Les indispensables de la Communauté A Saint-Vith, on est

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Les indispensables de la Communauté A Saint-Vith, on est
Le Soir Mercredi 10 et jeudi 11 novembre 2010
Le Soir Mercredi 10 et jeudi 11 novembre 2010
20 zoom
zoom
Voyage parmi
les « oubliés »
de la Belgique
Les bons tuyaux d’Adrian Küchenberg,
34 ans, responsable de la télé publique
germanophone BRFtv et journaliste-présentateur.
REPORTAGE
n fait antichambre. Mais où
reste cet ambassadeur ? Son
bureau est là. La Constitution
du nouvel Etat qu’il représente aussi.
La photo de son président. L’armoire
où sont répertoriées les archives des
différentes administrations. Ministère des tuyauteries bouchées. Ministère des finances futures. Ministère des
échanges corporels. La République libre de Clairefontaine dont on visite
l’ambassade est de celle qui prétendent vous assister de la vie à la mort.
Le hasard a voulu que nous commencions ce reportage consacré à la
Communauté germanophone de Belgique par une visite au musée Ikob
d’Eupen. « Rotenberg, 12, à côté du
GB, vous ne pouvez pas le manquer »,
avait indiqué son conservateur, Francis Feidler. Et c’est là que l’on a croisé
l’œuvre de l’artiste luxembourgeois
Jerry Frantz qui représente une ambassade : celle de la République
(très) libre de Clairefontaine. Les cantons d’Eupen et de Saint-Vith sont
partie prenante de ce pays imaginaire. Ce qui en intrigue plus d’un : « Les
gens s’y perdent. En tout cas, ça c’est
une réalité », commente Francis Feidler.
O
« Il s’agit surtout
pour Lambertz de
se positionner
dans le jeu
politique actuel »,
Cette « réalité » n’a pu échapper
au ministre-président de la Communauté germanophone, le socialiste
Karl-Heinz Lambertz, lorsqu’il vint
inaugurer ladite ambassade. Peutêtre y a-t-il même vu un signe du destin. Fustigé pour avoir évoqué un hypothétique rattachement de la Communauté à l’Allemagne en 2009,
prompt aujourd’hui à souhaiter l’avènement d’une véritable région-communauté, Lambertz continue d’avancer ses pions. Croit-il vraiment en
une région germanophone à part entière ? « Il s’agit surtout pour lui de se
positionner dans le jeu politique actuel », analyse un journaliste de la place. « Si la Belgique devait opter pour le
plan B, pour la séparation, il ne faudrait pas que les germanophones
soient réduits à l’appendice d’une Wallonie indépendante. Lambertz ne veut
pas arriver trop tard. Mais ça ne va
pas plus loin ».
Vraiment ? En ces temps de délitement des Etats nations où, de la Catalogne à la Flandre en passant par
l’Ecosse et le nord de l’Italie, les aspirations autonomistes sont légion,
pourquoi en irait-il autrement en
Communauté germanophone ? Situation géographique privilégiée,
atouts économiques, attachement
au terroir… autant d’éléments qui
conduiraient ailleurs à l’affrontement des régions et de l’Etat central.
Mais pas ici. Pourquoi ?
