Les uvéites de l`enfant

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Les uvéites de l`enfant
Journal de pédiatrie et de puériculture (2012) 25, 193—198
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
ARTICLE ORIGINAL
Les uvéites de l’enfant
Uveitis of children
I. Loukil a,∗, O. Naija b, C. Wathek a, F. Hachicha a,
N. Mallouch a, A. Hijazi a, R. Bhiri a
a
Service d’ophtalmologie, CHU La Rabta, Jabbari, 1007 Tunis, Tunisie
Service de pédiatrie, faculté de médecine de Tunis, université Tunis El-Manar, hôpital
Charles-Nicolle, Tunis, Tunisie
b
Reçu le 4 décembre 2011 ; accepté le 17 avril 2012
MOTS CLÉS
Uvéites ;
Enfant ;
Corticoïdes ;
Cécité
∗
Résumé
But. — Étayer les particularités épidémiologiques et cliniques de l’uvéite de l’enfant et analyser
leur profil évolutif.
Patients et méthodes. — Il s’agit d’une étude rétrospective incluant 32 enfants (43 yeux), présentant une uvéite, colligés sur une période de 11 ans allant de janvier 1998 à décembre
2010 au service d’ophtalmologie, CHU La Rabta de Tunis, Tunisie. Tous les patients ont bénéficié d’un examen ophtalmologique complet, d’une angiographie rétinienne en fluorescence et
d’une tomographie en cohérence optique en l’absence de troubles des milieux. Une enquête
étiologique a été réalisée dans tous les cas.
Résultats. — L’âge moyen de nos patients était de 11,67 ans (sept à 17 ans) avec une prédominance masculine (sex-ratio M/F de 2,5). Le suivi moyen était de 22,53 mois. L’uvéite était
bilatérale dans 34,4 % des cas. Il s’agissait d’une uvéite antérieure isolée dans 25,6 % des cas,
d’une uvéite postérieure isolée dans 39,5 % des cas et d’une panuvéite dans 34,9 % des cas. Les
uvéites infectieuses représentent l’étiologie la plus fréquente (65,6 % des cas) dominée par la
rétinochoroïdite toxoplasmique (34,4 %). L’arthrite chronique juvénile constituait la principale
étiologie des uvéites antérieures isolées (54,5 % des cas). La maladie de Behçet (3,12 %) et le
syndrome de Voght Koyanagy Harada (6,25 %) ont été rarement observés. Aucune étiologie n’a
été identifiée dans 15,62 % des cas. Des complications oculaires ont été observées dans 60,5 %
des cas dominées par les synéchies iridocristalliniennes (18,6 %) et la cataracte (14 %). Une
cécité légale a été notée dans 6,9 % des cas.
Conclusion. — L’uvéite de l’enfant est une pathologie rare, mais potentiellement cécitante.
Les causes infectieuses sont fréquentes et doivent être éliminées en premier lieu. Une prise en
charge précoce et multidisciplinaire reste le seul garant pour préserver le pronostic visuel.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (I. Loukil).
0987-7983/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2012.04.005
194
KEYWORDS
Uveitis;
Child;
Blindness;
Corticosteroids
I. Loukil et al.
Summary
Purpose. — To analyze the pattern of childhood uveitis.
Patients and methods. — The study included 32 patients with uveitis examined from January
1998 to December 2010. Complete ophthalmic examination, fluorescein angiography and optic
coherence tomography were performed in all cases. Standard diagnostic criteria were employed
for all syndromes or entities of uveitis.
Results. — The mean age at onset of uveitis was 11.67 years. The male-to-female ratio was
2.5. The uveitis was bilateral in 34.8% of patients. Mean follow-up was 22.53 months. Anterior
uveitis represented 25.6% of cases, posterior uveitis 39.5%, and panuveitis 34.88%. Infectious
uveitis (65.6%) was the most frequent type of inflammation and toxoplasmosis (34.4%) being
the most frequent cause. Idiopathic uveitis was found in 15.6% of patients. Juvenile idiopathic
arthritis was found in 9.37% of cases. Ocular complications occurred in 60.5% of affected eyes.
Posterior synechiae (18.6%) and cataract (14%) were the most common complications. Legal
blindness was observed in 6.9% of the affected eyes.
Conclusion. — Uveitis in childhood is a rare but severe condition. Infectious uveitis was the
leading cause of uveitis in our study. Prompt diagnosis and treatment is mandatory to minimize
the risk of blindness.
© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
Les uvéites de l’enfant représentent un cadre diagnostique
potentiellement grave, mettant en jeu le pronostic visuel.
