Dossier AFUI : MITTAL et ARCELOR – 25 mars 2006

Transcription

Dossier AFUI : MITTAL et ARCELOR – 25 mars 2006
1
Dossier AFUI : MITTAL et ARCELOR – 25 mars 2006
2
MITTAL et ARCELOR
Après un historique de chaque Groupe, nous décrirons la situation actuelle de
l’offre d’achat d’Arcelor par Mittal.
MITTAL STEEL
La carrière internationale de Lakshmi Mittal – âgé aujourd’hui de 56 ans –
commença en 1976 quand son père, un petit industriel de l’acier, lui confia la
gestion de leur première usine à l ‘étranger, située en Indonésie. Son père
lui vendit ensuite cette affaire, qui allait former la base de son futur empire.
En 1989, Lakshmi Mittal prend en location gérance une aciérie à Trinidad &
Tobago, qu’il modernise. Il en triple la production en 15 ans, avant de la
racheter en 1999.
Pendant les années qui vont suivre, Mittal fait la preuve de ses qualités
managériales à racheter des aciéries d’état en perte et à les transformer en
entreprises rentables, principalement par l’augmentation de la productivité et
le développement du contrôle qualité. C’est le cas au Mexique ( 1992 ), au
Québec (1994), en Allemagne et au Kazakhstan (1995). Cette dernière
entreprise devient profitable en un an ; en 9 ans sa production est doublée
et 800 millions $ sont investis.
En 1997, une des deux holdings de Mittal, ISPAT International, est cotée à
Amsterdam, tandis qu’il rachète deux sociétés en Allemagne au groupe
Thyssen. En 1999, c’est à… Usinor qu’il rachète la société française Unimétal.
En 2001, nouvelles acquisitions en Algérie et en Roumanie. L’année suivante
un accord d’assistance est conclu avec le gouvernement sud-africain pour le
redressement d’une société, rachetée trois ans plus tard.
Dossier AFUI : MITTAL et ARCELOR – 25 mars 2006
3
L’année 2003 voit le rachat au gouvernement tchèque des célèbres aciéries
de Nova Huta, société rentabilisée dans l’année. L’année suivante, c’est le
tour de la plus grande aciérie de Pologne, d’une affaire en Bosnie et d’une
autre en Macédoine.
L’année 2004 marque également un tournant : fusion d’ISPAT, société cotée
( contrôlée à 70 % par Mittal ), et LNM Holdings qui appartient totalement à
la famille. L’ensemble, nommé Mittal Steel (société de droit néerlandais),
rachète alors pour 4,5 milliards $ le groupe américain ISG (International
Steel Group), et devient ainsi le leader mondial. Ses actifs se répartissent
ainsi : 30 % en Amérique du Nord, 30 % en Europe, 40 % en Asie et en
Afrique.
Aujourd’hui, la capitalisation boursière de la société est de 21,5 milliards $,
avec un PER de 7,4. La famille Mittal possède 88 % du capital.
Le groupe emploie 225.000 personnes, de 40 nationalités.
Mittal Steel est coté à New-York, Euronext.
LES RÉSULTATS DES DEUX GROUPES
MITTAL
ARCELOR
(en millions $)
(en millions €)
2001 :
-312
- 559
2002 :
49
- 186
2003 :
1.182
257
2004 :
4.701
2.314
2005 :
3.365
3.846
(source : Bloomberg)
Dossier AFUI : MITTAL et ARCELOR – 25 mars 2006
4
ARCELOR
Si le groupe Arcelor est né en février 2002, son histoire est beaucoup plus
ancienne.
Pour la partie française, Usinor et Sacilor furent nationalisées en 1977 (par le
gouvernement Barre), dans
des conditions plutôt favorables pour ses
actionnaires d’alors. En effet, l’Etat assumait l’endettement des deux sociétés
et lançait des réductions drastiques d’effectifs.