Pour le savoir, nous nous sommes
rendus à Herbesthal, dans la commune de Lontzen, au nord d’Eupen. Herbesthal, un petit village aux maisons
de brique sagement alignées, délimi-
« A cause de ces
bêtises, on n’aura
pas la Coupe du
Monde 2018 ! »
« De ce côté-ci, on parle allemand,
de l’autre français », explique un cordonnier dont l’échoppe flirte avec le
trottoir germanophone de la Rue mitoyenne. En théorie du moins. Couvrant les grosses voix qui résonnent
en patois allemand, le cordonnier accueille ses clients… en français. « En
fait, tout le monde parle les deux langues. On n’est pas comme les Flamands et les Wallons, hein ! ». Une petite pique destinée aux francophones qui habitent de l’autre côté de la
chaussée, sur la commune de Welkenraedt ? Pas du tout : « L’entente
est très bonne entre les deux communes. Mais à cause de ces bêtises entre
Flamands et francophones, on n’aura
pas la Coupe du Monde 2018 ! »
Arrangeant, le cordonnier ? Oui et
non. S’enfoncer dans les ruelles de
Welkenraedt permet de se faire une
idée. « C’est comme si la Rue mitoyenne n’existait pas. Francophones, germanophones, nous sommes tous mélangés, et ça se passe très bien », s’enthousiasme par exemple un boulanger qui voit défiler dans son commerce des habitants des deux communes. Et puis, il y a Madame Kessler qui
tient une papeterie sur la place de
Welkenraedt depuis 33 ans : « Je parle français et allemand tous les jours
avec mes clients. C’est un bon exercice ! »
Comme leurs concitoyens, les autorités communales ont choisi de prendre cette autre frontière linguistique
avec le sourire. Tout au long de la rue
Mitoyenne, Welkenraedt et Lontzen
organisent des manifestations communes, main dans la main. C’est là
qu’arrive le Tour de Wallonie. C’est là
aussi que passe le fameux cortège
du Carnaval. Pratique : les frais sont
divisés en deux, les ressources humaines et matérielles multipliées par
deux. Quant au Prince Carnaval, il est
une année originaire de Lontzen,
l’autre année de Welkenraedt.
« Ensemble, nous sommes plus
forts », constate Sarah Ernst, adjointe
à la commune de Welkenraedt. Pour
elle comme pour de nombreux habitants du coin, les problèmes dans les
communes à facilités autour de Bruxelles sont incompréhensibles. La clé
d’une si bonne entente ? Sarah Ernst
ne sait pas. « Peut-être parce que les
gens maîtrisent les deux langues »,
suggère-t-elle. Même si, elle l’avoue,
c’est en français que les deux administrations communiquent.
Cette tolérance ne fait toutefois
pas l’unanimité. Il y a en réalité un bémol à cette belle entente. Dans un café du centre d’Eupen, une femme se
renfrogne : « Kein Hass », répète-t-elle. « Pas de haine entre les deux communautés, non, mais une triste ten-
« Aucun pays ne
nous a traités
aussi bien que
la Belgique »
Ces raisons sont d’abord historiques. Ballottés par les guerres et les
conquêtes, les germanophones connaissent le prix de la paix et de la stabilité. « On entend souvent les gens
d’ici dire qu’aucun pays ne nous a traités aussi bien que la Belgique », glisse
le démocrate-chrétien Mathieu
Grosch, bourgmestre de Kelmis (La
Calamine) et député européen. « Même si l’Allemagne a un attrait économique évident et parle leur langue, ils
trouvent que la Belgique reste un Etat
plus agréable. Ce qu’on ressent n’a
rien à voir avec l’Alsace où les gens
vous disent en été qu’ils partent en vacances en France ».
Tiraillés depuis la fin du XVIIIe siècle entre la France, la Prusse, l’Allemagne et la Belgique, les « cantons » aspirent à vivre au calme. Il leur a fallu
attendre… 1989 pour que le « dilemme » des soldats enrôlés de force par
le IIIe Reich soit tranché. Alors, ces
querelles entre francophones et Flamands, ils peuvent très bien s’en passer… « Nous sommes au balcon et
nous n’aimons pas quand papa et maman se disputent », lâche en une jolie
formule Fred Evers, l’ancien bourgmestre libéral d’Eupen.
D’autant que l’après-guerre a plutôt bien réussi aux 7.4000 germanophones, économiquement parlant.
Leurs PME vivent au rythme de l’Allemagne, du Luxembourg et des régions belges. Plurilingues, navet-
teurs patentés, ils y vendent sans
grande difficulté leurs services. En
2009, le chômage y était bien sûr en
hausse, mais il n’atteignait que 8,1 %
contre 16,5 % pour la Wallonie et
22,4 % pour Bruxelles (mais 7 % en
Flandre). « Il est vrai que nous n’avons
pas eu à supporter des chantiers énormes comme la reconversion de la sidérurgie », nuance Fred Evers.
