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12_LIVRES-30p:LIVRES 29/01/08 14:49 Page 106 histoire & liberté Renault côté cour. Un salarié au Conseil d’administration de Pierre Alanche Les éd. de l’Atelier, Paris 2007, 236 p., 31 € contrôle de l’exécutif. Cela ne peut-être le fait d’un Conseil d’administration qui se réunit moins d’une fois par mois, mais estpertinent en revanche « pour vérifier le bien-fondé de la confiance accordée par les investisseurs à l’entreprise » et pour s’impliquer dans les grands choix qui détermineront son avenir. Sans parler d’autogestion, comme la CFDT le faisait dans les années 1970, Pierre Alanche pense qu’il faut généraliser « la représentation directe des salariés dans les conseils, au titre de la valeur de leur travail, et ceci indépendamment des actions qu’ils peuvent détenir… ». C urieux titre qui évoque le théâtre. L’homme qui raconte son expérience de syndicaliste CFDT, membre du Conseil d’administration de Renault, est tout sauf un comédien. Il a le sens des responsabilités qui pèsent sur ses épaules, tant professionnelles que sociales. On sent ce spécialiste en automation et informatisation, passionné par son travail, attaché à son entreprise et subjugué par certains de ses dirigeants – Louis Schweitzer par exemple ou Carlos Ghosn. De son expérience syndicale, le lecteur aurait sans doute aimé en savoir un peu plus sur les désaccords entre les syndicats ou entre la direction et eux. Et comment ils les surmontent, au moins partiellement. Le parti pris de ne pas nuire à l’unité syndicale et à l’image de l’entreprise est évident. Mais la référence à l’humanité et même à l’humanisme est partout présente chez lui. Mieux: l’auteur propose certaines mesures précises allant dans le sens d’un plus grand 106 P.R. Prolétaires de tous les pays, excusez-moi ! d’Amandine Régamey Buchet-Chastel Paris, 2007, 220 p., 18 € R ECOURS DES PEUPLES CONTRE LA VIOLENCE et la tristesse, l’humour dans les pays communistes rétablit la vérité. Karl Marx, après avoir insisté auprès de Brejnev pour dire une phrase, une seule, à la radio, lance : « Prolétaires de tous les pays, excusez-moi! ». Marx reconnaît ainsi sa responsabilité dans le désastre social et économique inspiré de sa doctrine. On peut en discuter, mais la thèse n’est pas sans profondeur. L’absurdité de la situation – le philosophe allemand n’a jamais pu rencontrer Brejnev! – rend dérisoire et proprement incroyable cette évoca- HIVER 2007/2008 29/01/08 14:49 Page 107 livres 12_LIVRES-30p:LIVRES L I V R E S tion d’une des racines des problèmes de l’URSS. Il y a de l’impuissance reconnue dans ce rire-là. De la vengeance, aussi. Amandine Regamey n’a pas seulement trouvé ou retrouvé d’excellentes histoires drôles Elle les situe dans leur contexte historique. Avoir vécu plusieurs années en URSS lui a permis d’en accumuler un stock impressionnant. Qui tentera un jour dans ce domaine une approche universelle et regroupera les blagues tchèques, cubaines et soviétiques? L’expérience sera sans danger: ce sont à peu près les mêmes… P.R. L’or des Soviets, 1928-1937 de John D. Littlepage Paulsen, Paris, 2007, 316 p., 25 € C OMME LA RÉVOLUTION RUSSE, cet ouvrage est le fruit d’une heureuse initiative de réédition, due à Anne Coldefy-Faucart. qui lui apporte une préface perspicace, des notes, un index et une fort belle jacquette.[1] N° 33 Étonnant personnage que cet ingénieur américain qui, à partir de 1928, parcourt comme peu l'ont fait toute la Sibérie (300000 km au compteur en cinq ans!), dit ne rien connaître à la politique, mais affirme « qu'une grande partie de l'industrie soviétique a été sabotée » et que cela eut été impossible sans l'ordre de commissaires haut placés – ce n’est autre que la thèse du procureur lors de certains des grands procès des années 1930. Littlepage est guidé depuis Moscou par un communiste hongrois, peu pressé d'arriver en Sibérie. Un joyeux luron aussi, au point qu’en apprenant l'arrestation de nombreux des compatriotes cet homme en 1937, notre ingénieur a cette réflexion : « S'ils étaient tous du genre de ce gaillard, je m'étonne que ce sort ne leur ait pas échu plus tôt ». Sur place, il installe un outillage moderne, forme du personnel. Lors de la période de la « dékoulakisation »; Littlepage, impressionné, parle de « deuxième révolution ». Il dit avoir rencontré des milliers de déportés à l'air égaré… « On n'en voyait pas la fin! », s’exclame