un
système à piloter en fonction d’observations effectuées en sortie de ce système,
afin d’atteindre ou de maintenir un état
de fonctionnement désiré. Dans une
machine à laver, par exemple, le contrôleur flou intervient pour déterminer la
quantité d’eau en fonction du linge et
pour choisir la durée du lavage selon le
degré de saleté. D’une façon générale,
la logique floue peut être mise à contribution dans de nombreux domaines
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SCIENCES ET TECHNIQUES
349
où l’incertitude et l’imprécision des
données et des règles reflètent l’aspect
flexible de la pensée humaine.
Télécommunications :
de nouveaux services
Pour les entreprises, mais aussi pour
le grand public, une autre révolution
s’amorce : celle qui accompagnera la
multiplication des services de télécommunications. Après la banalisation de la
télécopie, le radiotéléphone sort à son
tour de la panoplie des gadgets luxueux
ou des outils de travail de quelques professionnels. Inauguré à Strasbourg à
l’automne 1991, avant d’être lancé à Paris en 1992, le service de radiotéléphonie
numérique Pointel permet de passer des
appels, en France ou à l’étranger, à l’aide
d’un appareil portatif fonctionnant dans
un rayon de 200 m autour de bornes
radio prévues à cet effet. Dès 1992, le réseau radio-téléphonique cellulaire CSM
permettra des communications téléphoniques avec des mobiles dans 17 pays
européens. À l’horizon de cinq à dix ans,
le développement des communications
avec les mobiles et celui de nouveaux
services dits « intelligents » (c’est-à-dire
à valeur ajoutée) seront les deux évolutions les plus significatives en matière de
télécommunications.
Dans l’audiovisuel, peut-être
sommes-nous aussi à la veille d’une
révolution, avec l’avènement de l’édition multimédia. Le mélange de textes,
de graphismes, d’images fixes ou animées et de sons stockés électroniquement et leur manipulation appellent
de nouveaux concepts d’écriture et de
nouveaux supports normalisés. 1991
aura vu l’introduction sur le marché,
aux États-Unis (avant son lancement
en Europe, en 1992) du disque compact
interactif. Celui-ci autorise la création
de nouveaux produits éditoriaux combinant toutes les sources écrites ou audiovisuelles. Armé d’une télécommande et
d’un lecteur approprié branché sur un
téléviseur, un enfant peut ainsi colorier à
son gré un dessin animé, un collectionneur construire son parcours dans un
musée imaginaire, un étudiant ingurgiter à son rythme son programme de
formation : chaque disque peut contenir
le texte d’une année entière d’un quotidien ou 7 000 images, ou encore jusqu’à
19 heures de commentaires sonores.
Quittons la technique et revenons à
la science ; car, elle aussi, en 1991, nous
a fait entrevoir de fabuleuses perspectives, pour ce qui concerne la production
d’énergie. Le 9 novembre, à Culham, près
d’Oxford, dans les laboratoires du Joint
European Torus (JET), on est parvenu
pour la première fois à obtenir une quantité significative d’énergie à partir de réactions de fusion thermonucléaire. Le « tokamak » du laboratoire – une machine de
10 m de haut et de près de 3 000 tonnes
– a permis d’atteindre pendant deux
secondes une température proche de
300 millions de degrés, en dégageant une
énergie de 1,5 à 2 mégawatts. Les spécialistes espèrent maintenant franchir
en 1996 une autre étape décisive : celle
où le réacteur produira autant d’énergie
qu’il en consommera. Ce qui est encore
loin d’être le cas puisque, lors de l’expérience réalisée le 9 novembre 1991, le JET
a consommé 15 000 mégawatts !
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
350
La Terre sous surveillance
Un jour, peut-être dans le courant du
siècle prochain, le vieux rêve de la domestication de l’énergie des étoiles deviendra
enfin réalité. On disposera alors d’une
énergie inépuisable provenant de... l’eau,
dont chaque litre recèle 30 milligrammes
de deutérium, l’un des combustibles de
la fusion : l’équivalent de 300 litres de
pétrole. Une énergie qui, de surcroît,
sera propre, la fusion ne laissant pas de
déchets, et sûre, car la réaction – à la différence de celle de la fission, utilisée dans
les réacteurs nucléaires actuels – ne peut
pas s’emballer.
Mais, avant d’en arriver là, un long
chemin reste encore à parcourir. Pour
les experts les plus optimistes, il faudra
attendre 2030 pour voir le premier réacteur de fusion couplé au réseau ; pour
d’autres, ce ne sera pas avant 2100. Les
obstacles à surmonter sont énormes. Et
cela coûtera très cher. L’Europe a déjà
dépensé 10 milliards de francs pour
construire le JET et le faire tourner pendant dix ans. La prochaine machine, qui
devrait permettre d’obtenir une réaction
dégageant suffisamment d’énergie pour
s’auto-entretenir, sans apport extérieur
autre que le combustible, coûtera plus de
20 milliards. La fusion nucléaire suscite
de grands espoirs, mais quel visage aura
notre planète le jour où l’homme parviendra enfin à la maîtriser ?
L’amélioration de nos connaissances
sur l’évolution du climat et de l’environnement constitue l’un des enjeux scientifiques et socio-économiques majeurs des
prochaines décennies. Comprendre cette
évolution est donc un objectif prioritaire
pour les scientifiques afin de permettre
d’élaborer des stratégies pertinentes
pour la gestion globale de l’environnement. L’effort de recherche doit porter
sur la description, la compréhension et
la modélisation des processus essentiels
qui gouvernent le système atmosphèrehydrosphère-géosphère-biosphère, en
tenant compte des facteurs anthropiques
à conséquences globales comme la déforestation ou les émissions de gaz à effet
de serre.
Tandis que se poursuivent les efforts
pour surveiller l’évolution de la teneur de
l’atmosphère moyenne en ozone, notamment dans l’Arctique grâce à la campagne
européenne EASOE (European Arctic
Stratospheric Ozone Experiment), lancée en novembre, et mettant en oeuvre
conjointement des ballons, des avions et
des fusées-sondes, l’océan est, à son tour,
placé sous haute surveillance. En particulier, le programme international WOCE
(World Ocean Circulation Experiment) a
pour objectif d’aboutir à une meilleure
compréhension de la circulation océanique globale en tant que composante essentielle du climat général de la planète.
Dans le cadre de ce programme, le navire
de recherche océanographique français l’Atalante a effectué durant l’été une
campagne d’exploration dans la zone de
fracture Romanche de la dorsale médioatlantique pour observer la circulation
des eaux profondes et froides en provenance des régions polaires et expliquer
leur cheminement.
On compte aussi beaucoup sur la
contribution de satellites comme ERS-1,
de l’Agence spatiale européenne, lancé le
17 juillet et placé sur une orbite polaire
héliosynchrone à quelque 780 km d’altitude. Muni d’une plate-forme dérivée
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SCIENCES ET TECHNIQUES
351
de celle des satellites français SPOT, il
comporte, notamment, un radar à synthèse d’ouverture, un altimètre radar et
un radiomètre à balayage destinés à des
observations permanentes, par tous les
temps, des océans, des terres émergées
et des glaces polaires. L’observation de la
Terre va constituer, d’ici à la fin du siècle,
l’un des axes majeurs de développement
des programmes spatiaux.
PHILIPPE DE LA COTARDIÈRE
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
352
MAUX DE TERRE
Les forêts disparaissent, la ceinture de
feu du Pacifique explose alors que l’eau,
ailleurs, envahit des continents. Que peut
encore faire l’homme ?
Réuni à Paris du 17 au 26 septembre
1991, le 10e congrès forestier mondial a
permis à près de 3 000 experts de réfléchir sur « la forêt, patrimoine de l’avenir ». À neuf mois de la conférence des
Nations unies sur l’Environnement et le
Développement qui tiendra ses assises à
Rio de Janeiro, ce congrès était l’occasion
de sensibiliser les responsables politiques
et les opinions publiques aux problèmes
des forêts et de montrer le rôle déterminant de la forêt, espace de vie, dans l’économie comme dans l’équilibre des relations biosphère-atmosphère.
Richesse économique pour de nombreux États du Nord : Canada, URSS,
Finlande... et du Sud : Brésil, Malaisie,
Gabon..., la forêt est l’habitat d’une faune
et d’une flore variées ; c’est aussi un patrimoine social qui peut être orienté vers les
loisirs, la détente ou le tourisme grâce à
la mise en oeuvre de politiques adéquates
d’aménagement du territoire. Il s’agit de
gérer le plus rationnellement possible les
forêts boréales, tempérées et tropicales
existantes dans le cadre de l’exploitation
des ressources naturelles renouvelables et
de la protection de la nature.
Pour certains États du Sud, et même
du Nord, la déforestation, le dépérissement des forêts risquent de remettre en
question les possibilités éventuelles d’un
développement durable. À moins d’une
décennie de l’an 2000, toutes les forêts
sont plus ou moins menacées. Les forêts
tropicales, que les PAFT (Plans d’action
forestiers tropicaux) ne paraissent pas en
mesure de protéger efficacement, représentent 50 % de la forêt mondiale. Précisons qu’elles ne fournissent que 20 %
environ de la production totale de bois
d’oeuvre et d’industrie et que, sur 1,3 milliard de mètres cubes de bois extraits
chaque année, 1,1 milliard de mètres
cubes le sont à des fins énergétiques (bois
de feu et charbon de bois).
Au rythme actuel de la déforestation
(17 à 20 millions d’hectares par an), la
forêt devrait disparaître de Bornéo, de
l’Amazonie et du bassin congolais dans
un siècle. Dans les régions tempérées et
boréales, l’état, l’exploitation et le statut
de la forêt varient considérablement d’un
pays à l’autre. En Pologne et en Tchécoslovaquie, les forêts, victimes de la pollution de l’air, de l’eau et des sols, agonisent ; les forêts méditerranéennes sont,
chaque année, victimes de feux répétitifs ; les forêts de résineux de Finlande ou
du Canada fournissent le bois vital pour
l’économie (le Canada est le premier producteur mondial de papier journal, le 2e
de pâte à papier, le 3e producteur de bois
d’oeuvre). La forêt française hétérogène et
très artificialisée que se partagent les propriétaires privés (70 %), les communes
(18 %) et l’État (12 %) est une des rares
forêts d’Europe dont la superficie augmente régulièrement (8 millions d’hectares en 1800, 12 millions en 1990).