« Les
germanophones
ne sont pas
différents »
Cette relative stabilité permet la
survivance d’un paternalisme d’entreprise. Société phare de l’endroit,
les Câbleries d’Eupen qui emploient
un millier de personnes veulent conserver un ancrage local – malgré une
implantation aux Philippines. « Si
tout le monde partait en Chine, ça
créerait des problèmes. C’est un peu à
la mode de faire des expériences », philosophe le Chevalier Bourseaux, leur
président-administrateur délégué.
Il y a bien sûr des ombres à ce tableau. La population vieillit comme
ailleurs. Les jeunes, qui ont le plus
souvent étudié à Louvain-la-Neuve
et à Liège, sont facilement recrutés à
l’étranger en raison de leur multilinguisme. Et l’on se met ici à parler de
« brain drain » (fuite des cerveaux)
comme dans n’importe quel pays
d’émigration. « L’une de nos tâches
consiste à essayer de stopper ces départs en rendant l’offre d’emploi plus
attractive », commente Marc Langhor, à la Société de promotion économique pour l’est de la Belgique
(WFG).
A force de déambuler dans les
rues d’Eupen, on se fait l’idée d’une
Belgique différente, comme hors du
temps. « Ce n’est pourtant pas le paradis sur terre », tempère Fred Evers.
« Les germanophones ne sont pas différents des Flamands ou des Wallons.
Mais l’environnement les a poussés à
se positionner autrement ». Du reste,
ils ne semblent rien attendre de la politique que des assurances et quelques aménagements. L’assurance
qu’on ne les oubliera. Des aménagements qui leur permettront, via l’attribution de nouvelles compétences à
la Communauté (que beaucoup jugent déjà « très confortable »), de gérer davantage eux-mêmes leur existence. « Qu’est-ce que ça peut bien faire aux Wallons que nous placions des
lucarnes dans nos toits ! », s’amuse
l’ancien bourgmestre.
« Aux Sans Soucis », un restaurant
de la Bergstrasse, on taille le bout de
gras avec la patronne. Les querelles
belgo-belges, « on trouve ça très triste ». Pour le reste, la vie continue. Au
diable la politique, Eupen a vaincu le
Standard ! Et puis, voici revenu le
temps du carnaval. « Le 11 novembre,
on le fêtera après l’armistice. C’est tout
de même plus sympa de faire la fête
ensemble ». Car ici on aime être ensemble. Dans les associations, les
chorales et les comités. C’est un autre visage de cette Belgique-là ■
PASCAL MARTIN
VALÉRIE GILLIOZ (ST)
RAEREN
Musée de la poterie Situé dans un splendide château d’eau du XIVe siècle – typique de l’ancien duché
du Limbourg –, c’est le musée le plus important en Communauté germanophone. A partir du XVe siècle, la poterie de Raeren est exportée partout en Europe. On en retrouve même sur le fameux « Banquet de mariage » de
Breughel. L’exposition permanente montre plus de
2.000 pièces originales.
nes et moins jeunes de la commune
la plus au nord de la Communauté germanophone (près du site des Trois
Frontières). Le vendredi et le samedi,
les sportifs viennent s’y rafraîchir
après l’entraînement. Particularités :
outre le rock et la pop, le DJ joue de la
musique de carnaval en plein milieu
de l’année. Normal à La Calamine où
presque chaque famille est impliquée
dans une association proche du carnaval.
Möhrenmuseum Le musée de la carotte, à Eynatten (Raeren). Probablement l’un des plus petits musées
du monde.
FLANDRE
BRUXELLES
La Calamine
Le Graffiti Tenu depuis 25 ans par la fa-
Discothèque Le Graffiti
mille Bühler, père et fils. Situé sur la N3, entre La Calamine et Henri-Chapelle, ce dancing attire un public belge, francophone et
germanophone. Très apprécié aussi des Allemands. Beaucoup de shows live (Venga
Boys, Kate Ryan, Silver…). Une fois par an,
les stars du carnaval de Kelmis,
Dom&Döll, s’y produisent avec leurs nouvelles chansons.
Les forêts et les
randonnées Superbes ran-
Raeren
données et tours de vélo dans
presque chacune des 9 communes. Quelques GR traversent le territoire, notamment
le GR5 Amsterdam-Nice.
