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Rhumatologie pédiatrique Editorial L’uvéite dans l’arthrite rhumatoïde juvénile L ’iris, le corps ciliaire et la choroïde sont les structures qui forment le tractus uvéal. Le tractus uvéal constitue la tunique moyenne de l’oeil, et il est situé entre la couche externe blanche du globe oculaire (la sclérotique) et la rétine, qui tapissent l’intérieur de la chambre postérieure du globe oculaire (Figure 1). « Uvéite » se dit de l’inflammation d’une ou de toutes les structures de l’uvée. La panuvéite est une inflammation qui touche toute l’uvée. L’iritis ou iridocyclite est une inflammation de l’iris et du corps ciliaire. L’iritis est caractérisée par la destruction de la barrière naturelle entre les vaisseaux sanguins et le liquide (humeur aqueuse) contenu dans l’espace entre l’iris et la cornée, appelée « chambre antérieure de l’oeil ». Cette rupture de la barrière naturelle permet aux protéines, à la fibrine et aux leucocytes de pénétrer dans l’humeur aqueuse. Les cellules et les débris présents dans la chambre antérieure peuvent se déposer sur la surface interne de la cornée (endothélium cornéen). Ces Alex V. Levin, M.D., FAAP, FAAO, FRCSC Divisions de pédiatrie, de génétique et d’ophtalmologie, The Hospital for Sick Children, Toronto, Ontario Ken K. Nischal, FRCOpht Division d’ophtalmologie, Great Ormond Street Hospital for Children, Londres, Angleterre dépôts, appelés « précipités », peuvent être fins ou, au contraire, formés de gros amas graisseux (gros précipités en tache de bougie). Il faut distinguer l’iritis non granulomateuse (précipités fins) et l’iritis granulomateuse (gros précipités en tache de bougie). Bien qu’une uvéite grave, comme une panuvéite, puisse être une manifestation de l’arthrite rhumatoïde juvénile (ARJ), l’iritis non granulomateuse est davantage caractéristique de l’ARJ. Le plus souvent, l’uvéite non granulomateuse antérieure chronique chez l’enfant est causée par l’ARJ (désignée par le terme « arthrite chronique juvénile » dans la documentation scientifique européenne). Environ 6 % de tous les cas d’uvéite surviennent pendant l’enfance 1 et, parmi ces cas, 80 % sont associés à l’arthrite rhumatoïde juvénile. 2 L’incidence de l’iritis chez les patients atteints d’une ARJ est de l’ordre de 8 % à 24 %, 3 mais certains sous-groupes courent un risque élevé de présenter cette inflammation. Parmi tous les cas d’uvéite reliés à l’ARJ, de 78 % à 90 % surviennent en présence d’une oligoarthrite juvénile (90 % de ces patients sont séropositifs pour les anticorps antinucléaires et séronégatifs pour le facteur rhumatoïde); dans 7 % à 14 % de cas, on observe une polyarthrite et, dans 2 % à 6 % des cas, l’ARJ est généralisée (maladie de Still). 3,4 Les fillettes dont la maladie se manifeste par une oligoarthrite, une séropositivité pour les anticorps antinucléaires et une séronégativité pour le facteur rhumatoïde sont les plus susceptibles d’être atteintes d’une uvéite. L’uvéite est très rare chez plusieurs enfants atteints d’une polyarthrite et séropositifs pour le facteur rhumatoïde. Dans la plupart des cas d’uvéite chez l’enfant, cette maladie se manifeste de quatre à sept ans après le début de l’ARJ; la période de pointe correspond à deux ans après l’apparition de l’arthrite. 1 L’atteinte est bilatérale chez 75 % à 80 % des enfants. 4 Les signes et les symptômes les plus fréquents des autres formes d’iritis sont la douleur, la photophobie et la rougeur oculaire; cependant, dans l’ARJ, l’uvéite antérieure reste asymptomatique. Pour détecter l’uvéite, l’ophtalmologiste doit examiner l’humeur aqueuse de la chambre antérieure à l’aide d’une lampe à fente pour rechercher des cellules, des précipités ou un exsudat protéique. Puisque chez certains enfants Le journal de la Société canadienne de rhumatologie / 7 Figure 1 Corps ciliaire tissu (uvéal) Tissu choroïdien (uvéal) Sclérotique Nerf optique Cristallin Iris Corps vitré Rétine l’exsudat protéique persiste parfois en dépit du traitement, ce dernier vise d’abord à éliminer les cellules. Si elle n’est pas traitée, même une uvéite bénigne peut entraîner des lésions oculaires, y compris un œdème de la rétine (œdème maculaire), un glaucome et une cataracte. 