Il s’agit d’une pathologie rare, d’évolution le plus souvent
insidieuse qui peut constituer le premier signe d’une pathologie systémique grave. En effet, cette pathologie constitue
un défi pour l’ophtalmologiste ainsi que le pédiatre tant sur
le plan du diagnostic positif et étiologique que sur le plan
thérapeutique.
Le but de notre étude est d’étudier les aspects épidémiologiques ainsi que le profil évolutif des uvéites de l’enfant.
Patients et méthodes
Nous avons analysé rétrospectivement les dossiers de
32 enfants (43 yeux) présentant une uvéite et colligés sur
une période de 11 ans allant de janvier 1998 à décembre
2010 au service d’ophtalmologie CHU la Rabta de Tunis, Tunisie.
Les patients atteints du syndrome d’immunodéficience
acquise, d’uvéite post-traumatique ou postchirurgicale ont
tous été exclus de notre étude.
Tous les patients ont bénéficié d’un examen ophtalmologique complet comportant une mesure de l’acuité visuelle
corrigée de loin et de près, un examen minutieux du segment
antérieur avec mesure du tonus oculaire et un examen du
fond d’œil.
Une angiographie à la fluorescéine et une tomographie
en cohérence optique ont été indiquées chaque fois que les
milieux transparents le permettaient.
Les critères de classification des uvéites étaient basés sur
ceux de l’International Uveitis Study Group [1].
Le diagnostic de la maladie de Behçet s’est basé sur les
critères de l’international Study Group for Behçet’s Disease
[2] et les critères de l’American Uveitis Group pour le syndrome de Voght Koyanagi Harada (VKH) [3]. Pour toutes les
autres étiologies, nous avons adopté des critères diagnostiques standards.
Le diagnostic étiologique s’est basé sur les éléments
d’orientation relevés à l’examen clinique ophtalmologique
et/ou général ainsi que les résultats des examens paracliniques. En l’absence d’orientation étiologique, un bilan
minimal est réalisé comportant : une NFS, une vitesse de
sédimentation (VS), un dosage de la CRP, une sérologie de
la syphilis, une intradermoréaction (IDR) à la tuberculine et
une radiographie du thorax.
Une ponction de la chambre antérieure (PCA) avec la
recherche du génome bactérien par PCR a été pratiquée
en présence d’un foyer choriorétinien et en l’absence
d’étiologie évidente.
La stratégie thérapeutique comporte l’association sur le
plan local d’une corticothérapie topique associée aux cycloplégiques. Un traitement hypotonisant a été prescrit en
présence d’une uvéite hypertensive.
Sur le plan général, un traitement spécifique a été
instauré en présence d’une étiologie infectieuse. Une corticothérapie systémique a été indiquée en présence d’une
atteinte postérieure. Il s’agit de boli intraveineux de
méthylprednisolone relayés par une corticothérapie per os
à la dose de 1 mg/kg par jour qui est diminuée progressivement dès la disparition de l’inflammation. Pour les étiologies
infectieuses cette corticothérapie est démarrée 48 heures
après le début du traitement spécifique.
Résultats
L’âge moyen de la population étudiée est de 11,67 ans avec
des extrêmes de sept à 17 ans. Il existe une prédominance
masculine avec un sex-ratio M/F (23/9) de 2,5.
Chaque patient présentait un ou plusieurs signes fonctionnels. Les principaux motifs de consultation étaient la
baisse de l’acuité visuelle (24 patients, soit 75 % des cas)
et les douleurs oculaires (19 patients, soit 59,4 % des cas).
L’uvéite a été découverte fortuitement dans 21,9 % des cas.
Les autres manifestations sont résumées dans le Tableau 1.
L’uvéite était bilatérale chez 11 patients (34,4 %). Elle
était granulomateuse dans 67,4 % des cas (29 yeux). Un hypopion a été relevé dans un œil (Fig. 1).
Les uvéites de l’enfant
195
Tableau 1 Répartition des patients en fonction du
motif de consultation.
Motif de consultation
Nombre de
patients
Fréquence (%)
BAV
Douleurs oculaires
Rougeur oculaire
Myodésopsies
Leucocorie
Examen systématique
24
19
6
3
2
7
75
59,3
18,75
9,37
6,25
21,9
Figure 2. Papillite associée à une vascularite diffuse et un
œdème maculaire chez un patient âgé de 17 ans, atteint de maladie
de Behçet.
Figure 1. Uvéite antérieure à hypopion chez une patiente âgée
de 13 ans, atteinte de syphilis oculaire.
L’uvéite postérieure (UP) isolée était la forme anatomique la plus fréquente (39,53 % des cas) suivie de la
panuvéite (PU) (34,88 % des cas) (Tableau 2).