WALLONIE
Thierry Neuville
Aloys Joosten
Procureur du Tribunal pénal
international pour l’ex-Yougoslavie. D’Eupen.
Pilote automobile (rallye).
De Saint-Vith.
Evêque de Liège. De SaintVith.
L’AS Eupen
Daniel Offermann
Alice Smeets
Premier club de foot germanophone en D1. A battu le Standard, à Sclessin, samedi.
Bassiste de Girls in Hawaï et
d’Hallo Kosmo. D’Eupen.
Photojournaliste. Photo de
l’année 2008 pour l’Unicef.
D’Eupen.
Eupen
EUPEN
Café Pigalle Depuis 30 ans le lieu de rencontre culte de
la jeunesse eupenoise. Avec DJ les mercredis, vendredis et
samedis. Parfois des groupes jazz ou rock s’y produisent.
C’est ici que se retrouvent les étudiants lorsqu’ils reviennent de Liège, LLN, Namur, Aachen ou Bruxelles le vendredi.
Les moins jeunes restent fidèles, eux aussi, à l’endroit. Le tenancier Rick, décédé il y a deux ans, était un ami, voire un
père pour ses (jeunes) clients. Il aimait à dire que du rhétoricien à l’employé de la ville en passant par la reine de Suède
(dont un frère habite à Eupen) ou le motard de 60 ans, tout
le monde se sentait bien dans son café. L’enterrement de
Rick fut un événement majeur en Communauté germanophone. Le bar a été repris par son frère et est tenu dans le
même esprit.
Région de langue française
avec facilités pour
les germanophones
Ternell
Région de langue allemande
avec facilités pour
les francophones
ELSENBORN
Le camp d’Elsenborn
Caserne de la Défense. Une fois par an, le site est ouvert au grand
public. Grande réserve des Fagnes.
Das Hohe Venn
Le camp d’Elsenborn
Ikob Musée d’art contemporain de la Communauté germanophone situé à Eupen. Son directeur, Francis Feidler, entretient d’excellents rapports avec tous les grands musées et
curateurs de Belgique, d’Allemagne, des Pays-Bas…
Deidenberg
(Commune Amel-Amblève)
Take Five Lieu culte de l’Eifel et
seul café avec une vraie moto attachée au mur. Il attire un public de 12
à 70 ans et mise beaucoup sur la
musique live. Dans la salle du premier étage ont lieu des concerts
jazz ou rock. C’est un endroit d’une
longue tradition qui a été entièrement rénové récemment. Il y a même une piste de quilles.
Schieferstollen
Saint-Vith
Schieferstollen in Recht
Ancienne mine d’ardoise dans
ce petit village de l’Eifel. Une
partie des villageois sont des
descendants de huguenots, une
autre partie descend de
tailleurs de pierre autrichiens.
prisé par les familles et les « classes vertes ».
FAGNES
Das Hohe Venn Ce qui réunit le plus les
la plus grande réserve d’eau potable de Belgique. La station
d’épuration produit de l’eau potable livrée jusqu’à la périphérie de Liège. La tour offre une superbe vue jusqu’à HenriChapelle.
DEIDENBERG
BUTGENBACH
Le lac de Butgenbach But d’excursion
Bütgenbach
Le barrage de la Vesdre A côté du lac de la Gileppe,
germanophones est ce qui les sépare le plus :
les Hautes Fagnes, Das Hohe Venn. À côté de
profondes forêts de sapins, elles caractérisent
le plus la Belgique de l’Est (Ostbelgien). Pourtant, le long de la N 676 du côté de Botrange
et de la Baraque Michel, elles sont situées sur
le territoire de communes francophones : Jalhay, Malmedy et Waimes. La N 676 est le lien
entre le sud et le nord de la Communauté, entre les habitants de l’Eifel et ceux du pays d’Eupen et de La Calamine. Dans l’Eifel, on parle
un allemand légèrement différent et un patois
complètement différent, qui y est toujours la
langue courante, même chez les jeunes. Les
Fagnes se prolongent jusqu’à la frontière allemande et sur le territoire d’Eupen. Magnifiques et peu connus des Belges : le Brackvenn
et le Allgemeines Venn, près de Mützenich. Le
centre d’accueil Ternell abrite même un petit
musée botanique.