L’avenir prévisible de la forêt devrait
conduire la communauté internationale
à réfléchir sur les voies et les moyens permettant de sauvegarder ce patrimoine de
l’avenir : droit de la forêt ? moratoire sur
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SCIENCES ET TECHNIQUES
353
l’abattage des forêts ? convention relative
à la gestion des ressources forestières ?
Le delta maudit
Le Bangladesh s’identifie à un pays-delta,
un delta construit tout au long du quaternaire par trois puissants cours d’eau :
le Brahmapoutre, le Gange et la Meghna
et leurs innombrables défluents, qui forment un lacis inextricable et changeant.
Le Gange et le Brahmapoutre prennent
leur source dans la chaîne himalayenne
et plus précisément dans les monts
Kaïlas, au Tibet méridional, et la Meghna, dans le plateau de Shillong, en Assam.
Consécutivement à la déforestation systématique, anarchique et suicidaire des
contreforts de l’Himalaya dans le Bhoutan, le Sikkim et le Népal, ces cours d’eau
charrient des quantités croissantes de
sables et de limons. Cette charge solide
confère aux eaux fluviales un puissant
pouvoir d’érosion : les berges, les levées
et les anciennes digues sont sapées, et les
lits des rivières ne cessent de se déplacer,
menaçant les régions de culture et même
les villes : celle de Sirajgang est, ainsi,
contrainte de s’adapter aux divagations
du Brahmapoutre.
Dans les plaines du delta, l’évacuation
naturelle des eaux est très lente. Les pluies
de mousson, abondantes et souvent diluviennes – au N-E du pays et au pied de la
chaîne de Megalaya, la hauteur moyenne
des pluies annuelles est de 12 mètres !
– sont à l’origine de fréquentes inondations, catastrophiques et meurtrières,
comme celles de 1987 et de 1988. Dans
les régions méridionales où les terres sont
au niveau des eaux du golfe du Bengale,
au risque des inondations s’ajoute celui
des cyclones et des ondes de tempête qui
leur sont associées. Le cyclone meurtrier
qui, le 30 avril 1991, a ravagé le sud et le
sud-est du Bangladesh, a détruit le quart
des digues destinées à contenir les eaux
fluviales.
En septembre 1988, la France a proposé à la communauté internationale
comme aux autorités bangaleshi un plan
d’action contre les inondations comportant l’endiguement des principaux
fleuves ; un projet titanesque, puisqu’il
s’agit de construire 3 000 km de digues
en 10 ou 20 ans pour un coût de 5 à
10 milliards de dollars. Si un tel projet est
techniquement réalisable, il implique la
parfaite connaissance de l’hydrologie des
fleuves et des rivières, qui font du delta
un hydrosystème extrêmement complexe. Il faut aussi envisager de mettre
en oeuvre, à l’échelle plus vaste des bassins-versants des cours d’eau principaux,
des actions de foresterie pour limiter
les effets de l’érosion des sols. De telles
réalisations, qui permettraient aux pays
d’envisager l’autosuffisance alimentaire,
ne sont a priori envisageables que dans le
cadre de traités permettant aux États de la
sous-région d’exploiter, de gérer et d’aménager en synergie les eaux de surface
comme les écosystèmes qui en régissent
le comportement.
L’Antarctique restera blanc
Le traité de l’Antarctique, signé par une
douzaine d’États le 1er décembre 1959
– aujourd’hui ratifié par 26 nations auxquelles il faut adjoindre 13 autres pays
ayant donné leur adhésion – interdit
toute activité militaire et nucléaire sur
le continent blanc. Sur les 14 millions
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
354
de kilomètres carrés de l’Antarctique
également protégés de toute revendication territoriale, seules les recherches
scientifiques peuvent être poursuivies et
développées dans les 40 bases édifiées et
aménagées à ce jour par 17 pays dont les
États-Unis, l’URSS, la Grande-Bretagne,
l’Australie et la France...
Ce traité, déjà riche de 14 articles et
de 2 conventions, a été complété le 4 octobre 1991, à l’issue de la conférence de
Madrid, par un protocole relatif à la protection de l’environnement. Ce protocole
signé par 39 pays interdit jusqu’en 2050
l’exploitation des ressources minières.
L’Antarctique, Eldorado incertain mais
laboratoire exceptionnel pour l’étude des
paléoclimats, du climat actuel et futur,
ou pour l’observation d’une faune spécifique adaptée à des conditions de vie très
contraignantes, est donc protégé pour
une durée déterminée de l’action déprédatrice des industriels.
Précisons que la France, qui possède
en terre Adélie (430 000 km2), principal territoire des Terres australes et
antarctiques françaises (TAAF), la base
Dumont-d’Urville, doit entreprendre la
construction d’une nouvelle station au
« Dôme C », en territoire australien et à
1000 km de la première. Le « Dôme C »,
situé sous le célèbre « trou d’ozone », est
considéré comme un site remarquable
pour l’analyse de la physique et de la
chimie de l’atmosphère et pour l’étude
systématique de la couche de glace qui,
à cet endroit, est épaisse de 3 500 m au
moins.
Un Institut pour la recherche et la
technologie polaire devrait être créé dans
les prochains mois. Constitué en groupement d’intérêt public (GIP), cet institut regroupera le CNRS, le ministère des
DOM-TOM, celui de la Recherche et de
la Technologie, les TAAF, ainsi que les
organismes spécialisés dans la recherche,
comme le CNES, l’Institut français de
recherche pour l’exploitation de la mer,
Météo-France et les EPF (Expéditions
polaires françaises). La France, qui vient
d’être admise dans le Comité scientifique
arctique international associant depuis
1990 les huit pays riverains du pôle Nord,
sera ainsi en mesure de renforcer son activité scientifique en Arctique.
La ceinture de feu
L’année 1991 a été marquée par un regain
de l’activité volcanique dans la ceinture
de feu qui, aux bordures septentrionale
et occidentale du Pacifique, s’étire des îles
Aléoutiennes aux îles Fidji via les archipels nippon et philippin et la NouvelleGuinée. L’Unzen, situé à proximité de
Shimabara dans la province de Nagasaki
(île de Kyushu), et le Pinatubo, localisé à
100 km au nord-ouest de Manille (île de
Luzon), sont tour à tour entrés en éruption. Le premier, le 26 mai, après 199 ans
d’accalmie ; le second, entre le 1er et le
8 juin, après 6 siècles de sommeil.
Les éruptions de ces deux volcans,
dont l’existence est liée à la subduction
(ou à la plongée) de la plaque des Philippines sous la plaque continentale eurasiatique, sont identiques, dangereuses et
spectaculaires. Ces appareils volcaniques
émettent des produits visqueux qui obstruent la cheminée et empêchent les
gaz de s’échapper. Les manifestations les
plus remarquables de ces éruptions de
type explosif sont les coulées pyroclastiques et les nuées ardentes, avalanches
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SCIENCES ET TECHNIQUES
355
incandescentes de gaz et de cendres qui
dévalent les versants du volcan à plus de
200 km/h. Si une partie des cendres, ou
tephra, s’accumule à proximité du volcan,
l’autre, mêlée de produits chlorés, fluorés
et soufrés, est injectée dans la haute troposphère et la stratosphère.
De ce point de vue, l’éruption du volcan philippin serait, par le volume des
produits émis et par l’importance du
panache circumterrestre qu’elle a formé,
beaucoup plus importante que celle de
l’Unzen, du Saint-Helens (1980) ou du
volcan mexicain El Chinchon (1982).
L’augmentation de la turbidité de l’atmosphère inférieure et l’atténuation de la
radiation solaire pourraient avoir pour
conséquences d’affecter la couche d’ozone
et d’abaisser de quelques dixièmes de
degré – et pendant plusieurs années – les
températures moyennes à la surface du
globe. D’après les travaux les plus récents
de chercheurs de la NASA, la diminution
de la quantité d’ozone atmosphérique
imputable aux produits chlorés d’origine
naturelle comme aux CFC s’observe non
seulement au-dessus des pôles, mais aussi
aux latitudes moyennes.
L’Unzen a fait 41 victimes, dont les
volcanologues Maurice et Katia Krafft et
le géologue Harry Glicken ; le Pinatubo
en a fait 720. Le bilan de ces éruptions est
lourd, tant au plan éconolique (villages
détruits, cultures anéanties, un million
de personnes évacuées...) qu’au plan environnemental. Il est vrai qu’aux dégâts
causés par les nuées ardentes et l’abondance des chutes de cendres se sont ajoutés – dans le cas du Pinatubo notamment
– ceux occasionnés par les coulées de
boue et les inondations consécutives aux
pluies diluviennes des premiers typhons
de l’année.
Deux autres volcans philippins ont
montré des signes de réveil : le Didicas
dans les îles Babuyan au nord de Luzon
le 22 juin et le Sibucal dans l’île de Mindanao le 17 septembre. Les volcans de
la ceinture de feu ont été précédés ou
accompagnés par des volcans situés à des
milliers de kilomètres. Le volcan Hekla
situé à 120 km de Reykjavik s’est réveillé
le 17 janvier ; la vallée du Soleil en Patagonie chilienne a été transformée en un
désert de cendres après les éruptions du
volcan Hudson survenues entre les 11
et 15 août. L’Etna a produit, cette année
encore, près de 25 millions de tonnes de
CO2...
PHILIPPE C. CHAMARD
Philippe C. Chamard, géographe et quaternariste,
est maître de conférences à l’université de Paris-X et
consultant d’organismes internationaux.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
356
LE POINT SUR...
ASTRONOMIE
Reverrons-nous la comète de Halley près
du Soleil, en 2061 ? La question vaut d’être
posée après la découverte, à son emplacement présumé, sur des photographies
à longue pose prises le 12 février par les
astronomes belges Olivier Hainaut et
Alain Smette à l’aide du télescope danois
de 1,54 m de diamètre de l’observatoire
européen austral au Chili, d’un halo de
poussière de plus de 300 000 km de diamètre, quelque 300 fois plus brillant que
l’éclat escompté du noyau de la comète.
