La protection du conjoint-partenaire

Transcription

La protection du conjoint-partenaire
Master professionnel en droit, mention sociologie du droit et communication juridique
Université Paris II Panthéon-Assas
Synthèse :
La protection du conjoint-partenaireconcubin : aspects successoraux
Myriam Mayel
Cours de sociologie juridique.
Aujourd'hui la situation de couple ne se limite plus au cadre du mariage. Prenant acte de
cette diversification des formes de conjugalité, le Code Civil consacre une place plus ou
moins grande au statut du mariage, du Pacs et du concubinage.
La Cour de Cassation, interprétant l'article 144 du Code Civil, définit le mariage comme
l'union d'un homme et d'une femme, qualifiés de conjoints.
Le Pacs [Pacte civile de solidarité], crée par la loi du 15 novembre 1999, est défini à l'article
515-1 du Code civil comme le contrat conclu par deux personnes, appelées partenaires,
pour organiser leur vie commune.
Enfin le concubinage est qualifié d'union de fait, caractérisée par une vie commune
présentant un caractère de stabilité et de continuité entre deux personnes, deux
concubins, vivant en couple.
On voit par ces définitions que ces différentes formes de conjugalité ne présentent pas la
même nature, le mariage étant à la fois une institution et un contrat, le Pacs se limitant à
l'aspect contractuel tandis que le concubinage relève uniquement de l'état de fait.
A ces différences de natures sont liées des statuts juridiques distincts, ainsi que le
démontre l'étude des règles de protection du conjoint, du partenaire ou du concubin.
Ces règles relèvent majoritairement du domaine du droit des successions. En effet, si ce
dernier à longtemps eu pour unique fondement la transmission des patrimoines de
générations en générations il à désormais également pour objet la protection matérielle
des proches du défunt.
S'il existe des points communs entre ces différents statuts, ainsi le capital décès de la
sécurité sociale est versé à l’époux, le partenaire ou le concubin, néanmoins l'état du droit
positif demeure caractérisé par l'hétérogénéité des systèmes de protection selon la forme
de conjugalité.
L'étude des différentes règles de protection nécessitera de distinguer d'une part
l'évolution de la protection du conjoint survivant en réponse aux nouveaux besoins sociaux
(I°) et d'autre part le maintien d'une protection faible dans le cadre des autres modes de
conjugalité dans le but avoué de maintenir la prévalence du mariage (II°).
I° Une amélioration de la protection du conjoint en réponse aux besoins sociaux
A) Une évolution de la famille
Le Code Civil napoléonien reposait sur l'idée que la succession était exclusivement liée à la
parenté. Ce système correspondait à la préoccupation de laisser les biens, majoritairement
des biens terriens, dans les familles, dans le clan. L'époux survivant était donc pourvu de
droits insignifiants même s'il bénéficiait de la moitié de la masse commune en vertu du
droit des régimes matrimoniaux.
Or en l'espace de 200 ans l'évolution de la famille a été considérable. Elle s'est resserrée
autour du noyau formé par le couple et les enfants, le lien du sang passant désormais au
second plan.
La composition des fortunes s'est également modifiée au détriment du patrimoine terrien.
Le patrimoine se construit de plus en plus à partir des revenus du travail des deux époux et
non de ce qu'ils reçoivent des générations précédentes, l'importance des « biens de
familles » a beaucoup diminué.
De plus l'allongement de l'espérance de vie, particulièrement chez les femmes, induit que
les conjoints survivants sont majoritairement des veuves très âgées, alors que les
descendants sont déjà dans la vie active.
Enfin la multiplication des familles recomposées paraît mal se concilier avec l'état du droit
antérieur à la loi de 2001 [Loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant
et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral], qui
accorde au conjoint survivant une part en usufruit, imposant ainsi au conjoint et aux
enfants d'un premier mariage de maintenir des relations, dans un contexte souvent
conflictuel.
Cette évolution de la famille a créé de nouveaux besoins constatés dans les faits que le
législateur a choisi de prendre en compte, afin de rendre le droit adapté à la réalité.
B) Un besoin de protection
Avant la loi du 3 décembre 2001, le conjoint, en concours avec les descendants du défunt,
reçoit un quart de la succession en usufruit, la moitié en cas de concours avec des frères et
sœurs ou des ascendants dans les deux lignes. Ainsi, le conjoint survivant ne reçoit rien en
propriété si on se tient à l'application des règles légales. Mais dans les faits la situation du
conjoint était bien plus favorable par l'effet des volontés privées.
Marie-Claude Catala de Roton dans son ouvrage « Les successions entre époux » constate
qu'en 1990 plus de la moitié des successions réglées par un notaire contiennent une
disposition libérale en faveur du conjoint.
Dans le rapport du Groupe de travail « Pour un droit adaptés aux réalités » menée par
Françoise Dekeuwer-Defossez [septembre 1999] : 80% des époux survivants sont protégés
par une disposition de dernière volonté. Ce qui peut s'analyser comme un renvoi du
législateur, un abandon de cette protection aux volontés privées, ce qui n'est pas
satisfaisant, de nombreuses voix s'élevant pour obtenir une reconnaissance légale de la
protection du conjoint.