En 1986, le gouvernement Chirac nomme Francis Mer PDG d’Usinor. Cette
nomination est accompagnée de 10 milliards de subventions ; 70.000
emplois sont supprimés.
En 1995, Usinor est fusionnée avec Sacilor puis privatisée pour une valeur de
10 milliards € ; 55% du capital est alors dans les mains d’investisseurs
étrangers.
Deux ans plus tard, en 1997 Dominique Strauss-Kahn, ministre de Lionel
Jospin, vend le solde (7,7 %) des actions encore possédées par l’Etat.
Le groupe Arcelor est né en février 2002 (gouvernement Jospin), de la fusion
de trois sidérurgistes européens : Aceralia (Espagne), Arbed (Luxembourg)
et Usinor.
Le Groupe est un opérateur de premier plan sur ses grands marchés :
l'automobile, la construction, l'électroménager, l'emballage et l'industrie
générale.
Sa présence en Amérique du Nord étant insuffisante, le groupe lança en
2005 une OPA hostile sur le canadien Dofasco, qu’il remporta contre Thyssen
pour la somme de 4 milliards € (PER : 32).
Aujourd’hui, le groupe a un chiffre d’affaires de 32,6 milliards €, et emploie
96.000 collaborateurs (dont 78.000 dans l’Union européenne).Sa
capitalisation boursière est de 20 milliards € (PER : 5.2).
Arcelor ne dispose pas d’un noyau dur d’actionnaires : l’actionnaire le plus
important, l’État luxembourgeois a 5,6 % du capital. Il est suivi par la
Corporation JMAC ( Espagne) avec 3,5 %, et par la Région wallonne avec 2,
4 %, le personnel ayant 1,9 %. S’y ajoute environ 4% d’autocontrôle. Plus
de 80 % du capital est dans le public ou chez des fonds de placement.
Arcelor est coté à Paris, Bruxelles, Madrid, Luxembourg.
Dossier AFUI : MITTAL et ARCELOR – 25 mars 2006
5
LES AIDES PUBLIQUES
•
ARCELOR : Depuis 81, pour sauver la sidérurgie par des
réductions de personnel et de production, la France a dépensé
15 milliards € ( 80 % ont été consacrées à l’accompagnement
social) Si l’on ajoute les sommes engagées par le Luxembourg et
l’Espagne on atteint 23 à 25 milliards € au total.
•
MITTAL: aides de la BERD ( Banque Européenne pour la
Reconstruction et le Développement) : 45 millions € en 95 pour
le Kazakhstan ; crédit de 62.5 m $ pour rachat usine Sidex en
2001.Pour la Bosnie et la Macédoine : 25 millions € à chaque fois
(soit environ 100 millions € d’aides et 125 de prêts). Il faut
ajouter les aides publiques des états à leurs vieux combinats
presque en faillite. Tchéquie : 300 millions € pour 3 aciéries dont
Nova Huta.
L’OFFRE de MITTAL SUR ARCELOR
Le 27 janvier 2006 Mittal Steel annonçait son projet d’offre pour racheter le
groupe européen Arcelor. Cette offre valorise Arcelor à 18,6 milliards
d’euros, soit 28,21 euros par titre. Elle représente une prime de 27 % par
rapport au dernier cours d’Arcelor.
Mittal propose une offre mixte (en titres et en cash) : 4 actions Mittal plus
35,25 € en cash (dans la limite de 4,7 milliards €) pour 5 actions Arcelor.
Les
synergies
(achats,
commercialisation,
production)
nées
du
rapprochement sont estimées à un milliard $. Le nouveau groupe réaliserait
Dossier AFUI : MITTAL et ARCELOR – 25 mars 2006
6
un chiffre d’affaires de 70 milliards $, un excédent brut d’exploitation de 12,
6 milliards, et aurait une capitalisation boursière de 40 milliards $.
Un accord était conclu avec Thyssen, aux termes duquel, en cas de succès de
Mitaine, Donskoï serait revendu à Thyssen au prix maximum offert par lui
dans l’OPA qu’Arcelet avait emportée.
