QUELLES SONT LES BASES DE L`ÁSATRÚ? En voilà une bonne

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QUELLES SONT LES BASES DE L`ÁSATRÚ? En voilà une bonne
QUELLES SONT LES BASES DE L’ÁSATRÚ?
En voilà une bonne question ! J’attire automatiquement votre attention sur les
magnifiques ouvrages de Arnaud et Anne-Laure d’Apremont, La Tradition
Nordique volumes 1 et 2, aux Éditions Pardèsi.
Bien des hypothèses circulent sur la définition de l’odinisme et de l’Ásatrú. On
peut d’abord mentionner que l’Odinisme est un mot formé à partir du nom du
« Père de tous » dans la mythologie germanique puisqu’il semblerait que ce soit
un culte exclusivement réservé à ce dernier. Contrairement à l’Ásatrú qui demeure
un culte général des divinités de la famille des Æsir, incluant Oðinn lui-même.
Voici quels sont les critères permettant d’identifier les adeptes de la tradition
religieuse de l’Europe du Nord en 2005 EC, établi lors du Freespirit festival de
1994 ii:
-
L’étude de l’histoire, de la civilisation et des langues germaniques
-
Croyance en l’existence des neuf mondes représentés par l’arbre Yggdrasil
-
Croyance générale en de nobles vertus inspirées des Sagas
-
Croyance en un panthéon majeur propre aux peuples germaniques
(Æsir et Vanir)
-
Croyance en un panthéon mineur (Alfar, Valkyries, landvættir, etc.)
-
Culte ancestral
-
Relation privée avec les divinités Æsir et Vanir
-
L’étude et l’utilisation des runes (le nombre de runes utilisées peut varier)
-
L’utilisation de symboles spécifiquement germaniques : le marteau de Thor, le
valknut, Irminsul, le fylfot, la croix odinique, cœur de Hrungnir, etc.
Clarifions tout d’abord les termes utilisés par les spécialistes des études
scandinaves : « Germanique, nordique, scandinave, norrois, viking » sont des
termes qui apparaissent souvent dans les ouvrages de Régis Boyer, FrançoisXavier Dillman et Jean Renaud notamment. Savons-nous vraiment la différence
entre ces mots?
Commençons par le mot « viking » qui semble être le mot ayant le plus frappé
notre imagination. Ce n’est pas un terme attaché à une ethnie mais bien à une
fonction dans les langues des anciens Scandinaves de l’époque médiévale. Dire
de quelqu’un qu’il est un « grand viking » signifie que c’est un puissant
commerçant qui traverse les mers pour faire fortune de baie en baie! En aucun
cas, il ne correspond à une classe de guerriers d’élite comme c’est le cas des
berserkerr, ces combattants en état de transe meurtrière, ou des Varègues à la
cour du Basileusiii.
Faisons maintenant la différence entre les termes « germanique et nordique ». Le
terme « germanique se réfère à la famille des langues germaniques de l’Ouest
(Par exemple le francique, le frison, le saxon, le haut allemand), les langues
germaniques de l’Est (par exemple le gotique éteint depuis le 18e Siècle) et les
langues germaniques du Nord (par exemple le suédois, le norvégien, le danois,
l’Islandais, le féringien).
Ces rameaux linguistiques concernent trois ensembles géographiques soit
l’Europe continentale elle-même subdivisée en ostique (l’Est) et en westique
(l’Ouest) et l’Europe du Nord connue sous le nom de Scandinavie ou pays
nordiques. La Scandinavie semblerait être un mot d’origine latine signifiant « le
pays d’en haut ». En l’occurrence, les mots « nordique et scandinave » semblent
être des synonymes.
Le terme « norrois » quant à lui se réfère à la langue parlée en Scandinavie
pendant tout le haut Moyen-âge européen, soit entre le 5e et le 11e siècle. Ce n’est
qu’à partir du bas Moyen-âge que l’on commence à entrevoir des différences
linguistiques entre la langue parlée au Jutland et la langue parlée par les Rus de
Hólmgardr par exemple.
