Une fusion tout bénéfice - Institut économique Molinari

Transcription

Une fusion tout bénéfice - Institut économique Molinari
4
Économie
mardi 26 juin 2007
Une fusion tout bénéfice
Le chiffre du jour
La fusion entre Arcelor et Mittal Steel est particulièrement rentable pour les actionnaires. Mais les spécialistes redoutent toujours le choc des cultures de management.
Durant toute la semaine, Le Quotidien revient sur la fusion entre Arcelor et Mittal. Une fusion que les
actionnaires ne doivent pas regretter, avec un titre en hausse
régulière depuis un an.
«C'est une réussite!». Didier Cornardeau, président de l'Association
des petits porteurs actifs (Appac), cache difficilement sa satisfaction
quand on lui parle de la fusion entre
Arcelor et Mittal Steel. Et pour
cause. L'an dernier, il a été, à la tête
de son association, un partisan
acharné de l'OPA de Mittal Steel sur
Arcelor. «On avait raison», résume-t-il. «Les chiffres sont là,
c'est une réussite indéniable. Les
actionnaires ont fait une belle
croissance».
Pour Didier Cornardeau, cette
réussite s'explique par le fait que
Lakshmi Mittal est un entrepreneur
et non un financier. «Il a un vrai
projet industriel», souligne le président de l'Appac. «Mittal connaît
parfaitement son secteur. D'ailleurs, les résultats à venir sont encore meilleurs».
Même si le magnat de l'acier n'a
annoncé aucune croissance externe
du groupe dans l'immédiat, préférant se concentrer sur la fusion et la
recherche de marges, Didier Cornardeau voudrait le voir repartir à la
conquête d'autres groupes rapidement. «Je suis certain que ce n'est
pas fini», affirme-t-il. «Le marché
de l'acier est encore éclaté. Il y
aura d'autres OPA, c'est une démarche indispensable. Une société sans projet de croissance est
condamnée au déclin. On lui a
dit, il sait qu'il a notre soutien».
Du fil à retordre
aux Chinois
ArcelorMittal pousse ses pions en
Chine. Selon la presse indienne, le
premier aciériste mondial vient de
signer un accord pour racheter la
majorité d'une société chinoise de
fils d'acier, Rongcheng Chengshan
Steel Cord Co. dans la province de
Shandong.
La société est spécialisée dans les
fils d'acier intégrés aux pneus automobiles, dont elle produit 60 000
tonnes par an. Cette acquisition de
petite taille représenterait un investissement de 27 millions de dollars
pour ArcelorMittal.
Marché robuste pour
les produits plats
Photo : ap
Il y a quelques jours, Lakshmi Mittal visitait la Bourse de New York. Il a dû s'y sentir comme chez lui.
d'analyse financière, on aimerait un
peu plus de «modernité» à ce niveau.
«À partir d'un moment, le régime
clanique n'est plus possible», estime le président de Proxinvest,
Pierre-Henri Leroy. «L'an dernier,
nous estimions que les dirigeants
d'Arcelor avait perdu le contact
avec les investisseurs. Mais, sur le
fond, nous redoutions que les principes modernes de gouvernance ne
«L'OPA discipline les dirigeants d'entreprise»
Docteur en économie, Cécile Philippe dirige l'Institut économique
Molinari, à Bruxelles.
Le Quotidien : L'an dernier, l'OPA de
MIttal Steel sur Arcelor a été très
mal accueillie. Tant par les dirigeants
du groupe Arcelor que par le pouvoir
politique. Les OPA sont-elles vraiment un danger?
Cécile Philippe : Non. Je dirais
même que sur le marché, les offres
publiques d'achat ont un rôle extrêmement important à jouer. Et la
vive polémique qui a entouré cette
C'est le pourcentage de variation
positive de l'action ArcelorMittal
depuis le 1er janvier 2007. Au
cours de l'année écoulée, l'action
a été cotée au plus bas à 23 euros
et au plus haut à 50,08 euros.
Certains experts, comme UBS, la
situent aux alentours de 56 euros
et sont susceptibles de revoir à la
hausse leurs prévisions pour
2008.
Q Les échos
La gouvernance
en question
Bref, l'euphorie ne devrait pas s'arrêter de sitôt. Et ce, même si certains
reprochent à Lakshmi Mittal et à sa
famille de truster les postes de décision au sein du nouveau groupe.
«Peu importe», lâche Didier Cornardeau. «Je préfère les gens qui mettent leur nom et leur argent en jeu
plutôt que des managers placés,
qui ne risquent rien et qui partent
avec des parachutes dorés».
Et pourtant... Le patron à l'ancienne, qui décide de tout, ça ne
plaît pas à tout le monde. Et la notion de gouvernance d'entreprise de
Lakshmi Mittal n'échappe pas à la
critique. Chez Proxinvest, important cabinet parisien de conseil et
50,47
OPA n'a fait qu'obscurcir le débat.
C'est dommage.
