Les nouveaux médias : opportunité ou risque pour la jeunesse

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Les nouveaux médias : opportunité ou risque pour la jeunesse
²Les nouveaux médias : opportunité et/ou risque pour la jeunesse ?
Quelles pistes pour favoriser l’expression, la socialisation,
apprendre à décoder les références culturelles ?
Contribution de Pauline Reboul, Directrice de l'association Fréquence écoles, Chargée de cours en
Sociologie des pratiques culturelles adolescentes à l'Université de Grenoble.
INTRODUCTION
« Pourquoi favoriser l'esprit critique des jeunes face aux médias ? »
Les médias occupent l'espace public et privé, une réalité amplifiée par l'arrivée d'internet.
Les jeunes sont de gros consommateurs de contenus médiatisés, par la télévision, par la radio, par internet,
par leur téléphone portable.
Ces contenus constituent une grande partie de notre culture contemporaine.
Ces cultures de masse construisent :
• nos temps de loisirs, de divertissement,
• nos actes de consommation,
• notre conscience citoyenne, politique,
• notre représentation du monde, de l'autre et de nous-mêmes.
Un troisième espace éducatif après la famille et l'école.
C'est pourquoi il est fondamental que les clips, les publicités, les séries, l'info gratuite, people soient
expliqués aux enfants et aux adolescents. Au delà des images, le système économique des médias et la
façon dont les contenus sont fabriqués doivent être aussi expliqués aux enfants et aux adolescents.
Au delà de l'éducation à la qualité des contenus, ce qui est important, c'est de réduire la magie du spectacle
médiatique en montrant les coulisses, les trucs, les ficelles.
Pour cela, l'association Fréquence écoles souhaite apporter des ressources à l'ensemble des acteurs de
l'enfance et de la jeunesse, au sein de l'éducation populaire et de l'éducation nationale.
En interrogeant les usages que les jeunes font des médias, en testant des outils pédagogiques, en
formant les animateurs, les enseignants, les travailleurs sociaux, les parents, l'association mène une
activité de recherche en partenariat avec des chercheurs et des laboratoires. En 2009, Fréquence écoles a
réalisé une étude sociologique importante sur le comportement des enfants et des adolescents sur internet.
Internet et les jeunes : comprendre leurs usages.
Une enquête sociologique menée par Elodie Kredens et Barbara Fontar pour Fréquence écoles
Objectif de l’enquête :
Connaître et comprendre les usages des jeunes sur Internet.
Evaluer la sensibilisation et la confrontation aux risques sur Internet.
Population interrogée : les 8/18 ans.
Méthodologies :
l’enquête qualitative : 48 jeunes interrogés à domicile.
l’enquête quantitative : 1 000 jeunes de la région Rhône-Alpes.
Les thèmes explorés
Les représentations que les jeunes se forgent d’Internet.
Leurs apprentissages et leurs modes d’exploration de la toile.
La place d’Internet dans leur environnement et leur quotidien.
L’encadrement parental.
La sensibilisation aux risques encourus.
Les dangers d’Internet expérimentés.
Créteil – 9 décembre 2010
LES PRINCIPAUX RÉSULTATS
« Internet et les jeunes : de quoi avons-nous peur ? »
« Avec tout ce qu’on entend » !, « tout ce qui se passe […] à la télé » ainsi que les nombreuses
« affaires » relayées par les médias. Il arrive que les parents fassent d’un fait divers un fait de
société. Dans cette situation, les médias participent avec puissance à l’élaboration des
représentations d’Internet. En tout cas, il n’est pas rare que les parents fassent généralité de faits
exceptionnels, ô combien dramatiques, mais minoritaires. Cet amalgame n’est pas sans
conséquence sur leurs représentations des dangers liés à Internet et des usages des jeunes.
En conséquence : lieux communs, stéréotypes qui reposent parfois davantage sur l’imaginaire que la réalité.
Voici un tour d’horizon des différentes idées reçues que l’on a sur les enfants et les adolescents en matière
de pratiques d’Internet.
1. INTERNET UNE RÉVOLUTION ?
On parle communément de la révolution entamée par l'arrivée d'internet dans notre quotidien.
Qu'en est-il pour les adolescents ?