Une vascularite rétinienne a été observée dans 13 yeux
(30,2 % des cas) (Fig. 2), une papillite dans 41,8 % des cas
(18 yeux), un décollement séreux rétinien (Fig. 3) dans
quatre yeux (9,3 %) et un foyer de choriorétinite dans 17 yeux
(39,5 % des cas).
Une hypertonie oculaire a été notée dans trois yeux (deux
yeux présentant une tuberculose et un œil ayant une uvéite
herpétique). Elle était bien contrôlée par le traitement
médical.
Les étiologies étaient dominées par les uvéites infectieuses présentes dans 65,6 % des patients (21 cas).
La principale étiologie était la toxoplasmose (34,37 %).
L’enquête étiologique était négative dans 15,62 % des cas
(cinq patients) (Tableau 3).
La rétinochoroïdite toxoplasmique constitue la première
cause d’UP (neuf yeux soit 53 % des uvéites postérieures
isolées) (Tableau 4). L’arthrite chronique juvénile constitue
la principale étiologie des uvéites antérieures isolées (UA)
(54,5 %) suivie par les uvéites herpétiques (36,4 %). Les PU
étaient essentiellement idiopathiques (33,3 % des cas). Le
syndrome de VKH représentait la deuxiéme étiologie des PU
(6,25 %).
Une corticothérapie locale a été prescrite dans 26 yeux
(60,5 %). Une corticothérapie systémique a été prescrite
chez 24 patients (75 %) avec une durée totale moyenne
de 5,28 mois (15 jours à 24 mois). Un traitement immunosuppresseur indiqué à titre d’épargne cortisonique
Tableau 2 Répartition des yeux en fonction du type
anatomique de l’uvéite.
Type anatomique
Nombre
d’yeux
Fréquence (%)
Uvéite antérieure isolée
Uvéite postérieure isolée
Panuvéite
Total
11
17
15
43
25,58
39,53
34,88
100
Figure 3. Angiographie en fluorescence : présence d’un décollement séreux rétinien associée à une papillite au cours du syndrome
de Voght Koyanagi Harada à la phase aiguë.
196
I. Loukil et al.
Tableau 3 Répartition des patients en fonction du diagnostic étiologique.
ACJ
VKH
Toxoplasmose
Toxocarose
Syphilis
Herpès
Tuberculose
Behçet
Idiopathique
Total
Nombre de
patients
Fréquence (%)
3
2
11
4
1
4
1
1
5
32
9,37
6,25
34,37
12,5
3,12
12,5
3,12
3,12
15,62
100
VKH : Voght Koyanagi Harada.
(azathioprine) a été instauré chez trois patients (un patient
atteint de maladie de Behçet et deux patients atteints
de VKH). La durée moyenne de l’azathioprine était de
7,62 mois.
Nous avons objectivé une amélioration nette de l’acuité
visuelle qui est passée de 1,33/10 en prétraitement à
5,15/10 en post traitement. Une cécité légale a été relevée
dans 6,9 % des cas (3 yeux).
Le nombre moyen de récurrence était de 3,66 avec des
extrêmes de 1 à 8. Une complication de l’inflammation a
été observée dans 26 yeux (60,5 % des cas). Sept patients
(21,8 %) avaient une complication au moment du diagnostic
(Fig. 4 et 5). Il s’agit essentiellement de cataracte (14 % des
cas) et de synéchies iriodocristalliniennes (18,6 % des cas)
(Tableau 5).
Figure 4. Atrophie choriorétinienne associée à des migrations
pigmentaires au cours du syndrome de Voght Koyanagi Harada à
sa phase chronique.
Discussion
L’uvéite chez l’enfant est une affection rare, souvent
grave, pouvant conduire à la cécité. Elle pose de véritables
problèmes de prise en charge diagnostique, mais également thérapeutique. Son incidence est estimée selon les
séries à 17—24/10 000 heures et elle représente 5 à 10 % de
l’ensemble des uvéites [4,5].
Tableau 4 Répartition des yeux en fonction
l’étiologie et du type anatomique de l’uvéite.
UA
ACJ
VKH
Toxoplasmose
Toxocarose
Syphilis
Herpès
Tuberculose
Behçet
Idiopathique
Total
UP
PU
6
9
4
4
2
1
4
11
4
17
2
2
5
15
de
Figure 5. Poliose et vitiligo chez un enfant atteint du syndrome
de Voght Koyanagi Harada compliqué de cataracte totale (leucocorie).