Comment définiriez-vous ce «rôle
important» des OPA?
C'est simple : les OPA sont un outil indispensable pour discipliner
les dirigeants d'entreprise. Les
grandes entreprises rassemblent
différentes unités, branches ou départements dont certaines peuvent être plus profitables que d'autres. Il revient alors aux managers
d'identifier les branches rentables
de celles qui ne le sont pas. S'ils
faillissent à cette tâche, ils risquent de mettre fin à leur emploi
en étant rattrapé par un concurrent qui aura su discerner les problèmes et ne tolérera pas qu'ils
subsistent.
C'est ce qui s'est passé avec Arcelor?
Oui. En faisant connaître publiquement aux actionnaires d'Arcelor son souhait d'acquérir leurs titres, M. Mittal a révélé au marché
qu'il pensait connaître des recettes
plus efficaces pour gérer Arcelor.
Par conséquent, on a ainsi appris
que les anciens dirigeants de la so-
ciété ne géraient pas nécessairement l'entreprise de la façon la
plus rentable. Lakshmi Mittal est
l'un des acteurs les plus dynamiques dans le secteur de l'acier. À
plusieurs reprises, il a montré sa
capacité à innover. Il n'a jamais hésité à investir là où les autres sidérurgistes n'allaient pas. Ses
prouesses dans le domaine de la
sidérurgie et son intérêt pour Arcelor pouvaient laisser penser qu'il
avait aussi trouvé dans le cas de
cette entreprise des méthodes innovantes de management capables d'améliorer la rentabilité de
l'entreprise.
Le pouvoir politique avait-il à intervenir dans cette opération?
Non. En rendant plus difficile le
rachat des entreprises, le pouvoir
politique nuit au processus de
transfert de la propriété et du
contrôle du capital dans des mains
plus expertes. Ce processus est
peut-être redouté par les personnes en place, mais il est toujours
favorable aux actionnaires et au
plus grand nombre des consommateurs.
soient pas respectés par Mittal. S'il
n'adopte pas une gouvernance
moderne, Mittal va perdre le soutien des marchés». Mais d'ici là, les
petits actionnaires auront bien profité.
ArcelorMittal prévoit un marché
robuste pour les produits plats en
Europe au second semestre 2007.
Mais le premier sidérurgiste mondial affirme qu'il conservera son actuelle structure de prix pour les produits plats en Europe au troisième
trimestre. «Malgré une croissance
économique robuste en Europe de
l'Ouest, un marché des produits
sidérurgiques florissant en Europe
de l'Est et des tensions croissantes
sur les marchés du minerai de fer
et de la ferraille, nous n'avons pas
l'intention d'augmenter nos prix
au troisième trimestre, afin de
maintenir un environnement de
marché stable pour nos clients et
un niveau de stocks raisonnable»,
a déclaré Christophe Cornier, patron de la division Plats Carbone Europe.
Textes : Noël Labelle
La colère de Colette
La présidente de l'ADAM, Colette Neuville,
est en guerre contre Lakshmi Mittal.
Au plus fort de l'OPA de Mittal
Steel sur Arcelor, Colette Neuville,
présidente de l'Association de défense des actionnaires minoritaires,
était un caillou dans la chaussure de
Guy Dollé, ancien PDG du groupe
luxembourgeois. Aujourd'hui, Colette Neuville n'est toujours pas calmée. Mais, cette fois, c'est le milliardaire indo-britannique qui est l'objet de son courroux.
Dernièrement, elle a envoyé à
l'Autorité des marchés financiers
(AMF) une demande afin d'ouvrir
une «enquête formelle» contre la
firme pour «non-respect de ses engagements» dans le cadre de la fusion entre les deux entreprises.
La raison de la colère? La proposition faite aux actionnaires minoritaires pour finaliser la fusion est nettement moins intéressante que l'offre de 2006 dont ont profité les autres actionnaires. Celle-ci proposait
d'échanger 7 actions Arcelor contre
11 actions Mittal. Aujourd'hui, le
groupe n'offre que 7 actions Arcelor
pour 8 actions Mittal. Selon Colette
Neuville, cela représente un manque à gagner de 30 %.
«C'est un préjudice important
pour les actionnaires», expliquet-elle. «À mes yeux, il y a un glissement de la définition de parité
dans la fusion».
Bref, ce que veut Colette Neuville,
c'est que le magnat de l'acier respecte les engagements pris en juin
dernier. Sauf que... Du côté de chez
Mittal, on voit la chose autrement :
la nouvelle offre correspond à l'évolution du contexte. Et comme le titre a gagné 60 % en un an, on estime
que les actionnaires ne sont pas perdants. Une façon comme une autre
d'empêcher les coups de bourse tardifs de certains petits actionnaires.
«Ce n'est pas parce que le titre a
monté que la parité promise ne
doit pas être respectée», lâche Colette Neuville. «Il serait injuste que
les actionnaires de Mittal aient
plus que ceux d'Arcelor». Question
de point de vue.