La presse durant la Première Guerre Mondiale

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La presse durant la Première Guerre Mondiale
La presse
durant
la Première Guerre Mondiale
Erniquin Laura
Hollin Marie-Elisabeth
Lycée Théophile Gautier
2014/2015
Durant la Première guerre mondiale, la France étant en conflit, l’État était régi selon le
principe de l'Union Sacrée. C'est un principe qui unit tous les partis politiques, religions, organes de
presse,… En effet le gouvernement avait pour but de ne faire qu'un de la population et de concentrer
son énergie et sa force dans la seule optique de la guerre. C'est une notion patriotique qui a été
instaurée le 4 août 1914 par le président de la République Raymond Poincaré qui en a profité pour
déclaré : «Dans la guerre qui s'engage, la France aura pour elle le droit, dont les peuples, non plus
que les individus, ne sauraient impunément méconnaître l'éternelle puissance morale. Elle sera
héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi l'union sacrée et qui
sont aujourd'hui fraternellement assemblés dan une même indignation contre l'agresseur et dans une
même fois patriotique».
Nous avons décidé d'axer notre étude sur la presse et les engagements prises par celle-ci.
A cette époque, toute la presse européenne était censurée. Cela consiste à un contrôle des
articles, des images et des informations dans leur globalité. Elle est plus ou moins présente et se
caractérise approximativement de la même manière.
En France, le plan de censure est baptisé Anastasie et a été mis en vigueur le 5 août 1914. Il
est donc interdit aux journalistes de parler des stratégies militaires, de faire état du nombre
d'armements ou du nombre de victimes. Ainsi, d'après le gouvernement, cela permet d'éviter de
donner à l'ennemi des informations sur les ressources militaires dont la France dispose. L'Etat pense
de cette manière éviter de perdre la guerre.
Après, derrière cet acte on peut y voir de la part du gouvernement une vonlonté de préserver
le moral de la population. Ce n'était pas une mauvaise chose en soit. En effet, dans la vision que les
politiques se faisaient du conflit, il devait durer 6 mois. Cela rejoint le fondement même de l'Union
Sacrée. En effet, lors d'un conflit, le chef du gouvernement se voit atribuer les pleins pouvoirs
( pouvoirs juridique, décitionnel et legislatif) durant 6 mois. La censure était en quelque sorte
obligatoire mais elle n'a pas su porter ses fruits. Toutes les dérives que cela a impliqué ( propagande
en autre) ont eut l'effet inverse de ce que les gérants de l'Etat espéraient, c'est à dire un apport positif
à l'élaboration de la victoire.
La censure gouvernementale dériva vite en une propagande de masse. Les journalistes
n'ayant pas accès au front, ils faisaient appel à leur imagination et créaient de fausses interviews ou
bien enjolivaient la réalité concernant l'atrocité des fronts par exemple.
La question que l'on peut se poser est pourquoi une telle démarche. On peut se dire que les
organes de presses ont agit de la sorte dans l'espoir de motiver les hommes et les femmes. Il est
important de rappeler en effet que ce conflit est une guerre totale, c'est à dire que tous les moyens
économiques ( économie de guerre), de production et de soldats au front sont mis en œuvre pour
gagner. Certes, on peut incriminer autant que l'on veux la presse, l'accuser de transgresser la
déontologie que le métier lui impose, mais avait-elle vraiment le choix ? Dans un contexte pareil, il
est parfois plus évident et plus «moral» de mentir que d'affronter une réalité douloureuse et qui
fragilise un pensée collective positive déjà mourante.
Nous allons nous demander quels ont été les engagements et motivations de la presse durant
la Première Guerre Mondiale, et dans quelle mesure celle-ci a-t-elle contribué à un retour à la paix
et à la démocratie ?
Dans une première partie nous verrons si c'est un changement brutal de mentalité ou
évolution de longue date, puis le cas emblématique de la presse satirique.
