Les quatre grandes règles de majorité

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Les quatre grandes règles de majorité
COPROpriété
VOTER LES TRAVAUX
remplacement ne porte pas atteinte aux modalités de jouissance des parties privatives et est
conforme à la destination de l’immeuble (Cass.
civ. 3e, 25 janvier 1984).
Il en a été jugé de même pour le remplacement
du chauffage au charbon par un chauffage au
gaz ou au fioul.
Dans le même esprit, le service collectif d’eau
chaude a pu être abandonné à la majorité de
l’article 26, au profit de ballons individuels
dans chaque appartement pour des raisons
tant techniques que financières.
Suppression du poste
de concierge
Tout autant que la fonction de concierge ellemême, les règles présidant à sa suppression
ont évolué ces dernières années. En principe,
il faut distinguer deux hypothèses :
— soit l’existence du concierge n’est pas prévue par le règlement de copropriété, et dans ce
cas, sa suppression est appréciée par référence
à la destination de l’immeuble.
Il a ainsi été jugé que le service du concierge
contribue au standing de l’immeuble et affecte
donc a priori sa destination, de sorte qu’une
décision unanime était nécessaire pour le
supprimer, à moins que, la destination de
l’im­meuble ayant évolué, l’existence d’un
concierge ne le justifiât plus (Cour d’appel de
Versailles, 25 mai 1992).
— Soit l’existence du concierge est prévue par
le règlement de copropriété, et dans ce cas, il
faut en principe obtenir l’unanimité des voix
de tous les copropriétaires pour supprimer ce
service.
Toutefois, la jurisprudence est de plus en plus
encline à admettre qu’une telle suppression est
possible à la majorité de l’article 26, s’il peut
être mis en place des solutions de substitution apportant des avantages équivalents. Une
question qui s’apprécie au cas par cas ! Voici
un aperçu des décisions qui ont pu résulter de
cette appréciation :
— la réduction du nombre des gardiens prévu
par le règlement peut intervenir à la majorité
de l’article 26 (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, ­8 février 1994)
— la suppression de deux postes de
38 • LE PARTICULIER immobilier • n°238 • janvier 2008
Les quatre grandes règles de majorité
Type de majorité
n
Article 24
Majorité simple :
majorité des voix
« exprimées »
des copropriétaires présents
ou représentés
n Article
25
Majorité
absolue :
majorité
des voix
de tous les
copropriétaires
composant
le syndicat.
Mode de calcul
« Petits travaux d’entretien courant » sur les parties communes de l’immeuble, aménagements de
minime importance et travaux d’administration courante (installation du téléphone dans la conciergerie,
éclairage dans une cave, pose de vasques de fleurs, souscription des contrats d’entretien…).
l Travaux de réfection (d’une descente pluviale), de restauration ou de remplacement à l’identique
d’équipements communs rendus nécessaires par l’usure et la vétusté (d’une chaudière, d’une antenne),
ravalement indispensable compte tenu de l’état défectueux des façades, installation d’une main courante
dans l’escalier…
l Travaux facilitant l’accessibilité de l’immeuble aux personnes handicapées ou à mobilité réduite
l Travaux urgents de remise en état des parties communes endommagées par une catastrophe technologique (par exemple l’explosion d’une usine).
l
La décision est acquise
lorsque le nombre de voix
« pour » est supérieur
au nombre de voix
« contre », sans tenir
compte des abstentions.
À la différence de la majorité
de l’article 24, on prend ici en
compte la totalité des voix
de tous les copropriétaires
présents, représentés, absents
et abstentionnistes.
Si ce total est de 1 000 millièmes, la décision est adoptée à
501 voix « pour ».
Si le projet a été rejeté mais a
recueilli au moins le tiers des
voix de tous les copropriétaires
composant le syndicat (soit au
moins 334 sur 1 000 millièmes),
la même assemblée peut procéder immédiatement à un second
vote à la majorité de l’article 24.
Article 25-1
Travaux concernés
Si le projet ne recueille pas au
moins le tiers des voix de tous
les copropriétaires, une nouvelle
assemblée pourra statuer à la
majorité de l’article 24,
à condition d’être convoquée
dans un délai maximal
de trois mois.
Attention : la possibilité de
recourir à la passerelle
de l’article 25-1 ne vaut que
pour les cas expressément
visés à l’article 25 et
lorsqu’un article renvoie
« aux conditions de majorité
de l’article 25 »,
et non « à la majorité prévue à
l’article 25 » ou « à la majorité
de l’article 25 » sans autre
précision.
l Autorisation
donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux (privatifs) affectant
les parties communes et l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à sa destination (évacuation des
eaux usées avec branchement sur les canalisations communes ; percement ou agrandissement de fenêtres et ouvertures dans les murs ; pose d’un Velux dans le toit pour éclairer les combles ;
ouverture d’une trémie dans le plancher pour créer un duplex entre deux appartements ; pose de plaques
ou enseignes professionnelles ; pose d’un climatiseur en façade, installation d’un ascenseur ou prolongation de sa course jusqu’à l’étage supérieur, fermeture d’une loggia, etc.).