Ce qui nous a frappé dans un premier temps, c'est de constater qu'internet prolonge les pratiques
adolescentes, mais n’en créé pas véritablement de nouvelles. On constate que les activités des jeunes
sur le Net ont à voir avec leurs conditions et leurs préoccupations de jeunes :
− n°1 : Regarder des vidéos (91,1%)
Des clips, des séries, de l'humour, des vidéos extrêmes, ce qu'on regardait à la télévision avant...(en
streaming la plus part du temps)
− n°2 : Ecouter de la musique (90,8%)
En écoutant des clips, via deezer, en téléchargeant pour transférer les morceaux sur son baladeur MP3.
−
n°3 : Jouer (82,3%)
Essentiellement à des mini-jeux, courts, pas nécessairement en réseau, essentiellement chez les plus
jeunes, sur des jeux différents selon si on est une fille ou un garçon. Tout type de jeux : action, adresse,
arcade, casino, gore, combat, réflexion, simulation, gestion, stratégie, tir, voiture, cartes, etc.
Parmi les sites les plus cités : jeux.fr, jeux-de-filles.com.
− n°4 : Faire des recherches pour soi (78,1%)
En lien avec sa passion, de tout type : pour la moto, le surf, les poupées chinoises, etc.), en faisant des
recherches pour un exposé, en regardant les horaires des bus, en trouvant un numéro de téléphone, Internet
ne créé pas de nouvelles activités mais facilite grandement leur accès.
Les recherches considérées par eux comme « personnelles » se répartissent entre,
- sites de stars (acteurs de séries TV, biographie et discographie de chanteurs….),
- jeux vidéos (codes, prix…)
- animaux (chevaux, lions, dauphins, informations sur leur migration…)
- aux plus sérieuses (fiches métiers médecin, chirurgien, ingénieur…)
- mais aussi photos à retoucher ou des cours en ligne.
−
n°5 : Discuter (74,9%)
Particulièrement chez les plus âgés, un peu plus chez les filles. Via le « tchat » à titre expérimental, via MSN
pour poursuivre les échanges de la journée, via Les blogs et aujourd'hui Facebook pour entretenir son
capital relationnel, sur les forums lors de questions spécifiques (les jeux particulièrement). Complémentarité
des outils...
−
n°6 : Faire des recherches pour l’école (74,4%)
Activité importante au regard des chiffres, intéressant si on s'intéresse à la complexité du rapport internet
scolaire VS internet perso. Deux espaces très distincts dans les représentations...
→ Les principaux usages d’Internet chez les jeunes concernent d’abord les activités de loisirs.
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→ Ils accordent une grande importance à leur groupe de pairs et cet intérêt se reflète dans leurs usages
d’Internet : 3 jeunes sur 4 utilisent le net pour discuter et maintenir le lien avec leurs pairs. MSN, les blogs ou
encore Facebook sont des outils le permettant, surtout à partir du collège.
Les jeunes prolongent ainsi le contact avec leurs amis, à l’instar des adolescent(e)s d’hier qui restaient des
heures au téléphone avec les ami(e)s qu’ils venaient de quitter ou qu’ils ne pouvaient pas voir les weekends.
Internet ne révolutionne donc pas les activités privilégiées des jeunes (les enfants jouent, les adolescents
écoutent de la musique, passent beaucoup de leur temps libre en compagnie de leurs copains et copines.
etc.), il permet à l’instar d’autres supports de les assouvir, mais aussi sans doute plus aisément.
2. LES JEUNES DES AVENTURIERS DU WEB ?
Curieux, les jeunes, pas si sûr. Là encore, ils ne profitent pas de cette fameuse ouverture que
représente le net.
A vrai dire de moins en moins d'ailleurs en grandissant.
Si les jeunes soulignent un potentiel d’ouverture et pointent les vastes possibilités qu’offre le Net, ils ne sont
pas de grands explorateurs.
- Plus de 8 jeunes sur 10 savent où ils veulent aller sur le Net
- 1 jeune sur 10 se rend sur des sites au hasard
- Plus de la moitié des jeunes balise son sentier en allant toujours sur les mêmes sites et en créant
des « favoris ».