Au terme de l’OPA sur Arcelet, la famille Mitaine resterait majoritaire dans le
nouvel ensemble, avec plus de 50 % du capital.
La direction d’Arcelet n’était pas au courant de ce projet d’offre, que son
conseil d’administration rejeta immédiatement en le qualifiant d’hostile.
Les gouvernements français et luxembourgeois s’opposèrent alors à l’offre,
et continuèrent après avoir rencontré Lakshmi Mittal, en faisant parfois des
déclarations assez émotionnelles. Le 31 janvier, Jean-Claude Juncker,
Premier ministre luxembourgeois déclarait : “ (Mittal) n’a pas apporté
d’explications plausibles ni de concept industriel clair ”. Le ministre français
des Finances, Thierry Breton avait indiqué de son côté la veille : “ ses plus
vives inquiétudes ” au sujet de cette offre “ hostile ”, ajoutait “ “ J’ai vu
beaucoup d’opérations dans ma vie mais c’est la première fois que j’en vois
une qui semble aussi mal préparée ” ; et enfin, “ la grammaire des affaires
n’a pas été respectée ”.
De son côté, Guy Dollé, président d’Arcelor, déclarait, non sans emphase :
“ Arcelor est l’Airbus de l’acier ”.
Il apparut assez vite que le gouvernement français, qui avait vendu ses
actions, était assez dépourvu de moyens d’action. Le siège d’Arcelor étant au
Luxembourg, le droit de ce pays s’appliquait donc. Le gouvernement
luxembourgeois se mit alors à recenser les possibilités dont il disposait.
Le même 31 janvier, le commissaire européens aux Affaires Economiques,
Nelly Kroes déclarait qu’elle appliquerait la position de la Commisssion contre
le protectionnisme : “ Je suis contre les champions nationaux ”, indiquant
ainsi qu’elle ne prendrait pas parti pour Arcelor.
Au même moment, alors que la perspective de licenciements massifs en cas
de fusion des deux groupes était agité, Lakshmi Mittal déclarait : “ Nous
n’achetons pas des usines pour les fermer. Il n'y aura ni fermetures, ni plan
social ”.Deux semaines plus tard, Mittal reçut le soutien des United
Steelworkers from America.
Dossier AFUI : MITTAL et ARCELOR – 25 mars 2006
7
A partir du début février, le climat devint un peu plus serein. Le 7, le ministre
Thierry Breton déclarait : “ Je ne prendrai pas parti, c’est aux actionnaires de
décider. ” D’autre part, la City semblait favorable à Mittal. La direction de la
BERD, qui le connaissait de longue date, la société de conseil Roland Berger,
des banques- conseils prestigieuses faisaient campagne en sa faveur. Dès le
début du mois, le bruit courait que les hedge funds ramassaient des titres
Arcelor en grande quantité pour les revendre ultérieurement à Mittal.
Nombre d’analystes financiers soulignaient en effet qu’Arcelor, en dépit de
ses résultats et de sa stratégie n’avait pas réussi à s’assurer de la fidélité
d’un noyau dur d’actionnaires stables. Par ailleurs les estimations de
synergies étaient jugées prudentes - compte tenu du track record de Mittal et le prix raisonnable.
Mittal faisait valoir qu’il y avait une complémentarité géographique presque
parfaite entre les deux groupes (Arcelor étant surtout présent en Europe de
l’Ouest et en Amérique du sud, Mittal en Europe de l’Est, Amérique du Nord,
et Asie centrale), l’Inde et la Chine restant à développer. Arcelor rétorquait
que leurs politiques étaient différentes, eux-mêmes produisant surtout des
aciers de haute gamme, et privilégiant une distribution intégrée.