Littlepage, sensible notamment à l'arbitraire de la définition du 107 12_LIVRES-30p:LIVRES 29/01/08 14:49 Page 108 histoire & liberté koulak. Certains villages ayant fait savoir qu'ils n'en avaient pas dans leur population, on leur répondit qu'ils devaient en trouver! C'est ainsi que les mines d’or d'ExtrêmeOrient trouveront des mineurs - en mauvais état il est vrai, tant sont accablantes les conditions de vie et de nourriture de ces malheureux. Mais Staline – ce « constructeur d'empire de première classe » – leur adjoint des Kazaks et des Kirghizs don’t on cherche à interrompre le nomadisme. Tout en confirmant les déportations de ce temps, Littllepage pense « que les horreurs racontées relativement aux exilés ont été pas mal exagérées ». Mais comme pour compenser immédiatement ce qui sonne comme une complaisance, il ajoute ce mot terrible: « Il n'y a pas une grande différence entre le traitement infligé à ceux qui sont en exil, libres, et les gens présumés entièrement libres… ». L’ouvrage témoigne de l'omniprésence de la police, de la brutale répression qui suivit l'assassinat de Kirov, de l’espionite omniprésente: chaque erreur est un sabotage. À la fin de son livre, il décrit attentivement le statut de l'ingénieur soviétique. Quant au statut de l'ingénieur étranger en URSS, il devient invivable à son goût. Trop de soupçons pèsent systématiquement sur lui, et John Littlepage préfère aller retrouver l'Alaska dont il est originaire… P.R. 1. Titre original: In the search of gold, que la première édition française (Payot, 1939) rendait par À la recherche des mines d’or en Sibérie (1928-1937). 108 Parutions en langues, étrangères Die Sowjetunion und die deutsche Frage [L’Union soviétique et la question allemande (en allemand)] de Wilfried Loth Vandenhoeck & Ruprecht, Gœttingen, 2007, 318 p., 24,90 € C ’EST SUR UN TON VOLONTIERS POLÉMIQUE que Wilfried Loth a fait paraître au début de l’année 2007 un recueil de neuf études, dont trois inédites, sur la politique soviétique à l’égard de l’Allemagne dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Ce professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Duisburg-Essen est aussi membre de la SPD. C’est donc une ligne hostile à Konrad Adenauer, pour ne pas dire neutraliste, qui est développée là. Selon lui, Staline souhaitait une révolution pan-allemande et ne désirait pas particulièrement que la RDA vît le jour. En 1994, déjà, dans un livre précédent qui avait fait quelque bruit outre-Rhin, la RDA était pré- HIVER 2007/2008 29/01/08 14:49 Page 109 livres 12_LIVRES-30p:LIVRES L I V R E S sentée comme « un enfant non désiré de la politique stalinienne », ce qui lui avait valu une réplique vigoureuse d’un autre historien allemand, Hermann Graml, qui lui reprocha de ne voir dans Staline qu’une version un peu rude de Mikhaïl Gorbatchev. Loth reprend sa thèse initiale ici et la défend bec et ongles. Die Sowjetunion und die deutsche Frage est construit autour de la note soviétique du 10 mars 1952 dans laquelle Staline proposait aux Occidentaux une Allemagne réunifiée et neutre. C’était l’époque, à l’Ouest, des discussions autour de la Ruhr, de la C ED (la Communauté européenne de défense) et de l’éventuelle entrée de la RFA dans l’Alliance atlantique. Si Loth a sans doute raison d’écrire que la note du 10 mars 1952 n’était pas simplement une manœuvre de propagande, le lecteur aurait aimé que ne soit pas passé sous silence le fait que l’URSS montait régulièrement en épingle des principes généraux comme la défense de la Paix pour mieux consolider ses acquis politiques et territoriaux. Rien n’aurait empêché d’ailleurs Staline et les dirigeants communistes de poursuivre la lutte dans les conditions de la neutralité. Staline aurait pu compter pour cela sur la SED (le PC est-allemand) et ses dirigeants comme Walter Ulbricht. Contrairement à ce qu’affirme Wilfried Loth, c’est bien la politique de « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » qui a triomphé dans la politique allemande de l’URSS, même si un autre fer fut d’abord mis au feu et même si la neutralité de toute l’Allemagne a pu par la suite être proposée. « Le premier Etat socialiste sur le sol allemand », pour reprendre les termes de Loth, était pour le PCUS un allié et un obligé de choix. Les nombreux documents d’archives du ministère soviétique des Affaires étrangères reproduits dans l’ouvrage, viennent le confirmer et