Peut-être ce dernier est-il entré en collision avec un autre petit corps du système
solaire, mais cela paraît très improbable.
Il n’existe, en fait, aucune explication
satisfaisante de ce brutal sursaut d’activité, mais certains pensent que la comète
pourrait bel et bien avoir explosé.
Une planète hypothétique
L’un des autres événements astronomiques majeurs de l’année, tout à fait
prévu celui-là, est l’éclipsé totale de Soleil
du 11 juillet. Avec une phase de totalité
d’une durée maximale de 6 min 53 s, cette
éclipse de Soleil s’inscrit parmi les plus
longues du siècle, après celles du 20 juin
1955, du 30 juin 1973 et du 8 juin 1937,
qui dépassèrent 7 minutes. Il faudra désormais attendre le 13 juin 2132 pour en
observer une plus longue. Après avoir
commencé, au lever du Soleil, sur l’océan
Pacifique, l’éclipsé balaie successivement
l’archipel hawaiien, le sud de la Californie, l’Amérique centrale et le nord-ouest
de l’Amérique du Sud, pour se terminer
au Brésil, au coucher du Soleil. Elle traverse des régions très peuplées, comme la
basse Californie et la ville de Mexico, et,
pour la première fois, un grand observatoire – celui du Mauna Kea, à Hawaii – se
trouve sur la ligne de centralité.
C’est une véritable aubaine pour les
spécialistes, puisque les éclipses totales
de Soleil constituent des instants particulièrement privilégiés pour étudier
l’atmosphère solaire et les nombreux
phénomènes qui s’y déroulent. L’élite des
astronomes solaires du monde entier se
rassemble donc au sommet du Mauna
Kea, à quelque 4 200 m d’altitude. La hauteur sur l’horizon du Soleil éclipsé n’y est
que de 21°, la durée de l’éclipsé totale n’y
atteint que 4 min 12 s et les conditions
d’observation s’avèrent finalement moins
bonnes que prévu en raison de la présence dans l’atmosphère de nombreuses
poussières provenant de l’éruption,
quelques semaines auparavant, du volcan
philippin Pinatubo.
Des observations au sol sans précédent sont néanmoins réalisées simultanément à des longueurs d’onde de la
lumière visible, de l’infrarouge et du
rayonnement radio millimétrique. Plus
de 6 000 images à haute résolution sont
notamment obtenues à l’aide d’une caméra vidéo CCD installée sur le télescope Canada-France-Hawaii de 3,6 m
de diamètre, qui devient ainsi le plus
grand télescope optique jamais pointé
sur le Soleil. Certaines de ces images
montrent, pour la première fois, l’évolution temporelle d’un nuage de gaz coronal partiellement ionisé (ou plasmoïde)
de 1 500 km seulement de long. Sur des
clichés à grand champ de la couronne
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SCIENCES ET TECHNIQUES
357
sont, d’autre part, mises en évidence
de nombreuses structures en boucles,
enchevêtrées, et les spécialistes notent
l’aspect inhabituel de la couronne : les
nombreux jets qui la hérissent, caractéristiques d’une période où l’activité
solaire est maximale, ne s’étendent pas
dans ses régions équatoriales mais dans
ses régions polaires.
En astronomie stellaire, trois astronomes britanniques, MM. Balles,
A. Lyne et S. Shemar, créent l’événement
en annonçant, le 25 juillet, dans la revue
Nature, la découverte de la première planète extérieure au système solaire : une
planète environ dix fois plus massive que
la Terre et vraisemblablement gazeuse,
qui tournerait en six mois à 120 millions
de kilomètres environ (soit à peu près la
distance de Vénus au Soleil) d’une étoile
à neutrons, la pulsar PSR 1829-10, située
à quelque 30 000 années-lumière de distance, dans la constellation de l’Écu de
Sobieski. En fait, l’équipe anglaise a seu-
lement mis en évidence, depuis 1988, des
fluctuations périodiques de la cadence du
pulsar et, faute d’autre interprétation possible, n’a pu les expliquer de façon satisfaisante qu’en avançant l’hypothèse de la
présence, autour de l’étoile, d’une planète
ayant les caractéristiques sus-indiquées.
Il reste maintenant à expliquer comment
une telle planète a pu se former autour
d’une étoile « effondrée »... et à observer
cette planète !
PHILIPPE DE LA COTARDIERE
ESPACE
Huit vols de la fusée européenne Ariane,
les vols V41 à V48, tous réussis, marquent
l’année spatiale. Ils autorisent le placement de onze gros satellites et de quatre
microsatellites en orbite de transfert
géostationnaire.
La version Ariane 44 L, la plus puissante, équipée de quatre propulseurs
d’appoint à propergols liquides, est utilisée à quatre reprises : le 15 janvier, pour
lancer Italsat 1, premier satellite italien
de télécommunications, et Eutelsat II-F2,
deuxième exemplaire d’une nouvelle génération de satellites de télécommunications de l’organisation européenne Eutelsat ; le 14 août et le 29 octobre, pour lancer
chaque fois un exemplaire des satellites
de télécommunications Intelsat VI ; enfin, le 16 décembre, pour mettre en orbite les satellites de télécommunications
Telecom 2A et Inmarsat 2-F 3. La version
Ariane 44 P, dotée de quatre propulseurs
auxiliaires à poudre, est employée à deux
reprises : le 4 avril et le 27 septembre,
pour le lancement des deux premiers
exemplaires de la cinquième génération
de satellites de télécommunications canadiens Anik. Un exemplaire de la version
Ariane 44 LP, munie de deux propulseurs
d’appoint à liquides et de deux à poudre,
permet de lancer, le 2 mars, Astra 1B,
deuxième satellite luxembourgeois de
télévision directe, et MOP-2, deuxième
satellite météorologique européen Meteosat opérationnel. Enfin, un exemplaire
de la version Ariane 40, sans propulseur
d’appoint, place sur orbite, le 16 juillet,
ERS-1, premier satellite européen de
télédétection (équipé notamment d’un
radar à synthèse d’ouverture lui permettant d’obtenir, de jour comme de nuit, des
images de grande qualité de la surface du
globe) et quatre microsatellites scientifiques ou de communication.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
358
L’avenir incertain
Le 29 mai, le satellite de télécommunications géostationnaire expérimental Olympus (lancé en 1989) est victime
d’une panne qui lui vaut de ne plus réagir aux ordres envoyés de la Terre et de
tourner sur lui-même en s’écartant de
sa position orbitale correcte. Une vaste
opération de sauvetage est rapidement
déclenchée et, au terme d’une longue
série de télécommandes, les techniciens
de l’Agence spatiale européenne et de
British Aerospace parviennent, le 31 juillet, à reprendre le contrôle de l’engin, qui
retrouve le 13 août sa position orbitale
correcte, par 19,2° de longitude ouest.
Très attendue, la réunion du Conseil
de l’Agence spatiale européenne au niveau ministériel, à Munich, du 18 au
20 novembre, déçoit les observateurs. On
espérait qu’elle déboucherait sur des décisions majeures pour l’avenir de l’Europe
spatiale, avec, en particulier, un engagement financier pluriannuel garanti et un
échéancier ferme pour les programmes
Columbus (laboratoire orbital), Hermes
(avion spatial) et DRS (satellites relais
de télécommunications à haut débit).
En fait, après d’âpres discussions, les
ministres ne parviennent qu’à un accord
politique minimal. Tout en réaffirmant
l’adhésion des États membres de l’Agence
spatiale européenne aux objectifs définis
en 1987, lors de la conférence de La Haye,
ils reportent à la fin de 1992 la décision
d’achever le développement des programmes Columbus, Hermes et DRS, sous
la pression de certains États, comme l’Allemagne, soucieux de réduire leur contribution financière. La principale décision
positive prise par les ministres réunis à
Munich est celle de mener à bien un nouveau programme européen d’observation
de la Terre à l’aide de plates-formes en
orbite polaire dont la première, POEM1, poursuivra et étendra les observations
réalisées par les satellites radar ERS.
Aux États-Unis, l’année est marquée
par six missions de la navette spatiale.
Elles autorisent notamment la mise en
orbite du satellite d’astronomie gamma
GRO (6 avril), d’un satellite relais de télécommunications TDRS (2 août), du satellite d’aéronomie UARS (14 septembre),
d’un satellite militaire d’alerte avancée
DSP (25 novembre), et un vol Spacelab emportant des expériences qui intéressent les sciences de la vie (5-14 juin).
Après avoir cartographie au radar les trois
quarts de la surface de Vénus, la sonde
Magellan entame le 16 mai son deuxième
cycle de survol de la planète. La sonde
Galileo, en route vers Jupiter, passe le
29 octobre à 1 600 km de l’astéroïde Gaspra, dont elle recueille 150 clichés.
En URSS, l’exploitation de la station
orbitale Mir 1 continue. La station accueille notamment, en mai, la première
cosmonaute britannique, Helen Sharman, et en octobre le premier cosmonaute autrichien, Franz Viehböck. Cependant, les bouleversements politiques
font planer la plus grande incertitude
sur l’avenir des programmes spatiaux.
L’une des pages les plus glorieuses de la
conquête spatiale soviétique est tournée
avec la rentrée dans l’atmosphère et la
désintégration, le 7 février, au-dessus de
l’Argentine, après un séjour de près de
neuf ans dans l’espace, de Saliout 7, la
dernière des stations orbitales soviétiques
de cette série.
PHILIPPE DE LA COTARDIÈRE
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SCIENCES ET TECHNIQUES
359
SCIENCES DE LA TERRE
Depuis 1981, les praticiens européens
des sciences de la Terre se réunissent
tous les deux ans à Strasbourg en vue
de confronter leurs résultats et leurs
hypothèses. Organisé par les Italiens,
le VIe meeting de l’European Union of
Geosciences a revêtu un aspect un peu
plus solennel, puisqu’il marquait le
dixième anniversaire de cette manifestation. Preuves du dynamisme et de l’attrait des laboratoires européens : plus de
1 900 participants, provenant d’Europe
mais aussi des autres continents, ont
suivi 1 300 communications et examiné
300 posters, regroupés en 33 symposiums et 18 sessions ouvertes.