- Près de 30% surfent selon un ordre déterminé
Finalement, les « aventuriers de la toile » sont extrêmement rares comparés aux « voyageurs organisés » et
les plus jeunes sont ceux qui errent le plus en ligne. Les enfants sont plus en phase d’exploration que les
grands. Le temps passant, le goût s’affine, les choix se déterminent Leur usage du Net s’ancre dans des
rituels et des habitudes. Ce qui n’est pas le cas des enfants.
D’ailleurs les trois sites préférés des jeunes sont Facebook, Youtube et MSN.
Au premier coup d’œil, les goûts et les pratiques des jeunes sur Internet peuvent paraître homogènes.
La pression des pairs s’exerce à l’évidence sur les adolescents, et particulièrement sur les collégiens.
Il est ainsi de bon goût de posséder sa page Facebook, de communiquer par messagerie instantanée ou
encore de discuter des dernières vidéos à la mode.
En fait, Internet est à la fois le lieu de la contrainte et de l’affranchissement du groupe. Au total, 340 sites
sont listés comme étant leurs préférés.
Aux marges d’une culture commune, il existe une personnalisation des goûts : les jeunes ne jouent pas tous
aux mêmes jeux, ni ne vont sur les mêmes sites de musique ; ils ne vont pas surfer sur les mêmes boutiques
en ligne ; ils aiment le sport mais pas les mêmes sports, etc.
Internet permet à la fois d’être comme les autres mais également d’être un individu à part entière.
3. DES JEUNES LIVRÉS A EUX-MÊMES ?
• Des règles à suivre jusqu’au lycée. L’encadrement suit la courbe de l’âge :
9 enfants sur 10 ont des règles à suivre,
puis 7 collégiens sur 10
et seulement 3 lycéens sur 10.
Sous la coupe de leurs parents jusqu’au collège, l’autonomisation n’est pas progressive mais connaît une
brusque accélération au lycée.
• Globalement les jeunes respectent les règles : Les plus jeunes sont les plus obéissants et les moins
critiques à l’égard des règles imposées et cela décroit avec l’âge.
A l’encontre des idées reçues, les filles ne sont pas plus obéissantes que les garçons.
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• De l’espace commun à la chambre : une question d’âge.
Plus les jeunes grandissent et plus ils sont isolés derrière leur ordinateur.
Les enfants en primaires et les collégiens ont les mêmes conditions pour aller sur Internet : ils se connectent
majoritairement dans une pièce peu tranquille de la maison (comme un salon).
Moins de 2 sur 10 se connectent depuis leur chambre.
Le changement intervient au lycée : ils gagnent en autonomie et près de la moitié d’entre eux se connecte
dans sa chambre. Les lycéens expriment le plus fortement aspirer à la tranquillité.
À l'adolescence, les jeunes bravent un certains nombre d'interdits, et construisent leur autonomie.
Internet est le lieu d'un compromis éducatif parfois problématique...
Il permet aux adolescents de s'émanciper de leurs parents sans les quitter physiquement, un
compromis arrangeant aussi pour les parents pour qui il est parfois plus rassurant de savoir leurs
enfants à la maison plutôt qu'à l'extérieur.
4. LES JEUNES, DES INTERNAUTES INSOUCIANTS ?
Les jeunes sont-ils conscients des risques qu’ils peuvent rencontrer sur Internet ?
Les adultes peuvent se rassurer.
Seuls 3,5% des jeunes interrogés affirment qu’il n’y a pas de dangers sur Internet et 10,6% déclarent ne pas
savoir. Dans les deux cas, il s’agit surtout des plus jeunes.
Les instances de sensibilisation aux risques sont multiples et permettent à une écrasante majorité de jeunes
d’être avertis. Ainsi seuls 6,9% d’entre eux n’ont pas été sensibilisés.
1.
2.
3.
4.
La mère est le premier relais (64,5%),
devant la télévision (62,7%),
le père (55,4%)
et enfin les journaux ou les livres (40%).
De fait, on peut en tirer la conclusion que les messages de prévention sont intégrés.
Plus ils grandissent et plus la liste des risques (cités) liés à une navigation sur Internet s’allonge.
- 44, 9% des jeunes citent spontanément la mauvaise rencontre.
