Ce qu il faut savoirde la lacosamide (vimpat) et de l`eslicarbazepine

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Ce qu il faut savoirde la lacosamide (vimpat) et de l`eslicarbazepine
Prescrire...
La lacosamide
Efficacité de la
lacosamide
Ce qu’il faut savoir
Dans l’épilepsie partielle
pharmacorésistante
Sylvain Rheims*
Introduction
La lacosamide (LCS, Vimpat®) est disponible dans le traitement en add-on
des épilepsies partielles pharmacorésistantes de l’adolescent (> 16 ans) et
l’adulte, depuis 2008 [1]. Voici les points essentiels à connaître avant de prescrire cet antiépileptique.
Mécanisme d’action
Le mécanisme d’action principal de
la LCS est l’inhibition des canaux
sodiques voltage-dépendants,
bloquant ainsi la génération du
potentiel d’action [2]. De manière
physiologique, les canaux sodiques
voltage-dépendants s’inactivent
après leur ouverture, stoppant ainsi
la dépolarisation membranaire.
Cette inactivation est rapide pour
une majorité, mais plus lente pour
un sous-groupe, ce dernier pouvant
ainsi être impliqué dans la prolongation dans le temps de la décharge de
potentiels d’action. Il a été suggéré
que la LCS a une action particulière
sur les canaux à inactivation lente
[2].
Pharmacologie
Les points importants à garder à
l’esprit d’un point de vue pharmacologique lors de la prescription de
LCS sont [3] :
• la demi-vie d’élimination, qui justifie une prise biquotidienne ;
• l’impact d’une altération de la
fonction rénale sur son élimination ;
• l’absence d’interaction médicamenteuse majeure.
*Service de Neurologie Fonctionnelle et d’Epileptologie,
Hospices Civils de Lyon, Lyon, et Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (INSERM U1028/CNRS UMR 5292), Equipe
TIGER, Lyon.
Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
La LCS est disponible sous forme
orale et intraveineuse. Par voie
orale, la concentration maximale
est atteinte 0,5 à 4 heures après la
prise. La biodisponibilité est proche
de 100 %. La liaison aux protéines
plasmatiques est faible (< 15 %). La
demi-vie plasmatique est de 12-16
heures.
Environ la moitié de la dose de LCS
est éliminée sous forme inchangée
par voie rénale. L’autre moitié est
métabolisée au niveau hépatique
via une voie dépendante du cytochrome P450 (CYP2C19). Compte
tenu de l’importance de l’élimination rénale dans la clearance
de la LCS, celle-ci est significativement impactée par le niveau de
la fonction rénale. Les concentrations plasmatiques de LCS sont
augmentées d’environ 30 % chez
les patients insuffisants rénaux
modérés et d’environ 60 % chez les
sujets insuffisants rénaux sévères.
Malgré la participation hépatique
à l’élimination de la LCS, aucun
ajustement n’est recommandé en
cas d’hépatopathie.
Aucune interaction médicamenteuse significative n’a été rapportée, en particulier avec les estroprogestatifs. Les concentrations
plasmatiques de LCS ne sont pas
influencées par l’association avec
des antiépileptiques inducteurs ou
inhibiteurs enzymatiques.
La seule indication disposant d’une
AMM est le traitement en add-on
de l’épilepsie partielle pharmacorésistante chez le sujet de plus
de 16 ans à une posologie comprise
entre 200 et 400 mg/j [1]. Dans cette
indication, la LCS a été évaluée
contre placebo au cours de trois
essais de phase III [4-6]. Au cours
de ces essais, 35 à 49 % des patients
sous LCS ont présenté une réduction de la fréquence des crises de
plus de 50 %, en comparaison à 23 %
sous placebo. Il existait une relation dose-effet, avec une efficacité
plus importante pour les doses de
400 et 600 mg/j que pour la dose
de 200 mg/j [7]. Comme cela est
habituellement observé dans ces
essais de phase III contre placebo,
une proportion très faible de patients (< 5 %) était libre de crises
sous traitement [7].
Les données d’efficacité disponibles ne permettent pas d’évaluer
de manière satisfaisante l’efficacité
relative de la LCS dans la traitement
de l’épilepsie partielle pharmacorésistante par rapport aux autres
molécules disponibles [8].