L’année des granites
Des sujets médiatiques, comme les
changements climatiques à l’échelle du
globe et la prédiction des séismes, ont été
traités à côté de problèmes fondamentaux comme la déformation des continents, les tendances actuelles en stratigraphie et en paléontologie et le rôle du
magmatisme dans l’évolution de la croûte
terrestre. Le but de la conférence est de
permettre ou de susciter les rencontres
entre chercheurs d’horizons différents,
en particulier d’Europe de l’Est, dont le
nombre tend à augmenter.
Le IIe Hutton Symposium sur l’origine
des granites, tenu à Canberra en Australie, constitue également un événement
international marquant. L’origine magmatique des granites, ou passage à l’état
liquide avant cristallisation, avait été défendue en 1787, par Hutton dans sa thèse
soutenue à Edimbourg. Le Ier Hutton
Symposium avait eu lieu dans cette même
ville en 1987 pour célébrer le bicentenaire de cette idée alors révolutionnaire.
Le besoin s’est fait sentir d’organiser des
réunions tous les quatre ans. Le calendrier retenu pour la fin du XXe siècle est
le suivant : 1991, Australie ; 1995, ÉtatsUnis ; 1999, France.
Le principe du Hutton Symposium
est de rassembler les granitologues sur
le terrain, dans des régions bien étudiées, puis en congrès, la séance plénière
finale devant permettre de souligner les
acquis mais aussi les problèmes en suspens. À Canberra, les discussions animées concernant les sources des magmas
granitiques ont clairement montré que le
consensus était loin d’être atteint. Deux
théories s’opposent : 1/ le granité provient
de la fusion de niveaux particuliers de la
croûte terrestre (origine purement crustale) ; 2/ le granité est issu de l’évolution
de magmas profonds contaminés par la
croûte qu’ils traversent (participation du
manteau terrestre).
Cela montre que la « controverse du
granité », qui a commencé avec les travaux de Hutton, n’est pas encore close.
Or, source importante d’énergie et de
métaux, le granité est également utilisé
dans la construction, la voirie et même
en horlogerie ! Les granites forment
l’essentiel de la croûte continentale (plus
de 90 %) et jouent ainsi un rôle fondamental, quoique méconnu, dans notre vie
quotidienne.
BERNARD BONIN
MÉDECINE
Le prix Nobel de médecine et de physiologie 1991 a été décerné à deux chercheurs allemands, les professeurs Bert
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
360
Sakmann et Erwin Neher pour leurs travaux de biologie cellulaire.
Bert Sakmann, âgé de 49 ans, professeur
à la faculté de médecine de l’université de
Heidelberg, et Erwin Neher, âgé de 47 ans,
professeur honoraire de l’université de Göttingen, travaillent l’un et l’autre au département de médecine cellulaire de l’Institut
Max Planck de Heidelberg. Le prix leur a
été attribué pour leurs découvertes concernant « la fonction individuelle de certains
canaux ioniques de la cellule ».
Différents canaux
Les membranes des cellules, surtout
des cellules musculaires et nerveuses,
présentent des molécules ou des groupements de molécules formant des
sortes de canaux appelés ionophores, qui
régissent le transfert à travers la membrane d’atomes de différentes charges
électriques, ou ions. L’ouverture ou la
fermeture de ces canaux ioniques permet
ou empêche l’entrée ou la sortie, dans une
cellule, de ces ions.
Il existe des canaux distincts suivant
les cellules et les espèces ioniques : ionophores au sodium (nombreux le long
des cellules nerveuses), au potassium, au
calcium, au chlore. Leur état d’ouverture
est commandé par le champ électrique
traversant la membrane et/ou par la fixation de médiateurs chimiques sur une
molécule réceptrice accouplée au canal.
Le passage des ions au travers de la mem-
brane cellulaire par les canaux ioniques
modifie les propriétés des cellules, entraînant une contraction ou une dilatation,
une excitation ou une inhibition.
Le mérite des lauréats du Nobel est
d’avoir mis au point une technique extrêmement fine permettant d’étudier un
par un les différents canaux ioniques et
d’enregistrer l’activité électrique de la
cellule consécutive aux changements
du milieu intracellulaire. Ces travaux
d’électrophysiologie fondamentale, qui
donnent la possibilité d’étudier les propriétés et la régulation d’un seul canal
pris individuellement et de mettre en
évidence les substances qui influent sur
son fonctionnement (par exemple, un
antibiotique tel que la gramicidine commande l’ouverture des canaux à sodium
et à potassium), ont dès maintenant des
applications cliniques. Ils permettent de
mieux comprendre certains mécanismes
pathologiques (la mucoviscidose serait
liée à un mauvais fonctionnement des
canaux au chlore) et d’expliquer l’action
de certains médicaments spécifiques.
Les médicaments inhibiteurs calciques, largement utilisés en cardiologie
dans la prévention des crises d’angine
de poitrine et d’hypertension artérielle,
agissent sur les canaux à calcium dont ils
assurent la fermeture, empêchant la diffusion des ions calcium dans les cellules
du muscle cardiaque et de la musculature
lisse vasculaire. Les médicaments anxiolytiques agissent par l’intermédiaire des
canaux au chlore dont ils commandent
l’ouverture, diminuant ainsi l’excitation
des cellules du tissu nerveux. Les médicaments antidiabétiques agissent sur les
canaux à potassium des cellules du pancréas, stimulant la libération d’insuline. Il
est vraisemblable que de nouveaux médicaments spécifiques pourront être mis au
point grâce à ces travaux.
L’actualité du Sida
La VIIe Conférence internationale
sur le Sida a eu lieu à Florence du 16
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SCIENCES ET TECHNIQUES
361
au 21 juin 1991. Par rapport aux conférences précédentes (San Francisco 1990,
Montréal 1989, Stockholm 1988), elle
a suscité moins d’intérêt, le nombre des
participants étant en net recul, surtout à
cause de la faible participation des Américains (qui étaient 2 500 contre 7 400 à
San Francisco).
Aucune communication d’importance majeure n’a été enregistrée, les
intervenants traitant surtout de sujets
ponctuels. On doit retenir cependant,
sous toutes réserves, la communication
de William Haseltine sur le rôle possible
de la salive dans la transmission de la
maladie. Haseltine et ses collaborateurs
ont montré que certaines cellules dites
« dendritiques », nombreuses à la surface
des muqueuses anale, génitales et aussi
buccale, sont très sensibles à l’infection
par le virus VIH, et qu’une fois infectées
elles sécrètent le virus en grande quantité.
Alors qu’il est communément admis que
la salive seule (en dehors de toute suffusion hémorragique) ne peut transmettre
le virus, les travaux de Haseltine sur les
cellules dendritiques de la muqueuse
buccale remettent en question, du moins
en théorie, cette innocuité. Pour leur
auteur, le risque de contamination par
la salive, quoique faible, ne doit pas être
totalement exclu.
En 1986, Luc Montagnier et son
équipe de l’Institut Pasteur isolaient et
identifiaient un deuxième type de virus
VIH, le virus VIH2, responsable du Sida
en Afrique de l’Ouest, le premier type
– VIH1 – étant présent dans le reste du
monde. Les États-Unis semblaient épargnés par ce virus. Or 27 cas de contamination par le VIH2 y ont été récemment
observés. Aussi, le dépistage systématique de ce deuxième virus pour les donneurs de sang (déjà obligatoire en France)
vient-il d’y être recommandé.
Dr GEORGES DE CORGANOFF
BIOLOGIE
L’année aura mal commencé pour ces
grenouilles japonaises, embarquées en
décembre 1990 à bord de la station soviétique Mir. Après plusieurs jours en orbite,
leurs coeurs et cerveaux, momifiés dans
le formol, auront passé le Nouvel An... à
l’aéroport de Roissy. Destination : le laboratoire d’endocrinologie de Rouen, où les
chercheurs traquent une hormone vitale
pour la régulation de la tension artérielle.
Ce FNA (facteur natriurétique auriculaire) étant identique chez l’homme et
chez la grenouille, les batraciens ont été,
tout bonnement, mis à contribution pour
étudier certaines des modifications que
subit le système cardiovasculaire des astronautes en apesanteur...
Décrypter Lincoln !
Retour sur Terre, ou le projet « Génome humain », qui prévoit de décrypter
dans la décennie à venir l’intégralité du
patrimoine héréditaire de notre espèce,
devient plus que jamais le programme
Apollo de la biologie. En août dernier,
plus de 700 chercheurs se sont ainsi
retrouvés à Londres pour y dresser, le
temps d’une réunion de travail, la carte
de nos 22 chromosomes. Un projet gigantesque auquel les États-Unis ont consacré
130 millions de dollars (près de 800 millions de francs) en 1991, et pour lequel
M. Hubert Curien, ministre français de la
Recherche et de la Technologie, prévoyait
en octobre 1990 une augmentation de
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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dépenses de 100 millions de francs d’ici
à 1992.
L’enjeu ? En premier lieu, localiser
les gènes impliqués dans les quelque
3 000 maladies héréditaires dont souffre
l’espèce humaine. Grâce à ces travaux,
le mécanisme moléculaire de près de
500 pathologies a déjà été partiellement
élucidé, ouvrant pour certaines la voie
au diagnostic prénatal, voire au traitement thérapeutique de maladies graves
et jusqu’alors mal comprises : la myopathie de Duchenne, la mucoviscidose ou
les affections impliquées dans certains
cancers, pour n’en citer que quelques
exemples.
Au-delà de ses implications médicales, la génétique moléculaire se révèle
un extraordinaire outil de connaissance
des espèces vivantes. Le loup rouge, classé « espèce protégée » depuis 1967, vient
ainsi d’être trahi par son ADN (acide
désoxyribonucléique, porteur de l’information génétique). Deux chercheurs
américains ont comparé ses gènes à ceux
du coyote et du loup gris. Conclusion :
le loup rouge est un hybride de ces deux
espèces, et pourrait bien en perdre toute
protection.
Plus étonnant encore, les généticiens remontent parfois le fil de notre
propre histoire. Plusieurs d’entre eux
ne viennent-ils pas de proposer, le plus
sérieusement du monde, de décrypter
l’ADN... d’Abraham Lincoln ? L’objectif :
vérifier à la lumière de la biologie moléculaire, 126 ans après sa mort, si le président des États-Unis était, comme on le
suppose, atteint du syndrome héréditaire
de Marfan. Tandis que des chercheurs
français et italiens, en comparant les
gènes des populations actuelles réparties
dans nos différentes provinces, retracent
les grandes étapes... de l’histoire de la
Gaule !