- Arrive en seconde position les virus, bugs et spams ou ce qu’ils considèrent être du piratage
(33,6%),
- Puis les contenus néfastes c'est-à-dire violents ou réservés aux adultes (14,8%).
- Enfin sont évoqués les escroqueries et les problèmes en lien avec l’argent (10,7%).
Les jeunes ne sont pas réfractaires aux discours de prévention puisque 85,7% d’entre eux considèrent qu’il
est important d’avertir les jeunes des risques qu’ils courent sur le Net.
Si les discours de prévention apparaissent bien intégrés, la question demeure toutefois sur l’acquisition de
compétences. Que penser de Laurine, 13 ans, prenant soin de ne pas indiquer son domicile dans les
paramètres d’identification de son blog mais qui, à l’occasion d’un quizz qu’elle lance pour savoir si ses amis
la connaissent bien, leur demande « où est-ce que j’habite » ? Cette anecdote parle d’elle-même…
5. DES DIGITALS NATIVES COMPETENTS ?
Les jeunes d’aujourd’hui ont grandi avec Internet et un ensemble de technologies. Certains se plaisent
d’ailleurs à les appeler des « Digitals Natives » et en font la génération née avec le numérique et le
multimédia.
Si l’arrivée d’Internet a constitué un événement pour les adultes, elle est passée inaperçue chez beaucoup
de jeunes.
72,8% d’entre eux ne savent pas dater l’arrivée d’Internet dans leur foyer ou considèrent que cette
technologie a toujours été présente chez eux.
Pour autant, les jeunes ne sont pas nés avec une souris à la main. S’ils ont des facilités à surfer sur le web,
ils ont néanmoins bénéficié d’un apprentissage prodigué par l’école, la famille, les amis, les médias et enfin
l’expérience personnelle.
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A ce sujet, il ne faut pas systématiquement avoir une image de parents complètement dépassés.
Il n’est pas rare que les enfants jouent le rôle d’éducateurs envers les parents. Toutefois, lorsque ces
derniers sont des connaisseurs et des usagers du Net, ils initient également leurs enfants à cette
technologie.
Par exemple, c’est le père de Mélissa, 13 ans, qui lui a montré comment se servir de MSN.
Outre les parents, les frères et sœurs jouent massivement le rôle de professeurs ou conseillers. Ils
permettent l’acquisition de savoir-faire, la découverte de nouvelles applications et de nouveaux sites
Internet.
De même, le rôle des pairs est essentiel dans le tissage progressif de la toile Internet de chacun.
Les jeunes ont tendance à faire ce que font leurs amis : ils s’imitent, se conseillent, fonctionnent au boucheà-oreille ou encore aux rumeurs. La sphère amicale constitue sans aucun doute le premier moyen de
découvrir des nouveautés sur le web.
Il ressort en entretien que les connaissances d’Internet sur le plan technique ne sont pas toujours
solides. A l’occasion du questionnaire beaucoup se disent victimes de virus et de piratage. Saventils réellement de quoi il en retourne ? Bugs, pannes techniques ou spams peuvent se cacher derrière
ces termes. S’ils maîtrisent l’architecture globale d’Internet ils sont loin d’appréhender sa structure
de fond ainsi que ses principes de fonctionnement et d’organisation.
6. LA CONFRONTATION AUX RISQUES
L’enquête montre que dès leur plus jeune âge, les jeunes vivent des expériences négatives sur Internet sans
distinction de sexe.
Un peu moins des 2/3 des enfants scolarisés en primaire déclarent avoir déjà été choqués par des images
ou des sites Internet (62,9%).
Les « préservés » du net représentent 31,6% du panel.
Chez les plus âgés, la confrontation à des expériences pouvant prêter à conséquence est monnaie courante.
Ils sont 82,5% à cocher l’une des situations proposées.
Voici le classement des expériences potentiellement fâcheuses les plus rencontrées par les jeunes
collégiens et lycéens (bien différentes d’un classement par ordre de gravité).
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7. LA QUESTION DE L’ADDICTION (AUX JEUX)
Une question très présente en ce moment dès que l'on s'intéresse aux pratiques numériques des jeunes.