Total
6
4
11
4
1
4
2
2
9
43
UA : uvéite antérieure ; UP : uvéite postérieure ; PU : panuvéite ;
VKH : Voght Koyanagi Harada ; ACJ : arthrite chronique juvénile.
Tableau 5 Les
l’inflammation.
complications
Cataracte
Synéchies iridocristaliniennes
Atrophie choriorétinienne
Décollement tractionnel
Œdème maculaire
Migration pigmentaire
Effusion uvéale
oculaires
de
Nombre
d’yeux
Fréquence (%)
6
8
2
3
4
2
1
14
18,6
4,6
7
9,3
4,6
2,3
Les uvéites de l’enfant
L’âge des patients se situe généralement dans la grande
enfance et l’adolescence comme c’est le cas pour nos
patients [6,7]. Comme certains auteurs, nous avons observé
une prédominance masculine avec un sex-ratio de 2,5 [8,9].
Une prédominance féminine a cependant été rapportée dans
d’autres séries [10,11].
Les UA représentent 30 à 40 %, les postérieures 40 à 50 %,
les intermédiaires 10 à 20 % des cas et les PU dans 5 à 10 %
[10]. Dans notre étude, les UP constituent la forme anatomique la plus fréquente présente dans 39,53 % des cas, les
PU sont observées dans 35 % des cas et les UA dans 25,6 %
des patients. Comme dans d’autres séries tunisiennes, la
fréquence des PU est élevée et proche de celle observée
chez l’adulte [9,12]. En effet, elle est de 34,9 % dans notre
étude, de 32,7 % dans celle de Chebil [9] et de 44,4 % dans
la série de Mattoussi [12].
Comme dans les séries de la littérature, les UA sont essentiellement des uvéites rhumatismales [13]. En effet, dans
notre série l’arthrite chronique juvénile (ACJ) constitue
l’étiologie principale des UA suivie des uvéites herpétiques. Au cours de l’arthrite chronique juvénile (ACJ),
l’atteinte articulaire précède habituellement l’iridocyclite
qui se développe dans près de 50 % des enfants atteints
dans les quatre ans après le début de l’arthrite. Il n’est pas
rare de découvrir l’iridocyclite au stade de complications
car elle est habituellement asymptomatique et insidieuse,
ce qui justifie la réalisation d’un examen ophtalmologique
systématique tous les trois mois.
Pour le diagnostic des uvéites herpétiques nous nous
sommes essentiellement basés les éléments cliniques. En
effet, les critères en faveur d’une étiologie virale sont
l’association à une atteinte virale générale, la présence
de signes cutanéomuqueux (bouquet d’herpès, zona ophtalmique), l’efficacité d’un traitement antiviral et les
caractères cliniques de l’uvéite (anesthésie cornéenne,
uvéite granulomateuse, atrophie irienne, hyphéma). Nous
n’avons pas eu recours, comme certains auteurs, aux sérologies sanguines qui sont fréquemment positives dans la
population générale et donc peu contributives au diagnostic
[14,15]. Dans les formes atypiques, nous avons eu recours à
la PCA avec mise en évidence du génome viral par méthode
de la PCR.
Les uvéites infectieuses sont fréquentes et elles représentent dans notre série, 65,2 % des cas.
La toxoplasmose oculaire constitue dans notre série
comme d’autres études la principale étiologie des UP
isolées, mais également la principale cause d’uvéites infectieuses (34,4 % des cas) suivie de la toxocarose (12,5 %)
[6,8,10]. Il en est de même pour Chebil [9] alors que pour
Laghmari [7], la toxocarose est plus fréquente (15 %).
Le diagnostic de la toxoplasmose est essentiellement clinique, évoqué devant la présence d’un ou de plusieurs foyers
choriorétiniens blancs jaunâtres, à bords flous, de taille et
de localisation variable jouxtant le plus souvent un foyer
cicatriciel. L’aspect angiographique est également caractéristique associant une hypofluorescence précoce avec
hyperfluorescence tardive lors de la séquence angiographique. La certitude diagnostique est apportée grâce à la
mise en évidence d’une production locale d’anticorps spécifiques dans l’HA par le calcul du coefficient du rapport
de Witmer Desmonts ou par la mise en évidence e l’ADN
toxoplasmique par amplification génique (PCR).
197
La toxocarose est également évoquée cliniquement en
présence de foyers rétiniens tractionnels accompagnés
d’une hyalite et, dans de rares cas, une larve est visible.
La vitrectomie diagnostique peut être contributive dans les
cas atypiques.
La maladie de Behçet est une étiologie rare d’uvéite dans
la population pédiatrique [16—18]. Elle est de 17 % pour
Pivetti-Pezzi [18] et Amman [19], 26 % pour Fujikawa [20]
et de 3,12 % dans notre étude.