Comme nous l'avons déjà évoqué dans l'introduction de cette étude, la presse était soumise à
la censure comme un devoir envers le peuple et en la conscience collective. La question que l'on
peut se poser en revanche est pourquoi un soulèvement de celle-ci au bout d'un an et non plus tôt. Il
faut noter que la vérité vécu au front ne peux être raconter au famille déjà meurtrie de ce douter des
horreurs que vivent leurs proches aussi facilement que la théorie le voudrait.
Le premier journaliste mais aussi homme politique à avoir soulever le problème de la
politique abusive du gouvernement est Georges Clemenceau dans un article publié dans son journal,
La Doctrine du commandement. C'est aussi pour cela que ce journal, L'Homme enchaîné, fut
interdit durant près d'une semaine à la fin août. Clemenceau y développe clairement l'idée du rôle de
contre pouvoir que doit joué la presse, expliqué précédemment.
De la presse de province à la presse national, la renaissance de la liberté d'expression et son
rôle dans la démocratie ce fait alors ressentir.
Nous nous permettons une petite aparté pour expliquer le rôle indispensable de la presse
dans la démocratie. Les fondements de l’opinion publique se basent sur la capacité du peuple
citoyen à recevoir des informations de différents points de vues pour que chaque composante de
l'unité évoquée ici se construise une identité différente tout en ayant la capacité de pouvoir défendre
ses idées, créant ainsi une société cosmopolite permettant une pluralité décisionnelle pour l’état en
question. Le seul organe neutre permettant cette construction est la presse. Donc lorsque la presse
est meurtrie, c'est la démocratie toute entière qui se meurt. L'opinion publique, devenu malléable
par le commandement intérieur à l’état en question, se tourne inexorablement vers un régime
dictatorial.
A partir de début septembre, d'autres organes de presse traditionnelle ont pris le modèle de
Clémenceau, soit pour faire vendre ( comme les lecteurs désirent des informations réalistes cela
affecte positivement les ventes) ou tout simplement pour retrouver au plus vite une paix durable.
En définitive, l'évolution de la presse est avant tout un soulèvement de l’opinion publique
contre le gouvernement. Plus précisément encore le combat de la démocratie, symbole de paix
contre un gouvernement à tendance tyrannique et dictatorial, symbole de guerre.
Dans la suite de ce colloque, nous étudierons plus en détails la presse à caractère satirique,
avec l'étude du Canard enchaîné.
La presse satirique n'était pas un phénomène nouveau, elle était juste interdite car jugée trop
provocatrice à l'égard du gouvernement. Le combat que mène cet organe de presse vise la censure,
le conformisme par le «bourrage de crâne» et la propagande mise en vigueur par le gouvernement.
Par sa lutte, elle voulait dire par là que ce n'est pas aider le pays à retrouver sa liberté que de
publier des informations mensongères. Au contraire cela ne fait que l'entraîner dans un tourbillon
infernal d'une guerre sans fin.
Mais il est important de noter que l'on peut pas incriminer la presse traditionnelle
complétement. Car comme rappelé dans la première partie, les horreurs de la guerre ne peuvent être
contées comme cela. Sans une note d'humour, on s'expose aux risques d'ôter toute espoir de victoire
dans le cœur des gens ou pire encore de créer une révolte. Dans les deux cas, la victoire est plus
qu'incertaine. De plus, rire n'était pas la priorité en temps de guerre.
Or rire est le propre de l'homme, donc on peut se dire que la population se servait de la
presse satirique comme d'un purgatoire à la haine de l'ennemie, la haine de la presse et par extension
la haine du gouvernement.
Il existe de nombreux journaux ayant cette vocation mais nous avons jugé qu'il était
préférable de travailler sur un seul : Le Canard enchaîné.
Le canard enchaîné, est un quotidien satirique créé 2 fois, le 10 septembre 1915 et le 5
juillet 1916 par Maurice et Jeanne Maréchal avec la complicité de Victor Smell et le dessinateur HP Gassier. Il portait comme slogan «La liberté de la presse ne s’use que quand on ne s’en sert pas».
