le canard enchaine

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 Le Canard Enchaîné Service Abonnements 173 rue St­Honoré 75051 Paris Cedex 01 LE CANARD ENCHAINE I ­ Intro « C’est le plus sérieux des hebdomadaires de gauche(…), de très loin celui qui a exercé l’influence la plus durable sur la politique de ce pays, fait ou défait le plus de réputations » polémiste d’extrême droite Pierre Antoine Cousteau en 1958 Naissance du journal : 10 septembre 1915 dans un contexte politique soucieux, le rédacteur Maurice Maréchal et le dessinateur qui se fait appeler H.­P. Gassier fondent le journal. Devise : « Tu auras mes plumes, tu n’auras pas ma peau » Gassier : cela fait référence au titre du journal : le canard → Jusqu'au XIIIe siècle, le mot ''canard'' ne désignait pas l'animal mais était un surnom péjoratif que l'on donnait aux individus trop bavards. Par extension, ce nom fut donné au journal, faisant référence aux journalistes qui relatent des évènements. Le nom du journal : le nom même est humoristique. Deuxième définition, « nouvelle quelquefois vraie, toujours exagérée, souvent fausse » selon la définition de Nerval. Maréchal choisit le nom de son journal par dérision et par antiphrase. Il avait déjà existé auparavant des journaux s’intitulant « canards » : Le Canard du Boyau, Le Canard poilu ou Canard du Père Hilarion (qui utilisait la distraction pour conditionner)… Le sous­titre du Canard enchaîné fut « journal humoristique » de 1915 à 1917. Il devint ensuite jusqu’en 1925 « journal hebdomadaire » puis jusqu’à nos jours « journal satirique paraissant le mercredi ». I­ Histoire Le ton est mi­goguenard, mi­sérieux, un esprit très parisien. L’ironie est souvent utilisée et vient du fait de la restriction de la liberté d’expression pendant la première guerre mondiale. Le détour par le rire vient de l’état de siège qu’avait imposé la censure des opinions ; un journal qui aurait manié la polémique « sérieuse » aurait été réduit au silence. Le journal emploie : ­l’ironie (discours qui laisse entendre le contraire de ce qu’on dit), ­sarcasme (moquerie ironique avec de la méchanceté en plus), ­pastiche (imitation), ­parodie (utilise le cadre, les personnages, les expressions pour s'en moquer), ­le « bobard » (mensonge). Ils sont assumés et revendiqués. C’est le terme et l’image mêmes d’un journal « humoristique » qui protégèrent quelque peu le journal → « une satire que le censeur comprend mérite d’être bannie » Karl Kraus.(écrivain, dramaturge, poète, essayiste, satiriste autrichien) (procédé visant à dénoncer, se moquer par le rire) Autrement dit, le censeur est perçu comme un imbécile car une satire bien réalisée est une satire incompréhensible pour lui. Il faut savoir jouer fin si on utilise la satire, c’est un des objectifs du journal. Pendant la guerre, le canard la décrivait dans ses colonnes comme une sarabande grotesque, un théâtre de Guignol → humour noir. Le rire polémique –qui suscite le débat­ pour évoquer la Grande Guerre est apparu comme le moyen privilégié d’appréhension de la réalité, pour qu’émerge la vérité et que soit établi l’intérêt général. En choisissant l’humour et la satire, en alliant le texte au dessin, Maréchal inscrivait le journal dans la tradition des journaux humoristiques et satiriques illustrés. Une tradition héritée des pamphlets (court récit satirique qui attaque avec violence le gouvernement, les institutions, la religion, les personnes connues. Il a une orientation plutôt politique.) Cependant, à cette époque les feuilles humoristiques pratiquaient un humour inoffensif. Dans certains journaux de l’époque, le dessin avait souvent pris le pas sur l’écriture. Ce qui fut l’inverse dans le Canard enchaîné qui mit toujours en première position le texte en lui­même. Il n’a donc jamais été un journal de dessinateurs mais un journal pour lequel collaborent des dessinateurs ce qui est très différent. Le journal publiait des histoires drôles, des contes un peu lestes, des feuilletons humoristiques. L’après guerre : L’après guerre amène la création d’un club des lecteurs. club des canetons créé pendant l’entre deux guerres qui organisa des tribunaux comiques, concours de poèmes et chansons humoristiques. L’humour du journal avait déteint sur ses lecteurs qui voulaient connaître l’humour eux aussi. « Seul dans la presse française, le Canard enchaîné n’insère pas de publicité. Il peut donc tout dire et il dit tout avec le sourire. » 1925 le Canard enchaîné, ils revendiquent le fait de pouvoir être libre et donc d’utiliser l’humour. « Cette petite feuille gaie, satirique et roublarde, ce journal sans fil à la patte, frondeur, irrespectueux, impeccable » directeur du Crapouillot (autre journal) Avec de Gaulle, le journal a trouvé un adversaire à sa mesure ; ou plutôt il a trouvé le personnage dont la démesure offrait le plus de prises à son imagination satirique. Cinquième