Le syndrome de VKH est exceptionnel chez l’enfant
[21,22]. Il représente 6,25 % de nos patients. Le diagnostic est généralement tardif en raison des formes atypiques
comme c’était le cas d’un de nos patients diagnostiqué à la
phase chronique au stade de complications.
Dans plus de 50 % des séries de la littérature, l’étiologie
demeure indéterminée [9,11,23]. Dans notre série, l’uvéite
était idiopathique dans seulement 15,2 % des cas. Il s’agissait
essentiellement de PU.
Les uvéites de l’enfant sont souvent torpides et
insidieuses, ce qui explique la fréquence élevée de
complications (18 à 80 % des cas) [23]. En effet, dans notre
étude 60,5 % des patients présentaient une complication
dont 21,8 % au moment du diagnostic de l’uvéite. Concernant les séries tunisiennes, cette fréquence est de 65,3 %
pour Chebil [9], de 74,4 % pour Khairallah [11] et de 16,7 %
pour Mattoussi [12]. Cette différence s’explique par le profil étiologique qui est différent d’une série à l’autre. Ces
complications sont généralement dominées comme dans
notre série par les synéchies iridocristaliniennes et les cataractes. Les complications plus graves sont cependant rares
(6 à 10 % des cas).
Les
complications
oculaires
secondaires
à
l’inflammation, mais également iatrogènes conditionnent
au même titre que le nombre de récidives, les PU et
certaines étiologies le pronostic visuel des patients [24].
Dans notre série, la cécité légale a été observée dans 6,9 %
de nos cas et 18,3 % de la série de Chebil [9] et 9,5 % pour
celle de Khairallah [11].
Le traitement de l’uvéite repose essentiellement sur
la lutte contre l’inflammation en association au traitement spécifique pour les uvéites infectieuses. En ce qui
concerne la toxoplasmose, nous utilisons la pyriméthamine à la dose de 1 mg/kg par jour per os associée à
la sulfadiazine à la dose de 150 mg/kg par jour avec
une durée totale d’un mois. Une corticothérapie générale
est associée après 48 heures de traitement. Les uvéites
herpétiques sont traitées par l’aciclovir per os et en
adaptant les doses en fonction du poids. Concernant la
toxocarose, le traitement se base essentiellement sur la corticothérapie pour lutter contre l’inflammation, l’utilisation
des antiparasitaires étant controversée. La vitrectomie
est réservée aux cas de fibrose et de décollement
tractionnel.
Les corticoïdes par voie topique et/ou locorégionale
s’adressent essentiellement aux UA. La corticothérapie par
voie systémique est instaurée en présence d’une atteinte
postérieure [25]. Cette corticothérapie impose une surveillance rigoureuse en raison des complications locales
(cataracte et glaucome cortisonique) et générales (retard
de croissance, diabète) qu’elle peut engendrer. La décroissance sera progressive, dès la récupération de l’acuité
visuelle et la réduction de l’inflammation.
198
Dans notre étude, un traitement immunosuppresseur
a été prescrit dans les formes chroniques et sévères à
titre d’épargne cortisonique comme préconisé par les différentes études de la littérature. Les immunosuppresseurs
sont également indiqués dans les formes corticorésistantes
ou corticodépendantes [25—28]. Il faut toutefois souligner
l’importance de reprendre l’enquête étiologique dans ces
cas avant toute escalade thérapeutique visant essentiellement à éliminer une cause infectieuse.
Concernant le traitement des complications, la cataracte
est traitée par phacoémulsification avec mise en place d’un
implant pliable pour une meilleure réhabilitation visuelle
[29,30]. Le traitement du glaucome secondaire repose sur
les antiglaucomateux par voie topique à l’exception des
analogues des prostaglandines. En cas d’échec de la chimiothérapie, une chirurgie filtrante non perforante est
préconisée [31]. La chirurgie oculaire n’est réalisée qu’après
une rémission de trois à six mois sous corticoïdes en pré- et
postopératoires [29—31].
Conclusion
L’uvéite de l’enfant est une pathologie rare, mais qui peut
avoir des conséquences graves sur le développement visuel.
L’étiologie infectieuse doit être éliminée de première intention avant tout traitement immunosuppresseur qui risque
d’être préjudiciable pour le patient. La PCA avec étude de
l’humeur aqueuse par PCR est un outil diagnostique important surtout actuellement en présence des agents infectieux
émergents. Une prise en charge précoce et adaptée ainsi
qu’une surveillance ophtalmologique rigoureuse restent les
seuls garants pour préserver le pronostic visuel des patients.
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