Ce journal se veut «pacifiste», «anticlérical» (opposé au clergé et à son influence dans la société) et
«antimilitariste».L'appellation canard vient de l'argot qui signifie journal mais aussi fausses
nouvelles lancées dans la presse. L'hebdomadaire a tellement eu de succès après sa deuxième
naissance, qu'en quelques semaines, la rédaction pouvait se passer de commanditaire et de publicité.
Les journalistes recrutés savent parfaitement jouer avec les mots et s'amusent à critiquer les abus
des hommes politiques ou plus généralement des gens qui ont une très forte influence.
La rédaction se dit à l'écart de toutes les organisations politiques et économiques, même si elle est
très légèrement à gauche. Le Canard enchaîné, est le seul journal créé pendant le Première Guerre
Mondiale qui traversa les époques. Dès son premier numéro, le journal prétend donner «toutes les
fausses nouvelles du monde entier, transmises de Berlin par fil barbelé».
Pour assurer la véracité des informations, Le Canard Enchaîné passa une alliance avec
l'agence de presse allemande Wolf, action interdite par le gouvernement français de l'époque et
jugée d'acte de haute trahison.
Le premier article de celui-ci est intitulé Coin, Coin, Coin.
A la première lecture on peut clairement identifier un acte d'accusation visant d'une part la
presse servant d'outil de propagande. La première étant aux lignes 1 et 2 : «traditions journalistiques
établies jusqu'à ce jour» et la seconde aux lignes 8 et 9 «La déplorable manie du jour». Il faut
entendre par cela, les idées de censure et d'abolition de la liberté d'expression que la presse s'impose
à elle même dans une certaine mesure. La liberté, sentiment disparu dans les abysses ténébreux des
tranchées et dans le sang versé par les hommes gisant dans la boue, est aussi mythifier avec
l'expression «la liberté grande» comme un symbole à sauver car l'abandon de la liberté est
l'abandon de l'humanité et de la conscience universelle. On peut noter aussi que le journal s'auto
déclare de «petit format». Cela est une manière pour la direction de la rédaction d'exprimer haut et
fort sa volonté de ne dire que la vérité et par conséquent de créer un pacte de confiance entre eux et
les lecteurs.
Les termes «ce genre de plaisanterie» et des «nouvelles rigoureusement inexactes» se font
écho. Elles désignent toutes deux les canards (en argot des nouvelles fausses mises sur la presse).
L'article finit par «nos plus sincères condoléances» qui est une attaque visée contre la presse
traditionnelle. Il sous entend par là que le public finirait par se tourner vers eux, délaissant de ce fait
la presse conformiste et censurée.
Le terme d'«engagement sur l'honneur» (l.8) se moque doucement de l'Union Sacrée et de sa
politique belliqueuse mise en place jusqu'à lors. Celle-ci se basant sur «l'amour de la patrie», la
«soumission à l'autorité» et l'«union de tous pour la même cause, la guerre», nous sommes bien loin
ici des valeurs qui se veulent républicaines (liberté de la presse et des idées individuelles ou bien
alors pluralité des partis politiques). Idée paradoxale en effet car le gouvernement de ce temps se
déclarait démocratique. A cette époque donc, les soldats devaient se battre pour cet honneur national
souillé par l'ennemi germanique.
Le Canard Enchaîné se veut aussi en quelques sortes «international» pour permettre une
véracité dans les informations qu'il publie. On peut y voir ainsi une lointaine référence à la politique
de recrutement britannique basée sur le volontaria.
Tout l'article, le journal, ainsi que le reste des numéros sont emplis d'une ironie, qui est au
fondement même de ce type de presse.
Le canard enchaîné se permet ainsi de prendre plus de libertés en contournant les principes
posés par la politique et en renforçant au contraire les règles de mises et ce jusqu'au ridicule. Ils
utilisent en effet un vocabulaire qui en aucun cas ne va à l'encontre des politiques gouvernementales
puisque la vérité est la principale valeur défendue par les jounalistes.
Pour conclure, la presse satirique était un bon moyen pour la population française d'avoir des
informations justes sur l’état des fronts et une critique, sur le ton de l'humour du gouvernement et
de la presse du pays.