S’ils vont sur Internet quasiment tous les jours, les jeunes qui jouent souvent ne restent pas des heures en
ligne. En moyenne, ils restent moins de deux heures sur la toile à chaque session. Ils sont néanmoins un
peu plus nombreux que la moyenne à faire de plages horaires de plus de quatre heures sur Internet (de
5,9% en moyenne on passe à 8,2%). Ceux-là sont également majoritairement des garçons en classe de
primaire.
Certains jeunes déclarent passer plus de 8 heures par jour devant internet. Une minorité, mais parmi ceux-ci
une majorité de garçons s'adonnant aux jeux. Les jeux reconnus pour leur caractère addictif sont les jeux en
réseau dit « massivement multi-joueurs ». Il s'agit d'univers permanent, où le jeu ne s'arrête jamais même
quand le joueur se déconnecte.
Mais les adolescents ne sont pas les plus joueurs. En réalité pour ce type de jeu, il faut se pencher du côté
des trentenaires pour rencontrer le plus grand nombre d'amateurs.
Ce sont les mini-jeux ou jeux flash qui remporte le plus leur adhésion. Ils représentent 60,3% des jeux
cités comme leurs préférés.
→ Plus on grandit et moins on joue :
Les enfants sont les « plus gros » joueurs : 64,4% disent jouer souvent sur Internet. Il s’agit majoritairement
de garçons en classe de primaire ou de jeunes collégiens (5ème).
Quant aux lycéens, ils ne représentent que 15,7% des joueurs réguliers.
→ Les cas d'addiction :
Même si ils sont peu fréquents, les cas d'addiction existent. Il est intéressant d'en comprendre les
mécanismes. Pour cela, voici le témoignage d'Elisabeth Rossé, psychologue au Centre Marmottan à
Paris.
Lors d'un cycle de conférence organisé par l'ANPAA en Rhône-Alpes en septembre 2009, elle rend compte
de l'activité d'une consultation spécialisée pour ce type d'addiction :
96 % des joueurs reçus sont des hommes. Depuis l’ouverture de la consultation, 200 jeunes de 17 à 20 ans.
Ces jeunes sont timides et introvertis. Les parents sont également reçus à Marmottan, ils sont très agacés
ou stressés par la pratique de leurs enfants. Bien souvent, ce sont d’abord eux qui s’adressent à la structure,
avant que les enfants y parviennent.
Elle dresse différents types de profils parmi les joueurs rencontrés :
- Joueurs avec troubles psychiatriques importants : le jeu n’est que la porte d’entrée de leur malaise.
- Joueurs en crise d’adolescence virtuelle : les parents n’arrivent pas à intervenir, à mettre des limites.
Le conflit parents/enfants se cristallise par l’intermédiaire de l’ordinateur. Celui-ci devient le moyen
d’esquiver le conflit, tout en représentant le lien.
- Joueurs qui ont une pratique excessive : seule activité, difficultés familiales, sociales, scolaires ou
professionnelles. Peut remédier à l’ennui à l’école... Chez certains joueurs, on parle aussi de
passionnel, ils ont beaucoup de plaisir à jouer.
- Joueur abuseurs d’écrans : ils n’ont pas de jeu de prédilection, ils passent d’un écran à l’autre :
ordinateur, télé : boulimie d’images. Ils s’anesthésient avec les images ; s’empêchent de penser.
Et détermine les différentes phases dans la relation aux jeux :
- Exploration (11-12 ans), on tâtonne.
- Explosion (12-15 ans), jubilation, excès.
- Régulation ou addiction (16-18 ans) : pour la plupart des jeunes, il s’agit de régulation. La plupart vont
en effet se mettre des limites, avoir envie de faire autre chose à côté.
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8. LA QUESTION DES MAUVAISES RENCONTRES. LE SPECTRE DE L'INCONNU...
La mauvaise rencontre est le premier risque cité par les jeunes rencontrés. 44, 9% des jeunes
rencontrés la citent spontanément comme un des risques rencontrés sur la toile.
Dans la réalité, la proportion est bien inférieure.
→ La plupart des relations des jeunes sur internet s'effectuent entre pairs...
La médiatisation du sujet et les efforts de prévention expliquent cet écart.