En ce sens, l’appellation « norrois » concerne uniquement un concept d’ordre
linguistique et encore ne s’apparente pas exclusivement à une ethnie ou à un
groupe ethniqueiv.
1. L’ÉTUDE DE L’HISTOIRE, DE LA CIVILISATION ET DES LANGUES
GERMANIQUES
La civilisation germanique prend sa source dans le Sud de l’Allemagne au 5e
siècle avant l’ère commune. Elle s’est étendue sur le deux tiers de l’Europe
pendant l’âge du fer celtique, romain, germanique ancien et germanique récent.
Elle a terminé son expansion lors de la dernière vague d’invasions germaniques
entre le 8e et le 11e siècle de l’ère commune, appelée l’époque vikingv.
Aujourd’hui, les nations et états fédérés ayant été constitué par les anciens
peuples germaniques restent encore bien influentes dans le monde entier :
l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Normandie, l’Alsace, la
Lorraine, la Bourgogne, le Luxembourg, la Suisse, l’Autriche, le Danemark, la
Norvège, la Suède, l’Islande, les États-Unis d’Amérique, le Canada, l’Australie et la
Nouvelle-Zélande, pour ne nommer que ceux-ci.
Indéniablement, l’Ásatrú, en tant que tradition religieuse, reste indissociable de
l’histoire, de la civilisation matérielle et des langues des peuples germaniques.
Sans l’histoire et les récits mythologiques, l’Ásatrú n’a pas de raison d’exister car
elle se base sur les archives historiques et la mythologie germanique pour se
renouveler et renaître des siècles passés.
Forcément, les nordisants se doivent de s’intéresser moindrement à l’étude de
l’histoire des peuples germaniques ainsi qu’à leur cosmogonie et à leur panthéon
dans un seul et unique but : faire revivre la tradition religieuse de l’Europe du
Nord comme on la vivait au 10e siècle.
2. LES NEUF MONDES D’YGGDRASIL
La conception cosmique de l’Ásatrú se résume dans un symbole fort connu de la
mythologie germanique : l’arbre Yggdrasil signifiant « le coursier du redoutable ».
Cet arbre que les spécialistes désignent comme étant un hêtre, un if ou chêne
selon les sources, plonge ses racines dans le firmament et ses branches dans la
Terre. Ses branches renferment les neuf mondes composant le Multiversvi.
Les neuf mondes sont les suivants :
1. Asgard, le monde des dieux Ases
2. Ljösalfheim, le monde des Elfes de lumière
3. Vanaheim, le monde des dieux Vanes
4. Jotunheim, le monde des géants
5. Midgard, le monde du Milieu (la Terre), le monde des humains
6. Muspellsheim, le monde du feu
7. Nilfheim, le monde des brumes
8. Svartalfheim, le monde des Elfes sombres (les Nains)
9. Hel, le royaume de la mort
Par conséquent, les neuf mondes qui composent le cosmos sont intimement
reliés les uns aux autres et forment un ensemble d’enchevêtrements qu’on
appelle communément la toile du Wyrd.
La toile du Wyrd réagit à tout acte quotidien, si infime soit-il ! Dans le Wyrd, le
temps et l’espace n’existent pas ! Les nordisants croient que ce que leurs
ancêtres ont posé comme geste il y de ça 200 ans, a encore des répercussions
sur leur vie actuelle sans qu’on en prenne nécessairement conscience.
3. LES NOBLES VERTUS TIRÉES DES SAGAS ISLANDAISES
Le Ring of Troth, un célèbre groupe de l’Ásatrú aux États-Unis, a déterminé, après
de longues et sérieuses recherches philologiques, que les textes mythologiques
et les Sagas islandaises contiennent neuf nobles vertus véhiculées dans la
littérature de la civilisation germanique continentale et scandinave. Nous le
répétons, l’Ásatrú s’inscrit dans un contexte non-dogmatique. Par conséquent,
les neuf nobles vertus ne sont pas taillées dans le roc et ce n’est pas tout les
nordisants qui les adoptent avec autant de facilité.