Sur les marchés, l’action Arcelor restait en ligne avec l’offre de Mittal,
suggérant
que
les
investisseurs
pensaient
qu’ils
n’auront
pas
significativement mieux, et doutaient que les dirigeants d’Arcelor travaillent
réellement à promouvoir leurs intérêts. ( Wall Street Journal 14/2)
*
*
*
A l’heure où nous écrivons, deux obstacles se présentent néanmoins pour
Mittal.
Le premier est celui du gouvernement luxembourgeois, qui envisage de faire
voter une loi obligeant les offres faites par OPA à être payées en totalité en
cash. Une telle modification de la loi semble cependant difficilement
envisageable dans un pays “ libéral ”, aussi axé sur les holdings et la finance.
Dossier AFUI : MITTAL et ARCELOR – 25 mars 2006
8
Le second est la réticence de certains actionnaires d’Arcelor qui, même s’ils
font confiance à Mittal, sont mal à l’aise à l’idée de devenir minoritaires dans
un groupe à contrôle familial.
Plusieurs mois s’écouleront probablement avant le dénouement de cette
affaire, et bien des rebondissements restent encore possibles.
Dossier préparé par Alain Wenger
POINTS DE VUES
Lakshmi Mittal, the steel tycoon
Lakshmi Mittal, affable, unflappable, tenacious and wily. This is how
the steel tycoon came across in his interviews. In a public relations blitz,
which has coincided with President Chirac's visit to india, he has been on
almost every tv channel and interviewed by every serious paper .In a clever
ploy to please Indian chauvinists he has declared that the issue at stake was
not Lakshmi Mittal but the future globalisation of Indian companies. In the
same effusively patriotic vein he affirmed his '"allegiance to India " and how
important his Indian roots and Indian passport were to him .
Though Mittal carries an Indian passport he cannot be termed an
Indian businessman. He is typical of the globalised businessman. He lives in
London but has no steel plants in the U.K or India .He began abroad and has
stayed abroad. Starting with a mini-steel plant in Indonesia ,he has become
the world's biggest steel maker with factories across the globe and workers
of 45 nationalities. Only in one TV interview was he challenged over the
striking absence of any Mittal investment in India. Though he is the third
richest man in the world, after Bill Gates and Warren Buffet, he has not
shown any inclination to emulate Bill Gates's heavy monetary commitment to
social causes in India. He claims to support charities in India but there is
little information on them. For someone as savy in his dealing with the media
this is an odd lacuna.
Mittal has wound the Indian media round his finger in cleverly
presenting himself as an Indian facing white European opposition. It is
Dossier AFUI : MITTAL et ARCELOR – 25 mars 2006
9
revealing to what extent this appeal touches a nerve with Indians. He has
made no direct accusations of racism but nonetheless this is the area the
media have concentrated upon.
On the Arcelor controversy Mittal had not initially received official
Indian backing or protection.Now the government appears to be speaking in
different voices. On the 14 february , the Indian Minister of State for Foreign
Affairs,Anand Sharma, issued a statement affirming that Mittal's Arcelor
takeover bid would not affect India's relations with the countries who are
opposing it as" India's foreign policy is that of the country and is not linked
to any one incident ". At the joint press conference given by President Chirac
and prime minister Manmohan Singh, in mid february, the French president
did not mince his words and worries .He charged Mittal with not backing his
bid with any industrial plan. He said "we were given no reasons for this bid,
we have no notion of intentions, or what lies ahead for the company in
question." The Indian prime minister , always the epitome of the detached
academic,refused to be drawn into controversial statements . He merely
affirmed that "the President has explained his position in detail and I hope a
fair decision is made taking into account the interests of all the shareholders
in question".
Unfortunately,not all ministers in the Indian government follow the
prime minister's measured example. Indeed, the press had a month ago
published leaked memos from the P.M.'s office to his cabinet colleagues
urging them not to make statements contradictory to decided government
policy. Certainly the Minister for Commerce, Kamal Nath, has taken a very
aggressive stance in support of Mittal's bid.He has turned the bid for Arcelor
into an India vs EU battle.Nath has gone so far as to issue a veiled threat
that if the French and Luxembourg governments persist with their opposition
to Mittal, it could derail the WTO negotiations where the liberalisation of
services is a vital area that is in the interests of the developed economies of
the EU.The EU has been pushing WTO members to offer national treatment
in the services sector.