Au cours des phases d’extension en
ouvert des essais de phase III, la
proportion de patients répondeurs
restaient globalement stable, comprise entre 40 et 50 % [3, 9].
De manière intéressante, il a été mis
en évidence, au cours de ces essais,
qu’il existait une tendance à une
moindre efficacité de la LCS en cas
d’association à un antiépileptique
également inhibiteur des canaux
sodiques voltage-dépendants [7].
Autres indications
chez l’adulte
Il n’existe aucune donnée publiée
concernant l’efficacité de la LCS
279
Prescrire...
en monothérapie dans l’épilepsie
nouvellement diagnostiquée, les
essais dans cette indication étant
en cours.
Il en est de même de la question de
la LCS dans d’autres cadres syndromiques, et en particulier dans l’épilepsie généralisée idiopathique.
Dans l’Epilepsie partielle
de l’enfant
Aucun essai méthodologiquement
satisfaisant n’a évalué cette question. Plusieurs séries de cas ont
été rapportées [10], ainsi qu’une
étude observationnelle en ouvert
[11], suggérant un taux de répondeurs compris en 30 et 50 % dans le
traitement en add-on de l’épilepsie
partielle pharmacorésistante.
Dans les états de mal
épileptiques
La disponibilité de la galénique
intraveineuse permet d’envisager
que la LCS puisse avoir un intérêt
dans le traitement des états de mal
épileptiques, en particulier dans
les situations où les traitements
hépatotoxiques seraient à éviter.
Plusieurs études rétrospectives
ont suggéré un intérêt potentiel
en traitement adjuvant dans les
états de mal réfractaires [12].
Néanmoins, d’autres études n’ont
pas confirmé ces données [13] et,
en l’absence d’essai ayant utilisé
une méthodologie adéquate,
aucune conclusion ne peut être
envisagée.
Tolérance
Les données concernant la tolérabilité de la LCS sont principalement
issues des essais de phase III. Les
deux principales problématiques
à souligner sont :
• les effets secondaires neurologiques non spécifiques ;
• les troubles de conduction
cardiaque.
Effets secondaires
neurologiques
Concernant les effets secondaires
neurologiques non spécifiques, il
s’agit, comme à l’accoutumée, avant
tout de vertiges, diplopie, tremblements, somnolence [7]. La fréquence
de ces troubles est proportionnelle
à la dose quotidienne et également
influencée par la vitesse de titration. La fréquence de survenue des
sensations vertigineuses était ainsi
supérieure à 50 % chez les patients
recevant 600 mg/jour dans les
essais de phase III [7].
à 6,6 ms pour les posologies de 200,
400 et 600 mg/j [3]. Cet impact sur
la conduction atrio-ventriculaire
peut être symptomatique, en particulier chez des patients présentant d’autres facteurs de risque de
cardiopathie [14, 15]. Plus rarement,
des dysfonctions sinusales ont également été rapportées [16]. Dans ce
contexte, la LCS est contre-indiquée chez les patients présentant
un bloc atrio-ventriculaire du 2e ou
3e degrés, et la réalisation d’un ECG
avant la mise sous traitement est
recommandée [1].
De manière importante, il existe une
tendance à la majoration de la fréquence des effets secondaires neurologiques non spécifiques lorsque la
LCS est associée à d’autres bloqueurs
des canaux sodiques [7].
Bien que le risque intuitif existe
également pour les troubles
de conduction cardiaques, il
n’existe pas de donnée pour le
confirmer [7]. n
Troubles de conduction
cardiaque
Correspondance
Dr Sylvain Rheims
Service de Neurologie Fonctionnelle et
d’Epileptologie, Hospices civils
59, Bd Pinel, 69677 Bron Cedex
E-mail : [email protected]
Concernant les troubles de conduction cardiaque, il a été mis en évidence un allongement dose-dépendant de l’espace PR, de 1,4 ms, 4,4 ms
Conflits d’intérêts
Sylvain Rheims a reçu des honoraires en
tant qu’orateur de GSK, EISAI et UCB pharma.