Les fidèles de l’Ásatrú valorisent neuf nobles vertus que sont : le courage, la
vérité, l’honneur, la fidélité, la discipline, l’hospitalité, le dévouement la
persévérance et l’autonomie. Certains groupes en rajoutent jusqu’à trente nobles
vertusvii.
4. LA CROYANCE EN UN PANTHÉON GERMANIQUE MAJEUR
Nous voilà rendu au cœur de cette tradition religieuse de l’Europe du Nord, ces
divinités sans laquelle l’Ásatrú ne pourrait pas exister. Au début, il y avait une
seule famille : les Vanir. C’était une dynastie divine plutôt rattachée aux forces de
la Nature et de type agraire. Ses plus fiers représentants sont Njord (dieu de la
mer, de la pêche et de la navigation), Freyr (dieu de la prospérité et de la
fécondité) et Freyja (déesse de l’amour et de la magie vanique). On croit associé
cette famille divine aux anciens peuples de l’âge néolithique en Europe du Nord
avant l’arrivée des peuples germaniques au 3e siècle avant l’ère commune.
Lorsque les Germains s’installèrent en Europe continentale, en repoussant les
Celtes vers l’Ouest, ils apportèrent avec eux leur panthéon de type indo-européen
comme le démontre si brillamment George Dumézil. Des divinités guerrières
viennent s’installer dans la campagne européenne. Ce sont les Æsir, avec à la tête
du clan, Oðinn, dieu de la magie, de la poésie, de la guerre. Oðinn est suivi
principalement par Thor, Tyr, Heimdall, Baldr, Forseti et Ullrviii.
5. LA CROYANCE EN UN PANTHÉON GERMANIQUE MINEUR
Ce qui distingue beaucoup l’Ásatrú des autres religions polythéistes de
l’Antiquité européenne, ce sont les divinités mineures nommées communément le
« petit peuple »ix.
Les Alfar appartiennent au monde aérien ou éthéré. Ce sont des divinités
mineures plutôt bienveillantes. On les associe parfois aux anges gardiens. Il
existe une contrepartie féminine aux Alfar et ce sont les Disir et les Valkyries.
Les Svartalfar (les Nains ou plutôt les Elfes sombres) sont une race de Nains
vivants sous la terre et s’occupant surtout des richesses minières. En ce sens, ils
représentent la Terre. Les Landvættir, très connus en Scandinavie, sont des
esprits associés à un pays. On dit que les Vikings ornaient la proue de leurs
navires avec des têtes de monstres pour effrayer les Landvættir d’une terre
ennemie. Ils se devaient de défaire la proue pour ne pas effrayer les esprits,
lorsqu’ils arrivaient sur les rivages d’un pays allié. Toutes ces forces se doivent
d’être conciliées pour ainsi se voir attribuer leurs bonnes grâces. Il est à noter
qu’il existe une multitude d’autres créatures fantastiques dans la mythologie
germanique qu’il n’est pas nécessaire de nommer puisqu’aucun culte ne leur est
voué spécifiquement (par exemple les Trolls ou les géants).
La croyance en l’existence de toutes ces créatures ne signifie pas que l’on croit
bêtement aux Elfes et aux Nains! Il ne s’agit pas ici de peupler notre imaginaire de
créatures fantastiques par pure fantaisie! Ces créatures multi-millénaires existent
vraiment, mais pas sous une forme physique! Et comme le mentionnait Svenbjörn
Beinteinsson, « on ne peut pas les voir mais on peut les sentir! ».
6. LE CULTE ANCESTRAL
Encore ici, on constate un aspect distinctif de l’Ásatrú par rapport à la Wicca et au
néo-druidisme par exemple, soit le culte des ancêtres. La plus importante image
que l’on possède du culte ancestral chez les anciens Scandinaves reste le
Sumbel. Le Sumbel comme l’indique Maurice Cahen constitue une cérémonie
collective où on doit boire à la mémoire des ancêtres (drekka minni), puis des
dieux et enfin aux personnalités présentesx.