La naissance du cocotier-éprouvette
Outil de connaissance médicale ou
fondamentale, le décryptage des gènes de
l’espèce humaine représente également,
et surtout, un formidable enjeu économique. Car il suffit aujourd’hui, pour
produire en quantité industrielle une
protéine humaine d’intérêt thérapeutique (hormone de croissance, érythropoïétine, facteurs de coagulation), de
« greffer » le gène correspondant dans les
chromosomes d’une autre espèce vivante.
Par exemple, dans ceux d’une vache,
d’une chèvre ou d’une brebis, dont le
lait, moyennant d’habiles manipulations
génétiques, contiendra en grandes quantités la protéine humaine recherchée.
Science-fiction ? Il y a 20 ans, sans aucun doute. Désormais, la plupart des spécialistes s’accordent à penser que la production de substances pharmaceutiques
par de tels animaux « transgéniques »
pourrait passer au stade industriel d’ici
à quelques années. À preuve : les travaux
publiés en septembre par trois sociétés
privées dans la très sérieuse revue britannique Biotechnology, qui rapportent la
production de protéines humaines, dans
le lait de brebis et de chèvre, « à des taux
économiquement viables ».
La phase industrielle, certes, est encore loin. Avant l’autorisation de mise
sur le marché, les animaux transgéniques
devront franchir l’étape, longue et complexe, des essais cliniques. Mais le développement de cette manipulation du
vivant, fille des biotechnologies, semble
désormais inéluctable. Et les pays indusdownloadModeText.vue.download 365 sur 490
SCIENCES ET TECHNIQUES
363
trialisés l’ont bien compris, qui, tous,
commencent à donner à la brevetabilité
du vivant un cadre légal. Après l’Office
américain des brevets, qui, pour la première fois au monde, accordait en 1988
le statut de propriété industrielle à une
souris transgénique, l’Office européen
des brevets vient à son tour de se rallier à la logique économique. Et la CEE,
qui prépare de longue date un projet de
directive relatif à la protection juridique
des découvertes biotechnologiques, se
prononce d’ores et déjà en faveur de la
brevetabilité de « toutes les catégories
biologiques ».
Autre domaine favorisé par la compétition internationale : l’ingénierie des
protéines. À cette recherche multidisciplinaire, qui vise à fabriquer des protéines « sur mesure » d’usage médical
ou industriel, les principaux pays industrialisés consacrent désormais de véritables programmes nationaux. Financé
à parité par le CNRS et le CEA et prévu
pour accueillir 200 chercheurs en 1992,
le futur Institut de biologie structurale
de Grenoble lui sera entièrement dédié.
Et le programme de recherche industriel
« Bioavenir », auquel Rhône-Poulenc et le
gouvernement consacreront 1,6 milliard
de francs dans les cinq ans à venir, sera
lui aussi dirigé en priorité sur ces molécules du vivant, dont le marché mondial
est évalué à 300 milliards de francs à l’horizon 1995.
C’est donc humblement qu’il faut saluer, en ces temps de haute technologie,
la naissance du cocotier-éprouvette. Car
le procédé n’est pas neuf : de la fraise à
l’hévéa, en passant par le palmier à huile
ou le bananier, la reproduction in vitro
permet désormais d’obtenir à un rythme
accéléré bon nombre de plantes cultivées de haut rendement. Mais le cocotier,
jusqu’alors, résistait à toute technique de
clônage.
Des chercheurs français du CIRAD
et de l’ORSTOM viennent de lever l’obstacle. Et d’ouvrir ainsi, à terme, de nouvelles et encourageantes perspectives aux
pays producteurs d’huile de copra.
CATHERINE VINCENT
PHYSIQUE ET CHIMIE
L’école supérieure de physique et de
chimie industrielles de la Ville de Paris
n’est pas une école comme les autres.
Depuis que Marie Curie y a isolé le radium dans un hangar aménagé de bric et
de broc, elle est restée le lieu des grandes
découvertes faites dans des conditions
précaires. Dotée de moyens modestes,
elle a en effet donné cinq prix Nobel à la
France, dont son actuel directeur, PierreGilles de Gennes (59 ans), qui a été couronné en octobre dernier.
Le communiqué de Stockholm n’était
pas d’une clarté exemplaire, et pour
cause. M. de Gennes, que le jury Nobel
a comparé à Isaac Newton, et qui se verrait mieux dans la peau d’Indiana Jones,
a abordé tant de sujets de recherche qu’il
n’est pas facile d’en saisir le fil conducteur. Cet incorrigible touche-à-tout est
passé des supraconducteurs aux cristaux
liquides, et des adhésifs aux membranes
biologiques, explorant ainsi le vaste domaine de la « matière molle ».
Le triomphe de la matière molle
À mi-chemin entre la physique et
la chimie, les « colloïdes », ou systèmes
moléculaires partiellement ordonnés,
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1992
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sont longtemps restés inaccessibles aux
chercheurs. Trop complexes, car constitués de milliards de molécules en interaction, et trop « sensibles », puisqu’ils
changent radicalement de comportement
à la moindre variation des conditions
extérieures : les cristaux liquides des affi-
cheurs de montres et de calculettes répondent à d’infimes champs électriques
et certains gels, liquides, se solidifient au
moindre choc.
Ces milieux moléculaires auto-organisés sont d’une diversité surprenante.
Les molécules des cristaux liquides
peuvent se structurer en couches ou en
tubes ; celles des alliages de polymères,
les « plastiques du futur », en sphérules
ou en étoiles, et à chacune de ces structures correspondent des propriétés mécaniques ou électriques particulières. Le
grand apport de Pierre-Gilles de Gennes
a été de montrer que, là où les lois de la
physique statistique déclaraient forfait,
des concepts qualitatifs et intuitifs permettaient cependant de résoudre des
problèmes concrets. Il a, par exemple,
introduit l’idée de la « reptation », selon
laquelle chaque molécule d’un polymère
serpente dans une sorte de tube défini
par ses voisines, tube qui se déforme lentement et dont les dimensions sont précisément calculables. La reptation permet
de lier le comportement d’un polymère à
la nature de ses molécules et de résoudre
nombre de problèmes industriels.
L’originalité de cette recherche tient
à ce que ses objets d’étude sont presque
tous en vente dans les supermarchés.
Plastiques, colles et peintures sont des
matières molles d’usage courant qui
ont toutes bénéficié de ces nouveaux
concepts. La dispersion dans une peinture de microbilles de latex s’auto-organisant spontanément en un cristal « mou »
fondant sous de très faibles contraintes, a
ainsi mené aux « peintures qui ne coulent
pas ». Solides au repos, elles deviennent
liquides dès qu’elles sont soumises au cisaillement du pinceau.
Les « supercolles », quant à elles,
gardent bien des mystères, mais les spécialistes de la matière molle ont compris
pourquoi les colles polymères adhéraient
mieux que les colles dures, qui forment un
réseau de type cristallin. Alors qu’il suffit
de casser quelques liaisons chimiques
pour briser un cristal, il faut en casser des
milliers pour venir à bout d’un polymère,
car l’énergie de liaison est stockée tout au
long des molécules.
Le problème de l’adhésion, dont les
répercussions industrielles sont énormes
– on parle déjà d’avions entièrement assemblés par collage –, est voisin de celui
du « mouillage », c’est-à-dire de la façon
dont s’organise l’interface entre un liquide
et un solide. Pierre-Gilles de Gennes, là
encore, a su faire preuve d’imagination.
Alors que personne ne voyait le moindre
mystère dans une goutte d’eau posée à
la surface d’un solide, il a montré que la
goutte était en réalité entourée d’un film
d’eau extrêmement mince et se propageant à grande vitesse. Ce curieux phénomène explique, entre autres, pourquoi les
gouttes de rosée sur les toiles d’araignée
ont tendance à se fondre les unes dans les
autres.
Deux dernières applications, fort
éloignées, montrent les enjeux de la recherche dans ce domaine. L’addition à
l’eau d’une lance à incendie de quelques
gouttes d’additif polymère suffit à doubler
la portée du jet ! Les longues molécules
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SCIENCES ET TECHNIQUES
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de polymère, en effet, agglomèrent les
molécules, d’eau qui n’ont plus tendance
à former des gouttelettes et à déstabiliser le jet. Un nouveau type de cristal liquide, d’autre part, vient d’être découvert.
Il avait été prévu il y a quelques années
par P.-G. de Gennes, sur la base d’études
théoriques comparant le comportement
des cristaux liquides à celui des matériaux supraconducteurs...
Comment peut-on ainsi sauter d’un
sujet à un autre ? « C’est un peu comme
si vous étiez dans un verger », explique
P.-G. de Gennes. « Il y a beaucoup de
pommes à cueillir, mais il faut choisir
celles qui ne sont ni blettes ni pas assez
mûres. Ensuite, il faut construire l’escabeau pour les atteindre, et c’est là que
réside toute la difficulté. »
Il est vrai que l’on ne passe pas du jour
au lendemain de la physique des supraconducteurs à celle des cristaux liquides
ou des colles, et que la curiosité d’esprit
nécessaire n’est pas commune. À l’époque
de la spécialisation à outrance, le seul
fait qu’elle existe est en soi rassurant. Le
triomphe de la matière molle est aussi
celui d’une certaine façon d’aborder la
recherche scientifique.
NICOLAS WITKOWSKI
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L’OCÉAN
SOUS HAUTE
SURVEILLANCE
Aujourd’hui, l’océanographie change
d’échelle et de stratégie. Pourra-t-elle ainsi
répondre aux questions préoccupantes que
pose l’avenir de la planète ?
Après les années 1980, qui ont été
marquées par des découvertes océanographiques majeures (les résurgences
hydrothermales ou les oasis abyssales),
la mise au point de nouveaux procédés
d’investigation (les sondages dits « surfaciques » ou le profilage sismique multitrace) et le lancement de submersibles à
vocation scientifique capables d’atteindre
des profondeurs réputées inaccessibles
(le Nautile, le Shinkai 6500, ou les Mir-I
et II), le tournant entre les deux décennies a vu le profond renouvellement des
flottilles océanographiques grâce au lancement de quelques grosses unités (de
plus de 80 m de longueur et de 3 000 t de
déplacement).