l Modalités
de réalisation et d’exécution des travaux rendus obligatoires en vertu des dispositions législatives ou réglementaires, que ce soit pour des raisons de sécurité, d’hygiène, de salubrité, d’esthétique,
d’urbanisme ou de police administrative (ravalement, désamiantage de l’immeuble, raccordement à
l’égout).
l Travaux d’économie d’énergie (amortissables sur une période inférieure à dix ans) portant sur l’isolation thermique du bâtiment, le renouvellement de l’air, le système de chauffage et la production d’eau
chaude… à moins qu’ils ne relèvent de la majorité prévue par l’article 24 (amélioration du rendement du
chauffage, comptage et équilibrage du chauffage, régulation du chauffage et de l’eau chaude sanitaire,
amélioration de l’éclairage des parties communes).
Attention : la suppression d’une installation collective de chauffage au profit d’une installation individuelle
ne peut pas être adoptée dans le cadre de cet article.
l Pose
dans les parties communes de canalisations, de gaines, et réalisation des ouvrages, permettant
d’assurer la mise en conformité des logements avec les normes de salubrité, de sécurité et d’équipement définies par les dispositions prises pour l’application de l’article 1er de la loi du 12 juillet 1967
relative à l’amélioration de l’habitat.
Précision : Ces travaux ont pour but de mettre les locaux en conformité avec les normes de décence
fixées par le décret du 30 janvier 2002, dans la mesure où ils touchent aux parties communes.
l Suppression
de la totalité des vide-ordures pour des impératifs d’hygiène.
Précision : la suppression de l’accès à un vide-ordures individuel ne nécessite pas d’autorisation.
l Installation
ou modification d’une antenne collective ou d’un réseau de « communications électroniques » interne à l’immeuble « dès lors qu’elle porte sur des parties communes », raccordement de l’immeuble à un réseau câblé, ainsi que les mesures qu’il implique (travaux à accomplir, signature du contrat
d’abonnement et de ses conditions, etc.)
Attention : la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision
du futur a précisé que la décision d’accepter ou non la proposition commerciale permettant la distribution de la télévision numérique terrestre est prise à la majorité de l’article 24 si :
➤ le réseau de communications électroniques interne à l’immeuble distribue des services de télévision ;
➤ l’installation existante ne permet pas encore l’accès aux services nationaux en clair de télévision par
voie hertzienne terrestre en mode numérique ;
➤ le distributeur de services dispose d’une offre en mode numérique.
Le copropriétaire qui souhaite installer à ses frais une antenne individuelle doit obtenir l’autorisation de
l’assemblée à la majorité de l’article 25.
janvier 2008 • n°238 • LE PARTICULIER immobilier • 39
Copropriété
VOTER LES TRAVAUX
­gardiens en surnombre par rapport
aux dispositions du règlement de copropriété
relève de la majorité de l’article 24 si la destination de l’immeuble et les modalités de
jouissance des parties privatives n’en sont pas
affectées (Cour d’appel de Paris, 23e ch. B, 26
octobre 2000).
— l’installation d’un système codé de fermeture de la porte d’entrée fonctionnant par
intermittence ou l’emploi à temps partiel d’un
gardien ne permet pas de faire face à toutes les
tâches que le règlement de copropriété assignait au gardien. L’unanimité est donc exigée
(Cass. 3e civ., 28 juin 1995)
Complication supplémentaire : la suppression
du poste de concierge pose le problème de la
vente de la loge, partie commune de l’immeuble. à quelle majorité cette vente doit-elle être
autorisée ? Tout dépend de l’enthousiasme
qu’a suscité dans l’immeuble la disparition du
poste de concierge : si aucun copropriétaire n’a
contesté cette décision dans le délai de recours
de deux mois ouvert aux opposants et aux
défaillants, le syndicat peut décider de vendre
ou de louer la loge à la majorité de l’article 26
(peu importe que la décision de supprimer ce
poste n’ait pas été prise à la bonne majorité).
Par contre, lorsque la décision de supprimer
le poste de concierge a été contestée, et judiciairement annulée faute d’avoir recueilli la
bonne majorité, la décision de vendre la loge
est déclarée nulle et ne pourrait alors intervenir qu’à l’unanimité.
Les quatre grandes règles de majorité (suite)
Type de majorité
n Article
n Article
25
26
Double
majorité :
majorité
des membres
du syndicat
représentant
au moins les
deux tiers
des voix
Installation d’un ascenseur
L’installation d’un ascenseur peut résulter,
soit de l’initiative d’un ou de plusieurs copropriétaires isolés, soit du syndicat. Les règles de
majorités diffèrent alors.