non l’infirmer. Sans doute vaut-il mieux parler de duplicité soviétique au regard de la question allemande. L’appui au courant neutraliste et pacifiste est venu compléter, perturber, mais parfois aussi remplacer la politique de soutien prioritaire à la RDA. L’élaboration de la nouvelle politique qui s’exprime par la fameuse note du 10 mars 1952 est d’ailleurs attribuée à Molotov, qui avait abandonné le ministère des Affaires étrangères (au profit de Vychinski) en mars 1949, quand se dessina l’échec du blocus de Berlin. Deux poli- www.souvarine.fr N° 33 109 12_LIVRES-30p:LIVRES 29/01/08 14:49 Page 110 histoire & liberté tiques différentes. Mais un même but: l’extension de la puissance soviétique et un même chef d’orchestre: Staline, naturellement. Johnson a pu utiliser des sources accessibles depuis la chute de l’URSS qui enrichissent utilement son ouvrage. Pierre Henck Pierre Campguilhem Russia’s Capitalist Revolution White King and Red Queen: A History of Chess during the Cold War de Daniel Johnson Atlantic Books, Londres 2007, 368 p., 31 € (relié) L ’AUTEUR A CHOISI UN ANGLE ORIGINAL : raconter la guerre froide à travers les échecs, terrain sur lequel Américains et Soviétiques se sont affrontés pendant des années dans une lutte idéologique sans merci. Bien sûr, le match Fischer-Spassky en 1972 à Reykjavik est le moment clef de cette histoire. Les Soviétiques avaient remporté le championnat du monde d’échecs de 1948 à 1972 sans manquer un seul titre. Au terme d’une rencontre pleine de rebondissements, le fantasque et génial Bobby Fischer, 29 ans (décédé le 17 janvier 2008), gagna le championnat, permettant pour la première fois aux Américains de dominer les Soviétiques. 110 Why market reform succeeded and democracy failed d’Anders Aslund Peterson Institute for International Economics, Washington, 2007, 356 p., 13,04 € S PÉCIALISTE DE L’ÉCONOMIE, familier de l’URSS des années 1980 et de la Russie d’aujourd’hui, Anders Aslund est l’un des rares observateurs qui a eu à la fois un regard extérieur et intérieur sur la situation économique et politique du pays. Diplomate à Moscou au milieu des années 1980, quand Mikhaïl Gorbatchev est au pouvoir, il revient en 1991 à Moscou, cette fois en tant que conseiller économique du gouvernement de jeunes réformateurs au service du Président Boris Eltsine. Il a poursuivi cette expérience en conseillant les gouvernements ukrainien et kirghize sur le passage difficile du communisme à l’économie de marché. HIVER 2007/2008 29/01/08 14:49 Page 111 livres 12_LIVRES-30p:LIVRES L I V R E S « Gorbatchev était un réformateur libéral qui par inadvertance a lâché la bride à la révolution. Eltsine était un héros révolutionnaire qui ne savait pas vraiment quoi faire après la révolution et Poutine est devenu un dictateur post-révolution, comme Napoléon ou Staline, qui a consolidé le pouvoir avec une pratique autoritaire », résume l’auteur. En analysant les 22 années qui vont de l’accession de Gorbatchev à la tête du parti communiste soviétique jusqu’au retour du pouvoir centralisateur restauré par Vladimir Poutine, Aslund donne de nombreux éléments permettant de comprendre pourquoi les réformes économiques ont pu être menées à bien en Russie alors que le système démocratique n’a pas pu s’imposer sous Gorbatchev et sous Eltsine. que celle d’anonymes qui partageaient un appartement communautaire dans des conditions épouvantables. P. H. P. H. Son livre, qui repose sur de très nombreuses interviews d’ex-citoyens soviétiques de milieux très différents, offre une vision très riche de ce qu’était la vie de l’autre côté du miroir, derrière les apparences du monde stalinien. (Ce livre est également accessible gratuitement à l’adresse : http://bookstore.petersoninstitute.org/ book-store/4099.html) Getting Russia Right de Dmitri Trenin The Whisperers : Private life in Stalin’s Russia d’Orlando Figes Metropolitan Books, Londres 2007, 740 p., 24,95€ P ROFESSEUR D’HISTOIRE à l’Université de Londres, Orlando Figes s’est attaché à reconstruire la vie privée des Soviétiques à l’époque stalinienne, aussi bien celle d’un grand écrivain comme Konstantin Simonov N° 33 Carnegie Endowment for International Peace, Washington, 2007, 128 p. 12,45 € D TRENIN est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes de la Russie actuelle. Après plus de vingt ans passés dans les forces armées soviétiques puis russes, il est aujourd’hui le