Cela est aussi une preuve que la presse, même en temps de guerre, trouve le moyen de jouer son
rôle de contre-pouvoir en permettant ainsi, un retour de la démocratie plus ou moins long.
En définitive, la censure gouvernementale était une entrave à la liberté d'expression et au
rôle de contre-pouvoir de la presse. Pourtant, on ne peut pas totalement incriminer l'Etat d'avoir agit
comme cela, en effet, on ne peut pas tout dire dans les journaux en temps de conflit, d'une part, pour
ne pas informer l'ennemi sur l'état de l'armée et, d'autre part, pour garder un sentiment d'espoir dans
l'inconscient collectif.
La dérive de la presse vers une propagande de masse était quant à elle, malgré ce que la presse ellemême en pensait, un acte antipatriotique. En effet fournir à la population de fausses informations
servant la guerre étaient une action qui favorisait la poursuite du conflit. Mais on ne peut pas
entièrement accuser cet acte car en ce début de conflit la population avait besoin d'utiliser la presse
en tant que purgatoire pour se moquer de l'ennemi. Pourtant après un an de guerre la mentalité
individuelle rejoignit une mentalité collective qui était un retour à la paix. Ce que la population
désirait alors de la presse était une critique juste de ses "erreurs" comme la censure ou bien la
propagande, et de celles du gouvernement. Clemenceau l'ayant compris rédigea alors la Doctrine du
Commandement qui fut le début de la rennaissance de la presse au sens démocratique du terme.
A partir de cet été 1915 et jusqu'à la fin du conflit la presse était plus un outil pour combattre la
guerre, séparé du gouvernement, mais tout en restant très lié à cause des lois toujours en vigueur. La
presse satirique tout comme les journaux de front sont deux organes qui malgré leurs différences se
rejoignent par leur volonté de faire passer un message de paix et de véracité quant à l'état des fronts,
sur le ton de l'humour. En un mot, on peut considérer que le gouvernement de la première Guerre
Mondiale avait des caractéristiques dictatoriales si l'on s'en réfère à l'évolution de la presse dans une
première partie. Mais qui au fur et à mesure de la guerre retrouva ses caractéristiques d'Etat
démocratique, surtout à la fin du conflit.
ANNEXES
L'Homme Enchaîné, mercredi 11 août 1915 : La doctrine du commandement
Dans tous pays en guerre, il y a, de nécessité, une question du commandement militaire qui
se trouve posée, à toute heure, par les événements. Je ne vois pas pourquoi il serait interdit aux
français de l'envisager, à la seule condition de la traiter avec la mesure commandée par les
circonstances. Quoiqu'en dise le pape, il n'est point d'homme infaillible. La meilleure garantie
contre les fautes d'un chef est dans la libre appréciation de ses supérieurs, c'est à dire de ceux dont
la responsabilité se trouve engagée de ce fait qu'ils l'ont choisie et le maintiennent dans ces
fonctions.
Si j'aborde ce point délicat, aujourd'hui, après beaucoup d'hésitations, c'est que les
prochaines opérations militaires peuvent avoir une très grande importance et que je voudrai, avant
tout, que des fautes de préparations et de coordinations ne fussent pas renouvelées. Le lecteur verra
que je ne poursuis aucune campagne personnelle. Je n'ai point de question de personne à soulever.
Si l'on veut seulement faire le nécessaire pour prévenir le retour d'erreurs qui sont suffisamment
connues en haut lieu et sur lesquelles il serait dangereux de s'appesantir, j'aurai toute satisfaction.
Je n'ai de candidats à aucun poste. J'ai parlé du maréchal Joffre avec éloge, comme nous
l'avons tous fait, dans le désir de lui apporter le soutien de la confiance publique. Il va s'en dire que
je n'ai pas entendu en faire un fétiche tombé du ciel, et que je m'inspire uniquement de l'intérêt
national, lorsque je me permets des critiques très modérées, qui vont à l'adresse des gouvernants.