Si un ou plusieurs copropriétaires proposent
de faire installer l’ascenseur à leurs frais, ils
devront obtenir l’autorisation de l’assemblée
générale à la majorité de l’article 25 (et éventuellement 25-1). Toutefois, si les travaux ont
pour effet de conférer des droits sur les parties
communes à un copropriétaire qui n’en avait
pas, le recours à l’article 25 est exclu. Cela a
notamment été jugé à l’occasion de la prolongation de la course de l’ascenseur.
40 • LE PARTICULIER immobilier •
Mode de calcul
n Unanimité
Il faut réunir ici la majorité en
nombre (par tête) des copropriétaires composant le syndicat
(pas seulement ceux présents
et représentés), ET les deux
tiers des voix (par voix) de tous
les copropriétaires composant
le syndicat.
Dans une copropriété de vingt
copropriétaires totalisant 1 000
millièmes, la décision doit ainsi
recueillir le vote « pour » de
onze copropriétaires représentant au moins 667 millièmes
pour être adoptée.
Si les travaux d’amélioration
n’ont pas pu être décidés à la
majorité qualifiée, mais qu’ils ont
recueilli l’approbation de la majorité des membres du syndicat
représentant au moins les deux
tiers des voix des copropriétaires présents ou représentés, ils
peuvent être décidés par une
deuxième assemblée qui se
prononcera à la majorité des
membres du syndicat (majorité
en nombre) représentant au
moins les deux tiers des voix
(majorité en voix) des copropriétaires présents ou représentés,
et non composant le syndicat.
La décision ne peut être
prise qu’avec l’accord de
tous les membres de la
copropriété, sans exception.
Il suffit d’un vote blanc,
d’une abstention ou d’un
copropriétaire ni présent
ni représenté, pour que
l’unanimité ne soit
pas obtenue.
Travaux concernés
l Installation ou modification d’un réseau de distribution d’électricité public destiné à alimenter en courant électrique les emplacements de stationnement des véhicules, notamment pour permettre la charge
des accumulateurs de véhicules électriques.
l Installation de compteurs d’eau froide divisionnaires.
l Travaux à effectuer sur les parties communes en vue de prévenir les atteintes aux personnes et aux
biens. (voir encadré p. 43)
l Travaux de transformation, d’amélioration ou d’addition « à l’exception de ceux visés aux e, g, h, i, j, m
et n de l’article 25 »
Ces travaux apportent des éléments supplémentaires de confort et d’habitabilité par rapport aux aménagements préexistants et valorisent l’immeuble.
Contrairement aux travaux d’entretien de l’article 24 et aux travaux obligatoires de l’article 25, ils sont
facultatifs (changement complet d’une installation de chauffage au fuel pour le gaz ; suppression
d’un chauffage collectif non performant au profit de chauffages individuels plus économes ; abandon
du service collectif d’eau chaude au profit de ballons individuels dans chaque appartement ;
remplacement de grilles existantes par de nouvelles grilles métalliques plus hautes ; installation
du chauffage central, d’un vide-ordures, d’adoucisseurs ou surpresseurs d’eau, de boîtes aux lettres,
d’un système de télésurveillance des parties communes, d’un téléphone dans la cabine d’ascenseur ;
aménagement ou création de locaux communs pour disposer d’une salle de réunion ou d’un local
à bicyclettes, etc.)
Attention : Il n’y a pas d’amélioration quand les travaux sont nécessaires pour maintenir l’immeuble en
état de rendre les services auxquels les copropriétaires peuvent prétendre, comme la remise en état
d’une installation d’eau chaude, même accompagnée d’une transformation limitée ; le remplacement
d’une chaudière vétuste ; la pose de feuilles de plomb protectrices d’un balcon qui s’est dégradé.
l Réalisation
des études et travaux nécessaires à l’individualisation des contrats de fourniture d’eau
Attention : la fourniture d’eau chaude sanitaire est exclue du champ d’application de cet article.
l Modalités
d’ouverture des portes d’accès aux immeubles (voir encadré p. 43).
Travaux portant atteinte à la destination des parties privatives ou à leurs modalités de jouissance
(modification du réglage de la température de l’eau de chauffage de l’immeuble ; travaux privant un lot de
vue ou d’ensoleillement ; suppression du poste de concierge dont l’existence est prévue par le règlement
de copropriété, à moins qu’il soit possible de mettre en place des solutions de substitution équivalentes).
l
l Travaux
d’amélioration non-conformes à la destination de l’immeuble (ex. : installation d’un ascenseur eu
égard aux caractéristiques de l’immeuble).
l Travaux entraînant la création par le syndicat de nouveaux locaux à usage privatif par voie de surélévation
(art. 35 de la loi).
D’une manière générale, chaque fois que la décision affecte les droits des copropriétaires sur leurs parties
privatives, qu’elle touche aux droits de propriété sur l’immeuble, qu’elle affecte les documents constitutifs
de la copropriété, qu’elle est étrangère à l’objet du syndicat ou qu’elle porte atteinte à des droits acquis
par les copropriétaires, l’unanimité est nécessaire.