7. UNE RELATION PRIVÉE AVEC LES DIVINITÉS ÆSIR ET VANIR
« Fulltrúi et Kœri vinr » sont les deux expressions les plus utilisées dans les
prières islandaises de 874 à l’an 1000 de l’ère commune, lors de la conversion de
l’Islande au christianisme. Il est clair dans ce cas-ci que les nordisants
entretenaient une relation privilégiée avec leur divinité car ils la nommaient
respectivement le « confident absolu et le cher ami »xi.
8. L’ÉTUDE ET UTILISATION DES RUNES
Les différentes sociétés germaniques ont utilisées les runes au nombre de 24
signes avec l’ancien futhark ou de 16 signes avec le nouveau futhark à partir de
800 de l’ère commune. Quoiqu’il en soit, encore aujourd’hui les nordisants
ne daignent pas l’étude et l’utilisation des runes, que ce soit à des fins
commémoratives ou à des fins propitiatoires. Cela ne signifie en aucun cas que
l’utilisation des runes constitue un critère essentiel pour être reconnu comme un
membre à part entière de la communauté nordisante dans le monde! L’étude et
l’utilisation des runes ne restent qu’un accessoire à l’adoration des dieux
d’Asgard et de Vanaheimxii.
9. L’UTILISATION DE SYMBOLES SPÉCIFIQUEMENT GERMANIQUES
Le marteau de Thor, le valknut, Irminsul, le fylfot, la croix odinique et le cœur de
Hrungnir restent les symboles nordiques les plus utilisés par la communauté
nordisante dans le monde entier, mis à part l’utilisation des runes des ancien et
nouveau futhark xiii.
Il est à noter que le pentagramme, la fameuse étoile à cinq branches, n’est pas
originaire de Scandinavie ou des autres pays germaniques. Le pentagramme
serait apparu pour la première fois en Babylonie vers 3500 avant l’ère commune.
Par la suite, le symbole s’est répandu chez les Égyptiens, chez les Hébreux, chez
Pythagore pour finalement atterrir chez les kabbalistes de la Renaissance comme
Paracelse et plus tard, dans les mains du très célèbre kabbaliste français Eliphas
Lévi. Cela ne fait aucun doute que le nordisant d’aujourd’hui qui utilise le
pentagramme comme symbole nordique commet une grossière erreur!
© Tous droits réservés - Steinn Markvard Gillarson – Oðinnsgoði – 5 janvier 2006
[email protected]
i
La tradition nordique, Arnaud d’Apremont, Ed. Pardès, Puiseaux, 1999.
ii
The Pentagramm and the Hammer, Devyn Gillette et Lewis Stead, Freespirit festival, 1994.
iii
Les Vikings, Régis Boyer, coll. Pocket, Ed. Plon, Paris, 1992, p.149.
iv
Les Vikings, Régis Boyer, coll. Pocket, Ed. Plon, Paris, 1992, p.70.
v
Les Vikings, Régis Boyer, coll. Pocket, Ed. Plon, Paris, 1992, p.47.
vi
Les Vikings, Régis Boyer, coll. Pocket, Ed. Plon, Paris, 1992, p.344.
vii
La tradition nordique, Arnaud d’Apremont, Ed. Pardès, Puiseaux, 1999, p.97.
viii
L’Edda, Snorri Sturluson, traduit par François-Xavier Dillman, Paris, 1991. P.51.
ix
La tradition nordique, Arnaud d’Apremont, Ed. Pardès, Puiseaux, 1999, p.83.
x
Les Vikings, Régis Boyer, coll. Pocket, Ed. Plon, Paris, 1992, p.340.
xi
L’Islande médiévale, Régis Boyer, Ed. Belles lettres, Paris, 2001.
xii
Runes, Anne-Laure et Arnaud d’Apremont, Ed. Pardès, Puiseaux, 1997, p.44.
xiii
La tradition nordique, Arnaud d’Apremont, Ed. Pardès, Puiseaux, 1999, p.111.