Les axes majeurs
de la recherche
Parmi les principaux bâtiments ainsi
inaugurés, et qui sont souvent des briseglace ou, au moins, des navires capables
de se risquer au milieu de la banquise, on
doit citer : le Polarstern (All.), le CharlesDarwin (G.-B.), le Maurice-Ewing (É.U.), l’Hesperides (Esp.) et le Meiyo (Jap.).
En 1990, la France a lancé l’Atalante (Ifremer), qui a effectué en 1991 ses premières
campagnes en Méditerranée et dans l’Atlantique central.
Ce matériel flottant doit être associé
aux satellites déjà mis sur orbite (ERS 1)
ou attendant de l’être (Topex-Poséidon,
CNES-NASA). Ces derniers fournissent
en effet des données qui sont devenues le
complément obligé des renseignements
rassemblés par les navires, qu’il s’agisse
du suivi des bouées automatiques, de
l’altimétrie de la surface océanique (qui
est l’image complexe de reliefs sous-marins ou de structures profondes), ou de
l’estimation des transferts air-océan et de
la biomasse planctonique, pour ne parler que de quelques axes majeurs de la
recherche actuelle.
De très hautes performances
Par ses dimensions (84,6 m de long, 5 m
de tirant d’eau, 3 300 t de déplacement) ;
sa vitesse (maximum : 14,5 noeuds ;
croisière : 13 noeuds), son habitabilité
(25 chercheurs ; de 20 à 30 marins et
techniciens), sa conception (250 m2 de
laboratoires ; une informatisation totale),
l’Atalante préfigure assez bien ce que sera
la recherche océanographique du début
du XXIe siècle, tout comme la proche
transformation de la flotte submersible
(en partie automatique), qui sera capable
d’atteindre des profondeurs de l’ordre de
10 000 mètres.
On devine alors les changements
que ces nouveaux venus – et l’Atalante
en premier lieu – entraînent ou entraîneront dans les recherches. Pour ce dernier, on peut déjà signaler : l’informatisation complète du navire grâce à une
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SCIENCES ET TECHNIQUES
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large bande « multiservice » (navigation,
propulsion, acquisitions scientifiques)
formant le « tronc commun » de l’information du bord (ses divers canaux sont
accessibles de tous les postes de travail :
passerelle, laboratoires, pont, cabines) ;
l’automatisation des opérations (deux
hommes – au lieu de neuf – suffisent
pour effectuer un carottage) ; la possibilité d’embarquer la quasi-totalité du
matériel connu (toutes sortes de bouées
et de « poissons » remorqués), ainsi que
des engins d’observation inhabités (Raie,
Sar, Épaulard) ou encore les submersibles Cyana et Nautile, grâce à un rail
de transfert sur la plage arrière. Enfin,
un sondeur et un imageur d’avant-garde,
l’EM 12 Dual, font de l’Atalante un laboratoire aux très hautes performances.
Un analyseur de fonds
Qu’elle porte sur la partie du fond levée pendant une campagne ou qu’elle
concerne l’ensemble des océans de la
planète, l’imagerie acoustique est devenue l’un des fils conducteurs de la compréhension du monde marin. Plane, ou
même tridimensionnelle, elle s’applique
à des domaines aussi différents que
l’intérieur d’une masse d’eau (analysée
par la « tomographie »), les structures
géophysiques, la nature ou la configuration des fonds marins. Jusqu’à présent,
la communauté océanographique dans
son ensemble n’avait jamais ressenti à
ce point l’urgente nécessité de connaître
le détail des reliefs sous-marins traduisant les mouvements de coulissage ou de
plongement des plaques lithosphériques
et la forme exacte des passages profonds qui sont les voies « stratégiques »
empruntées par les grands transferts de
masses d’eau, d’énergie ou de faunes.
C’est pour répondre à ce nouveau
besoin que la pièce maîtresse de l’équipement de l’Atalante est l’EM 12, prototype – actuellement le plus efficace et le
plus précis du monde – des analyseurs
de fonds de demain. Une double source
(émettrice et réceptrice) projette latéralement et simultanément deux faisceaux
acoustiques larges (de 80° d’ouverture
chacun, dont 10° en commun, soit un
angle total de 150°) qui balaient en éventail une bande de terrain large de 20°, disposée perpendiculairement à la route du
navire.
Une double imagerie
Pour la prospection, un tel équipement
ouvre une ère d’autant plus prometteuse
qu’au capteur de profondeur est associé
un lecteur de réflectivité acoustique : le
premier donne une imagerie-contour du
fond (carte en courbes d’égale profondeur), tandis que le second enregistre
l’imagerie-sonar, c’est-à-dire l’intensité de
l’écho renvoyé par le sol. Les fluctuations
de l’énergie de retour varient en effet selon le coefficient de réflexion (nature du
fond et des sédiments) et l’angle d’incidence (la pente du sol) de l’onde sur la
surface balayée (dite « insonifiée »). Des
tables traçantes et des écrans de visualisation permettent de suivre en léger différé
la réception de la double imagerie.
La supériorité de l’EM 12 par rapport à l’ancien « rayon marin » tient
aussi à ses spectaculaires performances
« surfaciques ». Le Seabeam bornait ses
ambitions à la lecture d’un couloir large
comme les trois quarts de la hauteur d’eau.
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Le nouveau sondeur multifaisceaux peut
examiner une largeur égale – en théorie
– à sept fois la profondeur (trois à quatre
fois dans la pratique). Par des fonds de
l’ordre de 2 000 m, une largeur minimale de 6 à 8 km est balayée, la superficie
cartographiée étant six fois plus grande
qu’avec le Seabeam. Plus concrètement,
4 000 km 2 de pente continentale sont
levés par jour, le double sur le fond des
grands bassins, soit une surface presque
équivalente à celle de deux départements
français. Le rendement de l’EM 12 et plus
généralement de l’Atalante fait du nouveau navire une station flottante doublée
d’un centre de calcul et de traitement de
l’information, et de l’image. Un tel bâtiment est un outil de choix pour aborder
les grands programmes internationaux.
Des questions préoccupantes
À une décennie du nouveau millénaire,
la présente génération de l’efficience informaticienne dispose d’ores et déjà de
flottes et d’engins (tant abyssaux que spaciaux) propres à maximaliser l’acquisition
des données et l’étendue des volumes explorés. L’océanographie change d’échelle
et de stratégie à l’heure où les problèmes
posés par l’évolution ou même par l’altération de l’environnement « global » –
c’est-à-dire planétaire – deviennent de
plus en plus aigus.
On sait la tournure alarmiste prise,
dans certains rapports, par le débat
scientifique relatif au réchauffement de
l’atmosphère (que l’on estime à plus de
0,5 °C depuis un siècle), et à l’accumulation des gaz dits « à effet de serre » (CO2,
méthane, CFC, etc.), sans oublier l’élévation consécutive, et irréversible pour
certains, de la surface océanique par
« dilatation thermique » et par retour à la
mer de la glace stockée dans les calottes
polaires. Si des experts n’ont pas écarté
la possibilité d’une transgression de 5
à 6 m durant les prochains siècles, des
estimations récentes réduisent heureusement la menace à 0,5/0,9 m pour la fin du
XXIe siècle.
Des questions préoccupantes sont
désormais à résoudre par l’océanographie : l’océan, dans sa masse, pourrat-il absorber les excédents croissants
de chaleur et de CO2 ? (Trois milliards
de tonnes d’oxyde carbonique sont mis
annuellement sur le « marché » planétaire par les industries et par les villes.)
Par endroits, les eaux froides profondes
paraissent manifester déjà un certain tiédissement (entre 1954 et 1990, l’eau profonde de la Méditerranée s’est élevée de
0,12 °C). La respiration des êtres vivants
et la précipitation des carbonates, tant
néritiques que profonds, peuvent-elles
être des « puits » de CO2 ? Dans l’affirmative, l’océan pourra-t-il être longtemps, et
sans risques, l’épurateur de notre atmosphère, le remède à l’effet de serre ? Pour
répondre à d’aussi graves questions, il
manque encore un certain nombre d’analyses fines et de longue durée à effectuer
dans l’ensemble des mers du globe.
JEAN-RENÉ VANNEY
Jean-René Vanney est professeur
à l’université de Paris-IV (Paris-Sorbonne),
où il enseigne la géographie de l’océan.
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LE POINT SUR...
TÉLÉCOMMUNICATIONS
Incontestable réussite, en France, le Minitel a fêté ses dix ans. Lancé et testé en
juillet 1981 dans 2 500 foyers de VélizyVillacoublay, il a changé les habitudes de
l’usager, qui s’est progressivement familiarisé avec son clavier et a ainsi contribué
à l’avènement de l’ordinateur personnel :
les 5,8 millions de Minitels en service
ont enregistré plus d’un milliard et demi
d’appels au cours de l’année écoulée, dont
la moitié à usage professionnel. Le Minitel à écran plat est devenu un outil indispensable aux techniciens d’entretien ou
d’après-vente qui ont besoin d’avoir accès
à des banques de données.
Il a franchi aussi les frontières européennes, car les trois principales nonnes
européennes de transmission vidéotex –
la Télétel française, la Prestel britannique
et la BTX allemande – sont maintenant
interconnectables.
Le visiophone émerge enfin
Autre débouché que l’on dit prometteur, France Télécom a conclu en octobre
un accord avec la compagnie US West,
l’une des trente principales compagnies
téléphoniques d’outre-Atlantique, pour
implanter le Minitel dans quatorze États
américains. Un consortium de dix firmes
nippones en étudie aussi une version
adaptable aux 51 millions de lignes téléphoniques japonaises.
La télécopie connaît parallèlement un
développement spectaculaire : 1,3 million de « fax » sont en service en France.
Leur « connexion » à des ordinateurs
personnels portables à serveurs vidéotex
vient bouleverser les habitudes de travail.