Il est arrivé souvent à la commission sénatoriale de l'armée que le ministre de la guerre, ou
le président du conseil, interrogé sur un point particulier de l'organisation militaire (qu'on prenne
garde que je ne parle pas de l'action militaire), aient cru pouvoir nous fermer la bouche par ce mot :
« Ceci regarde le commandement. »
Je ne crois pas qu'il y ai de conception de gouvernements plus fausses, plus dangereuses
pour le salut public. C'est ce qui fait qu'un jour, où l'épreuve était vraiment un peu trop sévère, j'ai
cru devoir faire entendre une protestation. Je me suis expliqué avec une entière franchise. En
quelques paroles brèves, j'ai même dit le principal de ce que j'avais sur le cœur, et, sur aucun point,
M. le président du conseil (seul ministre présent) n'a tenté une réfutation. Afin d'éliminer une erreur
de principes, je voudrai simplement essayer aujourd'hui de remmener des esprits incertains à une
plus simple appréciation des responsabilités.
Ce mot là doit avoir un sens, puisque nous en faisons tant de tapage. Au vrai, il vaut
exactement ceux qui le mettent en œuvre. C'est ce qui fait que nous voyons s'évaporer
magiquement, tous les jours, la charge des responsabilités constitutionnelles que le triomphe de la
République est d'avoir proclamées, mais qui ne sont qu'une plume au vent, s'il ne se trouve point
d'homme pour les appliquer. Je ne vais point m'égarer en ce vaste domaine. Je traite uniquement
aujourd'hui – parce que l'inertie du gouvernement a rendu cet examen indispensable – le problème
des relations constitutionnelles du haut commandement militaire et du gouvernement.
Lorsque les représentants du gouvernement civil nous allèguent, en se faisant un bouclier de
leur incompétence, qu'ils s'interdisent toute appréciation dans un certain domaine qui leur a plu de
réserver (en l’élargissant autant qui leur a pu convenir) au chef subordonné ils se déchargent ainsi, à
trop bons comptes, de leur responsabilité maîtresse ; mais ils méconnaissent la loi primordiale de
leur pays, ils manquent à leur devoir essentiel, sans qu'il en puisse résulter aucun avantage d'autorité
morale ou d'efficacité militaire pour le commandement.
Car se serait, en vérité, une conception un peu trop rudimentaire que celle qui réduirait les
pouvoirs du gouvernement au choix d'un commandant en chef qui, dès lors, deviendrait, sans
contrôle possible, omnipotent, maître absolu des destinées du pays. Je comprends très bien le
bénéfice que quelques uns voudraient retirer de cette généralisation d'irresponsabilité. En cas
d'échec, facile réponse : « Ce n'est pas moi c'est lui. » En cas de succès l'exclamation de la fourmis
sur la corne du bœuf remmenant sa charrue : « Ma commère nous devons labourer. »
Ce n'est pas si simple. Le grand duc Nicolas, que c'est insuccès passagers n'ont point
diminués comme stratège, et apparemment sous l'autorité du tsar Nicolas II. Le tsar chez nous –
c'est à dire la toute puissance hors de laquelle aucune nation ne peut s'organiser – et représentée par
la volonté du pays, constitutionnellement exprimée. Que ce soit un bien ou un mal, cela est ainsi, et
je ne suppose pas qu'en pleine guerre quelqu'un nous propose ouvertement de retourner à
l'autocratie que nous voyons, de nos yeux, se démocratiser, à la Douma, pour donner à la défense
nationale son maximum d'intensité.
Qu'en résulte-t-il donc ? C'est que le pouvoir d'exécution, par l'entremise de la représentation
nationale (qui choisit librement le président de la République en personne), se trouve remise aux
mains de ministres qui lui doivent compte de toute chose à tous moments. L'exercice de leur autorité
est conscrit dans un domaine déterminé sous le contrôle des Chambres et de l'opinion publique
s'exprimant par la liberté de parler et d'écrire (ô souvenirs d'antan ! - la représentation nationale
étant le seul pouvoir à qui la décision finale appartienne sans contradiction. Elle est maîtresse des
ministres qui sont maîtres de tous leurs subordonnés.