The Left has slammed Nath for his jingoistic stance and for intervening
in a commercial matter. They have asserted that Nath , while accusing
France and Luxembourg of cultural prejudice, is being no different in rooting
for Mittal. The Left and a few analysts have , for the first time in Mittal's 30
years of success, questioned his method of working. Is he interested in more
than "asset striping ,cost slashing and job-axing, is he more than a exploiter
of under-managed resources ?", they ask.
Naheed mazharuddin khan de surat.
Dossier AFUI : MITTAL et ARCELOR – 25 mars 2006
10
LETTRE A UN AMI INDIEN
Au cours de son récent voyage en Inde et à l’occasion d’une conférence
de presse, M. Chirac aurait émis des doutes sur l’intérêt industriel de l’OPA
lancée par Mittal Steel sur Arcelor. La presse de votre pays, qui me semble
être, ces temps ci, aussi portée que la nôtre sur le nationalisme économique,
n’a pas manqué de relever ces propos et d’ironiser sur le fair- play des
Européens vis à vis de votre grande nation.
Je ne peux m’empêcher de penser que le président de la République
aura certainement fait observer à ses interlocuteurs politiques que la France
avait joué un certain rôle, au cours des cinquante dernières années, pour
aider l’Inde dans des secteurs essentiels. Qu’il s’agisse de l’énergie nucléaire,
d’avions de chasse et de supériorité aérienne ( successivement Mystère,
Jaguar, Mirage 2000), même de blindés et d’hélicoptère de haute altitude,
vous savez bien que nous avons été le principal fournisseur occidental et
pratiquement le seul à lui livrer “ les armes de la puissance ”.Le
gouvernement indien y voyait une marge de manœuvre indispensable pour
ne pas dépendre du seul fournisseur soviétique. Alors que Washington et
Londres demandaient des contreparties politiques que vous ne souhaitiez pas
donner, c’est vers Paris que vos dirigeants, de toute nuance politique, se
sont tournés.
Les gens de notre âge se rappellent aussi que c’est une société
française, Ugine, alors liée à Péchiney, qui a négocié dans ces années
lointaines, un accord de coopération technique qui donnait au groupe indien
Mahindra la maîtrise d’un secteur stratégique pour la fabrication d’armement,
les aciers spéciaux.
De ces contrats, la France n’attendait pas sans doute une
reconnaissance éternelle. Les Etats, on le sait, sont des monstres froids.
Encore aurait-on pu rappeler, du côté indien, qu’ils avaient marqué des
étapes dans l’ascension de l’Inde vers le statut de grande puissance que
notre diplomatie ne lui a jamais marchandé.
Venons-en à l’affaire du jour. Comment peut-on évaluer cette OPA du
point de vue d’un Français qui aime l’Inde ?
Dossier AFUI : MITTAL et ARCELOR – 25 mars 2006
11
Au plan formel : une société holding hollandaise lance une offre
publique, par offre de titres, sur une société industrielle de droit
luxembourgeois qui regroupe les principales aciéries de trois pays d’Europe
occidentale.
Au plan financier : La ou les holdings de Mittal Steel sont contrôlés à
88 % par un groupe familial indien qui s’est spécialisé dans le rachat
d’entreprises sidérurgiques en difficulté, soit par suite de leur mauvaise
gestion soit pour en débarrasser leurs propriétaires étatiques.
Or dans le jargon boursier Mittal Steel n’a presque pas de flottant alors
qu’Arcelor n’est que flottant : fonds de pension, banques et actionnaires
privés de toutes nationalités. Vous comprendrez ce que je veux dire si
j’estime, avec beaucoup d’autres, qu’il n’y a pas ici ce que vous aimez
appeler “ a level playing field ”.