Il en va de même pour la téléphonie mobile : les voitures, les camions, les trains
– et cette année les avions – disposent
de radiotéléphones. En France, deux réseaux de communication avec les mobiles
(Radiocom 2000 et SFR) comptent près
de 300 000 abonnés dont les 600 publiphones des TGV. France Télécom lancera
en 1992 le radiotéléphone cellulaire numérique selon la nouvelle norme unique
européenne GSM : il associera une carte
d’accès et de paiement à puce et bénéficiera de la qualité du son numérique sans
bruit de fond.
Quant au Pointel, c’est un téléphone
« pour piéton » dont le microcombiné de
poche Bi-bop s’utilise directement dans
la rue à proximité de bornes urbaines
publiques. La ville de Strasbourg l’expérimente actuellement avec 750 bornes.
Enfin, il y a l’avion : le 12 juin, au Salon
de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, la première liaison PTT française a
relié un Falcon 900 à la Terre. Dès l’an
prochain, il sera possible de téléphoner
(pour 35 F la minute) depuis des appareils survolant l’Europe. Après vingt ans
de gestation et de nombreux prototypes
de laboratoire, le visiophone, téléphone à
écran permettant de voir son correspondant, est enfin au point.
En octobre au Salon « Télécom 91 »
de Genève, Matra Communication a présenté le premier appareil professionnel
pour les entreprises. Français, il coûte
80 000 F, plus le raccordement au réseau
Numéris. Un modèle grand public devrait
être commercialisé 5 000 F environ en
1995, grâce au protocole d’accord signé
entre six pays : l’Allemagne, la France, la
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Grande-Bretagne, l’Italie, la Norvège et
les Pays-Bas.
Enfin, le 18 septembre à l’Observatoire de Paris, l’horloge parlante, qui est
en service continu depuis 58 ans et qui
reçoit 200 000 appels par jour, s’est modernisé : quatre nouvelles horloges atomiques au césium ont été couplées à des
machines de traitement numérique de
la parole avec stockage sur disque compact. Petite « révolution » : alors que son
« speaker » était le même depuis 1965,
l’horloge s’est féminisée grâce à Sylvie
Behr, jeune comédienne qui lui a prêté sa
voix.
CLAUDE GELÉ
INFORMATIQUE
Une page de l’histoire de l’informatique
personnelle a été tournée le 2 octobre
1991 : l’accord passé entre Apple et IBM
a mis fin à quatorze années de « guerre »
entre deux mondes diamétralement
opposés.
Alors que les systèmes d’exploitation des Macintosh et des nombreux PC
(Personal Computer) étaient jusqu’alors
incompatibles, les deux firmes vont enfin
coopérer pour rendre leurs machines interconnectables dès cette année. Elles développeront ultérieurement leurs futurs
microordinateurs à partir d’un nouveau
standard Power Open défini en commun
et avec de nouveaux processeurs à architecture Risc – à jeu d’instructions réduit
– beaucoup plus rapides, mis au point
avec Motorola.
Le règne des portables
Ces micros seront des « stations de
travail » utilisant des logiciels multimédias alliant texte, son et image vidéo. De
tels « ordinateurs multimédias » – qui préfigurent en fait l’intégration de l’informatique et de la vidéo interactive – sont déjà
annoncés par Commodore avec l’appellation « CDTV » (Commodore Dynamic
Total Vision). Sous la forme d’un magnétoscope, ils lisent les disques compacts
vidéo et sont connectés au téléviseur pour
l’image et à la chaîne hi-fi pour le son.
Sony et Philips interviendront sur cette
nouvelle technologie avec le Mini-Disc
et le DCC (disque compact cassette), qui
utilisent des minicassettes numériques et
combinent la miniaturisation d’un baladeur et la qualité du disque laser.
En novembre, Apple a lancé une
seconde offensive avec une nouvelle
génération de « portables », ces microordinateurs qui représentent 20 % des
ventes mondiales de ce type d’appareils.
170 000 portables ont été vendus en
France en 1991 ! Le plus petit modèle,
le Macintosh 100, au format A4 et de
46 mm d’épaisseur seulement, pèse 2,3 kg
et dispose d’une autonomie de 4 heures.
Il est construit par Sony, ce qui laisse supposer que le constructeur japonais sera
également présent dans ce « mariage »
d’Apple et d’IBM.
L’année est aussi celle du lancement
des « notebooks », ces portables sans
clavier qui reconnaissent l’écriture. (Il
suffit d’écrire ou de dessiner sur l’écran
au format A4.) Ils s’adressent surtout à
des travaux particuliers : saisie de bordereaux ou de documents normalisés,
exécution de croquis d’architectes ou
d’experts... Après le premier Gridpad de
Victor Technologies (que le Pentagone et
tous les conseillers du président Bush utilisent lors de leurs déplacements), NCR a
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présenté son Notepad et d’autres modèles
sont annoncés.
Enfin, les « radio-ordinateurs » ont
fait leur apparition : munis d’une antenne, ils dialoguent directement par voie
hertzienne comme des téléphones sans
fil. But : échanger des données entre plusieurs micros, partager des périphériques
ou collecter des mesures. La célèbre
« souris » y perd même son fil : le Suisse
Logitech utilise une liaison radio multifréquences pour faire cohabiter huit souris autonomes dans un rayon de quelques
mètres sans interférences !
CLAUDE GELÉ
AÉRONAUTIQUE
Tenu au bourget du 13 au 24 juin 1991,
le XXXIXe Salon de l’aéronautique a permis de jeter un large coup d’oeil sur les
appareils civils et militaires qui sillonneront les cieux pendant les deux premières
décennies du XXIe siècle, et sans doute
au-delà.
Dotés d’un système de pilotage
à deux, avec tableau de bord équipé
d’écrans plats, de commandes électriques
et d’ordinateurs embarqués dont le rôle
ira grandissant, les avions de ligne offrent
aux passagers un confort toujours amélioré (sièges ergonomiques, écrans de
télévision individuels, téléphone, fax, terminaux de micro-informatique, etc.), la
classe affaires occupant une place de plus
en plus importante au détriment de la
classe économique. D’autre part, en raison de l’encombrement de l’espace aérien
et de la saturation des aéroports, les compagnies souhaitent accroître le nombre
des sièges sur une grande partie de leurs
vols.
Compléter la gamme
En Europe, le groupe franco-germano-anglo-espagnol Airbus Industrie va
donc poursuivre la commercialisation de
sa gamme A-310, A-300-600 et A-320 de
biréacteurs long-, moyen- et court-courriers déjà en service, tout comme celle
des A-340, quadriréacteurs très-longcourriers, A-330, biréacteurs moyenlong-courriers, et A-321, biréacteurs
moyen-court-courriers, qui entreront en
ligne d’ici à 1995, avec pour objectif de
s’assurer au moins 30 % du marché. Il en
sera de même pour la gamme des biturbopropulseurs franco-italiens ATR-42 et
ATR-72, exploités sur les lignes régionales, et pour celle des quadriréacteurs et
biréacteurs et des biturbopropulseurs de
British Aerospace.
Les appareils hollandais Fokker-50
(biturbopropulseurs) et Fokker-100
(biréacteurs), qui commencent leur
carrière, seront bien entendu présents,
notamment en versions nouvelles, et il
faudra y ajouter les biréacteurs F-80 et
F-130, prévus pour compléter la gamme.
Toujours en Europe, Airbus Industrie
met à l’étude un très gros porteur quadriréacteur pouvant transporter 600 à
800 passagers répartis sur deux ponts.
Sur l’initiative d’Aérospatiale et de British
Aerospace, à présent rejointes pour les
études préalables par Boeing et McDonnell-Douglas, Deutsche Airbus, Alenia
Aeronautica Aerospace (I) et Society of
Japanese Aerospace Compagnies, le projet Alliance, le supersonique de deuxième
génération qui doit succéder à Concorde
vers 2005/2010, prend corps tout en suscitant également l’intérêt de l’URSS.
Le 2 octobre, la Commission de
Bruxelles a refusé au couple franco-italien
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formé par Aérospatiale et Aliéna l’autorisation de racheter à Boeing la firme De
Havilland-Canada qui produit les appareils de transport régional Dash-7 (quadriturbopropulseur) et Dash-8 (biturbopropulseur). Pendant ce temps, ces
deux constructeurs, en association avec
Deutsche Aerospace, maître-d’oeuvre,
se préparaient à lancer deux biréacteurs
régionaux, les DAA-92 et DAA-122, dans
la gamme des 80 à 130 sièges. Toujours en
Allemagne, Dornier diffuse le biturbopropulseur DO-228 et développe le DO-328,
tous deux voués au transport régional.
Hors d’Europe, enfin, la construction
des Boeing quadriréacteurs B-747-400
et des biréacteurs B-767, B-757 et B-737
sera poursuivie en même temps que celle
du futur biréacteur B-777, gros porteur très-long-courrier, qui doit entrer
en ligne dans la deuxième moitié de la
décennie. Ce constructeur envisage également de lancer un très gros porteur de
600 à 800 sièges, soit à partir du B-747400, soit entièrement nouveau. Quant
au troisième constructeur, McDonnellDouglas, il a commencé la livraison de
son nouveau triréacteur long-courrier
MD-11 tout en poursuivant celle des
biréacteurs de sa gamme moyen-courrier
MD-80. Il prévoit, en outre, le lancement
d’un nouveau triréacteur très-long-courrier, le MD-12X, et, dans la gamme des
biréacteurs moyen-gros-porteurs/courtmoyen-courriers, celui des MD-90 et
MD-XX. Au Canada, Bombardier commercialise son biréacteur Canadair-RJ
destiné aux liaisons régionales, tandis
qu’en Amérique du Sud la firme brésilienne Embraer poursuit la construction
du biturbopropulseur régional EMB120 Brasilia, celle du biturbopropulseur
CBA-123 Vector, avec la firme argentine
FMA, et prépare le lancement du biréacteur régional EMB-145.
Dans le domaine de l’aviation générale et de l’aviation d’affaires, le projet en
pointe est celui du SSBJ, supersonique
pour 8 ou 12 passagers étudié par Grumann (É.-U.), qui poursuit la diffusion
du biréacteur intercontinental G-IV, et
par Sukhoi (URSS).
Du côté des hélicoptères civils, le
nouveau groupe franco-allemand Eurocopter (Aerospatiale/MBB) produit ou
diffuse désormais en commun les appareils français Écureuil, Dauphin-2 et
Super-Puma, ainsi que les appareils allemands BO-105, BK-117, BO-108. En Italie, Agusta construit une gamme civile.