Bibliographie
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Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
Prescrire...
L’eslicarbazépine
Ce qu’il faut savoir
Benjamin Cretin*
En conséquence, certaines interactions médicamenteuses sont à
prendre en compte [6].
Introduction
L’eslicarbazépine (ESL, Zebinix®) est disponible dans le traitement en add-on des
épilepsies partielles de l’adulte depuis 2012. Ce bref texte est une synthèse des
informations pertinentes relatives au bon usage de ce nouvel antiépileptique.
Mécanisme d’action
L’eslicarbazépine (ESL) est une
molécule dérivée de la carbamazépine (CBZ, Tegretol®), à côté de
laquelle elle vient donc se ranger
dans l’arsenal des antiépileptiques disponibles. Elle est de fait
cousine de l’oxcarbazépine (OXC,
Trileptal®).
Ces trois médicaments partagent
le point commun d’être des inhibiteurs des canaux sodiques
voltage-dépendants (VoltageGated Sodium Channel ou VGSC)
[1]. Ainsi, l’ESL inhibe les neurones à décharge rapide dans
certains modèles in vitro et elle
a aussi démontré son efficacité in
vivo (réduction de la fréquence et
de l’intensité des crises dans plusieurs modèles animaux d’épilepsie) [2]. La particularité de l’ESL
serait d’agir sur l’ouverture des
VGSC, mais aussi sur leur phase
de fermeture (période réfractaire
du canal, dite aussi période d’inactivation, allongée par l’ESL) [3].
Pharmacologie
L’ESL – dont le nom commercial en
France est Zebinix® – est préparée
*Département de Neurologie des Hôpitaux Universitaires de
Strasbourg ; Centre Mémoire, de Ressources et de Recherche
d’Alsace (Strasbourg-Colmar) ; Laboratoire ICUBE, CNRS (UMR
7237), Université de Strasbourg ; Centre de Compétences des
démences rares des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg
344
• inhibiteur faible du CYP2C19
(principaux substrats : antidépresseurs tricycliques et IRSS,
benzodiazépines, phénytoïne,
barbituriques, warfarine).
sous forme conjuguée (acétate d’eslicarbazépine) et présentée sous
forme de comprimés sécables.
L’acétate d’ESL est rapidement
absorbé après ingestion per os.
Un premier passage hépatique
permet un métabolisme rapide
par hydrolyse : l’ESL est dissociée
de l’acétate pour se retrouver sous
forme libre et devenir le véritable
principe actif du Zebinix®.
Le pic plasmatique est ensuite
atteint en 3 à 4 heures et la biodisponibilité est très élevée (> 90 %).
Le catabolisme de l’ESL est majoritairement assuré par voie de
glucurono-conjugaison hépatique
puis d’élimination urinaire. Ainsi,
la clairance de l’ESL dépend du
débit de filtration rénale [4, 5].
Néanmoins, la transformation
enzymatique de l’ESL libère certains métabolites en quantités
modérées : l’oxcarbazépine et la
R-licarbazépine.
Notons que la demi-vie de la molécule est de 20 à 24 heures à l’état
d’équilibre (obtenu après 4 à 5 jours
de prise).
Sur le plan enzymatique, l’ESL a un
faible effet sur les cytochromes :
• inducteur faible du CYP3A4
(principaux substrats : antiviraux,
immunosuppresseurs, chimiothérapies, digoxine, contraceptifs) ;
• Avec les antiépileptiques
L’ESL augmente les taux circulants de PHT (+30 % en moyenne)
et diminue modérément (-15 %)
ceux de la lamotrigine (LTG). Les
taux de levetiracetam (LEV), de
valproate (VPA), de topiramate
(TPM) et de CBZ ne sont pas modifiés. A l’inverse, la phénytoïne
(PHT) et la CBZ sont capables, par
leurs forts effets inducteurs sur les
cytochromes, de diminuer l’exposition à l’ESL.
• Avec les traitements
non antiépileptiques
Il existe une diminution importante des taux de contraceptifs
oraux (-37 à 42 %), de simvastatine
(-50 %) et de warfarine (-23 %) ;
cela peut avoir un impact clinique
significatif.