En terme de représentation, il y a souvent une confusion entre la pédopornographie et la pédophilie.
C'est le cas d'une campagne nationale de prévention des dangers d'internet présentant une représentation
caricaturale du pédophile, contre productive vis-à-vis des efforts de prévention de la pédophilie (les
pédophiles ne portent pas systématiquement d'imperméables...)
Plus globalement l'inconnu est un mythe permanent sur internet, alors que pour la plupart des escroqueries,
ou des cas d'usurpation d'identité, les responsables sont des personnes appartenant à l'entourage de la
victime....
→ L’enquête montre que la plupart des inconnus rencontrés sur le Net le restent.
Si 1 jeune sur 3 a déjà noué des relations amicales avec des gens sur Internet, lorsque les jeunes entament
des relations, elles sont éphémères et peu approfondies.
→ Ces relations éphémères ont leur sens dans les étapes de construction identitaires des jeunes. Les
jeunes utilisent les tchats pour se travestir (se faire passer pour des adultes, pour changer de genre), pour
éprouver les limites fixées par les parents, ou bien pour aborder des sujets délicats. (Cécile Metton 2001)
Il s'agit d'une pratique plus fréquente chez les collégiens, abandonnée plus tard en raison de la mauvaise
qualité des relations qui peuvent y être entretenue...
Quand des amitiés se forgent, elles débouchent très exceptionnellement sur des appels téléphoniques ou
sur une rencontre.
→ Les tchats sont aussi utilisés pour partager une passion : échange autour des jeux vidéo, blog autour de
la passion de l'Asie...
→ Pour certains jeunes introvertis, internet représente une opportunité de lien.
9. LE RAPPORT À L'INFORMATION : LA LABELLISATION DES CONTENUS OU L'AUTONOMISATION
DU NAVIGATEUR
Le Web constitue aux yeux des jeunes une source privilégiée d’information, le tandem Google-Wikipédia
remportant sans surprise les suffrages.
Le rapport à l'information sur internet est paradoxal.
Pour l'immense majorité des jeunes, toutes les
informations trouvées sur internet ne sont pas vraies.
Ce qui ne les empêche pas de copier largement les
contenus qu'ils y trouvent dans le cadre de leur recherche scolaire. Leur pratique personnelle d'internet et
celle proposée à l'école correspondent à deux sphères très dissociée dans leurs représentations.
→ Google est tellement utilisé qu'il est transparent. Bien souvent confondu avec le navigateur, et
systématiquement utilisé même si l'ont connaît l'adresse du site sur lequel on veut se rendre.
Les jeunes apprécient l’impression de pouvoir choisir le mot-clé. Plusieurs ont trouvé ce qu’ils cherchaient
par ce moyen.
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Certains n’ouvrent que le premier site de la liste. Les sites sont ensuite sélectionnés en fonction :
- de leur clarté, (« Si je vois que c’est mal expliqué, je zappe… »),
- de la pertinence de l’intitulé par rapport à la question posée et,
- pour certains, pour leur attractivité visuelle.
→ Les études, sur la recherche d'information montrent que ce qui fait cruellement défaut aux jeunes, c'est la
capacité d'évaluer les résultats de leur recherche.
En fait, lors d'un exercice nécessitant une recherche d'information les élèves se concentrent sur la nécessité
de rendre un résultat et moins sur la démarche de recherche en elle-même. Ils collectent de l'information
grâce à l'outil « copié-collé » et s'arrête lorsqu'ils estiment la quantité d'information collectée suffisante.
→ Un autre problème réside aussi dans la question des filtres imposés à l'école et des représentations
qu'ont les enseignants des pratiques des jeunes. Face à la quantité d'informations dont la fiabilité n'est pas
garantie « institutionnellement » par l'espace dans lequel on le trouve (une bibliothèque, une librairie, une
université »), le réflexe est de vouloir recréer des espaces « labellisés » sur la toile, des moteurs de
recherche sécurisés, des espaces documentaires garantis. Là encore on recrée des frontières symboliques
entre un savoir scolaire, légitime et institutionnel et une culture populaire, de masse, « à faible valeur
ajoutée ». Le cas wikipédia est éloquent de ce point de vue. Une source d'information plébiscitée et mal
perçue par l'institution scolaire parce que coproduite par les internautes sur un modèle horizontal. Pourquoi
ne pas enseigner les bons moyens d'évaluer l'information plutôt que les bons endroits pour la trouver ?