directeur-adjoint du Carnegie Center à Moscou. Son livre est une étude fouillée des transformations opérées en Russie depuis la fin de la guerre froide. Sa thèse est que le pays est actuellement géré comme un business MITRI 111 12_LIVRES-30p:LIVRES 29/01/08 14:49 Page 112 histoire & liberté par une petite clique, mais que l’Etat de droit devrait s’imposer à terme. « Après l’aventure communiste, la station suivante ne sera pas la démocratie, mais quelque chose comme l’état de droit », estime-t-il. Dans la lutte entre les Occidentalistes et les néo-slavophiles, Trenin semble penser que les seconds sont mieux placés pour l’emporter et pour faire de la Russie l’une des puissances du nouveau capitalisme mondial, avec la Chine et l’Inde. moyenne en gestation et à 20 % les très pauvres, le reste de la population pouvant basculer d’un côté ou de l’autre. Pas d’angélisme pour autant chez l’auteur qui voit la Russie comme un pays non démocratique, où la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire est un trompe-l’œil et où les partis politiques jouent la comédie. P. H. One’s Soldier War in Chechnya d’Arkady Babchenko Portobello Books, Londres 2007, 304 p., 25 € Un optimisme tempéré en quelque sorte, et au final une vision qui se veut équilibrée. « La Russie d’aujourd’hui est tellement différente de l’Union soviétique, dans de multiples domaines, que l’idée d’une URSS version 2.0 semblerait absurde à tout observateur objectif en Russie », estime Trenin qui se refuse à voir dans la Russie de Poutine une métastase de l’Union soviétique. Quelques points positifs majeurs peuvent même être soulignés, selon Trenin: l’émergence d’une bourgeoisie et le fait que le pays soit aujourd’hui ouvert sur le reste du monde. La classe moyenne en train de se constituer va aspirer à l’établissement d’un état de droit, affirme Trenin qui estime à 3 % les très riches en Russie, à 20 % la classe 112 C écrit par un soldat ayant participé comme conscrit à la première guerre de Tchétchénie (1994-1996) avant de se porter volontaire (kontraktnik) pour la deuxième guerre de Tchétchénie, commencée en 1999. E RÉCIT EST SANS DOUTE LE PREMIER Entre les deux conflits, Arkady Babchenko a fait des études de droit. Son livre est une galerie de tableaux sans pitié de l’armée russe: officiers vénaux, violents et incompé- HIVER 2007/2008 29/01/08 14:49 Page 113 livres 12_LIVRES-30p:LIVRES L I V R E S tents, soldats mal entraînés, mal nourris, exactions sur la population civile, vente d’armes par les militaires russes aux indépendantistes tchétchènes qu’ils combattent… Les militaires russes semblent aussi violents entre eux qu’avec les Tchétchènes, à en juger par le récit des passages à tabac qui font encore et toujours partie des bizutages traditionnels au sein des unités russes. Les limites du récit de Babchenko sont visibles: il ne se pose pas trop de questions P. H. Ne manquez pas notre prochain numéro Vous avez manqué les précédents numéros d’Histoire & Liberté d’Histoire & Liberté ? (n° 34, printemps 2008) : (Cahiers d’Histoire sociale) il sera consacré aux « autres 1968 » 1968, c’est d’abord le mouvement français de mai 1968. Il a fini par éclipser en France les autres événements internationaux. Il en était pourtant d’importants : le Printemps de Prague et son écrasement par l’invasion soviétique du 21 août, la purge antisémite du Parti communiste polonais, l’offensive du Têt menée par le FLN sud-vietnamien, la répression sanglante des étudiants au Mexique. Ces brutales réalités auraient pu réveiller les rêveurs de mai 1968. Elles ne l’ont pas fait… Dans ce numéro, quelques anciens militants du mai 1968 français évoquent leurs souvenirs… N° 33 sur les disparus tchétchènes, sur les exactions de l’armée russe ou sur les bombardements non ciblés de l’armée qui ont tué des milliers de civils. L’analyse n’est pas son fort et son livre vaut essentiellement par la description de ce qu’il a vu et ressenti sur le terrain. Mais son livre permet quand même de voir dans le conflit en Tchétchénie un microcosme des maux qui accablent la Russie : corruption, brutalité, mépris pour la vie humaine, hypocrisie… Vous pouvez en retrouver tous les sommaires sur notre site Internet www.souvarine.fr et les commander à : [email protected] ou par courrier à : Bibliothèque d’Histoire sociale 4, avenue Benoît-Frachon 92023 Nanterre Cedex Tél.: 01 46 14 09 25 13 € par exemplaire (frais de port inclus) 113