Efficacité de
l’eslicarbazépine
L’ESL est d’indication restreinte
actuellement : dans les épilepsies
partielles de l’adulte, avec ou sans
généralisation. Elle ne concerne
pas les patients nouvellement
diagnostiqués car elle n’a pas
l’agrément pour être prescrite en
monothérapie.
L’ESL est donc réservée à la
post-monothérapie, c’est-àdire qu’elle ne peut être utilisée
qu’en association.
D’autres indications viendront
sans doute, mais le développement
récent de la molécule n’a pas encore
apporté de résultats suffisants.
Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
L’eslicarbazépine
S’agissant des épilepsies partielles,
les résultats globaux ont été publiés
dans trois études principales entre
2009 et 2010 [5, 7, 8].
Il faut en retenir que la dose de
400 mg/j (1/2 cp par jour) est en
général insuffisante, avec un taux
de répondeurs (diminution de la
fréquence des crises ≤ 50 %) qui
ne diffère pas statistiquement du
placebo. A l’inverse, on observe
un effet-dose pour les posologies
de 800 mg et 1 200 mg/j, puisque
le taux de répondeurs passe à
36 % puis 44 % respectivement. Ces
résultats sont statistiquement significatifs. Cela dit, le taux médian
de réduction des crises était de
35 % avec 800 mg/j et 39 % avec
1 200 mg/j.
Les trois études contrôlées ont
aussi montré qu’il n’y avait pas
d’association médicamenteuse
privilégiée pour l’ESL : elle peut
être combinée autant à des inhibiteurs des VGSC qu’à d’autres
types de molécules, sans différence
d’efficacité [9]. Les études n’ont pas
montré d’effet synergique de l’association de l’ESL avec un autre antiépileptique (au contraire du duo
LTG-VPA par exemple), alors que
l’association ESL-CBZ s’est révélée
plutôt défavorable en termes de
tolérance (donc à éviter, cf. infra).
Pour finir, l’ESL est efficace indépendamment du sexe, de l’âge, de
l’origine géographique, du nombre
d’antiépileptiques concomitants,
de la durée d’évolution de l’épilepsie et du type de crises (crises
partielles simples vs complexes,
frontales vs temporales…).
Tolérance de
l’eslicarbazépine
Au niveau clinique Les effets secondaires de l’ESL
Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
sont dose-dépendants [9].
Ils surviennent en général en début
de traitement et cèdent dans les 2
à 6 semaines suivantes.
Le trio sensations ébrieuses-somnolence-céphalées concerne plus
de 20 % des patients, et jusqu’à
plus de la moitié d’entre eux [9]. Plus
généralement, les effets iatrogènes
sont classiques de l’imprégnation
aux “zépines” (CBZ, OXC) : sensations vertigineuses voire vertiges
vrais (20 à 80 %), impression de
vue brouillée voire franche diplopie (8 à 15 %). Les troubles de
la coordination segmentaire ou
de la marche sont courants (5 à
10 %), nausées et vomissements
aussi (8 à 15 %).
On reconnaît ici les effets indésirables attribués au lacosamide
[10], ainsi qu’à la LTG et à la PHT
(effets-classe des inhibiteurs de
VGSC).
L’ESL a une meilleure tolérance
cutanée que l’OXC et la CBZ
(≈ 1 % de rashs cutanés pour l’ESL
contre 6 à 7 % pour OXC ou CBZ)
[5, 8, 9, 11].
Enfin, elle n’a pas d’incidence
sur la prise de poids ou sur les
constantes usuelles (tension
artérielle, fréquence cardiaque,
température corporelle).
Globalement, la tolérance de
l’ESL est bonne : taux total d’arrêt
des études pour effets indésirables
= 14 % [9].
Dans les évaluations randomisées, l’ESL était principalement
associée aux trois molécules suivantes (par ordre décroissant) :
CBZ, VPA et LTG [9]. LEV, TPM
et PHT venaient ensuite. Aucune
n’avait d’impact sur la fréquence
des effets secondaires, exception
faite de la CBZ qui induisait plus
souvent une diplopie (≈ 6 fois
plus fréquente), des sensations
ébrieuses ou des troubles de la
coordination (2-3 fois plus fréquents) [9].