10. LE RAPPORT AU DROIT …
→ La question des droits sur internet préoccupe beaucoup les adultes. Incivilité, usurpation d'identité,
violation du droit à l'image, diffamation. Il s'agit là de la majorité des expériences fâcheuses auxquels sont
confrontés les jeunes dans leur usage d'internet. (cf. schéma plus haut)
→ La moquerie et les rapports de force sont courants chez les adolescents. La portée de ces actes
mal maîtrisée sur la toile. Aussi pour les jeunes la différence entre le caractère publique ou non-publique des
contenus diffusé sur internet. Une différence parfois difficile à cerner pour les adultes aussi.
→ Le téléchargement. Considération pratique des jeunes vis-à-vis de cette pratique. Streaming pour les
vidéos (trop de place sur le disque, temps de téléchargement trop long), téléchargement pour la musique
(pour transférer les fichiers sur leur baladeur). Il y a ceux qui télécharge et ceux qui consomme de la
musique/des vidéos téléchargées.
→ Droit à l'image, droit d'auteur, le modèle de la propriété intellectuelle... Ces notions sont souvent très
confuses dans l'esprit des jeunes. Il est important de leur expliquer le sens des lois et notamment le cadre
qui entoure la propriété intellectuelle. Il est important pour eux d'en saisir les enjeux économiques.
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CONCLUSION
Quels sont les enjeux éducatifs et les priorités de l'éducation au multimédia pour Fréquence écoles ?
Au vu de l'ensemble des points soulevés par l'enquête et travaillés dans le cadre des expérimentations
menées auprès des enfants, des adolescents et des acteurs éducatifs, l'association Fréquence écoles a
formulé trois thématiques essentielles à développer dans le cadre des stratégie d'accompagnement de la
jeunesse en ce qui concerne la place des médias dans leur vie.
1- Les Usages : Les compétences techniques
→ Savoir utiliser, ce n'est pas savoir comment ça marche.
→ Tout un vocabulaire technique qu'ils ne maîtrisent pas : compresser, taille du fichier, statistiques en ligne,
cookies, le navigateur, streaming, robot, le débit …
→ Fantasme du virus et du piratage (on m'a raconté!!!).
→ Confusion entre l'usurpation d'identité du fait d'un de ses camarades … et l'utilisation des données
personnelles à des fins marketing.
Enjeu : L'insertion des jeunes dans la société de l'information
→ Favoriser la compréhension technique de l'univers numérique.
→ Une compétence de plus en plus requise dans les milieux professionnels.
2- L'environnement des médias : Les compétences socio-économiques
→ Droits d'auteurs : le modèle économique de la propriété intellectuelle inconnu. (comment comprendre les
logiques du développement libre ou même Hadopi...).
→ Les enjeux des bases de données et du marketing ciblé.
→ Droits à l'image, responsabilité éditoriale ...
→ Le modèle économique des sites de streaming (la publicité...).
Enjeu : Éduquer à la consommation
→ Compréhension du droit.
→ Compréhension de l'économie des médias numériques.
3- Rapport au monde/Représentation/Stéréotypes : Les compétences civiques
→ Respect des lois (dans les pratiques de consommations, dans les échanges...).
→ Mise en scène de soi : les enjeux de la course à la popularité.
→ Rapport à la norme des usages des jeunes.
Enjeu : Développer la citoyenneté des jeunes
→ Respect des lois, de l'autre.
→ Construction de l'identité.
N.B La discussion qui a suivi l’intervention de Pauline Reboul a porté pour une grande part sur la
question des représentations (souvent fausses ou faussées) qu’ont les adultes de l’utilisation des
médias par les jeunes et les conséquences sur les actions éducatives mises en place.
Il a donc été souligné la nécessité d’un travail pour faire évoluer ces représentations.
Il a aussi été évoqué la nécessité d’expliquer, de conceptualiser, la compréhension socioéconomique du fonctionnement d’Internet.
Créteil – 9 décembre 2010