Le législateur a choisi de répondre à ce besoin de protection légal par la loi du 3
décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et
modernisant diverses dispositions de droit successoral.
La loi du 3 décembre 2001 a été guidée par 2 préoccupations :
1. Faire du conjoint survivant un véritable héritier afin de l'inclure, par le prisme du
droit, dans la famille.
L'époux héritier, le conjoint, en concours avec des descendants du défunt reçoit un
quart de la succession en propriété ou la totalité en usufruit [s’il y a un ou des
enfant(s) d'un autre lit, il reçoit nécessairement le quart de la succession en
propriété pour éviter le maintien de relations conflictuelles].
En concours avec des ascendants, le père ou la mère reçoivent le quart de la
succession et le conjoint le reste.
En l'absence d'enfants et des pères et mères, le conjoint récupère toute la
succession, il exclut les frères et sœurs.
2. Lui assurer le maintien de ses conditions de vie.
Le maintien des conditions de vie du conjoint passe par la conservation du
logement qu’il occupait au moment du décès. L'idée est d'éviter que le conjoint
soit forcé de quitter son logement parce que le montant de ses droits en qualité
d'héritier ne lui permet pas de s'y maintenir.
La loi reconnaît donc au conjoint un double droit de s'y maintenir : l'un temporaire,
l'autre viager.
Le droit temporaire : son but est d'éviter que le veuf ou la veuve soit contraint de
déménager précipitamment, l'article 763 du Code civil prévoit alors que le conjoint
survivant aura droit à la jouissance gratuite du logement pendant un an. Ce droit
est d'ordre public et ne s’inscrit pas dans les droits successoraux. Il est un
prolongement des effets du mariage.
Le droit viager : la loi accorde au conjoint le droit de demeurer dans les lieux
jusqu'à sa mort, dès lors qu'il succède en propriété, la valeur du locale s'imputant
alors sur sa part successorale. Ce droit n'est pas d'ordre public.
La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a accru la
protection du conjoint survivant, d'une part par l'irrévocabilité des donations de
biens présents, et d'autre part, en fermant la possibilité de le déshériter
totalement en l’absence de descendants grâce au mécanisme de la réserve.
Le droit de la famille s'est donc adapté aux évolutions sociales et a répondu à la
demande accrue de protection juridique au profit du conjoint survivant. Toutefois, si le
législateur a, quelque peu, élargi le bénéfice de cette évolution au partenaire survivant, il
en a totalement exclu le concubin.
II° La quasi-absence de protection dans les autres formes de conjugalité
A) La volonté de maintenir la prévalence du mariage sur le Pacs
Le Pacs est défini par la loi comme un contrat permettant au couple d'organiser sa vie
commune. Cette définition paraît évincer toute règle de protection du partenaire survivant
une fois la vie commune dissolue du fait d’un décès.
En conformité avec cette vision restrictive du Pacs, la législation créée en 1999 ne prévoit
aucune règle particulière de protection en cas de décès d'un des deux partenaires : le
survivant ne peut hériter que par disposition testamentaire. S’agissant du logement
commun, il ne peut obtenir que le transfert du bail.
Cependant, le Pacs connaît un succès incontestable : 146 084 Pacs signés en 2008 contre
273 500 mariages, le Pacs connaît une hausse continue alors que le mariage est stable. On
3 mariages pour 2 Pacs en 2009.
D'où une demande de protection extrêmement forte de la part d'une grande partie de la
population et considérée comme légitime par l'opinion publique et les acteurs politiques,
ce qui a entrainé l'adoption de dispositions en faveur du partenaire survivant afin de lui
faire bénéficier d'avantages autrefois réservés au conjoint.
La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a ainsi fait du Pacs
un véritable statut du couple et non plus un simple contrat. Elle a rapproché le statut du
partenaire survivant de celui du conjoint survivant [sans pour autant assimiler les deux
statuts].
Ainsi, désormais, le partenaire bénéficie d’un droit temporaire sur le logement commun
d’une durée de un an. Néanmoins, ce droit n'est pas d’ordre public : le défunt peut l'avoir
exclu de son vivant.
La loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat a quant à elle
aligné les droits de successions et les droits de mutation applicables aux couples pacsés sur
ceux applicables aux couples mariés.
Malgré cela, des différences profondes subsistent, la protection du partenaire survivant
demeurant largement inférieure à celle du conjoint survivant. Ainsi le partenaire survivant
ne peut pas prétendre au bénéfice de la pension de réversion du partenaire décédé [une
décision de la CJCE du 1er avril 2008 estime, néanmoins, cela discriminatoire] et surtout le
Pacs ne fait toujours pas du partenaire un héritier ab intestat, seule une volonté de
protection de la part de son partenaire de son vivant peut lui permettre d'obtenir des
biens en héritage.