Que pour le choix et le maintien du chef à qui reviendra la charge du haut commandement
militaire, la puissance supérieure du gouvernement d'abord, et du parlement ensuite, ne doivent
exercés, surtout en tant de guerre, qu'après un très prudent examen, et même une discrétion toute
particulière, c'est sur quoi nous serons tous aisément d'accord. Cependant, plus la doctrine que je
présente ici est impersonnelle, plus j'ai le droit d'affirmer qu'aucun ministre, aucun président de la
République n'a le droit d'opposer à la représentation nationale cet insoutenable déclinatoire : « Ceci
est du commandement. » Car ce qui est du commandement et du gouvernement et, par voie de
conséquence, du Parlement qui, seul, a le droit de décider au nom du pays.
Il n'en est pas moins vrai que, par l'effet inéluctable des difficultés que rencontre, en ce
moment, le libre exercice du droit parlementaire, et grâce principalement à la suppression de la
liberté de la presse, ce régime d'un gouvernement abandonnant ses pouvoirs (qui sont ceux du pays
lui même) à un subordonné, s'est établi, chez nous, aux dommages de nos instituions politiques,
aussi bien qu'un d'un relationnel conduite de l'action militaire.
Le général Joffre eût-il été un ange – et nous avons appris, par l'exemple de Satan, que les
anges eux même peuvent choir – qu'il ne se fut pas bien trouver du régime d'irresponsabilité totale,
auquel, volens, nolens, la faiblesse de nos gouvernants l'ont présentement condamné. La
République a voulu que nul pouvoir ne fusse sans le contrôle d'une autorité. Nos présents maîtres
ont installés un régime directement contraire, et cela, n'ont pas même de leur volonté, mais de leur
absence de volonté.
Rien de plus fâcheux pour le pays, puisque la base au sommet toutes nos institutions s'en
trouvent faussées, et, par là, toutes nos garanties de cet ordre social que nous sommes si fiers de ne
plus concevoir sans la liberté. Rien de plus fâcheux pour l'établissement d'une confiance raisonnée
autrement puissante, surtout dans la durée, que la sorte de fétichisme, renouvelés des tribus
primitives, dont le culte nous est offert pour ressource suprême d'un peuple qui combat pour exister.
Rien de plus fâcheux pour le soldat lui-même, qui ne peut commander légalement qu'après avoir été
commandé. Rien de plus fâcheux pour une chef militaire qui, - fût-il de génie comme Napoléon - a
besoin, comme toute créature humaine, de se sentir contenu dans les limites d'une actions
déterminée. Rien de plus fâcheux pour la défense nationale elle-même, qui veut qu'une critique
sage, mais attentive, puisse, à toute heure, s'exercer.
L'incompétence du pouvoir civil est fort loin d'être absolue. Comme le disait M. de
Freycinet, qui n'est pas général, et s'entend, toutefois, aux choses de la guerre, la stratégie ellemême est soumise aux lois du bon sens. Dans toutes les matières de la connaissance et de l'activité
humaines nous avons tous besoin d'une résistance à nos tentation d'infaillibilité. En ce sens je peux
dire, sans le blesser, que rien ne fut et n'est encore plus fâcheux pour le général Joffre que
l'établissement d'un régime de presse qui permet de le couvrir de fleurs sans autoriser des critiques
qui pourraient être, à certaines heures, d'un salutaire avertissement.
La censure qui lui a rendu ainsi un plus mauvais office qu'à nous-même. Pour moi, avec ou
sans censure je n'aurai rien dit de moins ni de plus, en ce qui le concerne, que je n'ai fait. Je crois
qu'il s'est trompé souvent, mais tout ce qu'il pourra faire, pour appeler, pour justifier ma confiance,
me remplira de joie, car rien n'est si désirable, dans le moment actuel, que de pouvoir s'appuyer sur
un chef consciencieux, prudent et résolu.
Cependant, cette confiance, elle ne vaut, n'est-il pas vrai, qu'en raison de la pleine liberté de
l'esprit par lequel le jugement est rendu. Cette liberté là, ni de M. Poincaré, ni M. Viviani, ni M.
