structure argumentative du Discours de la servitude volontaire
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structure argumentative du Discours de la servitude volontaire
Journée d’agrégation du 20 novembre 2014, Université de Rouen. Communication de Michaël Boulet. 1 Structure détaillée, arguments, principaux exemples du Discours de la servitude volontaire Exorde (78-80) Citation d’Ulysse en Homère Réfutation de la citation La servitude est toujours malheureuse Refus d’aborder la question des différents régimes (tous sont tyranniques) (79) Première manifestation de la stupeur (79) La question : Comment se peut-il que tant d’hommes obéissent à un seul qui est faible et nuisible ? Développement (80-127) 1) Comment expliquer la servitude ? (80-86) Hypothèse de l’amitié (80) laissée en suspens – doute (je) 2ème manifestation (spectaculaire) de la stupeur (80) Hypothèse de la force et de la crainte (81) [négations, gradations, hyperboles, Hercule, Samson] Les deux hypothèses sont écartées : ce vice est sans nom [parallèle avec le courage qui a des limites] - La défense de la liberté décuple les forces (exemples grecs : Miltiade, Léonidas, Thémistocle 83) - Mais ce qui arrive partout, tous les jours : c’est le contraire (84) (incroyable) - Or, nul besoin de combattre le tyran ; Pas besoin de courage (85) o Il suffit de désirer la liberté (vouloir = avoir) [comparaison au feu] o Ne rien donner contre soi (ne pas obéir) (86) o Cependant : la liberté, les hommes ne la désirent pas (86) - Morceau d’éloquence sur « l’Ennemi ». Apostrophe au peuple, exhortation (86) o Accumulation ≠ pillage (peuple victime) (87) o Le peuple accepte de mourir courageusement pour le tyran o Or celui-ci est comme chaque homme o Sa puissance vient du peuple (les organes du pouvoir : œil, main, pied pour la police, la justice et l’armée, fonctions régaliennes de l’État ?) Peuple : co-auteur des crimes du prince (anaphore d’ « afin ») o Injonction : « soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres » o Image du colosse au pied d’argile - Métaphore médicale : le mal sans remède puisque le peuple ne le sent pas (88) conclusion 1 : le peuple ne veut pas la liberté (sinon, il l’aurait) : la seule explication pertinente de la servitude tient dans le désir de servir. 2) D’où vient le désir de servir ? Comment a pu naître « cette opiniâtre volonté de servir » du peuple ? (89-116) - Rappel des commandements de nature (89) o piété filiale o être raisonnable o n’être serf de personne - Les dons de Nature (89) Raison = germe à nourrir et entretenir Journée d’agrégation du 20 novembre 2014, Université de Rouen. Communication de Michaël Boulet. 2 Nature / Dieu a fait les hommes égaux, frères Les différences produisent affections, liens et sociabilité (90) La terre est la maison commune et la parole le moyen de fraterniser « Tous uns » : égaux donc naturellement libres (91) - La question philosophique sur la naturalité de la liberté est écartée (91) Servitude = tort Nature = raison et déteste l’injustice (servitude = injustice) Donc liberté naturelle L’homme nait avec elle et avec la passion de la défendre - Pour ceux qui doutent : les animaux en chaire [argument a fortiori] Les animaux préfèrent mourir qu’être prisonniers Poissons, éléphants, chevaux (seul le poisson meurt) Vers = les poètes le disent [Première apostrophe à Longa. Faux argument d’autorité puisque l’auteur des vers est La Boétie lui-même] (92) Conclusion 2 : La volonté de servir ne saurait être naturelle. Elle procède nécessairement de l’oubli de la liberté. 3) D’où vient l’oubli de la liberté ? Que s’est-il passé (quel « malencontre ») pour que l’homme « seul vraiment né pour être libre » ait perdu la souvenance de la liberté et la volonté de la recouvrer ? Discussion sur la coutume. (93-116) Digression 1 (qui va conduire à une explication du désir de servir) : les trois sortes de régimes (93). Contradiction avec l’exorde ? (79). La domination a trois sources possibles : - La violence / L’héritage / L’élection - Aucune différence fondamentale car tous règnent identiquement (94) o Hypothèse des hommes neufs : ils choisiraient d’obéir à la raison • Tous choisiraient la liberté • Sauf peut-être les Israélites [concession] • Qui causent un dépit si vif qu’on se réjouirait presque de leurs malheurs (95) - On ne donc peut servir que : o Ou contraints (Alexandre) o Ou trompés (Pisistrate). Exemple de Denys : Capitaine > roi > tyran - L’oubli de la liberté (95) o Au début on sert par force (96) o Puis à cause de la nourriture (= 2ème nature) Toutefois le fils peut se comparer au père Mais l’habitude