Aux États-Unis, la production se répartit
entre Bell Helicopter Textron (JetRanger-III, LongRanger-III, etc.), Enstrom,
McDonnell-Douglas (avec un appareil à
turbine et sans rotor de queue), Robinson
et Sikorsky.
Bien que plus réduit qu’il y a quelques
années, le marché des avions de combat
existe toujours, notamment parce que
l’obsolescence est plus rapide dans le domaine militaire que dans le civil. Nombre
de flottes devront ainsi être bientôt
modernisées. Pour ces nouveaux appareils, qui seront dotés d’une plus grande
« furtivité » ainsi que d’armements plus
sophistiqués, on devra également tenir
compte de la nécessité de fournir des moteurs plus puissants, moins gourmands
et plus « discrets », en un mot capables
de performances accrues. En Europe,
les avions d’armes multirôles de Dassault-Aviation de la série Mirage-2000
poursuivront leur carrière, mais seront
rejoints à partir de 1996/1998 par les
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premiers biréacteurs Rafale qui seront
alors les plus modernes du monde, ainsi
que les seuls disponibles à l’exportation.
L’avion multinational EFA (European
Fighter Aircraft), prévu pour la fin du
siècle, n’a pas encore effectué son premier
vol, alors que les États-Unis viennent de
choisir leur nouvel ATF (Advanced Tactical Fighter) : l’YF-22, proposé par Lockheed et Boeing et motorisé par General
Dynamics, préféré au coûteux YF-23 de
Northrop/McDonnell-Douglas.
L’une des leçons de la guerre du Golfe
a été l’impérieuse nécessité pour les armées de disposer de moyens de transport
aérien de grande capacité et à long rayon
d’action. Aux États-Unis, McDonnellDouglas a commencé les essais en vol
du C-17, cargo quadriréacteur pouvant
se poser sur des pistes de fortune. En
Europe, Airbus Industrie propose une
version militaire de l’A-340 susceptible,
notamment, d’emporter des blindés de
43 tonnes. D’autre part, une coopération
européenne étudie un projet de FLA (Future Large Aircraft), capable de transporter une charge de 25 tonnes sur 4 500 km
et d’utiliser des pistes sommaires. On
assiste également à l’apparition de nouveaux hélicoptères. Pour rejoindre
l’Apache antichars de McDonnell-Douglas, déjà en service, son cousin européen, le Tigre, construit par l’Aérospatiale
et MBB, a commencé ses essais en vol et
entrera en service en 1997 dans l’armée
française sous deux versions différentes.
PHILIPPE DELAUNES
AUTOMOBILE
Heureusement, la guerre du Golfe n’a
provoqué aucun nouveau choc pétrolier.
La technique des automobiles n’a donc
subi aucune modification notable. Pour
le long terme, en revanche, elle reste dans
la double ligne « recyclage et voitures
électriques », née des volontés exprimées
simultanément par l’Allemagne et par la
Californie.
Le Salon de Détroit, le premier de
l’année, s’est ouvert sur deux informations capitales. En premier lieu, certains
sénateurs des États-Unis ont demandé
le renforcement de la rigueur des lois
CAFE qui déterminent la consommation moyenne autorisée des gammes
des constructeurs vendant sur le marché
américain. Ils veulent la descendre de
1 gallon pour 27,5 miles à 1 gallon pour
40 miles en l’an 2000, soit une baisse de
40 % ! L’adoption de ces règles conduirait
à un nouveau « down sizing », c’est-à-dire
à une nouvelle diminution de la taille
des véhicules dans le but de réduire leur
gourmandise. La première opération de
ce genre ayant déjà favorisé les Japonais
et déstabilisé les constructeurs américains, une seconde pourrait être fatale à
ces derniers. D’où l’inquiétude générale
régnant à Détroit.
En second lieu, l’État de Californie a
décidé d’imposer dans un futur proche
certains pourcentages de voitures à très
basse pollution (ULEV) et même à taux
de « zéro pollution » (ZEV), c’est-à-dire
électriques : 2 % en 1999, 5 % en 2001,
10 % en 2003. Comme on sait qu’aux
États-Unis, douze États suivent la Californie dans ce domaine, plus quelques
Européens comme la Suisse, la Suède
et l’Autriche, ce « diktat » doit être pris
au sérieux. Par chance, il crée en même
temps un marché de taille convenable...
Comme certaines municipalités eurodownloadModeText.vue.download 376 sur 490
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péennes, surtout suisses et allemandes
(Zurich, Munich, etc.), veulent bannir
les véhicules classiques de leurs centresvilles, il devient urgent de les satisfaire.
Voilà pourquoi l’année 1991 a été placée sous le signe de la voiture électrique
et de ses dérivées bimodes (carburant
ou électricité) et hybrides (carburant et
électricité). Avec la IIX3 de GM, voiture hybride où le courant électrique est
produit par un générateur entraîné par
un moteur deux-temps trois cylindres,
Détroit a donc amorcé une année riche
en nouveautés. Comme ce prototype
est aussi un monospace, toutes les tendances de la recherche moderne y sont
réunies.
La fée électricité
Dans la perspective du « down sizing »,
les trois grands constructeurs américains
ont aussi fait progresser les recherches
sur les nouveaux moteurs deux-temps :
ces trois cylindres 1 000/1 200 cm 3 fournissent près de 100 ch avec des poids et
des encombrements inférieurs de moitié aux 1 600 cm 3 quatre-temps qu’ils
remplacent et un niveau de pollution
égal à celui des meilleurs quatre-temps.
Après avoir repris des brevets australiens
d’Orbital, Ford est très avancé, GM également. Chrysler développe son propre
trois-cylindres, avec double allumage et
injection haute pression, alors que les
deux autres constructeurs ont adopté
l’injection pneumatique d’Orbital. La
Dodge Néon, sorte de 2 CV des années
2 000, montre bien que le deux-temps
permet de construire des voitures spacieuses, légères et très aérodynamiques,
qui répondront aux préoccupations des
futurs consommateurs.
En Europe, Fiat a également acheté
le brevet Orbital, et les Français sont
fort bien placés. En collaboration avec le
Moteur moderne et à l’instar de Chrysler, Renault étudie un trois-cylindres à
injection Siemens haute pression ; Peugeot et l’IFP (Institut français du pétrole)
développent une injection pneumatique
très efficace, mais qui a le défaut d’imposer une soupape d’admission, un composant habituellement inconnu sur les
deux-temps.
Sans doute traumatisés par les Trabant est-allemandes, les Allemands
sont, pour une fois, en retard dans cette
recherche capitale pour l’avenir des moteurs à combustion. En effet, on ne se
contente plus aujourd’hui de recenser les
polluants classiques (fort bien épurés par
les catalyseurs), mais on prend en compte
le CO2 (ou dioxyde de carbone), ce résidu
non toxique des combustions que l’on
trouve à l’origine de « l’effet de serre ».
La réduction des émissions de CO2 passe
par celle de la consommation. Tous les
constructeurs en sont persuadés et travaillent dans ce sens...
C’était encore plus clair au Salon de
Francfort : tout le monde exposait sa voiture électrique ! VW, qui pense produire
une petite voiture urbaine électrique née
en Suisse – la Swatch-mobile, conçue
par les inventeurs de la célèbre montre
Swatch –, présentait la Chico, de même
taille (moins de 3 mètres, 2 places), mais
hybride ; BMW, la El, une autre voiture
urbaine comparable à la Swatch, mais
100 % électrique ; Opel, son Impuls 2 ;
Renault son Elektro Clio ; Ford, une
Escort électrique ; Peugeot, une 405
Break hybride diesel-électrique... Bref, la
conjonction des programmes « CalifordownloadModeText.vue.download 377 sur 490
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nie » et centres-villes propres fait merveille en Europe ! Un mois après Francfort, la Citela de PSA – encore une voiture
urbaine ! – montrait la grande maîtrise
du groupe français dans ce domaine.
Reste un problème majeur pour
tous : celui des batteries. Celles qui sont
à base de plomb limitent l’autonomie à
100 km entre deux recharges qui immobilisent le véhicule pendant 6 ou 8 heures
et la vitesse à 50 km/h. Les « cadmiumnickel » permettent de rouler 200 km,
mais coûtent sept fois plus cher. L’avenir
appartiendra peut-être à la « sodiumsoufre », très puissante mais dangereuse
(le sodium brûle en présence d’eau !) qui
fonctionne à 300 °C, et sur laquelle se
sont associés les trois grands constructeurs américains... Chez les Japonais, avec
les FEV et les ESV de Toyota ou de Nissan, toutes les solutions sont envisagées
en même temps. 1991 aura réellement été
l’an I de la voiture électrique !
Dégraisser les voitures
Mais c’est aussi celui de la réutilisation
des plastiques automobiles. Alors qu’on
recyclait jusqu’à présent sans problème
les voitures anciennes, l’invasion récente
des plastiques a fait augmenter le volume
des RBA (ou résidus de broyage automo-
bile). Encombrants, difficiles à recycler
ou à brûler, ils gênent tout le monde, à
commencer par les Allemands, très sensibilisés à cette question et qui veulent la
résoudre totalement avant 1994. On commence donc à démonter les épaves pour
recycler les plastiques qui peuvent l’être,
et pour faciliter leur tri, on les marque
dorénavant de façon claire et précise.
Les Européens ont manifesté un bien
plus grand intérêt pour ces techniques
que les Américains ou que les Japonais,
pourtant submergés par ces matières
encombrantes !
Toutes les « grandes » voitures sorties
cette année – la ZX de Citroën, la Golf
3, l’Opel Astra, la Peugeot 106 – utilisent
ces nouvelles méthodes. Aujourd’hui,
certains constructeurs (VW, Opel) garantissent même le rachat de l’épave. Pour
alléger ses futures voitures, Audi a cependant préféré utiliser une autre technique,
celle de l’aluminium, et n’emploie qu’un
minimum de plastique. C’est une solution élégante mais certains en contestent
la rentabilité...
Toutefois, les méthodes importent
peu : il devient urgent de « dégraisser »
des voitures qui ne cessent de s’alourdir pour pe