Millerand ne peuvent nous l'enlever. C'est elle seule qui fait la force de celui qui la donne et de celui
qui en est l'objet. Et plus elle se sentira indépendante, et plus elle sera durable, même aux heures
mauvaises, tandis que des enthousiasmes irréfléchis s'évanouiraient au premier revers, - laissant tout
à coup le pays sans cohésion, sans direction.
Voilà ce que nous avons tous le même intérêt à éviter. Les épreuves qui nous attendent ne
sont point inférieures à notre courage. Il nous appartient d'en apporter le témoignage par une liberté
de jugement qui n’exclue pas tout – bien au contraire – la maturité des réflexions. C'est dans ce
sentiment que je parle et que je parlerai.
G. CLEMENCEAU.»
Une du Canard Enchaîné, vendredi 10 septembre 1915
« Le Canard enchaîné, vendredi 10 septembre 1915 : Coin ! Coin ! Coin !
Le Canard Enchaîné a décidé de rompre délibérément avec toutes les traditions
journalistiques établies jusqu'à ce jour. En raison de quoi, ce journal veut bien épargner, tout
d'abord, à ses lecteurs, le supplice d'une présentation.
En second lieu, Le Canard enchaîné prend l'engagement d'honneur de ne céder, en aucun
cas, à la déplorable manie du jour.
C'est assez dire qu'il s'engage à ne publier sous aucun prétexte, un article stratégique,
diplomatique ou économique, quel qu'il soit.
Son petit format lui interdit, d'ailleurs, formellement, ce genre de plaisanterie.
Enfin, le Canard enchaîné prendra la liberté grande de n'insérer, après minutieuse
vérification, que des nouvelles rigoureusement inexactes.
Chacun sait, en effet, que la presse française sans exception ne communique à ses lecteurs,
depuis le début de la guerre, que des nouvelles implacablement vraies.
Eh ! bien, le public en a assez. Le public veut des nouvelles fausses... pour changer.
Il en aura.
Pour obtenir ce joli résultat, la Direction du Canard enchaîné, ne reculant devant aucun
sacrifice, n'a pas hésité à passer un contrat d'un an avec la très célèbre Agence Wolff qui lui
transmettra, chaque semaine, de Berlin, par fil spécial barbelé, toutes les fausses nouvelles du
monde entier.
Dans ces conditions, nous ne doutons pas un seul instant que le grand public voudra bien
nous réserver bon accueil, et, dans cet espoir, nous lui présentons, par avance et respectueusement,
nos plus sincères condoléances. »
SOURCES
http://lecanardenchaine.free.fr/presentation.html
http://labaionnette.free.fr/1916/page1916.htm
http://tpegroupe4.e-monsite.com/pages/content/documents/la-propagande-pendant-lapremiere-guerre-mondiale.html
http://www.humanite.fr/dans-lhumanite-du-mercredi-29-juillet-1914-548405
http://expositions.bnf.fr/presse/grand/pre_070.htm
http://www.google.fr/url?url=http://www.operavenir.com/cours/docs/La%2520Presse
%2520durant%2520la%2520premi%258Are%2520guerre
%2520mondiale.doc&rct=j&frm=1&q=&esrc=s&sa=U&ei=hJFcVIDMA4XZaorRgMAF&ved=0CBQQFj
AA&usg=AFQjCNG5XRT_zMhZovAu5g-WOt2xV8XScA
L'Est républicain, dimanche 31 octobre 1915
Le Canard enchaîné, vendredi 10 septembre 1915
Le Gaulois, vendredi 13 août 1915
L'Action française, jeudi 2 septembre 1915
L'Homme Enchaîné, mercredi 11 août 1915
Excelsior, jeudi 1 avril 1914
Excelsior, lundi 29 mars 1914
Les journaux de guerre
Daily mail
L'Encyclopédie de la Grande Guerre (2008), Demory & Co, Éditions E/P/A-Hachette Livres
La Censure, militaire et policière, 1914-1918 (1999), Maurice Rajsfus, Le Cherche Éditeur

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