5 Jusqu’à 10 % des patients atteints d’ARJ présentent une iritis avant l’apparition de la maladie rhumatismale. 4 Aucune corrélation n’a été mise en évidence entre l’activité pathologique articulaire et l’atteinte oculaire. Pour prévenir les lésions oculaires, les enfants atteints d’une ARJ doivent être examinés régulièrement par un ophtalmologiste qui connaît bien cette maladie et qui ne craint pas d’effectuer un examen ophtalmologique approfondi chez un enfant qui refuse parfois de coopérer. Plusieurs recommandations ont été proposées en matière de dépistage des enfants atteints d’ARJ (Tableau 1). La fréquence des examens de dépistage continue toutefois de soulever une controverse : certains sont d’avis que la fréquence des examens doit 8 / Le journal de la Société canadienne de rhumatologie être déterminée sans égard au risque d’uvéite et que le dépistage devrait être effectué tous les six mois, quel que soit le sous-groupe de la maladie. 5 Nous sommes d’accord avec cette recommandation et nous préférons errer en faisant des examens de suivi plus souvent. Nous soulignons que le risque est déterminé par le nombre d’articulations touchées pendant les trois à six premiers mois de l’ARJ. Un grand nombre d’enfants d’abord atteints d’une oligoarthrite présentent ensuite une polyarthrite, et c’est la présentation initiale d’une oligoarthrite qui confère un risque à vie plus élevé. Certains auteurs préconisent de diminuer la fréquence des examens de suivi sept ans après le début de l’arthrite chez les enfants âgés de plus de sept ans qui n’ont jamais présenté d’atteinte oculaire. 6 Les corticostéroïdes sont le pilier du traitement et ils sont administrés par voie topique, par injection régionale, par voie orale ou par voie parentérale. En général, le traitement de première intention fait appel aux corticostéroïdes en collyre ou en pommade. Il est parfois nécessaire d’administrer ou d’appliquer le médicament toutes les heures pour maîtriser l’inflammation. Bien que de nombreux enfants tolèrent un traitement de courte durée suivi de la diminution rapide de la dose du collyre, soulignons que chez 10 % à 15 % des enfants atteints d’une iritis reliée à une ARJ, Les corticostéroïdes sont le pilier du traitement et ils sont administrés par voie topique, par injection régionale, par voie orale ou par voie parentérale. En général, le traitement de première intention fait appel aux corticostéroïdes en collyre ou en pommade. l’arrêt du traitement par les corticostéroïdes topiques doit se faire progressivement et lentement. L’expérience nous a enseigné qu’une diminution progressive trop rapide est la cause la plus fréquente d’une atteinte chronique récidivante. Chez certains enfants, la diminution progressive du traitement s’étale sur plusieurs mois, les doses pouvant être aussi faibles Tableau 1 LIGNES DIRECTRICES POUR LES EXAMENS OCULAIRES CHEZ LES ENFANTS ATTEINTS D’UNE ARJ Tous les Début : académie américaine des pédiatres <7 âge en années >7 âge en année 6 Kanski2 Oligoarthrite d’emblée et séropositivité AAN 3 à 6 mois* 6 mois 3 mois Oligoarthrite d’emblée et séronégativité AAN 6 mois 6 mois 4 mois Polyarthrite d’emblée et séropositivité AAN 3 ou 4 mois* 6 mois 6 mois Polyarthrite d’emblée et séronégativité AAN 6 mois 6 mois 9 mois Maladie généralisée d’emblée 12 mois 12 mois 12 mois Fréquence des examens proposée pour des enfants sans antécédents d’iritis. * Après quatre années sans atteinte oculaire, réduire l’intervalle à tous les 6 mois. qu’une seule goutte par semaine. Pour cette raison, il est essentiel que ces enfants soient traités par un ophtalmologiste qui connaît bien l’ARJ, en raison de cette caractéristique unique de l’iritis reliée à l’ARJ. Si le corticostéroïde n’entraîne pas d’effets indésirables, par exemple un glaucome, une injection périoculaire peut aider à réduire la fréquence des doses locales. Cette injection, qui nécessite parfois une anesthésie générale chez le jeune enfant, est administrée dans l’espace sous-ténonnien. La capsule de Tenon recouvre la sclérotique de l’oeil, sous la conjonctive. Dans les cas plus résistants, il est parfois nécessaire d’administrer des corticostéroïdes par voie orale ou parentérale. Lorsque les corticostéroïdes sont inefficaces ou mal tolérés, le méthotrexate (par voie orale ou en injection souscutanée) s’avère un précieux adjuvant. 