Ce refus d'une modification du statut du Pacs est expliqué par le corps politique par la
volonté de protéger la spécificité du mariage et de ne pas porter atteinte à la pluralité
des modes d'organisation de la vie conjugale désormais offerte par le droit. Est
également rappelé que l'intérêt du Pacs se situe dans sa plus grande souplesse, son
engagement conjugal moins fort, ce qui explique un statut moins protecteur.
B) La volonté de garantir la liberté du concubinage
15% des couples vivent en concubinage. Pourtant le droit délaisse totalement la question
de la protection du concubin, voire l'a entravé par le passé, avec l'annulation des libéralités
entre concubins pour cause immorale.
Depuis l’arrêt de la Cour de Cassation du 3 février 1999, par lequel la Haute Juridiction a
affirmé que « n’est pas contraire aux bonnes mœurs la cause de la libéralité dont l’auteur
entend maintenir la relation adultère qu’il entretient avec le bénéficiaire », les libéralités
entre concubins ne sont plus annulées : un concubin peut désormais, par le biais de
dispositions de volonté privée, assurer la protection de l'autre.
En l'état du droit positif, le concubin survivant ne bénéficie d'aucun droit au logement ni à
pension de réversion.
Pour la fiscalité successorale, il est considéré comme un tiers [taux de prélèvement de
60%] : il y a négation totale de la relation conjugale qui unit les concubins.
Ce refus de toute appréhension du concubinage par le droit s'explique par le fait que,
puisque désormais tous les concubins, homosexuels ou hétérosexuels ont la possibilité de
conclure un Pacs, on peut supposer que leur maintien dans l'« état de non-droit » que
constitue le concubinage est un choix qu'il faut respecter. Or, préserver leur liberté
suppose de maintenir l'absence de tout engagement de leur part, entre eux, comme vis-àvis de la société, et donc de ne pas accroitre leurs droits.
A charge donc pour les couples de concubins d'organiser, s'ils le souhaitent, la protection
future du survivant par testament ou donation. Protection, qui relève [donc]
uniquement des volontés privées.
ANNEXE :
La protection du conjoint-partenaire-concubin, introduction : Florine Colon de Franciosi,
master 2 professionnel en droit mention sociologie du droit et communication juridique –
Université Paris II Panthéon-Assas.
« Au-dessus de la volonté d’un homme et d’une femme, c’est la société qui fait le couple et parfois le
défait ». Telle est l’hypothèse émise par le doyen Carbonnier dans Flexible droit : pour une sociologie sans
rigueur. Il est certain que le couple a évolué tout comme la société. L’image du couple marié de sexe opposé
n’est plus en haut de l’affiche, même si l’évolution a été longue.
Conjoints, partenaires, concubins, tous trois désignent des couples. Tous unissent deux personnes par un lien
d’affection fort. Cependant, juridiquement, ils sont différents.
Le conjoint désigne une personne liée à une autre par le mariage. L’article 144 du Code civil précise que les
contractants doivent être un homme et une femme. C’est la plus ancienne institution. Jusqu’à la révolution,
seul le mariage religieux était reconnu. La loi du 20 septembre 1792 a instauré le mariage civil. Le mariage a
longtemps été le seul modèle d’union acceptable en France.
Mais l’indépendance des femmes, l’ouverture d’esprit, l’individualisme ont fait émerger d’autres modèles.
Et, les mouvements pour les homosexuels ont fini par faire accepter l’union entre deux personnes de même
sexe...
La première association, « Arcadie », naît en 1954. En 1971, après les évènements de mai 1968, apparaît le
Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire. Un véritable clan se forme au sein du journal Libération. Il
devient ensuite le comité d’urgence anti-répression homosexuelle. Le lobbying porte ses fruits : en 1982,
l’homosexualité est dépénalisée. En 1989, Act’up se forme. Les organisations se multiplient.
Inscrit dans le programme politique du Parti socialiste, Lionel Jospin, Premier Ministre, tient ses promesses.
Deux ans plus tard, le pacte civil de solidarité (Pacs) est créé par la loi du 15 novembre 1999. Il y a
« multiplication des légitimités normatives » (Commaille et Martin). Les partenaires sont liés par le Pacs. Le
Pacs est aussi un contrat (C. civ., art. 515-5), mais peut lier deux individus de même sexe ou non. Il est une
voie intermédiaire entre le mariage et le concubinage.
Défini depuis la loi du 15 novembre 1999 à l’article 515-8 du Code civil, le concubinage est très ancien. Les
concubins peuvent être de sexe différent ou non, mais ne sont pas liés par un contrat. Le concubinage est une
union de fait durable. Il a longtemps été jugé immoral car il correspondait à des relations adultères.
Aujourd’hui, la réalité est toute autre. Le mariage s’affaiblit au profit du Pacs et du concubinage.
Tous sont soumis aux mêmes risques : dissolution de l’union, décès de l’une des deux personnes. Les
conséquences essentiellement pécuniaires peuvent être désastreuses. Il faut donc se protéger, se mettre à
l’abri du danger si le risque se réalisait. Le droit a mis en place des mécanismes de protection. Sont-ils
suffisants ? Reflètent-ils réellement les besoins de la société actuelle ?

Documents pareils