Au niveau biologique L’ESL n’a pas d’effets particuliers
sur les paramètres de la coagulation ou sur la fonction rénale, et
rarement sur les constantes hématologiques, hépatiques ou hydroélectrolytiques [9]. Bien que peu
courants, des effets significatifs
existent quand même (généralement peu graves) :
• leucopénie et thrombopénie se
rencontrent dans moins de 4 %
des cas ;
• l’hyponatrémie (< 125 mmol/l)
survient dans moins de 1 % des cas,
et presque exclusivement lors de
l’association à la CBZ ;
• l’augmentation des enzymes
hépatiques apparaît pour moins
de 1 % des patients ;
• l’augmentation des LDL ne se
rencontre que pour les doses de
1 200 mg/j [9].
Au niveau
électrocardiographique
L’ESL n’a pas d’effets cardiaques
cliniquement significatifs (fréquence cardiaque, intervalle QT)
mais un allongement du PR est
possible ; il doit rendre prudent
chez les patients affectés de bloc
auriculo-ventriculaire ou de bradycardie [6].
Synthèse pratique
L’ESL est un médicament autorisé
en add-on dans les épilepsies focales
de l’adulte, sans originalité de son
mode d’action : il s’agit d’un dérivé
de molécules connues à action spécifique sur les VGCS (ESL, CBZ,
OXC, dites aussi “zépines” et en fait
dibenz[/b,f/]azepines).
Son intérêt est donc ailleurs :
celui de présenter un profil
345
Prescrire...
pharmacologique plus avantageux que ses devancières (longue
demi-vie, pas trop inducteur enzymatique ni trop pourvoyeur de
dérivés époxydes), et donc une plus
grande commodité d’utilisation
(une prise par jour, peu d’hyponatrémie ou de rash cutané, bonne
tolérance globale) [11].
Seule limitation : l’adaptation
des doses pour une clairance de la
créatinine < 60 ml/min (prescription interdite pour une clairance
< 30 ml/min) [6]. Une surveillance
biologique en début de traitement
reste recommandée (NFS, bilan
hépatique, ionogramme).
L’ESL est efficace cliniquement,
et ses performances se situent
autant dans la moyenne des
antiépileptiques usuels [10,12]
que de ceux à venir (rétigabine,
perampanel, carisbamate, brivaracetam) [13].
Malgré un mode d’action redondant avec celui de la LTG et de
la PHT (inhibition des VGSC),
l’ESL peut leur être associée
sans déperdition d’efficacité ni
addition des effets secondaires.
Par contre, ceci ne vaut pas pour
la CBZ qui majore clairement la
iatrogénie clinico-biologique [5,79]. L’explication provient vraisemblablement de métabolites partagés. L’association CBZ-ESL est
donc déconseillée, de même que
l’association ESL-OXC (l’OXC
est un des métabolites de l’ESL).
Bien que peu perturbatrice sur
le plan enzymatique, l’ESL reste
dotée d’une capacité d’induction
dose-dépendante :
• cela peut impacter significativement les taux de certains antiépileptiques (cf. pharmacologie)
et avoir des conséquences sur le
calendrier des crises des patients.
De ce point de vue, la dose de
800 mg offre la meilleure efficience
(rapport efficacité/tolérance) [9] ;
• cela doit aussi être pris en
compte lors de la prescription
concomitante de contraceptifs
(perte d’efficacité) et dans la surveillance des effets osseux, voire
fracturaires, du traitement (supplémentation en vitamine D). n
Conflits d’intérêts
Aucun.
B. Cretin n’a notamment reçu aucune
subvention de la part des laboratoires
Eisai pour la rédaction de ce texte.
Correspondance
Dr Benjamin Cretin
CMRR d’Alsace, Département de
Neurologie des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Pôle Tête et Cou
Hôpital de Hautepierre
1, avenue Molière
67200 Strasbourg
E-mail : [email protected]
Mots-clés :
Epilepsie, Eslicarbazépine, Inhibiteurs
des canaux sodiques voltagedépendants, Pharmacologie,
Efficacité, Tolérance,
Prescription
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