De sorte qu’après une éventuelle absorption, le groupe familial
contrôlerait 55% de l’ensemble. Qu’il s’agisse ‘une famille “ marwari ” n’est
pas sans importance. Ce n’est pas à vous que j’ai besoin d’expliquer que les
marchands du Marwar sont les plus déterminés entrepreneurs et les plus
âpres au gain de toute l’Inde.
Au plan industriel et commercial : Si la constitution du groupe
Mittal est une réussite au plan de la gestion d’entreprises et un triomphe
personnel pour M. Lakshmi- Narayan Mittal, ce n’est pas pour autant une
grande création industrielle, comme celle des Tata, Mahindra, Birla ou
Ambani.
L’acier, on le sait, est produit éminemment cyclique. Les fers et aciers
de basse et moyenne qualité sont évidemment les plus sensibles à la
conjoncture. Arcelor, qui s’est spécialisé dans les aciers haut de gamme au
prix d’un effort de productivité remarquable, est beaucoup moins sensible à
la conjoncture mondiale que Mittal Steel.
Les économistes savent aussi que les fers et aciers, produits lourds et
à relativement faible valeur ajoutée, ne voyagent pas sur de longues
distances, sauf à être produites dans des usines proches de la mer ou de
voies d’eau. La synergie d’un grand nombre d’usines est loin d’être certaine.
Dernière considération et non la moindre : les fusions-absorptions
transnationales, lorsqu’elles visent au gigantisme, peuvent tourner mal,
comme une expérience récente l’a montré aux Etats-Unis et en Europe. Etre
le plus gros n’est pas forcément signe de santé ni gage de pérennité.
Dossier AFUI : MITTAL et ARCELOR – 25 mars 2006
12
Voulez-vous que je vous cite pour finir une lettre d’un lecteur du
Financial Times en date du 14 février, qui signait John Kellaway en Suisse ?
En voici la conclusion, que je traduis : “ Pour M.Mittal, échanger des actions
d’usines périmées contre des sociétés bien gérées, modernes et de haute
technologie, avec un bel avenir devant elles, est sans aucun doute une
bonne affaire. Pour ma part, en échange de bonnes actions, je préfère avoir
de l’argent ( cash) plutôt que de la camelote ( junk) même si la camelote est
contrôlée par M.Mittal. ”
Quel que soit le résultat de cette OPA, souhaitons, mon cher ami, que
les relations entre nos deux pays n’en soient pas durablement affectées.
Jean Alphonse BERNARD
« MITTAL STEALS THE SHOW »
« Electrochoc » dans le Grand Duché, stupeur à l’Etat-major d’Arcelor,
décidément faut-il croire que « l’oubli de l’Inde », imputé, jusqu’ici, aux seuls
philosophes, affecte aussi les chefs d’entreprise. Certes, l’ascension de L N
Mittal ne doit rien à l’Inde, si ce n’est l’expérience professionnelle acquise
auprès de son père, petit aciériste ( 20.000 T par an ) à Calcutta, et sans
doute, le « mental », la vision et l’ingénierie qui lui ont permis, en 20 ans, de
bâtir un empire sidérurgique d’un genre encore inédit : un conglomérat
d’entreprises disséminées dans près de 15 pays, bien loin des sites
historiques des aciéries européennes et américaines, symboles des
révolutions industrielles du passé, une capacité de redresser des sociétés en
perdition, rachetées parfois à bas prix à la manière des oligarques russes, un
sens de l’anticipation du marché porté par la demande chinoise , un esprit de
conquête sans limites.
Si ce n’est aussi son prénom, Lakshmi, la déesse du bonheur et de la
prospérité, un « détail » qui avait probablement échappé aux dirigeants
d’Arcelor.
Philippe Humbert
Dossier AFUI : MITTAL et ARCELOR – 25 mars 2006

Documents pareils