A Saint-Vith, on est
« Belge avant tout »
SAINT-VITH
Ratskeller Café d’une très longue traLe château
de Burg-Reuland
dition. Atmosphère de salon familial.
Bondé le week-end. Les jeunes y côtoient leurs aînés. L’endroit affronte
pas mal de concurrence ces dernières
années avec l’apparition de nouveaux
cafés. Mais il reste un lieu culte.
Le château de Burg-Reuland
Vestiges historiques datant du 12e siècle dans la commune située le plus au
sud de la Communauté germanophone et donc la plus proche du Luxembourg.
LES INFOS ET LES ADRESSES
Office du Tourisme des Cantons de l’Est
Mühlenbachstraße 2 - BP 66. B-4780 Saint-Vith.
080/22.76.64. ou [email protected]/ [email protected]/ www.eastbelgium.com/
l y a énormément de supporters
d’équipes de foot allemandes,
ici. Mais quand il s’agit de compétition internationale, tout le
monde regarde les matchs pour
voir perdre l’Allemagne. Les Diables rouges, c’est notre équipe. »
L’anecdote résume parfaitement la situation de Saint-Vith, située aux confins de la région wallonne, de l’Allemagne et du
Grand-Duché de Luxembourg.
« Ici, on se sent Belge avant tout, assure Thomas Hebertz, directeur
faisant fonction du Triangel, le
centre culturel dont vient de se
doter la « communauté germanophone du sud ». La Belgique est
notre pays, on se sent bien dans sa
diversité culturelle. C’est vrai, c’est
bizarre car notre culture est allemande. Mais on regarde l’Allemagne de l’extérieur. » Et ce, malgré
l’usage de la langue et des enseignes germaniques qui pourraient perturber le touriste égaré.
Et Eupen ? Là, c’est la « grande
ville », le nord, géographiquement plus proche d’Aix-la-Chapelle, et donc davantage tourné vers
l’Allemagne. Dans le sud, soit en
Eifel belge, il y a 5 communes et
28.000 habitants. La ville, c’est
Saint-Vith, avec 3.500 citoyens vivant en son centre. Une cité plus
rurale qu’urbaine. Un travailleur
saint-vithois sur quatre gagne sa
croûte au Grand-Duché de
I
LE TABLEAU DE BORD
Superficie : 854 kilomètres
carrés (Belgique : 30.528)
Nombre d’habitants : 73.675
Nombre de communes : 9
Commune la plus peuplée :
Eupen, 18.313 habitants
Commune la moins peuplée :
Burg-Reuland, 3.957 habitants
Proportion du territoire qui
est bâtie : 3,6 %
Densité de la population :
86,3 habitants par kilomètre
carré (Belgique : 359)
Taux de chômage : 8,3 %
Nombre de ministres : 4
Serge Brammertz
Luxembourg, dont la frontière se
dessine à 12 km. Et les statistiques grimpent plus on s’en rapproche. Pour le reste, même si
l’histoire des deux régions est différente, au nord comme au sud,
on lit le Grenz Echo et on écoute
la BRF. On regarde la télé et on lit
les journaux allemands. Parfois,
on suit les infos sur la RTBF. Mais
on zappe rapidement pour les
films et les divertissements, bien
plus confortables à suivre dans sa
langue maternelle. Et Günther
Jauch, présentateur de Wer wird
millionär ? est bien plus connu
dans les cantons de l’est que ses
homologues francophones.
Par contre, pour l’enseignement, 9 étudiants sur 10 préfèrent les universités belges aux allemandes. « On ne se pose pas la
question, lance l’un d’eux. Ça
nous permet de perfectionner une
seconde langue. »
« Le meilleur de tout »
Dans la rue principale de SaintVith, au Presse Center, une cinquantaine de journaux francophones sont vendus tous les
jours. « Surtout quand il y a des offres spéciales ou des événements
bien précis. » Les clients se tournent essentiellement vers la presse germanique. Le constat est encore plus frappant à la librairie papeterie Jousten. « On ne vend que
des livres et journaux en allemand.