7-9 Les antiinflammatoires non stéroïdiens, topiques ou oraux, semblent peu utiles. Il est parfois nécessaire de recourir à d’autres médicaments immunosuppresseurs. Pendant l’uvéite active, on utilise généralement un agent mydriatique pour prévenir la formation de tissu cicatriciel (synéchies postérieures) entre la pupille et le cristallin. Ces synéchies peuvent mener à l’adhérence du bas de la pupille au cristallin causant une irrégulière dilatation de la pupille difficilement visible. Les principales complications oculaires de l’iritis reliée à l’ARJ sont les cataractes, le glaucome et l’œdème de la rétine (œdème maculaire). Malgré tous les progrès de la thérapeutique dans ce domaine, jusqu’à 22 % des enfants atteints d’une uvéite reliée à une oligoarthrite juvénile sont atteints d’une cécité légale secondaire à une inflammation intraoculaire d’évolution lente et chronique. 3,10 Le pronostic est très favorable chez le garçon, chez les patients présentant une atteinte unilatérale, chez les enfants plus âgés, chez ceux dont la maladie est d’emblée moins grave, chez les enfants ne présentant pas de synéchies postérieures ni de cataracte au début de la maladie. 4,10 Puisque la cataracte et le glaucome peuvent tous deux être causés par les corticostéroïdes, il est difficile d’en déterminer la cause. Si la cataracte menace la vue, elle peut être traitée par voie chirurgicale, même si ce traitement risque d’aggraver l’iritis. On essaie donc de retarder le plus possible l’intervention chirurgicale tant que l’iritis n’est pas bien maîtrisée. Au contraire de ce que l’on observe chez l’adulte, la mise en place d’un cristallin artificiel chez les enfants atteints d’ARJ peut entraîner de graves complications. Le glaucome peut se manifester chez des enfants qui ont subi une extraction de la cataracte et chez ceux qui n’ont pas subi ce traitement chirurgical. Le glaucome est difficile à traiter et il faut recourir au traitement d’association (agents Le journal de la Société canadienne de rhumatologie / 9 topiques et à effet général); un traitement chirurgical est souvent nécessaire. Le glaucome peut être attribuable à l’obstruction des voies de drainage de l’oeil (trabéculum cornéo-scléral) par des cellules et des protéines présentes dans l’humeur aqueuse, par une quantité excessive de synéchies postérieures obstruant l’écoulement de l’humeur aqueuse par la pupille ou par des synéchies qui entraînent la formation de tissu cicatriciel iridien sur le trabéculum cornéo-scléral. L’œdème maculaire et l’œdème du nerf optique sont particulièrement difficiles à traiter et ces troubles entraînent souvent une perte irréversible de la vision. L’uvéite reliée à l’ARJ est une maladie asymptomatique chronique qui peut entraîner des complications oculaires gravissimes, pouvant causer la cécité. Le diagnostic précoce et le traitement approprié de cette maladie grâce à des examens de dépistage réguliers s’avèrent essentiels. 10 / Le journal de la Société canadienne de rhumatologie Références 1. Smith R, Nozik R: Uveitis in childhood. In: Smith R, Nozik R (eds.): Uveitis: A Clinical Approach to Diagnosis and Management. Baltimore, MD: Williams and Williams, 1989, p. 113-4. 2. Kanski JJ: Uveitis in juvenile chronic arthritis: incidence, clinical features and prognosis. Eye 1988; 2(Pt6):641-5. 3. Nguyen QD, Foster CS: Saving the vision of children with juvenile rheumatoid arthritis-associated uveitis. JAMA 1998; 280:1133-4. 4. 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