république : Les journalistes du Canard enchaîné présentent même comme « naturelle », l’évolution d’un journal de combat à un journal d’investigation, certains parlant même du passage d’un journal satirique à un journal d’investigation. Le Canard s’est adapté à son environnement. Il conserve son titre d’origine mais il serait plutôt aujourd’hui considéré comme un journal d’investigation. Pour synthétiser La caricature (façon d’énoncer en déformant souvent avec humour les traits de personnes ou de situations, sa tonalité est satirique) , la parodie et le burlesque (un art du décalage qui consiste à traiter un sujet noble en style bas) sont également de mise dans les pages du journal. Railler, tourner en dérision, tel est le but du journal. Un comportement entretenu depuis longtemps : le refus de l’esprit de sérieux a constitué le pivot de l’identité du journal jusqu’à nos jours. Tous les directeurs en ont réaffirmé l’importance. Gaieté, humour, comique, ironie, tous ces termes ont édicté des normes de langage et de mise en page, réglé des rites, dirigé des choix esthétiques, orienté toute une vision du monde. Rien de moins innocent donc que ces vaudevilles (genre de poésie légère et de composition dramatique) et ces revues, ces parodies et ces caricatures, mais un mode de représentation et d’identification d’une formidable puissance. On retrouve des formules paradoxales qu’affectionnent les gens du Canard enchaîné : « satire informative », information satirique », « un journal sérieux sur le fond, humoristique dans sa présentation »…citations de journalistes du Canard. « Il a l’image d’un journal amusant, satirique, qui utilise un langage codé, a probablement constitué un obstacle à sa prise en considération par les politologues ou les historiens. » Le Canard enchaîné ou les Fortunes de la vertu Histoire d’un journal satirique 1915­2000 de Laurent Martin Cependan, le Canard enchaîné est souvent mal pris en compte. Un silence l’entoure, on ne veut pas trop le prendre comme exemple, pas trop le citer. « Il a l’image d’un journal amusant, satirique, qui utilise un langage codé, a probablement constitué un obstacle à sa prise en considération par les politologues ou les historiens. » C’est lui­même qui ne veut pas trop faire étalage de lui­même. Il y a une répugnance des gens du journal à satisfaire la curiosité de ceux qui s’y intéressent. Quelques personnages qui ont marqué l’histoire du journal : Principaux journalistes Henri Béraud : Jean Cocteau : Jean Galtier­Boissière : René Buzelin : Pierre Laroche : Morvan Lebesque : Principaux dessinateurs Gassier : Laforge : Dépaquit : Guilac : Henri Monier : André Escaro : II ­ ANALYSES : Analyse des textes : → Tout d’abord le choix des titres n’est pas anodins et souvent provocateurs. « Une ultime bourde » : Kouchner à propos de l’attentat visant une cathédrale à Bagdad, « un pitbull à Matignon » : Contre Fillon par Yves Jego (ex ministre de Fillon) ; « Le double mur du çon » : rubrique qui a lieu toutes les semaines et qui commentent les absurdités dites par les politiques en général. → Les textes ne sont pas en reste : pour l’illustrer un extrait de l’article sur le Pole Emploi avec pour titre « Pôle emploi pas » : lecture Quel toupet dès le début de l’article, le ton est annoncé, l’ironie est employée. C’est la condition d’une femme qui a connu uniquement des contrats précaires pendant 8 ans et qui décide d’exiger un CDI. Le journaliste utilise donc l’ironie alors que l’on sait qu’il prend clairement le parti de la femme. Mais où va­t­on ? : Même procédé utilisé Surtout que son employeur s’est mis en quatre pour elle. Dans son immense générosité et en grand professionnel du reclassement (en parlant de Pôle emploi). L’ingrate a refusé ! à propos de la femme. A tout niveau l’ironie est employée. Analyse de dessins : → Un dessin de Mougey : Son titre : A la tête du G20. il représente Barack Obama, Sarkozy, Hu Jintao soutenant un globe terrestre. Sarkozy, minuscule au milieu des deux autres politiciens, se hisse sur la pointe des pieds pour atteindre le globe. Le dessin dénonce directement la taille du président, c’est un procédé de caricature qui est employé. Les deux autres politiciens sont eux aussi caricaturés. De manière moins visible, le dessin dénonce la position française face aux deux géants actuels à l’occasion du G20. Sarkozy qui dit sur ce dessin « ne lâchez pas », montre que qu’il a besoin de soutien. → Conclusion : En fait le Canard enchaîné ne peut véritablement se classer parmi les journaux humoristiques, puisque sa vocation première a toujours été la dénonciation et l’information avant l’amusement. La presse agit sur les esprits par la façon dont elle les présente ; dans le cas du Canard enchaîné, l’influence passe par le bon mot, l’image visuelle et textuelle, la dérision – peut­être les armes les plus efficaces de la persuasion ?