Tout ce qui est en français, c’est sur
commande. Mais c’est très rare car
ça traîne, ça prend du temps. En Allemagne, cela va beaucoup plus vite. Cela dit, pour vivre, on est bien
mieux ici, en Belgique… »
Raison historique ? Les habitants du territoire ont changé plusieurs fois de nationalité, dans
l’entre deux guerres. Et Saint-Vith
a été totalement détruite en
1944. « Cela a causé de grandes
douleurs, confie le bourgmestre
Christian Krings. C’est pourquoi
lorsque nous sommes devenus belges en 45, on était soulagé, enfin
en paix. Et puis, en Belgique on
peut vivre en autonomie. C’est
quelque chose qu’on ne pourrait
pas espérer en Allemagne, où on
ne représenterait rien parmi les 80
millions d’habitants. »
Et si la Belgique n’existe plus ?
« Créer un état indépendant serait
difficilement viable. Nous sommes
des Belges d’expression germanophone, ce que nous préférons, c’est
la situation actuelle, ou rester avec
la Wallonie. » Dans la rue, la question récolte les mêmes réponses,
ou au contraire, des regards indifférents. « Ici, comme c’est une région frontalière, on prend le meilleur de tout. Alors faire partie de
l’un ou de l’autre… C’est des histoires de politique. » ■
ANNE-CATHERINE DE BAST
www.lesoir.be
1NL
09/11/10 22:17 - LE_SOIR
dance : ce sont toujours les germanophones qui font l’effort de parler le
français, et pas l’inverse ». En réalité,
beaucoup d’habitants de Welkenraedt ne sont pas bilingues.
Bref, une petite rancœur. Celle des
germanophones qui se savent trop
peu nombreux pour être entendus.
Fiers d’être Belges, ils se considèrent
néanmoins comme les « oubliés » de
la Belgique. « Ce n’est même pas le
fait qu’on nous oublie, c’est qu’on ne
sait tout simplement pas que nous
existons ! » s’exclame une commerçante. Un vieil homme intervient :
« Vous faites un article sur la Communauté germanophone ? C’est tellement rare que l’on s’intéresse à
nous ! ».
Plusieurs lieux, plusieurs personnes, mais une même impression : les
germanophones forment une communauté spécifique. « Nous sommes
en quelque sorte les derniers Belges »,
sourit Hans Zimmermann, directeur
de l’école primaire Pater Damian, au
cœur d’Eupen. Il perçoit cependant
une évolution : « Les enfants sont de
plus en plus tournés vers l’Allemagne :
ils écoutent de la musique allemande,
regardent la télévision allemande, soutiennent les clubs de Bundesliga. Par
contre, dans les matchs internationaux, là ils sont pour la Belgique ! »
Plusieurs raisons expliquent cet
état d’esprit, celui d’une minorité qui
n’a rien d’un groupe opprimé mais
qui n’a eu d’autre choix que de
s’adapter.
Les VIP germanophones ? « En fait, répond Adrian Küchenberg, nous n’en avons pas, dans la
mesure où c’est tellement petit, chez nous, qu’on croise tout le temps celles et ceux qui sont
célèbres. Pour boire un verre, en se promenant, etc. Nous n’avons donc pas d’équivalents
aux BV, les Bekende Vlamingen. Mais nous avons des natifs d’ici qui sont connus à l’extérieur
de chez nous. En voilà six, outre bien sûr Karl-Heinz Lambertz. »
© SYLVAIN PIRAUX
AU CARREFOUR des cultures, les germanophones tirent
leur épingle du jeu. Ah ! si on pouvait parler un peu plus d’eux.
té à l’ouest par la « Rue mitoyenne »
qui fit office dès 1816 de frontière entre la Belgique et la Prusse. Aujourd’hui, elle sépare la Communauté
germanophone de sa sœur francophone.
LEURS VIP
Les indispensables de la Communauté
KELMIS - LA CALAMINE
An ‘ne Eck Le rendez-vous des jeu-
21
du 10/11/10 - p. 20

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