est un poison (Mithridate) La coutume a plus de pouvoir que la nature [comparaison des arbres fruitiers] (97) Toutefois : la coutume peut conforter la liberté aussi bien que la servitude [exemple des Vénitiens et des Turcs]. [métaphore de l’animalité] Ex : Les chiens de Lycurgue (98) Ex : Xerxès et les deux Spartains (99) Ex : Caton (101) Fin de la digression 1 : clausule « À quel propos tout ceci ? » le sol n’y fait rien (101) - La sujétion est amère partout Journée d’agrégation du 20 novembre 2014, Université de Rouen. Communication de Michaël Boulet. - 3 On peut avoir pitié, excuser et plaindre ceux qui sont nés serfs o Ex : les Cimmériens en Homère Car on ne regrette jamais ce qu’on n’a jamais eu Conclusion de la digression 1 : l’habitude, la nourriture sont comme naturelles à l’homme mais pas de la même naturalité que « ce à quoi sa nature simple et non altérée l’appelle » (102) - La nature humaine est d’être libre - Mais l’homme prend facilement un autre pli (comparaison aux chevaux) - Toutefois, la servitude est toujours une offense, qui s’accroît avec le temps (103) Les hommes mieux nés que les autres (Digression dans la digression ?) - Comparés à Ulysse (animé du souvenir de l’ancienne liberté perdue) - Opposition au « gros populas » qui voit court et bas (devant ses pieds) - Ils sont inscrits dans la durée et dans la mémoire : « advisent et derriere et devant » et ont « La teste d’eusmesmes bien faite, l’ont ancore polie par l’estude » - Différence avec Ulysse (né libre) : Même nés dans la servitude ils sentent la liberté et ne s’habituent pas à la servitude. - L’exemple du grand Turc (104) o Haine des livres et des savants o Isolement des savants qui deviennent « singuliers en leurs fantasies » o Momus (impossible de voir le cœur / communiquer ses pensées) - L’exemple de Brutus et Cicéron (un homme dont on ne peut voir le cœur) - Les exemples anciens montrent que pour qui est animé d’une « intention bonne » il est possible de délivrer son pays (105) o Ex : Harmode, Aristogiton, Thrasybule, Brute, Valere et Dion o Toutefois Brute et Casse en moururent [concession], mais cette mort même est glorieuse [réfutation] - Les hommes mal intentionnés, eux, ne font que « remuer la couronne », « pretendans chasser le tiran, et retenir la tirannie » o L’orateur se réjouit de leurs malheurs o Clausule « Mais pour revenir a notre propos » Échec (discret) de la démonstration selon laquelle les hommes mieux nés peuvent triompher de la tyrannie. Retour à la conclusion de la digression 1 : la première cause de la servitude c’est la naissance et l’éducation (105) Digression 2 : Les tyrans efféminent leur peuple. (Les techniques de domination) - Ex. d’Hippocrate refusant de servir le Roi des Perses (Homme mieux né ?) - Avec la liberté on perd la vaillance (106) o Ex. 1 : Xénophon : le Hiéron (107) Miroir souhaitable pour les tyrans Le tyran contraint de craindre tout le monde Il emploie des troupes mercenaires (comme en France) Il faut au tyran des hommes sans valeur [comparaison animale : les éléphants de Térence] o Ex. 2 : Cyrus et les Lydiens (108) Plaisirs comme outils de servitude Étymologie de Lydiens = ludi Journée d’agrégation du 20 novembre 2014, Université de Rouen. Communication de Michaël Boulet. 4 o Conclusion des exemples : les tyrans ne prétendent pas tous amollir leur peuple mais la plupart le font (109) Le peuple est soupçonneux envers son bienfaiteur et confiant en son tyran [Métaphores animales : oiseau, poisson] Plaisirs = prix de la servitude [comparaison aux enfants] • Ex. des festins romains • Les cadeaux qu’on fait au peuple sont en réalité une partie de ce qui leur a été volé ! (110) • Figures éloquentes de la passivité du peuple [comparaisons minérale et végétale] • Le peuple est avide de plaisirs, insensible aux torts qu’on lui fait • Néron et César regrettés malgré leurs méfaits [Mention de Tacite] Conscients de la sottise du peuple, les empereurs romains : • prennent le nom de tribun du peuple (111) - Les rois aujourd’hui font la même chose (112) [deuxième apostrophe à Longa, mention du formulaire] - Les tyrans savent aussi entretenir le mystère (112) o Ex 1 : les Rois d’Assyrie, des Mèdes Le rôle de l’imagination dans la servitude On sert plus volontiers qui on ne voit pas o Ex 2 : Rois d’Égypte [décrits ironiquement] Ce qui provoque la dévotion des esclaves ferait rire un homme libre Généralisation : les petits moyens de la domination : Le populas est si désireux de croire qu’il n’y a pas de mauvais moyen pour l’éblouir. o Ex 3 : Pyrrhus guérissant les malades de la rate « belle bourde » (113) Reformulation, déplacement : « Le peuple sot fait lui mesmes les mensonges pour puis apres les croire » o Ex 4 : Vespasien redressant les boiteux et rendant la vue aux aveugles. Celui qui le croit « Il etoit a mon advis plus aveugle que ceus qu’il guerissoit » o Le manteau de la religion (113) Vers de Virgile (la foudre punissant) (114) Les rois de France [modalités, réticences] (115) • Hyperboles + négations • Allusion aux poètes courtisans (Ronsard, Du Bellay, Baïf) • « Jolis contes du roi Clovis » > Franciade • Oriflamme // Ancilles (116) Fin de la digression 2 : Les tyrans habituent le peuple à la servitude « mais ancore a devotion » (La cause du désir de servir procède, dans le peuple, de son aveuglement et de ses grossiers désirs, de l’oubli – puissamment entretenu par les tyrans – de la liberté) 4) Mais qu’en est-il du désir de servir des hommes éclairés ? Le ressort et le secret de la domination (117) - Non pas la force armée [antithèse] - La pyramide hiérarchique o gradation 4/5 > 5/6 > 600 > 6000 (117-118) [périodes] Journée d’agrégation du 20 novembre 2014, Université de Rouen. Communication de Michaël Boulet. - - 5 o Comparaison à la chaîne de Jupiter dans Homère o Multiplication des offices = augmentation de la servitude o Métaphore médicale : la tumeur attire les humeurs (119) Autour du tyran : les ambitieux, les avides « Pour avoir part au butin et estre sous le grand tiran tiranneaus eusmesmes » • Comparaison aux voleurs et corsaires • Comparaison aux pirates Ciliciens (qui trouvent toujours des cités pour les aider de leur plein gré) o Le tyran asservit les sujets les uns au moyen des autres (reprise de la reformulation (p. 113) dans la digression 2) Se repose sur ses plus mauvais sujets [répétition] Métaphore du coin Méchanceté et sottise de ceux qui servent [anaphore] • Dont le réconfort est de reporter sur des tiers la violence qui leur est faite (120) • Troisième expression de la stupeur (ébahissement et pitié) Les courtisans : Proches du tyran = proches de la servitude o Champ lexical du regard (abandonner l’ambition et l’avarice pour voir) o Les paysans sont plus libres que les courtisans [paradoxe] o Car les courtisans vivent dans le mensonge et la contrainte permanents [Énumération, amplification] Les organes du pouvoir (121) (œil, main, pied comme p. 87) Est-ce vivre ? [Questions oratoires] o Ils servent par avidité Or, il n’y a pas de propriété sûre sous le tyran (au contraire) Portrait éloquent du tyran en « boucher » avide qui s’en prend prioritairement aux riches Ils devraient se souvenir moins des gagnants que des perdants Même les gens de bien ne trouvent pas leur salut près du tyran • Exemples : Sénèque, Burrhus, Trazéas (mort cruelle) • Quelle amitié attendre de celui qui, détruisant son pays, se détruit soi-même ? (123) Les méchants n’ont pas meilleur sort (Poppée, Agrippine, Messaline) Et nombreux sont les tyrans victimes de leurs favoris (124) Le tyran n’aime jamais ni n’est jamais aimé o Éloge de l’amitié. Champ lexical du bien : amitié, sacré, sainte, mutuelle estime, honnêteté, intégrité. o Entre méchants c’est complot, non société (réévaluation du motif de la p. 119 : une cour est plus périlleuse qu’une assemblée de voleurs) o Pas d’amitié chez le tyran car il n’a pas de pair (l’amitié suppose l’égalité) Métaphore des voleurs renversée (125) • Entre eux existe une forme de compagnie • Qui repose sur une compréhension de leur intérêt bien compris (ne pas diminuer leurs forces) o Les courtisans ne peuvent s’assurer de celui qui domine tous les autres (de quoi ils l’ont eux-mêmes convaincu) Journée d’agrégation du 20 novembre 2014, Université de Rouen. Communication de Michaël Boulet. 6 o Malgré les exemples personne ne tire de leçon Fable du lion qui fait le malade Métaphore du papillon qui s’approche de la flamme (126) Même s’ils échappent à leur maître, ils n’échapperont pas à son successeur [Lexique du péril] o Exposé éloquent de la vie misérable du courtisan [opposition joie feinte / misère intérieure] L’orateur se réjouit de la punition actuelle que leurs passions mauvaises leur procure Leur réputation est gâchée pour l’éternité [énumération pathétique, anaphore, métaphore animale] (127) • Leurs noms sont maudits o Détestés de leur vivant o Détestés après leur mort Péroraison - Apprenons à bien faire (nous ?) Invocation (tardive) de Dieu (réticences nombreuses) o Honneur (valeur aristocratique) > Vertu (valeur morale) > Dieu (valeur chrétienne) doivent inciter l’homme de bien à ne pas servir. o Dieu, « tout libéral et débonnaire », est « contraire à la tirannie » et saura – sans doute – punir ses propagateurs.